Pko 11.06.2017

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°33/2017

Dimanche 11 juin 2017 – Solennité de la Sainte Trinité – Année A

L’Humeur…

Une démocratie malade !

« La démocratie on a pu dire qu'elle était la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps… » Winston Churchill.

Citation bien souvent reprise à tort et à travers est souvent sortie de son contexte… Dans le discours d’où est sortie cette phrase, Churchill continuait en disant : « Comment l'honorable gentleman conçoit-il la démocratie ? Laissez-moi là lui expliquer, M. le président, ou au moins certains de ses éléments les plus basiques. La démocratie n'est pas un lieu où ou obtient un mandat déterminé sur des promesses, puis où on en fait ce qu'on veut. Nous estimons qu'il devrait y avoir une relation constante entre les dirigeants et le peuple. “Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple” : voilà qui reste la définition souveraine de la démocratie. [...] Démocratie, dois-je expliquer au ministre, ne signifie pas “Nous avons notre majorité, peu importe comment, et nous avons notre bail pour cinq ans, qu'allons-nous donc en faire ?”. Cela n'est pas la démocratie, c'est seulement du petit baratin partisan, qui ne va pas jusqu'à la masse des habitants de ce pays. »

Dans une société qui tend de plus en plus à voir la désaffection des électeurs (42% dimanche dernier) et où finalement les élus ne représenteront guère plus que réellement 25% de la population… de quelle démocratie parle-t-on ?

Dans tous les cas de figure, il est essentiel que ceux qui sont élus aient toujours à l’esprit qu’ils se doivent de servir le peuple et non se servir du peuple… Le mandat n’est pas un blanc-seing mais une mission confiée par une communauté… et tout service se vit dans l’humilité…

La politique doit retrouver ces lettres de noblesse en remettant toujours au cœur de ses préoccupations la dignité de la personne… de toute personne sans exception ! Elle dit être un débat d’idée et de projet pour demain et non une lutte de pouvoir et d’intérêts aux mains de quelques professionnels !

Si les hommes politiques ne se respectent pas entre eux… s’ils ne respectent par leur propre parole… alors ils ne respecteront pas non plus la dignité fondamentale de la personne…

« L’heure est venue de construire ensemble [une société] qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables » (Pape François – 25 novembre 2014)

Chronique de la roue qui tourne

Soyons assez naïf pour permettre à la vie de nous surprendre

« L’intuition, comme la conscience, est faite de clarté directe ; elle vient de plus loin que l’homme ; elle va au-delà de l’homme ; elle est dans l’homme et dans le mystère ; ce qu’elle a d’indéfini finit toujours par arriver. Le prolongement de l’intuition, c’est Dieu. Et c’est parce qu’elle est surhumaine qu’il faut la croire ; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter ; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse. » Victor Hugo

« La vie m’a durci », nous entendons souvent cette terrible phrase. Ainsi, la vie serait à un jeu dont nous aurions à apprendre les règles au plus vite pour éviter d’être blessés. Un jeu qui nous rendrait égoïstes et froids. Un jeu où nous apprendrions de nos erreurs en jurant de ne plus se laisser avoir. Un jeu qui nous pousserait à juger et « cataloguer » l’autre d’un seul regard. Un jeu où, au fil des parties, nous nous enfermerions dans un plan de vie bien précis, avec des idées bien précises. Et la vie serait presque jouée d’avance. Aucune place pour l’émerveillement, aucune place pour l’espérance, aucune place pour Dieu. L’homme serait seul aux commandes de sa vie, il n’attendrait rien et ne rendrait de compte à personne. Tout cela n’est pas une critique, c’est un constat. L’homme est ainsi fait.

Mais celui qui se veut être chrétien ne peut se prendre au même jeu, il ne peut se plier à ces règles. Peu importe les épreuves qu’il a à surmonter, il ne peut se permettre de perdre sa bonté innée, cette part de Dieu en lui. Le chrétien n’a pas le droit de se durcir. Sa charité et son regard doivent rester intacts. Comment être chrétien et refuser d’aider quelqu’un ? Comment être chrétien et voir le mal partout ?

Le chrétien doit croire en la bonté de l’autre même quand tout ne semble que méchanceté. Il doit espérer en l’autre même quand tout semble perdu. Il doit réussir à ne voir que le positif là où tout semble noir. Le chrétien doit oublier tout ce qu’il croit savoir pour laisser la vie le surprendre… car rien est définitif pour celui qui veut grandir dans la Foi. Le chrétien doit tout espérer… au risque de paraître trop naïf. L’homme en a fait un terme presque péjoratif. Mais ne vaut-il pas mieux se tromper en espérant toujours le meilleur plutôt qu’en attendant sans cesse le pire ?

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2017

Fin de l’année académique au Grand Séminaire

En marge de l’actualité du mercredi 7 juin 2017

Le Grand Séminaire vient de célébrer la messe de clôture de l’année académique 2016-2017. L’occasion est donnée d’attirer l’attention sur une institution qui compte beaucoup pour notre diocèse et l’avenir de notre Église locale.

Rappelons tout d’abord que le Séminaire a ouvert en 1984 et depuis il a contribué à la formation de tous nos prêtres diocésains et religieux, également des prêtres du diocèse des Marquises, de Wallis et Futuna. Des religieux, des religieuses, des laïcs comme auditeurs libres ont aussi pu bénéficier des cours donnés par l’institution.

Il convient de rendre grâce au Seigneur pour tous ceux et celles qui ont accepté de participer à cette œuvre de formation : des laïcs, des prêtres, des religieux. Notre diocèse leur doit à tous une grande reconnaissance.

