Pko 08.01.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°02/2017

Dimanche 8 janvier 2017 – Épiphanie – Année A

Humeurs…

Comme les rois mages, mettons-nous en route – Pape François

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous célébrons aujourd’hui l’Épiphanie du Seigneur, c’est-à-dire la manifestation de Jésus qui resplendit comme une lumière pour toutes les nations. L’étoile, qui a guidé les mages à Bethléem, est le symbole de cette lumière qui resplendit dans le monde et veut éclairer la vie de chacun. Ils ont, nous dit l’Évangile, « vu son étoile » (Mt 2,2) et ont choisi de la suivre : ils ont choisi de se faire guider par l’étoile de Jésus.

Dans notre vie aussi, il y a différentes étoiles, des lumières qui brillent et orientent. C’est à nous de choisir lesquelles suivre. Par exemple, il y a des lumières intermittentes qui vont et viennent, comme les petites satisfactions de la vie : même si elles sont bonnes, elles ne suffisent pas parce qu’elles durent peu et ne laissent pas la paix que nous cherchons. Il y a ensuite les lumières éblouissantes des feux des projecteurs, de l’argent et du succès qui promettent tout et tout de suite : elles sont séduisantes, mais elles aveuglent par leur force et font passer des rêves de gloire à l’obscurité la plus épaisse. Les mages, eux, invitent à suivre une lumière stable, une lumière douce qui ne faiblit pas parce qu’elle n’est pas de ce monde : elle vient du ciel et resplendit… où ? Dans le cœur.

Cette lumière véritable est la lumière du Seigneur, ou mieux, c’est le Seigneur lui-même. Il est notre lumière : une lumière qui n’éblouit pas, mais qui accompagne et donne une joie unique. Cette lumière est pour tous et appelle chacun : nous pouvons ainsi entendre adressée à nous l’invitation de ce jour du prophète Isaïe : « Debout, resplendis ! ». Au commencement de chaque jour, nous pouvons accueillir cette invitation : debout, resplendis, suis aujourd’hui, parmi les nombreuses étoiles filantes dans le monde, l’étoile lumineuse de Jésus ! En la suivant, nous aurons la joie, comme c’est le cas pour les mages qui, « quand ils virent l’étoile, [ils] se réjouirent d’une très grande joie » (Mt 2,10) ; parce que là où est Dieu, il y a la joie. Qui a rencontré Jésus a expérimenté le miracle de la lumière qui perce les ténèbres et connaît cette lumière qui illumine et éclaire.

Je voudrais, avec beaucoup de respect, inviter tout le monde à ne pas avoir peur de cette lumière et à s’ouvrir au Seigneur. Je voudrais surtout dire à celui qui a perdu la force de chercher, qui est fatigué, à celui qui, écrasé par les obscurités de la vie, a éteint son désir : debout, courage, la lumière de Jésus sait vaincre les ténèbres les plus obscures ; debout, courage !

Et comment trouver cette lumière divine ? Suivons l’exemple des mages que l’Évangile décrit toujours en mouvement. Celui qui veut la lumière, en effet, sort de lui-même et cherche : il ne reste pas enfermé, enfermé à regarder ce qui se passe autour de lui, mais il met en jeu sa vie ; il sort de lui-même. La vie chrétienne est un chemin continuel, fait d’espérance et fait de recherche ; un chemin qui, comme celui des mages, se poursuit même quand l’étoile disparaît momentanément de la vue. Sur ce chemin il y a aussi des embuches à éviter : les bavardages superficiels et mondains qui freinent le pas, les caprices paralysants de l’égoïsme, les trous du pessimisme qui piègent l’espérance. Ces obstacles bloquent les scribes dont parle l’Évangile d’aujourd’hui. Ils savaient où était la lumière mais ils n’ont pas bougé. Quand Hérode leur demande : « Où devra naître le Messie ? – À Bethléem ! ». Ils savaient où, mais ils n’ont pas bougé. Leur connaissance a été vaine : ils savaient beaucoup de choses mais pour rien, tout était vain. Il ne suffit pas de savoir que Dieu est né, si l’on ne fait avec lui Noël dans son cœur. Dieu est né, oui, mais est-il né dans ton cœur ? Est-il né dans mon cœur ? Est-il né dans notre cœur ? Et ainsi nous le trouverons, comme les mages, avec Marie, Joseph, dans l’étable.

Les mages l’ont fait : ayant trouvé l’enfant, « ils se prosternèrent et l’adorèrent » (v.11). Ils n’ont pas seulement regardé, ils n’ont pas seulement dit une prière de circonstance et ils sont repartis, non, mais ils ont adoré : ils sont entrés dans une communion personnelle d’amour avec Jésus. Puis ils lui ont donné de l’or, de l’encens et de la myrrhe, c’est-à-dire leurs biens les plus précieux. Apprenons des mages à ne pas consacrer à Jésus seulement les moments perdus et quelques pensées de temps en temps, sinon nous n’aurons pas sa lumière. Comme les mages, mettons-nous en chemin, revêtons-nous de lumière en suivant l’étoile de Jésus et adorons le Seigneur de tout notre être.

Chronique de la roue qui tourne

Avec le temps qui passe

« Les débuts sont généralement effrayants, les fins sont habituellement tristes, mais c’est pour tout ce qu’il y a entre les deux que la vie mérite d’être vécue. » Anonyme

Ce temps qui passe et qui met du blanc à nos cheveux, qu’il transforme nos erreurs en de véritables leçons de vie.

Ce temps qui passe et qui met des plis au coin de nos sourires, qu’il transforme nos peurs en de véritables victoires sur nous-mêmes.

Ce temps qui passe et qui ne peut se rattraper, qu’il transforme nos soucis en de véritables épreuves surmontées.

Ce temps qui passe et qui met du vide à nos souvenirs, qu’il transforme nos rêves en de véritables inspirations.

