Pko 10.12.2017
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°65/2017
Dimanche 10 décembre 2017 – 2ème Dimanche de l’Avent – Année A
Solidarité… couac municipal !
Le « salon de la solidarité » s’est déroulé durant toute la semaine au 1er étage du Centre Vaima. Nos confiturières y étaient présentes chaque jour… et avec succès !
Malheureusement, on déplore un petit couac municipal !
Ce salon a été préparé depuis plusieurs mois par les « Artiz’ de l’espoir »… objectif : vendre leur production dans un esprit solidaire en y associant des personnes à la rue et en organisant une collecte des « pièces d’1, 2 et 5 francs » !
La Mairie de Papeete a été sollicité afin d’obtenir l’autorisation de mettre la banderole du salon devant la Cathédrale comme cela se fait pour le Marché de Noël, Back to school, Halloween et d’autres activités… Et là… surprise ! Refus de la municipalité. Raison évoquée : des personnes ne sont pas favorables à la mise en place d’une telle banderole devant la cathédrale ! Est-ce ce commentaire interne à la Mairie qui a justifié le refus ? « Je ne serais pas favorable à mettre une banderole à caractère commercial devant une cathédrale. (Je comprendrais si le Christ descendait faire du ménage devant la maison qui lui est dédiée...) »
Toujours est-il que le salon des « Artiz’ de l’espoir » a été pénalisé par ce refus !
Nous avons fait savoir à la municipalité notre déception d’une telle attitude… d’autant plus que depuis plusieurs années nous avons fait effort pour faciliter les manifestations autour de la Cathédrale et bien souvent contre l’avis des paroissiens. Ainsi nous avons toujours facilité les manifestations telles que le Marché de Noël, Back to school, Fête des Mères et même la fête des « tupapau » (Halloween)…
Et là ! Est-ce la dimension solidarité qui dérange ? Est-ce des considérations de jalousies et de concurrences ? Dans tous les cas c’est non ! Non pour des raisons fallacieuses !
Maintenant, ne doutant pas que la municipalité soit animée par un souci de cohérence et de justice… et en aucun cas d’un quelconque parti pris, pour le Marché de Noël qui aura lieu les 15 et 16 décembre prochains, il est bien clair que nous ne verrons aucune banderole annonçant cette manifestation à « caractère commercial» devant la cathédrale et bien entendu pas d’autorisation d’installation d’une estrade et d’autres choses sur le parvis…
Il n’existe que deux choses infinies : l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers je n’ai pas de certitude absolue.
Albert Einstein
Laissez-moi vous dire…
10 décembre : Journée mondiale des Droits « humains »
« Une lettre au Père Noël ? »
Il y a 70 ans, au début de l’année 1947, la Commission des Nations Unies sur les droits « humains » chargeait un Comité de rédaction, présidé par Eleanor Roosevelt, de proposer un texte universel sur les Droits Humains.
Le 10 décembre 1948, à Paris, l’Assemblée Générale des Nations Unies, réunie au Palais de Chaillot, adopte la Charte Universelle des Droits de l’Homme (Human Rights, en anglais). Sur 58 États participants : 50 ont voté pour, 8 se sont abstenus. [Source : Bibliothèque Numérique des Nations Unies, résolution 217(III) A].
Ce texte n’a en fait qu’une valeur déclarative puisqu’il ne crée pas explicitement d’obligations juridiques.
En France, le Conseil Constitutionnel n’accorde pas de statut juridique positif à la Déclaration de 1948. Mais, comme la Constitution française du 4 octobre 1958 intègre dans son Préambule la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, sa valeur constitutionnelle a été reconnue depuis 1971 et ses dispositions font partie du droit positif français. [Source : Pascal Jan, Bloc de constitutionnalité, éd. Jurisclasseur Administratif, fasc. 1418.]
Le texte est magnifique : Toute personne est libre… ; toutes les personnes sont égales (quelques soient leurs différences) ; toute personne a droit à la vie et à la sécurité… ; la loi est la même pour tous et doit s’appliquer à tous…, toute personne a droit à un jugement équitable et public en bénéficiant de la présomption d’innocence jusqu’à la preuve de sa culpabilité ; chacun a droit à des secours si quelqu’un lui veut du mal ; toute personne a droit au respect de sa vie privée ; la liberté de déplacement est un droit ; toute personne persécutée ou menacée de persécution a droit de demander asile dans un autre pays ; la citoyenneté est un droit ; tout comme chacun a la liberté de penser et de pratiquer ou non la religion de son choix, chacun a le droit de participer à des réunions ou des associations à caractère pacifique ; toute personne a droit à la sécurité sociale, à un travail rémunérateur, droit au repos, aux loisirs, à un niveau de vie décent, à une assistance médicale ; toute personne a le droit à l’éducation, à la scolarisation ; droit de participer à la vie culturelle de sa communauté ; toute personne doit respecter « l’ordre social », respecter les droits des autres, de la communauté et les biens publics. Personne n’a le droit de se soustraire à l’un des droits de cette déclaration.
