Pko 02.07.2017

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°36/2017

Dimanche 2 juillet 2017 – Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, Apôtres – Année A

Humeurs…

Le défilé de l’espérance !

Le défilé de l’Autonomie, au-delà des considérations politiciennes… est un véritable bain d’espérance.

À l’heure où nous constatons dans notre quotidien un repliement sur soi de plus en plus intense, où les inégalités sociales croissent, où la misère explose dans notre fenua… voir ces milliers d’hommes et de femmes, majoritairement des jeunes engagés dans leurs quartiers respectifs, dans les associations sportives est une vraie bouffée d’espérance !

La mobilisation générée par cette fête populaire n’est certainement pas aussi évidente dans le quotidien des quartiers et des clubs…  mais ils ont le mérite d’exister et d’apporter leur pierre à la construction de notre « vivre ensemble ». C’est avec les ruisseaux que l’on fait l’océan… les célébrer ainsi est important.

Nous savons par expérience que c’est le courage et l’engagement de quelques personnes qui peuvent transformer le monde… Il n’était que Douze à la mort du Christ… le don d’eux-mêmes, la foi en l’homme et en l’Amour, les a conduit aux périphéries pour révéler à l’humanité la dignité fondamentale et inaliénable de tout homme. Le travail est loin d’être terminé… Ils ont parfois été tenté par le découragement… mais croire en Dieu c’est croire en l’homme… on n’est jamais seul…

Ce défilé est non seulement un bel hommage à tous ceux qui sont sur le terrain, dans les quartiers, dans les clubs sportifs et autres associations… mais aussi un encouragement pour ne jamais baisser les bras face à l’individualisme, à l’égoïsme au repliement sur soi…

Croire en l’homme… croire au vivre ensemble…

Lève-toi ! va aux périphéries de ton quotidien !

Croire en Dieu… c’est croire en l’homme !

« … un fils de Tahiti monter à l’autel du Seigneur »

En marge de l’actualité du mercredi 28 juin 2017

L’actualité de notre Église locale est marquée par un événement joyeux en l’honneur de Monseigneur Hubert Coppenrath, archevêque émérite. Il y a 60 ans, le 27 juin 1957, Mgr Hubert recevait l’ordination presbytérale à Poitiers.

Deux ans plus tard, lors de la première messe de père Hubert à Tahiti, Monseigneur Mazé montra son enthousiasme en commençant l’homélie par ces mots : « Dieu soit béni, de nous donner la joie de voir aujourd'hui à Papeete, un fils de Tahiti monter à l'autel du Seigneur ».

Depuis ce moment, père Hubert a parcouru un long et beau chemin qui l’a conduit jusqu’à l’épiscopat. Il y a sans doute eu des hauts et des bas, comme il l’a confié lui-même dans son homélie de dimanche dernier à l’église Maria no te Hau. Mais père Hubert n’a pas dévié et aujourd’hui encore, il continue de monter à l’autel pour célébrer et bénir les fidèles.

À travers lui, c’est aussi tout le ministère presbytéral qui est particulièrement honoré. Comme il l’a dit dans cette même homélie : « la prêtrise est le plus beau métier au monde… parce qu’il implique de conduire les hommes vers Dieu ».

Et de poursuivre en relevant que c’est aussi un métier difficile, non pas en raison des renoncements à faire, contrairement à ce que pensent la plupart des gens, mais précisément parce que le fait de conduire les hommes à Dieu n’est pas une tâche aisée. Les tentations sont grandes et les hommes se laissent détournés par des appétits contraires à ce que demande l’Évangile.

Mgr Hubert s’est-il pour autant découragé ? Absolument pas ! Il est resté fidèle à ses engagements et il œuvre encore au sein de la paroisse qu’il a servie durant presque toute sa vie de prêtre. En cela, il est un exemple pour tous, non seulement pour les prêtres, mais tous les fidèles, en particulier les séminaristes.

Que le Seigneur soit béni pour toutes les messes, baptêmes, mariages, confirmations, onctions des malades célébrés par Mgr Hubert durant toutes ces années, pour la Parole de Dieu proclamée, pour les réconciliations, les encouragements, les réconforts, les consolations, les joies apportées à travers lui, tout cela par amour pour Jésus Christ !

