Pko 05.03.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°14/2017

Dimanche 5 mars 2017 – 1er Dimanche du Temps de Carême – Année A

Humeurs…

Délit de faciès

Un matin de la semaine dernière, vers 10h, une S.D.F. se trouvant pas loin de l’Accueil Te Vai-ete nous téléphone : « Père, il y a quelqu’un devant l’Accueil qui vient pour livrer des poireaux… mais il n’y a personne ! » Je lui dis : « Demande lui d’attendre un peu… j’envoie quelqu’un ! » Je demande alors à deux jeunes SDF présent à ce moment-là au presbytère s’ils peuvent aller ouvrir la porte et me rapporter la clef immédiatement après. Enthousiaste de pouvoir rendre un service et de la confiance qu’on leur fait, ils répondent sans hésiter: « Oui ».

Ils prennent les clefs de l’Accueil et s’en vont en courant… arrivé au niveau du Marché, ils se font interpeller au prétextent qu’ils courent, et comme ce sont des SDF… de potentiels voleurs en fuite !!! Ils se font donc fouiller en bonne et due forme… comme des voyous… !!!

Dans le jargon officiel cela s’apparente quelque peu au « délit de faciès ». Même s’il est vrai que ces jeunes SDF ne sont pas des anges, il est humiliant de se voir considéré comme un voleur potentiel alors que l’on est animé d’une intention plus que louable ! Ceci s’ajoute aux nombreuses autres humiliations dont on a déjà souvent parlé, comme le fait, aujourd’hui encore, si l’on sort de prison, de devoir se présenter au guichet de la C.P.S. pour signaler que l’on est un « taulard » qui a fini sa peine !!!

Le dégoût et la haine de la société, dans le cœur de ces jeunes, ne naissent pas d’une exposition prolongée au clair de lune, mais bien du regard que nous portons sur eux.

Ne laissons pas notre société s’enfermer dans un sentiment d’insécurité en stigmatisant une partie de la population… les délinquants, escrocs, voleurs ne sont pas exclusivement parmi les SDF !

Ce n’est pas une fatalité… ainsi Fuenlabrada, une ville de la banlieue de Madrid, est devenue un modèle de lutte contre les discriminations dans toute l'Europe, grâce à sa police.

Dernière recommandation… éviter de courir !!!

Ça peut ralentir !!!

Chronique de la roue qui tourne

Carême

« Une tendresse ne se mesure vraiment qu'à l'étendue du sacrifice qu'elle peut inspirer. » Marie-Antoinette Grégoire-Coupal.

Nous voilà rendus à Carême et ses quarante jours, un peu plus même mais lorsqu’on aime, on ne compte pas. Ces quarante jours sont très symboliques. Ils font référence aux quarante années du peuple d’Israël passées dans le désert et aux quarante jours du Christ dans le désert avant de commencer son ministère public.

Aujourd’hui, nous avons bien les quarante jours mais relativisons, nous n’en sommes pas à traverser un le désert quand même ! On parle même de « sacrifices agréables ». Aussitôt nous sommes tentés de croire en un Carême facile, dépourvu d’efforts. Bien évidemment, c’est une erreur de compréhension. Au risque d’être une mascarade, rien ne doit effriter l’effort. L’expression « sacrifices agréables » nous indique juste l’état d’esprit dans lequel nous devons accueillir l’effort.

Mais qu’est-ce que Carême aujourd’hui ? Quel sens donner à cette période de jeûnes, d’abstinences, de remises en question, d’épreuves, de tentations ?

Carême est une période que nous redoutons pour tous ses renoncements. Cette période où notre « confort » est menacé par de multiples sacrifices. Bref, Carême contraste bien avec Noël. Fini la douceur, voici le temps de l’épreuve.

Comme si, ce Dieu si aimant, décrit à Noël, deviendrait ce parent autoritaire et insensible. Nous prenons les exigences de Carême comme une restriction de notre liberté. Mais comme de petits adolescents, nous confondons orgueil et liberté. Être libre, ce n’est pas faire tout ce que nous voulons, quand nous voulons, si nous voulons. La liberté, c’est de reconnaitre ce qui nous réduit et d’être capable d’y remédier. La liberté, c’est d’être capable de faire ce qui est juste sans regrets et sans freins. La liberté, c’est laisser le discernement guider notre vie et non nos futiles envies. La liberté, c’est le pouvoir de choisir… qui ne peut se concrétiser par un renoncement. La liberté, c’est voir les vrais enjeux et d’être capable d’agir en conséquence.

