Pko 02.04.2017
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°19/2017
Dimanche 2 avril 2017 – 5ème Dimanche du Temps de Carême – Année A
Humeurs…
Hommage àu Père Émile DUBOT, ss.cc.
Le Père Christian MALRIEU, Supérieur Provincial de France – Polynésie, les frères de Sarzeau et toutes les Communautés sscc de France et de Polynésie, sa famille et ses amis, recommandent à votre prière.
Père Émile DUBOT ss.cc.
Né le 28 Mars 1927, ordonné prêtre en 1954 par Mgr Tirilly, Vicaire Apostolique des îles Marquises, le Père Émile arrive en Polynésie en 1956.
Nommé successivement à Mitirapa, Papara, Papeari et Mataiea, Uturoa et Tahaa, Taravao, Tiarei, Moorea, il fut pasteur et bâtisseur. Nous lui devons la construction d’églises (ancienne église de Papeari, église de Mahina, ancienne église de Pirae, St André d’Uturoa, chapelle de Tiarei, église St Joseph de Paopao, Bora Bora, Ste Famille de Huahine), de presbytères (Taravao), de salles paroissiales (Paopao), de bâtiments scolaires (à Uturoa, bâtiment du cours ménager, classes du secondaire, salle omnisports, cantine) et de bâtiments pour les religieux et religieuses (Communauté de Uturoa, Noviciat des Sœurs du Bon Pasteur, Noviciat des Pères des Sacrés Cœurs à Moorea)…
Décédé ce 30 Mars 2017 en sa communauté de Sarzeau. Ses obsèques auront lieu ce Lundi en l’église de Sarzeau.
Une messe présidée par Mgr Jean Pierre COTTANCEAU sera célébrée en action de grâce ce Lundi 3 Avril à 18h30 en l’église Maria No Te Hau.
« C'est toi, Yahvé Sabaot, Dieu d'Israël, qui as fait cette révélation à ton serviteur : "Je te bâtirai une maison" » (2 Sm 7, 27)
© Pères des Sacrés-Cœurs
Chronique de la roue qui tourne
L’épreuve
« Lorsque nous passons par l’épreuve, Dieu permet toujours que nous en tirions quelque chose de bon. » Anonyme
Ah, l’épreuve, partie intégrante de la vie ! Nul ne peut s’y soustraire. Souvent, nous nous demandons comment Dieu, qui n’est qu’amour, peut « laisser faire ». Lui, Le Tout-Puissant, il pourrait tout empêcher !
La réponse m’est « apparue », en regardant un enfant et sa maman. Le petit jouait avec une porte, malgré les avertissements de l’adulte. La mère a tout tenté, le ton sévère, le divertissement, les caresses, un petit jus… rien n’y faisait, l’enfant retournait toujours jouer avec la porte. Et, ce qui devait arriver arriva, il s’est coincé les doigts… sous le regard de la mère. Aurait-elle pu empêcher cela ? Oui, bien sûr mais elle a compris que, pour le bien de l’enfant, il fallait qu’il expérimente. Aussi, la mère avait laissé faire. Bien évidemment, l’enfant a pleuré et hurlé un petit moment mais il avait appris… et sa mère était là pour le consoler. L’enfant, lui, ne s’est plus du tout approché de la porte, il a joué tranquillement, fort de son expérience.
Cette petite anecdote illustre bien notre relation avec Dieu en temps d’épreuves. Dieu n’est pas le tortionnaire qui nous enverrait des épreuves juste par plaisir. Non, Dieu laisse faire tout simplement… quand seule l’expérience peut nous faire comprendre, apprendre et grandir. Si nous sommes des Hommes en devenir, c’est l’expérience qui nous façonne. L’épreuve est là quand nous avons encore quelque chose à apprendre, quelque chose à changer, quelque chose à améliorer. D’ailleurs, remarquons que les épreuves arrivent toujours par la grande porte de nos faiblesses ! Alors, ayons assez d’humilité, de discernement et de confiance en notre Père pour accueillir l’enseignement.
Mais force est de constater que, dans l’épreuve, à part pour s’apitoyer sur notre sort, nous oublions Dieu et nous réagissons en homme. Nous nous contentons de chercher les coupables et d’être les pauvres victimes. Nous aimons tellement être plaints. Mais, même si nous sommes effectivement victimes, il nous faut prendre conscience que cette question est secondaire, de peur de perdre le sens de l’épreuve. François Gervais disait : « La victime se demande ce que l'épreuve lui a enlevé, le sage cherche à comprendre les leçons qu'il peut en tirer. »
Pour que l’épreuve soit salutaire, il nous faut dépasser et abandonner notre orgueil de victime ou notre orgueil de coupable, malgré la douleur de l’offense. L’épreuve n’est pas là à cause de…, l’autre n’est pas la cause mais le moyen… donc pas de place pour de la rancœur, le pardon s’impose de lui-même. Il nous faut cessez de vivre l’épreuve seuls avec nos états d’âme, il nous faut la vivre avec Dieu. Il nous faut reconnaitre Dieu… là où beaucoup n’y verraient que malchance et coup du sort. Souvent, l’action de Dieu passe inaperçue, tant elle se fond dans le quotidien. Toute occasion est bonne pour nous faire grandir et continuer notre route vers Lui… et tout se fait dans l’ombre de notre routine !
