Pko 25.06.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°35/2017

Dimanche 25 juin 2017 – 12ème Dimanche du temps ordinaire – Année A

Humeurs…

Dieu soit béni !

 

« Dieu soit béni, de nous donner la joie de voir aujourd'hui à Papeete, un fils de Tahiti monter à l'autel du Seigneur »… Tels furent les mots qui commencèrent, le 25 janvier 1959, l’homélie de Mgr Paul Mazé à l’occasion de la 1ère messe à Papeete de l’abbé Hubert Coppenrath.

Dix-neuf mois plus tôt, le 27 juin 1957, Mgr Hubert avait été ordonné prêtre à Poitier. Il y a donc 60 ans de cela… À notre tour, nous voulons dire : Dieu soit béni de nous donner la joie d’avoir à nos côtés un tel témoin de foi, dévoué totalement à son Église et au peuple de Dieu qui est en Polynésie.

Soixante ans de fidélité au service du peuple de Dieu qui lui a été confié d’abord comme prêtre puis comme évêque… un témoignage de courage, de fidélité, de don de soi dans une société qui semble se noyer dans l’éphémère !

Un témoignage d’humilité aussi… puisque après avoir été en charge de l’Archidiocèse, il s’est remis au service de son Église comme tout prêtre… reprenant la vie paroissiale aussi bien à Maria no te Hau que dans les îles Tuamotu.

Dieu sois béni, pour ce pasteur qu’il nous a donné et qui reste aujourd’hui à près de 87 ans pour chacun un père et un exemple ! Dieu soit béni !

Chronique de la roue qui tourne

J’avais oublié

« L’amour appelle l’amour ! Pour changer le cœur d’une personne malheureuse, il faut d’abord l’embrasser, lui faire sentir qu’elle est désirée, qu’elle est importante, alors elle cessera d’être triste. Que souffle ici sur nos visages un vent de libération. Que germe ici le don de l’espérance. » Pape François, audience générale du 14 juin 2017

La semaine dernière, je suis retournée à Te Vaiete, après de longs mois de désertion. Faute avouée, faute pardonnée, n’est-ce pas ? Quoi qu’il en soit, j’y suis retournée, avec mon petit dictaphone… ce ne sont pas moins de 5 interviews qui se sont enchaînées.

Et je me suis rendue compte que j’avais oublié. J’avais oublié que l’autre que l’on croise souvent autour de la Cathédrale en train de rire et très « fatigué » – comme dirait Père Christophe -, cet autre porte un passé un peu trop lourd pour ses épaules. J’avais oublié que certains sont confrontés à l’horreur jeune, beaucoup trop jeune. J’avais oublié combien ils ont besoin de parler et d’être entendus, eux que la société cherche à gommer. J’avais oublié combien l’homme est – et doit rester – plus grand que ses erreurs, que ses choix, que notre perception. J’avais oublié combien notre regard réduit systématiquement les choses… jusqu’au moment où nous nous laissons surprendre. J’avais oublié qu’il faut un peu de temps et de l’attention pour découvrir la valeur de l’autre et redécouvrir ce « quelqu’un » que tu crois connaître. J’avais oublié le malaise qu’on ressent lorsque l’autre raconte sa vie de merde en pleurs. Devant ce désespoir, nul ne peut se défiler, et surtout pas un « chrétien ». J’avais oublié leur regard lorsque je dis « bêtement » : ça va aller, continue, ne lâche pas. J’avais oublié que pour ces petits mots qui ne m’ont rien coûté, qui n’ont rien changé à leur situation, pour ces petits mots ils te donnent un sourire et un merci. J’avais oublié que dans un bénévolat, les notions de « donner » et « recevoir » ne sont pas des voies à sens unique, toi bénévole reçois autant, sinon bien plus, que ce que tu donnes.

Bien sûr, toutes ces notions ne nous sont pas étrangères, nous saisissons assez bien le concept. Tout cela, on le sait... en théorie mais prenons-nous le temps de passer à la pratique ? Osons-nous nous confronter à la réalité.

L’homme n’est pas une science où il nous suffirait d’apprendre une leçon pour tout savoir. Non, l’homme est à rencontrer un jour, à redécouvrir à tout moment et à aimer à chaque instant !

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2017

L’École diaconale se porte bien

En marge de l’actualité du mercredi 21 juin 2017

Après le Grand Séminaire, l’école diaconale vient, elle aussi, de terminer son année académique. Avec un peu plus de trente étudiants, l’école se porte bien, signe que le diaconat permanent engendre de l’intérêt parmi les fidèles.

L’année a fini sur des admissions parmi les candidats au diaconat ainsi que des investitures (lectorat, acolytat). Il devrait donc y avoir de nouvelles ordinations dans les mois qui viennent. Nous nous réjouissons de cela et nous tenons à remercier l’ensemble des formateurs qui se dévouent.

Le diaconat manifeste ce qui fait l’essence de tous les ministères ecclésiaux, ordonnés ou non : le service de la communauté. Le diacre est l’incarnation sacramentelle du Christ qui s’est fait le serviteur de tous, jusqu’à s’abaisser devant les apôtres pour leur laver les pieds et donner sa vie sur la Croix.

Il est capital que les candidats au ministère diaconal conservent à l’esprit l’identité propre de ce ministère. Il ne s’agit pas de s’arroger un titre qui apportera une reconnaissance sociale. Le diacre n’est pas non plus à considérer seulement comme un auxiliaire du prêtre qui pourra tant bien que mal palier son absence. En outre, dans notre diocèse, le diaconat s’est surtout épanoui dans le service de la Parole, de la liturgie et de la préparation aux sacrements.