Malgré tout, le Grand Séminaire est une institution fragile dans la mesure où son existence dépend d’abord du nombre de séminaristes. Nous avons terminé l’année avec 5 séminaristes et une entrée est annoncée pour l’année prochaine. Ce chiffre est relativement bon en le rapportant au nombre de catholiques que compte notre pays. Il est même meilleur que celui de nombreux diocèses métropolitains.

Nous ne pouvons toutefois diminuer nos efforts pour susciter de nouvelles vocations. L’une de nos inquiétudes concerne par exemple l’avenir du corps professoral. Nous ne pouvons pratiquement plus compter sur un apport extérieur. Les futurs formateurs se trouvent parmi les séminaristes.

Nous rendons un hommage particulier au père Claude Jouneau, prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, qui a été supérieur du Grand Séminaire de 2004 à 2013, puis professeur en diverses disciplines. Il prend sa retraite cette année et continuera de servir notre diocèse en paroisse.

L’appel est à nouveau lancé à toutes nos communautés chrétiennes et nos familles catholiques. Chaque fidèle, chaque communauté est responsable de l’avenir de l’Église. Le diocèse fait bien des efforts de son côté en mettant en place des retraites vocationnelles régulièrement par le biais du Service Diocésain des Vocations. Contrairement aux idées reçues, les vocations ne tombent pas du ciel !

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

La Parole aux sans paroles 78

Portrait d’une sœur de la nuit - Orava

Accepter les choses comme elles sont, c’est enlever à la vie toute sa magie. Garçon à la naissance, il a fallu du temps et beaucoup de courage pour qu’Orava impose l’évidence. Aujourd’hui, c’est en tant que fille qu’elle remporte les différents concours de beauté. Une reconnaissance absolue de sa féminité !

D’où viens-tu ?

« Je viens de Papeete mais j’ai grandi avec mes parents qui habitent Faaa. À 18 ans, je les ai quittés pour venir sur la ville et vivre dans un appartement. Aujourd’hui j’ai 29 ans. »

Vers quel âge tu t’es sentie femme ?

« Déjà à 15 ans. Au début, je n’osais pas m’habiller en fille. Ça a été difficile par rapport à ma famille d’être comme ça, d’être une travestie ! Il a fallu du temps pour que je m’affirme en féminine. »

Ta famille a eu du mal à t’accepter ?

« Ils ont eu du mal, surtout mon papa. Mais avec le temps, ils ont fini par accepter. Aujourd’hui ils me respectent. Mais, avec mon papa, on ne se voit plus. C’est le seul qui n’accepte toujours pas. »

Et ta maman ?

« Si, ma maman, mon grand-père, ma grand-mère. »

Tu as des frères et sœurs ?

« Je suis l’aînée, j’ai un frère, puis une petite sœur. Eux, m’ont acceptée sans problème. »

Comment tu leur as annoncé ?

« Depuis petite, je jouais comme une fille. Ils ont vu, ils savaient. Et à 15 ans, j’ai commencé à faire des manières de fille. C’est là que mon père m’a rejetée. »

Et à l’école ?

« Comme j’étais dans une école privé, je respectais, je m’habillais en garçon. »

À quel âge tu t’es vraiment affirmée ?

« À 15 ans. Il me fallait faire un choix. »

Je sais que tu as participé à plusieurs concours de beauté et tu as un beau palmarès.

« Oui. (Rires) En 2010, j’ai été élue miss “vahine tane”. J’ai été 2ème dauphine de miss “piano bar”, en 2010 toujours. Et l’année dernière, j’ai été élue miss “Lolita bbl”. »

Que ressent-on lorsque notre beauté est autant reconnue ?

« Ah ! (Rires) Je ne sais pas. (Rires) Je me suis présentée pour le fun. Et puis, ça montre bien que nous aussi, nous pouvons être très belles, que nous pouvons gagner des titres. C’est une reconnaissance de notre beauté. Il n’y a pas que miss “tahiti”. (Rires) »

Maintenant, dis-moi, pourquoi la prostitution ?

« Ben, déjà, j’ai commencé à 18 ans, quand j’ai quitté mes parents. Il me fallait trouver un travail pour pouvoir me débrouiller seule. Je n’ai pas trouvé donc je me suis prostituée. Mais je ne compte pas faire carrière dans la prostitution donc je continue de chercher. (Rires) J’ai envie d’arrêter. »

Ton premier « client », tu t’en rappelles ?

« Oui. »

Tu avais peur

« Non, j’avais l’habitude d’avoir des rapports sexuels. J’ai commencé à 15, 16 ans. »

Le plus dur dans le métier ?

« La sécurité. Tous les soirs, on prend des risques. C’est dur ! Il y a des agressions ! On m’a déjà agressée. C’était un client. Je n’ai pas vu le danger au début. Mais, quand on est arrivé dans un coin paumé, il a changé. Il est devenu menaçant. Il m’a agressée. Il voulait reprendre son argent. »

Tes clients sont plutôt des occasionnels ou des réguliers ?

« Les deux. »

Et, entre nous, si un client arrive et il est moche, pas du tout attirant, ni charmant, rien. Que fais-tu ?

« Ça dépend. Souvent, on va chez moi et il prend une douche. (Rires) »

Ah, tu acceptes tes clients chez toi ?

« Oui, ceux que je connais. »

Tu n’as pas peur ?

« Non, jamais ! Comme j’ai un garde du corps chez moi ! (Rires) Il s’appelle Jean-Claude. (Rires) Mais quand je ne connais pas, on fait dans la voiture. »

Tu es en couple ?

