Pko 24.04.2016
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°24/2016
Dimanche 24 avril 2016 – 5ème Dimanche de Pâques – Année C
Humeurs…
A’ata… la Cathédrale aussi…
« Parce que le rire et le sourire sont plus fort que la violence »
Grâce à la participation d’EDT-Engie et en accord avec la mairie de Papeete, la Cathédrale est habillée de sourires d’enfants… Une initiative de l’Association « A’ata » qui autour de Marie-Hélène Villierme et avec les ’étudiants de la C.C.I.S.M. et de l’I.S.E.P.P. s’active depuis plusieurs mois à la réalisation de ce challenge… : afficher plus de 1 000 portraits dans nos rues et lieux de vie. Des sourires pour lutter contre la violence…
Chronique de la roue qui tourne
La Miséricorde
« La vertu n’est pas de la vertu si elle n’est pas accompagnée de douceur et de miséricorde. » Elizabeth Gaskell
Le Pape François a ouvert « l’année de la Miséricorde » il y a presque 6 mois afin que chacun fasse « l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance ». Pourtant, miséricorde, ce mot nous dérange puisqu’il évoque un pardon instantané et gratuit. Il suffit presque d’une simple demande pour l’obtenir… sans contrepartie. L’offense n’est pas réparée, elle est effacée. Où est donc la justice me direz-vous ? Comment effacer quelque chose qui a fait si mal ? Impossible ! Dans notre logique, tout pardon, et encore plus la miséricorde, doit se mériter. Notre raisonnement n’est pas faux mais il semble devenir obsolète. Aujourd’hui, nous sommes tombés si bas, notre décadence d’humanité est si grande que nul ne peut espérer mériter quoi que ce soit. Notre quotidien voit tellement d’horreurs et de malheurs que la justice devient même trop lourde à porter.
À l’heure où le monde souffre de guerres et de divisions…
À l’heure où le monde s’entretue, aussi bien sur les champs de bataille que dans les foyers…
À l’heure où le monde voit sa méchanceté et sa violence devenir sans limites et gratuites…
À l’heure où le monde bleuit sous les coups assénés…
À l’heure où le monde est gouverné par l’argent et le pouvoir…
À l’heure où le monde manque de dialogue, pour apaiser ses maux…
À l’heure où le monde oublie l’essentiel, faute de temps…
Seule la miséricorde, par son don gratuit, peut redonner des valeurs à notre monde. Le mot vient du latin « misèreor - j’ai pitié » et « cor – cœur ». On la compare souvent à la compassion, dont le sens latin est semblable : « cum patior – je souffre avec ». Il nous faudrait donc souffrir avec l’offenseur… c’est à y perdre son latin et toute logique.
Faut-il nier l‘offense et le mal ? Non. Au contraire, nous devons toujours nous conformer à la vérité pour laisser à l’autre une chance de grandir. La miséricorde nous demande juste de le faire avec autant d’amour que possible. La miséricorde nous demande juste de voir derrière chaque "ennemi" un frère perdu. La miséricorde nous demande juste de réclamer un peu plus d’amour pour un peu moins de justice. La miséricorde nous demande juste de croire au pardon, au-delà du mérite, pour que personne ne soit laissé pour compte. Pourvu que nous ayons assez de cœur pour réussir cet exploit !
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2016
Prière du pape François à Lesbos
Dieu miséricordieux,
nous te prions pour tous les hommes,
pour toutes les femmes et pour tous les enfants,
qui sont morts après avoir quitté leur pays
à la recherche d’une vie meilleure.
Bien que beaucoup de leurs tombes ne portent aucun nom,
chacun d’eux est connu, aimé et chéri de toi.
Puissions-nous ne jamais les oublier, mais honorer leur sacrifice
plus par les actes que par les paroles.
Nous te confions tous ceux qui ont fait ce voyage,
affrontant la peur, l’incertitude et l’humiliation,
en vue de parvenir à un endroit de sécurité et d’espérance.
Tout comme tu n’as jamais abandonné ton Fils
lorsqu’il a été conduit à un endroit sûr par Marie et par Joseph,
de même à présent sois proche
de tes fils et de tes filles que voici,
à travers notre tendresse et notre protection.
En prenant soin d’eux, puissions-nous travailler pour un monde
où personne n’est contraint à abandonner sa maison
et où chacun peut vivre dans la liberté, la dignité et la paix.
Dieu miséricordieux et Père de tous,
réveille-nous du sommeil de l’indifférence,
ouvre nos yeux à leur souffrance,
et libère-nous de l’insensibilité
générée par le confort mondain et l’égocentrisme.