Mais la mission du diacre compte aussi depuis ses origines le service des pauvres et des exclus. De ce point de vue, le diacre est moins un homme de l’autel qu’un homme placé à la porte d’entrée de l’église : qui accueille chaque fidèle, repère les plus démunis, regarde au loin ceux et celles qui n’osent plus prendre le chemin de l’église, puis interpelle la communauté et encourage l’esprit de charité et d’évangélisation.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

La Parole aux sans paroles 80

Portrait d’une sœur de la rue – Deb’s

« C’est toi qui fait les interviews ? Parce que j’ai vraiment besoin de parler à quelqu’un… » Voilà mon premier contact avec Deb’s. Elle cherchait désespérément quelqu’un à qui se confier, elle en avait tellement sur le cœur ! Elle a vu sa vie tomber comme un jeu de dominos !

Où as-tu grandi ?

« J’ai grandi à Tahiti mais j’ai été adoptée par une famille Européenne dès ma naissance. Papa était gendarme et maman était puéricultrice. Avec ma famille adoptive, ça se passait très bien… jusqu’à mes 14 ans où j’ai connu ma famille biologique. C’est là que ma vie a basculé ! Chez mes parents adoptifs, il n’y avait pas de violence, il n’y avait que de l’amour. J’ai grandi dans un foyer où l’amour débordait de la maison. Et quand j’ai connu ma famille biologique, les coups étaient gratuits. Ma mère était une femme battue, même pendant ses grossesses. Moi, pendant que j’étais dans son ventre, elle se faisait battre. D’ailleurs, pendant les 4 grossesses où elle a été battue, ben, elle a donné en adoption ces 4 bébés-là… sur 15 enfants. Quand j’ai entendu mon histoire, je suis rentrée chez mes parents adoptifs mais ma vie était complètement chamboulée. J’ai chuté au niveau scolaire, je me suis arrêtée en 3ème. Parce que je comprenais pas pourquoi, moi, j’ai grandi avec de l’amour, alors qu’il n’y a pas d’amour dans ma famille biologique. J’ai eu du mal à encaisser ! Du coup, je suis restée jeune avec le papa de ma fille, je n’avais que 18 ans. J’ai eu ma fille à 20 ans ! Et j’ai connu aussi les coups avec lui alors qu’on ne m’avait jamais tapée. »

Et tes parents adoptifs dans tout ça ?

« Mes parents adoptifs voulaient que je voie de moi-même. Mon papa me disait : "Si tu es déçue par ta famille biologique, vois ce que tu veux vraiment. Tu veux être avec eux ou tu veux être avec nous ? Mais moi, je trouvais injuste que ma mère biologique, celle qui m’a portée dans son ventre, celle qui m’a donnée la vie, se faisait battre. Ça, je n’ai pas pu accepter ! Et par la suite, c’est moi qui a été battue ! Je suis tombée dans la drogue ! Je suis tombée dans l’alcool ! Je suis tombée jusqu’à la prostitution ! »

Comment est-ce arrivé ?

« J’ai tout perdu. Je vivais à la rue avec ma fille pendant 2 ans. Je n’avais rien. Il n’y avait pas de travail. Le seul moyen d’avoir un peu de sous, c’était la prostitution. Alors, je me suis prostituée pour pouvoir manger, pour acheter les couches de ma fille. Après, j’ai placé ma fille chez ma sœur pour pouvoir arrêter. C’est horrible de devoir se laisser toucher par des hommes que tu ne connais pas. Il y a la peur aussi qu’on te viole. Tu ne prends pas de plaisir, tu es juste un objet sexuel pour eux. Je n’ai jamais eu de problèmes avec les hommes que j’acceptais mais je te jure que… Je ne voulais pas finir comme ça !

Avec certains, je m’entendais bien, on est même devenu amis. Après, il n’y avait plus de sexe. Ils m’aidaient. Au lieu de profiter de moi, ils m’aidaient. Ça a été le plus dur dans ma vie ! Je n’avais que 17 ans ! Je suis arrivée dans la rue, j’avais 15 ans ! »

Avec tes parents adoptifs, tu avais des frères et sœurs ?

« Oui, ils avaient deux enfants, un garçon et une fille. On avait 13 et 14 de différence. Avec ma sœur, ça allait. Mon frère, il n’a jamais accepté que je sois la dernière de la famille. Et, un jour, il m’a fait mal, ce qui a donné ma première grossesse. J’étais jeune, je n’avais que 15 ans ! J’ai eu des jumeaux mais je ne les ai pas gardés. Je les ai mis en adoption.

En 2010, j’ai perdu mes parents adoptifs. Ils sont décédés à un mois d’intervalles. Maman a eu un cancer, donc ils sont rentrés en Métropole. Et, papa devait se mettre un pacemaker, il a lâché sur la table d’opération. Maman l’a suivi un mois après. J’ai dû faire trois allers/retours vers la Métropole. L’année 2010 a été horrible. On m’a appelée pour mon papa, je suis partie. Un mois après, on me rappelle pour ma maman, je suis partie encore. Mais je ne pouvais pas rester en France, j’avais mes enfants ici ! Alors je suis revenue à Tahiti mais ce n’était pas mon choix… c’était pour mes enfants.

Donc, aujourd’hui, je suis obligée de revoir mon frère pour l’héritage de mes parents. Mais on ne s’entend pas ! Ma sœur, elle, vit à Biarritz. Elle a complètement coupé les ponts avec moi depuis les décès de mes parents. Elle a fermé facebook, elle a fermé les mails.

