Pko 03.12.2017
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°63/2017
Dimanche 3 décembre 2017 – 1er Dimanche de l’Avent – Année A
Humeurs…
Quelle cohérence ?
Le 3 décembre est la « Journée internationale des personnes handicapées ». À Tahiti, notamment dans la ville de Papeete, on sait qu’il y a bien souvent un abîme entre les discours et la réalité !
Si vous avez l’occasion de passer près du Fare Loto ces jours-ci, vous y rencontrerez une jeune femme avec une jambe amputée assise sur sa chaise roulante… elle vient de revenir à la rue !
Originaire de Niau, où elle a sa maison pour laquelle elle paye encore des prêts, elle ne peut plus s’y rendre puisqu’elle est désormais dialysée trois jours par semaine !
Logée un temps dans une maison d’accueil prise en charge par la C.P.S.… l’aide est arrivée à son terme… bien que le travailleur social leur ai dit de ne pas sortir… la pression a eu raison d’elle et de son compagnon.
Les voici donc de retour dans la rue… pour combien de temps ??? Dieu seul sait… et encore ; nous ne sommes pas sûrs qu’il comprenne les méandres de l’administration polynésienne !!! Car si Dieu est un mystère le fonctionnement de la Polynésie est son rival !!!
Voici donc une jeune femme pour qui la société a dépensé de fortes sommes pour l’amputer, la soigner et désormais la chercher dans la rue trois fois par semaine pour l’emmener à la dialyse et, quelques heures après, la ramener sur son carton dans la rue !
Il n’existe que deux choses infinies : l’univers et la bétise humaine… mais pour l’univers je n’ai pas de certitude absolue.
Albert Einstein
Laissez-moi vous dire…
3 décembre : Journée internationale des personnes handicapées
« Si tu prends ma place, prends aussi mon handicap »
Pour le Saint-Père, l’Église ne peut être « aphone » ou « sonner faux » dans la défense de la promotion des personnes handicapées. Elle est proche des familles et les aide à dépasser la solitude dans laquelle elles risquent de s’enfermer par manque d’attention et de soutien. (Rome, 21 octobre 2017)
En vue de la journée internationale des personnes handicapées (dimanche 3 décembre), et pour me faire proche des Personnes à Mobilité Réduite j’ai tenté l’expérience de circuler dans les rues de Papeete avec mon petit mootua installé dans sa poussette.
De la Mission jusqu’au Lycée La Mennais : ça peut aller. Ensuite si tu prends rue Dumont d’Urville, côté montagne tu affrontes des « montagnes russes », et côté mer c’est impraticable ; en plus s’il pleut tu peux te préparer à de belles douches car beaucoup d’automobilistes ne semblent pas savoir que l’eau gicle en gerbes sous leurs roues !
Si tu continues la rue Tepano Jaussen vers la cathédrale en passant devant le SEFI c’est un régal jusqu’à la rue A.M. Javouhey, mais pour la traverser… bonjour la « cascade »… vol plané assuré !
Si tu prends la rue du Général de Gaulle vers Mc Do… attends-toi à slalomer à travers les étalages de certains magasins et entre les ados qui pullulent dans ce secteur. Prends plutôt la rue Jeanne d’Arc et va sur le front de mer, attention en traversant la cinq voies … les passages sont « protégés » mais il y a des fous au volant. Le long du port jusqu’à Toata, c’est « reva », que du bonheur, en plus tu rencontres plein de gens qui te connaissent… Par contre ne prends surtout pas le boulevard Pomare côté montagne, tu risques d’y perdre un pneu, si ce n’est pas une roue !
Si tu veux allez prendre un bateau pour Moorea, continue toujours côté mer ; j’ai vu des touristes, venant de l’hôtel Tiare Tahiti passer côté montagne, plusieurs ont cassé les roues de leurs valises !
Au retour de la gare maritime, j’ai voulu passer par l’avenue Vairaatoa et la rue des remparts : galère totale à cause des voitures garées sur les trottoirs.
La nuit, n’oublie pas ton mori pata car il y a des rues bien sombres (excepté le front de mer mieux éclairé que les Champs Elysées !).
Tout cela pour te dire : « le 3 décembre pense aux personnes handicapées quand tu te gareras ou te promèneras à Papeete, tu comprendras mieux le slogan “Si tu prends ma place, prends aussi mon handicap” ».
Dominique Soupé
Note d’espérance : La municipalité de Papeete a fait des progrès en matière de « stationnements PMR », elle promet d’autres aménagements pour faciliter la circulation des handicapés.