Au final, Carême est une éducation nécessaire pour mener l’Homme vers l’âge adulte, pour mener l’Homme vers sa vraie liberté ! Carême nous enseigne comment tout lâcher pour mieux attraper la main du Seigneur ! Tenir Sa main, une tendresse qui vaut bien quelques sacrifices, non ?

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2017

Le jeûne

En marge de l’actualité du jeudi 2 mars 2017

Depuis ce Mercredi des cendres, nous voici entrés en Carême, ce temps de préparation à la grande fête de Pâques. Le Carême nous invite au jeûne, à l’aumône et à la prière. Arrêtons-nous aujourd’hui sur le jeûne.

Concrètement, le jeûne consiste à se priver de toute nourriture et de toute boisson, éventuellement aussi de télévision, de sucreries, de cigarettes, pendant un ou plusieurs jours. Si aujourd’hui, cette pratique est peu prisée, c’est que son sens et son utilité spirituelle ne sont guère perçus ! Pourtant dans beaucoup de religions, le jeûne revêt une place importante, et pas seulement dans le Christianisme. La Bible sur laquelle repose l’attitude de l’Église rejoint sur ce point les autres courants religieux. Mais elle précise le sens du jeûne et en règle la pratique. Avec la prière et l’aumône, le jeûne est un des actes essentiels par lequel le croyant traduit devant Dieu son humilité, son espérance et son amour.

L’Homme est à la fois âme et corps, chair et esprit. Il serait donc incomplet d’imaginer une religion purement spirituelle, dans les nuages. L’âme a besoin des actes et des attitudes du corps. Le jeûne accompagné de prière traduit l’humilité devant Dieu. Jeûner équivaut à humilier son âme. Il ne s’agit pas d’exploit ascétique, ni de trouver par là un état d’exaltation psychologique ou religieuse comme on le trouve parfois dans d’autres religions. Il s’agit par la pratique du jeûne de s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa présence.

À la suite des prophètes, Jésus vient dénoncer les risques qui peuvent déformer le sens profond du jeûne :

  • Risque de formalisme, ou d’hypocrisie quand on jeûne pour être vu des hommes : « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu'ils jeûnent » (Mt 6, 16)
  • Risque de jeûner sans amour : « Pourquoi avons-nous jeûné sans que tu le voies ? … C’est …que vous jeûnez pour vous livrer aux querelles et aux disputes, pour frapper du poing méchamment… Est-ce là le jeûne qui me plaît, le jour où l’Homme se mortifie ?... N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug, renvoyer libres les opprimés et briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? » (Is 58, 4-7)

Ainsi, pour plaire à Dieu et nous rapprocher de lui, le jeûne doit-il être uni à l’amour du prochain et comporter une recherche de la vraie justice. Il ne peut donc être séparé de l’aumône ni de la prière. Si l’amour est absent, le jeûne est vain ! L’Eglise nous invite à jeûner de nourriture et nous abstenir de viande les vendredis de Carême ; c’est ensuite à chacun de voir sur quoi portera son jeûne pendant tout le Carême, de quoi il décide de se priver par amour de Dieu pour libérer son cœur et se préparer à accueillir la Bonne Nouvelle de Pâques !

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

Le Carême est un chemin d’espérance

Audience générale du mercredi 1er mars 2017

Le Carême comme chemin d’espérance : c’est le thème de la catéchèse que le Pape François a développé lors de l’audience générale place Saint-Pierre ce mercredi matin 1er mars 2017, lors du mercredi des Cendres, premier jour du Carême. « Cette perspective est tout de suite évidente si on pense que le Carême a été instituée dans l’Église comme un temps de préparation à Pâques. Cette période de quarante jours prend donc tout son sens du mystère pascal vers lequel il est dirigé » a ainsi expliqué le Pape devant plusieurs milliers de fidèles.

Chers frères et sœurs, bonjour !

En ce jour, Mercredi des Cendres, nous entrons dans le temps liturgique du Carême. Et puisque nous effectuons le cycle de catéchèses sur l’espérance chrétienne, je voudrais aujourd’hui vous présenter le Carême comme un chemin d’espérance.

En effet, cette perspective est aussitôt évidente si nous pensons que le Carême a été institué dans l’Église comme un temps de préparation à Pâques et donc que tout le sens de cette période de quarante jours est éclairé par le mystère pascal vers lequel elle est orientée. Nous pouvons imaginer le Seigneur ressuscité qui nous appelle à sortir de nos ténèbres et nous nous mettons en route vers lui, qui est la lumière. Et le Carême est un chemin vers Jésus ressuscité, c’est une période de pénitence, et même de mortification, mais ce n’est pas une fin en soi, il est bien finalisé à nous faire ressusciter avec le Christ, à renouveler notre identité de baptisés, c’est-à-dire à renaître à nouveau « d’en haut », de l’amour de Dieu (cf. Jn 3,3). Voilà pourquoi le Carême est, par nature, un temps d’espérance.

