Pko 26.03.2017
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°17/2017
Dimanche 26 mars 2017 – 4ème Dimanche du Temps de Carême – Année A
Humeurs…
Hommage à frère Claude SIMON, f.i.c.
Avec le Frère Claude Simon, c’est un grand serviteur de l’Église de Tahiti qui s’en va. Il était arrivé dans le diocèse en 1970 après avoir occupé en France des postes importants notamment celui de directeur du juvénat de Ploërmel, c’est à dire de l’établissement scolaire où les futurs frères de l’Instruction Chrétienne venaient faire leurs études secondaires.
Il a mis au service du Lycée Lamennais sa grande compétence, d’abord comme professeur des matières scientifiques dans le second cycle puis, de 1974 à 1975 comme directeur du second cycle. De 1977 à 1983, il est chef d’établissement.
C’est dans sa dernière année de directorat qu’il vit une expérience spirituelle assez forte. Le P. Emilien Tardif qui faisait un séjour de 3 semaines en Polynésie donna 6 soirs de suite une conférence à Maria no te Hau, suivie chaque soir d’une prière pour les malades. Le Frère Claude Simon assista aux 6 conférences debout sur le parvis au milieu d’une foule compacte. Je ne sais pas s’il participa aussi à la dernière assemblée au stade Pater. Mais il fut profondément marqué dans sa foi. Il avait été plus ou moins influencé par mai 68 et il était assez critique des institutions ecclésiales. Il revint à une foi moins intellectuelle, plus profonde et plus simplement évangélique. Lui le scientifique devint charismatique avec discrétion cependant et sans jamais se départir de sa rigueur de scientifique.
De 1983 à 1986, il est directeur de l’Enseignement Catholique en Polynésie. En 1986, il accepta avec l’accord de ses supérieurs de devenir économe diocésain, il le resta jusqu’en 2001, donc il occupa ce poste durant 15 ans. Il y laissa sa marque : les plans et les titres de propriété furent méticuleusement classés, une bénédiction pour son successeur. Une grande partie de son activité concernait les affaires de terre. Il ne tarda pas à acquérir une grande compétence dans ce domaine au point qu’il rédigeait lui-même ses conclusions et se passait d’avocat. Il forma le personnel à la rigueur tout en se montrant profondément humain et compréhensif. Le type même de collaborateur dont pourrait rêver un évêque.
Dès la deuxième année, il ajouta à ces fonctions d’économe diocésain celles de professeur au Grand Séminaire. Il enseignait l’Ecriture Sainte, il aimait cette matière, mais il aimait aussi former des futurs prêtres, s’efforçant de leur inculquer la discipline intellectuelle et la rigueur qu’il mettait en toute chose. Lorsqu’il cessa ses fonctions d’économe diocésain, il ajouta la patrologie à l’Ecriture Sainte.
Mais en 2005, âgé de 80 ans, il dut arrêter son enseignement et prendre une véritable retraite passant successivement de la communauté de Faaa à celle de Taravao pour revenir en 2016 à celle de Faaa.
Le Frère Claude Simon nous laisse le souvenir d’un homme exemplaire par sa compétence, sa foi, son esprit religieux, sa profonde humilité, son courage dans les épreuves de santé. Le Seigneur nous l’a laissé longtemps mais il l’a repris pour lui donner sa récompense.
© Mgr Hubert COPPENRATH - 2017
Chronique de la roue qui tourne
Chercher Dieu là où il est vraiment !
La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. » Évangile selon St Jean, chapitre 4, 19-21
Carême est bien entamé et Pâques se profile à l’horizon. Nous nous sommes familiarisés avec l’aumône, la prière et le jeûne… une feuille de route pour mieux trouver Dieu. Cette quête de Dieu est salutaire mais, trop souvent, nous nous imaginons un Dieu loin de nous. D’ailleurs, nous Le cherchons constamment… comme si nous pouvions l’égarer comme un objet. Nous Le cherchons constamment… comme s’Il pouvait se cacher de nous. Nous Le cherchons constamment ailleurs… alors qu’il est plus près qu’on ne le croit.
Quelle panique de croire que Dieu pourrait nous abandonner à notre triste sort ! Pourtant, n’a-t-Il pas sorti chacun d’entre nous du néant par amour ? Ne s’est-Il pas anéanti pour nous sauver du mal ? Autant de preuves d’amour pour nous abandonner un jour ?
Il est temps de prendre conscience de l’intimité de notre relation avec Dieu ! Dieu n’est pas sur un trône sous bonne garde donc insensible. Dieu n’est pas par monts et par vaux donc introuvable. Dieu ne s’est pas enfermé dans son ciel donc complètement inaccessible.
Par la venue du Christ, Dieu s’est fait au plus proche nous. Il s’est fait présent à chaque moment, il ne nous quitte jamais. Et, avec l’envoi de l’Esprit Saint, Il a choisi de demeurer avec nous. Ainsi, nous sommes devenus le temple de Dieu, Le temple qu’Il a choisi d’habiter. Désormais, nul besoin de pèlerinage pour Le trouver. Au lieu de toujours Le chercher ailleurs, il nous suffit d’un petit regard intérieur. Il est sûrement en train de patienter devant la porte de notre cœur. Il est prêt à nous guider sur les chemins de la vie… pour un peu que nous nous laissions conduire… pour un peu que nous nous taisions pour mieux L’écouter.