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2017

La Parole aux sans paroles 81

Portrait d’un frère de la rue - Malouka

Malouka est un pilier de l’accueil Te Vaiete, il est de l’équipe qui s’active en cuisine tous les matins. Il est toujours présent pour rendre service et s’en va discrètement sans rien demander. Malouka se rend disponible à chaque fois, c’est sa manière de remercier Père Christophe.

D’où viens-tu ?

« Je viens des Tuamotu. Et ça fait longtemps que je suis parti de chez moi parce que je ne voulais plus aller à l’école (Rires) À 14 ans, je suis parti pour venir travailler. »

Comment as-tu fait, 14 ans c’est jeune ?

« Je suis venu avec mon tonton. Il a vu que je n’allais plus à l’école, il m’a pris avec lui pour venir ici, à Tahiti. »

Et que s’est-il passé ? Pourquoi es-tu dans la rue aujourd’hui ?

« On s’est disputé avec mon tonton et il m’a chassé. Voilà, pourquoi je suis à la rue aujourd’hui. J’avais 18 ans à l’époque. Aujourd’hui j’ai 36 ans. »

Le plus dur dans la rue ?

« C’est d’avoir un travail, c’est ça le plus dur. Ça fait des années que je cherche un travail par ici, je n’arrive pas à trouver ! Par contre, il y a beaucoup de travail dans les fermes perlières, aux Tuamotu. J’ai fait de nombreux séjour là-bas. J’ai commencé à Ahe, en 2000. J’ai travaillé pour YIP, BREAUD, LO, WAN et APEANG. Mais, tu vois, quand tu travailles dans une ferme perlière, tu dois être polyvalent. Et parfois, le patron profite sur toi, tu es mal payé, tu es mal nourri. Une fois, à Manihi, on a fait comme koh-lanta pendant 6 mois, on n’avait rien. Moi, ça va, je suis des Tuamotu, je connais, je sais me débrouiller, je sais comment trouver à manger. Mais pas les autres ! Après ça, j’ai démissionné. Aujourd’hui, j’ai des petits boulots d’une journée grâce à Père. J’aimerais bien trouver un moyen de m’en sortir ici, à Tahiti. Dès que je trouve un travail, je ferais une petite maison pour moi. Je trouverais une femme et j’aurais plein d’enfants ! (Rires) Après, j’aurais une voiture. (Rires) »

Tu es allé au SEFI ?

« Non, pas encore. »

Et tu cherches dans quel domaine ?

« Tous ! je vais prendre ce qu’il y a, même s’il faut partir dans les îles. »

Où dors-tu ?

« En haut, au CHU (Centre d’Hébergement d’Urgence), à Tipaerui. »

Ça va ?

« Oui, ça fait 3 semaines que je suis là-bas. Ça va. Enfin, il y a des règles à suivre. Mais, c’est mieux. »

As-tu un beau souvenir de la rue ?

« Les amis ici. Et ma sœur aussi, qui est à la rue comme moi. C’est ma sœur jumelle ! (Rires) On se ressemble tellement ! En fait, c’est ma grande sœur. Je croise souvent mon papa et ma maman quand ils descendent en ville pour payer leur courant et l’eau. »

Et comment ça se passe ?

« Ça va. Mon papa me dit toujours qu’il faut aller chercher du travail. Et je lui réponds que c’est dur d’avoir du travail. Ce n’est plus comme avant. Comment veut-il que je trouve du travail, il n’y en a pas. »

Comment as-tu connu Te Vaiete ?

« En 2002, j’ai connu d’abord Père, je l’avais rencontré au presbytère. Et c’est lui qui m’a dit de venir ici. Après je suis venu tous les matins. Tu sais, quand je viens à Te Vaiete, j’essaye toujours d’aider Père. Préparer le repas, faire la vaisselle, faire le service, nettoyer la cuisine. Même si les autres ne veulent pas participer, moi, je veux aider Père. Car c’est grâce à lui que je suis ici, c’est grâce à lui que tous mes papiers sont à jour, c’est grâce à lui que j’ai une bonne santé. C’est comme un papa ! »

Comment vois-tu ta vie dans 20 ans ?