Pour mieux comprendre ce que cela signifie, nous devons nous référer à l’expérience fondamentale de l’exode des Israélites d’Égypte, raconté par la Bible dans le livre qui porte ce nom : Exode. Le point de départ est la condition d’esclavage en Égypte, l’oppression, les travaux forcés. Mais le Seigneur n’a pas oublié son peuple et sa promesse : il appelle Moïse et, par son bras puissant, il fait sortir les Israélites d’Égypte et les guide à travers le désert vers la Terre de la liberté. Pendant ce chemin de l’esclavage à la liberté, le Seigneur donne la loi aux Israélites pour les éduquer à l’aimer, lui, l’unique Seigneur, et à s’aimer entre eux comme des frères. L’Écriture montre que l’exode est long et douloureux : symboliquement, il dure 40 ans, c’est-à-dire le temps de vie d’une génération.

Une génération qui, devant les épreuves du chemin, est toujours tentée de regretter l’Égypte et de retourner en arrière. Nous aussi, nous connaissons tous la tentation de retourner en arrière, tous. Mais le Seigneur reste fidèle et ces pauvres gens, guidés par Moïse, arrivent en Terre promise. Tout ce chemin est accompli dans l’espérance : l’espérance de rejoindre la Terre et c’est précisément en ce sens que c’est un « exode », une sortie de l’esclavage à la liberté. Et ces 40 jours sont aussi pour nous tous une sortie de l’esclavage, du péché, à la liberté, à la rencontre avec le Christ ressuscité. Chaque pas, chaque fatigue, chaque épreuve, chaque chute et chaque reprise, tout n’a de sens qu’à l’intérieur du dessein de salut de Dieu, qui veut pour son peuple la vie et non la mort, la joie et non la douleur.

La Pâque de Jésus est son exode, par lequel il nous a ouvert la voie pour atteindre la vie pleine, éternelle et bienheureuse. Pour ouvrir cette voie, ce passage, Jésus a dû se dépouiller de sa gloire, s’humilier, se faire obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. Nous ouvrir la route vers la vie éternelle lui a coûté tout son sang et, grâce à lui, nous sommes sauvés de l’esclavage du péché. Mais cela ne veut pas dire qu’il a tout fait et que nous ne devons rien faire, qu’il est passé à travers la croix et que nous, « nous allons au paradis en carrosse ». Ce n’est pas comme cela.  Notre salut est certainement un don de sa part, mais puisque c’est une histoire d’amour, il requiert notre « oui » et notre participation à son amour, comme nous le montre notre Mère Marie et, après elle, tous les saints.

Le Carême vit de cette dynamique : le Christ nous précède par son exode et nous traversons le désert grâce à lui et derrière lui. Il est tenté pour nous et il a vaincu le tentateur pour nous, mais nous aussi, nous devons avec lui affronter les tentations et les surmonter. Il nous donne l’eau vive de son Esprit et c’est à nous qu’il revient de puiser à sa source et de boire, dans les sacrements, dans la prière, dans l’adoration ; il est la lumière qui vainc les ténèbres et à nous il est demandé d’alimenter la petite flamme qui nous a été confiée le jour de notre baptême. En ce sens, le Carême est un « signe sacramentel de notre conversion » (Missel Romain, oraison du Ier dimanche de Carême) ; celui qui prend le chemin du Carême est toujours sur le chemin de la conversion. Le Carême est le signe sacramentel de notre chemin de l’esclavage à la liberté, toujours à renouveler. Un chemin, certes, exigeant, comme il est juste qu’il le soit, parce que l’amour est exigeant, mais un chemin plein d’espérance. Ou plutôt, je dirais plus que cela : l’exode du carême est le chemin dans lequel l’espérance elle-même se forme. La fatigue de la traversée du désert – toutes les épreuves, les tentations, les illusions, les mirages… – tout cela sert à forger une espérance forte, solide, sur le modèle de celle de la Vierge Marie qui, au milieu des ténèbres de la passion et de la mort de son Fils, a continué à croire et à espérer dans sa résurrection, dans la victoire de l’amour de Dieu.

