Pko 22.12.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°67/2017

Vendredi 22 décembre 2017 – Solennité de Dédicace de la Cathédrale – Année B

La dédicace

La célébration de la dédicace d’une église est peut-être la plus complète et la plus significative des cérémonies liturgiques. En vouant un édifice aux rencontres sacrées de l’Alliance, elle chante, dans l’exultation, tout le mystère des noces qui, nous unissant au Christ, dans l’Esprit, nous permettent de dire « Père ! » avec le Fils.

Une telle célébration demande que la quasi-totalité de la communauté ecclésiale intéressée soit rassemblée autour de l’évêque, de ses prêtres et de ses diacres. On vient en procession jusqu’à l’édifice que l’on doit consacrer ; les portes en sont ouvertes solennellement. L’évêque bénit l’eau destinée à l’aspersion du peuple présent, des murs intérieurs et de l’autel de l’église : c’est comme un baptême. Après le Gloria et la Collecte, l’évêque prend un lectionnaire, le montre au peuple en disant : « Que toujours résonne en cette demeure la Parole de Dieu ; qu’elle vous révèle le Mystère du Christ et opère votre salut dans l’Eglise ».

Noter cette manière de souligner que le salut est l’Œuvre de Dieu et de sa Parole. Après le Credo, les litanies des Saints tiennent lieu de Prière universelle : l’Église de la terre se joint à l’Église du ciel. Des reliques de martyrs et d’autres saints sont alors scellées dans l’autel, en signe de l’unité du Corps mystique dans le Christ. Suit la grande prière de dédicace, admirable condensé de tout le mystère de l’Église et de la liturgie. Comme pour une confirmation, vient le rite de l’onction des cinq croix de l’autel ainsi que de toute la table d’autel, puis des douze (ou quatre tout au moins) croix de consécration de l’église ; cette onction se fait avec le saint chrême.

On fait alors flamber de l’encens sur l’autel, en signe de la prière qui devra continuer à monter vers Dieu dans cette église, la remplissant de la bonne odeur du Christ (2 Co, 2, 14-16) ; l’on encense l’assemblée, temple vivant dont l’autre est le signe. Des nappes sont mises sur l’autel, manifestant qu’il est la table du sacrifice eucharistique ; on allume des cierges, auprès de l’autel ou sur l’autel, et devant chacune des croix de consécration, puis toutes les lampes possibles, en symbole du Christ qui est la Lumière du monde (Jn 8, 12 ; 9, 5). Le sacrifice eucharistique est finalement le rite essentiel de la dédicace. Après la communion, l’évêque inaugure solennellement la réserve eucharistique : rendu présent par le sacrifice de la messe, le Christ va désormais demeurer parmi les siens.

Il fallait détailler quelque peu ces rites de la dédicace, car ils constituent un groupement unique de tous les symboles et actes principaux de la liturgie. Ce que les sacrements de l’initiation réalisent pour une personne, la dédicace l’opère pour ce signe visible du rassemblement des fils de Dieu dans la maison du Père, qu’est une église consacrée.

Le jour choisi pour l’anniversaire de la dédicace d’une église a rang de Solennité pour cette église. L’anniversaire de la dédicace de l’église cathédrale est célébrée comme Fête dans tout le diocèse. L’Église tout entière s’unit, le 9 novembre, à la joie des fidèles de Rome qui, autour du pape, leur évêque, rendent grâces pour la dédicace de la basilique du Latran, « Mère et Maîtresse de toutes les églises » en tant que cathédrale de l’évêque de Rome ; cette célébration a, hors de Rome, le rang de Fête.

Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie

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La Cathédrale de Papeete

1856-1875 - Une construction difficile

« Toute l’histoire complexe et conflictuelle de la Cathédrale se trouve en germe dans cette ambiguïté initiale. L’évêque voit dans la Cathédrale, l’église mère de son diocèse ; le gouvernement français ne veut qu’une église de la colonie » - Tahiti 1834 –1984, 150 ans de vie chrétienne en église, Père Paul Hodée.

Cette dualité de termes, pour désigner le même édifice, peut être vérifiée dans les courriers et documents officiels : l’Évêque Tepano Jaussen et la Mission catholique utilisent le terme cathédrale, l’Administration française pratiquement jamais, et préfère le mot église tout au long du XIXe siècle.

En effet, à l’époque le pouvoir politique français ne peut admettre qu’une autorité lui soit supérieure ou indépendante, le gouverneur va même jusqu’à exiger l’implantation de la Cathédrale au centre de Papeete et non dans le quartier de la Mission.

L’opposition constante entre le pouvoir religieux catholique et le pouvoir politique apparaît au travers des « lettres à Clémentine » de Madame Louise de la Richerie, l’épouse du gouverneur : « … il ( Monseigneur Tepano Jaussen) est parti depuis le mois de Décembre 1860… On dit qu’il attend pour revenir le changement d’Eugène (son mari) et qu’il fait tout ce qu’il peut pour l’obtenir » (37ème lettre du 25 août 1862).

