Pko 15.01.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°03/2017

Dimanche 15 janvier 2017 – 2ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A

Hommage au Frère François-Laurent (Vincent) GUILLERM, f.i.c.

 

La Communauté des Frère de Lamennais nous a appris en début de semaine le décès de Frère Vincent GUILLERM, appelé aussi de son nom de Frère : Frère François Laurent.

Il est décédé le jeudi 5 janvier 2017 à la communauté des Frères de Josselin à l’âge de 91 ans dont 76 de vie religieuse. La cérémonie des obsèques a eu lieu le samedi 7 janvier en la chapelle de la Maison-Mère des Frères à Ploërmel.

Frère Vincent a été Supérieur des Frères en Polynésie et Directeur du Collège Lycée La Mennais de 1963 à 1971.

Plusieurs étapes marquantes ont jalonné son séjour en Polynésie française :

En 1964, le M.E.J. (Mouvement Eucharistique des Jeunes) est lancé au Collège Lycée Lamennais ;

Le 20 septembre 1965 se fut l’ouverture de l’école Fariimata à la Mission avec Frère Ronan comme directeur ;

En septembre 1965, arrivèrent les premiers V.A.T. (volontaires à l’aide technique), Frères puis aussi laïcs ;

En 1966, les Frères reprennent du service dans le scoutisme. Ils le lanceront vite dans des opérations telles que le reboisement à Moorea ;

Le 1er août 1967, les Frères, qui étaient en soutane blanche, adoptent une nouvelle tenue vestimentaire : la chemise grise ou blanche ;

Le 16 septembre 1967, ce fut l’inauguration du Fare des Frères de Paea construit grâce aux Anciens Élèves des Frères ;

En septembre 1968 se fut l’ouverture de l’École de Saint Hilaire à Faaa avec Roger NOUVEAU comme directeur ;

En 1971 ce fut le retour des Frères à l’École Saint Joseph de Taiohae avec Frère Ronan comme directeur et Frère Marcel.

En 1971, Frère Vincent quittera Tahiti pour, dans un premier temps, être directeur d’un établissement à Landerneau, avant d’aller à Rome ou il passera près de 25 ans au service de la Congrégation des Frères et notamment comme Postulateur pour la canonisation de Jean-Marie de Lamennais leur fondateur.

À la communauté des Frères en Polynésie, et à toute la Congrégation, la communauté paroissiale de la Cathédrale présente ses sincères condoléances.

Que Dieu accueille Frère Vincent dans son Royaume et vous bénisse tous dans votre belle mission.

Chronique de la roue qui tourne

L’Amitié

« L'amitié est un lien fraternel, et, dans son sens le plus élevé, elle est le plus bel idéal de la fraternité. C'est un accord suprême de deux ou de trois âmes, jamais d'un bien grand nombre, qui se sont devenues nécessaires l'une à l'autre, qui ont trouvé l'une dans l'autre une parfaite disposition à s'entendre, à s'entraider et à s'encourager au bien. » Silvio Pellico

L’amitié est fondamentale à notre vie car nous avons besoin les uns des autres pour nous construire, pour partager, pour avancer. Bien évidemment, « l’amitié » des réseaux sociaux est trop superficielle pour rentrer en ligne de compte. L’amitié, la vraie, exige un minimum de contact hors web. Et même si nous aimons nos moments de solitude, force est de constater que nous avons besoin de complicité, de partage, d’écoute.

Rien ne vaut un bon ami qui sait nous conseiller dans nos moments de doute. Rien ne vaut un bon ami qui sait nous faire rire dans nos moments de tristesse. Rien ne vaut un bon ami qui sait nous titiller dans nos moments d’orgueil. Rien ne vaut un bon ami qui sait calmer nos moments de colère. Rien ne vaut un bon ami qui sait rester à nos côtés quand tout va de travers. Rien ne vaut un bon ami qui sait mieux que quiconque nos possibilités et nos faiblesses sans jamais s’en servir à mauvais escient. Rien ne vaut un bon ami qui sait nous dire la vérité pas bonne à entendre. Rien ne vaut un bon ami qui a vu notre côté le plus sombre mais qui continue à croire en nous. Rien ne vaut un bon ami qui ne nous tient pas rancune bien longtemps quels que soient nos erreurs. L’amitié, c’est un étranger devenu essentiel. L’amitié, c’est un inconnu devenu proche. L’amitié, c’est savoir apprivoiser l’autre.

Mais, contrairement à la famille, nous choisissons nos amis. Si certains nous suivent depuis la tendre enfance, d’autres sont arrivés un beau jour et sont devenus indispensables à notre vie. Quand parfois, des liens rassemblent des personnes diamétralement opposées, d’autres préfèrent se ressembler pour être ensemble. Nous pouvons disserter longtemps sur comment se créent les affinités ou comment nait une vraie complicité. Mais comme toute chose qui ne s’explique pas vraiment, l’amitié a un don extraordinaire d’illuminer notre vie. Au fond, la seule logique à y trouver serait l’entraide mutuelle pour une histoire plus grande que nous !

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2017

Vœux de nouvelle année au Gouvernement de la Polynésie française

En marge de l’actualité du mercredi 11 janvier 2017

Lundi dernier, jour de la fête du Baptême du Seigneur, le président du pays, M. Édouard Fritch, et son gouvernement ont assisté à une célébration eucharistique dans le cadre des visites de courtoisie rendues aux différentes confessions religieuses du Fenua au début de chaque nouvelle année.

L’homélie a été l’occasion d’offrir une méditation à partir du thème de la parole. La foi chrétienne repose sur la conviction qu’en Jésus Christ la Parole de Dieu s’est faite chair. Et dans l’évangile de la fête du Baptême du Seigneur, le Père confirme le statut unique parmi les hommes de Jésus en lui adressant cette parole : « Tu es mon Fils bien-aimé » (Luc 3,22).