« Oui ! Ça fait 9 ans. »

Et, ça ne dérange pas ton copain de te voir sortir tous les soirs ?

« Au début, ce n’est pas facile pour lui. Il ne voulait pas que je fasse ça, j’ai dû lui expliquer. J’ai besoin de gagner ma vie, j’ai besoin d’avoir mon propre argent. »

Ta famille sait que tu te prostitues ?

« Oui, on se voit tous les jours. »

Comment tu vois ta vie dans 20 ans ?

« Avec une grande famille, des enfants, une maison. (Rires) »

© Accueil Te Vai-ete - 2017

Audience générale du mercredi 7 juin 2017

Le Notre-Père, résumé de toute prière chrétienne

« À notre époque, chrétiens, musulmans et juifs, nous avons tant besoin de prier pour la paix ». À l’issue de l’audience générale ce mercredi 7 juin 2017, le Pape a marqué son adhésion à une initiative argentine intitulée « Une minute pour la paix ». Celle-ci appelle à prier et à se faire promoteurs de paix à l’occasion du 3° anniversaire de la rencontre, au Vatican, entre le Pape et les présidents israélien et palestinien, Shimon Peres et Mahmoud Abbas, en 2014. Le Pape appelle à prendre « ce petit moment de prière » pour la paix.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Il y avait quelque chose de fascinant dans la prière de Jésus, de si fascinant qu’un jour, ses disciples ont demandé à y être introduits. L’épisode se trouve dans l’Évangile de Luc qui, entre tous les évangélistes, est celui qui a le plus documenté le mystère du Christ « en prière » : le Seigneur priait. Les disciples de Jésus sont frappés par le fait que, en particulier le matin et le soir, il se retire dans la solitude et se « plonge » dans la prière. Et ainsi, un jour, ils lui demandent de leur enseigner à eux aussi à prier (cf. Lc 11, 1).

C’est alors que Jésus transmet ce qui est devenu la prière chrétienne par excellence : le « Notre Père ». En vérité, Luc, par rapport à Matthieu, nous restitue la prière de Jésus sous une forme un peu abrégée, qui commence par la simple invocation : « Père » (v. 2).

Tout le mystère de la prière chrétienne se résume ici, dans ce mot : avoir le courage d’appeler Dieu par le nom de Père. C’est ce qu’affirme la liturgie lorsque, nous invitant à la récitation communautaire de la prière de Jésus, elle utilise l’expression « nous osons dire ».

En effet, appeler Dieu par le nom de « Père » n’est en rien un fait évident. Nous serions enclins à utiliser des titres plus élevés, qui nous semblent davantage respectueux de sa transcendance. En revanche, l’invoquer comme « Père » nous place dans une relation de confiance avec Lui, comme un enfant qui s’adresse à son père, sachant que celui-ci l’aime et prend soin de lui. Telle est la grande révolution que le christianisme introduit dans la psychologie religieuse de l’homme. Le mystère de Dieu, qui nous fascine toujours et nous fait sentir petits, ne nous fait toutefois plus peur, ne nous écrase pas, ne nous angoisse pas. C’est une révolution difficile à accueillir dans notre esprit humain ; au point que même dans les récits de la Résurrection, on dit que les femmes, après avoir vu le tombeau vide et l’ange, « s’enfuirent [...] parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes » (Mc 16, 8). Mais Jésus révèle que Dieu est un bon Père, et nous dit : « N’ayez pas peur ! ».

Pensons à la parabole du père miséricordieux (cf. Lc 15, 11-33). Jésus fait le récit d’un père qui sait uniquement être amour pour ses enfants. Un père qui ne punit pas son fils pour son arrogance et qui est même capable de lui confier sa part d’héritage et de le laisser quitter la maison. Dieu est Père, dit Jésus, mais pas de façon humaine, parce qu’il n’y a aucun père en ce monde qui se comporterait comme le protagoniste de cette parabole. Dieu est Père à sa façon : bon, sans défense devant le libre arbitre de l’homme, capable uniquement de décliner le verbe « aimer ». Quand le fils rebelle, après avoir tout gaspillé, revient enfin à la maison natale, ce père n’applique pas des critères de justice humaine, mais sent avant tout le besoin de pardonner, et en l’embrassant, il fait comprendre à son fils que pendant tout ce temps d’absence, il lui a manqué, il a douloureusement manqué à son amour de père.

Quel mystère insondable que celui d’un Dieu qui ressent ce type d’amour pour ses enfants !

C’est peut-être pour cette raison que, en évoquant le centre du mystère chrétien, l’apôtre Paul ne veut pas traduire en grec un terme que Jésus, en araméen, prononçait « abbà ». Par deux fois, saint Paul, dans ses épîtres (cf. Rm 8, 15; Ga 4, 6), touche ce thème, et par deux fois, il laisse ce terme non traduit, sous la même forme que celle où il est apparu sur les lèvres de Jésus, « abbà », un terme encore plus intime par rapport à « père », et que l’on peut traduire par « papa ».

Chers frères et sœurs, nous ne sommes jamais seuls. Nous pouvons être loin, hostiles, nous pourrions également nous professer « sans Dieu ». Mais l’Évangile de Jésus Christ nous révèle que Dieu ne peut rester sans nous, et cela est un grand mystère ! Dieu ne peut être Dieu sans l’homme : un grand mystère que celui-là ! Et cette certitude est la source de notre espérance, que nous trouvons conservée dans toutes les invocations du Notre Père. Quand nous avons besoin d’aide, Jésus ne nous dit pas de nous résigner et de nous renfermer sur nous-mêmes, mais de nous adresser au Père et de s’adresser à Lui avec confiance. Toutes nos nécessités, des plus évidentes et quotidiennes, comme la nourriture, la santé, le travail, jusqu’à celle d’être pardonnés et soutenus dans les tentations, ne sont pas le reflet de notre solitude : il existe en revanche un Père, qui nous regarde toujours avec amour, et qui assurément ne nous abandonne pas.