Ce temps qui passe et qui bouscule toutes les habitudes, qu’il transforme toutes nos rencontres en occasion de grandir encore plus.

Ce temps qui passe et qui nous prend malgré tout au dépourvu, qu’il transforme nos plaintes stériles et nos regrets en énergie active.

Ce temps qui passe sans que personne ne puisse l’arrêter, qu’il transforme nos manquements en espérances.

Ce temps qui passe et qui nous marque, qu’il transforme nos projets en réalisations.

Ce temps qui passe et qui, un jour, se lassera de passer, qu’il nous transforme toujours selon le meilleur que nous pouvons devenir.

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2016

1er Janvier, Journée de la Paix

En marge de l’actualité du mercredi 4 janvier 2017

Dans son message à l’occasion de la journée pour la Paix, le Pape François nous invite à réfléchir sur la violence et la non-violence. En regardant les infos du monde, cette violence saute aux yeux : conflits armés, guerres, attentats, meurtres etc… Mais point n’est besoin d’aller en Syrie ou au Congo pour toucher du doigt cette violence. Rappelons-nous ce qui s’est passé à Moorea avec ce garçon de 13 ans, et il y a quelques jours encore à Outumaoro… Trop souvent, nos journaux locaux déversent leur lot de violences : violence conjugales, violence engendrée par l’alcool et la drogue, la misère, violence sur la route, violence des forts sur les faibles, sur les enfants, violence sur la nature et l’environnement, non-respect de la vie d’autrui…

Le Saint Père nous rappelle que Jésus aussi a vécu en des temps de violence : massacre des Galiléens par Pilate, et que Jésus évoque en Lc 13, crucifixions, lapidations, massacre des Saints Innocents… Face à cette violence, gardons-nous d’accuser en premier les instances politiques ou les responsables de la société… le Christ nous enseigne en effet que le vrai champ de bataille sur lequel s’affrontent la violence et la paix, c’est le cœur de chacun de nous : « C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses… » Face à cette violence, le Christ offre une réponse opposée à la vengeance, une réponse positive, la seule qui puisse aider au progrès de l’humanité, la seule qui puisse nous aider à grandir à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il a prêché inlassablement l’amour inconditionnel de Dieu qui accueille et pardonne et il a enseigné à ses disciples à aimer leurs ennemis. Lorsqu’il a empêché ceux qui accusaient la femme adultère de la lapider et lorsque, la nuit d’avant sa mort, il a dit à Pierre de remettre son épée au fourreau, Jésus a tracé la voie de la non-violence, qu’il a parcourue jusqu’au bout, jusqu’à la croix, par laquelle il a réalisé la paix et détruit la haine en pardonnant.

Le Saint Père précise les conséquences de cet enseignement du Christ : « Si l’origine dont émane la violence est le cœur des hommes, il est alors fondamental de parcourir le sentier de la non-violence en premier lieu à l’intérieur de la famille. La famille est le creuset indispensable dans lequel époux, parents et enfants, frères et sœurs apprennent à communiquer et à prendre soin les uns des autres de manière désintéressée, et où les frictions, voire les conflits doivent être surmontés non pas par la force, mais par le dialogue, le respect, la recherche du bien de l’autre, la miséricorde et le pardon. De l’intérieur de la famille, la joie de l’amour se propage dans le monde et rayonne dans toute la société. » Plus loin, le Pape François nous rappelle qu’il y a incompatibilité totale entre Dieu et la violence : « La violence est une profanation du nom de Dieu. Ne nous lassons jamais de le répéter : Jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre ! ».

Alors, frères et sœurs, que faire et comment faire ? Jésus lui-même nous donne le manuel pour construire la paix : Les béatitudes. Elles tracent le profil de la personne que nous pouvons qualifier d’heureuse, de bonne et d’authentique. Heureux les doux – dit Jésus –, les miséricordieux, les artisans de paix, les cœurs purs, ceux qui ont faim et soif de justice. C’est aussi un programme et un défi pour nous ici en Polynésie, et il est urgent de le prendre au sérieux. Accueillons dans ce sens le vœu formulé par le Saint Père en conclusion de sa lettre : « En 2017, engageons-nous, par la prière et par l’action, à devenir des personnes qui ont banni de leur cœur, de leurs paroles et de leurs gestes, la violence, et à construire des communautés non-violentes, qui prennent soin de la maison commune. Rien n’est impossible si nous nous adressons à Dieu dans la prière. Tous nous pouvons être des artisans de paix ». Que Notre Dame de Paix, Maria no te Hau qui veille sur notre fenua nous soit en aide.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

La parole aux sans paroles – 65

Portrait d’un homme de la rue - Olivier

« Le vrai succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. », disait Churchill. Ce n’est pas la première fois qu’un licenciement pousse Olivier à la rue et toujours en fin d’année, pour les fêtes. Mais, Olivier est un battant. Dans l’épreuve, il fait tout pour retrouver une situation convenable et stable… pour sa femme et leurs enfants respectifs.

D’où viens-tu ?

« Je viens de France, je suis là depuis 1987. J’ai travaillé dans différents secteurs. Et c’est la deuxième fois que je me retrouve sans travail. »

Tu travaillais dans quel domaine ?

« Un peu de tout mais surtout dans le secteur de l’automobile. Mais j’ai travaillé dans le bâtiment, tout. »

Et pourquoi Tahiti ?

« Au début, j’étais militaire. Je suis retourné en France et, là-bas, j’ai travaillé dur pour pouvoir me repayer mon billet d’avion pour revenir ici. Donc ça fait 30 ans que je suis ici ! »

Parle-nous de ton dernier emploi.