Mais il n’y a pas que dans le domaine de la foi que la parole est importante. Toute la vie en société est fondée sur la confiance dans la parole donnée. Sans elle, les rapports humains se désagrègent dans le mensonge, la calomnie, la corruption… jusqu’à la violence. Le monde dans lequel nous évoluons tombe souvent dans le piège de la consommation, du gain, de la productivité, au mépris des aspirations profondes de l’être humain.

En matière d’exercice de la parole et de développement humain, les personnages politiques – mais aussi tout responsable de communautés tels les pasteurs – portent une grande responsabilité. Le peuple que nous servons nous regarde et attend de nous une hauteur de vue et d’esprit. Au-delà des oppositions d’opinions, il nous revient d’appliquer une parole d’échange, de médiation, de concertation.

En cela, le Christ est un modèle dans la mesure où il savait créer autour de lui un espace de vie et de liberté où chacun se sentait accueilli et entendu. Jésus-Christ avait une claire conscience de la dignité de toute personne. Il savait reconnaître et écouter les désirs profonds de ceux qu’il rencontrait sur sa route.

En demandant le baptême de Jean le baptiste, Jésus manifestait par là sa volonté de porter les espérances de toute l’humanité. Il s’est identifié aux pécheurs et aux exclus tout en leur communiquant une parole de salut, de libération, de guérison. Puisse donc l’Esprit Saint nous aider à mener à bien la mission qui est la nôtre pour que notre parole soit vraie et féconde pour le bien de tous.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

La parole aux sans paroles – 66

Portrait d’une femme de cœur - Sherita

« Lorsqu’une passion se fait vecteur de vraies valeurs alors elle ne nous consume pas, elle nous grandit. » Sherita est une passionnée de son pays, de sa culture. Il y a 5 ans, elle décide de devenir artisane, spécialisée dans la nacre, persuadée que ce produit peut être utilisé autrement qu’en bijouterie. Immergée dans l’univers de l’artisanat, elle découvre la difficulté et le désespoir chez certains de ses nouveaux amis. Difficulté et désespoir qu’elle retrouve dans les yeux d’un jeune quémandant 53 francs pour une baguette de pain. Loin d’être fataliste, elle a organisé, en fin d’année 2016 le petit marché de Noël des artisans : 4 jours d’exposition avec une action en faveur des sans-abris… « pour que tout le monde puisse fêter Noël ». Sherita nous raconte.

Sherita, tu es à l’initiative de l’exposition artisanale en faveur des sans-abris. Dis-nous, d’où t’est venue cette idée ?

« Alors, l’idée du petit marché de Noël, elle est due déjà au fait que je suis artisane, depuis plus 5 ans. Et depuis 5 ans, j’ai vu beaucoup d’artisans survivre et ne pas pouvoir gagner leur vie correctement parce qu’aujourd’hui on paie de plus en plus cher l’emplacement pour vendre. Avec le temps et malgré la crise, les stands sont de plus en plus chers, ce n’est pas normal ! Puis, l’année dernière, j’ai rencontré un jeune homme près de la Cathédrale qui m’a demandé 53 francs pour acheter une baguette de pain. Ce n’était pas : “Psst, Madame, t’as pas 500 balles ?” Ça m’a fait un électrochoc. Depuis j’ai visité des sans-abris autour de la Cathédrale, j’ai discuté avec eux. Et, je crois que grâce à ça, j’ai pris conscience que, étant polynésienne, c’était de plus en plus insoutenable de voir les gens dehors. On nous a toujours appris à vivre en communauté, en famille, de prendre soin les uns des autres. Donc j’avais du mal à accepter qu’il y ait des gens à la rue. Et, c’est ce qui a déclenché l’organisation de ce petit marché de Noël... pour que tout le monde puisse fêter Noël ! »

Première édition donc ?

« Oui. Bon, ça fait 3 ans qu’on en parle avec des artisans. Et, on n’a jamais trouvé le bon moment pour le faire, chacun était occupé, chacun avait ses raisons. Et, je pense vraiment que ça a permis au projet de bien mûrir, de manière à ce que cette fois-ci ce soit la bonne ! »

Et combien d’artisans se sont réunis autour de ce projet ?

« Alors, il faut savoir que nous avons demandé une salle à la Maison de la Culture, la salle Muriavai. C’est une salle de 122m² hexagonale. Donc il a fallu placer les gens à l’intérieur et ce n’était pas aussi évident qu’avec une salle rectangulaire ou carrée ! On a quand même réussi à installer 14 artisans. On a reçu beaucoup d’appels, suite à l’article paru dans la Dépêche. »

Tu as dû refuser du monde.

« Oui, hélas. Mais nous avons tenu absolument à privilégier les artisans qui respectent les règles, c’est-à-dire les artisans qui paient une patente. Beaucoup choisissent de se mettre en association et donc gagnent leur vie beaucoup plus facilement puisqu’ils n’ont pas de charge derrière – mais sont en totale illégalité. Ce n’est pas forcément juste par rapport aux autres artisans qui payent une patente, qui montent une entreprise, qui ont l’intention de la développer et d’embaucher des personnes derrière. Nous avons tenu à ce que cette première règle soit respectée. »

Et, comment les artisans participants ont réagi face à l’action en faveur des sans-abris ?

« Ils étaient très heureux et c’est là qu’on se rend compte qu’il y a beaucoup de personnes au grand cœur, qui ont les mêmes valeurs ! Mais l’idée a dérangé d’autres personnes puisque notre banderole devant la Cathédrale a été coupée et volée, aujourd’hui encore on la cherche… c’est bien la preuve que notre idée était bonne ! »

Une action en faveur des sans-abris ? Concrètement, ça se traduit comment ?

