Pko 19.03.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°16/2017

Dimanche 19 mars 2017 – 3ème Dimanche du Temps de Carême – Année A

Humeurs…

« Que ressentons-nous lorsque nous voyons un sans-abri ? »

 

« Que ressentons-nous lorsque nous voyons un sans-abri ? » C’est la question posée par le Pape François au cours de son homélie ce vendredi matin. Question qui rejoint à la fois notre actualité et notre quotidien…

Dans le bilan d’étape des Maraudes du Truck de la Miséricorde, ci-dessous, que lisons-nous ? Plus du tiers des personnes rencontrées ont entre 30 et 60 ans… bien loin de l’image des « jeunes désœuvrés » que l’on se plait à donner au SDF pour se déculpabiliser ! Près d’un quart d’entre eux sont des « Adultes handicapés » !

« Que ressentons-nous lorsque nous voyons un sans-abri ? » Le temps des « Manahune » ne semble pas encore révolu à Tahiti. De plus en plus, l’idée qu’il y ait deux catégories d’homme dans notre société semble acquise… il y a ceux qui ont des droits… et puis les autres à qui de temps en temps on jette une petite pièce ! ou que l’on chasse au gré de nos humeurs ! Ce qui est sûr… ils ne souffrent pas comme nous… ils n’ont pas les mêmes besoins que nous… bref ils ne sont pas des hommes comme nous…

Ces propos vous choquent ? Et pourtant comment expliquer autrement que l’on puisse laisser un homme tel que « Marc » vivre dans des conditions indigne, dans sa crasse au milieu de ses ordures en pleine ville de Papeete ? Comment pouvons-nous menacer de jeter tous les biens d’une mère et son fils à la rue au prétexte que ça ne fait pas « beau » dans le paysage… alors qu’à quelques pas nos déchets jonchent la rue ?

Alors si l’Évangile est bien arrivé à Tahiti il y a 220 ans… il ne s’y est pas arrêté ! L’Évangile nous parle de l’autre comme un frère à chérir, un autre moi-même… Pas l’ombre d’un « Manahune » dans le message du Christ… Et cependant, aujourd’hui encore, ils sont dans nos rues… sur le pas de nos portes… Christ est au milieu d’eux… et nous ne le voyons pas !!!

Veillons à ne pas prendre la route qui mène du péché à la corruption. Dans la parabole de l’homme riche et de Lazare tirée de l’évangile de Saint-Luc, nous voyons la nécessité, aujourd’hui, de faire attention à ne pas se renfermer sur soi-même, et à ne pas ignorer les pauvres et les sans-abris. Quand une personne vit dans sa bulle, respire l’air de sa satisfaction, de sa vanité, et se fie seulement à lui-même, il perd la direction, il perd la boussole et ne sait pas où sont les limites… Cependant, il y a une limite d’où il est difficile de revenir en arrière : c’est lorsque le péché se transforme en corruption. Que sentons-nous au fond de nous, dans notre cœur, quand nous voyons des enfants faire l’aumône… Non, ceux-là sont d’une ethnie qui volent… Je poursuis mon chemin. N’est-ce pas ainsi que je fais ? Les sans-abris, les pauvres, les laissés-pour-compte, même les sans-abris bien habillés, qui n’ont pas d’argent pour se payer un loyer, parce qu’ils n’ont pas de travail… Qu’est-ce que je ressens ? Ils font partie du paysage, comme une statue, un arrêt de bus, un bureau de poste ? Et les sans-abris… ? Vous trouvez cela normal ? Faites attention. Faisons attention. Quand ces choses résonnent dans notre cœur comme quelque chose de normal… – “mais oui, c’est la vie… je mange, je bois, et pour m’enlever un peu de mauvaise conscience je donne quelque chose et je continue à marcher”– c’est que nous ne sommes pas dans la bonne voie.

Homélie du pape François – 16 mars 2017

Chronique de la roue qui tourne

Le jeûne

« Quand nulle bête n'a d'autre choix que vivre son instinct, chaque être humain reçoit la faculté de choisir ; et c'est ce qui le distingue à l'intérieur du règne animal, et c'est ce qu'on nomme intelligence. » Robert Marteau.

Manger quand la faim se fait sentir, quoi de plus naturel ? C’est même de l’instinct ! Un besoin que nul ne peut fuir. Pour beaucoup d’entre nous, nous vivons au rythme de nos repas.

Or, le sens même de Carême est de mener l’Homme vers sa vraie liberté. Ainsi, par le jeûne, deuxième recommandation de Carême, l’Homme est délivré du joug de ses envies. L’Homme apprend à maîtriser son instinct. L’Homme n’est pas qu’un corps, il est bien plus… le jeûne est une piqûre de rappel. Ainsi, l’Homme n’est pas obligé de manger dès qu’il a faim. Il n’est pas obligé de cesser toute activité dès qu’il a faim. Il n’est pas obligé de se détourner de son frère dès qu’il a faim. Il n’est pas obligé de se tenir au garde-à-vous devant son frigo dès qu’il a faim. L’Homme n’est pas esclave de sa faim.

Un bon régime peut instaurer cette rigueur de vie, me direz-vous et c’est vrai. Mais, ce qui différencie le jeûne à un régime, c’est l’intention de base. À qui va profiter cette restriction ? Dans un régime, c’est tout bonnement notre égo. Pour des raisons de beauté ou de santé, un régime reste une démarche égocentrique. À contrario, la privation du jeûne pousse à la rencontre, la rencontre avec Dieu ou la rencontre avec l’autre. Nous nous libérons de notre instinct pour nous rendre disponibles. Le jeûne nous donne l’occasion de quitter notre « mortelle » routine pour faire de l’extraordinaire. Partir à la rencontre de l’autre sans regret. Faire tout ce que le « quotidien » nous empêche de faire. Vivre la journée avec et pour les autres, sans autres préoccupations. Voilà, le vrai sens du jeûne !