« Mon dernier emploi ? J’étais gardien, c’est Gégé, un bénévole de Te Vaiete qui m’avait dit : "Vas-y, ils cherchent un gardien." Ma vahine m’a poussé aussi. Je suis allé et je l’ai eu ! Mais l’entreprise a fait faillite en novembre dernier, licenciement économique. Après ça, j’ai des amis à Paea qui m’ont embauché, dans le même secteur de l’automobile. Mais au bout d’un moment, le gars m’a dit : "Je n’ai plus de sous, je ne peux plus te payer. J’ai enchaîné les petits boulots. Mais je n’arrivais plus à payer le loyer. Et comme je n’aime pas cumuler les dettes, avec ma vahine je suis venu dans la rue. Mais là, j’attends de l’argent de mon licenciement économique. On nous a payé une partie et on attend la saisie de la maison pour avoir l’autre partie de ce qu’ils nous doivent. Avec cet argent-là, on tentera de prendre un nouveau départ. »

Donc tu es à la rue avec ta femme ? C’est facile d’être un couple à la rue ?

« Oui, oui, heureusement que Père Christophe est là et toutes les aides qu’il peut avoir. Tu sais, ma vahine dit ceci : "Avant on avait un toit mais on avait faim. Aujourd’hui, on est à la rue mais avec du ma’a à volonté." (Rires) Et, ça, c’est grâce à lui. Bon, après, comme on est un couple, il y a de petites tensions. Mais ça, c’est normal ! »

Comment tu gères cela ?

« En disant : "Oui chérie" et en exécutant. (Rires) Non, je fais des efforts. On essaye de ne pas se fâcher. C’est déjà arrivé et il faut relativiser. »

Depuis quand vous êtes à la rue alors ?

« Ça fait 3, 4 mois. »

Tu as eu des problèmes ?

« Juste un vol de vini, autrement non. Aucun problème. »

Et le fait que tu sois popa’a…

« Non, ça va. »

Où habitiez-vous ?

« Alors, juste avant de se retrouver dans la rue, nous habitions à Pirae. On était chez son père. Bon, après, c’est compliqué ! Il a une nouvelle vahine, il y a deux maisons sur son terrain mais on n’aime pas vivre aux crochets des autres. C’est bien pour un petit moment. Mais si ça dure, il vaut mieux partir ! Il y a des situations qu’il vaut mieux éviter pour le couple. »

Où dormez-vous ?

« Un peu partout. On veut être indépendant et avoir une petite intimité. Hier, il pleuvait donc on était obligé de dormir ici. (à la Cathédrale) Mais, comme on a un scooter, on bouge. On dort souvent à la Mission. L’autre soir, on a dormi sur la plage La Fayette. »

Le plus dur dans la rue ?

« C’est qu’on perd toute notre dignité ! Je n’ai plus de travail, j’ai un fils qui est à Mataiea. Je prends tous les petits boulots pour pouvoir payer l’essence du scooter et je vais le voir dès que je peux mais ce n’est pas toujours facile ! Tu as l’impression de ne servir à rien. Tu n’as plus de dignité. Là, j’ai 50 ans et c’est dur de faire face aux exigences de la rue. »

Pour tout le quotidien, douches, lessives, comment faites-vous ?

« Père Christophe ! Il nous suit pour tout, même pour faire nos papiers. Là, avec lui, je suis en train de monter mon dossier RST, le temps que je trouve un boulot. Il est formidable. »

Raconte-nous ton premier jour à Te Vaiete ? Comment as-tu trouvé ?

« Disons qu’il y a deux ans, je me suis retrouvé à la rue, plus de travail, et toujours en fin d’année, donc je suis resté un moment au Bon Samaritain. Quand je suis arrivé au café, j’étais un peu gêné d’être là. J’avais une appréhension, vu que je ne connaissais pas. Et, Père était là, avec toute sa prestance, toute son aura. Mais, en fin de compte, il ne faut pas avoir d’appréhension. Père est très très bien. »

Combien de temps es-tu resté dans la rue la dernière fois ?

« 6 mois. Mais, bon, au début, je me suis laissé aller. Heureusement, je me suis repris. »

Et aujourd’hui, tu cherches du travail ? Dans quel domaine ?

« Oui, oui, je prends tout. Je prendrais n’importe quel travail, que je puisse me relever. Même si on me propose le SMIG, je prends. Elle, elle a 4 enfants de son côté, qui sont avec le père. Moi, j’ai mon fils à Mataiea, chez sa mère. Donc, il faut vraiment qu’on s’en sorte pour nos enfants. Là, ma vahine a obtenu une formation de 3 mois. Moi, j’ai un copain qui m’a proposé de revendre un stock de savates qu’il avait. Alors, hier, j’ai chargé le gros paquet sur mon scooter, d’ailleurs ça ressemblait aux scooters asiatiques hyper chargés. (Rires) Mais, je continue de chercher, je vais tous les jours au SEFI. Mais, il n’y a rien ! »

Même avec ton expérience dans l’automobile ?

« Oui. Quand j’ai un entretien d’embauche, soit je suis trop cher par rapport à mon expérience, soit je suis trop vieux, 50 ans. Et puis, au début, je disais que j’étais SDF. Ça ne passait pas. Popa’a et SDF, mon CV partait directement à la poubelle. Et avec les patrons chinois, c’est ma date d’anniversaire qui faisait peur. Étant de 1966, je serais cheval de feu. Ben quand les patrons chinois voient ça, c’est tout de suite non. Et puis, c’est vrai, qu’en grosse mécanique, je ne cherche plus trop. J’ai de gros problèmes de dos donc je ne peux plus porter de gros moteurs ou de grosses pièces. Déjà, rester penché sur le moteur comme ça pour remettre les pièces, au bout d’un moment j’ai du mal à me redresser. Donc ma vahine me pousse à trouver autre chose. »

Dis-moi, comment vous vous êtes rencontrés.

« Par une amie. Je travaillais sur un chantier pendant plus de 2 ans sur Pirae, juste à côté de chez elle. Elle venait et on discutait. Elle était mariée mais avait de gros problèmes dans son couple. Moi, je venais de me séparer de ma vahine. Donc, pendant 6 mois, on discutait, chacun racontait ses problèmes. On se remontait le moral. Ça s’est fait comme ça ! »

Ça fait longtemps ?