La Pâques est là justement pour nous rappeler que Dieu s’est toujours fait proche de l’homme, c’est l’homme qui met de la distance. Aussi, que Carême nous pousse à chercher Dieu là où il est vraiment. Qu’au milieu de ce temps d’épreuves, nous puissions expérimenter cette rencontre si intime que bouleversante. Cette rencontre a radicalement changé la vie de Saint Augustin, c’est justement ce qui a fait de lui un saint. Dans une de ses prières, il raconte : « Tu étais au-dedans de moi et moi j'étais dehors, et c'est là que je T'ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n'étais pas avec Toi. »
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2017
« Je suis la lumière du monde »
En marge de l’actualité du mercredi 22 mars 2017
L’évangile du quatrième dimanche de Carême raconte avec force détails la guérison d’un aveugle de naissance. En saint Jean, cet épisode de la vie de Jésus possède une portée symbolique forte : plus que la guérison d’un infirme, la puissance divine qui se manifeste en Jésus annonce la victoire définitive sur les puissances du mal.
Du temps de Jésus, la maladie ou l’infirmité était expliquée traditionnellement par l’existence d’un péché grave commis antérieurement soit par le malade lui-même soit par ses ascendants. Au début de l’évangile, les apôtres interrogent d’ailleurs Jésus en ces termes : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? »
La réponse de Jésus éclaire de manière nouvelle la compréhension de la maladie : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. » Par cela, Jésus met fin à la croyance selon laquelle la maladie équivaut à une sanction divine pour mauvaise conduite. Il y a là une nouveauté inouïe qui éclaire la nature même de Dieu sous un nouveau jour : Dieu est un Père aimant miséricordieux, et il a créé l’homme pour le bonheur !
Les Évangiles rapportent l’attention de Jésus pour les malades et les infirmes. Des passages évoquent sa profonde compassion envers eux (cf. Mt 20,34). Il va jusqu’à s’identifier aux malades : « J’ai été malade, et vous m’avez visité » (Mt 25,36). Pour illustrer le commandement de l’amour du prochain, il donne l’exemple du Bon Samaritain qui prend soin du blessé découvert sur la route. Par sa puissance de guérison, sa compassion, Jésus est le signe éclatant que « Dieu a visité son peuple » et que Royaume de Dieu est présent à travers lui.
En revenant à l’évangile dominical, la réponse de Jésus se poursuit de la manière suivante : « Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. » Il convient de bien comprendre cette phrase : la maladie n’appartient pas au projet divin, elle ne figure pas parmi les moyens que Dieu aurait créés pour maintenir l’homme sous sa coupe !
En réalité, dans les évangiles, la maladie est traitée sous un angle symbolique pour signifier l’état dans lequel se trouve l’homme pécheur. Spirituellement, le pécheur est aveugle, sourd, paralysé… Et la guérison qui survient à travers Jésus est dès lors une guérison spirituelle avant tout, autrement dit une guérison de la foi et de la confiance en Dieu.
En somme, si Jésus est la lumière, c’est aussi parce qu’il vient nous éclairer sur le plus grand drame qui puisse arriver à l’homme : la rupture de sa relation à Dieu qui le conduit à se méfier de Lui et à penser qu’il puisse être un Dieu punisseur et vengeur. Voilà pourquoi cet évangile de la guérison de l’aveugle-né trouve toute sa place dans le cheminement du Carême. Puisse-t-il donc nous aider passer du doute à la foi, des ombres de mort à la lumière du Christ !
+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2017
L’espérance, la persévérance et la consolation
Audience générale du mercredi 22 mars 2017
Chers frères et sœurs, bonjour !
Depuis déjà quelques semaines, l’apôtre Paul nous aide à mieux comprendre en quoi consiste l’espérance chrétienne. Et nous avons dit que ce n’était pas de l’optimisme, que c’était autre chose. Et l’apôtre nous aide à comprendre cela. Aujourd’hui, il le fait en la rapprochant de deux attitudes extrêmement importantes pour notre vie et notre expérience de foi : la « persévérance » et le « réconfort » (vv.4.5). Dans le passage de la lettre aux Romains que nous venons d’écouter, elles sont nommées deux fois : d’abord en référence aux Écritures et ensuite à Dieu lui-même. Quelle est leur signification la plus profonde, la plus vraie ? Et de quelle manière font-elles la lumière sur la réalité de l’espérance ? Ces deux attitudes : la persévérance et le réconfort.
Nous pourrions également définir la persévérance comme la patience : c’est la capacité de supporter, de porter sur les épaules, « sup-porter », de rester fidèle, même quand le poids semble devenir trop grand, insoutenable, et que nous serions tentés de juger négativement et d’abandonner tout et tout le monde. Le réconfort, en revanche, est la grâce de savoir saisir et montrer en toute situation, même dans celles qui sont le plus marquées par la désillusion et par la souffrance, la présence et l’action pleine de compassion de Dieu. Maintenant, saint Paul nous rappelle que la persévérance et le réconfort nous sont transmis en particulier par les Écritures (v.4), c’est-à-dire par la Bible. En effet, la Parole de Dieu, en premier lieu, nous pousse à tourner le regard vers Jésus, à mieux le connaître et à nous conformer à lui, à lui ressembler toujours plus. En second lieu, la Parole nous révèle que le Seigneur est vraiment « le Dieu de la persévérance et du réconfort » (v.5), qui demeure toujours fidèle à son amour pour nous, c’est-à-dire qu’il est persévérant dans l’amour avec nous, il ne se lasse pas de nous aimer ! Il est persévérant : il nous aime toujours ! Et il prend soin de nous, recouvrant nos blessures avec la caresse de sa bonté et de sa miséricorde, c’est-à-dire qu’il nous réconforte. Il ne se lasse pas non plus de nous réconforter.