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2017

La Prière

En marge de l’actualité du mercredi 15 mars 2017

Depuis ce Mercredi des cendres, nous voici entrés en Carême, ce temps qui nous invite au jeûne, à l’aumône et à la prière. Après avoir évoqué le jeûne et l’aumône, arrêtons-nous aujourd’hui sur le dernier point qui caractérise de façon particulière notre attitude pendant le Carême : la prière.

La prière est toujours liée directement aux événements de la vie. On prie à partir de ce qui est arrivé, de ce qui arrive, ou pour qu’il arrive quelque chose, pour que le salut de Dieu soit donné à la terre.

C’est le livre des Psaumes qui nous livre les mots que Dieu aime entendre, la vraie dimension de la prière. Jésus lui-même fera sienne cette prière des psaumes, et tout ce que clame le psalmiste, Jésus le reprendra à son compte. Les évangiles, surtout celui de Luc, s’accordent à dire que Jésus priait, et que sa prière était pour lui une nécessité absolue. Il prie souvent sur la montagne, seul, à l’écart, la nuit, et même quand tout le monde le cherche. Jésus prie au moment de son baptême, pendant ses 40 jours dans le désert, avant le choix des Douze, lors de la Transfiguration, avant l’enseignement du « Notre Père », lors du dernier repas ; il prie pour ses disciples, pour que leur foi ne défaille pas.

Le « Notre Père » est bien le centre de l’enseignement de Jésus sur la prière. Ce qui passe avant tout est la préoccupation du dessein de Dieu : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite ». Viennent ensuite la demande du pain (qui est le pain du corps, celui de la Parole et enfin celui de l’Eucharistie), celle du pardon et enfin, celle de la grâce de ne pas succomber à la tentation : non celle de nos vies quotidiennes, mais la grande tentation de nous éloigner de Dieu en ne croyant pas qu’il nous aime et nous sauve.

Jésus souligne également que la prière demande

  • une attitude de foi et de confiance : être sûr qu’elle sera exaucée : « S’il n’hésite pas dans son cœur, mais croit que ce qu’il dit va arriver, cela lui sera accordé » ; (Mc 11, 24) ; « demandez et vous recevrez, frappez et l’on vous ouvrira ».
  • Cette prière ne saurait être un flot de paroles que l’on rabâche, comme font les païens.
  • Elle ne doit pas être ostentatoire, mais dans le secret… « et ton Père qui voit dans le secret te le revaudra ».
  • Elle doit être persévérante et insistante.
  • Elle ne saurait nous isoler des autres, comme la prière du Pharisien au Temple : « Je ne suis pas comme… » (Lc 18, 11). Elle garde une dimension communautaire, même si je suis seul lorsque je prie.

Une des caractéristiques des premières communautés est que « tous étaient d’un même cœur, assidus à la prière » (Ac 1, 14). À tous les grands moments de sa vie, la communauté des disciples est en prière : pour le remplacement de Judas, l’institution des Sept, lorsque Pierre est en prison, pour les premiers baptisés de Samarie. Enfin, l’apôtre Paul nous le rappelle : c’est par l’Esprit que, comme Jésus, nous pouvons nous tourner vers Dieu en l’appelant « Abba, Père » : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père » (Ga 4, 6). C’est donc avec un cœur de Fils que nous adressons nos prières au Père, et c’est donc l’Esprit qui prie en nous et nous permet d’atteindre le Père en toute confiance, avec la certitude d’être entendus.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

Les Maraudes du Truck de la Miséricorde

Premier bilan des maraudes du mardi soir avec le Truck de la Miséricorde

Le « Truck de la Miséricorde » a été béni solennellement le 28 juin 2016. Un mois après les « Maraudes » hebdomadaire auprès des S.D.F. ont commencé. Sept mois après nous pouvons établir un premier bilan et faire quelques observations concernant la situation des personnes de la rue.

Les maraudes ont lieu tous les mardis soir avec une équipe de bénévoles réguliers, ce qui totalise 31 sorties et occasionnellement le mercredi soir à la demande de groupes particuliers, soit 7 sorties (CCISM, ISEPP, Lions Club, Amma Tahiti…).

L’objectif de ces maraudes est d’aller à la rencontre des personnes à la rue qui ne fréquentent pas les foyers d’accueil tel que Te Vai-ete. Notre rayon d’action actuel couvre la zone entre le Mac Do d’Arue et le pont de l’Uranie.

Le repas est confectionné à l’Accueil Te Vai-ete dès 17h, par une équipe de 7 bénévoles, pour un départ peu après 19h. Les tournées se terminent aux environs de 21h30 – 22h. Au début 35 plats étaient réalisés qui sont passés rapidement à 50, deux mois plus tard. Depuis deux semaines, nous sommes à 60 plats par maraude.

Outre les repas distribués, il est proposé aux personnes rencontrées un accompagnement pour la constitution ou le renouvellement de leur dossier R.S.P.F. ainsi que pour les Cartes nationale d’identité (C.N.I.). Cet accompagnement nous permet de donner aujourd’hui une photographie assez précise de la situation générale des personnes rencontrées.

Durant cette période de 7 mois, nous avons rencontré 101 personnes différentes – un peu plus en réalité, considérant que lors de nos premières tournées, les noms des personnes n’étaient pas systématiquement répertoriés. De ces 101 personnes, 42 se situe du côté est (de la zone portuaire au Mac Do d’Arue) et 59 du côté ouest.