« 7, 8 ans. »

Comment vois-tu votre vie dans 20 ans ?

« Que du bonheur ! Mais aujourd’hui, je ne me pose pas la question. C’est difficile de se projeter. Pour l’instant, ma priorité, c’est trouver du boulot, que les gens arrêtent de nous regarder comme ça, alors qu’on est très bien. »

Justement, comment faire face aux regards des gens ?

« Quand tu connais un peu la honte, tu essayes d’éviter les regards. Tu n’y arrives pas mais tu essayes. Après, il y en a à qui tu dis que tu es dans la rue, ils disparaissent. Je pense à quelques amis. Mais j’essaye de ne demander aucune aide, j’essaye de me débrouiller. »

Est-ce que tu arriverais à trouver un beau souvenir de la rue ?

« Le partage entre nous. »

Pourquoi ? Il est plus fort dans la rue ?

« Oui ! Tout de suite : "As-tu mangé ?", si tu n’as pas mangé : "Tiens !" Tu vois 3, 4 plats arriver en même temps. (Rires) Les discussions aussi, il ne faut pas croire ! On a de bonnes discussions ! »

Un dernier message ?

« Je reviendrais justement sur le regard des gens. Souvent on dort à la Mission, d’ailleurs il faut que je revoie Monseigneur car il y a des paroissiens qui se plaignent comme quoi on n’est pas de la Mission, du quartier, et on ose dormir là-bas. C’est pour cela qu’on bouge en ce moment. Parfois, on va jusqu’à Arue pour trouver un coin tranquille. Donc, ouais, ce regard des gens est lourd à porter, le mépris. Là-haut, il y a beaucoup de mépris, ils sont beaucoup dans le paraître. Donc, maintenant, on préfère venir à la Cathédrale. »

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2017

Partager la douleur pour donner espoir

Audience générale du mercredi 4 janvier 2017

Le Pape François a poursuivi sa série de catéchèse sur l’espérance chrétienne. Il s’est concentré sur la figure de Rachel qui nous parle de « l’espérance dans les larmes » tel qu’en a parlé le prophète Jérémie. Ce dernier, qui écrit au moment de la conquête assyrienne du royaume du Nord, faisant de Rachel le symbole de toutes les mères, explique dans ses Lamentations, que cette mère ne voulait pas être consolée de la disparition de ses fils. Sa douleur est ainsi proportionnelle à son amour, a expliqué François aux fidèles réunis. « Rachel renferme en elle la douleur de toutes les mères du monde, de tout temps, et les larmes de chaque être humain qui pleure des pertes irréparables ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais contempler avec vous la figure d’une femme qui nous parle de l’espérance vécue dans les pleurs. L’espérance vécue dans les pleurs. Il s’agit de Rachel, l’épouse de Jacob et la mère de Joseph et Benjamin, celle qui, comme nous le raconte le livre de la Genèse, meurt en mettant au monde son deuxième enfant, Benjamin.

Le prophète Jérémie fait référence à Rachel en s’adressant aux Israélites en exil pour les consoler, avec des paroles pleines d’émotion et de poésie ; c’est-à-dire qu’il prend les pleurs de Rachel mais il donne de l’espérance : « Ainsi parle le Seigneur : Un cri s’élève dans Rama, une plainte et des pleurs d’amertume. C’est Rachel qui pleure ses fils ; elle refuse d’être consolée, car ses fils ne sont plus » (Jr 31,15).

Dans ces versets, Jérémie présente cette femme de son peuple, la grande matriarche de sa tribu, dans une réalité de douleur et de pleurs, mais en même temps avec la perspective d’une vie impensable. Rachel qui, dans le récit de la Genèse, était morte en accouchant et qui avait assumé cette mort pour que son fils puisse vivre, est maintenant au contraire représentée par le prophète comme vivante à Rama, là où se rassemblaient les déportés, et elle pleure ses fils qui, d’une certaine manière, sont morts en partant en exil ; des fils qui, comme elle le dit elle-même, « ne sont plus », ont disparu à jamais.

Et c’est pourquoi Rachel ne veut pas être consolée. Ce refus exprime la profondeur de sa souffrance et l’amertume de ses pleurs. Devant la tragédie de la perte de ses enfants, une mère ne peut accepter de paroles ni de gestes de consolation, qui sont toujours inadéquats, jamais capables d’adoucir la douleur d’une blessure qui ne peut et ne veut pas se cicatriser. Une douleur proportionnelle à son amour.

Toutes les mères savent cela ; et elles sont nombreuses, aujourd’hui encore, les mères qui pleurent, qui ne se résignent pas à la perte d’un enfant, inconsolables devant une mort impossible à accepter. Rachel renferme en elle-même la douleur de toutes les mères du monde, de tout temps, et les larmes de tous les êtres humains qui pleurent des pertes irréparables.

Ce refus de Rachel qui ne veut pas être consolée nous enseigne aussi toute la délicatesse qui nous est demandée devant la douleur d’autrui. Pour parler d’espérance à celui qui est désespéré, il faut partager son désespoir ; pour essuyer une larme du visage de celui qui souffre, il faut unir nos pleurs aux siens. C’est seulement ainsi que nos paroles peuvent être réellement capables de donner un peu d’espérance. Et si je ne peux dire ce genre de paroles, avec les pleurs, avec la douleur, mieux vaut le silence ; la caresse, le geste mais pas de parole.

Et Dieu, avec sa délicatesse et son amour, répond aux pleurs de Rachel par des paroles vraies, non feintes ; ainsi en effet se poursuit le texte de Jérémie :

« Ainsi parle le Seigneur – il répond à ces pleurs – : Retiens le cri de tes pleurs et les larmes de tes yeux. Car il y a un salaire pour ta peine, – oracle du Seigneur : ils reviendront du pays de l’ennemi. Il y a un espoir pour ton avenir, – oracle du Seigneur : tes fils reviendront sur leur territoire » (Jr 31,16-17).