Dans cette perspective, on comprend aussi l’affirmation initiale de l’apôtre : « Nous, les forts, nous devons porter la fragilité des faibles, et non pas faire ce qui nous plaît » (v.1). Cette expression, « nous les forts » pourrait sembler présomptueuse, mais dans la logique de l’Évangile, nous savons qu’il n’en est pas ainsi, ou plutôt, c’est exactement le contraire parce que notre force ne vient pas de nous, mais du Seigneur. Qui fait l’expérience dans sa vie de l’amour fidèle de Dieu et de sa consolation est en mesure, ou plutôt a le devoir d’être proche de ses frères les plus faibles et de prendre en charge leurs fragilités. Si nous sommes proches du Seigneur, nous aurons cette force pour être proches des plus faibles, des plus démunis, pour les consoler et leur donner de la force. C’est ce que cela signifie. Cela nous pouvons le faire sans faire ce qui nous plaît, mais en sentant que nous sommes comme un « canal » qui transmet les dons du Seigneur ; et ainsi il devient concrètement un « semeur » d’espérance. C’est ce que le Seigneur nous demande avec cette force et cette capacité de réconforter et d’être des semeurs d’espérance. Et aujourd’hui, il est nécessaire de semer l’espérance, ce n’est pas facile…
Le fruit de ce style de vie n’est pas une communauté dans laquelle certains sont de « ligue 1 », à savoir les forts, et les autres de « ligue 2 », à savoir les faibles. Le fruit, au contraire, est, comme dit Paul, « être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus » (v.5). La parole de Dieu alimente une espérance qui se traduit concrètement dans le partage, un service réciproque. Parce que même celui qui est « fort » se retrouve tôt ou tard à expérimenter la fragilité et à avoir besoin du réconfort des autres ; et vice-versa dans la faiblesse, on peut toujours offrir un sourire ou une main au frère en difficulté. Et c’est une telle communauté qui « d’un même cœur et d’une seule voix rend gloire à Dieu » (cf. v.6). Mais tout ceci est possible si l’on met le Christ au centre avec sa Parole, parce qu’il est le « fort », il est celui qui nous donne la force, qui nous donne la patience, qui nous donne l’espérance, qui nous donne la consolation. Il est le « frère fort » qui prend soin de chacun de nous : en effet, nous avons tous besoin d’être portés sur les épaules du Bon Pasteur et de nous sentir enveloppés de son regard tendre et prévenant.
Chers amis, nous ne remercierons jamais suffisamment Dieu pour le don de sa Parole qui se rend présente dans les Écritures. C’est là que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ se révèle comme le « Dieu de la persévérance et du réconfort ». Et c’est là que nous devenons conscients de ce que notre espérance ne se fonde pas sur nos capacités et sur nos forces, mais sur le soutien de Dieu et sur la fidélité de son amour, c’est-à-dire sur la force et le réconfort de Dieu. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana - 2017
La Parole aux sans paroles - 71
Portrait d’une médecin bénévole - Marion
Médecin au C.P.I., on pourrait croire Marion loin des agitations autour de la syphilis. Pourtant, une femme enceinte peut-être porteuse de la maladie sans le savoir… les conséquences sont parfois désastreuses sur le développement de l’enfant. Consciente de cette réalité, Marion s’est portée volontaire pour suivre le truck de la Miséricorde.
Comment as-tu rejoint l’équipe du Truck de la Miséricorde ?
« C’est Stéphane, l’infirmier, qui est venu dans notre service nous parler des dépistages du vendredi. Il cherchait en fait des médecins pour renforcer l’équipe médicale. Ça avait l’air intéressant et je me suis dit que je pouvais être utile. Et comme, en général, Stéphane est très rigolo, je me suis dit que ça allait être sympa. (Rires) »
C’est la première fois que tu travailles avec cette population ?
« Oui. »
Le contact a été facile ou avais-tu, quand même, des appréhensions ?
« Oui, j’avais des appréhensions. J’avais peur de ne pas savoir quoi dire, de ne pas savoir quoi faire, de ne pas être à ma place. En fait, tu ne sais pas trop où tu vas. Bref, j’avais une grosse appréhension ! Et puis, finalement, ce sont des personnes comme toi et moi. Donc, ça s’est super bien passé. »
En tant que médecin, ton bilan de toutes ces soirées-là ? On a beaucoup entendu parler de syphilis, qu’en est-il vraiment ?
« Le premier soir où je suis venue, on a eu qu’un cas. Mais quand tu regardes les chiffres de Stéphane, il y en a beaucoup. Donc, c’est une action qui est indispensable ! Chaque soir est différent. Ce n’est pas parce qu’on ne va pas trouver de cas ce soir que le problème est résolu. Et puis, même pour le seul cas, l’action est utile car la syphilis est une maladie très grave. Sur un certain nombre d’années, on peut devenir fou et en mourir ! Et c’est une maladie qui la plupart du temps ne se voit pas, les personnes infectées ne savent pas qu’elles sont malades parce qu’il n’y a aucun signe. Mais ça se traite facilement avec des antibiotiques. D’où la nécessité de se faire dépister ! Sans quoi, les personnes malades peuvent mourir. Aujourd’hui, il existe des dépistages, gratuits en plus, donc il ne faut pas hésiter. On ne sait jamais. C’est sûr qu’il était nécessaire de venir à la rencontre des personnes qui se prostituent. Sans le savoir, elles peuvent être touchées par la maladie et la transmettre. Elles sont une porte d’entrée malgré elles. Ça peut devenir le point de départ.