Aujourd’hui, je me sens seule au monde. Aujourd’hui, je n’ai vraiment plus rien, mes parents adoptifs me manquent ! Parce que c’était eux ma vraie famille, pas mes parents biologiques. Tu sais, ces gens-là, mes parents biologiques, ils ont pris mes deux enfants… à moi qu’ils ont donnée à adopter ! Bien sûr que c’est à cause de ma situation. Mais ils auraient pu me laisser un, mon garçon. C’était ma motivation pour avancer. On me l’a enlevé du sein, il n’avait que trois semaines. Il va avoir 2 ans et j’ai tout raté. Je n’ai même pas vu son premier anniversaire parce que c’est loin, ils habitent à Paea. Il habite chez mes parents. Ma fille, elle, a 13 ans. Elle est chez ma sœur. On est souvent en contact par téléphone. Dès qu’ils le veulent, ils m’appellent et on discute. Mais ma fille me réclame seulement. Elle veut dormir avec moi mais je ne peux pas. Elle pleure au téléphone, on s’imagine l’une dans les bras de l’autre. Je suis perdue, je ne sais plus quoi faire ! »

Comment te faire sortir de la rue ?

« Il faut que je sorte de là, je n’aime pas. Je n’aime pas parce que ce n’est pas ma place, je n’ai pas grandi comme ça. Je n’ai pas grandi autour la violence, autour de la drogue, autour de l’alcool. Après je me dis : ils sont la seule famille qu’il me reste ! Là, je suis inscrite à une formation qualifiante de CAP cuisine, je commence le 3 juillet. Je tiens à avoir mon CAP pour rentrer en France, je ne peux plus rester à Tahiti. Je prendrais mes enfants avec moi. J’irai trouver du travail, me poser là-bas et je récupérerai mes enfants. Parce que mon nom de famille MESTRE, c’est compliqué ici pour moi. Eux, ils n’ont rien ici, tout est en France. Je ne veux pas me battre pour une maison et un terrain alors que j’ai déjà tout ça… en France.

Tu sais, c’était mon papa le pilier de ma vie. Après sa mort, en 2011, j’ai tenté de me suicider en mettant le feu à la maison. Et, au lieu de faire huit mois de prison, j’ai fait huit mois à Tokani, à l’hôpital psy. Huit mois ferme, sans visite, sans rien ! Les premiers mois ça m’a cassée parce que je me suis rendue compte jusqu’où j’étais tombée. Après, la psychiatre me disait qu’il fallait de battre pour ma fille. Huit mois après, je suis sortie, avec un traitement à prendre. »

As-tu quand même un beau souvenir de la rue ?

« Mon meilleur souvenir, c’est bien les éducateurs et Père Christophe. Sans eux, je ne serais plus de ce monde, je pense. À une époque, j’étais vraiment suicidaire. Sans le centre de jour et Père Christophe. Sans eux, je ne serais plus de ce monde. Sans eux, nous les SDF, on n’est rien ! Voilà mon meilleur souvenir parce que la rue, c’est mon cauchemar ! Je suis tombée dans un néant qui m’a engloutie. Je n’arrive pas à m’en sortir, ça m’énerve ! Chaque jour, j’ai l’impression d’avoir des bâtons dans les roues. Alors que je commence à faire un pas, pam, je trébuche. J’essaye d’en refaire un autre, pam, je tombe. La seule chose qui me tient encore debout, c’est mon CAP cuisine. Il ne faut pas que ça m’échappe ! C’est la seule motivation que j’ai en ce moment. Ça s’étalera sur un an et trois mois, je ne lâcherai pas. Je tiendrai le coup, je te jure ! Et, ces un an et trois mois, ça sera que pour moi ! Je sortirai de là avec mon diplôme et je serai fière de moi ! »

Le plus dur dans la rue ?

« C’est qu’on est tous désespéré mais on ne réagit pas pareil. Et si toi, t’arrives à trouver une lumière, il y a toujours un qui va étouffer ta lumière ! Autour de toi, il y a beaucoup d’histoires, il y a beaucoup de paka, il y a beaucoup d’alcool. Et ils t’appellent : "Viens boire un coup avec nous ! Viens fumer avec nous ! Viens, on va aller s’amuser en boîte de nuit ! Alors que j’essaye d’arrêter de boire, d’arrêter de fumer. Aujourd’hui, c’est mon 4ème jour sans pipette alors que, par jour, je fume deux boîtes à moi toute seule ! Là, je tiens le coup, je suis fière de moi ! J’ai pris rendez-vous à la toxicomanie, j’ai rendez-vous le 7 juillet. Là, que quatre jours, je suis nerveuse, j’ai envie de taper dans tout ce qui vient. Je ne suis pas bien. Dès qu’on me dit un truc qui ne me plait pas, j’ai envie de taper, je pète un câble. Hier soir, j’ai agressé quelqu’un au CHU (Centre d’Hébergement d’Urgence), ça ne me ressemble pas ! Normalement je suis douce ! Maintenant que j’ai arrêté, je vois la lumière au bout de mon tunnel alors que tout le monde m’appelle pour aller dans la noirceur. C’est ce que je te disais au début. Toi, tu as ta lumière mais les autres font tout pour l’éteindre. Après, après avoir arrêté l’alcool, arrêté le bonbon, je veux retourner à la messe, chez les catholiques. Mes parents adoptifs étaient catholiques, je suis catholique. J’ai fait ma première communion, j’ai fait ma confirmation. Et ça fait quinze ans que je n’ai pas mis mes pieds dans une église. Dimanche dernier, j’ai fait un pas dans la Cathédrale, je suis allée devant, j’ai levé ma tête et j’ai pleuré ! J’ai pleuré de toutes mes forces ! Pourquoi ? Parce que l’église, ça me rappelle mes parents. Je n’arrivais pas à prier, je pleurais, je pleurais. Je suis resté une demie heure et je suis sortie.