C’est précisément en raison des pleurs de la mère qu’il y a encore de l’espérance pour les enfants qui reviendront à la vie. Cette femme, qui avait accepté de mourir au moment de l’accouchement pour que son fils puisse vivre, est maintenant par ses pleurs principe d’une vie nouvelle pour ses enfants exilés, prisonniers, loin de leur patrie. À la douleur et aux pleurs amers de Rachel, le Seigneur répond par une promesse qui peut maintenant être pour elle un motif de véritable consolation : le peuple pourra revenir de l’exil et vivre dans la foi, libre, sa relation avec Dieu. Les larmes ont généré l’espérance. Et cela n’est pas facile à comprendre, c’est vrai. Bien souvent, dans notre vie, les larmes sèment l’espérance, sont des semences d’espérance.

Comme nous le savons, ce texte de Jérémie est ensuite repris par l’évangéliste Matthieu et appliqué au massacre des innocents (cf. 2,16-18). Un texte qui nous met devant la tragédie de la tuerie d’êtres humains sans défense, l’horreur du pouvoir qui méprise et supprime la vie. Les enfants de Bethléem mourront à cause de Jésus. Et lui, l’Agneau innocent, mourrait ensuite, à son tour, pour nous tous. Le Fils de Dieu est entré dans la douleur des hommes. Il ne faut pas oublier cela. Quand quelqu’un s’adresse à moi et me pose des questions difficiles, par exemple : « Dites-moi, Père, pourquoi les enfants souffrent-ils ? », vraiment, je ne sais que répondre. Je dis seulement : « Regarde le crucifix : Dieu nous a donné son fils, il a souffert et peut-être trouveras-tu là une réponse ». Mais des réponses d’ici [il indique sa tête], il n’y en a pas. C’est seulement en regardant l’amour de Dieu qui donne son Fils qui offre sa vie pour nous qu’un chemin de consolation peut nous être donné. Et c’est pourquoi nous disons que le Fils de Dieu est entré dans la douleur des hommes : il a partagé et a accueilli la mort ; sa Parole est définitivement une parole de consolation, parce qu’elle naît des pleurs.

Et sur la croix, ce sera lui, le Fils mourant, qui donnera une nouvelle fécondité à sa mère, en lui confiant le disciple Jean et en faisant d’elle la mère du peuple des croyants. La mort est vaincue et ainsi se réalise la prophétie de Jérémie. Les larmes de Marie aussi, comme celles de Rachel, ont généré l’espérance et la vie nouvelle. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Ne laissons pas voler leur joie… ne nous laissons pas voler la joie

Message aux Évêques – Pape François

Le 28 décembre dernier, à l'occasion de la fête des Saints Innocents, le Pape François a adressé un courrier à tous les évêques du monde. La Salle de presse du Saint-Siège en a rendu le texte public ce lundi 2 janvier. En voici le texte intégral en français.

Cher frère,

Aujourd’hui, jour des Saints Innocents, alors que continuent à résonner dans nos cœurs les paroles de l’ange aux bergers : « Je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David » (Lc 2, 10-11), je sens le besoin de t’écrire. Cela nous fait du bien d’entendre une fois encore cette annonce ; entendre de nouveau que Dieu est au milieu de notre peuple. Cette certitude que nous renouvelons d’année en année est source de notre joie et de notre espérance.

Nous pouvons, ces jours-ci, faire l’expérience de la manière dont la liturgie nous prend par la main et nous conduit au cœur de Noël, nous introduit dans le Mystère et nous conduit peu à peu à la source de la joie chrétienne.

Comme pasteurs, nous avons été appelés pour aider à faire grandir cette joie au milieu de notre peuple. Il nous est demandé de prendre soin de cette joie. Je souhaite renouveler avec toi l’invitation à ne pas nous laisser voler cette joie, souvent quand nous sommes déçus – et non sans raison – par la réalité, par l’Église, et déçus aussi de nous-mêmes, nous sommes tentés de nous en tenir à une tristesse douceâtre, sans espérance, qui s’empare de nos cœurs (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 83).

Noël, malgré nous, est accompagné aussi de pleurs. Les évangélistes ne se sont pas permis de travestir la réalité pour la rendre plus crédible ou plus désirable. Ils ne se sont pas permis de faire un discours « beau » mais irréel. Pour eux, Noël n’était pas un refuge imaginaire où se cacher face aux défis et aux injustices de leur époque. Au contraire, ils nous annoncent aussi la naissance du Fils de Dieu enveloppée d’une tragédie de douleurs. Citant le prophète Jérémie, l’évangéliste Matthieu la présente avec une grande rudesse : « À Rama une voix se fait entendre, une plainte amère ; c’est Rachel qui pleure ses fils » (Jr 31,15). C’est le gémissement de douleur des mères qui pleurent la mort de leurs enfants innocents en raison de la tyrannie et de la soif effrénée de pouvoir d’Hérode.

Un gémissement que nous pouvons entendre encore aujourd’hui, qui nous touche l’âme et que nous ne pouvons et ne voulons ni ignorer ni faire taire. Aujourd’hui, malheureusement – et je l’écris avec une douleur profonde -, on entend encore parmi nos gens le gémissement et les pleurs de beaucoup de mères, de beaucoup de familles, en raison de la mort de leurs enfants, de leurs enfants innocents.

Contempler la crèche c’est aussi contempler ces pleurs, c’est aussi apprendre à écouter ce qui arrive autour de nous et avoir un cœur sensible et ouvert à la souffrance du prochain, spécialement quand il s’agit d’enfants ; et c’est aussi être capables de reconnaître que ce triste chapitre de l’histoire est encore en train de s’écrire aujourd’hui. Contempler la crèche en l’isolant de la vie qui l’environne, ce serait faire de la Nativité une belle fable qui susciterait en nous de bons sentiments mais qui nous priverait de la force créatrice de la Bonne Nouvelle que le Verbe Incarné veut nous donner. Et la tentation existe.