Dans de nombreux pays la réalité est toute autre (et pourtant ces pays sont signataires de la Déclaration Universelle) : esclavage, torture, génocide, arrestations et emprisonnements arbitraires, prostitution, trafic d’organes, famine, illettrisme, chômage, absence de logements décents, refus du droit d’asile, intolérance… etc…
Comme l’ont dit et écrit deux professeurs de philosophie politique à l’Université de Toronto, à propos de la Déclaration Universelle des Droits Humains : « De telles déclarations de “droits” humains revêtent le caractère de “lettre au Père Noël” (Santa Claus) ». Du rêve à la réalité il y a souvent un abîme, il revient aux chefs d’Etat et de gouvernement de tout mettre en œuvre pour créer les conditions pour que les droits humains soient défendus et, surtout, respectés.
Quant à nous, simples citoyens, il nous revient d’être vigilants et de vivre effectivement selon cette Charte Universelle, comme le déclarait Eleanor Roosevelt, en 1949 : « Où commencent les droits universels, après tout ? Ils commencent près de chez soi, en des lieux si proches et si petits qu’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. [...] Si dans ces lieux, les droits sont dénués de sens, ils n’en auront guère davantage ailleurs. Si chacun ne fait pas preuve du civisme nécessaire pour qu’ils soient respectés dans son entourage, il ne faut pas s’attendre à des progrès à l’échelle du monde. »
Dominique Soupé
Note d’espérance : Pour nous, chrétiens, il est une espérance qui ne repose pas sur une « lettre au Père Noël » mais sur une foi ancrée dans la Révélation divine qui s’exprime à Noël : « Ce jour, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Luc 21, 11), « forteresse pour le faible, forteresse pour le malheureux en sa détresse, un abri contre l’orage, une ombre contre la chaleur » (Isaïe 25,4).
© Cathédrale de Papeete - 2017
En marge de l’actualité…
Avent, temps de l’attente
« Venez, divin Messie… » Le temps de l’Avent qui commence l’année liturgique nous invite à un prodigieux regard sur l’Humanité et sur l’histoire du salut. Nous voici sur un sommet d’où nous pouvons contempler le passé, le présent et le futur :
- La contemplation du passé où s’enracine et prend naissance l’histoire d’une promesse de salut faite à nos Pères dans la Foi, Abraham, Moïse, David.
- Le regard vers le futur où ce salut parviendra à son achèvement lors du retour en gloire de notre Seigneur Jésus Christ à la fin des temps.
- La description du présent, de notre attente, de notre fidélité dans la Foi, de notre conversion pour nous préparer à ce retour du Christ.
C’est donc le moment de nous redire : « Le Seigneur vient ! »… Non pas parce que nous le méritons. Non parce que tout à coup, notre comportement serait devenu positif, justifiant ainsi ce salut, mais parce que le Seigneur est déjà venu parmi les Hommes, parce qu’il l’a promis et parce que la détresse présente de l’Homme ne peut laisser Dieu indifférent.
L’Avent est donc le moment de nous redire « le Seigneur vient », et de nous mettre en attente. Non une attente passive, les bras croisés, une attente subie, mais une attente dynamique, qui fait agir, comme Marie qui se met en route vers la demeure de sa cousine Elizabeth, une attente qui mobilise le cœur et toutes les énergies vers ce qu’on attend. Le temps de l’Avent nous situe donc au moment où l’on peut proclamer : « Il est venu, il vient, il reviendra ! »
Le 1er dimanche nous rappelle que si nous attendons le retour du Seigneur, cette attitude n’est en rien de la passivité, ni une attitude de démission par rapport au monde. Il s’agit pour nous d’aller avec courage sur les chemins de la justice à sa rencontre. « Veillez ! ».
Le 2ème dimanche laisse éclater à nos oreilles cette étonnante nouvelle du prophète Isaïe : « Voici votre Dieu, voici le Seigneur Dieu. Il vient ! », nouvelle reprise par Jean Baptiste : « Voici venir derrière moi celui qui est plus grand que moi ». Nous prenons conscience que le Seigneur est proche. C’est l’espérance de la joie de Noël qui éclate et qui en fait doit nous accompagner tout au long de notre vie. Ainsi nous est dit que la préparation à la venue du Christ n’est pas réservée au temps de l’Avent mais qu’elle doit guider chaque jour de notre vie.