Dernière suggestion : essayez d’aller, avec une poussette, à l’agence postale du front de mer en venant du parc Bougainville…
© Cathédrale de Papeete - 2017
En marge de l’actualité…
« Ne nous laisse pas entrer en tentation »
À partir du 1er Dimanche de l’Avent, l’Église invite les fidèles à mettre en pratique une nouvelle traduction du « Notre Père » en langue française qui concerne la sixième demande : « Et ne nous soumets pas à la tentation » qui devient « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». Ce changement est l’occasion pour nous de redécouvrir le sens de cette demande.
Dans un premier temps, rappelons-nous que Jésus lui-même fut confronté à la tentation : après son baptême, il fut conduit au désert et par trois fois, fut tenté par Satan. Il fut également tenté au jardin de Gethsémani peu avant son arrestation : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ». Et à chacune de ces tentations, Jésus fait face avec courage en manifestant une fidélité sans faille à son Père, mettant ainsi en échecs les manœuvres du diable qui cherchait à l’éloigner de la volonté de son Père. La manœuvre du Satan n’était pas nouvelle. Dès la création d’Adam et Eve, celui-ci ne les avait-il pas séduits en les détournant du projet de Dieu et en leur faisant miroiter qu’ils pouvaient devenir des dieux, affirmant que Dieu leur mentait et les empêchait d’être heureux ! Le passage du livre de la Genèse 3,1-5 rapportant le dialogue entre Eve et le serpent illustre clairement le sens de cette tentation. Le serpent (le plus rusé de tous les animaux) sème le doute dans l’esprit de Eve en lui faisant croire que Dieu est jaloux, qu’il ment, et au bout du compte, que son amour pour sa créature n’est qu’illusion. Cette tentation demeure aujourd’hui bien réelle, de croire que Dieu ne nous aime pas, qu’il nous ment, qu’il nous trompe, qu’il ne cherche qu’à nous « coincer » et à punir ! Alors oui, il est bon de lui demander de nous aider à croire en la puissance de son amour et « qu’il ne nous laisse pas entrer en tentation ». Si Adam et Eve succombent, Jésus, lui, résiste en refusant d’entrer dans les perspectives du malin. Il repousse la tentation, il se nourrit de la Parole de son Père, il s’en remet totalement à lui pour son salut, il refuse à la haine d’envahir son cœur et porte un regard de miséricorde sur ceux qui le persécutent. Cette fidélité à son Père et ce refus de céder à la tentation conduit le Christ à sa victoire sur la croix, ce qu’expriment ces mots de l’apôtre Paul parlant de Jésus « obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix » (Ph 2,8).
La réalité de la tentation fait partie de notre vie. Elle trouve son origine chez le Satan, l’adversaire, qui cherche à nous séparer de Dieu. Le mot « diable » qui désigne aussi Satan signifie « celui qui divise », c’est-à-dire celui qui nous éloigne de Dieu, qui cherche à briser notre amitié avec Dieu. Ainsi, il est clair que Dieu ne saurait en aucun cas être celui qui nous tente ou qui chercherait à nous éloigner de lui. Être tenté n’est pas un péché, c’est une réalité. Tout va donc se jouer sur notre réaction face à la tentation : consentir ou refuser. Le diable prend un malin plaisir à nous séduire en faisant miroiter à nos imaginations, à notre intelligence des choix, des objets trompeurs qui éveillent notre désir et nous conduisent loin du chemin que Dieu nous propose. Cependant, souvenons-nous que nous sommes maîtres de notre volonté et de l’intimité de ce que nous sommes. La décision nous revient de consentir ou de refuser, et là, Satan ne peut rien !
Mais Jésus connait bien la réalité humaine, il sait de quoi nous sommes faits. Aussi, dans la prière à son Père qu’il enseigne aux disciples, figure cette demande : « Ne nous laisse pas entrer en tentation », c’est-à-dire « donne-nous de pouvoir dire non et de résister aux ruses du malin qui cherche à nous séparer de toi ». Au moment de sa Passion, il dira à ses disciples : « Priez pour ne pas entrer en tentation » (Lc 22, 40) Quand la tentation se présente, Jésus invite à prendre le chemin de l’union à Dieu, le chemin de la Foi, de l’Espérance et de la Charité.