Aide-nous, en tant que nations, communautés et individus,
à voir que ceux qui viennent dans nos contrées
sont nos frères et sœurs.
Puissions-nous partager avec eux les bénédictions
que nous avons reçues de tes mains,
et reconnaître qu’ensemble,
comme une famille humaine unique,
nous sommes tous des migrants,
en chemin dans l’espérance vers toi, notre vraie maison,
où toute larme sera essuyée,
où nous serons tous en paix et en sécurité dans tes bras.
La parole aux sans paroles – 32
Portrait d’un bénévole – Taote Lam
Médecin de la Direction de la Santé, taote Lam est un spécialiste des maladies transmissibles et contagieuses. Il est arrivé à Te Vaiete en tant que taote mais est resté comme bénévole.
Pourquoi et comment es-tu devenu bénévole à Te Vaiete ?
« Je connais Père Christophe depuis très longtemps mais on n’a fait que de se croiser. Et quand je me suis intéressé aux populations assez vulnérables dans le cadre de mon travail, je voulais vraiment faire quelque chose pour les pathologies dont je m’occupe ; je voulais réduire la vulnérabilité de ces personnes. Alors, je me suis approché naturellement de Père Christophe pour voir ce qu’il fait. Et ce qu’il faisait m’a parlé. Donc je suis venu donner un coup de main, je suis devenu un bénévole parmi d’autres. Au début, je ne connaissais pas Te Vaiete, je ne savais même pas que ça existait. Quand j’ai su, je suis venu assez rapidement. »
En quelle année ?
« Je ne m’en souviens plus. Il faut demander à Père, je ne sais plus. Il y a peut-être… non je ne sais pas. (Rires) »
Qu’est-ce que ça t’apporte ?
« Rigoler un bon coup avec Père Christophe. (Rires) Et puis, c’est sympathique de pouvoir donner un coup de main aux gens. »
La plus belle chose qui t’est arrivée à Te Vaiete ?
« Je ne sais pas, je n’ai pas de plus beau souvenir. Tu sais, le problème est que je ne me souviens de rien ! J’ai une très mauvaise mémoire. Une mauvaise mémoire des noms, des visages. C’est toujours la galère pour moi de me souvenir de quelque chose. Non, je ne sais pas. J’ai gardé en tête une bonne ambiance, l’ambiance est vraiment sympathique. C’est une sorte de fraternité. Voilà, c’est ça me plait. »
Le plus dur à Te Vaiete ?
« Tu sais, j’en ai vu des trucs durs. Mais ici, il n’y rien de dur, comparé à tout ce que j’ai vu. Ici, il n’y a que des choses positives. Je ne trouve rien de dur. »
Ton premier jour à Te Vaiete ?
« Le premier jour ? (Rires) Comme je te l’ai dit, je ne me souviens déjà pas quand est-ce que j’ai commencé. Alors te raconter mon premier jour, ça va être un peu difficile ! (Rires) Ah oui, oui, c’est ça. Je me souviens que j’étais venu et je m’attendais à trouver un endroit avec une devanture un peu plus large. J’ai tourné dans le coin en cherchant où c’était. De la route, on ne voit pas que la pièce est en profondeur. La surface qui donne sur la rue est très étroite et je me suis dit qu’on ne pouvait pas mettre grand monde là-dedans. Et je me souviens, je ne sais pas si c’était la première fois ou une des premières fois, d’une très très bonne organisation. Tout le monde savait ce qu’il a à faire, les rôles étaient bien répartis, la répartition était très naturelle et efficace. J’ai été frappé par ça ! C’est une autre organisation qu’une organisation militaire parce qu’ici il n’y a pas de commandant ni de général. Mais c’est tout aussi efficace mais de façon beaucoup plus conviviale et fraternelle. C’est ça qui est super, je trouve ! »
© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016
La miséricorde de Dieu dépasse nos attentes
Audience générale du mercredi 20 avril 2016 - pape François
Dieu nous apprend à distinguer le péché du pécheur. Lors de l’audience générale, le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèse sur la miséricorde. Il a proposé une réflexion sur le lien entre foi, amour et reconnaissance en s’appuyant sur le passage de l’Évangile de saint Luc qui présente deux figures : celle de Simon, un zélé serviteur de la loi et celle d’une femme pécheresse.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, nous voulons nous arrêter sur un aspect de la miséricorde bien représenté dans le passage de l’Évangile de Luc que nous avons écouté. Il s’agit d’un fait qui est arrivé à Jésus alors qu’il était l’hôte d’un pharisien nommé Simon. Celui-ci avait voulu inviter Jésus chez lui parce qu’il avait entendu dire du bien de lui, comme d’un grand prophète. Et tandis qu’ils se trouvaient assis à table, une femme entre, connue comme pécheresse de tout le monde en ville. Celle-ci, sans dire un mot, se met aux pieds de Jésus et se met à pleurer ; ses larmes inondent les pieds de Jésus et elle les essuie avec ses cheveux, puis elle les embrasse et répand sur eux une huile parfumée qu’elle a apportée avec elle.