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2017
« Le Seigneur m’a consacré par l’onction »
En marge de l’actualité du jeudi 30 mars 2017
Cette semaine ecclésiale est marquée par la célébration de la messe chrismale jeudi 30 mars au soir à la Cathédrale de Papeete. Cette célébration eucharistique est particulière car les saintes huiles pour le baptême, la confirmation et le sacrement de l’ordre (saint-chrême), pour l’onction des malades et pour les catéchumènes, y reçoivent la bénédiction de l’évêque. Dans l’Ancien Testament, l’huile tirée du fruit de l’olivier avait une valeur symbolique très riche. Elle fait luire le visage, elle parfume, elle assouplit, elle pénètre, elle adoucit les blessures et fortifie. Elle symbolise l’amitié, le bonheur de l’union fraternelle, la joie rayonnante. Répandre l’huile sur la tête de quelqu’un signifiait lui souhaiter joie et bonheur, lui manifester une marque d’amitié et d’honneur. Pas étonnant que l’onction d’huile ait été le signe de consécration du roi. Sous le nom de saint-chrême, nous retrouvons cette huile dans les sacrements de l’Église.
Au baptême, à la confirmation et dans le sacrement de l’ordre, le saint-chrême marque l’entrée dans une vie nouvelle signifiée par la consécration de la personne à une mission spécifique : prêtre, prophète et roi dans le baptême, témoin du Christ ressuscité et donateur de l’Esprit au milieu du monde dans la confirmation, ministre célébrant le culte, sanctifiant et gouvernant le Peuple de Dieu dans le sacrement de l’ordre.
Le saint-chrême est utilisé également pour la consécration des autels et des églises. À l’image des personnes, autels et églises reçoivent une fonction symbolique nouvelle : l’autel n’est pas une table ordinaire mais le lieu du sacrifice du Christ, l’église n’est pas un bâtiment comme un autre mais le lieu où le peuple de Dieu se rassemble pour célébrer le culte divin.
Pour les malades et les catéchumènes, les huiles symbolisent les dons de réconfort, de paix et de force, de résistance aux tentations du malin. Les dons proviennent de l’Esprit Saint. Ceux-ci en ont besoin respectivement à cause de la situation de détresse que provoque la maladie et du cheminement vers le baptême que constitue le catéchuménat.
Les huiles accompagnent donc le chrétien tout au long de sa vie, depuis ses débuts dans la naissance baptismale jusqu’à ses derniers instants avant le grand passage de cette terre à la maison du Père. Les huiles, frottées, étendues, pénètrent le corps et répandent leur parfum. Chaque chrétien, dans sa situation particulière, est fortifié par l’Esprit. Il vit et témoigne d’une joie, d’une guérison, d’une libération, d’une lumière et d’une consolation divines. Il apporte au monde la bonne odeur du Christ.
À nous qui avons reçu l’onction d’huile dans les sacrements de l’Eglise de faire en sorte que cette huile ne devienne pas rance, mais que, par notre vie et notre foi, elle apporte au monde la lumière, la guérison et le parfum de l’amour, de la miséricorde et de la fidélité du Christ.
+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2017
La Parole aux sans paroles – Hors-série
« ENTENDREZ-VOUS LES VOIX DE TOUS CEUX QUI SE RETROUVENT SEULS, SANS RESSOURCE »
Dans une tribune au « Monde », un collectif d’associations parmi lesquelles Amnesty International France et ATD-Quart Monde, interpellent les candidats à l’élection présidentielle : « Quelle place ferez-vous aux personnes en situation de précarité ? » Par Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale d’Amnesty International France, Claire Hédon, présidente d’ATD-Quart Monde, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique – Caritas France, Rachid Lahlou, président du Secours islamique France.
Vous espérez nos voix ! Mais vous qui êtes candidats à l’élection présidentielle, entendrez-vous celles de tous ceux qui se retrouvent seuls, sans ressource, après un exil, un licenciement, un accident de la vie, de ceux qui vivent la pauvreté depuis des générations ? Les uns et les autres survivent parce qu’ils ont l’espoir chevillé au corps ; parce qu’ils trouvent sur leur chemin celles et ceux qui mettent en pratique le mot « fraternité ».
Chaque voix compte, dites-vous, pour mobiliser les électeurs qui feront la décision. La voix de ceux qui souffrent comptera-t-elle aussi dans vos projets ? Vous nous proposez des solutions pour les sortir de la crise qu’ils traversent. Mais savez-vous qu’ils font chaque jour preuve d’ingéniosité pour trouver les moyens de surmonter la misère, pour conserver leur dignité de femmes et d’hommes ? Savez-vous que plusieurs piliers de notre protection sociale (le RMI, la CMU, etc.) ont été pensés avec eux ? Les entendre, tenir compte de leur expérience de la vie, nous paraît indispensable pour redéfinir en profondeur la solidarité dans notre pays.
Chaque personne et les organisations de la société civile ont de l’intelligence collective à partager. Le bien commun ne se dessinera pas sans leur contribution, particulièrement celle des personnes en situation de précarité. Alors, saurez-vous leur faire confiance en leur permettant de contribuer avec les autres au renforcement de notre cohésion sociale ? C’est ce que nous vous proposons avec la création d’un « Fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne » porté notamment par le collectif « Pas sans nous » et soutenu par de nombreuses associations.
Une relégation
Ce Fonds aurait pour objectif de développer la participation des personnes en situation de précarité au niveau des communes, des départements et au sein de l’ensemble des instances concernées par la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, de les associer aux grands chantiers tels que la réforme de la protection sociale. Leur permettre de participer directement aux débats publics qui les concernent nécessite des moyens.
Vous voulez que les politiques publiques soient plus efficaces ? Vous voulez sortir d’une logique d’assistance dont nous connaissons les limites ? Vous voulez que les pauvres soient des citoyens responsables ? Alors, permettez-leur d’être acteurs de leur avenir ! Ce « Fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne » est un moyen de faire entendre la voix de ces « sans voix ».
Ils n’ont pas d’hébergement ou de logement sain. Nous chassons de nos villes tentes et abris d’infortune parce qu’ils nous dérangent… Les effacer ainsi de notre vue n’est pas une solution, c’est une relégation ailleurs, une illusion de résolution !