Le 3ème dimanche nous invite à nous ouvrir à l’inattendu de Dieu. Oui, il vient, mais comme « celui que nous ne connaissons pas » selon les paroles de Jean Baptiste. Notre regard sur Jésus doit lui aussi être converti. Le risque que dénonce Jean est toujours actuel : chercher celui qui vient là où il n’est pas. Notre connaissance du Christ demande à être sans cesse approfondie, éclairée, guidée. Entre l’idée que nous nous faisons du Christ et ce qu’il est en vérité, il y a toute la place pour une conversion en profondeur.
Le 4ème dimanche voit se détacher la figure de Marie. Elle incarne l’attente des siècles. Elle incarne les humbles et les pauvres qui, avec confiance, attendent de Dieu leur salut. Elle est celle par qui la promesse s’est réalisée, la Vierge qui devait enfanter, la fille de Sion qui se réjouit, l’humble servante du Seigneur. En Marie et avec elle, l’Eglise proclame sa foi en l’incarnation du Fils de Dieu. Et cette incarnation ne peut être séparée de la rédemption, car si Jésus vient, c’est bien pour nous sauver, comme Dieu l’a promis, et nous donner accès à la Vie.
Alors, frères et sœurs, préparons-nous en tenant nos cœurs éveillés, car le Seigneur vient !
+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2017
Audience générale…
Des signes d’espérance en Birmanie et au Bengladesh
Outre son appel pour Jérusalem, le Pape François a consacré l’essentiel de son audience générale au bilan de son voyage récent en Birmanie et au Bangladesh. Il a chaleureusement remercié les organisateurs et les peuples de ces pays, qui lui ont montré « beaucoup de foi et beaucoup d’affection ».
Aujourd’hui, je voudrais parler du voyage apostolique que j’ai effectué ces derniers jours au Myanmar et au Bangladesh. Cela a été un grand don de Dieu et c’est pourquoi je le remercie pour tout, en particulier pour les rencontres que j’ai pu avoir. Je renouvelle l’expression de ma gratitude aux autorités des deux pays et aux évêques pour tout le travail de préparation et pour l’accueil qui m’a été réservé, ainsi qu’à mes collaborateurs. Je veux adresser un « merci » sincère au peuple birman et au peuple bangladais qui m’ont manifesté tant de foi et tant d’affection : merci !
Pour la première fois, un successeur de Pierre visitait le Myanmar et ceci s’est produit peu après qu’ont été établies des relations diplomatiques entre ce pays et le Saint-Siège.
J’ai voulu, dans ce cas aussi, exprimer la proximité du Christ et de l’Église à un peuple qui a souffert de conflits et de répressions et qui chemine maintenant lentement vers une nouvelle situation de liberté et de paix. Un peuple où la religion bouddhiste est fortement enracinée, avec ses principes spirituels et éthiques et où les chrétiens sont présents comme un petit troupeau et comme le levain du Royaume de Dieu. J’ai eu la joie de confirmer dans la foi et la communion cette Église, vivante et fervente, lors de la rencontre avec les évêques du pays et des deux célébrations eucharistiques. La première a été dans le grand espace sportif au centre de Rangoon et l’Évangile de ce jour-là a rappelé que les persécutions à cause de la foi en Jésus sont normales pour ses disciples, en tant qu’occasion de témoignage, mais que « pas un de leurs cheveux ne sera perdu » (cf. Lc 21, 21-19).
La seconde messe, dernier acte de la visite au Myanmar, était consacrée aux jeunes : un signe d’espérance et un cadeau spécial de la Vierge Marie, dans la cathédrale qui porte son nom. Dans les visages de ces jeunes, pleins de joie, j’ai vu l’avenir de l’Asie : un avenir qui appartiendra non pas à ceux qui construisent des armes, mais à qui sème la fraternité. Et, toujours en signe d’espérance, j’ai béni les premières pierres de 16 églises, du séminaire et de la nonciature : dix-huit !
Outre la communauté catholique, j’ai pu rencontrer les Autorités du Myanmar, encourageant les efforts de pacification du pays et souhaitant que toutes les différentes composantes de la nation, personne n’étant exclu, puissent coopérer à ce processus dans le respect réciproque. Dans cet esprit, j’ai voulu rencontrer les représentants des différentes communautés religieuses présentes dans le pays. En particulier, au Conseil suprême des moines bouddhistes, j’ai exprimé l’estime de l’Église pour leur antique tradition spirituelle et la confiance que chrétiens et bouddhistes peuvent ensemble aider les personnes à aimer Dieu et leur prochain, rejetant toute violence et s’opposant au mal par le bien.