Le cœur ouvert à cet horizon, entrons aujourd’hui dans le Carême. En sentant que nous faisons partie du peuple saint de Dieu, commençons avec joie ce chemin d’espérance.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Le progrès de la foi dans la vie du prêtre (1ère partie)

Méditation de Carême du pape François pour les prêtres de son diocèse

« Seigneur, augmente en nous la foi ! » (Lc 17,5). Cette question jaillit spontanément chez les disciples quand le Seigneur leur parlait de la miséricorde et leur a dit que nous devions pardonner soixante-dix fois sept fois. « Augmente en nous la foi », demandons-nous aussi, au début de cette conversation. Nous le demandons avec la simplicité du Catéchisme qui nous dit : « Pour vivre, croître et persévérer jusqu’à la fin dans la foi, nous devons la nourrir par la Parole de Dieu ; nous devons implorer le Seigneur de l’augmenter ». C’est une foi qui « doit agir “par la charité” (Ga 5, 6 ; cf. Jc 2, 14-26), être portée par l’espérance (cf. Rm 15,13) et être enracinée dans la foi de l’Église ». (n.162).

Cela m’aide de m’appuyer sur trois points forts : la mémoire, l’espérance et le discernement du moment. La mémoire, comme dit le Catéchisme, est enracinée dans la foi de l’Église, dans la foi de nos pères ; l’espérance est ce qui nous soutient dans la foi ; et le discernement du moment, je le garde présent au moment d’agir, de mettre en pratique cette « foi qui agit par la charité ».

Je le formule ainsi :

  • -Je dispose d’une promesse – il est toujours important de se rappeler la promesse du Seigneur qui m’a mis en chemin –
  • -Je suis en chemin – j’ai l’espérance – : l’espérance m’indique l’horizon, me guide : elle est l’étoile et aussi ce qui me soutient, elle est l’ancre, ancrée dans le Christ.
  • -Et au moment spécifique, à chaque carrefour de routes, je dois discerner un bien concret, le pas en avant dans l’amour que je peux faire, et aussi la manière dont le Seigneur veut que je le fasse.

Faire mémoire des grâces passées confère à notre foi la solidité de l’incarnation ; elle la situe à l’intérieur d’une histoire, l’histoire de la foi de nos pères, qui « sont tous morts [dans la foi] sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin » (He 11,13). Nous, « entourés de cette immense nuée de témoins », regardant là où ils regardent, nous gardons les yeux « fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi » (He 12,2).

L’espérance, pour sa part, est celle qui ouvre la foi aux surprises de Dieu. Notre Dieu est toujours plus grand que tout ce que nous pouvons penser et imaginer de lui, de ce qui lui appartient et de sa manière d’agir dans l’histoire. L’ouverture de l’espérance confère à notre foi une fraîcheur et un horizon. Ce n’est pas l’ouverture d’une imagination velléitaire qui projetterait ses rêves et ses propres désirs, mais l’ouverture qui provoque en nous de voir la spoliation de Jésus, « renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. » (He 12,2). L’espérance qui attire, paradoxalement, ce n’est pas l’image du Seigneur transfiguré qui la génère, mais son image ignominieuse. « J’attirerai tout le monde à moi » (Jn 12,32). C’est le don total du Seigneur sur la croix, ce qui nous attire, parce qu’il révèle la possibilité d’être la plus authentique. C’est la spoliation de celui qui ne s’empare pas de la promesse de Dieu mais qui, en véritable testateur, passe la flamme de l’héritage à ses enfants : « Or, quand il y a testament, il est nécessaire que soit constatée la mort de son auteur. » (He 9,16).

Enfin, le discernement est ce qui concrétise la foi, ce qui la rend « agissante par la charité » (Ga 5,6), ce qui permet de donner un témoignage crédible : « moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. » (Jc 2,18). Le discernement regarde en premier lieu ce qui plaît à notre Père « qui voit dans le secret » (Mt 6,4-6), ne regarde pas les modèles de perfection des paradigmes culturels. Le discernement est « du moment » parce qu’il est attentif, comme la Vierge Marie à Cana, au bien de son prochain qui peut faire en sorte que le Seigneur anticipe « son heure » ou qu’il « saute » un sabbat pour remettre debout celui qui était paralysé. Le discernement du moment opportun (kairos) est fondamentalement riche de mémoire et d’espérance : en se souvenant avec amour, il oriente avec lucidité son regard vers ce qui guide le mieux vers la Promesse.

Et ce qui guide le mieux est toujours en relation avec la croix. Avec cette dépossession de ma volonté, avec ce drame intérieur du « non pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26-39) qui me met dans les mains du Père et fait en sorte que ce soit lui qui guide ma vie.

Grandir dans la foi

Je reviens un instant au thème de la « croissance ». Si vous relisez avec attention Evangelii gaudium – qui est un document programmatique – vous verrez qu’il parle toujours de « croissance » et de « maturation », dans la foi comme dans l’amour, dans la solidarité comme dans la compréhension de la parole. Evangelii gaudium a une perspective dynamique. « Le mandat missionnaire du Seigneur comprend l’appel à la croissance de la foi quand il indique : “leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit” (Mt 28, 20). Ainsi apparaît clairement que la première annonce doit donner lieu aussi à un chemin de formation et de maturation. » (n.160).