Est-il possible de vivre la joie chrétienne en tournant le dos à ces réalités ? Est-il possible de faire advenir la joie chrétienne en ignorant les gémissements du frère, des enfants ?

Saint Joseph a été le premier appelé à garder la joie du Salut. Devant les crimes atroces qui étaient en train de se produire, saint Joseph – modèle de l’homme obéissant et fidèle – a été capable d’écouter la voix de Dieu et la mission que le Père lui confiait. Et comme il a su écouter la voix de Dieu et se laisser guider par sa volonté, il est devenu plus sensible à ce qui l’entourait et il a su lire les événements avec réalisme.

Encore aujourd’hui, il nous est demandé la même chose, à nous pasteurs, d’être des hommes capables d’écouter la voix du Père, de ne pas y être sourds, et de pouvoir ainsi être plus sensibles à la réalité qui nous entoure. Aujourd’hui, avec saint Joseph pour modèle, nous sommes invités à ne pas nous laisser voler la joie. Nous sommes invités à la défendre des Hérode de notre époque. Et, comme saint Joseph, nous avons besoin de courage pour accepter cette réalité, pour nous lever et la prendre dans nos mains (cf. Mt 2, 20). Le courage de la protéger des nouveaux Hérode de notre époque qui détruisent l’innocence de nos enfants. Une innocence brisée sous le poids du travail clandestin et de l’esclavage, sous le poids de la prostitution et de l’exploitation. Une innocence détruite par les guerres et par l’émigration forcée, avec la perte de tout ce que cela comporte. Des milliers de nos enfants sont tombés entre les mains de bandits, de mafias, de marchands de mort qui ne font que détruire et exploiter leurs besoins.

Á titre d’exemple, aujourd’hui, 75 millions d’enfants – en raison des situations d’urgence et des crises prolongées – ont dû interrompre leur instruction. En 2015, 68% des personnes faisant l’objet de trafic sexuel dans le monde étaient des enfants. Par ailleurs, un tiers des enfants qui ont dû vivre en dehors de leurs pays l’on fait par déplacement forcé. Nous vivons dans un monde où presque la moitié des enfants qui meurent en dessous de 5 ans, meurent de malnutrition. En 2016, on calcule que 150 millions d’enfants mineurs ont travaillé, pour beaucoup dans des conditions d’esclavage. Selon le dernier rapport de l’UNICEF, si la situation mondiale ne change pas, en 2030, 167 millions d’enfants vivront dans une extrême pauvreté, 69 millions d’enfants en dessous de 5 ans mourront entre 2016 et 2030, et 60 millions d’enfants n’iront pas à l’école primaire.

Écoutons les pleurs et les lamentations de ces enfants ; écoutons aussi les pleurs et les lamentations de notre mère l’Église, qui pleure non seulement devant la souffrance causée à ses enfants les plus petits, mais aussi parce qu’elle connaît le péché de certains de ses membres : la souffrance, l’histoire et la douleur des mineurs qui ont été abusés sexuellement par des prêtres. Péché qui nous fait honte. Des personnes qui avaient la responsabilité de prendre soin de ces enfants ont détruit leur dignité. Nous déplorons cela profondément, et nous demandons pardon. Nous nous unissons à la souffrance des victimes et, à notre tour, nous pleurons le péché. Le péché de tout ce qui est arrivé, le péché d’avoir omis de porter assistance, le péché de taire et de nier, le péché d’abus de pouvoir. L’Église aussi pleure avec amertume ce péché de ses fils, et elle demande pardon. Aujourd’hui, faisant mémoire des Saints Innocents, je veux que nous renouvelions tout notre engagement pour que ces atrocités ne se produisent plus parmi nous. Trouvons le courage indispensable pour promouvoir tous les moyens nécessaires et protéger, en toute chose, la vie de nos enfants pour que de tels crimes ne se répètent plus. Faisons nôtre, clairement et loyalement, la consigne « tolérance zéro » dans ce domaine.

La joie chrétienne n’est pas une joie qui se construit en marge de la réalité, en l’ignorant ou en faisant comme si elle n’existait pas. La joie chrétienne naît d’un appel – le même qu’a reçu saint Joseph – à « prendre » et protéger la vie, spécialement celle des saints innocents d’aujourd’hui. Noël est un temps qui nous provoque à garder la vie et à l’aider à naître et à grandir ; à nous renouveler comme pasteurs courageux. Ce courage qui génère des dynamiques capables de prendre conscience de la réalité que beaucoup de nos enfants vivent aujourd'hui, et de travailler pour leur garantir les conditions nécessaires afin que leur dignité de fils de Dieu soit non seulement respectée mais surtout défendue.

Ne laissons pas voler leur joie. Ne nous laissons pas voler la joie, gardons-la, aidons-la à grandir. Faisons cela avec la même fidélité paternelle de saint Joseph, et tenus par la main de Marie, la Mère de la tendresse, pour que notre cœur ne s’endurcisse pas.

Avec une fraternelle affection,

FRANÇOIS

Cité du Vatican, 28 décembre 2016

Fête des Saint Innocents, Martyrs

© Libreria Editrice Vaticana - 2016

Opérateurs pastoraux tués au cours de l’année 2016

Vingt-huit « opérateurs pastoraux » catholiques ont été tués dans le monde au cours de l’année 2016, rapporte l’agence vaticane Fides.

Selon les informations recueillies par l’Agence Fides, au cours de l’année 2016, 28 opérateurs pastoraux ont été tués de par le monde. Pour la huitième année consécutive, le plus fort nombre d’opérateurs pastoraux tués est enregistré en Amérique, alors que le nombre des religieuses tuées, qui est cette année de 9, soit plus du double par rapport à 2015, augmente de manière dramatique.