Quittant le Myanmar, je me suis rendu au Bangladesh où j’ai tout d’abord rendu hommage aux martyrs de la lutte pour l’indépendance et au « Père de la Nation ». La population du Bangladesh est en très grande partie de religion musulmane et par conséquent ma visite – sur les pas du bienheureux Paul VI et de saint Jean-Paul II – a marqué un pas ultérieur en faveur du respect et du dialogue entre le christianisme et l’islam.
J’ai rappelé aux Autorités du pays que le Saint-Siège a soutenu dès le début la volonté du peuple bangladais de se constituer en nation indépendante, ainsi que l’exigence qu’y soit toujours protégée la liberté religieuse. En particulier, j’ai voulu exprimer ma solidarité au Bangladesh dans son effort pour secourir les réfugiés Rohingya qui ont afflué en masse sur son territoire, où la densité de population est déjà parmi les plus élevées au monde.
La messe célébrée dans un parc historique de Dacca a été enrichie par l’ordination de seize prêtres et cela a été un des événements les plus importants et joyeux du voyage. En effet, au Bangladesh comme au Myanmar et dans les autres pays du sud-est asiatique, grâce à Dieu les vocations ne manquent pas, signe de communautés vivantes où résonne la voix du Seigneur qui appelle à le suivre. J’ai partagé cette joie avec les évêques du Bangladesh et je les ai encouragés dans leur généreux travail pour les familles, pour les pauvres, pour l’éducation, pour le dialogue et la paix sociale. Et j’ai partagé cette joie avec de nombreux prêtres, des hommes et des femmes consacrées du pays, comme aussi avec les séminaristes et les novices en qui j’ai vu des germes de l’Église sur cette terre.
À Dacca, nous avons vécu un moment fort de dialogue interreligieux et œcuménique, qui m’a donné l’occasion de souligner l’ouverture du cœur comme base de la culture de la rencontre, de l’harmonie et de la paix. En outre, j’ai visite la « Maison Mère Teresa » où la sainte logeait quand elle se trouvait dans cette ville et qui accueille de très nombreux orphelins et personnes avec des handicaps. Là, selon leur charisme, les sœurs vivent chaque jour la prière d’adoration et le service rendu au Christ pauvre et souffrant. Et jamais, jamais le sourire ne manque sur leurs lèvres : des sœurs qui prient beaucoup, qui servent les personnes souffrantes et continuellement avec le sourire. C’est un beau témoignage. Je remercie beaucoup ces petites sœurs.
Le dernier événement a été avec les jeunes bangladais, riche en témoignages, chants et danses. Mais comme ils dansent bien, ces Bangladais ! Ils savent bien danser ! Une fête qui a manifesté la joie de l’Évangile accueilli par cette culture ; une joie fécondée par les sacrifices de nombreux missionnaires, de nombreux catéchistes et parents chrétiens. Il y avait aussi, à cette rencontre, des jeunes musulmans et d’autres religions : un signe d’espérance pour le Bangladesh, pour l’Asie et pour le monde entier. Merci.
© Libreria Editrice Vatican - 2017
Doctrine sociale de l’Église…
Les valeurs fondamentales de la vie sociale
Transformer la réalité sociale par la force de l'Évangile, témoignée par des femmes et des hommes fidèles à Jésus-Christ, a toujours été un défi et le demeure aujourd'hui encore, au début du troisième millénaire de l'ère chrétienne. L'annonce de Jésus-Christ, « bonne nouvelle » de salut, d'amour, de justice et de paix, ne trouve pas facilement accueil dans le monde d'aujourd'hui, encore dévasté par les guerres, la misère et les injustices. C'est précisément pour cela que l'homme de notre temps a plus besoin que jamais de l'Évangile : de la foi qui sauve, de l'espérance qui éclaire et de la charité qui aime.
Rapport entre principes et valeurs
197 La doctrine sociale de l'Église, au-delà des principes qui doivent présider à l'édification d'une société digne de l'homme, indique aussi des valeurs fondamentales. Le rapport entre principes et valeurs est indéniablement un rapport de réciprocité, dans la mesure où les valeurs sociales expriment l'appréciation à attribuer aux aspects déterminés du bien moral que les principes entendent réaliser, en s'offrant comme points de référence pour une structuration opportune et pour conduire la vie sociale de manière ordonnée. Les valeurs requièrent donc à la fois la pratique des principes fondamentaux de la vie sociale et l'exercice personnel des vertus, donc des attitudes morales correspondant aux valeurs elles-mêmes.