Quelques observations :

  • 10 femmes et 91 hommes… soit 10% de femmes ; occasionnellement nous avons rencontré des enfants avec leurs parents… mais jamais plus de deux semaines de suite. Jusqu’aux intempéries, une jeune femme de 18 ans enceinte demeurait sous le pont de la Faataua.
  • Moyennes d’âges : 70 = 2 ; 60 = 6 ; 50 = 21 ; 40 = 32 ; 30 = 30 ; 20 = 8 ; 18 et + = 2… soit une moyenne de 42/43 ans.

 

  • Couverture médicale : 3 salariés (dont 1 par le conjoint) ; 0 RNS ; 9 retraités dont 2 pour inaptitudes ; 14 adultes handicapés (CPS) ; 3 non identifiés ; les autres relevant du régime RSPF (dont 2 par le conjoint).

Actuellement, 87 d’entre eux ont une couverture santé à jour… 3 sont non identifiés dont 2 en raison de leur incapacité psychologique à nous donner leur nom et date de naissance… les 11 autres sont en cours d’inscription. En effet, après avoir pris note de leur nom, prénoms et date de naissance, il faut vérifier auprès des services de la CPS leur situation, puis préparer les dossiers, réunir les pièces nécessaires à leur constitution et enfin les retrouver pour la signature du dossier… ce qui peut prendre quelques semaines.

  • Si l’on dénombre 14 adultes handicapés reconnus par le service COTOREP-CPS… une dizaine d’autres nécessiteraient la mise en place d’un dossier Adulte handicapé… ce qui avec les 2 retraités pour inaptitude, fait un minimum de 26 personnes handicapés. L’ensemble de ces handicaps étant des handicaps psychologiques… Ils représentent plus de 22% des personnes rencontrées !

Quelques remarques à partir de ces observations

1°-  La majeure partie des personnes rencontrées se situe dans la tranche d’âge de 30 à 60 ans. Si l’accent donné par la politique du Pays est essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, la formation des jeunes… il ne faudrait pas oublier la tranche d’âge des hommes et des femmes qui sont les forces vives d’une société !

2°-  Le nombre important de personnes handicapées se retrouvant en situation de grande précarité se confirme. Elles sont laissées pour une grande part à elles-mêmes, sans réel suivi même pour celles qui ont un tuteur désigné.

Quelques orientations possibles

Étoffer l’équipe des bénévoles du « Truck de la Miséricorde » pour un meilleur suivi médical et administratif de ces personnes et surtout plus de coordination entre les différents services du Territoire (C.P.S., S.A.S., médecin…), des communes (État-civil…), mais aussi de l’État (C.N.I. …).

Conclusion

Cette photographie très succincte de la situation des S.D.F de la zone urbaine de Tahiti, sera complétée d’ici un mois par une observation du même type des personnes qui fréquentent l’Accueil Te Vai-ete les matins du lundi au samedi (nombre, régularité, situation administrative et médicale…).

Nous souhaitons que cette petite étude sans prétention puisse être utile pour mieux cerner la question des S.D.F. de Tahiti afin que des mesures pérennes soient mise en place au plus vite… afin que la dignité de l’homme soit davantage respectée dans notre société polynésienne.

© Accueil Te Vai-ete - 2017

Recevoir l’Amour comme un don de Dieu

Audience générale du mercredi 15 mars 2017

Lors de l’audience générale de ce mercredi, tenue sur la place Saint-Pierre sous un soleil déjà printanier, le Pape François a poursuivi sa série de catéchèses sur l’espérance. Pour la 14e étape de ce parcours, le Pape s’est appuyé sur la lettre de saint Paul aux Romains, dans laquelle l’apôtre invite les chrétiens à vivre « heureux dans l’espérance » et à ne pas vivre une charité hypocrite.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous savons bien que le grand commandement que nous a laissé le Seigneur Jésus est celui d’aimer : aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit et aimer notre prochain comme nous-mêmes (cf. Mt 22,37-39), c’est-à-dire que nous sommes appelés à l’amour, à la charité. Et c’est là notre vocation la plus haute, notre vocation par excellence ; et la joie de l’espérance chrétienne est liée à celle-ci. Celui qui aime a la joie de l’espérance, d’arriver à rencontrer le grand amour qu’est le Seigneur.

L’apôtre Paul, dans le passage de la Lettre aux Romains que nous venons d’écouter, nous met en garde : il y a le risque que notre charité soit hypocrite, que notre amour soit hypocrite. Nous devons alors nous demander : quand cette hypocrisie advient-elle ? Et comment pouvons-nous être sûrs que notre amour est sincère, que notre charité est authentique ? Que nous ne faisons pas semblant de faire la charité ou que notre amour n’est pas un feuilleton télévisé : un amour sincère, fort…

L’hypocrisie peut s’insinuer partout, y compris dans notre manière d’aimer. Cela se vérifie quand notre amour est intéressé, mû par des intérêts personnels ; et combien y a-t-il d’amours intéressés !… Quand nos services caritatifs dans lesquels il semble que nous nous prodiguions sont effectués pour nous mettre nous-mêmes en avant ou pour nous sentir récompensés : « Mais comme je suis bon ! » Non, ceci est de l’hypocrisie. Ou encore quand nous visons des choses qui ont une « visibilité » pour faire étalage de notre intelligence ou de notre capacité. Derrière tout cela, il y a une idée fausse, trompeuse, ce qui revient à dire que, si nous aimons, c’est parce que nous sommes bons ; comme si la charité était une création de l’homme, un produit de notre cœur. La charité, elle, est avant tout une grâce, un cadeau ; pouvoir aimer est un don de Dieu et nous devons le lui demander. Et il le donne volontiers, si nous le lui demandons. La charité est une grâce : elle ne consiste pas à faire transparaître ce que nous sommes, mais ce que le Seigneur nous donne et que nous accueillons librement ; et elle ne peut s’exprimer dans la rencontre avec les autres si elle n’est pas d’abord générée par la rencontre avec le visage doux et miséricordieux de Jésus.