Je souligne ceci : chemin de formation et de maturation dans la foi. Et prendre ceci au sérieux implique que « Il ne serait pas correct d’interpréter cet appel à la croissance exclusivement ou prioritairement comme une formation doctrinale. » (n.161) La croissance dans la foi se produit à travers les rencontres avec le Seigneur au cours de la vie. Ces rencontres se gardent comme un trésor dans la mémoire et sont notre foi vive, dans une histoire de salut personnel.

Dans ces rencontres, l’expérience est celle d’une plénitude incomplète. Incomplète, parce que nous devons continuer à marcher ; plénitude, parce que, comme dans toutes les choses humaines et divines, dans chaque partie se trouve le tout. Cette maturation constante vaut pour le disciple comme pour le missionnaire, pour le séminariste comme pour le prêtre et l’évêque. Au fond, c’est ce cercle vertueux auquel se réfère le Document d’Aparecida qui a forgé la formule « disciples missionnaires ».

Le point fixe de la croix

Quand je parle de points fixes ou de « faire pivot », l’image que j’ai à l’esprit est celle du jouer de basket-ball, qui plante son pied par terre comme un « pivot » en effectuant des mouvements pour protéger la balle ou pour trouver un espace pour la passer, ou pour prendre son élan et aller au filet. Pour nous, ce pied planté au sol, autour duquel nous pivotons, est la croix du Christ. Une phrase écrite sur le mur de la chapelle de la Maison de retraites de San Miguel (Buenos Aires) disait : « La Croix est fixe, tandis que le monde tourne » (« Stat crux dum volvitur orbis », devise de saint Bruno et des chartreux). Puis quelqu’un se déplace en protégeant la balle, avec l’espérance de marquer un panier et en cherchant à comprendre à qui la passer.

La foi – le progrès et la croissance dans la foi – se fonde toujours sur la Croix : « il a plu à Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Évangile » d’« un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes » (1Co 1,21.23). En gardant donc, comme le dit la lettre aux Hébreux, « les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi », nous avançons et nous exerçons notre mémoire – en nous rappelant cette « immense nuée de témoins » – et nous courons avec espérance « l’épreuve qui nous est proposée », en discernant les tentations contre la foi ; « et vous ne serez pas accablés par le découragement » (cf. He 12,1-3).

Mémoire deutéronomique

Dans Evangelii gaudium, j’ai voulu mettre en relief cette dimension de la foi que j’appelle deutéronomique, par analogie avec la mémoire d’Israël : « La joie évangélisatrice brille toujours sur le fond de la mémoire reconnaissante : c’est une grâce que nous avons besoin de demander. Les Apôtres n’ont jamais oublié le moment où Jésus toucha leur cœur : “C’était environ la dixième heure” (Jn 1,39) » (n.13).

Dans « l’immense nuée de témoins » […], on distingue certaines personnes qui ont marqué particulièrement pour faire germer notre joie croyante : « Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu » (He 13,7). Parfois il s’agit de personnes simples et proches qui nous ont initié à la vie de la foi : « J’ai souvenir de la foi sincère qui est en toi : c’était celle qui habitait d’abord Loïs, ta grand-mère, et celle d’Eunice, ta mère » (2 Tm 1,5). Le croyant est fondamentalement « quelqu’un qui fait mémoire » (ibid).

La foi s’alimente et se nourrit de la mémoire. La mémoire de l’Alliance que le Seigneur a faite avec nous : il est le Dieu de nos pères et de nos grands-parents. Il n’est pas le Dieu du dernier moment, un Dieu sans histoire de famille, un Dieu qui, pour répondre à tous les nouveaux paradigmes, devrait écarter les précédents comme s’ils étaient vieux et ridicules. L’histoire familiale n’est « jamais démodée ».

Les vêtements et les chapeaux de nos grands-parents pourront sembler vieux, les photos seront couleur seppia, mais l’affection et l’audace de nos pères, qui se sont dépensés pour que nous puissions être ici et avoir ce que nous avons, sont une flamme allumée dans tous les cœurs nobles.