Toutes les valeurs sociales sont inhérentes à la dignité de la personne humaine, dont elles favorisent le développement authentique, et sont essentiellement : la vérité, la liberté, la justice et l'amour. Leur pratique est une voie sûre et nécessaire pour atteindre le perfectionnement personnel et une vie sociale en commun plus humaine ; elles constituent la référence incontournable pour les responsables de la chose publique, appelés à mettre en œuvre « les réformes substantielles des structures économiques, politiques, culturelles et technologiques et les nécessaires changements dans les institutions ». Le respect de la légitime autonomie des réalités terrestres conduit l'Église à ne pas se réserver des compétences spécifiques d'ordre technique et temporel, mais elle ne l'empêche pas d'intervenir pour montrer comment, dans les différents choix de l'homme, ces valeurs sont affirmées ou, vice-versa, niées.
La vérité
198 Les hommes sont tenus de façon particulière à tendre continuellement vers la vérité, à la respecter et à l'attester de manière responsable. Vivre dans la vérité revêt une signification spéciale dans les rapports sociaux : la vie en commun entre les êtres humains au sein d'une communauté est, en effet, ordonnée, féconde et correspond à leur dignité de personnes lorsqu'elle se fonde sur la vérité. Plus les personnes et les groupes sociaux s'efforcent de résoudre les problèmes sociaux selon la vérité, plus ils s'éloignent de l'arbitraire et se conforment aux exigences objectives de la moralité.
Notre époque requiert une intense activité éducative et un engagement de la part de tous, afin que la recherche de la vérité, qui ne se réduit pas à l'ensemble ou à une seule des diverses opinions, soit promue dans chaque milieu et prévale sur toute tentative d'en relativiser les exigences ou de lui porter atteinte. C'est une question qui touche en particulier le monde de la communication publique et celui de l'économie, dans lesquels l'usage sans scrupules de l'argent fait naître des interrogations toujours plus pressantes, qui renvoient nécessairement à un besoin de transparence et d'honnêteté dans l'action personnelle et sociale.
La liberté
199 La liberté est dans l'homme un signe très élevé de l'image divine et, en conséquence, un signe de la dignité sublime de chaque personne humaine : « La liberté s'exerce dans les rapports entre les êtres humains. Chaque personne humaine, créée à l'image de Dieu, a le droit naturel d'être reconnue comme un être libre et responsable. Tous doivent à chacun ce devoir du respect. Le droit à l'exercice de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de la personne humaine ». Il ne faut pas restreindre le sens de la liberté, en la considérant dans une perspective purement individualiste et en la réduisant à un exercice arbitraire et incontrôlé de l'autonomie personnelle : « Loin de s'accomplir dans une totale autarcie du moi et dans l'absence de relations, la liberté n'existe vraiment que là où des liens réciproques, réglés par la vérité et la justice, unissent les personnes ». La compréhension de la liberté devient profonde et vaste quand elle est protégée, même au niveau social, dans la totalité de ses dimensions.
200 La valeur de la liberté, en tant qu'expression de la singularité de chaque personne humaine, est respectée quand il est permis à chaque membre de la société de réaliser sa vocation personnelle; de chercher la vérité et de professer ses idées religieuses, culturelles et politiques; d'exprimer ses opinions; de décider de son état de vie et, dans la mesure du possible, de son travail; de prendre des initiatives à caractère économique, social et politique. Ceci doit advenir au sein d'un « contexte juridique ferme », dans les limites du bien commun et de l'ordre public et, en tous les cas, à l'enseigne de la responsabilité.
Par ailleurs, la liberté doit aussi se manifester comme capacité de refus de ce qui est moralement négatif, sous quelque forme que ce soit, comme capacité de détachement effectif de tout ce qui peut entraver la croissance personnelle, familiale et sociale. La plénitude de la liberté consiste dans la capacité de disposer de soi en vue du bien authentique, dans la perspective du bien commun universel.
La justice
201 La justice est une valeur qui s'accompagne de l'exercice de la vertu morale cardinale qui lui correspond. Selon sa formulation la plus classique, elle « consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû ». Du point de vue subjectif, la justice se traduit dans l'attitude déterminée par la volonté de reconnaître l'autre comme personne, tandis que, du point de vue objectif, elle constitue le critère déterminant de la moralité dans le domaine inter-subjectif et social.