Paul nous invite à reconnaître que nous sommes pécheurs, et que même notre manière d’aimer est marquée par le péché. Mais en même temps, il se fait porteur d’une nouvelle annonce, une annonce d’espérance : le Seigneur ouvre devant nous une voie de libération, une voie de salut. C’est la possibilité de vivre nous aussi le grand commandement de l’amour, de devenir des instruments de la charité de Dieu. Et cela se produit quand nous nous laissons guérir et renouveler le cœur par le Christ ressuscité. Le Seigneur ressuscité qui vit parmi nous, qui vit avec nous, est capable de guérir notre cœur ; il le fait si nous le lui demandons. C’est lui qui nous permet, même dans notre petitesse et notre pauvreté, de faire l’expérience de la compassion du Père et de célébrer les merveilles de son amour.

Et l’on comprend alors que tout ce que nous pouvons vivre et faire pour nos frères n’est rien d’autre que la réponse à ce que Dieu a fait et continue de faire pour nous. Ou plutôt, c’est Dieu lui-même qui, en faisant sa demeure dans notre cœur et dans notre vie, continue de se faire proche et de servir tout ceux que nous rencontrons tous les jours sur notre chemin, à commencer par les derniers et par les plus démunis dans lesquels il se reconnaît en premier.

Alors, par ces paroles, l’apôtre Paul ne veut pas tant nous faire des reproches que nous encourager et raviver en nous l’espérance. Tous, en effet, nous faisons l’expérience de ne pas vivre pleinement et comme nous le devrions le commandement de l’amour. Mais ceci aussi est une grâce, parce que cela nous fait comprendre que par nous-mêmes nous ne sommes pas capables d’aimer vraiment : nous avons besoin que le Seigneur renouvelle continuellement ce don dans notre cœur, à travers l’expérience de son infinie miséricorde. Et alors, oui, nous recommencerons à apprécier les petites choses, les choses simples, ordinaires ; nous recommencerons à apprécier toutes ces petites choses de tous les jours et nous serons capables d’aimer les autres comme Dieu les aime, voulant leur bien, c’est-à-dire que nous soyons saints amis de Dieu ; et nous serons contents en raison de la possibilité de nous rendre proches de celui qui est pauvre et humble, comme Jésus le fait avec chacun de nous quand nous sommes loin de lui, de nous plier aux pieds de nos frères comme lui, le bon Samaritain, le fait avec chacun de nous, par sa compassion et son pardon.

Chers frères, ce que l’apôtre Paul nous a rappelé est le secret pour être – j’emploie ses paroles – c’est le secret pour être « joyeux dans l’espérance » (Rm 12,12) ; joyeux dans l’espérance. La joie de l’espérance, parce que nous savons qu’en toute circonstance, y compris la plus défavorable, et même à travers nos propres échecs, l’amour de Dieu ne diminue pas. Et alors, le cœur visité et habité par sa grâce et sa fidélité, nous vivons dans la joyeuse espérance de rendre en nos frères, si peu soit-il, tout ce que nous recevons chaque jour de lui. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Le Père Michel Marie, pour une Église plus près des gens

Entretien avec un prêtre actuel – Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine

Après avoir été chanteur et pianiste dans de nombreux piano-bars et cabarets pendant dix ans, Michel-Marie Zanotti-Sorkine est devenu le curé de la paroisse catholique Saint-Vincent-de-Paul, dite « Les Réformés », à Marseille sur la célèbre artère de La Canebière. Son ministère dans la cité phocéenne a été marqué par le retour en masse des fidèles, grâce en partie à son charisme, mais aussi à ses talents de prédicateur, de chanteur et d’écrivain. Le père Michel-Marie a baptisé plus de mille personnes en dix ans à Marseille, dont un grand nombre de musulmans. Aujourd’hui, il partage son temps entre le sanctuaire de Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes) où la Vierge serait apparue au XVIIe siècle, et Paris où il enregistre en ce moment un album de chansons qu’il a composées lui-même. Il a écrit pas moins de dix livres, et considère avec bienveillance le monde des médias, car il les estime indispensable pour annoncer l’Évangile. Cependant, sa popularité lui a déjà joué des tours : le père Michel-Marie s’est vu refuser le poste de confesseur à la Chapelle de la Médaille Miraculeuse, rue du Bac, à Paris, pour engouement populaire. Serait-ce là le signe que l’Église catholique ne vise pas son développement ? Le père Michel-Marie livre sa vision d’une Église aux portes grandes-ouvertes, en harmonie avec notre époque, sans pour autant dénaturer la force de la doctrine chrétienne

Le Causeur : En prenant vos fonctions à l’église Saint-Vincent-de-Paul, « les Réformés », aviez-vous en tête un plan pour provoquer cet afflux de fréquentation sans précédent ?

Père Michel-Marie : Aucun plan. J’ai probablement agi par inspiration divine… Je veux le croire puisque rien de grand ne se fait sans que Dieu ne mette sa main. Cependant, j’étais convaincu qu’il fallait tout réorganiser en ce lieu qui ne réunissait plus qu’une petite communauté d’une cinquantaine de fidèles.