À présent, je vous fais une proposition : chacun de nous a beaucoup de problèmes et de nécessités. Pensons un peu, en silence, à ces problèmes et à ces nécessités. Pensons également au Père, à notre Père, qui ne peut rester sans nous, et qui, en ce moment, nous regarde. Et tous ensemble, avec confiance et espérance, prions : « Notre Père qui es aux cieux... ». Merci !

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Document préparatoire pour le Synode des évêques de 2018 sur la jeunesse

Les jeunes et le monde d’aujourd’hui

Lors de la conférence de presse du 13 janvier 2017, le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, a présenté le document préparatoire de la XVe assemblée générale ordinaire du Synode qui se déroulera en octobre 2018 sur le thème des jeunes, de la foi et du discernement des vocations. Ce document lance « la phase de consultation de l’ensemble du Peuple de Dieu… En outre, une consultation de tous les jeunes est prévue par le biais d’un site internet, comprenant un questionnaire sur leurs attentes et sur leur vie ». Les réponses transmises au Secrétariat du Synode serviront de base à la rédaction de l’Instrumentum laboris, document de travail destiné aux Pères synodaux. Par ailleurs le pape François a rédigé une lettre à destination des jeunes leur demandant explicitement de faire remonter leurs attentes.

Ce chapitre ne retrace pas une analyse complète de la société, ni du monde des jeunes, mais il présente quelques résultats des recherches effectuées dans le domaine social. Elles sont utiles pour aborder le thème du discernement des vocations, afin « d’en faire voir la profondeur et de donner une base concrète au parcours éthique et spirituel qui suit » (Laudato sì, n. 15).

Le cadre, tracé au niveau planétaire, demandera d’être adapté aux circonstances spécifiques concrètes de chaque région : bien qu’en présence de tendances globales, les différences entre les régions de la planète demeurent importantes. Par bien des aspects, il est correct d’affirmer qu’il existe une pluralité de mondes des jeunes, et non pas un seul. Parmi les nombreuses différences, certaines ressortent avec une évidence particulière. La première est un effet des dynamiques démographiques et sépare les pays à forte natalité, où les jeunes représentent une part significative et croissante de la population, de ceux où leur poids démographique va en se réduisant. Une deuxième différence dérive de l’histoire, qui rend différents les pays et les continents de vieille tradition chrétienne, dont la culture est porteuse d’une mémoire à ne pas disperser, des pays et continents dont la culture est, en revanche, marquée par d’autres traditions religieuses et où le christianisme est une présence minoritaire et souvent récente. Enfin nous ne pouvons pas oublier la différence entre le genre masculin et le genre féminin : d’une part, cette différence détermine une sensibilité différente et, d’autre part, elle est à l’origine de forme de domination, d’exclusion et de discrimination dont toutes les sociétés ont besoin de se libérer.

Dans les pages qui suivent, le terme « jeunes » indique les personnes d’âge compris entre environ 16 et 29 ans, bien conscients que cet élément aussi mérite d’être adapté aux circonstances locales. Dans tous les cas, il est bon de rappeler que la jeunesse, plutôt que de désigner une catégorie de personnes, est une phase de la vie que chaque génération réinterprète de façon unique et spécifique.

  1. Un monde qui change rapidement

La rapidité des processus de changement et de transformation est l’aspect principal qui caractérise les sociétés et les cultures contemporaines (cf.Laudato sì,n. 18). La combinaison entre une grande complexité et une mutation rapide fait en sorte que nous nous trouvons dans un contexte de fluidité et d’incertitude jamais atteint auparavant : c’est une donnée de fait qu’il faut assumer sans juger a priori si cela constitue plutôt un problème ou une opportunité. Cette situation requiert de poser un regard intégral sur les choses et d’acquérir la capacité de programmer à long terme, en faisant attention à la durabilité et aux conséquences qu’auront les choix d’aujourd’hui sur des temps et dans des lieux lointains.

La croissance de l’incertitude exerce une incidence sur les conditions de vulnérabilité, c’est-à-dire la conjugaison du malaise social et des difficultés économiques, et sur les sentiments d’insécurité de larges couches de la population. Sur le plan du monde du travail, nous pouvons penser aux phénomènes du chômage, de l’augmentation de la flexibilité et de l’exploitation, surtout des mineurs, ou encore à l’ensemble des causes politiques, économiques, sociales et même environnementales qui expliquent l’augmentation exponentielle du nombre de réfugiés et de migrants. Par rapport à quelques privilégiés qui peuvent bénéficier des opportunités offertes par les processus de mondialisation économique, nombreux sont ceux qui vivent dans des situations de vulnérabilité et d’insécurité, avec un impact sur leurs parcours de vie et sur leurs choix.

Au niveau global, le monde contemporain est marqué par une culture « scientiste », souvent dominée par la technique et par les infinies possibilités qu’elle promet d’ouvrir, au sein de laquelle toutefois « les formes de tristesse et de solitude où tombent tant de personnes et aussi tant de jeunes, semblent se multiplier » (Misericordia et misera, n.3). Comme l’enseigne l’Encyclique Laudato si’, l’association du paradigme technocratique et de la recherche spasmodique du profit à court terme sont à l’origine de cette culture du rejet qui exclut des millions de personnes, notamment de nombreux jeunes, et qui conduit à l’exploitation sans discernement des ressources naturelles, ainsi qu’à la dégradation du milieu naturel, menaçant ainsi le futur des prochaines générations (cf. n. 20-22).