Le Magistère social rappelle au respect des formes classiques de la justice : la justice commutative, la justice distributive et la justice légale. La justice sociale y a acquis un relief toujours plus important; elle représente un véritable développement de la justice générale, régulatrice des rapports sociaux sur la base du critère de l'observance de la loi. La justice sociale, exigence liée à la question sociale, qui se manifeste aujourd'hui sous une dimension mondiale, concerne les aspects sociaux, politiques et économiques et, surtout, la dimension structurelle des problèmes et des solutions qui s'y rattachent.
202 La justice apparaît comme particulièrement importante dans le contexte actuel, où la valeur de la personne, de sa dignité et de ses droits, au-delà des proclamations d'intentions, est sérieusement menacée par la tendance diffuse de recourir exclusivement aux critères de l'utilité et de l'avoir. La justice aussi, sur la base de ces critères, est considérée de façon réductrice, alors qu'elle acquiert une signification plus pleine et plus authentique dans l'anthropologie chrétienne. De fait, la justice n'est pas une simple convention humaine, car ce qui est « juste » n'est pas originellement déterminé par la loi, mais par l'identité profonde de l'être humain.
203 La pleine vérité sur l'homme permet de dépasser la vision contractualiste de la justice, qui est une vision limitée, et d'ouvrir aussi à la justice l'horizon de la solidarité et de l'amour: « Seule, la justice ne suffit pas. Elle peut même en arriver à se nier elle-même, si elle ne s'ouvre pas à cette force plus profonde qu'est l'amour ». À la valeur de la justice, la doctrine sociale associe en effet celle de la solidarité, comme voie privilégiée de la paix. Si la paix est le fruit de la justice, « aujourd'hui on pourrait dire, avec la même justesse et la même force d'inspiration biblique (cf. Is 32,17; Jc 3,18) : Opus solidaritatis pax, la paix est le fruit de la solidarité ».449 De fait, l'objectif de la paix « sera certainement atteint grâce à la mise en œuvre de la justice sociale et internationale, mais aussi grâce à la pratique des vertus qui favorisent la convivialité et qui nous apprennent à vivre unis afin de construire dans l'unité, en donnant et en recevant, une société nouvelle et un monde meilleur ».
LA VOIE DE LA CHARITÉ
204 Entre les vertus dans leur ensemble, et en particulier entre les vertus, les valeurs sociales et la charité, il existe un lien très fort qui doit être toujours plus profondément reconnu. La charité, souvent réduite au domaine des relations de proximité, ou limitée aux seuls aspects subjectifs de l'agir pour l'autre, doit être reconsidérée selon sa valeur authentique de critère suprême et universel de l'éthique sociale tout entière. Parmi toutes les voies, y compris celles recherchées et parcourues pour affronter les formes toujours nouvelles de l'actuelle question sociale, la « meilleure de toutes » (1Co 12,31) est la voie tracée par la charité.
205 Les valeurs de la vérité, de la justice et de la liberté naissent et se développent à partir de la source intérieure de la charité : la vie humaine en commun est ordonnée, génératrice de bien et répondant à la dignité de l'homme, quand elle se fonde sur la vérité ; quand elle se réalise selon la justice, c'est-à-dire dans le respect effectif des droits et dans l'accomplissement loyal des devoirs respectifs ; quand elle se réalise dans la liberté qui convient à la dignité des hommes, poussés par leur nature rationnelle à assumer la responsabilité de leurs actions ; quand elle est vivifiée par l'amour, qui fait ressentir comme siens les besoins et les exigences des autres et rend toujours plus intense la communion des valeurs spirituelles et la sollicitude pour les nécessités matérielles. Ces valeurs constituent des piliers qui assurent solidité et consistance à l'édifice de la vie et de l'action: ce sont des valeurs qui déterminent la qualité de toute action et institution sociale.
206 La charité présuppose et transcende la justice: cette dernière « doit trouver son complément dans la charité ». Si la justice est « de soi propre à “arbitrer” entre les hommes pour répartir entre eux de manière juste les biens matériels, l'amour au contraire, et seulement lui (et donc aussi cet amour bienveillant que nous appelons “miséricorde”), est capable de rendre l'homme à lui-même ». Les rapports humains ne peuvent pas être uniquement réglés par la mesure de la justice : « L'expérience du passé et de notre temps démontre que la justice ne suffit pas à elle seule, et même qu'elle peut conduire à sa propre négation et à sa propre ruine (...). L'expérience de l'histoire a conduit à formuler l'axiome : summum ius, summa iniuria ». De fait, la justice « dans toute la sphère des rapports entre hommes, doit subir pour ainsi dire une “refonte” importante de la part de l'amour qui est — comme le proclame saint Paul — “patient” et “bienveillant”, ou, en d'autres termes, qui porte en soi les caractéristiques de l'amour miséricordieux, si essentielles pour l'Évangile et pour le christianisme ».