Avant de prendre mes fonctions, j’avais pris pour seule décision de me consacrer entièrement à ma mission sans m’accorder un seul jour de repos, car sans investissement passionné, sans concentration sur la mission confiée, il eût été impossible de redonner un nouvel élan à ce lieu agonisant. Les trois premières années, assisté de nombreux bénévoles aux cœurs généreux, j’ai travaillé, avec l’aide de Jésus et de Marie, bien sûr, à la renaissance du lieu : présence continue du prêtre, ouverture de cœur maximale pour comprendre les situations et les êtres, liturgies magnifiques, Messes du Dimanche somptueuses, pleines de foi et de beauté, prédications de feu, confessions tous les jours et prières inlassables adressées à la Vierge Marie. Cet agencement a suffi pour que la foule se presse et que les conversions abondent. J’allais oublier un point essentiel : très rapidement, j’ai consacré l’église à Marie, c’est à dire je la lui ai donnée pour qu’elle en soit l’âme. Quand Marie est là, Jésus débarque ! Au Ciel, ils sont ensemble et depuis 2000 ans sur la terre et ils aiment à travailler l’un avec l’autre, cœur contre cœur.

Le Causeur : Vous avez baptisé plus de mille personnes, parmi lesquels deux cent quatre-vingts adultes. Comment avez-vous fait ?

Père Michel-Marie : La méthode est simple, elle repose essentiellement sur l’amour offert à ceux qui se présentent, autrement dit en réservant un accueil inconditionnel à ceux qui se présentent… en éprouvant un profond respect pour chaque personne et en proposant une préparation soignée mais réduite dans le temps, car aujourd’hui, il me semble que l’on ne peut plus demander à notre monde en perpétuel mouvement de consacrer des années à la réception d’un sacrement. D’autant plus que la majorité des personnes vit dans un rythme effrayant et conduit une vie professionnelle et familiale stressante et donc éprouvante. Il est vraiment dommage que des exigences démesurées dans ce domaine (deux à trois ans selon les diocèses) découragent de nombreuses personnes jusqu’à renoncer à leur baptême. L’église n’est pas une administration, elle doit s’adapter à chaque personne, comme le Christ s’est adapté à chacun. Espérons que demain, les prêtres seront de plus en plus libres intérieurement et baptiseront à tour de cœurs ceux qui ont rencontré Jésus et qui désirent recevoir sa grâce.

Le Causeur : Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans l’Église ?

Père Michel-Marie : Moi, qui ne suis pas complètement asservi à l’Évangile ! En vérité, il est difficile de répondre à votre question car toute généralisation conduit à des erreurs de jugement. Il me semble qu’il serait bon que l’Église qui est en France s’affranchisse de tout esprit de système, se concentre sur la communication de la foi, manifeste l’amour de Jésus et de Marie pour chaque homme. Tout est là !

Le Causeur : Comment réagissent les gens lorsqu’ils vous voient avec votre soutane ?

Père Michel-Marie : Extrêmement bien dans l’ensemble. Ma tenue ne génère jamais de haine. Ce qui est frappant, c’est que les plus marginaux de nos frères, en me voyant, ouvrent grand leur cœur. La soutane permet au prêtre d’être visible dans les rues, et ainsi tout homme, quelle que soit sa foi ou sa non foi, peut entrer en contact avec lui. Cette soutane offre aussi comme avantage d’être un signe anachronique au milieu du monde. Pourquoi se priver de cette originalité dans un monde saturé de conformisme ? En outre, c’est tout de même regrettable qu’il faille aller à un enterrement pour avoir un contact avec l’Église !

Le Causeur : D’autres chrétiens attendent l’aide de leurs frères européens. La France en fait-elle assez pour venir en aide aux chrétiens d’Orient persécutés ?

Père Michel-Marie : En matière d’amour, personne n’est au point, on n’en fait jamais assez. En ce qui concerne les chrétiens d’Orient, leur persécution passe sous silence. Le gouvernement reconnaît sans nul doute le carnage, mais ne veut pas le révéler par politique politicienne. Lorsque vingt-et-un coptes ont été décapités, le communiqué du gouvernement faisait état de vingt-et-un « égyptiens ». C’était inadmissible, car ces hommes sont morts au nom de leur foi chrétienne et non de leur nationalité.

Dernièrement, le président de la République a accepté d’accueillir un certain nombre de familles syriennes. Je m’en réjouis, c’est un premier pas, mais il faudrait aller plus loin. Il faudrait que chaque famille française catholique, qui en a les possibilités matérielles, accueille une famille syrienne. Ce serait l’idéal.

Actuellement, il y a 200 millions de chrétiens persécutés dans le monde. Je crains fort que ce chiffre ne fasse qu’augmenter. Que voulez-vous, quand la foi est profondément ancrée dans un cœur, et que la volonté de vivre selon les principes de l’Évangile irriguent un esprit, la persécution se lève immanquablement, c’est l’éternelle lutte entre la lumière et les ténèbres.

Le Causeur : Craignez-vous les menaces proférées l’État islamique contre le Vatican ?

Père Michel-Marie : Pas du tout. L’Église ne craint rien, le Christ est avec elle. Mais si par impossible, ce péril approchait, on observerait alors une résurgence spirituelle, une croissance dans l’amour et la prière aux cœurs des chrétiens, et ce ne serait pas l’intérêt de Daesh ! La persécution des chrétiens fait naître la foi, et le sang des martyrs irrigue la société. Et puis, j’ai la certitude que la pensée de Jésus, « qui utilise l’épée, périt par l’épée », reste un principe indétrônable. Alors, avis aux amateurs !

De son côté, l’Occident doit cesser d’offrir des signes d’irrespect voire de mépris à l’égard des religions. Vous n’êtes pas sans savoir que la parution de Charlie Hebdo au lendemain des attentats a provoqué des massacres au Niger. Je remarque que souvent le monde musulman s’imagine que ce sont les chrétiens qui au nom de la liberté d’expression les offensent. Non, les disciples de Jésus, malgré leurs limites, font tout leur possible pour respecter les êtres. Quant à la liberté d’expression, elle ne peut pas être absolue, puisqu’en démocratie, il n’y a pas de pouvoir absolu !