Il ne faut pas non plus négliger le fait que beaucoup de sociétés sont toujours plus multiculturelles et multi-religieuses. En particulier, la présence de plusieurs traditions religieuses constitue à la fois un défi et une opportunité : cela peut désorienter davantage et accroître la tentation du relativisme, tandis qu’augmentent les possibilités d’une confrontation féconde et d’un enrichissement réciproque. Aux yeux de la foi, cela apparaît comme un signe de notre temps, qui requiert de progresser dans la culture de l’écoute, du respect et du dialogue.

  1. 2. Les nouvelles générations

Celui qui est jeune aujourd’hui vit cette condition dans un monde différent de celui de la génération de ses parents et éducateurs. Non seulement le système de liens et d’opportunités change au gré des transformations économiques et sociales, mais les désirs, les besoins, les sensibilités, les modes de relation avec les autres évoluent subrepticement. En outre, si d’un certain point de vue il est vrai qu’avec la mondialisation les jeunes tendent à être toujours davantage homogènes dans tous les endroits du monde, il n’en demeure pas moins que, dans les contextes locaux, les spécificités culturelles et institutionnelles ont des retombées sur le processus de socialisation et de construction de l’identité.

Le défi du multiculturalisme traverse en particulier le monde de la jeunesse, par exemple avec les spécificités des « deuxièmes générations » (c’est-à-dire de ces jeunes qui grandissent dans une société et une culture différentes de celles de leurs parents, à la suite des phénomènes migratoires) ou des enfants de couples « mixtes » d’une façon ou d’une autre (du point de vue ethnique, culturel et/ou religieux).

En bien des endroits du monde, les jeunes vivent dans des conditions particulièrement dures, dans lesquelles il devient difficile de se frayer un espace de choix de vie authentique, en l’absence de marges – même minimes – d’exercice de la liberté. Pensons aux jeunes en situation de pauvreté et d’exclusion ; à ceux qui grandissent sans parents ni famille, ou encore qui n’ont pas la possibilité d’aller à l’école ; aux enfants et aux jeunes de la rue dans de nombreuses banlieues ; aux jeunes sans travail, réfugiés et migrants ; à ceux qui sont victimes de l’exploitation, de la traite d’êtres humains et de l’esclavage ; aux enfants et aux jeunes enrôlés de force dans des bandes criminelles ou dans des milices irrégulières ; aux femmes-enfants ou aux fillettes contraintes de se marier contre leur volonté. Bien trop nombreux sont ceux qui passent directement de l’enfance à l’âge adulte et à une charge de responsabilité qu’ils n’ont pas pu choisir. Souvent les fillettes, les jeunes filles et les jeunes femmes doivent affronter des difficultés encore plus grandes que celles de leurs contemporaines.

Des études menées au niveau international permettent de distinguer quelques traits caractéristiques des jeunes de notre temps.

  1. Appartenance et participation

Les jeunes ne se perçoivent pas comme une catégorie désavantagée ou comme un groupe social à protéger et, par conséquent, comme les destinataires passifs de programmes pastoraux ou de choix politiques. Beaucoup désirent prendre une part active aux processus de changement du présent, comme le confirment les expériences de mobilisation et d’innovation venant du bas et dont les jeunes sont les principaux artisans, même s’ils n’en sont pas les seuls.

La disponibilité à participer et à se mobiliser pour des actions concrètes, où l’apport personnel de chacun peut être une occasion de reconnaissance identitaire, se rattache à l’insatisfaction envers des milieux où les jeunes ressentent, à tort ou à raison, qu’ils ne trouvent pas leur place ou dont ils ne reçoivent pas de stimuli ; cela peut conduire au renoncement ou à la difficulté de désirer, de rêver et de former des projets, comme le démontre le phénomène diffus des NEET (not in education, employment or training, à savoir : les jeunes non engagés dans une activité d’étude, ni de travail, ni de formation professionnelle). L’écart entre les jeunes passifs et découragés et ceux qui sont entreprenants et actifs est le fruit des opportunités concrètement offertes à chacun à l’intérieur du contexte social et familial où ils grandissent, en plus des expériences de sens, de relation et de valeur faites avant même l’entrée dans la phase de la jeunesse. Le manque de confiance en eux-mêmes et en leurs capacités peut se manifester non seulement par la passivité, mais aussi par une préoccupation excessive de leur image et par un conformisme qui baisse les bras devant les modes du moment.

  1. Points de référence personnels et institutionnels

Diverses recherches montrent que les jeunes ressentent le besoin de figures de référence proches, crédibles, cohérentes et honnêtes, ainsi que de lieux et d’occasions où ils puissent mettre à l’épreuve leur capacité de relation avec les autres (autant avec les adultes qu’avec les jeunes de leur âge) et affronter les dynamiques affectives. Ils cherchent des personnes capables d’exprimer une certaine harmonie et de leur offrir un soutien, un encouragement et une aide pour reconnaître leurs limites, sans faire peser de jugement.

De ce point de vue, le rôle des parents et des familles demeure crucial et parfois même problématique. Les générations plus mûres tendent souvent à sous-évaluer les potentialités, amplifient les fragilités et ont du mal à comprendre les exigences des plus jeunes. Parents et éducateurs adultes peuvent aussi se souvenir de leurs propres erreurs, entraînant ce qu’elles ne voudraient pas que les jeunes fassent ; mais souvent, elles ne voient pas aussi clairement comment les aider à orienter leur regard vers l’avenir. Les deux réactions les plus communes sont de renoncer à se faire entendre et d’imposer leurs propres choix. Des parents absents ou hyper-protecteurs rendent les enfants plus fragiles et tendent à sous-évaluer les risques ou à être obsessionnels par peur de se tromper.