Il est maintenant plus que temps d’accueillir et de mettre à l’abri, dans des conditions dignes, les personnes en situation de précarité, quelle que soit leur situation familiale et administrative. Pour cela, il faut prévoir des lieux d’hébergement et d’accompagnement social en nombre suffisant.
La construction de logements sociaux
Il faut aussi garantir les principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil, ainsi que l’assurance de la non remise à la rue, qui sont définis dans le Code de l’action sociale et des familles. Résorber les bidonvilles est une exigence de dignité. Encore faut-il des solutions de relogement adaptées. La construction de logements sociaux est une réponse impérative à l’urgence de la situation existante.
Loin des coups de menton et de la démagogie ciblée en réponse, c’est à une revivification de notre démocratie que nous vous appelons. Nous sommes témoins de l’intelligence, de la créativité, de la solidarité de concitoyens, d’élus, de personnes en précarité, de bénévoles de tous milieux, de tous statuts. Nous croyons que peuvent être relevés les défis posés par le poids des inégalités, les effets des discriminations à l’emploi, à l’école, au logement, l’abandon de territoires… Le vrai sens du mot politique ne relève-t-il pas de l’organisation du « vivre ensemble » ?
Dans l’avenir que vous proposez pour notre pays, quelle place ferez-vous aux personnes en situation de précarité ? Quelles réponses apporterez-vous à leurs attentes, à leurs espoirs ? Saurez-vous entendre la parole des sans voix ?
Les signataires : Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale d’Amnesty International France, Claire Hédon, présidente d’ATD-Quart Monde, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique – Caritas France, Rachid Lahlou, président du Secours islamique France.
© Le Monde - 2017
Audience générale du mercredi 29 mars 2017
Abraham est notre père dans l’espérance
Lors de l’audience générale de ce mercredi 29 mars 2017, pour la 16e étape de son parcours catéchétique sur l’espérance, le Pape est revenu sur la figure d’Abraham, « non seulement notre père dans la foi, mais notre père dans l’espérance ».
Le passage de la lettre de saint Paul aux Romains que nous venons d’écouter nous fait un grand don. En effet, nous sommes habitués à reconnaître en Abraham notre père dans la foi ; aujourd’hui, l’apôtre nous fait comprendre qu’Abraham est pour nous un père dans l’espérance ; non seulement père dans la foi, mais père dans l’espérance. Et ceci, parce que dans son histoire, nous pouvons déjà saisir une annonce de la résurrection, de la vie nouvelle qui vainc le mal et la mort elle-même.
Le texte dit qu’Abraham crut dans le Dieu « qui donne la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas » (Rm 4,17) ; puis il précise : « Il n’a pas faibli dans la foi quand, presque centenaire, il considéra que son corps était déjà marqué par la mort et que Sara ne pouvait plus enfanter » (Rm 4,19). Voilà, c’est l’expérience que nous sommes appelés à vivre nous aussi. Le Dieu qui se révèle à Abraham est le Dieu qui sauve, le Dieu qui fait sortir du désespoir et de la mort, le Dieu qui appelle à la vie. Dans l’histoire d’Abraham, tout devient un hymne à Dieu qui libère et régénère, tout devient prophétie. Et le devient pour nous, pour nous qui, maintenant, reconnaissons et célébrons l’accomplissement de tout cela dans le mystère de la Pâque. Dieu, en effet, « a ressuscité d’entre les morts Jésus » (Rm 4,24) pour que nous aussi nous puissions passer en lui de la mort à la vie. Et alors vraiment, Abraham peut bien se dire « père de nombreux peuples » dans la mesure où il resplendit comme l’annonce d’une humanité nouvelle – nous – rachetée par le Christ du péché et de la mort et introduite une fois pour toutes dans l’étreinte de l’amour de Dieu.
À ce point, Paul nous aide à mettre au point le lien très étroit entre la foi et l’espérance. En effet, il affirme qu’Abraham « crut, espérant contre toute espérance » (Rm 4,18). Notre espérance ne porte pas sur des raisonnements, prévisions et assurances humaines ; et elle se manifeste là où il n’y a plus d’espérance, où il n’y a plus rien en quoi espérer, justement comme cela s’est produit pour Abraham, devant sa mort imminente et la stérilité de sa femme Sara. Pour eux, la fin approche, ils ne pouvaient pas avoir d’enfants et dans cette situation, Abraham a cru et a eu l’espérance contre toute espérance. Et ceci est grand ! La grande espérance s’enracine dans la foi, et précisément pour cela, elle est capable d’aller au-delà de toute espérance. Oui, parce qu’elle n’est pas fondée sur notre parole, mais sur la Parole de Dieu. En ce sens aussi, nous sommes alors appelés à suivre l’exemple d’Abraham qui, pourtant devant l’évidence d’une réalité qui semble vouée à la mort, fait confiance en Dieu « pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis » (Rm 4,21). J’aimerais vous poser une question : nous, nous tous, en sommes-nous convaincus ? Sommes-nous convaincus que Dieu nous aime et que tout ce qu’il nous a promis, il est disposé à l’accomplir ? Mais, Père, combien devons-nous payer pour cela ? Il n’y a qu’un prix : « ouvrir son cœur ». Ouvrez vos cœurs et cette force de Dieu vous fera aller de l’avant, fera des choses miraculeuses et il vous enseignera ce qu’est l’espérance. C’est l’unique prix : ouvrir son cœur à la foi et il fera le reste.
C’est le paradoxe et en même temps l’élément le plus fort, le plus élevé de notre espérance. Une espérance fondée sur une promesse qui, du point de vue humain, semble incertaine et imprévisible, mais qui ne diminue même pas devant la mort, quand c’est le Dieu de la résurrection et de la vie qui promet. Celui qui promet n’est pas n’importe qui ! Celui qui promet est le Dieu de la résurrection et de la vie.