Gardons bien présent à l’esprit que progresser dans la foi ce n’est pas seulement la résolution volontariste de croire davantage à partir de maintenant : c’est aussi l’exercice de retourner avec la mémoire aux grâces fondamentales. On peut « progresser en arrière », en allant chercher de nouveau des trésors et des expériences qui étaient oubliés et qui contiennent bien souvent les clés pour comprendre le présent. C’est quelque chose de vraiment « révolutionnaire » : aller aux racines. Plus la mémoire du passé est lucide, plus clairement s’ouvre l’avenir, parce qu’on peut voir la route réellement neuve et la distinguer des routes déjà parcourues qui n’ont mené nulle part. La foi grandit en se souvenant, en reliant les choses avec l’histoire réelle vécue par nos pères et par tout le peuple de Dieu, par toute l’Église.

C’est pourquoi l’Eucharistie est le mémorial de notre foi, ce qui nous situe toujours de nouveau, quotidiennement, dans l’événement fondamental de notre salut, dans la Passion, la mort et la résurrection du Seigneur, centre et pivot de l’histoire. Toujours revenir à ce mémorial – l’actualiser dans un sacrement qui se prolonge dans la vie – c’est progresser dans la foi. Comme le disait saint Alberto Hurtado : « La messe est ma vie et ma vie est une messe prolongée ».

Pour remonter aux sources de la mémoire, cela m’aide toujours de relire un passage du prophète Jérémie et un autre du prophète Osée, dans lesquels ils nous parlent de ce que le Seigneur de son peuple. Pour Jérémie, le souvenir du Seigneur est celui de l’épouse aimée de sa jeunesse, qui lui a ensuite été infidèle. « Je me souviens – dit-il à Israël –, de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée, lorsque tu me suivais au désert […]. Israël était consacré au Seigneur » (2,2-3).

Le Seigneur reproche à son peuple son infidélité, qui s’est révélée un mauvais choix : « Oui, mon peuple a commis un double méfait : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! […] Mais tu dis : « Rien à faire ! Non, j’aime les étrangers et je veux courir à leur suite ! » (2,13.25).

Pour Osée, le souvenir du Seigneur est celui du fils choyé et ingrat : « Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. Quand je l’ai appelé, il s’est éloigné pour […] brûler des offrandes aux idoles. C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, et il n’a pas compris que je venais à son secours. Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. […] Mon peuple s’accroche à son infidélité » (11,1-4.7).

Aujourd’hui comme alors, l’infidélité et l’ingratitude des pasteurs rejaillissent sur les plus pauvres du peuple fidèle, qui restent à la merci des étrangers et des idolâtres.

L’espérance, pas seulement dans l’avenir

La foi est soutenue et progresse grâce à l’espérance. L’espérance est l’ancre ancrée dans le ciel, dans le futur transcendant, dont le futur temporel – considéré sous une forme linéaire – n’est qu’une expression. L’espérance est ce qui dynamise le regard à l’intérieur de la foi, qui conduit à trouver des choses nouvelles dans le passé – dans les trésors de la mémoire – parce qu’elle rencontre le Dieu qu’elle espère voir dans le futur. En outre, l’espérance s’étend jusqu’aux limites, dans toute la largeur et dans toute l’épaisseur du présent quotidien et immédiat, et elle voit des possibilités nouvelles dans le prochain et dans ce qui peut être fait ici, aujourd’hui. L’espérance, c’est savoir voir, dans le visage des pauvres que je rencontre aujourd’hui, ce Seigneur qui viendra un jour nous juger selon le protocole de Matthieu 25 « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (v.40).

Ainsi la foi progresse existentiellement en croyant en cet « impulsion » transcendante qui se met en mouvement – qui est active et agissante – vers le futur, mais aussi vers le passé et dans toute l’ampleur du moment présent. C’est ainsi que nous pouvons comprendre la phrase de Paul aux Galates, quand il dit que ce qui vaut est « la foi qui agit par la charité » (5,6) : une charité qui, quand elle fait mémoire, s’active en confessant, dans la louange et dans la joie, que l’amour lui a déjà été donné ; une charité qui, lorsqu’elle regarde en avant et vers le haut, confesse son désir de dilater son cœur dans la plénitude du plus grand bien ; ces deux confessions d’une foi riche de gratitude et d’espérance, se traduisent dans l’action présente : la foi se confesse dans la pratique, en sortant de soi, en se laissant transcender dans l’adoration et le service.

Discernement du moment

Nous voyons ainsi comment la foi, dynamisée par l’espérance de découvrir le Christ dans l’épaisseur du présent, est liée au discernement.