Les jeunes ne cherchent toutefois pas seulement des figures de référence adultes : le désir d’une confrontation ouverte avec les jeunes de leur âge reste fort. À cette fin, il existe un grand besoin d’occasions d’interaction libre, d’expression affective, d’apprentissage informel, d’expérimentation de rôles et de capacités sans tension ni angoisse.

Tendanciellement prudents vis-à-vis de ceux qui se trouvent au-delà du cercle de leurs relations personnelles, les jeunes nourrissent souvent de la méfiance, de l’indifférence ou de l’indignation envers les institutions. Ceci ne concerne pas seulement la politique, mais aussi les institutions de formation et l’Église sous son aspect institutionnel. Ils la souhaiteraient plus proche des gens, plus attentive aux problèmes sociaux, mais ne comptent pas que cela advienne dans l’immédiat.

Tout cela se déroule dans un contexte où l’appartenance confessionnelle et la pratique religieuse deviennent toujours plus les traits d’une minorité et où les jeunes ne se situent pas « contre », mais sont en train d’apprendre à vivre « sans » le Dieu présenté par l’Évangile et « sans » l’Église, sinon à se confier à des formes de religiosité et de spiritualité alternatives et peu institutionnalisées ou à se réfugier dans des sectes ou des expériences religieuses à forte matrice identitaire. En bien des endroits, la présence de l’Église est moins étendue et il est plus difficile de la rencontrer, alors que la culture dominante est porteuse d’éléments souvent en contraste avec les valeurs évangéliques, qu’il s’agisse d’éléments de sa propre tradition ou de la déclinaison locale d’une mondialisation marquée par la consommation et l’individualisme.

  1. Vers une génération (hyper) connectée

Les jeunes générations sont aujourd’hui caractérisées par le rapport avec les technologies modernes de la communication et avec ce que l’on appelle communément le « monde virtuel », mais qui comporte aussi des effets bien réels. Celui-ci offre des possibilités d’accès à une série d’opportunités que les générations précédentes n’avaient pas et, en même temps, il présente certains risques. Il est très important de mettre en évidence le fait que l’expérience de relations relayées technologiquement structure la conception du monde, de la réalité et des rapports interpersonnels ; c’est à cela qu’est appelée à se confronter l’action pastorale, qui a besoin de développer une culture adéquate.

  1. 3. Les jeunes et les choix

Dans le contexte de fluidité et de précarité que nous avons dessiné, la transition vers la vie adulte et la construction de l’identité requièrent toujours davantage un parcours « réflexif ». Les personnes sont forcées à réadapter leurs parcours de vie et à se réapproprier continuellement leurs choix. En outre, avec la culture occidentale se diffuse une conception de la liberté conçue comme la possibilité d’accéder à des opportunités toujours nouvelles. On refuse le fait que bâtir un parcours personnel signifie renoncer à parcourir des voies différentes dans le futur : « Aujourd’hui, je choisis ceci ; demain, on verra ». Dans les relations affectives comme dans le monde du travail, l’horizon se compose d’options toujours réversibles plutôt que de choix définitifs.

Dans ce contexte, les vieilles approches ne fonctionnent plus et l’expérience transmise par les générations précédentes devient rapidement obsolète. Opportunités valables et risques insidieux s’emmêlent en un enchevêtrement difficile à dénouer. Des instruments culturels, sociaux et spirituels adaptés deviennent indispensables pour que les mécanismes du processus décisionnel ne s’emballent pas et que l’on finisse, par peur de se tromper, par subir le changement au lieu de le conduire. Le pape François l’a dit : « “Comment pouvons-nous redonner la grandeur et le courage de choix de grande ampleur, d’élans du cœur, pour affronter les défis éducatifs et affectifs  ?”. J’ai dit et redit ce mot : risque ! Risque. Celui qui ne risque pas n’avance pas. “Et si je me trompe ?”. Que le Seigneur soit béni ! Tu te tromperas bien plus si tu restes immobile » (Discours à la Villa Nazareth, 18 juin 2016).

Dans cette recherche de parcours capables de redonner courage et les élans du cœur, on ne peut pas ne pas tenir compte de ce que la personne de Jésus et la Bonne Nouvelle qu’il a proclamée continuent de fasciner de nombreux jeunes.

La capacité des jeunes à choisir est entravée par des difficultés liées à la condition de précarité : la difficulté de trouver du travail ou le manque dramatique d’emplois ; les obstacles pour parvenir une autonomie économique ; l’impossibilité de stabiliser leur parcours professionnel. Pour les jeunes femmes, ces obstacles sont d’ordinaire encore plus difficiles à surmonter.

Le malaise économique et social des familles, la façon dont les jeunes assument certains traits de la culture contemporaine et l’impact des nouvelles technologies requièrent une plus grande capacité de répondre au défi éducatif dans son acception la plus large : cette urgente éducative a été bien mise en évidence par Benoît XVI dans sa Lettre à la ville et au diocèse de Rome sur l’urgence de l’éducation (21 janvier 2008). Au niveau global, il faut également tenir compte des inégalités entre les pays et de leur effet sur les opportunités offertes aux jeunes dans les diverses sociétés en termes d’inclusion. Des facteurs culturels et religieux peuvent aussi engendrer de l’exclusion, par exemple en ce qui concerne les écarts de genre ou la discrimination des minorités ethniques ou religieuses, jusqu’à pousser les jeunes les plus entreprenants vers l’émigration.