La comparaison entre les deux personnages saute aux yeux : Simon, le zélé serviteur de la loi et cette femme pécheresse anonyme. Alors que le premier juge les autres sur leur apparence, la seconde laisse sincèrement parler son cœur à travers ses gestes. Simon, bien qu’il ait invité Jésus, ne veut pas se compromettre ni impliquer sa vie avec le maître ; la femme, au contraire, lui fait pleinement confiance avec amour et vénération.
Le pharisien ne conçoit pas que Jésus se laisse « contaminer » par les pécheurs. Il pense que s’il était vraiment prophète, il devrait les reconnaître et les maintenir éloignés pour ne pas être taché par eux, comme s’ils étaient des lépreux. Cette attitude est typique d’une certaine manière de comprendre la religion et elle est motivée par le fait que Dieu et le péché s’opposent radicalement. Mais la Parole de Dieu nous apprend à distinguer entre le péché et le pécheur : avec le péché, il ne faut pas s’abaisser à se compromettre, tandis que les pécheurs – c’est-à-dire nous tous ! – nous sommes comme des malades qui doivent être soignés et, pour les soigner, il faut que le médecin s’approche d’eux, qu’il leur rende visite et qu’il les touche. Et naturellement, pour être guéri, le malade doit reconnaître qu’il a besoin du médecin !
Entre le pharisien et la femme pécheresse, Jésus se range du côté de cette dernière. Jésus, libre des préjugés qui empêchent la miséricorde de s’exprimer, la laisse faire. Lui, le Saint de Dieu, se laisse toucher par elle sans craindre d’être contaminé. Jésus est libre, parce qu’il est près de Dieu qui est un Père miséricordieux. Et cette proximité avec Dieu, le Père miséricordieux, donne à Jésus la liberté. Et plus encore, entrant dans une relation avec la pécheresse, Jésus met fin à cette situation d’isolement à laquelle le jugement sans pitié du pharisien et de ses concitoyens – qui l’exploitaient – la condamnaient : « Tes péchés sont pardonnés » (v. 48). La femme, maintenant, peut donc aller « en paix ». Le Seigneur a vu la sincérité de sa foi et de sa conversion ; c’est pourquoi il proclame devant tous : « Ta foi t’a sauvée » (v. 50). D’un côté, cette hypocrisie du docteur de la loi, de l’autre la sincérité, l’humilité et la foi de cette femme. Nous sommes tous pécheurs, mais bien souvent nous tombons dans la tentation de l’hypocrisie, de nous croire meilleurs que les autres et nous disons : « Regarde ton péché… » Nous devons tous, au contraire, regarder notre péché, nos chutes, nos erreurs et regarder le Seigneur. C’est celle-là la ligne du salut : la relation entre le « je » pécheur et le Seigneur. Si je me sens juste, cette relation de salut n’est pas donnée. À ce moment, un étonnement encore plus grand envahit tous les invités : « Qui est cet homme qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » (v. 49). Jésus ne donne pas de réponse explicite, mais la conversion de la pécheresse est sous les yeux de tous et manifeste qu’en lui resplendit la puissance de la miséricorde de Dieu, capable de transformer les cœurs.
La femme pécheresse nous enseigne le lien entre foi, amour et reconnaissance. De « nombreux péchés » lui ont été pardonnés et c’est pour cela qu’elle aime beaucoup ; « mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » (v. 47). Simon lui-même doit admettre que celui à qui il a été donné davantage aime plus. Dieu a renfermé tout le monde dans le même mystère de la miséricorde ; et à partir de cet amour qui nous précède toujours, nous apprenons tous à aimer. Comme le rappelle saint Paul : « En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence » (Ép 1,7-8). Dans ce texte, le terme de « grâce » est pratiquement synonyme de miséricorde et elle est dite « débordante », c’est-à-dire au-delà de toutes nos attentes, parce qu’elle réalise le projet salvifique de Dieu pour chacun de nous.