C’est le propre du discernement de faire d’abord un pas en arrière, comme lorsqu’on rétrograde un peu pour mieux voir le panorama. Il y a toujours une tentation dans la première impulsion qui pousse à vouloir résoudre quelque chose immédiatement. En ce sens, je crois qu’il y a un premier discernement, grand et fondateur, à savoir celui qui ne se laisse pas tromper par la force du mal, mais qui sait voir la victoire de la croix du Christ dans toutes les situations humaines. À ce point, j’aimerais relire avec vous un passage entier d’Evangelii gaudium, parce qu’il aide à discerner cette tentation insidieuse que j’appelle le pessimisme stérile : « Une des plus sérieuses tentations qui étouffent la ferveur et l’audace est le sens de l’échec, qui nous transforment en pessimistes mécontents et déçus au visage assombri. Personne ne peut engager une bataille si auparavant il n’espère pas pleinement la victoire. Celui qui commence sans confiance a perdu d’avance la moitié de la bataille et enfouit ses talents. Même si c’est avec une douloureuse prise de conscience de ses propres limites, il faut avancer sans se tenir pour battu, et se rappeler ce qu’a dit le Seigneur à saint Paul : “Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse” (2 Co 12, 9). Le triomphe chrétien est toujours une croix, mais une croix qui en même temps est un étendard de victoire, qu’on porte avec une tendresse combative contre les assauts du mal. Le mauvais esprit de l’échec est frère de la tentation de séparer prématurément le grain de l’ivraie, produit d’un manque de confiance anxieux et égocentrique. […] Dans tous les cas, en pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » (85-86).

Ces formulations « ne nous laissons pas voler… » me viennent des règles de discernement de saint Ignace, qui a l’habitude de représenter le démon comme un voleur. Il se comporte comme un capitaine, dit Ignace, qui, pour vaincre et dérober ce qu’il désire, nous combat dans notre partie la plus faible (cf. Exercices spirituels, 327). Et dans notre cas, dans l’actualité, je crois qu’il cherche à nous voler la joie – qui est comme nous voler le présent [5] – et l’espérance – sortir, marcher – qui sont les grâces que je demande et que je fais demander le plus pour l’Église en ce moment.

Il est important, à ce point, de faire un pas en avant et de dire que la foi progresse quand, dans le moment présent, nous discernons comment concrétiser l’amour dans le bien possible, rapporté au bien de l’autre. Le premier bien de l’autre est de pouvoir grandir dans la foi. La prière communautaire des disciples, « Augmente en nous la foi ! » sous-tend la conscience que la foi est un bien communautaire. Il faut en outre considérer que cherche le bien de l’autre nous fait prendre un risque. Comme dit Evangelii gaudium : « Un cœur missionnaire est conscient […] que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Évangile et dans le discernement des sentiers de l’Esprit, et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route » (45).

Dans ce discernement, l’acte de foi dans le Christ présent dans le plus pauvre, dans le plus petit, dans la brebis perdue, dans l’ami insistant, est implicite. Le Christ présent dans celui qui vient à notre rencontre – en se faisant voir, comme Zachée ou la pécheresse qui entre avec son vase de parfum, ou presque sans se faire remarquer, comme l’hémorroïse – ; ou le Christ présent dans celui que nous-même accostons, en éprouvant de la compassion quand nous le voyons de loin, étendu sur le bord de la route. Croire que là est le Christ, discerner la meilleure façon de faire un petit pas vers lui, pour le bien de cette personne, est un progrès dans la foi. De même que louer est un progrès dans la foi et désirer plus est un progrès dans la foi.

Cela peut nous faire du bien de nous arrêter maintenant un peu sur ce progrès dans la foi qui advient grâce au discernement du moment. Le progrès de la foi dans la mémoire et dans l’espérance est plus développé. En revanche, ce point fixe du discernement, peut-être pas tant. Il peut même sembler que là où il y a la foi, il ne devrait pas y avoir besoin de discernement : on croit et cela suffit. Mais ceci est dangereux, surtout si nous remplaçons les actes de foi renouvelés dans une personne – dans le Christ notre Seigneur – qui ont tout le dynamisme que nous venons de voir, par des actes de foi purement intellectuels, dont le dynamisme s’épuise à faire des réflexions et à élaborer des formulations abstraites. La formulation conceptuelle est un moment nécessaire de la pensée, comme choisir un moyen de transport est nécessaire pour atteindre un but. Mais la foi ne s’épuise pas dans une formulation abstraite ni la charité dans un bien particulier mais le propre de la foi et de la charité est de grandir et de progresser en s’ouvrant à une plus grande confiance et à un bien commun plus grand. Le propre de la foi est d’être « agissante », active, et de même la charité. Et la pierre de comparaison est le discernement. En effet, la foi peut se fossiliser, en conservant l’amour reçu, en le transformant en un objet à enfermer dans un musée ; et la foi peut aussi se volatiliser, dans la projection de l’amour désiré, en le transformant en un objet virtuel qui n’existe que sur l’île des utopies. Le discernement de l’amour réel, concret et possible au moment présent, en faveur du prochain le plus dramatiquement démuni, fait que la foi devient active, créative et efficace.