207 Aucune législation, aucun système de règles ou de conventions ne parviendront à persuader les hommes et les peuples à vivre dans l'unité, dans la fraternité et dans la paix, aucune argumentation ne pourra surpasser l'appel de la charité. Seule la charité, en sa qualité de « forma virtutum », peut animer et modeler l'action sociale en direction de la paix dans le contexte d'un monde toujours plus complexe. Pour qu'il en soit ainsi, il faut toutefois faire le nécessaire afin que la charité apparaisse non seulement comme inspiratrice de l'action individuelle, mais aussi comme force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d'aujourd'hui et pour renouveler profondément de l'intérieur les structures, les organisations sociales, les normes juridiques. Dans cette perspective, la charité devient charité sociale et politique : la charité sociale nous fait aimer le bien commun et conduit à chercher effectivement le bien de toutes les personnes, considérées non seulement individuellement, mais aussi dans la dimension sociale qui les unit.
208 La charité sociale et politique ne s'épuise pas dans les rapports entre les personnes, mais elle se déploie dans le réseau au sein duquel s'insèrent ces rapports et qui constitue précisément la communauté sociale et politique, intervenant sur celle-ci en visant le bien possible pour la communauté dans son ensemble. Par bien des aspects, le prochain à aimer se présente « en société », de sorte que l'aimer réellement, subvenir à ses besoins ou à son indigence, peut vouloir dire quelque chose de différent par rapport au bien qu'on peut lui vouloir sur le plan purement inter-individuel : l'aimer sur le plan social signifie, selon les situations, se prévaloir des médiations sociales pour améliorer sa vie ou éliminer les facteurs sociaux qui causent son indigence. L'œuvre de miséricorde grâce à laquelle on répond ici et maintenant à un besoin réel et urgent du prochain est indéniablement un acte de charité, mais l'engagement tendant à organiser et à structurer la société de façon à ce que le prochain n'ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité tout aussi indispensable, surtout quand cette misère devient la situation dans laquelle se débattent un très grand nombre de personnes et même des peuples entiers; cette situation revêt aujourd'hui les proportions d'une véritable question sociale mondiale.
© Libreria Editrice Vaticana - 2005
Commentaire des lectures du dimanche
En ce deuxième dimanche du temps de l’Avent, la liturgie nous fait ouvrir l’évangile selon saint Marc, qui commence par ces mots : « Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu » (Mc 1, 1). Et curieusement, pas un mot ne sera dit de « Jésus-Christ » dans cet évangile. Saint Marc annonce, puis nous laisse comme en attente, pour creuser en nous un désir… N’est-ce pas là, une des caractéristiques de ce temps de l’Avent : attendre, désirer la révélation du Fils de Dieu, sa venue dans notre chair ? Marc reprend la parole du prophète Isaïe que nous avons entendue en première lecture et il l’applique à Jean le Baptiste qui « parut dans le désert » (Mc 1,4). Dans le désert, Jean « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés » (Mc 1,4). Quelle chose étrange ! Jean prêche dans le désert… Nous avons ce que signifie cette expression dans le langage courant… Jean prêche dans le désert, mais il prêche « un baptême de conversion ».
Cela nous renvoie à une autre parole de l’Écriture, celle du prophète Osée : « Mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » (Os 2,16). Le désert est le lieu du dépouillement, le lieu d’un décentrement de soi, le lieu d’une conversion, le lieu d’une intimité retrouvée avec le Seigneur. Se convertir, n’est-ce pas se quitter des yeux, se décentrer de soi, pour laisser place à Dieu ? C’est l’œuvre de l’Esprit Saint en nous. Jean prêche dans le désert, mais ce désert est abondement peuplé : « Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés » (Mc 1,5).
« Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture autour des reins » (Mc 1,6). Ce n’est pas par souci du détail concret que Marc nous décrit de vêtement de Jean le Baptiste ! Il est ainsi présenté comme un prophète, peut-être même comme le nouvel Élie, puisqu’il est dit au deuxième Livre des Rois : « C’était un homme portant un vêtement de poils et une ceinture de cuir autour des reins » (II R 1,8).