Dans mon service, il y a des dames enceintes et on sait qu’il y a des bébés qui meurent de la syphilis ou qui ont des maladies à cause de ça. On sait qu’il peut y avoir des atteintes neurologiques sur les bébés, ou des atteintes au niveau des os. Aujourd’hui, on n’a pas assez de recul pour évaluer exactement les conséquences de la syphilis sur les bébés en Polynésie mais il y aura forcément des conséquences ! En tout cas, dans notre service, et notamment avec ma chef de service, on prend conscience du problème, d’où ma présence le vendredi soir. »
Ton plus beau souvenir ?
« C’est la première dame que j’ai dépistée. Ce n’est pas une ra’era’e, c’était une dame. Quand elle est arrivée dans le truck, elle ne parlait pas, elle était prostrée. Elle avait l’air super fragile. Elle était un peu perdue. On l’a dépistée. Elle avait peur. On l’a rassurée en disant qu’elle pouvait être traitée ici même. Avec le truck c’est possible de traiter tout de suite. Ça l’a rassurée. Je l’ai invitée à venir dans le service pour être suivie. Je crois que c’était plus facile pour elle. (Et) le jour où je l’ai vue dans mon service, j’étais super contente parce que ça voulait dire qu’elle nous avait fait confiance. Non seulement, on avait été utile mais qu’un échange s’était créé aussi. C’est ça qui est beau ! On ne fait pas que du médical, on fait du social, on fait de la psychologie. On les aide vraiment, tu vois. C’est une aide globale à la personne. Voir cette confiance établie, ça m’a fait plaisir ! Avec cette dame, quelque chose s’est créé. Par exemple, j’ai appris qu’elle ne savait pas lire. Donc elle est vulnérable et marginalisée. Elle n’a pas osé dire à sa famille ce qu’elle fait. Du coup, on est peut-être le seul lien qu’elle peut avoir dans sa vie de tous les jours. Pour cela, il nous faut créer une relation forte ! C’est très important, je pense. Après, ce n’est peut-être pas encore assez intense, dans le sens où il pourrait y avoir plus d’intervenants comme des psychologues. Ça serait peut-être intéressant. Je pense que les prostituées ont un gros besoin d’écoute car ça n’a pas l’air facile tous les jours ! »
Le plus dur ?
« Justement, cette marginalisation des prostituées. Ce n’est pas normal de ne pas voir la vérité, leur métier existe depuis toujours. Je pense que, même indépendamment de la syphilis, c’est une population qui est complètement marginalisée. Je me rappelle encore d’une ra’era’e qui nous expliquait qu’elle n’arrivait pas à trouver un logement parce qu’elle était ra’era’e. Du coup, elles étaient 5, 6 dans un appartement. Elles sont complètement rejetées. Ça n’a pas l’air facile. Et, ça ne devrait plus exister aujourd’hui une telle injustice ! Elles ont besoin d’avoir une vie normale. Comme n’importe qui, elles ont droit à un logement. Elles doivent être considérées comme une personne ! »
Un dernier message aux gens qui ne connaissent pas le milieu de la prostitution ?
« C’est toujours pareil, il faut passer outre la différence pour voir la personne réellement. Mais ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Il faut déjà vouloir regarder ! Et, la plupart des gens préfèrent regarder superficiellement que d’essayer de connaitre la personne. Il faut vraiment comprendre que les prostituées sont des personnes comme nous. Il suffit d’écouter et de ne pas détourner le regard. Ne pas les regarder, c’est déjà les marginaliser ! »
© Accueil Te Vai-ete - 2017
Tribune libre
La justice du pire… ou le pire est à venir et avenir
Que peut-il nous arriver de pire quand on a tout perdu ? Que peut-il nous arriver de pire quand on vit dans la rue ? Que peut-il nous arriver de pire quand la société nous regarde derrière son hublot ? Rien pensez-vous et bien détrompez-vous le pire reste à venir…
Imaginez qu’à une certaine époque vous aviez une maison et que qu’à cette époque-là, déjà difficile, quelqu’un s’introduit chez vous et que, pour vous défendre contre cet intrus, et parce que vous n’avez pas encore la capacité de lire dans ses pensées, vous ne connaissez pas ses « bonnes intentions », vous vous saisissez d’une arme blanche pour vous défendre et que vous le chassiez à coup de menaces… le cœur battant, les jambes tremblantes, votre arme encore toute propre à la main, l’individu prend la fuite… Ô joie ! Ô espoir !… Vous vous en êtes sorti sans aucune blessure, juste un bon coup d’adrénaline ; mais l’histoire ne s’arrête pas là… Ce gentil individu plein de « bonnes intentions » qui c’est introduit chez vous, court porter plainte contre vous car vous avez osé le menacer avec une arme… Mince alors…
Entre temps vous perdez cette maison dans laquelle le gentil individu s’était introduit et, bon an mal an, vous poussez votre valise à roulettes dans les rues à la recherche d’un endroit pour dormir, d’un repas chaud et d’un peu d’écoute, de réconfort… le pire… Mais non le pire est encore à venir !