Il convient ici de distinguer la tentation de l’épreuve. L’épreuve permet de mettre à jour et de révéler la réalité profonde d’une personne, au-delà des apparences incertaines. Ainsi dit-on que Dieu éprouve l’homme pour connaître le fond de son cœur, « comme l’or est vérifié au feu ». Que l’on se souvienne d’Abraham à qui Dieu demande d’offrir son fils Isaac pour vérifier sa foi et sa confiance… de l’Exode au cours duquel Dieu met son peuple à l’épreuve de la faim et de la soif… Mais lorsque l’épreuve vient du Satan, elle devient tentation. L’épreuve reste ordonnée à la vie, car elle rapproche de Dieu ; la tentation enfante la mort. Car elle éloigne de Dieu. L’épreuve est un don de grâce, la tentation une invitation au péché. L’épreuve permet la croissance dans la foi, la fidélité, l’espérance et la liberté, elle ajuste l’Homme au mystère de Dieu. Elle nous unit et nous fait entrer plus avant dans le mystère de la mort résurrection du Christ. Saint Paul s’adressant aux Corinthiens leur dit : « Dieu est fidèle : il ne permettra pas que soyez éprouvés au-delà de vos forces. Mais avec l’épreuve, il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1Co 10,13) La tentation venant du Satan détourne le croyant de sa relation à Dieu, elle sert ce désir toujours présent chez l’homme de se prendre pour Dieu, de prendre sa place, elle pousse l’homme à renier l’alliance que Dieu a conclue avec lui par son Fils Jésus Christ.
Reprenant les mots du P. Colomban parus dans le bulletin « Église en Nouvelle Calédonie » de Juillet 2017 demandons à notre Père des Cieux « non pas de ne pas être tentés, mais qu’il nous évite des épreuves que nous risquons de ne pas pouvoir supporter. Devant le risque grave que constitue la tentation, nous prions donc de ne pas nous exposer à une telle épreuve (…) où nous serions tentés de l’abandonner parce que sa présence ne nous parait plus sensible. » Nous lui demandons de nous préserver d’entrer dans les vues du tentateur et de nous aider à ne pas y consentir. Enfin, n’omettons pas le fait que cette demande, comme les autres demandes du « Notre Père », est formulée par un « NOUS ». Le combat contre la tentation demande une décision personnelle que nul ne pourra prendre à notre place, certes, mais c’est ensemble et en Église que nous serons plus forts pour résister. Ne l’oublions pas ! Le « Nous » nous conduit à mener ensemble le combat contre le mal.
+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2017
Homélie du Pape François aux évêques birmans…
Guérison, accompagnement et prophétie
Après une messe devant 150 000 catholiques birmans et une rencontre avec les moines bouddhistes du pays, le Pape a retrouvé les 22 évêques catholiques birmans dans le complexe de la cathédrale de Rangoun, pour le troisième jour de son voyage apostolique en Birmanie, le 29 novembre 2017. « L’Église est un hôpital de campagne. N’oubliez pas d'être le plus proche possible des prêtres, et que chaque prêtre ne sache pas, mais sente aussi qu'il peut trouver un père en chaque évêque ! La prière est le premier devoir de l'évêque », a enjoint le Pape François, sortant de son discours officiel aux évêques birmans.
Eminence, chers frères Evêques,
Cette journée a été, pour nous tous, bien remplie, mais de grande joie ! Ce matin nous avons célébré l’Eucharistie avec les fidèles venant de toutes les parties du pays, et dans l’après-midi nous avons rencontré les leaders de la communauté bouddhiste majoritaire. J’aimerais que notre rencontre ce soir soit un moment de sereine gratitude pour ces bénédictions, et de tranquille réflexion sur les joies et sur les défis de votre ministère de Pasteurs du troupeau du Christ dans ce pays. Je remercie Monseigneur Felix [Lian Khen Thang] pour les paroles de salutation qu’il m’a adressées en votre nom ; je vous embrasse tous dans le Seigneur avec grande affection.
Je voudrais rassembler mes pensées autour de trois paroles : guérison, accompagnement et prophétie.
La première, guérison. L’Evangile que nous prêchons est surtout un message de guérison, de réconciliation et de paix. Par le sang du Christ sur la croix, Dieu a réconcilié le monde avec lui et il nous a envoyés pour être des messagers de cette grâce qui guérit, grâce de guérison. Ici, au Myanmar, ce message a une résonnance particulière, étant donné que le pays travaille à vaincre des divisions profondément enracinées et à construire l’unité nationale. Vos troupeaux portent les traces de ce conflit, et ils ont produit de valeureux témoins de la foi et des antiques traditions. Pour vous, la prédication de l’Evangile ne doit donc pas être seulement une source de consolation et de force, mais aussi un appel à favoriser l’unité, la charité et la guérison dans la vie du peuple. L’unité que nous partageons et célébrons naît de la diversité – ne pas oublier cela, elle naît de la diversité - ; elle valorise les différences entre les personnes en tant que source d’enrichissement mutuel et de croissance ; elle les invite à se retrouver ensemble, dans une culture de la rencontre et de la solidarité.