« Nous avons une urne à disposition des visiteurs pendant les 4 jours d’exposition, nous avons fait aussi une collecte de pièces grises, les “tota”, 1 francs, 2 francs, 5 francs, 10 francs, 20 francs et 50 francs. Nous avions estimé un montant plus ou moins correct à récolter et, au final, nous avons eu 3 fois cette somme. Il y a eu beaucoup de donateurs très généreux. Donc l’opération est complètement réussie pour les “Artiz’ de l’Espoir”, c’est comme ça que le collectif s’appelle. Au total, il y a eu 10 992 pièces récoltées, pour une somme de 152 197 francs. Ce qui est extraordinaire… pour une première ! Et ça ne sera pas la dernière ! »

Il y a eu du monde ?

« Oui ! Les visiteurs restaient des heures et ne voulaient plus partir, car il y avait une très bonne ambiance ! Nous avons aussi partagé beaucoup entre artisans, à chaque fois on arrivait chacun avec un plat. Donc on est beaucoup resté à table ! (Rires) Ce n’était pas ordinaire ! Les artisans ne sont pas restés isolés, chacun pour soi dans leur stand, comme cela se passe à l’accoutumée. Là, il y avait un vrai partage, même Père Christophe l’a souligné. C’était vraiment l’esprit de Noël et de solidarité ! »

Ton plus beau souvenir ?

« C’est la fin du Salon. Après avoir tous débarrassé la salle, nous avons choisi de nous tenir tous par la main pour faire un grand cercle, ce cercle était le symbole de notre solidarité. Et, on devait formuler, tous en même temps, un vœu de cœur pour les personnes à qui nous avons rendu la collecte, mais aussi à l’égard de chacun des Artiz’ de l’Espoir. C’était très émouvant et cela reste un merveilleux souvenir commun ! »

Est-ce que des SDF sont venus passer un petit moment avec vous ?

« Non, à moins qu’ils soient venus incognitos ! (Rires) Mais, ce sera pour la prochaine fois sûrement ! J’espère qu’ils oseront car, cet évènement a été conçu pour leur montrer que l’artisanat pouvait être une porte de sortie pour eux : créer quelque chose de ses mains, trouver dans le processus de création une forme de satisfaction qui grandit chaque jour, c’est une façon revenir sur le chemin, un pas après l’autre, pour retrouver la dignité ! Similairement, j’ai vécu une expérience difficile il y a quelques années, je me suis relevée grâce à mon acharnement et au défi que je m’étais lancée de promouvoir la nacre autrement – Il est capital pour moi à présent de partager ce vécu de façon positive avec d’autres et pourquoi pas leur donner envie d’affirmer que “tout est possible” – pour qu’un jour, à leur tour, ils puissent eux aussi, diffuser le même message ! »

Et ce matin, tu es à Te Vaiete ? C’est une première ?

« Oui, c’est la première ! (Rires) Enfin, j’étais venue il y a quelques jours faire un “repérage”, Père Christophe nous a montré les lieux. Et puis, hier, nous étions ici, avec mon compagnon et des amis. Nous sommes venus toute la journée pour préparer le repas d’aujourd’hui, le repas d’anniversaire de Te Vaiete. »

Un dernier message, peut-être à ceux qui n’osent toujours pas voir les SDF ?

« Je répèterais à ces gens, la phrase de notre banderole et qui est tirée du Petit Prince de Saint Exupéry :“On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.” Cette phrase reflète parfaitement ce que nous avons tous oublié aujourd’hui, c’est d’arrêter de regarder notre “pito” pour se tourner vers les autres, d’arrêter de juger en fonction de l’apparence, c’est d’arriver à les regarder avec son cœur ! Par contre, je dirais aux SDF, qu’importe la situation ou sa gravité, de ne jamais perdre espoir ! Il y a toujours de la lumière. Il faut toujours se relever, il ne faut pas rester sur un échec. Je dirais dans l’ensemble qu’il ne faut pas oublier nos valeurs polynésiennes, le partage, la solidarité, j’ai retrouvé ces belles valeurs chez les SDF et ça m’a beaucoup touché ! Finalement dans le monde considéré comme “normal”, les gens ont plus tendance à se tirer dessus qu’à s’entraider ! Ce sont les personnes les plus démunies qui nous réapprennent ces valeurs si précieuses à la Polynésie et nous donnent cette merveilleuse leçon. Que les gens du monde “normal” ouvrent leurs yeux mais voient avec leur cœur ! »

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2017

Ne pas mettre son espérance dans de fausses idoles

Audience générale du mercredi 11 janvier 2017

Lors de l’audience générale de ce mercredi matin, tenue en salle Paul VI, le Pape a poursuivi sa série de catéchèses sur l’espérance, en évoquant cette fois-ci un passage de l’Ancien Testament : le Psaume 115, qui dénonce les « fausses espérances dans les idoles ». Le Pape a rappelé qu’il fallait se méfier des faux prophètes qui diffusent des illusions.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Pendant ce dernier mois de décembre et la première partie de janvier, nous avons célébré le temps de l’Avent, puis celui de Noël : une période de l’année liturgique qui réveille dans le peuple de Dieu l’espérance. Espérer est un besoin primaire de l’homme : espérer dans l’avenir, croire dans la vie, la fameuse « pensée positive ».

Mais il est important que cette espérance trouve une réponse dans ce qui peut vraiment aider à vivre et à donner sens à notre existence. C’est pour cela que la Sainte Écriture nous met en garde contre les fausses espérances que le monde nous présente, démasquant leur inutilité et montrant leur absurdité. Et elle le fait de différentes manières, mais surtout en dénonçant la fausseté des idoles en qui l’homme est continuellement tenté de mettre sa confiance, faisant d’elles l’objet de son espérance.