Marc poursuit : « Il se nourrissait des sauterelles et de miel sauvage » (Mc 1,6). Les sauterelles nous rappellent la huitième plaie d’Égypte (Ex 10) ; cela nous renvoie au temps de l’esclavage en Égypte et de la libération accomplie par le Seigneur. La Bible de Jérusalem donne comme intertitre au deuxième chapitre du livre du prophète Joël : « les sauterelles annoncent le jour du Seigneur » (Jl 2). Le « miel sauvage », nous rappelle la promesse du Seigneur de conduire son peuple « vers un pays ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 8). Par son être, par sa nourriture, Jean le Baptiste annonce un chemin de conversion, un chemin qui nous conduit de l’esclavage à la liberté, de l’asservissement à la terre promise. Il nous invite en ce deuxième dimanche de l’Avent à passer sur l’autre rive, à traverser nos propres mers des joncs, à traverser nos déserts, pour passer de la captivité à la liberté, pour vivre la conversion qui nous fera passer de nous-mêmes au Christ Jésus, notre Sauveur…
Oui nous sommes invités à passer, à vivre d’une certaine manière un passage de la mort à la vie, à vivre le Mystère Pascal. C’est bien cela qu’évoque l’apôtre Pierre dans la seconde lecture de ce jour. Il nous parle de notre conversion, espérée par le Seigneur (2 P 3,9) ; il évoque la disparition des cieux et l’avènement d’un monde nouveau (2 P 3,10-13). Ce texte nous fait songer à la devise des chartreux : « Stat Crux, dum volvitur orbis », (La Croix est debout, elle demeure, alors que le monde tourne et s’évanouit). Admirable concision du latin ! « Stat », c’est se tenir debout, mais c’est également durer dans le temps. La croix se dresse et perdure comme signe de Salut pour l’humanité au cours du temps. « Volvitur », c’est tourner, mais c’est aussi disparaître peu à peu, s’évanouir… Le monde s’étourdit et disparaît. L’apôtre Pierre nous invite à croire aux promesses de Dieu et à attendre leur accomplissement. Comme Jean le Baptiste, il nous invite à la conversion : « Vivez dans la sainteté et la piété » (2 P 3,11). Il insiste : « Faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix » (2 P 3, 14).
Qu’en est-il, frères et sœurs, de notre conversion, de notre enracinement dans le mystère pascal, de notre attachement au Christ Jésus ? Nous avons été baptisés dans l’eau et l’Esprit Saint, (cf. Mc 1,8), comme l’annonçait Jean le Baptiste. Par notre baptême, nous avons été plongés dans le mystère pascal du Christ Jésus… Comment cette réalité vient informer nos vies, notre être dans le quotidien ?
Jean annonce Celui qui vient derrière lui, il affirme « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi » (Mc 1, 7). Avec Jean, croyons en la puissance du Christ Jésus qui peut accomplir en nous son œuvre, qui peut venir à bout de tout ce qui nargue nos propres forces. La conversion véritable consiste à se décentrer de soi pour laisser le Christ accomplir l’œuvre de Dieu en nous.
Jean poursuit en disant : « Je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales » (Mc 1, 7). Que veut-il exprimer par cela ? Avec audace, et sans prétendre à une explication exégétique, mais avec la liberté d’interprétation chère aux Pères de l’Église, peut-on peut-être se souvenir de la tradition du lévirat (cf. Dt 25,5-10). Lorsqu’un homme marié mourrait sans laisser d’enfant, son frère devait épouser sa veuve. Toutefois, il pouvait refuser de le faire. Sa belle-sœur devait alors lui retirer sa sandale. Et pour se faire il fallait bien en dénouer la courroie. Cette parole de Jean-Baptiste, je l’entends raisonner comme l’alliance que le Christ Jésus est venu nouer avec l’humanité et avec chacun, chacune de nous, de manière personnelle par la grâce du baptême. Et le prophète, le nouvel Élie, qu’est Jean le Baptiste indique qu’il ne veut pas se substituer à l’Époux ; il n’est que l’ami de l’Époux…
Alors en ce deuxième dimanche de l’Avent, Frères et Sœurs, laissons résonner en nos cœurs, en tout notre être, l’appel de Jean le Baptiste. Demandons les uns pour les autres, la grâce d’une vraie et profonde conversion. Décentrons-nous de nous-même. Créons en nous, un vide, un espace, où pourra naître Celui qui vient et que nous attendons. Préparons-nous à être nous-mêmes, le lieu où, à Noël, s’incarnera le Fils de Dieu. Amen.
Fr. Didier-Marie GOLAY ocd (Couvent de Lisieux)
© Carmel Asso - 2014