Voilà, la justice rend son verdict… le gentil individu qui s’est introduit chez vous a porté sa plainte devant le tribunal correctionnel qui évidemment, pensez-vous, fût outré de… cette intrusion ! Croyez-vous ?... Vous prenez les paris ??? Prêt… Un Deux… Trois… et bien non… perdu … le pire est à venir et surtout avenir…
La justice s’est outrée que le gentil individu dont vous ne connaissiez pas les bonnes intentions ait été menacé avec une arme dans la maison où il s’est introduit frauduleusement… et vous condamne à 4 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve et 15 000 xfp de droits fixe à payer… le pire ? Non il est à venir et avenir…
Outré ? Qui est outré ? Vous ou le gentil individu dont vous ne connaissiez pas les bonnes intentions ? Eh bien vous, bien évidemment, outré d’être condamné alors que vous n’avez rien fait, outré parce que vous vivez dans la rue et que vous ne pouvez pas payer 15 000 xfp. Alors vous demandez conseil pour ne pas payer cette somme car vous êtes un citoyen honnête. Vous chercher à vous acquitter de ce que vous devez envers la société. Mais vous ne pouvez pas payer, cette même société qui vous a condamnée alors que vous n’avez rien fait… cette même société qui vous regarde de l’autre côté de son « hublot » à l’abri de la réalité… Alors vous cherchez des réponses, des moyens de vous en sortir… Voici les bons conseils que vous recevez : il n'existe pas de procédure de remise gracieuse des amendes ou des condamnations pénales. Cette procédure existe seulement pour les impôts et pénalités de retard. Ceci dit, si le condamné ne dispose d'aucune ressource ou d'aucun bien, le Trésor ne pourra pas procéder par voie de saisie pour le recouvrement et dans ce cas le dossier sera classé en « non-valeur ». C'est-à-dire que le recouvrement sera abandonné par le Trésor. « Eurêka » croyez-vous ! Que vous dit-on exactement ? Eh bien, soit vous payez de suite ce qui vous évite les 20 % de majoration de retard, car si vous payez plus tard vous serez majoré de 20% mais avec la possibilité d’obtenir un échelonnement ; soit vous ne payez pas, le Trésor ne poursuivra pas pour si peu et de toutes les façons sur quelle base : vous n’avez rien… Mais vous ? Oui vous du « mauvais » côté du hublot, vous essayer de repasser du « bon » côté du hublot, de vous réinsérer dans cette société qui vous regarde de si haut. Or le message de cette réinsertion est surréaliste : ne pas respecter les règles car il n’est pas prévu de dispositif pour les gens comme vous, dans la rue, sans rien. Alors quand la société vous contraint à respecter des règles qui ne peuvent pas s’appliquer à vous, on vous conseille tout simplement de ne pas les respecter…c’est juste édifiant.
C’est cela le message de réinsertion que la société envoie ? C’est cela le message que nous adressons à nos frères et sœurs qui souhaitent vivre comme tout le monde en respectant les règles ? Ne les respecte pas, ne paie pas… tu ne peux pas… Ce ne serait pas plus simple de prévoir des règles aussi pour ces frères et sœur ? Eh bien non ! Les règles sont faites pour ceux qui vivent de du « bon » côté du hublot, toi qui vit de l’autre côté tu ne peux pas traverser… il n’y a pas de règles que tu puisses respecter… le pire est avenir…
Après ne pas avoir à payer les droits fixes en contrevenant aux règles les plus élémentaires, vous vous dîtes : « Je vais faire appel de cette décision, j’ai été condamné alors même que je n’ai rien fait… » Quel idée avez-vous là ??? Faire appel mais vous êtes fou, en appel votre peine sera aggravée, oui aggravée pas annulée, vous avez osé vous défendre chez vous contre un intrus aux intentions si bonnes… donc non surtout n’usez pas de votre droit à interjeter ; l’appel à la justice ne vous sera pas favorable… le pire est avenir.
Donc vous exécuter votre peine avec mise à l’épreuve. Vous vous rendez auprès de votre conseiller de probation, mais là aussi on vous dit qu’il n’est pas là… revenez demain… Stop là ! Surtout pas ! Retournez-y et demandez bien un papier certifiant de votre passage sinon vous resterez définitivement du « mauvais » du hublot… mais cette fois ci dans la cale de ce beau bateau… la prison !
Voilà les messages ce que cette société du « bon » du hublot renvoie à ceux qui sont de l’autre côté et tentent de nous rejoindre… c’est triste désespérant et encore le pire est avenir.
Chers concitoyens, prenez le temps d’assister aux audiences publiques de correctionnel… vous apprendrez tant sur notre belle société si bien-pensante.
Que penser d’un juge d’instruction qui dit à un bon citoyen venu de Napuka en bateau, qui n’a pas les moyens de repartir, parce que convoqué en audience, et qui lui aussi a subi des menaces de mort d’un individu qui s’est introduit bien alcoolisé chez lui et lui a fracassé sa clôture : « Pourquoi vous êtes-vous déplacé ? Franchement ce tribunal n’a pas autre chose à traiter que ce genre de dossier ? Il relève des foraines de faire ce travail »… « En plus vous avez osé, avec la paume de votre main, pousser cet intrus hors de chez vous. Et puis enfin, votre clôture est abimée… certes il y a des photos, mais quand même, pas de facture… franchement ce dossier n’a rien à faire-là »… Le pire est avenir…
Peut-être pas tant que ça, car heureusement un procureur a su avoir les mots, a su recadrer le contexte. « Certes M. le juge vous avez autre chose à traiter et je suis désolée que ce dossier vous prenne 20 minutes de votre temps, d’autant qu’il n’y a pas de foraine à Napuka… Mais je me mets à la place de cet individu qui voit rentrer chez lui un individu fortement alcoolisé, qui a de surcroit défoncé sa clôture… Je me dis que j’aurais fait comme lui repousser cet intrus avec la paume de ma main… » Il y a donc encore un peu d’espoir pour ceux qui sont de l’autre côté du hublot mais tellement peu, tellement rarement…
La justice du pire c’est quand nos messages ne traversent plus ce satané hublot, le pire est à venir quand les choses s’enchaînent et que vous ne pouvez plus respecter des règles qui n’ont plus de sens pour vous… qu’il vous est impossible à mettre en œuvre ! Lorsqu’on connaît ce fonctionnement judiciaire… alors on se dit que le pire est avenir.