Les prophètes et les sages, en particulier, insistent sur cela, touchant un point névralgique du chemin de foi du croyant. Parce que la foi consiste à avoir confiance en Dieu – qui a la foi, a confiance en Dieu – mais vient le moment où, en se confrontant aux difficultés de la vie, l’homme expérimente la fragilité de cette confiance et sent le besoin de certitudes différentes, de sécurités tangibles, concrètes. Je m’en remets à Dieu, mais la situation est un peu difficile et j’ai besoin d’une certitude un peu plus concrète. Et là est le danger ! Et alors, nous sommes tentés de chercher des consolations même éphémères, qui semblent remplir le vide de la solitude et adoucir la difficulté à croire. Et nous pensons pouvoir les trouver dans la sécurité que peut donner l’argent, dans les alliances avec les puissants, dans la mondanité, dans les fausses idéologies. Parfois, nous les cherchons dans un dieu qui puisse se plier à nos demandes et intervenir de façon magique pour changer la réalité et la rendre telle que nous la voulons ; une idole, justement, qui en tant que telle ne peut rien faire, impuissante et mensongère. Mais nous aimons les idoles, nous les aimons beaucoup ! Une fois, à Buenos Aires, je devais aller d’une église à l’autre, mille mètres, plus ou moins. Et je l’ai fait à pied. Et il y a un parc à mi-chemin et dans le parc, il y avait des petites tables, mais beaucoup, beaucoup, où étaient assis les voyants. C’était rempli de monde qui faisait la queue. Tu lui tendais la main et il commençait mais le discours était toujours le même : il y a une femme dans ta vie, il y a une ombre qui vient, mais tout ira bien… Et puis, tu payais. Et cela te donne une sécurité ? C’est la sécurité – permettez-moi ce mot – d’une stupidité. Aller voir un voyant ou une voyante qui lit les cartes : cela, c’est une idole ! C’est l’idole et quand nous y sommes très attachés, nous achetons de fausses espérances. Tandis qu’à cette espérance de la gratuité, que Jésus-Christ nous a apportée en donnant gratuitement sa vie pour nous, à celle-là parfois nous ne faisons pas tellement confiance.

Un psaume plein de sagesse nous dépeint de manière très suggestive la fausseté de ces idoles que le monde offre à notre espérance et auxquelles les hommes de notre temps sont tentés de faire confiance. C’est le psaume 115 que voici :

« Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles. » (vv. 4-8).

Le psalmiste nous présente, d’une manière un peu ironique aussi, la réalité absolument éphémère de ces idoles. Et nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de représentations faites de métal ou d’autre matériel, mais aussi de celles construites avec notre esprit quand nous faisons confiance à des réalités limitées que nous transformons en absolu, ou quand nous réduisons Dieu à nos schémas et à nos idées de divinité ; un dieu qui nous ressemble, compréhensible, prévisible, exactement comme les idoles dont parle le psaume. L’homme, image de Dieu, se fabrique un dieu à son image, et c’est aussi une image mal réussie : il ne voit pas, il n’agit pas et surtout il ne peut pas parler. Mais nous sommes plus contents d’aller vers les idoles que d’aller au Seigneur. Bien souvent nous sommes plus contents de l’espérance éphémère que te donne cette fausse idole que de la grande et sûre espérance que nous donne le Seigneur.

À l’espérance dans un Seigneur de la vie qui, par sa Parole, a créé le monde et conduit nos existences, s’oppose la confiance dans des simulacres muets. Les idéologies avec leur prétention à l’absolu, les richesses – et elles sont une grande idole – le pouvoir et le succès, la vanité, avec leur illusion d’éternité et de toute-puissance, des valeurs comme la beauté physique et la santé, quand elles deviennent des idoles à qui tout sacrifier, sont toutes des réalités qui embrouillent l’esprit et le cœur et qui, au lieu de favoriser la vie, mènent à la mort. C’est triste d’entendre et cela fait souffrir l’âme, ce que j’ai entendu une fois, il y a des années, dans le diocèse de Buenos Aires : une brave femme, très belle, se vantait de sa beauté, commentait, comme si c’était naturel : « Et oui, j’ai dû avorter parce que ma silhouette est très importante ». Ce sont des idoles et elles te poussent sur la mauvaise voie et ne te donnent pas le bonheur.

Le message du psaume est très clair : si l’on met son espérance dans les idoles, on devient comme elles : des images vides avec des mains qui ne touchent pas, des pieds qui ne marchent pas, des bouches qui ne peuvent pas parler. On n’a plus rien à dire, on devient incapable d’aider, de changer les choses, incapable de sourire, de se donner, incapable d’aimer. Et nous aussi, hommes d’Église, nous courons ce risque quand nous nous « mondanisons ». Il faut rester dans le monde mais se défendre des illusions du monde que sont ces idoles que j’ai mentionnées.

Il faut, comme poursuit le psaume, mettre sa confiance et espérer en Dieu et Dieu nous donnera sa bénédiction. Le psaume dit ceci :

« Israël mets ta foi dans le Seigneur […]

Maison d’Aaron, mets ta foi dans le Seigneur […]

Vous qui craignez le Seigneur, ayez foi dans le Seigneur […]

Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! » (vv. 9.10.11.12).

Le Seigneur se souvient toujours. Même dans les moments difficiles, il se souvient de nous. Et c’est là notre espérance. Et l’espérance ne déçoit pas. Jamais. Jamais. Les idoles déçoivent toujours : elles sont imaginaires, elles ne sont pas la réalité.