Le Causeur : Et l’islamisme tel qu’il a sévi contre les chrétiens au Kenya vous inquiète-t-il ?

Père Michel-Marie : Le massacre de Garissa m’a laissé sans voix, mais je l’ai vite reprise surtout dans ma prière pour demander à Dieu notre Père d’éclairer les barbares qui ont tué ces 150 pauvres étudiants avec une cruauté digne des nazis. Dieu doit pleurer dans le ciel en voyant ce que des hommes font en se réclamant de lui !

Le Causeur : Que vous inspirent les projets d’attentats contre des églises qui ont été évités en France ?

Père Michel-Marie : Nous ne sommes qu’au début de nos malheurs. J’attends simplement que les autorités religieuses musulmanes condamnent sévèrement à la une des journaux et sur les plateaux de télévision les actes et les tentatives terroristes perpétrés par les prétendus défenseurs de l’islam, et qu’elles s’expriment avec force, et que cette déclaration soit affichée dans les quelques 2 500 mosquées qui accueillent les 7 millions de musulmans présents en France.

Le Causeur : En tant que prêtre, quelle est votre mission sur terre ?

Père Michel-Marie : Rappeler aux hommes que la vie éternelle existe. Tout homme, au moment de sa mort, qu’il soit chrétien, musulman, juif, ou même athée rencontre Jésus et découvre qu’il a été sauvé par Lui. Je le crois. Aujourd’hui, la majorité des gens se retrouve sans espérance, convaincue que la vie s’arrête à quatre-vingts ans ou quatre-vingt-dix ans. Ce qui génère un désespoir ambiant. L’Église doit rappeler inlassablement que la mort n’est pas un mur mais une porte qui ouvre sur un bonheur infini.

Le Causeur : Vous considérez-vous comme un prêtre moderne ?

Père Michel-Marie : Quelle horreur ! Je ne suis pas moderne, je suis actuel parce que j’entends servir un être éternel que l’on appelle Dieu, et s’il est éternel, il est actuel ! Je suis donc un prêtre au service de mon temps et qui a besoin de la pure lumière de l’Évangile. J’espère en donner un éclat.

Le Causeur : Comment par la musique et après avoir fréquenté le monde de la nuit, êtes-vous arrivé à devenir prêtre ?

Père Michel-Marie : Ma vocation est née à l’âge de 8 ans et il m’a fallu beaucoup de temps – grâce à Dieu ! – pour la réaliser. Mes dix années passées dans les cabarets parisiens ont constitué une étape essentielle dans la marche vers le sacerdoce. Comment servir l’âme humaine si on ne la connaît pas dans sa beauté et ses combats ? J’ai croisé en des lieux d’enfer des êtres lumineux, j’ai vu les amours se faire et se défaire, j’ai senti la foi palpiter dans des cœurs d’enfants prodigues ou de brebis égarées. Grâce à toutes ces rencontres, j’ai cessé de porter des jugements péremptoires, de partager l’humanité entre les purs et les impurs, et même entre les bons et les méchants. La pensée du Christ est plus subtile. Elle repose sur une connaissance approfondie de l’âme humaine qui ne cesse d’offrir mille complexités.

Le Causeur : Si vous deviez résumer conceptuellement la raison de votre engagement, que diriez-vous ?

Père Michel-Marie : Les concepts ne sont pas ma tasse de thé. Je préfère le café fort des images ! Alors, je choisis le beau visage du Christ, avec ses longs cheveux, sa barbe taillée, ses yeux clairs souriant au monde et serrant contre lui pour les féliciter deux êtres qui s’aiment.

Le Causeur : À quoi attribuez-vous l’accroissement du nombre d’athées en France ?

Père Michel-Marie : D’une manière générale, il me semble que les opposants à la foi le sont parce qu’ils ont l’impression que la religion, et donc que l’Église, va leur imposer une manière de vivre. Les athées ne veulent pas mettre en péril leur liberté, et permettez-moi de penser qu’ils ont raison. Faisons découvrir la beauté de la foi à tous ces êtres apeurés par des systèmes de pensée qui peuvent sembler clos, et ces derniers découvriront alors que Dieu notre Père leur accorde une liberté totale pour conduire leur vie dès l’instant où ils adhèrent au commandement de l’amour révélé par son Fils.

Le Causeur : Dans votre livre intitulé « L’Amour, une affaire sacrée, une sacrée affaire », vous mettez en garde les jeunes contre les rapports sexuels précoces. Ne craignez-vous pas qu’ils vous rient au nez ?

Père Michel-Marie : Tant pis pour leur réaction. S’ils acceptent de m’écouter, c’est déjà bien. Et je suis sûr qu’ils reconnaîtront dans mes propos mon désir de travailler à leur bonheur. Aujourd’hui, l’évidence est là : peu de personnes réussissent leur amour. Que de ruptures, que de divorces, que de pleurs versés en raison d’amours meurtries. Sans compter, mais en comptant, les 280 000 avortements par an. Quel massacre ! Cela serait évitable, dès l’instant où l’on voudrait bien lier le don des corps, la beauté de l’étreinte, à un véritable attachement entre deux personnes. L’amour n’est pas un jeu, et ce n’est pas être moralisateur que de l’affirmer. Quand on a quinze ans, si l’on se jette dans les bras du premier ou de la première venue, on risque de vite déchanter. Et moi, je suis pour l’enchantement de la vie ! Je le répète : l’étreinte des corps sans attachement réciproque n’apporte pas grand-chose, si ce n’est un peu de plaisir immédiat, et souvent de la peine au cœur. On a tout donné à un être : son corps, ses baisers, on a atteint jusqu’à la nudité de l’autre et au petit matin, on se dit « bye-bye » pour ne jamais se revoir. C’est nul ! Je souhaite à tous les jeunes de vivre des amours plus denses qui font danser le cœur et pas que le corps !