Aujourd’hui, j’ai vraiment un projet, c’est suivre ma formation de CAP cuisine. Je vais me donner à fond… pour devenir quelqu’un ! Je veux juste une vie comme tout le monde, avoir un travail, avoir un salaire, avoir une maison, avoir mes enfants avec moi. C’est mon seul souhait ! »

© Accueil Te Vai-ete - 2017

Audience générale du mercredi 21 juin 2017

On peut être saint dans la vie de tous les jours

Le Pape François a poursuivi ce mercredi 21 juin 2017, place Saint-Pierre, son cycle de catéchèse sur l’espérance chrétienne. Lors de l’audience générale, le Saint-Père est revenu sur notre vocation à la sainteté, pour rejoindre cette longue suite de « témoins et compagnons de l’espérance ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le jour de notre baptême, l’invocation des saints a retenti pour nous. À ce moment-là, beaucoup d’entre nous étaient des enfants, portés dans les bras de leurs parents. Juste avant d’effectuer l’onction avec l’huile des catéchumènes, symbole de la force de Dieu dans la lutte contre le mal, le prêtre a invité l’assemblée tout entière à prier pour ceux qui allaient recevoir le baptême, en invoquant l’intercession des saints. C’était la première fois que, au cours de notre vie, nous était offerte cette compagnie de « grands » frères et sœurs – les saints – qui sont passés par la même route que nous, qui ont connu les mêmes fatigues que nous et qui vivent pour toujours dans le sein de Dieu. La Lettre aux Hébreux définit cette compagnie qui nous entoure par l’expression « multitude de témoins » (12,1). C’est ce que sont les saints : une multitude de témoins.

Les chrétiens, dans leur combat contre le mal, ne désespèrent pas. Le christianisme cultive une confiance fervente : il ne croit pas que les forces négatives qui désagrègent puissent prévaloir. La dernière parole sur l’histoire de l’homme n’est pas la haine, n’est pas la mort, n’est pas la guerre. À tout moment de la vie, la main de Dieu nous assiste, ainsi que la discrète présence de tous les croyants qui « nous ont précédés avec le signe de la foi » (Canon romain). Leur existence nous dit avant tout que la vie chrétienne n’est pas un idéal impossible à atteindre. Et en même temps elle nous réconforte : nous ne sommes pas seuls, l’Église est faite d’innombrables frères, souvent anonymes, qui nous ont précédés et qui, par l’action de l’Esprit-Saint, sont impliqués dans la vie de ceux qui sont encore ici-bas.

L’invocation des saints au baptême n’est pas la seule qui marque le chemin de la vie chrétienne. Quand deux fiancés consacrent leur amour dans le sacrement du mariage, l’intercession des saints est à nouveau exprimée pour eux – cette fois-ci en tant que couple. Et cette invocation est source de confiance pour les deux jeunes qui partent pour le « voyage » de la vie conjugale. Qui aime vraiment a le désir et le courage de dire « pour toujours » – « pour toujours » – mais sait qu’il a besoin de la grâce du Christ et de l’aide des saints pour pouvoir vivre la vie matrimoniale pour toujours. Non pas comme disent certains : « tant que l’amour durera ». Non : pour toujours ! Sinon, il vaut mieux que tu ne te maries pas. Ou pour toujours ou rien. C’est pourquoi dans la liturgie nuptiale on invoque la présence des saints. Et dans les moments difficiles, il faut avoir le courage de lever les yeux vers le ciel en pensant à tous ces chrétiens qui sont passé à travers la tribulation et qui ont gardé leurs vêtements blancs du baptême, en les lavant dans le sang de l’Agneau (cf. Ap 7,14) : c’est ce que dit le livre de l’Apocalypse. Dieu ne nous abandonne jamais : chaque fois que nous en aurons besoin, un de ses anges viendra nous relever et nous donner sa consolation. Des « anges », parfois avec un visage et un cœur humain parce que les saints de Dieu sont toujours là, cachés parmi nous. C’est difficile à comprendre et aussi à imaginer, mais les saints sont présents dans notre vie. Et quand quelqu’un invoque un saint ou une sainte, c’est précisément parce qu’il est proche de nous.

Les prêtres aussi conservent le souvenir d’une invocation des saints prononcée sur eux. C’est un des moments les plus touchants de la liturgie de l’ordination. Les candidats se mettent allongés par terre, le visage tourné vers le sol. Et toute l’assemblée, guidée par l’évêque, invoque l’intercession des saints. Un homme serait écrasé sous le poids de la mission qui lui est confiée, mais en sentant que tous le paradis est derrière lui, que la grâce de Dieu ne manquera pas parce que Jésus demeure toujours fidèle, alors on peut partir serein et rassuré. Nous ne sommes pas seuls.

Et que sommes-nous ? Nous sommes de la poussière qui aspire au ciel. Nos forces sont faibles, mais le mystère de la grâce, qui est présent dans la vie des chrétiens, est puissant. Nous sommes fidèles à cette terre, que Jésus a aimée à chaque instant de sa vie, mais nous savons et nous voulons espérer dans la transfiguration du monde, dans son accomplissement définitif où finalement il n’y aura plus ni larmes, ni méchanceté ni souffrance.

Que le Seigneur nous donne à tous l’espérance d’être saints. Mais l’un d’entre vous pourra me demander : « Père, peut-on être saint dans la vie de tous les jours ? » Oui, c’est possible. « Mais cela signifie que nous devons prier toute la journée ? » Non, cela signifie que tu dois faire ton devoir toute la journée : prier, aller au travail, garder tes enfants. Mais il faut tout faire avec le cœur ouvert à Dieu de sorte que le travail, et même dans la maladie et dans la souffrance, même dans les difficultés, soit ouvert à Dieu. Et ainsi on peut devenir saint. Que le Seigneur nous donne l’espérance d’être saints. Ne pensons pas que c’est quelque chose de difficile, qu’il est plus facile d’être des délinquants que des saints ! Non. On peut être saint parce que le Seigneur nous aide ; c’est lui qui nous aide.