Chers frères et sœurs, demandons aujourd’hui au Seigneur la grâce de rester fondés non pas tant sur nos sécurités, sur nos capacités, mais sur l’espérance qui jaillit de la promesse de Dieu, comme de vrais enfants d’Abraham. Quand Dieu promet, il accomplit ce qu’il promet. Il ne manque jamais à sa parole. Alors, notre vie prendra une lumière nouvelle, avec la conscience que celui qui a ressuscité son Fils nous ressuscitera nous aussi et fera que nous serons un avec lui, avec tous nos frères dans la foi. Nous tous, nous croyons. Aujourd’hui, nous sommes tous sur la place, nous louons le Seigneur, nous chanterons le Notre Père puis nous recevrons la bénédiction… Mais cela passe. Mais ceci est aussi une promesse d’espérance. Si, aujourd’hui, nous avons le cœur ouvert, je vous assure que nous tous, nous nous rencontrerons sur la place du ciel qui ne passe jamais, pour toujours. C’est la promesse de Dieu et c’est notre espérance, si nous ouvrons nos cœurs. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana - 2017
Discours d’ouverture de Mgr Georges PONTIER à l’Assemblée des Évêques de France
« Nous ne pouvons pas penser notre avenir, chacun replié sur soi-même »
Lors de son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière des évêques de France, à Lourdes, Mgr Georges Pontier a mis en garde, mardi 28 mars, contre le « repli sur soi » et le « dangereux regard de méfiance » porté sur les musulmans. Une manière de s’opposer au Front National sans jamais mentionner le nom du parti de Marine Le Pen.
Je suis heureux d’être ici avec vous pour vivre cette Assemblée plénière de printemps. Je vous remercie pour votre prière et vos marques d’amitié durant cette longue période d’hospitalisation et de convalescence. Je pense à tous ceux d’entre nous qui vivent une épreuve de santé ; qu’ils soient assurés de notre fraternelle amitié.
Nous vivons ce temps de Carême et cette montée vers Pâques en union avec le pape François dont nous venons de fêter le quatrième anniversaire de l’élection. Nous lui exprimons toute notre profonde reconnaissance pour son ministère et son témoignage. Nous l’assurons de notre prière.
La joie de suivre le Christ
Nous vivons également ce temps avec nos communautés chrétiennes et tout particulièrement avec les catéchumènes qui recevront les sacrements de l’initiation chrétienne lors des fêtes pascales. C’est un émerveillement pour nous chaque année, une action de grâce profonde, une contemplation de l’œuvre de l’Esprit Saint reconnue par ces hommes et ces femmes dans des vies aux contours souvent sinueux et éprouvants. Ils ont perçu l’amour que Dieu leur porte. Ils sont saisis par sa miséricorde, sa patience, sa présence aimante. Ils découvrent la vie en Église à travers des personnes qui les accueillent, les accompagnent, marchent avec eux. Ils rejoignent la communauté chrétienne le dimanche lorsqu’elle se rassemble pour rendre grâce. Ils trouvent là comme une nouvelle famille. Ils sont plus de quatre mille adultes de toutes catégories sociales, de tous âges. Ils sont heureux et impatients d’être baptisés, confirmés et de communier au corps et au sang du Seigneur Jésus. Ils s’ouvrent à une autre dimension, à la foi en un Dieu, source de toute vie et de tout amour. Ils mettent en Lui leur espérance. À sa lumière ils veulent marcher et orienter leur existence. La résurrection du Christ est la bonne nouvelle qui révèle le projet de Dieu de nous introduire dans la communion d’amour vécue entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Leur vie quotidienne n’en sera pas vraiment changée dans sa matérialité, mais elle sera habitée par la présence de Celui qui invite au pardon, au service, au souci des frères et qui ne nous laisse jamais seul. Le mystère pascal fonde notre espérance, soutient notre marche ici-bas, nous oriente vers une vie donnée à la ressemblance de celle que le Christ a vécue, « Lui qui est passé en faisant le bien » (Actes 10, 38).
Nos fragilités et nos fautes
L’Église se tourne vers le Christ. C’est en Lui qu’est son espérance. C’est Lui la lumière du monde et le sauveur. Nous, nous connaissons nos fragilités et nos fautes. Nous ne sommes pas parfaits. On nous rappelle souvent celles qui concernent les évêques ou les prêtres, parfois avec des approximations et des généralisations qui n’apparaissent pas toujours à ceux qui n’ont que ces informations. Au mois de novembre dernier, nous avons ici même demandé pardon au Seigneur et à ceux et celles qui ont été victimes d’actes inqualifiables de la part de prêtres et de consacrés ou d’erreurs de décisions de notre part. Cela n’était pas pour nous distraire de nos responsabilités. Tout au long de l’année, nous avons mis en place dans nos diocèses et au plan national différentes mesures dont des cellules d’écoute des victimes. Nous avons développé des outils de formation pour tous ceux et celles qui sont en responsabilité auprès d’enfants et de jeunes. Nous nous sommes entourés d’une commission d’experts pour nous conseiller dans la gestion des faits. Qu’on veuille bien nous croire : nous sommes profondément touchés par la souffrance des victimes et nous voulons les accueillir et les écouter de notre mieux. Nous sommes résolus à aider la justice à faire son travail. Rien ne peut-nous en dispenser. Nous invitons les victimes à porter plainte auprès des autorités judiciaires auxquelles, pour notre part nous signalerons les faits qui nous seraient révélés. Mais qu’on veuille bien cesser de laisser entendre que tout prêtre est un pédophile potentiel. Qu’on arrête de taire toutes les décisions prises en ce domaine par notre Conférence depuis des années et tous les changements dans notre manière d’aborder ces faits. En votre nom, je renouvelle notre confiance et notre reconnaissance aux prêtres de nos diocèses qui vivent de belle manière leur ministère. Avec eux dans quelques jours, nous célébrerons la messe chrismale au cours de laquelle chacun renouvellera sa disponibilité pour être prêtre. Et nous poursuivrons notre mission de disciples, soutenant l’espérance, invitant au partage, à l’accueil, à la fraternité et à la confiance en Dieu.