« Ah, ça ! Je ne peux pas te dire maintenant. Il faut que ça vienne, j’ai peur de dire n’importe quoi ! Mais je ne baisse pas les bras, je veux m’en sortir. »

Un dernier message ?

« Il faut faaitoito ! Jamais lâcher ! »

© Accueil Te Vai-ete - 2017

Audience générale du mercredi 28 juin 2017

La force du chrétien c’est l’évangile

L’espérance chrétienne comme force des martyrs : c’est le thème de la dernière audience générale du Pape François avant la pause estivale. Ce mercredi 28 juin 2017, le Pape a expliqué dans sa catéchèse que les « chrétiens sont des hommes et des femmes à contre-courant », qui doivent être humbles et pauvres, détachés des richesses et du pouvoir, et de soi-même.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, nous réfléchissons sur l’espérance chrétienne comme force des martyrs. Quand, dans l’Évangile, Jésus envoie les disciples en mission, il ne les trompe pas avec des mirages de succès facile ; au contraire, il les avertit clairement que l’annonce du Royaume de Dieu comporte toujours une opposition. Et il emploie même une expression extrême : « Vous serez détestés – détestés – de tous à cause de mon nom » (Mt 10,22). Les chrétiens aiment mais ne sont pas toujours aimés. D’emblée, Jésus nous met devant cette réalité : dans une mesure plus ou moins forte, la confession de la foi se fait dans un climat d’hostilité.

Les chrétiens sont donc des hommes et des femmes « à contre-courant ». C’est normal : puisque le monde est marqué par le péché, qui se manifeste sous des formes diverses d’égoïsme et d’injustice, celui qui suit le Christ marche en direction contraire. Non pas par esprit polémique, mais par fidélité à la logique du Royaume de Dieu, qui est une logique d’espérance et qui se traduit dans un style de vie basé sur les indications de Jésus.

Et la première indication est la pauvreté. Quand Jésus envoie les siens en mission, il semble qu’il mette plus de soin à les « dépouiller » qu’à les « habiller » ! En effet un chrétien, qui n’est pas humble et pauvre, détaché des richesses et du pouvoir et surtout détaché de lui-même, ne ressemble pas à Jésus. Le chrétien parcourt sa route dans ce monde avec l’essentiel pour le chemin mais avec le cœur plein d’amour. Le véritable échec pour lui ou pour elle serait de tomber dans la tentation de la vengeance et de la violence, répondant au mal par le mal. Jésus nous dit : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » (Mt 10,16). Donc sans les dents, sans les griffes, sans armes. Le chrétien devra plutôt être prudent, parfois aussi habile : ce sont des vertus acceptées par la logique de l’Évangile. Mais la violence, jamais. Pour vaincre le mal, on ne peut partager les méthodes du mal.

L’unique force du chrétien est l’Évangile. Dans les temps de difficulté, il faut croire que Jésus est devant nous et ne cesse pas d’accompagner ses disciples. La persécution n’est pas une contradiction de l’Évangile mais elle en fait partie : si on a persécuté notre Maître, comment pouvons-nous espérer que la lutte nous soit épargnée ? Mais, au beau milieu du tourbillon, le chrétien ne doit pas perdre l’espérance, en pensant avoir été abandonné. Jésus rassure les siens en disant : « même les cheveux de votre tête sont tous comptés » (Mt 10,30). Comme pour dire qu’aucune des souffrances de l’homme, pas même les plus petites et cachées, ne sont invisibles aux yeux de Dieu. Dieu voit et il protège assurément ; et il donnera son rachat. Il y a en effet au milieu de nous Quelqu’un qui est plus fort que le mal, plus fort que les mafias, que les intrigues obscures de ceux qui font du profit sur la peau des désespérés, de ceux qui écrasent les autres avec arrogance… Quelqu’un qui écoute depuis toujours la voie du sang d’Abel qui crie de la terre.