C’est le grand cadeau que chacun de nous peut offrir au monde. Que le Seigneur nous donne la grâce de croire si profondément en lui que nous devenions image du Christ pour ce monde. Notre histoire a besoin de « mystiques » : de personnes qui refusent toute domination, qui aspirent à la charité et à la fraternité. Des hommes et des femmes qui vivent en acceptant aussi une portion de souffrance, parce qu’ils prennent sur eux la fatigue des autres. Mais sans ces hommes et ces femmes, le monde n’aurait pas d’espérance. C’est pourquoi je vous souhaite – et je me le souhaite aussi – que le Seigneur nous donne l’espérance d’être saints.

Merci !

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

2007 - Témoignage de Mgr Michel à l’occasion des 50 années de prêtrise de Mgr Hubert

une vocation qui s’est révélée en France pendant ses études et s’est affermie à Tahiti

Hubert a vécu ses 16 premières années auprès de ses parents à Tahiti hormis 2 séjours brefs en France à l'âge de 3 ans, puis à l'âge de 8 ans. À partir de 1947, il a alors 17 ans, il passe 4 ans au Lycée Henri IV à Poitiers et fait une 1ère année de droit. En 1951-52, il fait son service militaire à la caserne Broche, avenue Bruat - et, de 1948 à 1957 il est au Grand Séminaire d'lssy-les-Moulineaux, puis à la rue du Regard à Paris, jusqu'au jour de son ordination 27 juin 57.

Lorsqu'il arrive en France en 1948, il vient de passer son brevet chez les frères et, gratifié d'une bourse scolaire, il entre au Lycée Henri IV de Poitiers célèbre par son fronton « Henri IV fondateur, Louis XIV bienfaiteur ». Il y complète ses études secondaires classiques et à la sortie du lycée fait une année de droit. Pourquoi n'avoir pas achevé sa licence de droit ? C'est qu'au cours de ses années de lycée, il prit la décision de rentrer dès qu'il le pourrait au Grand Séminaire et de retourner à Tahiti. Que s'était-il passé pendant ces 4 ans ? Quelles grâces reçut-il pour cela ? Il avait pris une nouvelle orientation.

Est-ce en raison d'une simple « délocalisation » ? Certes elle a pu jouer son rôle. En changeant de lieu, on perçoit mieux de quoi les années antécédentes étaient porteuses. Un nouveau regard sur ce que l'on a déjà vécu éclaire beaucoup.

Non seulement il eut un père et une mère chrétienne qui lui donnèrent une éducation chrétienne, sans penser du reste, qu'un jour Hubert deviendrait prêtre. Ce premier cercle favorable s'agrandissait aussi d'un entourage chrétien. L'une de ses tantes, Olivette, dite « Tatate », restée célibataire, connue pour sa douceur n'avait-elle pas accepté d'aller vivre à la Mission pour pouvoir mieux accueillir toutes les personnes qu'elle pouvait aider au besoin en leur procurant les premiers rudiments du catéchisme ? Elle avait adopté, Augusta, petite cousine, dont Théodore, (son père notre oncle, était mort à la première guerre). D'autres grâces lui venaient aussi des sœurs de St Joseph de Cluny, chez qui Hubert avait été au jardin d'enfants. Et bien sûr, l'école des frères qui était encore plus « famille » que maintenant, (les élèves étaient moins nombreux) et il laissa à l'école la réputation d'un bon élève.

Ces années de Lycée

Certes toutes ses premières années comptèrent beaucoup. Car en arrivant au lycée, il était à même de porter un regard nouveau sur le passé. Et au milieu de ses camarades tout à fait différents de ceux qu'il avait connus à Tahiti, il perçut que pour rester chrétien il fallait témoigner. Pensionnaire il profita du petit groupe de lycéen catholiques réunis autour d'un aumônier. Il participe pendant les vacances à des camps de jeunes qui n'étaient pas uniquement de loisirs. Une fois au Séminaire il encadrera dans des camps de vacances des handicapés en différents coins de France. Tout cela l'aida à se poser des questions que tout le monde se pose, mais auxquelles un chrétien doit répondre. Un verset de l'évangile s'imposa à lui : « Que sert a l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? » Question importante si l'on comprend qui est celui qui la pose, Jésus-Christ. Du reste une telle question n'a de sens qu'en raison de celui qui la pose et qui est bien plus important que la question. Il donna à cette interrogation la réponse qui se trouve aussi dans les évangiles : « Celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ». Une retraite au monastère cistercien de Bellefontaine près de Bégroles-en-Mauges l'aida certainement à y voir plus clair.

Pendant ces années, je me trouvais encore à Poitiers et nous nous voyions souvent. En fait nous nous posions tous les deux la même question. Mais personnellement depuis longtemps je n'arrivais pas à répondre. Un jour que nous causions, il me fit part de sa décision (bien avant d'avoir terminé son cycle d'études), d'entrer au Grand Séminaire et de devenir prêtre.

Comment, il ne savait pas bien encore. Toujours est-il que sa détermination entraîna la mienne. Ayant échoué à l’examen qui aurait pu me mettre sur la voie du notariat, je pris mes dispositions pour me préparer à entrer au grand Séminaire. Pour moi la chose était aisée, pour Hubert, elle l’était moins.

Service militaire à Tahiti.