Chers frères, soyons reconnaissants pour le don de la foi, remercions le Seigneur pour son amour si grand et non mérité ! Laissons l’amour du Christ se déverser en nous : le disciple puise dans cet amour et se fonde dessus ; de cet amour chacun peut se nourrir et s’alimenter. Ainsi, dans l’amour reconnaissant que nous déversons à notre tous sur nos frères, dans nos maisons, en famille, dans la société, la miséricorde du Seigneur se communique à tous.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Visite du pape François à Lesbos (Grèce)
Conférence de presse du Saint Père au cours du vol de retour de Lesbos
« Le pape François est allé à Lesbos, le 16 avril, pour apporter soutien et réconfort aux réfugiés mais également pour secouer les consciences et vaincre la peur ». Voici ce qu’il a répondu aux journalistes qui l’accompagnaient :
Père LOMBARDI : Alors, nous disons bienvenue parmi nous au Saint-Père, pour un échange après ce voyage bref, mais extrêmement intense. Je relis le communiqué que vous avez reçu, de manière à ce que, si l’un de vous n’a pu l’écouter ou le recevoir sur son téléphone, il en ait le texte complet. Le Pape souhaite que tout le contenu soit clair.
« Le Pape a voulu faire un geste d’accueil en faveur des réfugiés, accompagnant à Rome dans le même avion que le sien, trois familles de réfugiés de la Syrie, 12 personnes en tout, dont 6 mineurs. Il s’agit de personnes déjà présentes dans les camps de Lesbos avant l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. L’initiative du Pape a été réalisée grâce à une négociation de la Secrétairerie d’État avec les autorités compétentes grecques et italiennes. Les membres des familles sont tous musulmans. Deux familles viennent de Damas et une de Deir Azzor, qui est dans la zone occupée par Daech. Leurs maisons ont été bombardées. L’accueil et l’entretien des familles seront à la charge du Vatican. Au début, l’hospitalité sera assurée par la communauté de Sant’Egidio ».
Maintenant nous donnons tout de suite la parole à nos collègues, demandant qu’ils posent des questions surtout sur le voyage, même si le Pape, comme nous le savons est toujours disponible pour nous.
Pape François : Avant tout, je veux vous remercier pour cette journée de travail qui a été pour moi très intense, très intense… pour vous aussi, sûrement. S’il vous plaît, Madame…
Ines San Martin, “Crux” : Saint-Père, j’espère ne pas vous troubler mais je poserai deux questions sur deux sujets distincts. Le premier est spécifique au voyage. Ce voyage vient après l’accord entre l’Union Européenne et la Turquie pour tenter de résoudre la question des réfugiés en Grèce. Est-ce qu’il vous semble que c’est un plan qui peut fonctionner, ou est-ce une affaire politique pour chercher à gagner du temps et à voir ce qu’on fera ? Et la seconde question, si je peux. Ce matin, vous avez rencontré le candidat aux [élections] présidentielles des États-Unis, Bernie Sanders, à Sainte-Marthe. Je voudrais vous demander un commentaire sur cette rencontre et si c’est votre manière de vous insérer dans la politique nord-américaine.
Pape François : Non, avant tout, il n’y a aucune spéculation politique parce que ces accords entre la Turquie et la Grèce, je ne les connais pas bien. J’ai vu les journaux, mais ceci est une chose purement humaine [il fait référence à l’initiative d’accueillir un groupe de réfugiés]. C’est un fait humanitaire. Cela a été une inspiration datant d’une semaine qui est venue en réalité à un collaborateur, et je l’ai immédiatement acceptée, immédiatement, parce que j’ai vu que c’était l’Esprit qui parlait. Tout a été fait dans les règles : eux viennent avec leurs papiers, les trois gouvernements – l’État de la Cité du Vatican, le Gouvernement italien et le Gouvernement grec- tout, ils ont tout inspecté, ils ont tout vu et ils ont donné le visa. Ils sont accueillis par le Vatican : ce sera le Vatican, avec la collaboration de la Communauté de Sant’Egidio, qui leur cherchera un travail, s’il y en a, ou [qui assurera] leur entretien… Ils sont des hôtes du Vatican, et s’ajoutent aux deux familles syriennes qui sont déjà accueillies dans les deux paroisses du Vatican. Deuxièmement. Ce matin, quand je sortais, il y avait le sénateur Sanders qui était venu au Colloque de la Fondation Centesimus Annus. Lui savait que je sortais à cette heure et il a eu la gentillesse de me saluer. Je l’ai salué, je lui ai serré la main à lui, à sa femme et à un autre couple qui était avec lui, qui logeaient à Sainte-Marthe, parce que tous les membres, excepté les deux présidents participants qui, je crois, logeaient dans leurs ambassades, tous logeaient à Sainte-Marthe. Et quand je suis descendu, il s’est présenté, il m’a salué, une poignée de main et rien de plus. C’est de l’éducation, cela ; cela s’appelle de l’éducation et non s’immiscer en politique… Et si quelqu’un pense que saluer, c’est s’immiscer en politique…, je lui recommande de chercher un psychiatre ! (rires)
Père LOMBARDI : Alors la seconde question, la pose Franca Giansoldati qui connaît bien le Pape et le Pape la connaît bien.