© Accueil Te Vai-ete - 2017
Hommage – Présentation de frère Claude SIMON, f.i.c. dans « 1960-2010 »
Frère Claude, une véritable encyclopédie scientifique
Voici comment Mr Dominique SOUPÉ, présentait Frère Claude dans le livre « 1960-2010 – 50 années de mission partagée ». Un portrait qu’il nous est agréable de relire alors que Frère Claude vient « d’entrer dans la vie ».
Ce Nantais de naissance, donc pas tout à fait Breton, depuis sa formation à l'ECAM à Lyon d'où il sortit ingénieur, major de sa promo en 1952, fut doublement marqué par les Frères de Ploërmel et les Frères De La Salle.
Frère Claude vint en Polynésie en 1970 afin de remplacer quelqu'un pendant deux ans. Il y est depuis.
Ses élèves, qu'ils fussent juvénistes, novices, grands séminaristes ou simples lycéens conservent intacte leur admiration pour sa rigueur morale aussi bien que pédagogique ou scientifique. Point besoin d'ordinateur ou de calculatrice électronique, un crayon, un morceau de papier (et parfois une table de logarithmes) lui suffisent... L'astronomie est une récréation, pour lui : chaque année il indiquait avec précision le passage du soleil au zénith. Qui ne l'a vu mesurer la période d'un pendule pour déterminer (avec 4 ou 5 décimales) la valeur de l'intensité de la pesanteur, ou encore plonger à Paea pour mesurer la salinité de l'eau de mer (c'est sans doute la seule fois où il s'est autorisé une baignade en mer en Polynésie !)
Enseigner les mathématiques et la physique sont pour lui un véritable plaisir (la chimie à peine moins). Mais quand on lui parlait d'enseigner “chrétiennement”, il éclatait de rire : « Faisons notre boulot avec sérieux, ça suffira bien ! » Il ne supporte pas la médiocrité, les retards, l'à-peu-près... De sa vie, il ne parle pas (ou peu) : ce n'est pas homme à regarder en arrière.
Diriger le Collège-Lycée La Mennais (à l'époque on disait Collège Catholique de Papeete), il le fait par simple obéissance, mais avec rigueur. Il reprend tous les plans des bâtiments et des terrains et découvre bien des erreurs. Gérer n'est pas le bon mot... économiser semble plus juste. Avec Frère Eugène comme économe, il était bien loti.
Puis voici le temps de prendre en main la Direction de l'Enseignement Catholique (la D.E.C.). Il se met à étudier toute la législation Debré-Guermeur et se trouve vite incollable. Il se montre un interlocuteur redoutable et redouté tant par les autorités de l'État que celles du Territoire. Certes il ne sait pas travailler avec des adjoints, le partage du “pouvoir” (on dira plutôt “des responsabilités”) n'était pas de son époque. Mais tous ceux qui lui ont succédé ont apprécié le classement méthodique des documents et archives de la D.E.C. Cela a bien servi en 1981-1982 lorsque le Ministre Savary a tenté de nationaliser les écoles catholiques.
L'heure de la retraite sonnée, un Frère peut encore servir, c'est alors qu'il est nommé Économe diocésain, une première pour la Congrégation des Frères ! Là encore, il se met au travail. Chaîne d'arpenteur en main, il revoit tous les plans de la Mission Catholique. Plus d'une fois on l'entend dire : « Où donc ont-ils été formés ces géomètres ? » Il est un appui précieux, et pour Mgr Michel et pour le CAMICA. Son successeur apprécie les travaux de classement de Frère Claude.
Cet infatigable artisan du travail intellectuel quasi permanent, mathématicien acharné, en surprend plus d'un lorsqu'il adhère au mouvement charismatique, intégrant le groupe de prière de la Mission. Il faut le dire, Frère Claude est avant tout un homme de prière, héritage précieux de son papa et de sa maman. C'est sans doute cela qui l'a aidé à affronter toutes les situations et tous les imprévus. Il se nourrit jour après jour de la Parole de Dieu, cela lui permet d'achever sa “carrière” en enseignant l'Écriture Sainte et la Patrologie au Grand Séminaire.
Gageons que cet “ouvrier” qui a su mener bien des charrues dans toutes sortes de terrains plus ou moins rocailleux, « sans jamais se reposer ni regarder en arrière », aura sa part au Royaume des cieux (cf. Le 9, 62). C'est ce que celles et ceux qui l'ont connu lui souhaitent.
Dominique Soupé
© Frère de La Mennais – 2010
Postes occupés dans l’Archidiocèse
Professeur de 2de, 1ère et Terminale..................... 1970 1974
Directeur du 2d cycle...................................... 1974 1977
Directeur La Mennais + Économe....................... 1977 1983
Directeur de la D.E.C...................................... 1983 1986
Professeur et Économe Diocésain...................... 1986 1987
Économe diocésain....................................... 1986 1987
Économe diocésain et professeur au Gd séminaire.. 1987 2001
Prof. d’Écriture Ste, Patrologie et Bibliothécaire...... 2001 2005
Retraité à Faaa – St Hilaire.............................. 2005 2015
Retraité à Taravao – Sacré-Cœur............................... 2015 2016
Retraité à Faaa – St Hilaire........................................ 2016 2017
Hommage - Réflexion sur l’Univers par frère Claude SIMON, f.i.c.
Des multitudes d’enfants de Dieu ?