[À suivre pour la seconde partie sur saint Pierre]

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Commentaire des lectures du dimanche

Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre

À partir du mercredi des cendres, le cycle des « dimanches ordinaires » est interrompu. Nous le reprendrons dans trois mois et demi, après la Pentecôte. Nous allons maintenant vivre un temps privilégié, celui du « cycle pascal », qui comprend le temps du Carême et le temps de Pâques.

Pendant les deux premiers dimanches du Carême, nous lisons la version de saint Matthieu des tentations de Jésus et de la transfiguration. Puis, nous aurons les trois superbes textes de saint Jean qui préparaient traditionnellement les nouveaux chrétiens au baptême : le Christ qui offre l’eau vive à la Samaritaine, qui ouvre les yeux à l’aveugle de naissance, qui redonne vie à son ami Lazare.

Pendant les premiers siècles du christianisme, ces lectures bibliques ont accompagné les adultes qui désiraient entrer dans l’Église. Elles étaient aussi proposées aux chrétiens qui voulaient renouveler les promesses de leur baptême pendant la veillée pascale. Pour atteindre ce but, la période du carême offrait plusieurs moyens qui pouvaient aider à réanimer la ferveur chrétienne : l’écoute de la parole de Dieu, le service aux frères et sœurs, le jeûne, le partage et la prière. Ces moyens demeurent, encore aujourd’hui, la base de tout renouvellement chrétien.

Le récit des tentations dans le désert nous est raconté par les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), mais dans chaque cas avec des nuances différentes, correspondant au message théologique que chacun veut transmettre. Dans le récit de Matthieu, l’Esprit Saint conduit Jésus au désert, pour qu’il aille affronter l’Adversaire. Ces tentations du désert seront celles qu’il rencontrera tout au long de sa vie : tenté par les foules qui veulent le faire roi, tenté quand les gens qui lui réclament des miracles, tenté par Pierre qui le presse de renoncer à la folie de la croix, tenté par ses adversaires qui l’invite à descendre de la croix.

Le projet de Satan se révèle surtout dans la troisième tentation, qui résume toutes les autres et que Jésus repousse de façon radicale. C'est la tentation de l’argent et du pouvoir : « Le démon l’emmène sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde... “Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer“ » (Mt 4, 10) Tout au long de sa vie publique, Jésus a toujours refusé le pouvoir. Il ne faut pas oublier que les évangélistes écrivent au moment où la Palestine est occupée par l'Empire romain, la super-puissance du temps, qui attribue à ses empereurs un pouvoir divin. Les évangiles nous révèlent que le pouvoir oppresseur est diabolique. Le pouvoir isole, rend arrogant et implacable, alors que Jésus parle de communion et de service.

Jésus refuse de dominer les autres. « Le Fils de l'homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie... » Toute sa vie fut un service. Il fut l’homme pour les autres. Jésus a multiplié les pains pour les autres ; il a fait des gestes de guérison pour les autres ; il a libéré la femme adultère de ses accusateurs ; réintégré les lépreux à leur famille et à leur communauté; mangé avec les publicains et les pécheurs, redonné un sens à la vie de Marie Madeleine et de Zachée.

Dans le texte des tentations, Matthieu présente Jésus comme le fils obéissant du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma confiance ». Contrairement à Adam et Ève, Jésus, le nouvel Adam a vaincu toutes les tentations pour faire la volonté de son Père. « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

Satan essaie de détourner Jésus de sa vocation de fils aimé du Père : « Si tu es le Fils de Dieu ! ». La tentation la plus grave du baptisé, c'est d’abdiquer son titre de fils ou de fille de Dieu, de ne plus avoir confiance en lui, de vouloir se passer de lui. Le péché, c’est d’abandonner la maison paternelle, comme le fit l’enfant prodigue, pour chercher le bonheur ailleurs, loin de Dieu, comme ont voulu le faire Adam et Ève qui mirent en doute l’amour de Dieu pour eux et cherchèrent à se débarrasser de lui. C’est alors qu’ils découvrirent « qu’ils étaient nus », c'est-à-dire fragiles, vulnérables, laissés à eux-mêmes et voués à la mort.

Aujourd’hui plus que jamais, l’adversaire de Dieu attaque le croyant dans sa qualité de croyant, en le persuadant qu’il suffit de se contenter des nourritures terrestres : le sport, les études, la carrière, l’argent, le pouvoir. Face à cette recherche de liberté absolue et d’autonomie totale, le Christ nous rappelle que ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre... mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

« Le Fils de l'homme est venu, non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie... »

© Cursillo - 2017