Pape François : Mais, elle doit se préparer pour l’Arménie, elle… (rires)
Franca Giansoldati : Merci, Sainteté. Vous parlez beaucoup d’« accueil », mais peut-être parlez-vous trop peu d’« intégration ». Voyant ce qui est en train d’arriver en Europe, spécialement sous cet afflux massif d’immigrants, nous voyons qu’il y a beaucoup de villes qui souffrent de quartiers-ghettos… Dans tout cela, il émerge clairement que les immigrants musulmans sont ceux qui ont le plus de peine à assimiler nos valeurs, les valeurs occidentales. Je voulais vous demander : ne serait-il peut-être pas plus utile pour l’intégration de privilégier l’arrivée d’immigrés non musulmans ? Et puis : pourquoi vous, aujourd’hui, avec ce geste très beau, très noble, vous avez privilégié trois familles entièrement musulmanes ?
Pape François : Je n’ai pas fait le choix entre chrétiens et musulmans. Ces trois familles avaient leurs papiers en règle, et on pouvait le faire. Il y avait par exemple, deux familles chrétiennes dans la première liste qui n’avaient pas les papiers en règle. Ce n’est pas un privilège. Tous les douze sont enfants de Dieu. Le « privilège » est d’être enfants de Dieu : cela est vrai. Sur l’intégration : c’est très intelligent ce que vous dites. Je vous remercie d’en avoir parlé. Vous avez prononcé un mot qui, dans notre culture actuelle semble être oublié, après la guerre… Aujourd’hui, il existe des ghettos. Et certains parmi les terroristes qui ont commis des actes terroristes – certains- sont fils et petits-fils de personnes nées dans le pays, en Europe. Et qu’est-il arrivé ? Il n’y a pas eu de politique d’intégration et cela est fondamental pour moi ; à un point tel que vous voyez que, dans l’Exhortation post-synodale sur la famille – cela est un autre problème – une des trois dimensions pastorales pour les familles en difficulté est l’intégration dans la vie de l’Église. Aujourd’hui, l’Europe doit retrouver cette capacité qu’elle a toujours eue d’intégrer. Pourquoi les nomades, les Normands et tant de gens sont-ils arrivés en Europe, et elle les a intégrés et a enrichi sa culture. Je crois que nous avons besoin d’un enseignement et d’une éducation à l’intégration. Merci.
Elena Pinardi – European Broadcasting Union : Saint-Père, on parle de renforts aux frontières des différents pays d’Europe, de contrôles, même de déploiement de bataillons le long des frontières de l’Europe. C’est la fin de Schengen, c’est la fin du rêve européen ?