Claude SIMON est né en 1925. Quand on lui pose des questions sur l'origine de sa vocation, il nous dit que dès son plus jeune âge (6 ans) il voulait être maître d'école. Entré au noviciat des Frères de l'instruction chrétienne (congrégation fondée en 1819 par Jean-Marie de La Mennais, Claude ajoute qu'ils sont les « petits neveux » des Frères des Écoles Chrétiennes - St Jean Baptiste de la Salle). Il est candidat pour les « Missions » mais c'était la guerre et il n'était pas question de quitter la métropole. Il obtient son diplôme d'ingénieur ECAM en 1952 et reste en France où il enseigne dans différents lycées en Bretagne.
En 1970, il rencontre un Frère du lycée La Mennais de Papeete qui lui propose de le remplacer pendant 2 années. En fait cela fait plus de 40 ans qu'il exerce aux antipodes où il a pu réaliser son rêve : être en pays de mission et enseigner, les maths et les sciences et aussi l'Écriture Sainte, la Patrologie au Grand Séminaire de Tahiti. Aujourd'hui Claude est à la retraite, il a arrêté à 80 ans non sans regrets. Mis à part les membres de sa famille, ses anciens collègues, ses anciens élèves, il garde des contacts avec ses condisciples de l'ECAM.
Bien occupé par ses lectures mais aussi par des travaux de jardinage, il nous dit qu'il réserve « davantage de temps pour prier Dieu, en attendant de le voir, sans trop tarder peut-être ». Malicieux, il nous dit avoir une longue série de questions à lui poser sur toutes sortes de sujets, entre autres sur les « exoplanètes », terrain où Claude SIMON nous engage à le suivre dans ses réflexions sur les questions qui se posent aux hommes et à leur place dans la Nature.
Certaines acquisitions récentes en astronomie nous conduisent à de nouvelles réflexions philosophiques et religieuses : je veux parler ici des EXOPLANETES, c'est-à-dire des planètes orbitant autour des étoiles. Chacun le sait, au début du XVIIème siècle, Galilée, Kepler et autres ont bouleversé les idées de l'époque sur la Terre et le système solaire. Ces dernières années, nous vivons un bouleversement encore plus considérable puisqu'il porte sur tout l'univers. Sujet immense, on ne pourra que l'effleurer, je le ferai en 4 questions qui s'enchaînent :
Question 1 : Y a-t-il des planètes hors du système solaire ?
Il y a 20 ans, les avis étaient encore partagés. Depuis, grâce à des travaux de haute technicité menés par des observatoires au sol (spectrographe HARPS...) et des sondes spatiales (Kepler 2009...), la réponse est formelle. Rien que dans notre galaxie, la Voie Lactée, les planètes se comptent en centaine de milliards. Et comme l'univers contient quelque cent milliards de galaxie, on aboutit à un ordre de grandeur « astronomique » d'au moins 10 puissance 22 planètes.
Question 2 : Combien de planètes possèdent-elles les conditions physicochimiques permettant l'éclosion de la vie ? Plus ou moins semblables à ce que nous connaissons.
La molécule d'eau, dans sa phase liquide, est indispensable, ce qui impose une température adéquate, une atmosphère satisfaisante. Il faut aussi un sol rocheux, du carbone, de l'oxygène, etc… Ces conditions sont rarement remplies ; autour du soleil, seule la Terre les réunit, parmi les 8 planètes et les 7 satellites principaux ; plusieurs sont torrides, d'autres glacés... Dans l'espace, le constat est semblable, peu de planètes sont habitables. Les évaluations actuelles ne dépassent guère 1 %. On arrive ainsi aux alentours de 10 puissance 20 candidates à la vie, végétale, animale..., un problème énorme : aucun moyen, direct ou indirect, permet d'observer des végétaux ou animaux, même gigantesques. C'est pourquoi 2 hypothèses s'affrontent :
1) Pour les uns, un abîme sépare la chimie de la biologie. Ils en concluent qu'il a fallu un concours de circonstances extraordinaire pour que le premier vivant voie le jour. Cela n'a pu se produire qu'une fois dans l'univers. La vie n'existe que sur la Terre.
2) Pour les autres, la chimie organique débouche normalement sur la vie.
Au cours des années passées, ou plutôt des millions de siècles, le brassage continuel des chaînes carbonées a conduit de temps en temps à des particules d'un type nouveau, capables en particulier de se reproduire si le milieu physico-chimique est favorable. L'abîme actuel chimie-biologie, bien réel, succède à un ancien fossé, lui-même issu de modestes variantes.
Combien de planètes habitables sont ou seront-elles habitées un jour ? Des travaux encore balbutiants essaient de retrouver la genèse de la vie. Et ce thème de recherche a naturellement la préférence de nombreux scientifiques.
Question 3 : Parmi les êtres vivants, certains nous ressemblent-ils ? (pensée, liberté, amour…) ?
Le problème est semblable au précédent, avec cependant une différence de taille : nous disposons maintenant de données importantes sur l'émergence d'un rameau humain à partir d'un groupe de primates. Le facteur temps joue certainement beaucoup, puisqu'il a fallu quatre milliards d'années pour que naissent Toumaï, Orrorin et autres.
Bien des aspects nous échappent encore et on retrouve 2 hypothèses semblables aux précédentes :
- L'aventure humaine est une exception ;
- L'aventure humaine est un exemple parmi bien d'autres.
À priori, les scientifiques préfèrent la deuxième hypothèse, sans pouvoir exclure la première.
ET LA FOI DANS TOUT CELA ?
La foi est muette sur les questions 1 et 2, ainsi que sur les processus évoqués aux numéros 3 et 4. La Foi se place sur un terrain extrascientifique.
Pourquoi (et pour quoi) cet UNIVERS ?
Les philosophes incroyants ne cachent pas leur embarras.