Dans votre ministère épiscopal, puissiez-vous faire constamment l’expérience de la conduite et de l’aide du Seigneur dans l’engagement à favoriser la guérison et la communion à tout niveau de la vie de l’Eglise, de sorte que le saint Peuple de Dieu, votre troupeau, par son exemple de pardon et d’amour qui réconcilie, puisse être sel et lumière pour les cœurs qui aspirent à cette paix que le monde ne peut donner. La communauté catholique au Myanmar peut être fière de son témoignage prophétique d’amour pour Dieu et le prochain qui s’exprime dans l’engagement pour les pauvres, pour ceux qui sont privés de droits et surtout, ces temps-ci, pour tant de déplacés qui, pour ainsi dire, gisent blessés au bord de la route. Je vous demande de transmettre mes remerciements à tous ceux qui, comme le bon Samaritain, se dévouent avec générosité pour leur porter, ainsi qu’au prochain dans le besoin, le baume de la guérison, sans tenir compte de la religion ou de l’ethnie.
Votre ministère de guérison trouve une expression particulière dans l’engagement pour le dialogue œcuménique et pour la collaboration interreligieuse. Je prie afin que vos continuels efforts pour construire des ponts de dialogue et pour vous unir aux adeptes d’autres religions en tissant des relations de paix produisent des fruits abondants pour la réconciliation dans la vie du pays. La conférence de paix interreligieuse qui s’est tenue à Yangon le printemps dernier a été un témoignage important, devant le monde, de la détermination des religions à vivre en paix et à rejeter tout acte de violence et de haine perpétré au nom de la religion.
Et dans cette guérison, rappelez-vous que l’Eglise est un “hôpital de campagne”. Guérir, guérir les blessures, guérir les âmes, guérir. C’est votre première mission, guérir, guérir les blessés.
Ma deuxième parole pour vous ce soir est accompagnement. Un bon pasteur est constamment présent à son troupeau, il marche à ses côtés en le conduisant. Comme j’aime le dire, le Pasteur devrait porter l’odeur des brebis ; mais aussi l’odeur de Dieu, ne l’oubliez pas !, aussi l’odeur de Dieu. De nos jours, nous sommes appelés à être une “Eglise en sortie” pour porter la lumière du Christ à toute périphérie (cf. Evangelii gaudium, n. 20). En tant qu’Evêques, vos vies et votre ministère sont appelés à se configurer à cet esprit d’engagement missionnaire, surtout par les visites pastorales régulières aux paroisses et aux communautés qui forment vos Eglises locales. Ceci est un moyen privilégié pour accompagner, comme des pères aimants, vos prêtres dans l’engagement quotidien à faire grandir le troupeau en sainteté, fidélité et esprit de service. J’ai parlé d’accompagner les prêtres : soyez proches des prêtres, n’oubliez pas que le prochain le plus proche qu’a un évêque est le prêtre. Que chaque prêtre non seulement le sache, mais sente qu’il a dans l’évêque, un père.
Par la grâce de Dieu, l’Eglise au Myanmar a hérité d’une foi solide et d’un fervent souffle missionnaire, grâce à l’œuvre de ceux qui ont porté l’Evangile en cette terre. Sur ces fondements stables, et en communion avec les prêtres et les religieux, continuez à imprégner les laïcs d’un authentique esprit de disciple missionnaire, et à rechercher une sage inculturation du message évangélique dans la vie quotidienne et dans les traditions de vos communautés locales. La contribution des catéchistes est, à cet égard, essentielle. Leur enrichissement par la formation doit rester pour vous une priorité. Et n’oubliez pas que les catéchistes sont les piliers, dans chaque paroisse, de l’évangélisation.
Par-dessus tout, je voudrais vous demander un engagement spécial dans l’accompagnement des jeunes. Occupez-vous de leur formation aux sains principes moraux qui les guideront pour affronter les défis d’un monde menacé par les colonisations idéologiques et culturelles. Le prochain Synode des Evêques regardera non seulement ces aspects, mais il interpellera directement les jeunes, en écoutant leurs histoires et en les impliquant dans le discernement commun pour une meilleure proclamation de l’Evangile dans les années à venir. Une des grandes bénédictions de l’Eglise au Myanmar est sa jeunesse et, en particulier, le nombre de séminaristes et de jeunes religieux. Remercions Dieu pour cela. Dans l’esprit du Synode, s’il vous plaît, impliquez-les et soutenez-les dans leur parcours de foi, parce qu’ils sont appelés, à travers leur idéalisme et leur enthousiasme, à être des évangélisateurs joyeux et convaincants des jeunes de leur âge.