Le Causeur : Pensez-vous qu’un personnage comme Dominique Strauss-Kahn cristallise ces dérives mieux que quiconque ?

Père Michel-Marie : Pas du tout. On a stigmatisé Monsieur Strauss-Kahn, mais en vérité, il n’a exprimé que les faiblesses propres à l’être humain. Si Jésus était sur la terre, et que Monsieur Strauss-Kahn le rencontrait, ce dernier sentirait son amour, sa compréhension et son pardon. Et puisque j’y suis, permettez-moi de penser que si par impossible, Monsieur Strauss Khan venait me voir, je lui ouvrirais grand mes bras, et je lui dirais : « Enfant de la terre, tu as cru comme la majorité des hommes que la sexualité pouvait se vivre détachée de l’amour. Ce n’est pas la fin du monde. Mais tu vois où cela t’a conduit… » Et sur l’instant, j’en suis sûr, d’autant plus qu’il est juif et qu’il est donc dans son être orienté à savourer l’éternel, il retrouverait toute sa dignité et sa place au milieu d’une humanité qui n’est pas meilleure que lui.

Le Causeur : Et les homosexuels qui veulent se marier, comment les recevez-vous ?

Père Michel-Marie : Comme des personnes qui ne méritent pas d’être rejetées en raison de leur choix. La légalisation des chemins particuliers me semble inutile. C’est encore faire preuve de conformisme que de vouloir marier tout le monde ! Que la société défende les droits de chacun, voilà son rôle, mais qu’elle fiche la paix à chacun en laissant chacun vivre sa vie dans sa lumière. Je suis convaincu que si Jean Cocteau et Jean Marais étaient là, ils tireraient à boulets rouges sur le mariage gay, qui est le summum du conventionnel.

En revanche l’amour entre deux êtres doit être enveloppé de respect. Il y a ce verset de l’épître de saint Jean qui indique la route à suivre : « Celui qui demeure en l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ». Laissons les êtres vivre comme ils peuvent vivre !

Le Causeur : Quel est le contenu du disque que vous enregistrez aujourd’hui ?

Père Michel-Marie : Ce sont des chansons dont j’ai écrit les paroles et la musique. Elles ne sont pas à proprement parler religieuses, si ce n’est qu’elles exaltent la vie, qu’elles invitent à l’élan, à l’enthousiasme qu’elle exige en plaçant l’amour très haut, à la source du bonheur. J’espère que ce disque sortira l’automne prochain et qu’il donnera lieu à un spectacle d’abord parisien.

Un autre évènement qui me tient très à cœur et dont je vous dis deux mots, c’est la sortie d’un coffret édité par les Editions Artège contenant 130 homélies que j’ai prononcées ; 33 heures d’écoute qui, je l’espère, feront le plus grand bien aux âmes dans leurs maisons mais aussi dans leurs voitures !

Le Causeur : C’est vous donc qui allez chanter ces chansons, et chanter sur scène en soutane ?

Père Michel-Marie : Eh oui, qu’est-ce que vous croyez ! Si je mettais mon sacerdoce dans ma poche, je ne serais plus digne ni du Christ, ni d’un public qui, j’en suis sûr, aime le vrai, l’authentique, et non le faussement racoleur. S’adapter, c’est se nier. Être dans le vent, disait Gustave Thibon, c’est l’ambition d’une feuille morte, et ce n’est pas la mienne !

Puisque l’on parle « musique », je suis triste de constater l’engouement d’une certaine jeunesse pour le métal, la techno où la mélodie est absente. Le goût est abîmé. Et pourtant, la mélodie correspond très profondément à la sensibilité humaine. La preuve, c’est que dans une boîte de nuit, quand, à la fin de la soirée le DJ passe une chanson de Claude François ou de Dalida, eh bien tout le monde est content et se met à danser ! C’est la preuve que le monde n’est pas fini. Aujourd’hui, bien des clips sont agressifs ou présentent les impacts d’amours échouées. C’est ainsi, c’est notre temps dépressif et sinistre qui se décrit. J’espère, de mon côté, (mais je ne suis pas le seul !) apporter un peu de clarté à notre monde assombri.

Le Causeur : Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de passer trop de temps avec les médias plus qu’avec les fidèles ?

Père Michel-Marie : Je leur réponds qu’ils ne connaissent pas ma vie. Je rentre de Bruxelles où je viens de prêcher et de donner une conférence à de nombreux fidèles, et je m’apprête dans huit jours à donner trois enseignements sur la Vierge Marie à six-cents fidèles qui se sont inscrits à ces trois rendez-vous.

Et puis, je dis à chacun de s’occuper de sa pomme et de ne pas outrager le parcours d’un homme qui avec ses limites et ses grâces essaie de rejoindre le plus grand nombre.

Le Causeur : Que faites-vous de l’argent que vous gagnez avec vos livres et vos disques ?

Père Michel-Marie : Je mange du maïs, de la salade et de la Vache qui rit. Je fais le plein de ma voiture. Je donne trop d’euros à la SNCF pour mes voyages apostoliques. Et avec l’argent que je n’ai pas encore, je rêve de projets non pas démentiels mais paradisiaques !

Le Causeur : Dernière question : quelle est votre ambition aujourd’hui ? Devenir évêque, voire Pape ?

