Pko 28.06.2016

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°36/2016

Mardi 28 juin 2016 – Visite du Délégué apostolique – Mgr Martin KREBS

Eveques 50ans tahiti

 

21 juin : 25 ans d’Église locale

Édito de R.P. Paul HODÉE – Semeur tahitien – 23 juin 1991

21 Juin 1966... Dans la ligne du Concile Vatican Il, le Vicariat Apostolique de Tahiti et celui des îles Marquises devenaient Diocèses de plein droit : Papeete, archevêché ; Taiohae, évêché suffragant. C'était la fin institutionnelle de l'« ère des Missions » et l'entrée dans la période adulte et responsable des Églises locales autour de leur évêque dans la communion catholique autour du Successeur de Pierre : le Pape.

Changement important marquant le couronnement de l'effort des missionnaires des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie depuis 1834 pour faire vivre l'Évangile vécu en Église dans l'Océanie. La figure respectée de Mgr Paul Mazé, dernier Vicaire Apostolique et premier archevêque de Papeete, est dans toutes les mémoires. La nomination de Mgr Michel Coppenrath, prêtre diocésain natif de Tahiti, le 16 février 1968, illustre ce passage important vécu il y a 25 ans par l'ensemble des îles du Pacifique rassemblées au sein de la CEPAC.

Cette mutation prometteuse n'est pas signe de repli sur soi. Elle représente un nouveau style de communion fraternelle fondée sur le respect mutuel de partenaires égaux en dignité au sein de l'Église Catholique. Un diocèse est une Église locale responsable d'elle-même et rendant présente l'Église Universelle dans la communion avec le Pape, garant de l'unité et présidant à la charité.

Cette mutation entraîne le devoir d'inculturation du message chrétien en Polynésie maîtresse d'elle-même. Cette incarnation océanienne de l'Évangile est au carrefour difficile de trois contraintes qui s'imposent à tous :

  • les croyances, pratiques et mentalités ancestrales océaniennes ;
  • les croyances, pratiques et acquis de deux siècles d'évangélisation ;
  • les modèles d'une modernité technique mondialisée.

Les contradictions sont multiples, les imbrications inextricables. D'où le retour aux ancêtres, le détournement des symboles, le syncrétisme religieux, l'éclatement en nombreux groupes religieux, les recherches ésotériques et mystiques, l'indifférentisme laïque, la jouissance matérialiste ... Pourquoi cacher que nous vivons un mélange de grandes joies avec des frustrations et du désarroi !

Les trois Synodes de 1970, 1973, 1989 ont ouvert à la créativité locale et à l'espérance. Les fruits en sont manifestes. Il faut continuer avec une ardeur renouvelée pour vivre les décisions du 3e Synode diocésain de 1989, très urgent sur bien des points.

Il faut accueillir les questions et le désarroi d'une jeunesse déracinée et souvent sans espoir ; ce que drogue, alcool et anarchie sexuelle ne montrent que trop ! Tropicaliser les pratiques anciennes n'est pas inculturer la Foi. L'Évangile doit pénétrer le plus profond des cœurs, transformer les mentalités, être réapproprié de manière océanienne ouverte à l'universel pour devenir lumière, joie et vie. Tel est le défi majeur de ce 25e anniversaire si porteur d'avenir. N'est-il pas semblable à celui du premier Concile de Jérusalem en Actes 15 ?

C'est toujours l'actualité de la Pentecôte... une « nouvelle Pentecôte », une « nouvelle Évangélisation » dont Jésus est le centre, l'unique pierre de fondation et nous « les pierres vivantes ».

Père Paul HODÉE

© Semeur tahitien - 1991

L’Église autonome pour être instrument d’unité

Homélie du pape Benoît XVI – Pentecôte 2010

L’Église doit être autonome pour pouvoir être « instrument d’unité de tout le genre humain », mais c’est une unité dans la diversité. « L’unité créée par l’Esprit Saint » n’est pas « un espèce d’égalitarisme » Mais pour que l’Église soit signe à la fois d’unité et de diversité, elle doit être libre, explique Benoit XVI en citant le concile Vatican II : « Elle répond à sa vocation, d’être un signe d’unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, 1), seulement si elle reste autonome de tout État et de toute culture particulière. Toujours et en tout lieux, l’Église doit être vraiment, étant catholique et universelle, la maison de tous dans laquelle chacun peut se retrouver ». Il oppose cette conception à celle décrite par la Bible à Babel qui revient « au contraire », à « l’imposition d’une culture de l’unité » qu’il qualifie de « technique ». Il cite la Genèse pour faire observer qu’à Babel, « certains voulaient imposer à tous une seule langue » (cf. Gn 11,1-9). À la Pentecôte, « au contraire les Apôtres parlent des langues différentes en sorte que chacun comprennent le message dans sa propre langue ». « L’Église, a t-il expliqué, est par nature une et multiple, destinée à vivre auprès de toutes les Nations, de tous les peuples, et dans les contextes sociaux les plus divers ». Signe de cette multiplicité dans l’unité ?