Ma troisième parole pour vous est prophétie. L’Eglise au Myanmar témoigne tous les jours de l’Evangile par ses œuvres éducatives et caritatives, sa défense des droits humains, son soutien aux principes démocratiques. Puissiez-vous mettre la communauté catholique dans les conditions de continuer à avoir un rôle constructif dans la vie de la société, en faisant entendre votre voix sur les questions d’intérêt national, particulièrement en insistant sur le respect de la dignité et des droits de tous, et de manière spéciale des plus pauvres et des plus vulnérables. J’ai confiance que la stratégie pastorale quinquennale, que l’Eglise a mise en œuvre, dans le contexte plus vaste de la construction de l’Etat, portera des fruits abondants, non seulement pour l’avenir des communautés locales, mais aussi du pays tout entier. Je fais référence spécialement à la nécessité de protéger l’environnement et d’assurer une correcte utilisation des riches ressources naturelles du pays au bénéfice des générations à venir. La garde du don divin de la création ne peut pas être séparée d’une saine écologie humaine et sociale. En effet « La protection authentique de nos relations avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres » (Laudato si’, n.70).
Chers frères Evêques, je remercie Dieu pour ce moment de communion et je prie pour que le fait d’être ensemble nous renforce dans notre engagement à être des pasteurs fidèles et des serviteurs du troupeau que le Christ nous a confié. Je sais que votre ministère est prenant et que, avec vos prêtres, vous peinez souvent sous « le poids du jour et de la chaleur » (Mt 20, 12). Je vous exhorte à maintenir un équilibre pour votre santé, tant physique que spirituelle, et à penser, paternellement, à la santé de vos prêtres.
Et en parlant de santé spirituelle, rappelez-vous de la première tâche de l’évêque. Quand les premiers chrétiens ont reçu les plaintes des Hellénistes parce que leurs veuves et leurs enfants étaient négligés, les apôtres se sont réunis et ont “inventé” les diacres. Et Pierre annonce cette nouvelle et annonce aussi la tâche de l’évêque en disant ainsi : « Quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole » (cf. Ac 6, 1-6). La prière est la première tâche de l’évêque. Chacun de nous, évêque, devra se demander, le soir, dans l’examen de conscience “Combien d’heures ai-je prié aujourd’hui ?.
Chers frères, je vous exhorte à maintenir l’équilibre de la santé physique et spirituelle. Surtout, je vous encourage à grandir chaque jour dans la prière et dans l’expérience de l’amour réconciliant de Dieu, car c’est la base de votre identité sacerdotale, la garantie de la solidité de votre prédication et la source de la charité pastorale avec laquelle vous conduisez le Peuple de Dieu sur les sentiers de la sainteté et de la vérité. Avec grande affection j’invoque la grâce du Seigneur sur vous, sur les prêtres, les religieux et sur tous les laïcs de vos Eglises locales. Je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier pour moi.
Et maintenant, je vous invite à prier tous ensemble, vous en birman, moi en espagnol, l’Ave Maria à la Vierge Marie.
[Ave Maria]
Que Dieu Tout-Puissant vous bénisse, le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
© Libreria Editrice Vatican - 2017
Nouvelle traduction du Notre Père…
Le Notre Père fait partie du patrimoine commun de notre société
À partir du 3 décembre, les chrétiens diront une nouvelle traduction du « Notre Père ». Une révolution ? Pour le père Mathieu Rougé, cette évolution montre la richesse de la Révélation chrétienne n'en finit pas d'être interprétée.
Le Figaro.- Le 3 décembre prochain entrera en vigueur le nouveau « Notre Père ». Le « nous ne soumets pas à la tentation » sera transformé en « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Pourquoi un tel changement maintenant ?
Mathieu ROUGE.- Parler d'un nouveau « Notre Père » est excessif : il ne s'agit que de modifier la formulation d'une de ses invocations finales. La traduction de cette prière par excellence de tous les chrétiens n'a jamais cessé de faire débat, comme du reste l'ensemble des traductions bibliques et évangéliques. Car traduire, c'est interpréter et on n'a jamais fini d'interpréter la Révélation. Cela est heureux, parce que l'interprétation de la Parole de Dieu est une des expressions significatives de la liberté spirituelle qui fait partie, de manière fondatrice, de l'expérience chrétienne. La traduction encore en vigueur datait de la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II et du passage habituel du latin au français. Elle ne semblait pas pleinement satisfaisante et, dans le cadre d'une révision générale de la traduction des textes de la Messe (encore en chantier), le moment a semblé venu d'améliorer un texte qui gênait beaucoup de fidèles dans leur vie de prière.