Les responsabilités politiques
Le 20 juin 2016 d’abord puis le 14 octobre 2016, le Conseil permanent des évêques de France a pris la parole pour participer au débat national qui allait être lancé en vue des futures élections. C’est un moment important de notre vie nationale puisqu’il s’agit d’élire d’abord le futur président de la République, puis les députés qui exerceront leur responsabilité, particulièrement, celle de voter les lois. Le document du mois de juin désignait quelques points d’attention précis en vue d’une lecture attentive des programmes électoraux. Celui d’octobre invitait à une réflexion plus fondamentale sur notre société : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». « Si nous parlons aujourd’hui, écrivions-nous, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation (…) Plus que jamais, nous sentons que le vivre ensemble est fragilisé, fracturé, attaqué. Ce qui fonde la vie en société est remis en cause (…) La crise de la politique est d’abord une crise de confiance envers ceux qui sont chargés de veiller au bien commun et à l’intérêt général. (…) S’il ne s’agit pas de rêver à une illusoire pureté dans les rapports sociaux et politiques, l’attitude et l’image de quelques-uns jettent le discrédit sur l’ensemble de ceux qui vivent l’engagement politique comme un service de leur pays. » La campagne électorale qui se déroule a apporté son lot d’informations, de suspicions, d’outrances, de fautes et finalement de violence même par rapport à cette part de la population française qui arrive tout juste à vivre et à faire des projets. Le rapport à l’argent peut aveugler et empêcher de percevoir le drame profond que vivent ceux qui n’ont pas accès au travail, à un logement digne, à la culture. Au cours de ces dernières années l’écart des revenus entre les plus riches et les plus pauvres n’a cessé d’augmenter. Ainsi notions-nous : « Une France inquiète des injustices, et qui comprend mal par exemple le salaire indécent de certains grands patrons pendant que l’immense majorité des petits entrepreneurs se battent pour que leur entreprise vive et se développe. » L’exercice du pouvoir est exigeant. Il nécessite une vigilance de tous les instants pour demeurer au service du bien commun et ne pas en tirer un profit personnel aux effets désastreux. Vivre dans une démocratie est une chance ; c’est aussi une responsabilité.
Notre société apparaît bien divisée. Faut-il s’en accommoder ? C’est à cette réflexion que nous invitera M. Pierre Manent jeudi. Nous la poursuivrons en échangeant sur notre ministère de communion dans nos diocèses et au sein de nos presbyterium devenus de plus en plus divers.
Les exigences de la fraternité
Souvent sont rappelées de manière incantatoire les valeurs de la République, telles qu’elles sont affichées au fronton des mairies : « Liberté, égalité, fraternité ». Il s’agit d’un idéal jamais atteint et toujours en chantier. Mais on pourrait dire qu’aujourd’hui la fraternité a besoin d’être mise à la première place. Non pas la fraternité affichée comme un vague sentiment qui donne bonne conscience, mais celle qui se transforme en engagement concret en faveur des plus défavorisés, des chômeurs et aussi des migrants, des réfugiés venus en France en fuyant les conditions de vie devenues dangereuses ou misérables dans leur pays d’origine. Heureusement, au ras du terrain, cette fraternité se vit dans un tissu associatif généreux, engagé, durable, qui mérite d’être encouragé et soutenu. Nous ne pouvons pas penser notre avenir, chacun replié sur soi-même. Certains le pensent. C’est un leurre. Ceux qui viennent chez nous et sont accueillis, peuvent s’intégrer, apporter leur savoir-faire, leur dynamisme et contribuer ensuite au bien-être de tous. Notre conviction chrétienne et citoyenne nous invite à la générosité, à la recherche du bien commun, à l’ouverture, à l’accueil, à la fraternité universelle avec le sens des responsabilités qui nous incombent. Le pape François nous invite souvent à « ce devoir de solidarité » ; ainsi récemment, le 21 février dernier devant les participants au Forum international « Migrations et Paix ». Après avoir rappelé la nécessité d’œuvrer pour le développement des peuples afin que nul ne soit forcé de quitter son pays, il s’exprimait ainsi : « Devant les tragédies qui “marquent au fer rouge” la vie de tant de migrants et de réfugiés – guerres, persécutions, abus, violence, mort – on ne peut qu’éprouver des sentiments spontanés d’empathie et de compassion. “Où est ton frère ?” (Cf. Gn 4,9) : cette question, que Dieu pose à l’homme depuis les origines, nous implique, spécialement aujourd’hui par rapport à des frères et des sœurs qui migrent : “Ce n’est pas une question adressée à d’autres, c’est une question adressée à moi, à toi, à chacun de nous”. La solidarité naît justement de la capacité à comprendre les besoins du frère et de la sœur en difficulté et de s’en charger. C’est là, en substance, que se fonde la valeur sacrée de l’hospitalité présente dans les traditions religieuses. Pour nous, chrétiens, l’hospitalité offerte à l’étranger qui a besoin d’un refuge est offerte à Jésus-Christ lui-même, qui s’identifie avec l’étranger : “J’étais étranger et vous m’avez accueilli” (Mt 25, 35). C’est un devoir de solidarité de s’opposer à la culture du rejet et de nourrir une plus grande attention envers les plus faibles, pauvres et vulnérables. C’est pourquoi un changement d’attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part de tous ; le passage d’une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de marginalisation – qui, à la fin, correspond exactement à la “culture du rejet” – à une attitude qui soit basée sur la “culture de la rencontre”, la seule capable de construire un monde plus juste et fraternel, un monde meilleur. » En ce sens, comment ne pas se réjouir du protocole d’accord qui vient d’être signé entre l’État français, la communauté de Sant’Egidio, la Fédération protestante de France, la Fédération de l’entraide protestante, la Conférence des évêques de France et le Secours catholique, pour la mise en œuvre d’un couloir humanitaire visant l’accueil de 500 réfugiés en provenance du Liban ?