Dans ce contexte, il apparaît particulièrement urgent d’encourager les capacités personnelles en les mettant au service d’un projet solide de croissance commune. Les jeunes apprécient la possibilité de mêler l’action dans des projets concrets leur permettant de mesurer leur capacité à obtenir des résultats, l’exercice d’un engagement visant à améliorer le contexte dans lequel ils vivent, l’occasion d’acquérir et d’affiner sur le terrain des compétences utiles pour la vie et pour le travail.

L’innovation sociale exprime une implication positive qui renverse la condition des nouvelles générations : passer du statut de perdants, qui demandent la protection vis-à-vis des risques du changement, à celui de sujets du changement, capables de créer des opportunités nouvelles. Il est significatif que les jeunes précisément – souvent enfermés dans le stéréotype de la passivité et de l’inexpérience – proposent et pratiquent des alternatives qui manifestent ce que le monde ou l’Église pourrait être. Si, dans la société ou dans la communauté chrétienne, nous voulons que quelque chose de nouveau se produise, nous devons laisser de la place à l’action de nouvelles personnes. En d’autres termes, projeter le changement selon les principes de la durabilité requiert de permettre aux nouvelles générations d’expérimenter un nouveau modèle de développement. Ceci apparaît particulièrement problématique dans les pays et dans des contextes institutionnels où l’âge de ceux qui occupent des postes de responsabilités est élevé et ralentit les rythmes de renouvellement générationnel.

Lettre aux jeunes

Chers jeunes,

J’ai la joie de vous annoncer qu’en octobre 2018 se célébrera le Synode des évêques sur le thème « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Je vous ai voulu au centre de l’attention parce que je vous porte dans mon cœur. Aujourd’hui même est présenté le Document préparatoire, que je vous confie comme « boussole » tout au long de ce cheminement.

Me viennent à l’esprit les paroles que Dieu adressa à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai » (Gn 12, 1). Ces paroles s’adressent aujourd’hui aussi à vous : ce sont les paroles d’un Père qui vous invite à « sortir » pour vous lancer vers un futur non connu mais porteur de réalisations certaines, vers lequel lui-même vous accompagne. Je vous invite à écouter la voix de Dieu qui résonne dans vos cœurs à travers le souffle de l’Esprit Saint.

Quand Dieu dit à Abram « quitte ! » que voulait-il lui dire ? Certainement pas de s’éloigner des siens ou du monde. Ce fut une forte invitation, une provocation, afin qu’il laisse tout et aille vers une nouvelle terre. Qu’elle est pour nous aujourd’hui cette nouvelle terre, si ce n’est une société plus juste et fraternelle que vous désirez profondément et que vous voulez construire jusqu’aux périphéries du monde ?

Mais aujourd’hui, malheureusement, « quitte ! » revêt aussi un sens différent. Celui de la prévarication, de l’injustice et de la guerre. Parmi vous de nombreux jeunes sont soumis au chantage de la violence et contraints de fuir leur pays natal. Leur cri monte vers Dieu, comme celui d’Israël esclave de l’oppression du Pharaon (cf. Ex 2, 23).

Je souhaite aussi vous rappeler les paroles que Jésus dit un jour aux disciples qui lui demandaient : « Maître, où habites-tu ? ». Il répondit : « Venez et voyez » (Jn 1, 38-39). Vers vous aussi Jésus tourne son regard et vous invite à aller chez lui. Chers jeunes, avez-vous rencontré ce regard ? Avez-vous entendu cette voix ? Avez-vous ressenti cette ardeur à vous mettre en route ? Je suis sûr que, même si le vacarme et la confusion semblent régner dans le monde, cet appel continue à résonner dans votre âme pour l’ouvrir à la joie complète. Ceci sera possible dans la mesure où, avec également l’accompagnement de guides experts, vous saurez entreprendre un itinéraire de discernement pour découvrir le projet de Dieu sur votre vie. Même quand votre parcours est marqué par la précarité et par la chute, Dieu riche en miséricorde, tend sa main pour vous relever.

À Cracovie, lors de l’ouverture de la dernière Journée mondiale de la jeunesse, à plusieurs reprises je vous ai demandé : « peut-on changer les choses ? ». Et vous avez crié ensemble un retentissant « oui ! ». Ce cri naît de votre cœur juvénile qui ne supporte pas l’injustice et ne peut se plier à la culture du déchet, ni céder à la globalisation de l’indifférence. Écoutez ce cri qui monte du plus profond de vous ! Même quand vous ressentez, comme le prophète Jérémie, l’inexpérience due à votre jeunesse, Dieu vous encourage à aller là où il vous envoie : « N’aie aucune crainte (…) car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 1, 8).

Un monde meilleur se construit aussi grâce à vous, à votre désir de changement et à votre générosité. N’ayez pas peur d’écouter l’Esprit qui vous suggère des choix audacieux, ne temporisez pas quand la conscience vous demande d’oser pour suivre le Maître. L’Église même désire se mettre à l’écoute de votre voix, de votre sensibilité, de votre foi ; voire de vos doutes et de vos critiques. Faites entendre votre cri, laissez-le résonner dans les communautés et faites-le arriver aux pasteurs. Saint Benoît recommandait aux abbés de consulter aussi les jeunes avant toute décision importante, parce que « souvent Dieu révèle à un plus jeune ce qui est meilleur » (Règle de Saint Benoît III, 3).