Selon les informations recueillies par l’Agence Fides, en 2016, sont morts de manière violente 14 prêtres, 9 religieuses, 1 séminariste et 4 laïcs. Selon la répartition par continent :

  • en Amérique ont été tués 12 opérateurs pastoraux – 3 prêtres, 2 religieuses, 1 séminariste et 2 laïcs ;
  • en Afrique, ont été tués 8 opérateurs pastoraux – 3 prêtres, 2 religieuses, 1 séminariste et 2 laïcs ;
  • en Asie, ce sont 7 opérateurs pastoraux qui ont été tués – 1 prêtre, 4 religieuses et 2 laïcs ;
  • alors qu’en Europe, a été tué 1 prêtre.

Comme cela est le cas depuis ces dernières années, la majeure partie des opérateurs pastoraux tués a trouvé la mort suite à des vols ou à des cambriolages, perpétrés par ailleurs avec férocité, dans des contextes marqués par la dégradation morale, la pauvreté économique et culturelle, la violence comme règle de comportement, le manque de respect pour les droits fondamentaux et pour la vie elle-même.

Dans ces situations, similaires sous toutes les latitudes, les prêtres, les religieuses et les laïcs tués étaient parmi ceux qui dénonçaient à haute voix les injustices, les discriminations, la corruption, la pauvreté au nom de l’Évangile. Ainsi ont-ils payé, comme le Père José Luis Sánchez Ruiz, du Diocèse de San Andres Tuxtla (Veracruz, Mexique), enlevé puis relâché avec « des signes évidents de torture », selon le communiqué du Diocèse. Au cours des jours ayant précédé l’enlèvement, il avait reçu des menaces, assurément pour ses dures critiques à l’encontre de la corruption et de la vague de criminalité. Ainsi que l’a rappelé le Pape François en la fête du premier martyr, Saint Étienne, « le monde haït les chrétiens pour la même raison pour laquelle il a haï Jésus, à savoir parce qu’Il a porté la lumière de Dieu et que le monde préfère les ténèbres pour cacher ses œuvres mauvaises » (Angelus du 26/12/2016).

Tous vivaient leur témoignage de foi dans la normalité de la vie quotidienne : en administrant les sacrements, en aidant les pauvres et les plus humbles, en prenant soin des orphelins, des toxicomanes, des anciens détenus, en suivant des projets de promotion humaine de développement ou simplement en se rendant disponibles à quiconque est dans le besoin. Certains ont été tués par les personnes mêmes qu’ils aidaient. Difficilement, les enquêtes menées par les autorités locales portent à l’identification des exécuteurs et des mandants de ces homicides ou leurs motivations.

Le sort d’autres opérateurs pastoraux enlevés ou portés disparus, dont on est sans nouvelles certaines depuis longtemps, est source de préoccupation.

La liste annuelle établie par Fides, sans doute incomplète, ne concerne pas seulement les missionnaires ad gentes au sens strict mais tous les opérateurs pastoraux morts de façon violente. Nous n’utilisons pas de fait le terme « martyre », sauf dans son sens étymologique de « témoin », pour ne pas devancer le jugement que l’Église pourra éventuellement donner à certains d’entre eux, mais aussi à cause de la pauvreté des informations que, dans la majorité des cas, il est possible de recueillir sur leur vie et sur les circonstances mêmes de leur mort.

Aux listes provisoires établies annuellement par l'Agence Fides, doit toujours s'ajouter la longue liste de ceux dont nous n'aurons jamais connaissance ou dont on ne connaîtra pas même le nom qui, dans tous les coins du monde, souffrent et paient de leur vie leur foi en Jésus Christ. Le Pape François nous rappelle souvent que « aujourd’hui, il existe plus de chrétiens assassinés, torturés, emprisonnés, égorgés parce qu’ils ne renient pas Jésus Christ »… « les martyrs d’aujourd’hui sont en nombre supérieur par rapport à ceux des premiers siècles ».

© Agence Fides - 2016

Commentaire des lectures du dimanche

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Mt 2, 2).

Avec ces paroles, les mages, venus de terres lointaines, nous font connaître le motif de leur longue traversée : adorer le roi nouveau-né. Voir et adorer : deux actions mises en relief dans le récit évangélique : nous avons vu une étoile et nous voulons adorer.

Ces hommes ont vu une étoile qui les a mis en mouvement. La découverte de quelque chose d’inhabituel qui est arrivé dans le ciel a déclenché une série incalculable d’évènements. Ce n’était pas une étoile qui a brillé de façon exclusive pour eux et ils n’avaient pas non plus un ADN spécial pour la découvrir. Comme un Père de l’Église l’a bien reconnu, les mages ne se sont pas mis en route parce qu’ils avaient vu l’étoile mais ils ont vu l’étoile parce qu’ils se sont mis en route (cf. Jean Chrysostome). Ils avaient le cœur ouvert sur l’horizon et ils ont pu voir ce que le ciel montrait parce qu’il y avait en eux un désir qui les poussait : ils étaient ouverts à une nouveauté.

Les mages, de cette manière, expriment le portrait de l’homme croyant, de l’homme qui a la nostalgie de Dieu ; de celui qui sent le manque de sa maison, la patrie céleste. Ils reflètent l’image de tous les hommes qui, dans leur vie, ne se sont pas laissé anesthésier le cœur.

La sainte nostalgie de Dieu jaillit dans le cœur croyant parce qu’il sait que l’Évangile n’est pas un évènement du passé mais du présent. La sainte nostalgie de Dieu nous permet de tenir les yeux ouverts devant toutes les tentatives de réduire et d’appauvrir la vie. La sainte nostalgie de Dieu est la mémoire croyante qui se rebelle devant tant de prophètes de malheur. Cette nostalgie est celle qui maintient vivante l’espérance de la communauté croyante qui, de semaine en semaine, implore en disant : « Viens, Seigneur Jésus ! ».