Les chrétiens doivent donc toujours se faire trouver sur l’« autre versant » du monde, celui choisi par Dieu : non pas persécuteurs, mais persécutés ; non pas arrogants, mais doux ; non pas vendeurs de fumée, mais soumis à la vérité ; non pas imposteurs, mais honnêtes.

Cette fidélité au style de Jésus – qui est un style d’espérance – jusqu’à la mort, sera appelée par les premiers chrétiens d’un très beau nom : « martyre », qui signifie « témoignage ». Il y avait beaucoup d’autres possibilités offertes par le vocabulaire : on pouvait l’appeler héroïsme, abnégation, sacrifice de soi. Et au contraire, les chrétiens de la première heure l’ont appelé d’un nom qui a le parfum du disciple. Les martyrs ne vivent pas pour eux-mêmes, ne combattent pas pour affirmer leurs idées et acceptent de devoir mourir seulement par fidélité à l’Évangile. Le martyre n’est même pas l’idéal suprême de la vie chrétienne parce qu’au-dessus de lui il y a la charité, c’est-à-dire l’amour de Dieu et du prochain. L’apôtre Paul le dit très bien dans l’hymne à la charité : « J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Cor 13,3). L’idée que ceux qui font des attentats-suicides puissent être appelés des « martyrs » répugne aux chrétiens : il n’y a rien dans leur fin qui puisse être rapproché de l’attitude des fils de Dieu.

Parfois, en lisant les histoires de tant de martyrs d’hier et d’aujourd’hui – qui sont plus nombreux que les martyrs des premiers temps – nous sommes surpris devant la force avec laquelle ils ont affronté l’épreuve. Cette force est le signe de la grande espérance qui les animait : l’espérance certaine que rien ni personne ne pouvait les séparer de l’amour de Dieu qui nous est donné en Jésus-Christ (cf. Rm 8,38-39).

Que Dieu nous donne toujours la force d’être ses témoins. Qu’il nous donne de vivre l’espérance chrétienne surtout dans le martyre caché qui consiste à faire bien et avec amour nos devoirs de tous les jours. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

30ème Journée mondiale contre l’abus et le trafic illicite de la drogue - Message du Cardinal TUCKSON

Pour un amour créatif – Non à l’indifférénce et à la complicité

Ce 26 juin a marqué la 30è journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues, instituée en 1987 par l'Assemblée Générale des Nations Unies pour réagir face au fléau des stupéfiants. À cette occasion, le cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, a envoyé un message afin « d’attirer l’attention sur le fait que les drogues continuent à se répandre sous des formes et des dimensions impressionnantes », comme avait mis en garde le Pape François en 2014

La Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues, instituée par les Nations unies, est une occasion importante d’attirer l’attention sur le fait que les stupéfiants continuent « à se répandre sous des formes et des dimensions impressionnantes ». C’est un phénomène alimenté – non sans les défaillances et compromissions des institutions – par « un marché abject qui s’étend au-delà des frontières nationales et continentales », et qui est lié aux mafias et au narcotrafic.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à un paysage des dépendances qui a profondément muté par rapport au passé récent ; la drogue est devenue un produit de consommation rendu compatible avec la vie quotidienne, avec une activité ludique, voire avec la recherche du bien-être.

La consommation de cocaïne est associée à une diffusion accrue de l’héroïne, qui « représente encore le pourcentage le plus élevé (80%) des nouvelles demandes de traitement associées aux opiacées en Europe ». De plus, de nouvelles substances psychotropes toxiques – disponibles sur le marché, à bas coût et de manière anonyme, via internet – s’introduisent également dans les lieux de détention et mobilisent dans l’activité du deal de nombreuses personnes recrutées dans les périphéries du mal-être, où elles trouvent autant de nouveaux consommateurs.

Le taux de consommation le plus élevé revient toutefois au cannabis, qui est actuellement sujet d’un débat animé au niveau international – qui tend à négliger le jugement éthique sur la substance, négatif en soi comme pour toute autre drogue – sur de possibles usages thérapeutiques, un terrain sur lequel l’on est en attente de données scientifiques corroborées par des périodes d’observation, conformément à toute expérimentation digne de considération publique.