Pour les croyants : Dieu est AMOUR. La joie de Dieu est d'avoir une multitude d'enfants pour les aimer et être aimé par eux.
Cette conviction ne permet pas de répondre oui ou non aux questions 3 et 4. Elle est compatible avec la supposition que les fils et filles de Dieu n'existent que sur la planète Terre (aussi petite que soit cette planète).
Elle s'accorderait bien mieux avec l'hypothèse inverse : Dieu a multiplié ses enfants sur des millions et des milliards de planètes. « Les cieux racontent la gloire de Dieu ».
Claude SIMON (1952)
© ECAM – septembre 2013
Commentaire des lectures du dimanche
Chers frères et sœurs, bonjour,
L’Évangile du jour nous présente l’épisode de l’homme aveugle de naissance, auquel Jésus donne la vue. Le long récit s’ouvre par un aveugle qui commence à voir et se conclut — cela est curieux — avec de présumés voyants qui continuent à rester aveugles dans l’âme. Le miracle est raconté par Jean en deux versets à peine, car l’évangéliste veut attirer l’attention non pas sur le miracle en soi, mais sur ce qui arrive ensuite, sur les discussions qu’il suscite ; sur les médisances aussi : souvent, une bonne œuvre, une œuvre de charité suscite des médisances et des discussions, car certaines personnes ne veulent pas voir la vérité. L’évangéliste Jean veut attirer l’attention sur ce qui arrive aussi de nos jours lorsque l’on fait une bonne œuvre. L’aveugle guéri est d’abord interrogé par la foule étonnée — ils ont vu le miracle et l’interrogent — puis par les docteurs de la loi ; ces derniers interrogent aussi ses parents. À la fin, l’aveugle guéri parvient à la foi, et c’est la grâce la plus grande qui lui est faite par Jésus : non seulement de voir, mais de Le connaître, de Le voir comme « la lumière du monde » (Jn 9, 5).
Alors que l’aveugle s’approche petit à petit de la lumière, les docteurs de la loi au contraire s’enlisent toujours plus dans leur cécité intérieure. Enfermés dans leurs présomptions, ils croient avoir déjà la lumière ; à cause de cela, ils ne s’ouvrent pas à la vérité de Jésus. Ils font tout pour nier l’évidence. Ils mettent en doute l’identité de l’homme guéri ; puis ils nient l’action de Dieu dans la guérison, en prenant comme excuse que Dieu n’agit pas le samedi ; ils en arrivent même à douter que l’homme soit né aveugle. Leur fermeture à la lumière devient agressive et aboutit à l’expulsion du temple de l’homme guéri.
Le chemin de l’aveugle au contraire est un parcours à étapes, qui part de la connaissance du nom de Jésus. Il ne connaît rien d’autre de Lui ; en effet, il dit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a enduit les yeux » (v.11). Après les questions pressantes des docteurs de la loi, il le considère d’abord comme un prophète (v.17), puis un homme proche de Dieu (v.31). Après qu’il a été éloigné du temple, exclu de la société, Jésus le trouve de nouveau et lui « ouvre les yeux » pour la deuxième fois, en lui révélant son identité : « Je suis le Messie », lui dit-il. À ce moment-là, celui qui avait été aveugle s’exclame : « Je crois, Seigneur ! » (v.38), et se prosterne devant Jésus. C’est un passage de l’Évangile qui montre le drame de la cécité intérieure de tant de personnes, y compris la nôtre, car parfois nous avons des moments de cécité intérieure.
Notre vie est parfois semblable à celle de l’aveugle qui s’est ouvert à la lumière, qui s’est ouvert à Dieu, qui s’est ouvert à sa grâce. Parfois malheureusement, elle est un peu comme celle des docteurs de la loi : du haut de notre orgueil, nous jugeons les autres, et même le Seigneur ! Aujourd’hui, nous sommes invités à nous ouvrir à la lumière du Christ pour porter du fruit dans notre vie, pour éliminer les comportements qui ne sont pas chrétiens ; nous sommes tous chrétiens, mais nous tous, tous, nous avons parfois des comportements non chrétiens, des comportements de péché. Nous devons nous en repentir, éliminer ces comportements pour marcher résolument sur la voie de la sainteté. Elle trouve son origine dans le baptême. Nous aussi, en effet, nous avons été « éclairés » par le Christ dans le baptême, afin que, comme nous le rappelle saint Paul, nous puissions nous comporter comme des « enfants de lumière » (Ep 5, 8), avec humilité, patience, miséricorde. Ces docteurs de la loi n’avaient ni humilité, ni patience, ni miséricorde !
Je vous suggère, aujourd’hui, quand vous rentrerez chez vous, de prendre l’Évangile de Jean et de lire ce passage du chapitre 9. Cela vous fera du bien, car vous verrez ainsi cette route de la cécité à la lumière et l’autre mauvaise route vers une cécité plus profonde. Demandons-nous comment est notre cœur ? Ai-je un cœur ouvert ou un cœur fermé ? Ouvert ou fermé à Dieu ? Ouvert ou fermé à mon prochain ? Nous avons toujours en nous quelque fermeture née du péché, des fautes, des erreurs. Nous ne devons pas avoir peur ! Ouvrons-nous à la lumière du Seigneur, Il nous attend toujours pour nous aider à mieux voir, pour nous donner plus de lumière, pour nous pardonner. N’oublions pas cela ! Confions le chemin du Carême à la Vierge Marie, afin que nous aussi, comme l’aveugle guéri, avec la grâce du Christ, nous puissions « venir à la lumière », aller plus avant vers la lumière et renaître à une vie nouvelle.
Angélus du 30 mars 2014
© Libreria Editrice Vaticana – 2016