Voilà l’étonnante réalité de l’espérance : en mettant sa foi dans le Seigneur, on devient comme lui, sa bénédiction fait de nous ses enfants, qui partagent sa vie. L’espérance en Dieu nous fait entrer, pour ainsi dire, dans le rayon d’action de son souvenir, de sa mémoire qui nous bénit et nous sauve. Alors peut jaillir l’Alleluia, la louange au Dieu vivant et vrai qui pour nous est né de Marie, est mort sur la croix et est ressuscité dans la gloire. Et nous, nous avons notre espérance en ce Dieu et ce Dieu – qui n’est pas une idole – ne déçoit jamais.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Frère François-Laurent (Vincent) GUILLERM (1925-2017)

Frère Vincent GUILLERM, appelé aussi de son nom de Frère, Frère François Laurent, est décédé le jeudi 5 janvier 2017 à la communauté des Frères de Josselin à l’âge de 91 ans dont 76 de vie religieuse. La cérémonie des obsèques a eu lieu le samedi 7 janvier 2017 en la chapelle de la Maison-Mère des Frères à Ploërmel. Voici quelques mots prononcés lors de cette célébration par le Fr Jean Pétillon.

Le frère Vincent qui vient de nous quitter est né dans une famille profondément chrétienne de Cléder, nord Finistère. Il avait une vive conscience que sa formation première dans la maison natale, notamment par sa mère, lui avait permis de devenir le frère Vincent Guillerm que nous avons bien connu et aimé. Aussi était-il très attaché aux siens qui le lui rendaient bien par des visites fréquentes et une affection bien visible.

Le frère Vincent était doué d'une intelligence remarquable. Travailleur acharné et méthodique, il va acquérir de solides compétences durant sa longue vie dans des domaines variés, le préparant ainsi à devenir le « bon et fidèle serviteur » de la congrégation qu’il fut. Il était d’une serviabilité à toute épreuve, d’une totale disponibilité, « parfois jusqu’à l’excès », estimaient certains de ses confrères, car le frère Vincent était de ces hommes qui ne disent jamais « non » à qui vient frapper à leur porte. Et nous le savons : on allait volontiers solliciter le frère Vincent, sûr d’être bien reçu par lui. En effet, il avait un don de l’accueil peu commun. Homme d’une large expérience et d’une grande humanité, il savait écouter, conseiller, encourager.

Des témoins de sa vie de professeur et de directeur soulignent comment ses grandes qualités humaines faisaient de lui le genre d’éducateur dont rêvait le Père de La Mennais. « Homme affable, aimant les contacts, très doué pour mettre de l’huile dans les rouages, il a établi et gardé d’excellentes relations avec les parents, les associations et les différents acteurs des établissements où il a été professeur ou directeur. Dans sa grande simplicité et avec le plus grand naturel, il sollicitait volontiers l’avis d’autrui pour mieux s’acquitter de sa mission. Comme professeur, il était proche des jeunes, attentif à tous et il se mettait volontiers à leur écoute. Aussi avait-il une très bonne connaissance des élèves et du milieu familial de chacun ».

Selon le frère Gilbert Olivier caractérisant le genre de présence que le frère Vincent assurait auprès des personnes de son entourage, sa présence était « une présence du cœur ». Oui, homme de cœur, le frère Vincent l’était, le rendant très attentif à chacun. Et le frère Gilbert ajoutait : « Pas étonnant qu’il ait eu une nuée d’amis avec lesquels il tissait une toile toute de finesse et de délicatesse à travers les continents ». D’ailleurs, cette toile était si vaste qu'il lui fallait, chaque année, « au moins deux mois pour clore son courrier de vœux de Noël et de Nouvelle Année », nous assure un autre témoin de sa vie !

Autant de qualités et de dons qui ont rendu le frère Vincent propre à assumer les nombreuses et importantes responsabilités que lui ont confiées ses supérieurs : professeur, au début de sa vie de frère, en particulier au scolasticat de Ploërmel ; - directeur d’établissements à Tahiti, à Landerneau ; - puis formateur des Frères ayant déjà une bonne expérience de la vie religieuse ; on le sait, ces frères appréciaient particulièrement la qualité de ses conférences ; - et, enfin, membre de l’Administration Générale de la Congrégation. En effet, c’est à Rome qu’il a assuré successivement et parfois dans le même temps les fonctions de Grand maître de l'Année de Rénovation, de secrétaire général, d'économe général, de procureur, de postulateur de la cause de béatification de Jean-Marie de La Mennais, avec parfois un cumul lourd à supporter tant il s’adonnait à fond à son travail. Toutes ces fonctions, il les a remplis avec compétence et un dévouement sans faille, mais parfois au prix d'un travail épuisant. Il avait l'habitude de poursuivre son travail tard dans la nuit pour récupérer le temps passé dans la journée en accueil ou en contact avec les gens.

C’est en particulier durant les 25 ans passés à Rome que le frère Vincent a su déployer ses qualités de relation. Il était très à l’aise dans tous les milieux, y compris avec les plus hautes autorités religieuses ou civiles. Aussi avait-il noué de solides relations avec les responsables de nombreuses autres institutions ayant leur siège à Rome. Avec tact et discrétion il profitait de ses multiples rencontres pour leur faire connaître notre congrégation et sa mission.

Revenu en France, non sans regrets, après 25 ans de vie intense à Rome, le frère Vincent retrouve la maison de sa jeunesse : Ploërmel. Il continue à s’intéresser à la vie de la Congrégation dont il était devenu un grand connaisseur, tant de son passé que de son présent. Il répondait volontiers aux questions qu’on lui posait à son sujet en faisant les recherches dans ses documents avec beaucoup de patience et de précision. Il s’enfermait tard le soir dans son bureau, penché sur les Archives de la Congrégation. Les dernières années, sa santé faiblissait. Aussi avait-il de la peine à avancer dans son travail. D’où l’accumulation de documents dans son bureau, dans sa chambre et les nuits peut-être courtes.