Avant de prendre une décision sur ces thèmes, à partir de préjugés de différentes natures, il conviendrait de mieux comprendre les tendances dans l’usage du cannabis, les dommages qui y sont liés et les conséquences des politiques de réglementation dans les différents pays, qui encouragent le marché illégal à développer des produits destinés à influencer les modèles de consommation et à réaffirmer la primauté du désir qui se satisfait de manière compulsive avec la substance.

Le jeu pathologique, ou ludopathie, constitue également depuis quelques temps une plaie endémique qui vient encore diversifier les dépendances. La légalisation des jeux de hasard, même lorsqu’elle est soutenue dans le but d’en révéler la gestion criminelle, augmente de façon exponentielle le nombre de joueurs pathologiques ; d’autre part, la taxation perçue par l’Etat apparaît incompatible sur le plan éthique et contradictoire sur le terrain de la prévention. La définition de modèles d’intervention et de systèmes de surveillance adaptés, associée à la dotation de fonds, est particulièrement souhaitable pour faire face au phénomène.

Tandis que l’horizon des dépendances se diversifie, l’indifférence, et parfois même la complicité indirecte à l’égard de ce phénomène, contribue à détourner l’attention de l’opinion publique et des Gouvernements, concentrés sur d’autres urgences. Mais face à des événements qui surprennent notre époque actuelle en requérant des efforts, des ressources et des réponses imprévues, la solution d’urgence prend souvent le pas sur une culture sérieuse de la prévention, capable de se doter d’objectifs, d’instruments et de ressources pour garantir à la fois constance et durabilité dans la prise en charge des problèmes.

La preuve est faite, dans de nombreux pays, par la chute des engagements programmatiques, des services institutionnels et des ressources ; l’offre qui a, des décennies durant, contrôlé l’avancée des dépendances a été dans de nombreux cas réduite à un rempart marginal, investi du devoir de freiner uniquement la désertification provoquée par des années d’inattention.

Le cadre actuel fourni par les dépendances montre, dans de nombreux cas, de vraies lacunes dans les projets, dans les politiques et dans les perspectives, il témoigne d’une approche dépassée et inadaptée à un marché de la drogue très compétitif et flexible vis-à-vis de la demande, toujours ouvert aux offres nouvelles, par exemple les opiacées synthétiques extrêmement puissantes qui ont été créées récemment, l’ecstasy et les amphétamines. La consommation accrue et diffuse d’ecstasy est un bon indicateur du fait que l’usage de substances illicites a désormais investi les espaces quotidiens et que le toxicomane n’est plus identifié à l’héroïnomane, mais à un nouveau profil de poly-consommateur, qui a contextuellement recours à certaines substances et à l’alcool.

Par conséquent, les stratégies d’intervention ne peuvent être uniquement spécialisées ou concentrées sur la réduction du dommage, et elles ne peuvent davantage considérer la drogue comme un phénomène dérivant d’un malaise social et d’une déviance. La réduction du dommage doit obligatoirement comporter à la fois la prise en charge toxicologique et l’intégration par des programmes thérapeutiques personnalisés à caractère psychosocial, sans jamais donner lieu à des formes de chronicité, mauvaises pour la personne et éthiquement condamnable. Si elle est destinée à éviter les dommages collatéraux de la dépendance, la réduction du risque relève au contraire d’instances de nature plus épidémiologique que thérapeutique, en se présentant comme une stratégie de contrôle social et de prophylaxie hygiénique. Le véritable risque est que celle-ci puisse conduire, de façon plus aseptisée et moins visible, à la mort psychologique et sociale du toxicomane, en différant sa mort physique.

Le fait de considérer les personnes comme irrécupérables est un acte de démission qui nie les dynamiques psychologiques disposées au changement et qui légitime le désengagement du toxicomane et des institutions qui ont le devoir de prévenir et de soigner. En d’autres termes, l’on ne peut accepter que la société intègre la consommation de drogues comme un trait chronique propre à l’époque, similaire à l’alcool et au tabagisme, en se détournant d’une confrontation stricte sur les marges de liberté de l’État et du citoyen face à l’usage de substances psychoactives.