Une société qui donne sa place à tous
Le mardi 14 mars, à la fin du journal de 20 heures, sur une grande chaîne nationale, la météo du week-end suivant était présentée par Stéphanie Ségard, jeune femme trisomique, âgée de 21 ans. Quel bonheur de voir son stress, sa joie et sa fierté. Cela ne fait que souligner l’engagement des familles et de la société pour entourer les personnes porteuses de handicaps et leur permettre de s’épanouir au maximum de leurs capacités. C’est le beau fruit de l’amour. Dès lors, qui pourrait dire que ces vies ne méritent pas d’être vécues et qu’elles n’apportent rien à notre société ? Qui n’a pas expérimenté que la faiblesse n’est pas sans signification ? Qui n’a pas reçu de ceux qui en sont porteurs ? Les communautés de l’Arche, comme ceux et celles qui se retrouvent dans des mouvements confessionnels ou non en sont des témoins merveilleux. Nous déplorons une fois de plus que notre société aille vers des pratiques eugéniques et ne puisse prendre en compte les démarches de soutien et de réflexion auprès des couples qui découvrent le handicap prévisible d’un de leurs enfants à naître. Les progrès scientifiques fournissent des informations qui étaient ignorées auparavant. Cela devrait déboucher sur de meilleures thérapies et non sur une culture qui, voulant l’enfant parfait, recommande d’éliminer l’embryon porteur de handicap. Oui, nous déplorons que toutes les procédures de dialogue et de réflexion contenues dans la loi Veil aient peu à peu disparu et laissent les femmes souvent seules face à la culture du rejet et ne puissent entendre d’autres alternatives possibles grâce aux solidarités disponibles. L’Église catholique est toujours engagée pour redire la dignité de toute personne humaine de sa conception à sa mort naturelle. Elle était présente dans les débats de 1974-1975 de manière claire. Elle l’est encore aujourd’hui pour défendre une vraie culture de la vie qui ne se satisfait pas des solutions qui s’en remettent à la mort provoquée.
La richesse des familles
Lors des synodes sur la famille, les Pères synodaux ont porté sur la vie des familles un regard réaliste qui n’ignore pas les difficultés et les souffrances de la vie, mais aussi un regard rempli d’espérance et d’encouragement. La famille est un lieu essentiel d’humanisation, d’apprentissage de la vie et de l’amour, un soutien tout au long de l’existence, un lieu de bonheur quand les inévitables épreuves sont traversées dans l’humilité, le pardon et la confiance. Dans l’exhortation apostolique « La joie de l’amour » (Amoris laetitia) que le pape François a donnée à l’issue de ces synodes, il insistait sur l’importance des familles pour la bonne santé de la société : « …Nous devons insister sur les droits de la famille et pas seulement sur les droits individuels. La famille est un bien dont la société ne peut pas se passer, mais elle a besoin d’être protégée. (…) Les familles ont, parmi d’autres droits, celui de pouvoir compter sur une politique familiale adéquate de la part des pouvoirs publics dans les domaines juridique, économique, social et fiscal » (n. 44). Par ailleurs, il n’y a pas de droit à l’enfant et brouiller les repères de la filiation devrait apparaître comme une limite à ne pas franchir. Nous espérons que les futurs gouvernants de notre pays en auront une vive conscience.
La place des musulmans dans notre société
Parmi les réalités qui marquent notre société française, on ne peut oublier la présence nombreuse de concitoyens de religion musulmane. C’est une réalité maintenant ancienne dont les jeunes font l’expérience quotidienne dans leur vie scolaire et associative. Le contexte international marque notre manière de l’appréhender. Les conflits du Moyen-Orient sont venus rompre un équilibre longtemps vécu pour le mieux. Nos frères chrétiens en sont des victimes douloureuses. Nous soutenons toujours le projet du financement des études supérieures de jeunes adultes à Kirkouk en Irak. Par bien des côtés ces conflits opposent des musulmans entre eux. L’existence des islamistes extrémistes qui recrutent jusque chez nous de jeunes adultes en vue de s’en servir pour leurs intérêts, les attentats perpétrés dans notre pays au nom de Daech, ont provoqué des peurs compréhensibles mais qui peuvent faire porter sur tout musulman un dangereux regard de méfiance. Notre société hésite sur la place à faire à la religion musulmane dans notre pays, et du coup elle se pose à nouveau la question du fait religieux et de sa manifestation dans le paysage social. Plus qu’un risque cette question est un défi qu’il nous faut ensemble relever. Il est nécessaire que du sein de la population française musulmane se lèvent des responsables qui aident leurs frères à inscrire la pratique de l’islam dans notre République et se démarquent de ceux qui distillent des enseignements fermés ou des pratiques communautaristes, dangereuses pour le vivre ensemble. On sait bien que la formation des imams est une question fondamentale ainsi que celle de l’organisation d’une représentation lisible de l’islam dans notre pays. Il appartient à la communauté musulmane de trouver la forme d’organisation compatible avec sa réalité et avec la vie dans la République. Mais d’autre part, il est nécessaire que le reste de la population s’engage dans la construction de relations citoyennes les meilleures possible, apaisées et confiantes. Pour nous, catholiques, nous savons que seuls le dialogue et la rencontre permettent de grandir dans la connaissance et le respect mutuel. Les différences ne deviennent des richesses que lorsqu’elles se rencontrent et cherchent les voies d’une forme de communion, de respect et d’estime. On ne peut accepter l’idée d’une neutralisation progressive de l’espace public souhaitée par certains. La laïcité dans laquelle nous voulons vivre est celle qui promeut la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire, celle de pouvoir exprimer et vivre ses convictions d’une manière qui ne provoque pas un trouble à l’ordre public. Interdire de s’exprimer à certains les désigne comme de dangereux citoyens et fracture la société.