Père Michel-Marie : Ceux qui me connaissent savent que dans l’Eglise, je fais une anti-carrière. Mon unique ambition, c’est de servir Jésus et Marie tant bien que mal. Et puis permettez-moi de vous faire une petite confidence : mes couleurs préférées ne sont ni le violet, ni le blanc, mais le rouge, couleur de l’amour et du sang, et le bleu, couleur de Marie et des océans aux rivages infinis…

© Le Causeur.fr – 2015

 

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le temps pascal que nous sommes en train de vivre dans la joie, guidés par la liturgie de l’Église, est par excellence le temps de l’Esprit Saint donné « sans mesure » (cf. Jn 3, 34) par Jésus crucifié et ressuscité. Ce temps de grâce se conclut par la fête de la Pentecôte, où l’Église revit l’effusion de l’Esprit sur Marie et sur les apôtres réunis en prière au cénacle.

Mais qui est l’Esprit Saint ? Dans le Credo, nous professons avec foi : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie ». La première vérité à laquelle nous adhérons dans le Credo est que l’Esprit-Saint est Kyrios, Seigneur. Cela signifie qu’il est vraiment Dieu comme le sont le Père et le Fils, objet, de notre part, du même acte d’adoration et de glorification que celui que nous adressons au Père et au Fils. L’Esprit Saint, en effet, est la troisième personne de la Très Sainte Trinité ; il est le grand don du Christ Ressuscité qui ouvre notre esprit et notre cœur à la foi en Jésus comme le Fils envoyé par le Père, et qui nous guide à l’amitié, à la communion avec Dieu.

Mais je voudrais m’arrêter surtout sur le fait que l’Esprit Saint est la source intarissable de la vie de Dieu en nous. L’homme de tous les temps et de tous les lieux désire une vie pleine et belle, juste et bonne, une vie qui ne soit pas menacée par la mort, mais qui puisse mûrir et grandir jusqu’à atteindre sa plénitude. L’homme est comme un marcheur qui, à travers les déserts de la vie, a soif d’une eau vive, jaillissante et fraîche, capable de désaltérer en profondeur son désir intime de lumière, d’amour, de beauté et de paix. Nous ressentons tous ce désir ! Et Jésus nous donne cette eau vive : c’est l’Esprit Saint, qui procède du Père et que Jésus répand dans nos cœurs. « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait surabondante », nous dit Jésus (Jn 10, 10).

Jésus promet à la Samaritaine de donner une « eau vive », en surabondance et pour toujours, à tous ceux qui le reconnaissent comme le Fils envoyé par le Père pour nous sauver (cf. Jn 4, 5-26 ; 3-17). Jésus est venu nous donner cette « eau vive » qu’est l’Esprit Saint pour que notre vie soit guidée par Dieu, soit animée par Dieu, soit nourrie par Dieu. C’est ce que nous voulons dire, lorsque nous disons que le chrétien est un homme spirituel : le chrétien est une personne qui pense et agit selon Dieu, selon l’Esprit Saint. Mais je me pose une question : et nous, est-ce que nous pensons selon Dieu ? Est-ce que nous agissons selon Dieu ? Ou nous laissons-nous guider par beaucoup d’autres choses qui ne sont pas vraiment Dieu ? Chacun de nous doit répondre à cette question au plus profond de son cœur.

Nous pouvons maintenant nous demander : pourquoi cette eau peut-elle désaltérer en profondeur ? Nous savons que l’eau est essentielle à la vie ; sans eau, on meurt ; l’eau désaltère, lave, féconde la terre. Dans la Lettre aux Romains, nous trouvons cette expression : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous fut donné » (5,5). L’« eau vive », l’Esprit Saint, Don du Ressuscité qui établit sa demeure en nous, nous purifie, nous éclaire, nous renouvelle, nous transforme parce qu’elle nous rend participants de la vie même de Dieu qui est Amour. C’est pourquoi l’apôtre Paul affirme que la vie du chrétien est animée par l’Esprit et par ses fruits, qui sont « amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). L’Esprit Saint nous introduit dans la vie divine comme « fils du Fils unique ». Dans un autre passage de la Lettre aux Romains, que nous avons rappelé plusieurs fois, saint Paul le synthétise par ces mots : « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : “Abba ! Père !”. L’Esprit même se joint à notre esprit pour témoigner que nous sommes fils de Dieu. Et si nous sommes fils, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui » (8, 14-17). Voilà le don précieux que l’Esprit Saint met dans nos cœurs : la vie même de Dieu, une vie de véritables fils, une relation d’intimité, de liberté et de confiance dans l’amour et dans la miséricorde de Dieu, qui a aussi pour effet de nous donner un regard nouveau sur les autres, qu’ils soient proches ou éloignés, que nous voyons toujours comme des frères et sœurs en Jésus, à respecter et à aimer. L’Esprit Saint nous apprend à regarder avec les yeux du Christ, à vivre notre vie comme le Christ a vécue la sienne, à comprendre la vie comme le Christ l’a comprise. Voilà pourquoi l’eau vive qu’est l’Esprit Saint désaltère notre vie, parce qu’il nous dit que nous sommes aimés de Dieu comme des fils, que nous pouvons aimer Dieu comme ses fils et que, avec sa grâce, nous pouvons vivre en fils de Dieu, comme Jésus. Et nous, écoutons-nous l’Esprit Saint ? Que nous dit l’Esprit Saint ? Il dit : Dieu t’aime. Il nous dit ceci. Dieu t’aime. Dieu t’aime vraiment. Et nous, est-ce que nous aimons Dieu et les autres, comme Jésus ? Laissons-nous guider par l’Esprit Saint, laissons-le parler à notre cœur et nous dire ceci : que Dieu est amour, que Dieu nous attend, que Dieu est le Père, il nous aime comme un véritable Père, il nous aime vraiment et ceci, seul l’Esprit Saint le dit à notre cœur. Soyons attentifs à l’Esprit Saint, écoutons-le et avançons sur ce chemin d’amour, de miséricorde et de pardon. Merci.

[Audience générale du 8 mai 2013]

© Libreria Editrice Vaticana – 2013