De la même manière, l’on ne doit pas minimiser les dépendances qui naissent et se développent suivant des caractéristiques complexes, liées à des signes cliniques préexistants ou résultant de l’usage de substances psychoactives : c’est le cas de ce que l’on appelle le « double diagnostic », qui relève du trouble psychiatrique et qui exige beaucoup durant la phase de traitement.

« Il est évident qu’il n’existe pas qu’une cause unique qui conduit à la dépendance de la drogue, mais les facteurs qui interviennent sont nombreux, parmi lesquels le manque de famille, la pression sociale, la propagande des trafiquants, le désir de vivre de nouvelles expériences. Chaque toxicomane porte en lui une histoire personnelle différente, qui doit être écoutée, comprise, aimée et lorsque c’est possible, guérie et purifiée ».

Les « bonnes pratiques » contre la standardisation résignée ou la délégation aux quelques personnes de bonne volonté nous renvoient au devoir de prévention, au comportement de sollicitude destiné à « prendre soin » en terme de promotion de la santé, dans son acception la plus ample et la plus complète. Les politiques et les stratégies de grande envergure, fondées sur la prévention primaire, ne peuvent pas ne pas impliquer tous les acteurs sociaux, en repartant de l’engagement à éduquer.

La situation à laquelle nous devons tous nous confronter est marquée par la perte des primats anciens de la famille et de l’école, par la désagrégation de l’autorité des figures adultes et par les difficultés constatées au niveau parental ; cela témoigne du fait que l’heure n’est pas à la quête de reconnaissance personnelle mais à la création de « réseaux » capables de réactiver des synergies sociales éducatives en dépassant les compétitions inutiles, les délégations et les formes de déresponsabilisation. Afin d’éviter que les jeunes ne grandissent sans « soin », en étant davantage élevés qu’éduqués, attirés par des « prothèses curatives », auxquelles les drogues savent bien ressembler, chaque acteur social doit se connecter et investir sur un terrain partagé de valeurs éducatives fondamentales et indispensables, orientées vers la formation intégrale de la personne. Il convient de souligner, à cet égard, l’engagement et la constance des professionnels et des bénévoles du secteur social privé qui, depuis l’émergence du problème de la drogue, ont apporté les premières réponses. Leur travail, souvent peu valorisé, mérite un soutien concret et une attention juste. C’est du reste des communautés thérapeutiques qu’émanent les signes d’un changement à haute valeur éducative, utiles dans les parcours de réhabilitation et plus encore dans le domaine de la prévention.

L’aspect éducatif est fondamental, surtout durant la période de vulnérabilité et d’inachèvement que représente l’adolescence, où s’alternent des moments intenses de découverte et de curiosité, mais également de dépression, d’apathie, avec des comportements qui mettent symboliquement ou réellement la vie en danger. Ces conduites, volontairement transgressives, ont pour but d’abattre la souffrance causée par la sensation de se trouver face au mur insurmontable, le mur d’un présent qui ne se termine jamais et d’un avenir que l’on ne parvient pas à entrevoir. Ce sont des appels à vivre, mais également des appels à l’aide et au soutien adressés aux adultes capables de transmettre le goût de la vie et le sens de sa valeur.

Les jeunes, a affirmé le Pape François, « recherchent de beaucoup de façons le “vertige” qui les fasse se sentir vivants. Donc, donnons-le leur ! Stimulons tout ce qui les aide à transformer leurs rêves en projets, et qu’ils puissent découvrir que tout le potentiel qu’ils ont est un pont, un passage vers une vocation (au sens le plus large et le plus beau du mot). Proposons-leur de vastes objectifs, des grands défis et aidons-les à les réaliser, à atteindre leurs objectifs. Ne les laissons pas seuls. Et donc proposons-leur des défis plus qu’eux-mêmes ne nous défient. Ne tolérons pas qu’ils reçoivent le “vertige” d’autres personnes qui ne font que mettre leur vie en danger. Donnons-le leur ! Mais un vertige juste, qui satisfasse ce désir de bouger, d’avancer ».