Le Figaro.- La formule latine « ne nos inducas in tentationem » était autrefois traduite par « ne nous laisse pas succomber à la tentation ». N'est-ce pas là la formule plus juste, en ce qu'elle délivre Dieu de la responsabilité d'être le tentateur mais lui donne pouvoir d'aider l'homme ?
Mathieu ROUGE.- L'important n'est pas d'abord de trouver une formulation conforme à notre théologie, fût-elle excellente, mais de proposer une traduction aussi exacte que possible du grec du Nouveau Testament tout en tenant compte des hébraïsmes qu'il peut véhiculer. Ainsi le texte évangélique, le texte révélé, peut-il nous entraîner au-delà de nos réactions et de nos réflexions seulement humaines. « Ne nous laisse pas entrer en tentation » exprime bien et la responsabilité qui incombe à l'homme lui-même de ne pas choisir ce qui mène au mal et la force que Dieu peut lui donner de ne pas se tromper de chemin. Le mot « peirasmos », traduit par « tentation », a lui aussi fait discussion : s'agit-il de l'attrait du mal ou plutôt de l'épreuve (matérielle, psychologique) éventuellement lourde mais moralement neutre ? La traduction aujourd'hui proposée tranche en faveur de la première solution : ce qui est en cause ici, c'est la question du mal et de l'emprise qu'il peut avoir sur nos cœurs et sur nos vies.
Le Figaro.- La modification d'une prière essentielle au christianisme peut jeter dans le trouble beaucoup de fidèles (quand on pense que le schisme oriental a eu lieu à propos d'un mot : filioque). Cela veut-il dire que pendant cinquante ans les fidèles ont récité une prière fausse ?
Mathieu ROUGE.- L'introduction du filioque (l'Esprit Saint procède du Père « et du Fils ») dans le Credo - qui sema en effet, avec beaucoup d'autres malentendus, la discorde entre catholiques et orthodoxes - et le changement de traduction du Notre Père ne sont pas du même ordre : dans un cas, ce qui était en cause était la présentation du cœur même de la foi tandis que, dans l'autre, il ne s'agit que de la précision d'une attitude spirituelle. Pour ce qui concerne le Notre Père d'ailleurs, l'Église catholique s'aligne aujourd'hui pratiquement sur l'usage déjà en vigueur chez les orthodoxes francophones. Cette nouvelle traduction ne prend pas le contre-pied de la précédente mais l'améliore, l'affine. La version qu'on qualifiera d'ancienne dans quelques jours n'était pas fausse mais risquait de prêter à confusion en donnant l'impression que Dieu lui-même pourrait être notre tentateur, l'auteur de l'attrait du mal. Dieu respecte notre liberté même de faire le mal, par amour de notre liberté, mais ne cesse de nous rendre capables de choisir le bien et de nous en donner le désir.
Le Figaro.- Dans une chronique qui a fait polémique, le philosophe Raphaël Enthoven a vu derrière ce changement une volonté cachée de se distinguer de l'islam qui prône lui la « soumission » à Dieu. Que vous inspire cette réflexion ? En quoi le Dieu des chrétiens diffère du Dieu des musulmans de ce point de vue : exige-t-il une soumission des hommes ?
Mathieu ROUGE.- La bonne nouvelle, la nouvelle surprenante, est que de nombreux médias s'intéressent à cette réforme de la traduction du Notre Père. Elle aurait pu passer inaperçue, rester le sujet interne d'une minorité de pratiquants. Tout se passe au contraire comme si le Notre Père faisait partie du patrimoine spirituel commun de notre société, constituait un de ses « lieux de mémoire », pour reprendre le beau concept forgé par Pierre Nora. Raphaël Enthoven, de manière certes un peu approximative et polémique dans un premier temps, a mis le doigt sur un des enjeux essentiels et sans cesse discuté de la relation croyante à Dieu : L'homme qui se place dans la main de Dieu (comme dit le Livre de la Sagesse) renonce-t-il à sa liberté ? Celui qui prie « que ta volonté soit faite » abdique-t-il de son libre arbitre et de sa responsabilité proprement personnelle ? La réponse chrétienne à ces questions est que le Dieu Père, de qui tout vient et vers qui tout va, est la source de notre liberté. Chercher à faire sa volonté, c'est, paradoxalement mais bien réellement, grandir en liberté.