Il fallait qu'il fasse son service militaire ! Mais où ? Il choisit de le faire à Tahiti. D'abord parce que sa présence pendant un certain temps auprès de nos parents à Tahiti pouvait atténuer la lourdeur de leur sacrifice d'apprendre coup sur coup que leurs enfants renonçaient au mariage et ne reviendraient peut-être plus au pays ! Mais une raison plus profonde encore l'animait. Ayant l'intention d'exercer son ministère dans sa mission d'origine (le Vicariat de Tahiti n'était pas encore devenu diocèse) il pensait qu'il pourrait déjà se préparer à être prêtre à Tahiti. En effet, intéressé par les langues, mais surtout la langue tahitienne, les mois qu'il passa à l'armée, à la caserne Broche, furent pour lui des années fructueuses. Il apprit le tahitien courant, de la rue tout en se familiarisant aussi avec le vocabulaire et la construction des phrases. Mgr MAZÉ était très inquiet de voir un de ses futurs prêtres choisir la caserne pour se préparer à entrer au Grand Séminaire. Mais ce fût, et vous pouvez le constater, une étape fructueuse pour son ministère où l'étude du « reo maohi » prit une très grande place tant pour les rencontres journalières avec les fidèles que pour la traduction nouvelle du Nouveau Testament, du Missel, du « Raanuu » et de nombreux articles du Semeur. À cette époque 1951-52, la messe et les sacrements se célébraient encore en latin. La Liturgie aurait pu jouer un rôle minime dans sa connaissance du « reo maohi ». Mais il y avait les chants tahitiens auxquels dès cette époque il s'intéressa.

Son séjour lui permit aussi de renouer avec quantité d'amis et de familles, de revoir ses parents et notre frère aîné Gérald qui venait d'épouser Claude Thirel, et ses premières nièces et neveux.

Que ce soit en France pendant ses études profanes ou à Tahiti pendant son service militaire, la perspective d'entrer bientôt au Grand Séminaire ne l'empêcha pas de s'adonner au sport ou à ses plaisirs favoris, tels la pêche à Tahiti ou la chasse au chien d'arrêt en France. C'était une tradition dans la famille car notre grand-père comme nos oncles furent dans leur jeunesse et plus tard encore des chasseurs passionnés. Il est vrai qu'il y avait encore en France beaucoup de gibier. Les renoncements sont de toutes sortes. Il faut savoir consentir à des renoncements personnellement sans les imposer à d'autres, à sa famille par exemple. Une vocation, celle d'Hubert, qui évolua tout à fait dans ce sens.

Son service militaire Avenue Bruat ne l'empêcha pas de se mêler aussi aux grands évènements. Telle l'arrivée en Polynésie de N.D. de Fatima. Le pèlerinage de N.D. de Fatima suscita une ferveur et un mouvement de conversion personnelle étonnant. Le nombre de pèlerins qui suivirent la statue fût, si l'on tient compte du peu d'habitants vivant à cette époque à Tahiti, comparable à l'enthousiasme suscité par le P. Tardiff en 1983 à Tahiti.

Pour résumer l'expérience d'Hubert à l'époque, nous pourrions dire que le Seigneur lui offrit un grand bol d'air, un vent frais. Il vit de près avec un intérêt décuplé ce qu’était la « Mission ». Notons qu’à cette époque Mgr Mazé effectuait le transfert du Petit Séminaire établi à l’Évêché de Papeete à Miti-Rapa. Jamais le service militaire n’a autant mérité le nom de service puisque ce fût pour le Bon Dieu ! Je connaîtrai très vite les aventures du sergent « Montas » bienveillant pour son second de classe, obéissant et plus tard illustre, mais cours de péripéties désopilantes.

Le retour en Métropole fut suivi très vite de son entrée au Grand Séminaire d'Issy-les-Moulineaux, et de ses 2 années de Philosophie, 3 années de Théologie et de la licence en théologie. Entre la découverte de son appel et son ordination, il s'était écoulé presque 8 ans. Je crois qu'Hubert, devenu prêtre puis évêque, gardera cette obstination tranquille. Un prêtre de Calédonie me disait lors d'un stage dans une de nos paroisses de Tahiti « Comment peut-il faire pour recevoir les fidèles à n'importe quelle heure de la journée et entre quelques petites et précieuses minutes avant de nouveaux arrivants, continuer une traduction, ou la préparation d'une homélie, ou les comptes de la paroisse ? » C'est le lot de tous les prêtres ou religieux enseignants, mais encore faut-il avoir cette détermination qui vient du Seigneur. Détermination qui va durer surtout lorsque l'on veille pendant toute une vie à s'accorder un temps long et régulier de prière.

Mgr Michel COPPENRATH

© Semeur tahitien - 2007

Homélie de Mgr Paul MAZÉ à l’occasion de la 1ère messe de l’Abbé Hubert COPPENRATH – 25 janvier 1959

Dieu soit béni !

Dieu soit béni, de nous donner la joie de voir aujourd'hui à Papeete, un fils de Tahiti monter à l'autel du Seigneur. Ce bonheur nous l'avons souhaité ardemment, demandé par d’instantes prières depuis de longues années.

Certains n'osaient l'espérer ; gens de peu de foi, qui oubliaient, ou même ignoraient que Dieu appelle qui il veut, là ou il veut, et quand il veut.

Notre Révérend Père Hubert Coppenrath, Dieu est allé le chercher sur les bancs d’un lycée, dans les salles de cours de la faculté de Droit Civil.

Âme généreuse et droite il n'a pas résisté, ni hésité. À l'appel de Dieu le convoquant à son service, il a répondu présent, et des études de Droit, il est passé au Séminaire de St Sulpice.

Après avoir terminé les six ans de Philosophie et de Théologie, il a poursuivi les études supérieures à l’Institut Catholique de Paris, et aujourd’hui, il nous arrive, non seulement prêtre, il l’est depuis 19 mois mais après 15 mois de travail acharné, mais après 15 mois de travail acharné il nous arrive auréolé d'une Licence de Théologie. Il vient consacrer désormais ses forces et sa vie à l’apostolat de ses frères, le peuple tahitien.

La fidelité du fils à l'appel de Dieu n'a d’égal que la soumission généreuse des pieux et dignes parents à la Volonté d'En-Haut. C'est un double exemple pour les jeunes gens et pour les parents des futurs appelés de Tahiti à la sublimité du sacerdoce, que nous avons aujourd1hui sous les yeux.

Le sacerdoce !

Arrêtons-nous un instant à contempler l’excellence du sacerdoce.