Ce fut vraiment cette nostalgie qui a poussé le vieillard Siméon à aller tous les jours au temple, sachant avec certitude que sa vie ne se terminerait pas sans pouvoir tenir dans ses bras le Sauveur. Ce fut cette nostalgie qui a poussé le fils prodigue à sortir d’une attitude destructive et à chercher les bras de son père. Ce fut cette nostalgie que le berger a senti dans son cœur quand il a laissé les 99 brebis pour chercher celle qui s’était perdue, et ce fut aussi ce qu’a expérimenté Marie Madeleine le matin du dimanche pour aller courir au tombeau et rencontrer son Maitre ressuscité.

La nostalgie de Dieu nous tire hors de nos résignations, celles qui nous amènent à penser que rien ne peut changer. La nostalgie de Dieu est l’attitude qui rompt nos conformismes ennuyeux et nous pousse à nous engager pour ce changement auquel nous aspirons et dont nous avons besoin. La nostalgie de Dieu a ses racines dans le passé mais ne s’arrête pas là : elle va à la recherche de l’avenir. Le croyant “nostalgique”, poussé par sa foi, va à la recherche de Dieu, comme les mages, dans les lieux les plus cachés de l’histoire, parce qu’il sait dans son cœur que son Seigneur l’attend là. Il va à la périphérie, à la frontière, dans les lieux non évangélisés, afin de pouvoir rencontrer son Seigneur ; et il ne le fait pas du tout avec une attitude de supériorité, il le fait comme un mendiant qui ne peut ignorer les yeux de celui pour lequel la Bonne Nouvelle est encore un terrain à explorer.

Comme attitude opposée, dans le palais d’Hérode (qui se trouvait à très peu de kilomètres de Bethléem), on ne s’était pas rendu compte de ce qui arrivait. Tandis que les mages marchaient, Jérusalem dormait. Elle dormait de connivence avec un Hérode qui, au lieu d’être en recherche, dormait bien. Il dormait sous l’anesthésie d’une conscience cautérisée. Et il est resté déconcerté. Il a eu peur. C’est le trouble de celui qui, devant la nouveauté qui révolutionne l’histoire, se ferme sur lui-même, sur ses résultats, sur ses connaissances, sur ses succès. Le trouble de celui qui se tient assis sur sa richesse sans réussir à voir au-delà. Un trouble qui naît dans le cœur de celui qui veut contrôler tout et tout le monde. C’est le trouble de celui qui est immergé dans la culture du vaincre à tout prix ; dans cette culture où il y a de la place seulement pour les “vainqueurs” et coûte que coûte. Un trouble qui naît de la peur et de la crainte devant ce qui nous interroge et met en danger nos sécurités et nos vérités, nos manières de nous attacher au monde et à la vie. C’est ainsi. Et Hérode a eu peur, et cette peur l’a conduit à chercher la sécurité dans le crime : « Necas parvulos corpore, quia te nacat timor in corde » – “Tu assassines ces faibles corps parce que la peur assassine ton cœur” (Saint Quodvultdeus, Sermon 2 sur le Symbole : PL 40, 655).

Nous voulons adorer. Ces hommes sont venus de l’Orient pour adorer, et ils sont venus le faire dans le lieu qui convient à un roi : le Palais.Et cel est important. Ils sont arrivés là par leur recherche, c’était le lieu approprié, puisque cela revient à un Roi de naître dans un palais et d’avoir sa cour et ses sujets. C’est le signe du pouvoir, du succès, d’une vie réussie. Et on peut s’attendre à ce que le roi soit vénéré, craint et adulé, oui, mais pas nécessairement aimé. Ce sont les règles mondaines, les petites idoles et à qui nous rendons un culte : le culte du pouvoir, de l’apparence et de la supériorité. Des idoles qui promettent seulement tristesse et esclavage.

Et c’est vraiment là qu’a commencé le chemin le plus long qu’ont dû faire ces hommes venus de loin. Là, a commencé l’audace la plus difficile et la plus compliquée. Découvrir que ce qu’ils cherchaient n’était pas dans le Palais mais se trouvait dans un autre lieu, non seulement géographique mais existentiel. Là, ils ne voyaient pas l’étoile qui les conduisait à découvrir un Dieu qui veut être aimé, et cela est possible uniquement sous le signe de la liberté et non de la tyrannie ; découvrir que le regard de ce Roi inconnu – mais désiré – n’humilie pas, ne rend pas esclave, n’emprisonne pas. Découvrir que le regard de Dieu relève, pardonne, guérit. Découvrir que Dieu a voulu naître là où nous ne l’attendions pas, là où peut-être nous ne le voulions pas. Ou là où tant de fois, nous le renions. Découvrir que dans le regard de Dieu, il y a de la place pour ceux qui sont blessés, fatigués, maltraités et abandonnés : que sa force et son pouvoir s’appellent miséricorde. Comme est loin, pour certains, Jérusalem de Bethléem !

Hérode ne peut pas adorer parce qu’il n’a pas voulu changer son regard. Il n’a pas voulu cesser de rendre un culte à lui-même, croyant que tout commençait et finissait avec lui. Les prêtres non plus n’ont pu adorer parce qu’ils savaient beaucoup de choses, ils connaissaient les prophéties, mais ils n’étaient disposés ni à se mettre en chemin ni à changer.

Les mages ont senti la nostalgie, ils ne voulaient plus les choses habituelles. Ils étaient habitués, accoutumés aux Hérode de leur temps et en étaient fatigués. Mais là, à Bethléem, il y avait une promesse de nouveauté, une promesse de gratuité. Là quelque chose de nouveau arrivait ; les mages ont pu adorer parce qu’ils ont eu le courage de marcher et, se prosternant devant le petit, se prosternant devant le pauvre, se prosternant devant celui qui est sans défense, se prosternant devant l’Enfant de Bethléem insolite et inconnu, ils ont découvert la Gloire de Dieu.

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