Chers frères et sœurs,

Au cours de la célébration solennelle de la Pentecôte, nous sommes invités à professer notre foi dans la présence et dans l'action de l'Esprit Saint et à en invoquer l'effusion sur nous, sur l'Église et sur le monde entier. Faisons donc nôtre, et avec une intensité particulière, l'invocation de l'Église elle-même : Veni, Sancte Spiritus ! Une invocation si simple et immédiate, mais dans le même temps extraordinairement profonde, jaillie avant tout du cœur du Christ. En effet, l'Esprit est le don que Jésus a demandé et demande constamment au Père pour ses amis ; le premier et principal don qu'il nous a obtenu avec sa Résurrection et son Ascension au Ciel.

Le passage évangélique d'aujourd'hui, qui a pour cadre la Dernière Cène, nous parle de cette prière du Christ. Le Seigneur Jésus dit à ses disciples : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais » (Jn 14, 15-16). Ici nous est dévoilé le cœur en prière de Jésus, son cœur filial et fraternel. Cette prière atteint son sommet et son accomplissement sur la Croix, où l'invocation du Christ ne fait qu'un avec le don total qu'Il fait de lui-même, et sa prière devient donc pour ainsi dire le sceau même de son don en plénitude par amour pour le Père et pour l'humanité : invocation et don de l'Esprit Saint se rencontrent, s'entremêlent, deviennent une unique réalité. « Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais ». En réalité, la prière de Jésus - celle de la Dernière Cène et celle sur la croix - est une prière qui demeure également au Ciel, où le Christ siège à la droite du Père. En effet, Jésus vit toujours son sacerdoce d'intercession en faveur du peuple de Dieu et de l'humanité et prie donc pour nous tous, en demandant au Père le don de l'Esprit Saint.

Le récit de la Pentecôte dans le livre des Actes des Apôtres - nous venons de l'écouter dans la première lecture (cf. Ac 2, 1-11) - présente le « nouveau cours » de l'œuvre de Dieu commencé par la résurrection du Christ, une œuvre qui touche l'homme, l'histoire et l'univers. Du Fils de Dieu mort et ressuscité et retourné au Père souffle à présent sur l'humanité, avec une énergie inédite, le souffle divin, l'Esprit Saint. Et que produit cette nouvelle et puissante communication que Dieu fait de lui-même ? Là où il existe des déchirements et des séparations, il crée l'unité et la compréhension. Un processus de réunification s'instaure entre les différentes composantes de la famille humaine, divisées et dispersées ; les personnes, souvent réduites à des individus en compétition ou en conflit entre eux, atteintes par l'Esprit du Christ, s'ouvrent à l'expérience de la communion, au point de faire d'elles un nouvel organisme, un nouveau sujet : l'Église. Tel est l'effet de l'œuvre de Dieu : l'unité ; c'est pourquoi l'unité est le signe de reconnaissance, la « carte de visite » de l'Église au cours de son histoire universelle. Dès le début, depuis le jour de la Pentecôte, celle-ci parle toutes les langues. L'Église universelle précède les Églises particulières, et ces dernières doivent toujours se conformer à elle, selon un critère d'unité et d'universalité. L'Église ne demeure jamais prisonnière de frontières politiques, raciales et culturelles ; elle ne peut pas se confondre avec les États et pas plus avec les Fédérations d'États, car son unité est d'un genre divers et aspire à traverser toutes les frontières humaines.

De cela, chers frères, découle un critère pratique de discernement pour la vie chrétienne : lorsqu'une personne, ou une communauté, se renferme sur sa propre façon de penser et d'agir, c'est le signe qu'elle s'est éloignée de l'Esprit Saint. Le chemin des chrétiens et des Églises particulières doit toujours se confronter avec celui de l'Église une et catholique et s'harmoniser avec lui. Cela ne signifie pas que l'unité créée par l'Esprit Saint est une sorte d'égalitarisme. Au contraire, cela est plutôt le modèle de Babel, c'est-à-dire l'imposition d'une culture de l'unité que nous pourrions qualifier de « technique ». En effet, la Bible nous dit (cf. Gn 11, 1-9) qu'à Babel, tous ne parlaient qu'une seule langue. Lors de la Pentecôte, en revanche, les apôtres parlent des langues diverses de façon à ce que chacun comprenne le message dans son propre idiome. L'unité de l'Esprit se manifeste dans la pluralité de la compréhension. L'Église est de par sa nature une et multiple, destinée à vivre auprès de toutes les nations, de tous les peuples et dans les contextes sociaux les plus divers. Elle répond à sa vocation d'être signe et instrument d'unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n°1), uniquement si elle maintient son autonomie à l'égard de tout État ou de toute culture particulière. L'Église doit être toujours et en tout lieu véritablement, catholique et universelle, la maison de tous dans laquelle chacun peut se retrouver.