Le frère Vincent a beaucoup donné à la Congrégation dans les postes où il a servi. Ce fut un grand serviteur de notre Famille religieuse. Oui, « un bon et fidèle serviteur de la Congrégation », le frère Vincent l’était à un degré éminent. Il l’était parce qu’il était profondément attaché à Jésus Christ, le cœur de sa vie, parce qu’il aimait l’Église qu’il apprit à mieux connaître à Rome. « Bon et fidèle serviteur de la congrégation », il l’était encore en tant que disciple de notre Fondateur. On peut le dire : Jean-Marie de La Mennais était pour le frère Vincent une « lumière sur ses pas » dans sa vocation de frère de Ploërmel. Que d’heures il aura passées à étudier et à mettre en relief sa vie, son œuvre, son esprit, sa règle de vie. Ses dernières années d’activité, après la retraite officielle, il les aura passées en compagnie de Jean-Marie de La Mennais à la Maison-Mère de Ploërmel.

Après ses dernières années passées à notre Maison de Josselin, le frère Vincent vient de rejoindre dans la Maison du Père de nombreux amis et Frères qui l’y ont précédé, dont les deux derniers décédés, les frères Gilbert Ollivier et Yves-Jean Labbé. C’est dans cette espérance que nous le confions maintenant à la miséricorde du Seigneur.

Mot prononcé aux obsèques le 7/01/2017

F. Jean Pétillon

© Frères de Lamennais - 2017

Migrants mineurs, vulnérables et sans voix

Message du Pape François pour le Journée mondiale de Migrant et du réfugié – 15 janvier 2017

Prendre soin des migrants mineurs, « à la merci d’aberrants fléaux » : c’est l’exhortation du Pape François dans son message cette année pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié sur le thème « migrants mineurs, vulnérables et sans voix ». Les enfants migrants, souligne-t-il « sont trois fois sans défense parce qu’ils sont mineurs, parce qu’ils sont étrangers et parce qu’ils sont (…) forcés de vivre loin de leur terre natale et séparés de leurs familles ». Le Saint-Père appelle ainsi les pays d’accueil à les protéger, à les intégrer et à les défendre. Il souligne la nécessité de trouver des solutions durables en luttant contre « les multiples formes d’esclavage dont sont victimes les mineurs » en adoptant des « procédures nationales adéquates et des plans de coopération » entre pays d’origine et pays d’accueil mais aussi en affrontant « les causes qui provoquent les migrations ».

Chers frères et sœurs,

« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9, 37 ; cf. Mt 18, 5 ; Lc 9, 48 ; Jn 13, 20). Par ces mots, les Évangélistes rappellent à la communauté chrétienne un enseignement de Jésus qui est enthousiasmant et, à la fois, exigeant. Ces paroles, en effet, tracent la voie sûre qui conduit à Dieu, en partant des plus petits et en passant par le Sauveur, dans la dynamique de l’accueil. L’accueil même, donc, est une condition nécessaire pour que se concrétise cet itinéraire : Dieu s’est fait l’un de nous, en Jésus il s’est fait enfant et l’ouverture à Dieu dans la foi, qui alimente l’espérance, se décline dans la proximité affectueuse aux plus petits et aux plus faibles. Charité, foi et espérance sont toutes impliquées dans les œuvres de miséricorde, soit spirituelles, soit corporelles, que nous avons redécouvertes durant le récent Jubilé Extraordinaire.

Mais les Évangélistes s’arrêtent aussi sur la responsabilité de celui qui va à l’encontre de la miséricorde : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu’il soit englouti en pleine mer » (Mt 18, 6 ; cf. Mc 9, 42 ; Lc 17, 2). Comment ne pas penser à ce sévère avertissement en considérant l’exploitation perpétrée par des gens sans scrupules aux dépens de nombreux enfants contraints à la prostitution ou pris dans le circuit de la pornographie, asservis dans le travail des mineurs ou enrôlés comme soldats, impliqués dans des trafics de drogue et dans d’autres formes de délinquance, forcés à la fuite par des conflits et par les persécutions, avec le risque de se retrouver seuls et abandonnés ?

C’est pourquoi, à l’occasion de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, je tiens à attirer l’attention sur la réalité des migrants mineurs, en particulier ceux qui sont seuls, en demandant à chacun de prendre soin des enfants qui sont trois fois sans défense, parce que mineurs, parce qu’étrangers et parce que sans défense, quand, pour diverses raisons, ils sont forcés à vivre loin de leur terre d’origine et séparés de l’affection de leurs proches.

Les migrations, aujourd’hui, ne sont pas un phénomène limité à certaines régions de la planète, mais touchent tous les continents et prennent toujours plus les dimensions d’une question mondiale dramatique. Il ne s’agit pas uniquement de personnes à la recherche d’un travail digne ou de meilleures conditions de vie, mais aussi d’hommes et de femmes, de personnes âgées et d’enfants qui sont contraints d’abandonner leurs maisons avec l’espérance de se sauver et de trouver ailleurs paix et sécurité. Ce sont les mineurs qui paient en premier lieu le prix élevé de l’immigration, provoquée presque toujours par la violence, la misère et par les conditions environnementales, facteurs auxquels s’ajoute également la globalisation dans ses aspects négatifs. La course effrénée vers des gains rapides et faciles comporte aussi le développement d’aberrants fléaux tels que le trafic d’enfants, l’exploitation et l’abus de mineurs et, en général, la privation des droits inhérents à l’enfance entérinés par la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant.