Regarder l’avenir de l’Europe avec confiance
Ce samedi 25 mars 2017, se fêtait à Rome le soixantième anniversaire de la signature des traités de Rome, acte fondateur de l’union européenne. La veille, le pape François en a reçu les 27 chefs d’État. Dans un discours apprécié, il les a encouragés dans leurs responsabilités en rappelant ce qui a guidé les pères fondateurs « les piliers sur lesquels ils ont voulu édifier la communauté économique européenne et que j’ai déjà rappelés : la centralité de l’homme, une solidarité effective, l’ouverture au monde, la poursuite de la paix et du développement, l’ouverture à l’avenir… L’Europe retrouve l’espérance dans la solidarité qui est aussi le plus efficace antidote contre les populismes modernes ». Beaucoup de voix s’expriment pour que l’Europe retrouve cet esprit solidaire qui a présidé à son histoire.
Au printemps 2007, les services de la Conférence épiscopale se sont installés avenue de Breteuil. Dix ans après, on s’en réjouit. Ce lieu permet des rencontres, facilite le travail en commun, donne une visibilité à la Conférence des évêques et permet des événements ouverts à l’extérieur. Les réalités de la société et de l’Église ont évolué depuis. Il est devenu nécessaire de faire le point sur nos fonctionnements, sur des besoins nouveaux et des réalités qui s’estompent. Nos moyens ne sont pas infinis. Des choix s’imposent. Au cours de cette assemblée nous poursuivrons notre réflexion sur la réforme de nos structures.
Il me reste à nous souhaiter une bonne session de travail, d’amitié et de prière. Nous ne manquerons pas de confier au Seigneur par l’intercession de la Vierge Marie notre pays ainsi que la recherche de la paix dans le monde, au Moyen-Orient particulièrement. Le visage de Bernadette nous désigne les plus pauvres comme ceux que le Seigneur aime rejoindre par Marie comme par de grandes figures de sainteté, telle celle de saint Vincent de Paul dont on fête le 400eanniversaire des congrégations qu’il a fondées dans notre pays. C’est à partir du souci des plus pauvres que se trouvent les chemins porteurs d’espérance.
Je vous remercie pour votre attention.
© Conférence des Évêques de France - 2017
Entretien avec Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne
La colère des Guyanais est aussi la mienne
Évêque de Cayenne depuis 2004, Mgr Emmanuel Lafont plaide pour une prise en compte des spécificités de la Guyane afin de mieux responsabiliser ses habitants.
La Croix : Partagez-vous la colère des habitants de la Guyane ?
Mgr Emmanuel Lafont : Leur colère est la mienne depuis longtemps. Les Guyanais sont à bout. Ils n’en peuvent plus de cette insécurité galopante liée au chômage, au manque de perspectives, à la dégradation accélérée du système d’éducation et de santé. Rien que l’an dernier, nous avons déploré 42 meurtres. Cette violence gratuite, ignoble, nous plonge à nouveau dans un mal-être qui crie de ne pas être entendu. Tant de promesses n’ont pas été tenues… Le bouchon a fini par sauter.
La Croix : Avez-vous des contacts avec le collectif des « 500 frères contre la délinquance » qui fait sensation dans les médias ?
Mgr Emmanuel Lafont : Bien sûr. Les deux tiers d’entre eux sont d’ailleurs des catholiques. Je les connais et ils me connaissent tous. L’image que l’on donne d’eux en métropole est assez caricaturale. Mais leur attitude jusqu’à présent n’est pas violente et vise au contraire à calmer les jeunes. Une chose est sûre, ils sont déterminés à obtenir du changement.
La Croix : Que faut-il pour permettre à la Guyane d’aller de l’avant ?
Mgr Emmanuel Lafont : D’abord, signer et mettre en œuvre le plus vite possible ce fameux « pacte d’avenir » qui n’en finit plus de ne pas être signé. La responsabilité de ce blocage n’est pas seulement à rechercher du côté de Paris, mais chez nous aussi. La mise en route de ce pacte conditionne le redémarrage économique de la Guyane. Par ailleurs, il est temps d’en finir avec un jacobinisme inadapté qui prétend gouverner à 7 000 km de distance une région amazonienne sans tenir compte des réalités locales. Pour responsabiliser davantage les Guyanais, il faut redessiner leur avenir institutionnel.
La Croix : Ne craignez-vous pas un effet promesses électorales avant que le silence ne retombe une fois de plus ?
Mgr Emmanuel Lafont : Ce qui est vrai pour la Guyane vaut malheureusement pour l’ensemble de cette campagne présidentielle. Jamais la défiance n’a été aussi grande envers les politiques. Comme je l’ai écrit aux élus locaux le mois dernier, nous avons à changer profondément le climat social et spirituel de notre société. C’est une entreprise de longue haleine, certes, mais que nous ne pouvons plus retarder et à laquelle les Guyanais doivent prendre toute leur part. L’État, l’administration, personne ne pourra faire à notre place ce qui nous revient, tout simplement parce que nous sommes le peuple de cette région.
La Croix : Changer le climat social et spirituel, qu’entendez-vous par là ?
Mgr Emmanuel Lafont : Il faut rétablir une culture de partage de la richesse propre au « mayouri », qui s’oppose à l’individualisme occidental exacerbé. N’oublions pas que les sociétés premières de la Guyane ne vivaient pas selon le principe de la propriété privée. Avant que nous n’arrivions avec nos clôtures et nos permis de construire, personne n’était pauvre.