Ainsi, aussi par le cheminement de ce Synode, mes frères évêques et moi-même nous voulons devenir encore plus les collaborateurs de votre joie (cf. 2 Co 1, 24). Je vous confie à Marie de Nazareth, une jeune comme vous vers qui Dieu a tourné son regard plein d’amour, pour qu’elle vous prenne par la main et vous guide à la joie d’un « me voici ! » total et généreux (cf. Lc 1, 38).

Avec mon affection paternelle,

François

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Commentaire des lectures du dimanche

Les lectures de ce jour veulent nous faire découvrir le mystère de Dieu en nous révélant la profondeur de ce Dieu d’Amour et de Paix selon l’expression de St Paul. Dès la première révélation, le Seigneur se découvre à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». C’est cet amour qui le pousse à venir nous sauver « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » nous rappelle l’évangile. Fêter et célébrer la Sainte Trinité, c’est fêter et célébrer l’amour qui est à l’origine et au terme de toute vie.

Le Seigneur s’est révélé auprès des hommes par sa sollicitude pour nous, par ces intentions bienveillantes auprès des hommes. Et avec Jésus, nous allons au-delà de la simple compréhension de la manifestation de l’amour de Dieu. Nous comprenons que non seulement Dieu agissait avec amour et par amour, mais qu’il était l’amour même. Avec Jésus, Dieu s’est révélé comme communion d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. Et les trois Personnes sont solidairement impliquées dans le mystère de notre salut : l’initiative vient du Père qui envoie son Fils, et c’est vers le Père que Jésus conduit l’humanité réconciliée, sous la conduite de l’Esprit. Oui, c’est cet Amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint qui est la source et le sommet de la Foi chrétienne. Mais cela ne veut pas dire qu’il est facile de comprendre le mystère de la Trinité. Pour certains croire en Dieu est déjà difficile, ce n’est pas évident, alors croire en notre Dieu Trinité, c’est d’une certaine manière compliquer encore la Foi. Mais loin de compliquer la Foi, le mystère de la Trinité nous donne une clef de lecture pour comprendre notre monde.

Si l’on peut dire que Dieu est par essence l’amour, c’est parce que nous croyons qu’il n’est pas solitaire. En effet, il n’y a d’amour que s’il y a une personne qui aime et une personne aimée. Si je suis seul, si je n’aime rien ni personne, à la rigueur je peux avoir un désir d’aimer, mais je ne peux pas dire que j’aime. Or dire que Dieu est amour, c’est donc dire qu’en lui-même, et indépendamment de la création, il y a une possibilité d’échange, de relations. Dire que Dieu est amour, c’est dire qu’il y a en lui-même une personne qui aime et une personne aimée. Car l’amour n’existe pas en théorie, ni de manière abstraite, il n’existe que dans la réalité d’une relation, d’un amour en acte et en vérité. Chacune des trois personnes n’existe pas pour elle-même, elle n’est qu’en étant pour les deux autres. Le Père n’existe comme Père distinct du Fils qu’en se donnant tout entier au Fils. Et le Fils n’existe comme Fils distinct du Père qu’en étant tout entier un élan d’amour pour le Père. Le Père n’existe pas d’abord comme une personne constituée en elle-même et pour elle-même : c’est l’acte d’engendrer le Fils qui le constitue comme personne. Et l’Esprit Saint est à la fois l’acte du don du Père au Fils, et la réponse du Fils au Père. Ainsi, chaque personne n’est en soi qu’en étant hors de soi. Ce qui nous est ainsi révélé, c’est que la relation d’amour est la forme originelle de l’être. C’est-à-dire que le fond de l’être divin est cette communion d’amour.

Créée à l’image et à la ressemblance divine, l’humanité trouve dans la Trinité la source et le modèle de sa vocation à l’amour. Ce mystère trinitaire est l’affirmation que nous sommes appelé à la communion, semblables et divers, semblables de par notre dignité et divers de par nos caractéristiques. N’est-ce pas ce que nous avons le plus besoin d’apprendre, pour bien vivre dans ce monde ? C’est-à-dire que nous pouvons être divers par la couleur de notre peau, notre culture, notre sexe, notre race, notre religion, mais que nous jouissons de la même dignité, comme personnes humaines.

C’est dans la famille et le couple que cet enseignement s’applique d’abord et le plus naturellement. La famille devrait être un reflet terrestre de la Trinité comme communion d’amour dans la diversité. Le succès d’un mariage et d’une famille, comme d’une communauté religieuse, dépend de la capacité de cette diversité à tendre vers une unité supérieure : unité d’amour, d’intentions, de collaboration. La communion conjugale et familiale se construit à partir des différences surmontées et harmonisées, du respect de chacun et de la collaboration de tous au bien commun. Tout cela suppose l’effort d’accepter la diversité, ce qui est difficile pour nous et demande une certaine maturité.

Cette révélation du Dieu Trinité est donc capitale, car c’est elle qui permet à l’être humain de se comprendre lui-même. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme se comprend d’abord comme fruit de l’amour divin. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme se découvre ensuite fondamentalement comme un être de relation et de communion. Tout homme découvre en lui ce désir d’aimer et d’être aimé, désir qu’il ne se réalisera pleinement qu’en entrant dans un mouvement de don de soi et d’accueil de l’autre. Ce mystère nous révèle que notre destinée n’est rien d’autre que le travail d’une conversion permanente qui consiste à dépasser notre manière étriquée d’aimer.

Nous pouvons ainsi comprendre que le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Central pour la foi, car si nous pouvons dire que Dieu est amour, c’est parce qu’il est communion trinitaire. Central pour la vie chrétienne, car la réalisation de notre vocation consiste à participer pleinement à ce mystère de communion, de don de soi et d’accueil de l’autre.

© Carmel.asso - 2011