L’âge de l’enfance, par sa délicatesse particulière, a des exigences uniques et inaliénables. Avant tout le droit à un environnement familial sain et protégé pour pouvoir grandir sous la conduite et avec l’exemple d’un papa et d’une maman ; ensuite, le droit-devoir de recevoir une éducation adéquate, principalement en famille et aussi à l’école, où les enfants pourront grandir en tant que personnes et protagonistes de leur propre avenir et de celui de leur nation respective. De fait, dans de nombreuses régions du monde, lire, écrire et faire les calculs les plus élémentaires est encore un privilège réservé à peu de personnes. Tous les mineurs, ensuite, ont le droit de jouer et de se livrer à des activités récréatives, ils ont, en somme, le droit d’être des enfants.

Parmi les migrants, par contre, les enfants constituent le groupe le plus vulnérable, parce que, alors qu’ils se lancent dans la vie, ils sont invisibles et sans voix : la précarité les prive de documents, en les cachant aux yeux du monde ; l’absence d’adultes pour les accompagner empêche que leur voix s’élève et se fasse entendre. Ainsi, les migrants mineurs échouent facilement aux plus bas niveaux de la dégradation humaine, où l’illégalité et la violence brûlent en une flambée l’avenir de trop d’innocents, tandis que le réseau de l’abus des mineurs est difficile à rompre.

Comment affronter cette réalité ?

Avant tout, en prenant conscience que le phénomène migratoire n’est pas étranger à l’histoire du salut ; bien au contraire, il en fait partie. Un commandement de Dieu y est lié : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte » (Ex 22, 20) ; « Aimez donc l’immigré, car au pays d’Égypte vous étiez des immigrés » (Dt 10, 19). Ce phénomène constitue un signe des temps, un signe qui parle de l’œuvre providentielle de Dieu dans l’histoire et dans la communauté humaine en vue de la communion universelle. Sans sous-estimer, certes, les problématiques et, souvent, les drames et les tragédies des migrations, ainsi que les difficultés liées à l’accueil digne de ces personnes, l’Église encourage à reconnaître le dessein de Dieu dans ce phénomène également, avec la certitude que personne n’est étranger dans la communauté chrétienne, qui embrasse « toutes nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9). Chacun est précieux, les personnes sont plus importantes que les choses et la valeur de chaque institution se mesure à la façon dont elle traite la vie et la dignité de l’être humain, surtout en conditions de vulnérabilité, comme dans le cas des mineurs migrants.

En outre, il faut viser la protection, l’intégration et des solutions durables.

Avant tout, il s’agit d’adopter toutes les mesures possibles pour garantir aux migrants mineurs protection et défense, parce que « ces garçons et filles finissent souvent dans la rue, livrés à eux-mêmes et la proie de ceux qui les exploitent sans scrupules et, bien souvent, les transforment en objet de violence physique, morale et sexuelle » (Benoît XVI, Message per la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2008).

Par ailleurs, la ligne de démarcation entre migration et trafic peut devenir parfois ténue. Les facteurs sont nombreux qui contribuent à créer un état de vulnérabilité chez les migrants, surtout s’ils sont mineurs : l’indigence et le manque de moyens de survie – auxquels s’ajoutent des expectatives irréalistes suscitées par les media - ; le bas niveau d’alphabétisation ; l’ignorance des lois, de la culture et souvent de la langue des pays hôtes. Tout cela les rend dépendants physiquement et psychologiquement. Mais la plus puissante impulsion vers l’exploitation et l’abus des enfants provient de la demande. Si l’on ne trouve pas le moyen d’intervenir avec plus de rigueur et d’efficacité à l’encontre de ceux qui en tirent profit, les multiples formes d’esclavage dont sont victimes les mineurs se pourront pas être enrayées.

Il est nécessaire, par conséquent, que les migrants, pour le bien-même de leurs enfants, collaborent toujours plus étroitement avec les communautés qui les accueillent. Avec une grande gratitude, nous regardons vers les organismes et les institutions, ecclésiales et civiles, qui, avec un engagement remarquable, offrent temps et ressources pour protéger les mineurs de diverses formes d’abus. Il est important que se réalisent des collaborations toujours plus efficaces et plus incisives, fondées non seulement sur l’échange d’informations, mais aussi sur l’intensification de réseaux capables d’assurer des interventions rapides et étendues, sans sous-évaluer le fait que la force extraordinaire des communautés ecclésiales se révèle surtout lorsqu’il y a unité de prière et de communion dans la fraternité.

En deuxième lieu, il faut travailler pour l’intégration des enfants et des adolescents migrants. Ils dépendent en tout de la communauté des adultes et, très souvent, l’insuffisance des ressources financières devient un empêchement à l’adoption de politiques adéquates d’accueil, d’assistance et d’inclusion. Par conséquent, au lieu de favoriser l’insertion sociale des migrants mineurs, ou bien des programmes de rapatriement sûr et assortis d’assistance, on cherche uniquement à empêcher leur entrée, en favorisant ainsi le recours à des réseaux illégaux ; ou bien ils sont renvoyés dans leur pays d’origine, sans s’assurer que cela corresponde à leur réel « intérêt supérieur ».

La condition des migrants mineurs est encore plus grave lorsqu’ils se trouvent dans une situation d’irrégularité ou quand ils sont à la solde de la criminalité organisée. Alors, ils sont souvent envoyés dans des centres de détention. Il n’est pas rare, en effet, qu’ils soient arrêtés et, puisqu’ils n’ont pas d’argent pour payer la caution ou le voyage de retour, ils peuvent rester longtemps reclus, exposés à des abus et à des violences de divers types. Dans ces cas, le droit des États à gérer les flux migratoires et à sauvegarder le bien commun national doit se conjuguer avec le devoir de résoudre et de régulariser la situation des migrants mineurs, dans le plein respect de leur dignité et en cherchant à répondre à leurs besoins, quand ils sont seuls, mais aussi à ceux de leurs parents, pour le bien de l’entière cellule familiale.