La Croix : En 2014, vous avez observé une grève de la faim pour alerter sur le niveau de pauvreté de l’Église en Guyane. Comment prenez-vous part aux mouvements dans la rue ?
Mgr Emmanuel Lafont : L’Église fait partie de ce mouvement. Elle n’est pas un corps étranger et les personnes présentes sur les barrages sont en majorité des catholiques. Chaque jour, je prends des contacts avec les différents collectifs, avec d’autres responsables religieux protestants ou bouddhistes, avant de me rendre moi-même sur les lieux névralgiques. Les gens sont heureux quand je passe les voir. Il y a une forme de symbiose très différente de ce qui se vit en métropole.
La Croix : Êtes-vous optimiste pour la suite ?
Mgr Emmanuel Lafont : Cela va passer… ou casser. Mais je crois que ça va passer car bien plus qu’une simple revendication sectorielle, il s’agit de la détermination de tout un peuple. Pour paraphraser Aimé Césaire, les Guyanais veulent être des Français à part entière et non plus des Français entièrement à part.
Recueilli par Samuel Lieven
© La Croix - 2017
Commentaire des lectures du dimanche
Les trois lectures d’aujourd’hui nous parlent de Résurrection, nous parlent de vie. Cette belle promesse du Seigneur : « Voici que j’ouvre vos tombeaux ; je vais vous faire remonter de vos tombeaux » (Ez 37, 12), est la promesse du Seigneur qui a la vie et qui a la force de donner la vie, pour que ceux qui sont morts puissent retrouver la vie. La seconde lecture nous dit que nous sommes sous le Saint-Esprit et le Christ en nous, son Esprit, nous ressuscitera. Et dans la troisième lecture, l’Évangile, nous avons vu comment Jésus a donné la vie à Lazare. Lazare, qui était mort, est revenu à la vie.
Je veux simplement dire une toute petite chose. Nous avons tous en nous certaines régions, certaines parties de notre cœur qui ne sont pas vivantes, qui sont un peu mortes ; et certains ont beaucoup de parties du cœur mortes, une véritable nécrose spirituelle ! Et nous, quand nous avons cette situation, nous nous en apercevons, nous avons envie d’en sortir, mais nous ne pouvons pas. Seul le pouvoir de Jésus, le pouvoir de Jésus est capable de nous aider à sortir de ces zones mortes du cœur, ces tombes de péché, que nous avons tous. Nous sommes tous pécheurs ! Mais si nous sommes très attachés à ces tombeaux et que nous les abritons en nous et que nous ne voulons pas que tout notre cœur ressuscite à la vie, nous devenons corrompus et notre âme commence, comme le dit Marthe, à « sentir » (Jn 11, 39), à avoir l’odeur d’une personne qui est attachée au péché. Et le Carême sert un peu à cela. Pour que nous tous, qui sommes pécheurs, nous ne finissions pas attachés au péché, mais que nous puissions entendre ce que Jésus a dit à Lazare : « Il s’écria d’une voix forte : “Lazare, viens dehors !” » (Jn 11, 43).
Aujourd’hui, je vous invite à penser un instant, en silence, ici : où se trouve ma nécrose en moi ? Où est la partie morte de mon âme ? Où est ma tombe ? Pensez, une petite minute, tous en silence. Pensons : Quelle est la partie du cœur qui peut être corrompue, parce que je suis attaché aux péchés ou à un péché, ou à certains péchés ? Et ôter la pierre, ôter la pierre de la honte et laisser le Seigneur nous dire, comme il a dit à Lazare : « Viens dehors ! ». Afin que toute notre âme soit guérie, soit ressuscitée par l’amour de Jésus, par la force de Jésus. Lui est capable de nous pardonner. Nous en avons tous besoin ! Tous. Nous sommes tous pécheurs, mais nous devons être attentifs à ne pas devenir corrompus ! Nous sommes pécheurs, mais il nous pardonne. Écoutons la voix de Jésus qui, avec la puissance de Dieu, nous dit : « Viens dehors ! Sors de cette tombe que tu as en toi. Sors. Moi je te donne la vie, je te rends heureux, je te bénis, je te veux pour moi ».
Puisse le Seigneur aujourd’hui, en ce dimanche, où l’on parle tant de la Résurrection, nous donner à tous la grâce de ressusciter de nos péchés, de sortir de nos tombes ; avec la voix de Jésus qui nous appelle, sortir, aller auprès de Lui.
Et une autre chose : le cinquième dimanche de Carême, ceux qui se préparaient au baptême dans l’Église, recevaient la Parole de Dieu. Cette communauté aussi aujourd’hui, fera le même geste. Et moi, je voudrais vous donner l’Évangile ; que vous apportiez l’Évangile chez vous. Cet Évangile est un Évangile de poche à emporter toujours avec nous, pour en lire un petit passage ; l’ouvrir comme ça et lire un peu de l’Évangile, quand je dois faire la queue ou quand je suis dans le bus ; mais quand je suis confortablement installé dans le bus, parce que si je ne suis pas confortablement installé, je dois faire attention à mes poches ! Toujours lire un petit bout de l’Évangile. Cela nous fera beaucoup de bien, cela nous fera beaucoup de bien ! Un peu tous les jours. C’est un cadeau, que je vous ai amené pour toute votre communauté, pour qu’ainsi aujourd’hui, cinquième dimanche de Pâques, vous receviez la Parole de Dieu et aussi que vous puissiez ainsi entendre la voix de Jésus qui vous dit : « Sors ! Viens ! Viens dehors ! », et vous préparer à la nuit de Pâques.
Homélie du 30 mars 2014
© Libreria Editrice Vaticana - 2014