Qu'est-ce qu’un prêtre ? St Paul nous dit que c’est un homme pris parmi les hommes et chargé pour les hommes du service de Dieu afin d’offrir dons et sacrifices pour les péchés.

Nul ne s’arroge cette dignité, il faut y être appelé de Dieu comme Aaron. Ainsi le Christ n’a pas prétendu de lui-même à la gloire de devenir grand-prêtre, mais Dieu lui a dit : « … Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisedech. »

Jésus réalise dans sa personne la plénitude du sacerdoce. Par son incarnation, homme de notre race divinement appelé à la prêtrise, consacré par excellence dans l’état de sainteté absolu, destiné irrévocablement au sacrifice de l’unique Sauveur.

Mais la grande Loi des ŒUVRES DE DIEU n’est-ce pas leur perpétuité ?

Jésus-Christ n’est-il pas prêtre éternel ? Il l’est comme le rappelle Dieu le Père par la bouche du prophète David : « Tu es prêtre pour toujours selon l’Ordre de Melchisedech ». Cest pourquoi il continuera la fonction de son sublime sacerdoce, de son unique sacerdoce.

Mais Jésus va monter au ciel. Comment, alors, continuer l’offrande de son sacrifice ? Pour perpétuer, renouveler, rappeler, appliquer le sacrifice de la croix, Jésus aura besoin d’un second, d’un vicaire… Et c’est pourquoi, au dernier soir de sa vie mortelle, le Prêtre Éternel consacre les mains et les lèvres de ses apôtres pour les constituer ses ministres subordonnés jusqu’à la consommation des siècles.

Après avoir prononcé les paroles sacramentelles : « Ceci est mon corps qui est livré pour vous » puis, sur le calice de vin : « Ceci est mon sang, sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour la rémission des péchés », Jésus ajoute ces mémorables paroles : « FAITES CECI en MÉMOIRE DE MOI ; chaque fois que vous mangerez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez le Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (ICor II, 26).

Le pouvoir d’offrir le sacrifice eucharistique communiqué d’abord aux apôtres, à la dernière Cène, par Jésus Christ directement, a été transmis par le rite de l’Ordination sacramentelle, institué par le Maître, et a été appliqué aux élus pour en faire des consacrés, des sacrificateurs et des sanctificateurs. Par les évêques, successeurs des apôtres, les générations sacerdotales se succèderont ainsi jusqu’à la fin du monde. Oh ! Quel beau et en même temps quel redoutable privilège que cette sublime vocation.

Pensez-y. Avant le jour béni de l’ordination, mêlé à la foule des baptisés, l’ordinand n’avait aucun pouvoir sur le corps réel ni sur le corps mystique du Sauveur. Mais soudain tout change : des paroles mystérieuses et toutes puissantes sont tombées des lèvres de l’évêque ; et le nouveau prêtre se relève du pied de l’autel, capable désormais d’offrir le St Sacrifice et de sanctifier les âmes, capable de dire aussi efficacement que Jésus : « CECI est mon corps… Je t’absous de tes péchés… ».

Il monte en chaire : C’est Jésus qui lui a ordonné de prêcher l’Évangile à toute créature. C’est Jésus qui parle par sa bouche. Nous sommes en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous.

Nul homme n’a le droit d’examiner, de discuter, de rejeter l’enseignement répétant celui de Jésus. Il parle tanquam potestatem habens ; il présente sa doctrine comme une affirmation solennelle, comme un oracle infaillible émané de l'éternelle vérité, comme l'écho de la voix divine qui retentit il y aura bientôt 20 siècles dans les bourgades de la Judée et de la Galilée. Qui vous écoute m'écoute, qui vous méprise, me meprise.

Vrai plenipotentiaire du Christ ! Quel titre ! Il y a en lui plus que la majesté d'un roi, puisqu'il représente un Dieu, dont il est devenu la vivante incarnation dans le monde. Quelle puissance réside dans le prêtre catholique. Quelle dignité est la sienne.

Le St curé d’Ars disait : « Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel. Si on le comprenait sur la terre, on mourrait non de frayeur, mais d’amour ».

Mes biens chers Frères, l'entrée dans le ministère sacré, du premier enfant de Tahiti, baptisé dans cette paroisse, doit être un sujet de joie, j'ajouterai, de fierté pour vous tous. L'Église ne sera solidement et définitivement établie à Tahiti, que le jour où elle recrutera sur place le nombre de prêtres, de religieux et de religieuses nécessaires aux besoins des âmes, de toutes les âmes indistinctement. Son Excellence, Mgr le Délégué Apostolique nous l'a ressassé à satiété. C'est pourquoi le jour d'aujourd'hui doit être marqué d'une pierre blanche. C'est un début. Il aura son lendemain. Prions que Dieu appelle de nombreux et dignes ouvriers tahitiens a son service.

Des fidèles peu informés pourraient peut-être, se sentir inclinés a voir dans nos prêtres, enfants du terroir, justement à cause de leur origine, les partisans de tels ou tels intérêts matériels, de telle famille ou de tels clans. Oh ! Mes biens chers Frères ne leur faites jamais une telle injure. Que votre foi éclairée vous fasse toujours voir en vos prêtres tahitiens et autres les ministres de Dieu, les pères de vos âmes, de toutes les âmes indistinctement.

Ils appartiennent à tous. Leur prière officielle, la Ste messe est un acte non privé, mais public ; l'OFFICE que chaque jour ils récitent, est la prière publique officielle de l'Église. Ils prient non en leur nom, mais au nom de l'Église toute entière. Il est vraiment le serviteur de la Communauté chrétienne. Ne reduisez jamais ses services a des limites particulières, familiales ou partisanes.

N'oubliez jamais de payer de retour les prêtres serviteur de vos âmes· Écoutez les belles paroles de St Paul : « Obéissez a vos chefs spirituels et soyez leurs soumis ; car ils veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte. Il faut qu’ils puissent le faire avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d'aucun profit ».