En plus de l’affrontement des pouvoirs, des problèmes techniques liés à la construction de la cathédrale et des aspects financiers, s’ajoute une véritable lutte entre Protestants et Catholiques :

  • en 1836, les Pères Caret et Laval ont été expulsés de Tahiti ;
  • en 1856, un procès oppose le missionnaire Howe à Monseigneur Jaussen au sujet de la brochure « Tatara raa » ; la décision de justice impose la destruction du livret : « que le livre doit être supprimé tout entier, en raison du grand nombre et de la violence des attaques, ainsi que des calomnies qui y sont formulées contre monseigneur d’Axieri et les prêtres de la mission catholique. » - Le Messager de Tahiti, n°30 du 27 juillet 1856 ;
  • en 1863, dans sa 42ème lettre, Madame Louise de la Richerie évoque ce sujet : « Je ne vois autour de moi que nuages d’orage et agitation ; l’orage vient encore une fois de la religion… Il y a eu un concours sur l’étude de la langue française… Cet examen se passe devant une commission composée de Monsieur le Curé, Monsieur Arbousset[1], Ministre protestant français, (…). Et bien Monsieur le Curé a donné sa démission. »

Effectivement, le Père Clouet ne veut pas siéger dans un jury aux côtés d’un pasteur et il est suivi par les Frères et les Sœurs enseignants qui décident de ne présenter aucun élève. Le concours est donc annulé.

En 1889, le conflit opposant le pouvoir religieux catholique à l’administration française atteint son paroxisme. Le Conseil de Fabrique[2], dirigé par le Père Collette et le procureur Holozet interdit l’accès de la Cathédrale à Monseigneur (Mgr) Verdier. Le Saint Siège est saisi de cette affaire ; le Pape Léon XIII excommunie le procureur Holozet et met en suspense le Père Collette.

Ce dernier, bouleversé, écrit « mon âge, mon état de santé, les services rendus à la Congrégation ainsi qu’à la Mission de Tahiti pendant 36 ans de séjour dans la colonie, méritaient quelques ménagements ». […] « Ce n’est pas tout, je suis menacé d’être chassé de la Congrégation ; cette nouvelle m’accable ». Puis il ajoute : « Prêtre j’ai été, Prêtre je suis, Prêtre je mourrai ».

Cet épisode n’en est qu’un parmi tant d’autres comme l’atteste la lettre du Gouverneur de la Roncière qui exige le « Domine Salvum fac »[3] lors des grands-messes de Tahiti et précise que c’est une obligation (lettre du 6 mai 1865).

Dans ce contexte conflictuel, les gouverneurs successifs adoptent différentes attitudes :

  • la bienveillance à l’égard des catholiques comme Monsieur du Bouzet ;
  • le soutien à l’égard des protestants comme Monsieur de la Richerie ; il fait voter le 8 juillet 1860 une loi sur « le culte national » : ce texte proclame la religion protestante comme seule religion officielle. Cela provoque des discussions parfois violentes au sein de la population, car cette loi exige que les catholiques participent aux travaux de réfections et de construction des temples. Le 5 août 1860, l’Assemblée législative est le théâtre de discussions vives. Puis, par souci de l’ordre public, le 11 novembre 1861, le gouverneur de la Richerie dispense les Catholiques de participer à l’entretien et à la construction des temples.
  • la neutralité : le 15 octobre 1864, Monsieur de la Roncière déclare devant la Reine Pomare IV son souci du respect de tous les cultes.

Cette situation complexe, accompagnée d’un mouvement important de gouverneurs, sept au total de 1856 à 1875, explique la durée des travaux de la cathédrale.

Cet édifice n’aurait jamais vu le jour sans la ténacité d’un homme : Monseigneur Tepano Jaussen.

[1] Monsieur Arbousset est le premier pasteur protestant français arrivé à Tahiti.

[2] Conseil de Fabrique : par arrêté du 15 octobre 1862, en vertu du décret du 30 décembre 1809, le Conseil de Fabrique est créé à Papeete. Il est chargé d’administrer les revenus de l’église.

[3] Domine Salvum fac : prière liturgique officielle pour les autorités de l’Etat

Un terrain difficile à trouver

En juin 1839, le commandant Laplace obtient verbalement de la Reine un terrain pour la Mission catholique afin d’y construire un lieu de culte.

Le 31 décembre 1841, le Père Caret, débarque à Tahiti, mais ne peut obtenir ni le terrain promis par la Reine, ni un terrain loué par le Frère Colomban Murphy à un irlandais William Archibald pour 99 ans ; il s’installe alors dans une maison à 12 piastres par mois.

Monseigneur Jaussen arrivé en 1849 à Tahiti écrit : « Avant l’occupation de Tahiti, la Reine Pomare sur les représentations de Monsieur du Bouzet, avait donné pour le culte un terrain à la Mission. Monsieur Bruat le prit en 1844 pour y dresser une batterie en face de la passe et nous remit en échange un terrain sur la rive gauche du ruisseau de Sainte Amélie. La Mission y construisit à ses frais une chapelle qui a servi d’église paroissiale pendant 32 ans. Monsieur Bruat avait promis de bâtir une église. Un jour tout le monde en grande tenue, assista à la pose de la première pierre dans un champ au sud du jardin du gouverneur. Cette pierre n’en a pas vu arriver d’autres. En 1855, Monsieur le Comte du Bouzet revint comme gouverneur. Il offrit à la mission pour construire une église un terrain de belle apparence : le triangle compris entre la rue de Rivoli, la rue Bonnard et la rue Collette. »

Le 15 février 1856, l’administration achète pour construire l’église le terrain dit Vainiania, figurant sous les lettres R,S,T, sur le plan de Papeete de 1844 ; mais il s’avère rapidement que cet endroit est inutilisable pour une construction, ce qui explique l’échange avec le terrain Atemoahine qui est finalement le lieu où seront versés les 1 400 m3 de pierre et de ciment pour les fondations de la cathédrale.

Yves BABIN – La Cathédrale de Papeete