Pour lutter contre le bonheur éphémère des dépendances, il faut de l’amour créatif et des adultes capables d’enseigner et de pratiquer une façon saine de prendre soin de soi. Une vision spirituelle de l’existence, projetée vers la quête de sens, ouverte à la rencontre avec les autres, constitue le plus grand héritage éducatif que les générations doivent se transmettre, aujourd’hui plus que jamais.

Dans le cas contraire, les dépendances contribueront à tuer l’humanité car nous savons bien que celui qui ne s’aime pas n’est guère plus capable d’aimer son prochain.

Cité du Vatican, 26 juin 2017

© Libreria Editrice Vaticana - 2017

Commentaire des lectures du dimanche

La liturgie de ce jour nous offre trois mots essentiels pour la vie de l’Apôtre : confession, persécution, prière.

La confession est celle de Pierre dans l’Évangile, quand la question du Seigneur, de générale devient particulière. En effet, Jésus demande d’abord : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Chez la plupart des gens, il émerge de ce « sondage » que le peuple considère Jésus comme un prophète. Alors le Maître pose aux disciples la question vraiment décisive : « Et vous ? Que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » (v.15). À ce moment seul Pierre répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (v. 16). Voilà la confession : reconnaître en Jésus le Messie attendu, le Dieu vivant, le Seigneur de sa propre vie.

Cette question vitale, Jésus l’adresse aujourd’hui à nous, à nous tous, en particulier à nous pasteurs. C’est la question décisive, devant laquelle il n’y a pas de réponses de circonstance, parce que la vie est en jeu : et la question de la vie demande une réponse de vie. Car si l’on ne confesse pas Jésus Seigneur par sa propre vie, connaître les articles de foi sert à peu de choses. Aujourd’hui il nous regarde dans les yeux et demande : « Qui suis-je pour toi ? » Comme pour dire : « Suis-je encore, moi, le Seigneur de ta vie, la direction de ton cœur, la raison de ton espérance, ta confiance indestructible ? » Avec saint Pierre, renouvelons aujourd’hui, nous aussi, notre choix de vie comme disciples et apôtres. Passons de nouveau de la première à la seconde question de Jésus, pour être « à lui » non seulement en paroles, mais dans les faits et dans la vie.

Demandons-nous si nous sommes des chrétiens de salon, qui bavardent sur la manière dont vont les choses dans l’Église et dans le monde, ou plutôt des apôtres en chemin, qui confessent Jésus par la vie parce qu’ils l’ont dans le cœur. Celui qui confesse Jésus sait qu’il est tenu non seulement de donner son opinion mais de donner la vie ; il sait qu’il ne peut pas croire de manière tiède mais qu’il est appelé à « brûler » d’amour ; il sait que dans la vie il ne peut « se laisser vivre » ou s’installer dans le bien être, mais qu’il doit risquer d’avancer au large, renouvelant chaque jour le don de soi. Celui qui confesse Jésus fait comme Pierre et Paul : il le suit jusqu’à la fin ; non jusqu’à un certain point, mais jusqu’à la fin, et il le suit sur son chemin, non pas sur nos chemins. Son chemin est le chemin de la vie nouvelle, de la joie et de la résurrection, le chemin qui passe aussi par la croix et par les persécutions.

Voilà le second mot, persécutions. Ce ne sont pas seulement Pierre et Paul qui ont donné le sang pour le Christ, mais toute la communauté, au début, a été persécutée, comme le rappelle le Livre des Actes des Apôtres (cf. 12, 1). Aujourd’hui aussi, en diverses parties du monde, parfois dans un climat de silence – un silence souvent complice -, beaucoup de chrétiens sont marginalisés, calomniés, discriminés, faits l’objet de violences même mortelles, souvent en l’absence d’engagement de la part de ceux qui pourraient faire respecter leurs droits sacrosaints.