Que ceux qui cherchent a faire gémir leurs prêtres se le tiennent pour dit.  Cela ne leur sera d'aucun profit. C'est l’Esprit saint qui le dit par la bouche de St Paul.

Je termine par les belles paroles de l’Auteur de l’Imitation : « Quand le prêtre célèbre, il honore Dieu, il réjouit les anges, il édifie l’Église, il secourt les vivants, il procure le repos aux morts, et se rend lui-même participants de toutes sortes de biens ». 

Je forme le souhait que beaucoup de parents parmi vous ressentent un jour le bonheur qu'éprouvent en ce moment les parents du jeune prêtre qui monte aujourd'hui à l'autel et va dans un instant vous bénir. Ainsi-soit-il.

© Archevêché de Papeete - 1959

Commentaire des lectures du dimanche

« Ne craignez pas… courage ! » Telle est la consigne de Jésus qui noue en gerbe les quatre paroles retenues aujourd’hui par la liturgie.

Il s’agit, dans sa pensée, non pas de ces craintes fugitives qui gênent ou empoisonnent la vie de tous les jours, mais de la crainte qui saisit le croyant au moment de témoigner de sa foi et de son attachement à Jésus-Christ ; la crainte de paraître fou, ou demeuré, ou dépassé ; la crainte de la persécution, dont Jésus vient de parler dans le contexte de saint Matthieu : « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom » (v. 22).

Et si nous demandons à Jésus ce qui peut nous aider à traverser la crainte, sa réponse nous semblera étrange. Il la donne juste avant sa consigne, lorsqu’il dit : « Le disciple n’est pas au-dessus du Maître, ni le serviteur au-dessus de son Seigneur. Puisqu’ils ont traité de Béelzéboul le maître de maison, à combien plus forte raison le diront-ils de ceux de sa maison ! »

Ainsi notre raison de ne pas craindre, c’est que notre destin reproduit celui du Serviteur de Dieu, et que dès le départ nous sommes compromis par lui et avec lui. Notre assurance, notre audace de témoins, est donc d’emblée paradoxale : ce qui doit nous immuniser contre la peur, c’est que notre Maître est allé jusqu’à la mort !

Mais Jésus ajoute aussitôt une autre raison de ne pas nous laisser entamer par la crainte : « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé. Rien n’est secret qui ne sera connu. » Ce n’est pas là remarque banale, comme si Jésus disait : « Tout vient à son heure », « tout finit par se savoir », c’est l’affirmation, par le Christ, que la lumière est déjà victorieuse, et que Dieu accompagne le témoignage de ses fils et de ses filles parce qu’il veut, par eux et par elles, dévoiler au monde ses richesses. Il ne faut pas avoir peur, pas plus pour nous que pour notre message. Car si nous sommes porteurs de ce que Dieu révèle, il n’y a rien à craindre ni de l’oppression physique, ni de la solitude intellectuelle, ni des mutations de la culture et de l’histoire, ni de la perte de tout modèle autre que Jésus-Christ.

Celui qu’il faut craindre, nous dit Jésus, c’est Celui qui a le pouvoir de vouer à la géhenne et le corps et l’âme, c’est-à-dire Dieu lui-même, qui seul est maître de l’irréversible, Dieu, maître de la mort et de la vie. Mais ici le mot craindre change de sens, quand on passe de la crainte des hommes à ce que le monde juif appelait « la crainte de Dieu ».

La crainte de Dieu, au sens biblique, c’est un mélange de respect et d’affection, c’est à la fois le sens de la majesté de Dieu et une spontanéité filiale pour lui obéi ; c’est, en quelque sorte, la délicatesse de l’homme en réponse à la délicatesse de Dieu. C’est pourquoi, alors que la crainte des hommes, ou de leur jugement, ronge, paralyse et mène au doute, la crainte de Dieu, au sens biblique, réveille sans cesse en nous le meilleur de nous-mêmes et nous rend aptes à percevoir la tendresse de notre Dieu qui s’occupe si bien des moineaux et compte tous les cheveux de notre tête.

Le témoin de Jésus, c’est donc un homme de foi chez qui l’amour pour Dieu a banni la crainte des hommes, et qui est prêt, malgré ses limites et ses faiblesses, à confesser hardiment le Christ sauveur, à se déclarer pour lui devant les hommes, c’est-à-dire à se déclarer solidaire de lui, en tout temps et en tout milieu, partout où il est aimé, partout où il est trahi, partout où des hommes à tâtons, le cherchent.

Et ce témoignage-là, même s’il met en œuvre toutes les ressources humaines de l’apôtre, dépasse le niveau de l’habileté et du prestige ; il s’enracine humblement dans l’amitié avec Jésus, mort et ressuscité.

Ce que le disciple crie au monde, ce qu’il a le droit et de devoir de proclamer sur les toits, c’est ce que Dieu lui a murmuré à l’oreille, ce qu’il n’a jamais cessé de murmurer à son peuple. Voilà pourquoi notre témoignage ne peut être ni agressif, ni contraignant, et ne peut céder à aucune tentation d’impatience. Il renvoie à une parole entendue, à un visage toujours cherché. C’est un message tout d’intériorité et de douceur, enveloppé de la même miséricorde qui nous enveloppe nous-mêmes.

Frères et sœurs, ce dont nous allons témoigner au grand jour durant toute cette semaine, Jésus vient nous le dire ce matin dans le creux de l’oreille. C’est une parole de vie, une parole d’espoir, une parole faite pour nous, qui nous rejoint au plus secret de notre loyauté, qui nous fait debout et nous remet en marche ; mais le Seigneur nous la confie pour tous ceux qu’il aime, tous ceux qu’il nous donne à aimer.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

© Carmel-Asso - 2008