Le Figaro.- « Le Notre Père est un des textes fondateurs du christianisme. Cette courte prière, d'une facture parfaite et d'une profondeur secrète, a connu un destin extraordinaire. Traduite dans toutes les langues de la terre, elle est devenue une des formes privilégiées de la piété de générations innombrable » écrit Marc Philonenko. En quoi cette prière est-elle extraordinaire ?
Mathieu ROUGE.- C'est la prière que Jésus lui-même a enseignée à ses disciples. Elle constitue une synthèse étonnante de la piété juive et de la nouveauté chrétienne. Elle articule la louange et l'action de grâces de la première partie avec les demandes de la seconde. Elle est à la fois intime et communautaire. Elle prend en compte nos besoins les plus quotidiens (« le pain de ce jour ») mais aussi nos attentes spirituelles les plus profondes (« le pain de ce jour » peut également être compris comme celui de l'eucharistie). Dès les premiers siècles, les adultes qui se préparaient au baptême ont appris à prier en étudiant le Notre Père. Il en est de même pour les catéchumènes d'aujourd'hui. Maîtres spirituels et théologiens n'ont pas cessé de proposer leurs traductions du Notre Père et d'en rédiger des commentaires. On peut penser, à notre époque, à la philosophe d'origine juive Simone Weil (Bayard), à l'intellectuel orthodoxe Olivier Clément (DDB) ou au Cardinal Jean-Marie Lustiger (Ad Solem). Finalement, c'est à chaque croyant, à chaque époque, de traduire le Notre Père à sa façon, de se l'approprier pour en vivre.
© Le Figaro - 2017
La prière du Notre Père, un regard renouvelé
À l’occasion de l’entrée en vigueur de la nouvelle traduction du Notre Père dans toute forme de liturgie, la Conférence des évêques de France publie « La prière du Notre Père. Un regard renouvelé ». Dans cet ouvrage, préfacé par Mgr Guy de Kérimel, huit évêques commentent chacun un des versets du Notre Père. Voici la préface du livre.
La prière du Notre Père est au cœur de la relation que le Christ est venu instaurer entre l’humanité et Dieu.
C’est Dieu qui a pris l’initiative de venir à la rencontre de l’être humain. De bien des manières Il nous a parlé, comme le dit le prologue de l’épitre aux Hébreux, et particulièrement en nous envoyant son Fils Unique. Il a voulu entrer en dialogue avec nous et nous réconcilier avec Lui par Jésus Christ, afin de nous faire communier à sa propre vie. Par ses paroles et ses actions, et surtout par sa mort et sa résurrection, Jésus a fait de ceux qui croient en Lui des fils et des filles de Dieu, son Père et notre Père. De toute éternité, Dieu a voulu faire de nous des fils adoptifs, en son Fils et par Lui. C’est Lui qui nous conduit vers le Père.
Redire en vérité, dans l’élan de l’Esprit Saint, les mots mêmes de la prière que Jésus nous a enseignée, implique tout un chemin de foi qui nous fait « monter » avec le Christ pour devenir enfants de Dieu. En entrant dans cette prière nous signifions que nous reconnaissons le dessein bienveillant de Dieu, nous accueillons son invitation au dialogue, nous croyons en son œuvre de salut par Jésus-Christ, qui nous a sauvés et élevés à la dignité de fils et de filles de Dieu.
Prononcer en vérité ces mots suppose donc de se détourner du péché, de se faire disciples, à l’écoute de la Parole, et de se laisser réconcilier avec Dieu, par la mort et la résurrection du Christ. En priant ainsi les chrétiens expriment leur désir d’être unis au Christ, de Le suivre jusque dans sa Pâque, pour ressusciter avec Lui à la vie nouvelle d’enfants de Dieu. Ce chemin est à nouveau parcouru lors de chaque célébration eucharistique qui est une montée en Dieu par le Christ pour communier à la vie divine en recevant son Corps livré pour nous.
La nouvelle traduction du Notre Père est une belle occasion de redécouvrir la prière chrétienne par excellence, dite trop souvent par habitude. La première partie de cet ouvrage collectif en redira la centralité. Les commentaires des versets du Notre Père réalisés par plusieurs évêques, dans la deuxième partie, favoriseront la méditation personnelle. Chacun y trouvera une nourriture qui, je l’espère, sera l’occasion d’une croissance dans la vie filiale et fraternelle.