Mais je voudrais surtout souligner ce que l’Apôtre Paul affirme avant d’« être – comme il écrit – offert en sacrifice » (2Tm 4, 6). Pour lui, vivre c’était le Christ (cf. Ph 1, 21), et le Christ crucifié (cf. 1Co 2, 1), qui a donné sa vie pour lui (cf. Ga 2, 20). Ainsi, fidèle disciple, Paul a suivi le Maître en offrant lui aussi sa vie. Sans la croix il n’y a pas de Christ, mais sans la croix il n’y a pas non plus de chrétien. En effet, « c’est le propre de la vertu chrétienne, non seulement de faire le bien, mais aussi de savoir supporter les maux » (Augustin, Disc. 46, 13), comme Jésus. Supporter le mal, ce n’est pas seulement avoir de la patience et aller de l’avant avec résignation ; supporter, c’est imiter Jésus : c’est porter le poids, le porter sur ses épaules pour lui et pour les autres. C’est accepter la croix, allant de l’avant avec confiance parce que nous ne sommes pas seuls : le Seigneur crucifié et ressuscité est avec nous. Ainsi, avec Paul nous pouvons dire qu’« en toute circonstance nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés, mais non désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés » (2Co 4, 8-9).

Supporter, c’est savoir vaincre avec Jésus à la manière de Jésus, non pas à la manière du monde. Voilà pourquoi Paul – nous l’avons entendu – se considère comme un vainqueur qui va recevoir la couronne (cf. 2Tm 4, 8) et il écrit : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (v.7). L’unique conduite de son bon combat a été de vivre pour : non pour lui-même mais pour Jésus et pour les autres. Il a vécu « en courant », c’est-à-dire sans s’épargner, mais au contraire en se consumant. Il dit avoir gardé une chose : non pas la santé, mais la foi, c’est-à-dire la confession du Christ. Par amour pour lui, il a vécu les épreuves, les humiliations et les souffrances, qu’il ne faut jamais rechercher mais accepter. Et ainsi, dans le mystère de la souffrance offerte par amour, en ce mystère que tant de frères persécutés, pauvres et malades incarnent encore aujourd’hui, resplendit la force salvifique de la croix de Jésus.

Le troisième mot est prière. La vie de l’Apôtre, qui jaillit de la confession et débouche en offrande, se déroule tous les jours dans la prière. La prière est l’eau indispensable qui nourrit l’espérance et fait grandir la confiance. La prière fait que nous nous sentons aimés et nous permet d’aimer. Elle nous fait aller de l’avant dans les moments sombres, car elle allume la lumière de Dieu. Dans l’Eglise c’est la prière qui nous soutient tous et nous fait surmonter les épreuves. Nous le voyons encore dans la première lecture : « Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance » (Ac 12, 5). Une Église qui prie est gardée par le Seigneur et marche en sa compagnie. Prier c’est lui confier le chemin pour qu’il en prenne soin. La prière est la force qui nous unit et nous soutient, le remède contre l’isolement et l’autosuffisance qui conduisent à la mort spirituelle. Car l’Esprit de vie ne souffle pas si l’on ne prie pas, et sans prière les prisons intérieures qui nous retiennent captifs ne s’ouvrent pas.

Que les saints Apôtres nous obtiennent un cœur comme le leur, fatigué et pacifié par la prière : fatigué parce qu’il demande, frappe et intercède, chargé de beaucoup de personnes et de situations à confier ; mais en même temps pacifié, parce que l’Esprit apporte consolation et force quand on prie. Combien il est urgent dans l’Eglise d’avoir des maîtres de prière, mais avant tout d’être des hommes et des femmes de prière, qui vivent la prière !

Le Seigneur intervient quand nous prions, lui qui est fidèle à l’amour que nous lui avons confessé et qui nous est proche dans les épreuves. Il a accompagné le chemin des Apôtres et il vous accompagnera vous aussi, chers frères Cardinaux, ici réunis dans la charité des Apôtres qui ont confessé la foi par le sang. Il sera aussi proche de vous, chers frères Archevêques qui, en recevant le Pallium, serez confirmés à vivre pour le troupeau, en imitant le Bon Pasteur qui vous soutient en vous portant sur ses épaules. Que le Seigneur lui-même, qui désire ardemment voir tout son troupeau réuni, bénisse et garde aussi la Délégation du Patriarche Œcuménique, et le cher frère Bartholomée, qui l’a envoyée en signe de communion apostolique.

© Libreria Editrice Vaticana - 2014