Le récit des Actes des Apôtres nous offre aussi un autre point de départ très concret. L'universalité de l'Église est exprimée par l'énumération des peuples selon l'antique tradition : « Parthes, Mèdes et Elamites... » etc. On peut observer que saint Luc va au-delà du nombre 12, qui exprime déjà et toujours une universalité. Il regarde au-delà des horizons de l'Asie et de l'Afrique nord-occidentale, et ajoute trois autres éléments : les « Romains », c'est-à-dire le monde occidental ; les « Juifs et les prosélytes », comprenant de manière nouvelle l'unité entre Israël et le monde ; et enfin « Crétois et Arabes », qui représentent l'Occident et l'Orient, les îles et la terre ferme. Cette ouverture des horizons confirme ultérieurement la nouveauté du Christ dans la dimension de l'espace humain, de l'histoire des peuples : l'Esprit Saint implique les hommes et les peuples et, à travers eux, il dépasse les murs et les barrières.

À la Pentecôte, l'Esprit Saint se manifeste comme un feu. Sa flamme est descendue sur les disciples réunis, elle s'est allumée en eux et leur a donné la nouvelle ardeur de Dieu. Ainsi se réalise ce qu'avait prédit le Seigneur Jésus : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé » (Lc 12, 49). Les apôtres, avec les fidèles des diverses communautés, ont apporté cette flamme divine jusqu'aux extrémités de la terre ; ils ont ouvert ainsi une route pour l'humanité, une route lumineuse, et ils ont collaboré avec Dieu qui, par son feu, veut renouveler la face de la terre. Combien ce feu est différent des guerres et des bombes ! Combien est différent l'incendie du Christ, propagé par l'Église, par rapport à ceux allumés par les dictateurs de toute époque, jusqu'au siècle dernier, qui laissent derrière eux une terre brûlée. Le feu de Dieu, le feu de l'Esprit Saint, est celui du buisson qui est embrasé, mais ne se consume pas (cf. Ex 3,2). C'est une flamme qui brûle, mais ne détruit pas ; qui au contraire, en s'embrasant, fait apparaître la meilleure part de l'homme et la plus vraie; et qui comme dans une fusion fait apparaître sa forme intérieure, sa vocation à la vérité et à l'amour.

Un Père de l'Église, Origène, dans l'une de ses homélies sur Jérémie, rapporte une parole attribuée à Jésus, qui n'est pas contenue dans les Saintes Écritures, mais est peut-être authentique, qui dit ceci : « Qui est à mes côtés est au côté du feu » (Homélie sur Jérémie l. I[III). Dans le Christ, en effet, habite la plénitude du Dieu, qui dans la Bible est comparée au feu. Nous avons observé il y a peu que la flamme de l'Esprit Saint embrase, mais ne brûle pas. Et celle-ci opère toutefois une transformation, et pour cela, elle doit consumer quelque chose dans l'homme, les résidus qui le corrompent et l'entravent dans ses relations avec Dieu et avec son prochain. Mais cet effet du feu divin nous effraie, nous avons peur de nous y « brûler », nous préférerions demeurer comme nous sommes. Cela dépend du fait que, très souvent, notre vie est organisée dans une logique de l'avoir, de la possession et non du don de soi. Beaucoup croient en Dieu et admirent la figure de Jésus Christ, mais quand il leur est demandé de perdre quelque chose d'eux-mêmes, alors ils font un pas en arrière, ils ont peur des exigences de la foi. Il y a la crainte de devoir renoncer à quelque chose de beau, auquel nous sommes attachés ; la crainte que suivre le Christ nous prive de la liberté, de certaines expériences, d'une part de nous-mêmes. D'un côté, nous voulons être avec Jésus, le suivre de près, et de l'autre, nous avons peur des conséquences que cela entraîne.

Chers frères et sœurs, nous avons toujours besoin de nous entendre dire par le Seigneur Jésus, ce qu'il répétait souvent à ses amis : « N'ayez pas peur ». Comme Simon Pierre et les autres, nous devons laisser sa présence et sa grâce transformer notre cœur, toujours sujet aux faiblesses humaines. Nous devons savoir reconnaître que perdre quelque chose, et même soi-même pour le vrai Dieu, le Dieu de l'amour et de la vie, c'est en réalité gagner, se retrouver plus pleinement. Qui s'en remet à Jésus fait l'expérience déjà dans cette vie-là de la paix et de la joie du cœur, que le monde ne peut pas donner, et ne peut pas non plus ôter une fois que Dieu nous les a offertes. Il vaut donc la peine de se laisser toucher par le feu de l'Esprit Saint ! La douleur qu'il nous procure est nécessaire à notre transformation. C'est la réalité de la croix : ce n'est pas pour rien que dans le langage de Jésus, le « feu » est surtout une représentation du mystère de la croix, sans lequel le christianisme n'existe pas. C'est pourquoi, éclairés et réconfortés par ces paroles de vie, nous élevons notre invocation : Viens, Esprit Saint ! Allume en nous le feu de ton amour ! Nous savons que c'est une prière audacieuse, par laquelle nous demandons à être touchés par la flamme de Dieu ; mais nous savons surtout que cette flamme - et elle seule - a le pouvoir de nous sauver. Nous ne voulons pas, pour défendre notre vie, perdre la vie éternelle que Dieu veut nous donner. Nous avons besoin du feu de l'Esprit Saint, parce que seul l'Amour rachète. Amen.

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