Nos frères de l’Église Protestante Unie de France adoptent, en même temps que nous, cette nouvelle traduction. Nous nous réjouissons de ce signe d’unité qui nous engage aussi envers tous ceux qui sont devenus enfants de Dieu par le baptême au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, « afin que le monde croie… » (Jean 17, 21).
Monseigneur Guy de Kerimel
Commentaire des lectures du dimanche
Il y a dans une vie des périodes de grâce, des instants de lumière et de feu. Sans doute avons-nous connu ces moments d’enthousiasme qui décident parfois d’une existence entière. Ce don de Dieu apparaît comme une irruption de son amour. Il peut aussi se manifester tout simplement la conscience claire qu’un trésor nous est confié. La foi est ce trésor, qui donne sens et cohérence à notre vie. En tout état de cause, cela est donné ; cela est gratuit ; cela est immérité. Le don de la vie, le don de Dieu excède toute compréhension et tout savoir-faire. C’est donc une grande chose que de reconnaître dans la foi le don qui nous est fait, mais la Parole de Dieu nous met en garde : le plus exigeant est d’être fidèle à ce don.
Le temps de l’Avent est un temps de renouvellement de notre conscience du don de Dieu et de notre désir de lui être fidèle. Quel drame ce serait en effet que de laisser ce don s’étioler ou se perdre. L’appel de Jésus à rester éveillé est empreint de cette gravité. Il résonne avec d’autant plus de force qu’il précède de peu le récit de la Passion et spécialement la scène de Gethsémani : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. L’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (14,38). Tout semble facile dans la nouveauté du commencement, mais qu’il est exigeant d’être fidèle jusqu’à la fin !
Dans la parabole de ce jour, l’homme organise sa maisonnée pour le temps de son absence en donnant à chacun un travail particulier. Il distingue cependant le portier à qui il intime l’ordre de veiller. Le texte nous invite à nous identifier plus particulièrement à ce portier : « veillez donc. » Le rôle de ceux qui ont reçu une responsabilité dans les divers postes de travail semble ainsi passer au second plan. Le portier apparaît comme la figure majeure pour une exhortation adressée à tous sans exception. Chacun doit se tenir à la porte pour ouvrir au Maître quand il viendra à l’improviste. La mention des quatre veilles de la nuit souligne combien cette vigilance doit être permanente. Rien n’est dit de la manière dont le Maître reviendra. Il ne s’agit pas d’imaginer un scénario à venir, mais de veiller aujourd’hui sur notre cœur et son désir profond.
Cette vigilance du cœur porte en tout premier lieu sur la reconnaissance des dons que nous avons reçus afin d’en prendre soin. La vie est fragile. Le don de Dieu l’est tout autant comme cet enfant de Bethléem dont nous allons célébrer la naissance. Paul s’émerveille de ce don lorsqu’il déclare aux chrétiens de Corinthe : « Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses de la parole et de la connaissance de Dieu. » (1 Co 1,4s) Veiller, c’est garder en son cœur la Parole de Jésus ; c’est prendre soin de cette Parole comme d’un trésor qui n’est autre que la vie de Dieu en nous.
Cette vigilance du cœur consiste encore à rester ouvert à un avenir qui est caché en Dieu. Veiller sur son cœur, c’est ici se garder disponible à l’imprévu de Dieu. Une telle veille n’est possible que dans la mesure où elle est portée par le désir. Veiller, c’est désirer au-delà de ce que nous pouvons imaginer ou comprendre. Le désir véritable ne vient pas des nuées du Ciel, mais de l’intime d’un cœur attentif à la nouveauté de la vie. La vigilance espère tout et croit tout. Fruit de la confiance en un Dieu plus grand que nos projets humains, elle accepte l’imprévisible comme marque de la liberté et de l’amour. Être dérouté, ne pas toujours comprendre le sens des évènements, vivre des ruptures parfois douloureuses, fait partie de ce chemin. Nous pouvons donner sens à nos échecs, si nous acceptons que la réussite finale ne nous appartienne pas. Comme l’argile entre les mains du potier, nous sommes appelés à vivre une totale confiance en l’amour de Dieu. Nous ne sommes pas les Maîtres de ce Royaume dont la venue ne peut que nous surprendre, mais il dépend de nous de l’accueillir à travers les aléas de l’existence, aussi bien que dans l’inépuisable générosité de la vie.
En ce temps de l’Avent, puissions-nous mieux prendre conscience du trésor que nous avons reçu pour nous ouvrir au désir d’en vivre pleinement et d’accueillir ce Dieu qui ne cesse de renouveler nos vies pour les conduire à lui.
Fr. Olivier-Marie Rousseau
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