Ensuite, l’adoption de procédures nationales adéquates et de plans de coopération, établis de commun accord entre pays d’origine et ceux d’accueil, demeure fondamentale, en vue de l’élimination des causes de l’immigration forcée des mineurs.

En troisième lieu, j’adresse à tous un appel pressant afin qu’on cherche et qu’on adopte des solutions durables. Puisqu’il s’agit d’un phénomène complexe, la question des migrants mineurs doit être affrontée à la racine. Guerres, violations des droits humains, corruption, pauvreté, déséquilibres et catastrophes environnementales font partie des causes du problème. Les enfants sont les premiers à en souffrir, en subissant parfois des tortures et des violences corporelles, qui accompagnent des tortures et des violences morales et psychologiques, en laissant en eux des signes presque toujours indélébiles.

Il est absolument nécessaire, par conséquent, d’affronter dans les pays d’origine les causes qui provoquent les migrations. Cela exige, en premier lieu, l’engagement de la communauté internationale tout entière à enrayer les conflits et les violences qui contraignent les personnes à la fuite. En outre, une vision clairvoyante s’impose, capable de prévoir des programmes adéquats pour les régions affectées par de multiples graves injustices et instabilités, afin qu’à tous soit garanti l’accès à un développement authentique, qui promeuve le bien des enfants, qui sont l’espérance de l’humanité.

Enfin, je souhaite vous adresser un mot, à vous, qui cheminez aux côtés des enfants et des adolescents sur les routes de l’émigration : ils ont besoin de votre précieuse aide, et l’Église aussi a besoin de vous et vous soutient dans le généreux service que vous rendez. Ne vous lassez pas de vivre avec courage le bon témoignage de l’Évangile, qui vous appelle à reconnaître et à accueillir le Seigneur Jésus présent dans les plus petits et les plus vulnérables.

Je confie tous les migrants mineurs, leurs familles, leurs communautés et vous qui vous leur êtes proches, à la protection de la Sainte Famille de Nazareth, afin qu’elle veille sur chacun et les accompagnent sur leur chemin ; et à ma prière, je joins la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 8 septembre 2016, fête de la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

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Commentaire des lectures du dimanche

Il est beau, ce passage de l’Évangile. Jean qui baptisait ; et Jésus, qui avait été baptisé avant — quelques jours auparavant —, est venu et il est passé devant Jean. Et Jean a senti en lui la force de l’Esprit-Saint pour rendre témoignage à Jésus. En le regardant, et en regardant la foule qui l’entourait, Il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ». Et il rend témoignage à Jésus ; voici Jésus, voici celui qui vient nous sauver ; voici celui qui nous donnera la force de l’espérance.

Jésus est appelé l’Agneau : il est l’Agneau qui enlève le péché du monde. On peut penser : mais comment un agneau, si faible, un faible petit agneau, comment peut-il enlever tant de péchés, tant de méchancetés ? Par l’Amour. Par sa douceur. Jésus n’a jamais cessé d’être un agneau : doux, bon, plein d’amour, proche des petits, proche des pauvres. Il était là, parmi les gens, il guérissait tout le monde, il enseignait, il priait. Jésus, si faible, comme un agneau. Mais il a eu la force de porter sur lui tous nos péchés, tous. « Mais, Père, vous ne connaissez pas ma vie ; moi, j’en ai un... que je ne peux même pas porter avec un camion… ». Bien souvent, quand nous regardons notre conscience, nous en trouvons certains qui sont gros ! Mais Lui, il les porte. Il est venu pour cela : pour pardonner, pour faire la paix dans le monde, mais auparavant, dans les cœurs. Peut-être avons-nous tous quelque chose qui tourmente notre cœur, peut-être avons-nous l’obscurité dans le cœur, peut-être nous sentons-nous un peu tristes à cause d’une faute… Il est venu pour enlever tout cela, il nous donne la paix, il pardonne tout. « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché » : il enlève le péché avec sa racine, tout ! Tel est le salut de Jésus, avec son amour et avec sa douceur. Et en entendant ce que dit Jean-Baptiste, qui rend témoignage à Jésus comme Sauveur, nous devons grandir dans la foi en Jésus.

Nous avons très souvent confiance dans le médecin : c’est bien, parce que le médecin est là pour nous guérir ; nous avons confiance dans une personne : nos frères, nos sœurs peuvent nous aider. C’est bien d’avoir cette confiance humaine, entre nous. Mais nous oublions la confiance dans le Seigneur : voilà la clé du succès de la vie. La confiance dans le Seigneur, remettons-nous au Seigneur ! « Seigneur, regarde ma vie ; je suis dans l’obscurité, j’ai cette difficulté, j’ai commis ce péché… » ; tout ce que nous avons : « Regarde ceci : je te fais confiance ! » Et il s’agit d’un pari que nous devons faire : lui faire confiance, à lui qui ne déçoit jamais. Jamais, jamais ! Ecoutez bien, vous les jeunes garçons et filles, qui commencez maintenant votre vie : Jésus ne déçoit jamais. Jamais. Voilà le témoignage de Jean : Jésus, le bon, le doux, qui finira comme un agneau, tué. Sans crier. Il est venu pour nous sauver, pour enlever le péché. Le mien, le tien et celui du monde : tout, tout.

Et maintenant, je vous invite à faire quelque chose : fermons les yeux, imaginons cette scène, là-bas, au bord du fleuve : Jean-Baptiste en train de baptiser et Jésus qui passe. Et entendons la voix de Jean : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Regardons Jésus et, en silence, que chacun de nous dise quelque chose à Jésus, dans son cœur. En silence. [Silence]

Que le Seigneur Jésus qui est doux et bon — c’est un agneau —, qui est venu pour enlever les péchés, nous accompagne sur la route de notre vie. Ainsi soit-il.

© Libreria Editrice Vaticana - 2014