Pape François : Je ne sais pas. Je comprends les gouvernements, ainsi que les peuples, qui ont une certaine peur. Cela je le comprends, et nous devons faire preuve d’une grande responsabilité dans l’accueil. Un des aspects de cette responsabilité est ceci : comment pouvons-nous intégrer ces gens et nous. J’ai toujours dit qu’ériger des murs n’est pas une solution : nous en avons vu tomber un, au siècle dernier. Cela ne résout rien. Nous devons faire des ponts. Mais les ponts se font avec intelligence, ils se font par le dialogue, par l’intégration. Et pour cela, je comprends une certaine crainte. Mais fermer les frontières ne résout rien, parce que cette fermeture à la longue fait mal au peuple lui-même. L’Europe doit faire d’urgence des politiques d’accueil et d’intégration, de croissance, de travail, de réforme de l’économie… Toutes ces choses sont les ponts qui nous conduiront à ne pas ériger de murs. Je comprends tout à fait la peur ; cependant après ce que j’ai vu – et je change de thème, mais je veux le dire aujourd’hui- et que vous-mêmes avez vu, dans ce camp de réfugiés… c’était à [vous] faire pleurer ! Les enfants… Je [les] ai portés avec moi, pour vous [les] faire voir : les enfants m’ont offert beaucoup de dessins. Un : que veulent les enfants ? la paix, parce qu’ils souffrent. Là ils ont des cours d’éducation, dans le camp… Qu’est-ce qu’ils ont vu ces enfants ! Regardez ceci : ils ont vu aussi un enfant se noyer. Cela les enfants l’ont dans le cœur ! Vraiment aujourd’hui c’était à faire pleurer. C’était à faire pleurer. Le même thème a inspiré cet enfant de l’Afghanistan : le bateau qui vient de l’Afghanistan arrive en Grèce. Ces enfants ont cela en mémoire ! Et il faudra du temps pour l’élaborer. Regardez ceci : le soleil qui voit et qui pleure. Mais si le soleil est capable de pleurer, nous aussi : une larme nous fera du bien.
Fanny Carrier, Agence France Presse : Bonjour. Pourquoi ne faites-vous pas la différence entre ceux qui fuient la guerre et ceux qui fuient la faim ? L’Europe peut-elle accueillir toute la misère du monde ?
Pape François : C’est vrai. J’ai dit aujourd’hui dans le discours : « certains qui fuient les guerres, d’autres qui fuient la faim ». Les deux sont le fruit de l’exploitation, aussi de la terre. Un chef de Gouvernement de l’Afrique me disait, il y a un mois, plus ou moins, que la première décision de son Gouvernement était de reboiser parce que la terre était devenue morte à cause de l’exploitation de la déforestation. On doit faire des œuvres de bienfaisance envers les deux. Mais les uns fuient à cause de la faim et d’autres à cause de la guerre. J’inviterais les trafiquants d’armes – parce que les armes, jusqu’à un certain point, il y a des accords, elles se fabriquent, mais les trafiquants, ceux qui trafiquent pour faire les guerres en divers endroits, par exemple en Syrie : qui donne les armes aux différents groupes - j’inviterais ces trafiquants à passer une journée dans ce camp. Je crois que pour eux ce sera salutaire !
Néstor Pongutá, W Radio Colombia : Sainteté, bonsoir. Ce matin, vous avez dit quelque chose de très spécial qui a attiré fortement notre attention, à savoir qu’il s’agit d’un voyage triste, et vous l’avez démontré par vos paroles que vous êtes très ému. Mais quelque chose a dû avoir changé également dans votre cœur quand vous savez qu’il y a douze personnes et que par ce petit geste vous avez donné une leçon à ceux qui parfois détournent le regard face à tant de douleur, face à cette troisième Guerre Mondiale par morceaux que vous avez dénoncée.
Pape François : Je ferai un plagiat ! Je réponds par une phrase qui n’est pas mienne. On a posé la même question à Mère Teresa : « Mais vous, tant d’effort, tant de travail, uniquement pour aider les gens à mourir… Ce que vous faites ne sert pas ! La mer est si grande ! ». Et elle a répondu : « C’est une goutte d’eau dans la mer ! Mais après cette goutte la mer ne sera plus la même ». Je réponds ainsi. C’est un petit geste. Mais ces petits gestes que nous devons faire tous, les hommes et les femmes, pour tendre la main à celui qui en a besoin.
Joshua Mc Elwee, National Catholic Reporter : Merci Saint-Père. Nous sommes venus dans un pays de migration, mais aussi de politique économique d’austérité. Je voudrais demander si vous avez une pensée sur l’économie d’austérité. Également pour une autre île, Porto Rico. Si vous avez une pensée sur cette politique d’austérité.
Pape François : Le mot austérité a un sens différent selon le point de vue d’où on le prend : économiquement, il désigne le chapitre d’un programme ; politiquement, il signifie une autre chose ; spirituellement et du point de vue chrétien, autre chose encore. Lorsque je parle d’austérité, je parle d’austérité par rapport au gaspillage. J’ai entendu dire à la FAO – je crois qu’il s’agissait d’une réunion de la FAO – qu’avec le gaspillage des repas on pourrait remédier à toute la faim dans le monde. Et nous, dans nos maisons, que de gaspillage, que de gaspillage faisons-nous sans le vouloir ! C’est cette culture du déchet, du gaspillage. Je parle d’austérité dans ce sens, dans le sens chrétien. Arrêtons-nous ici et vivons de manière un peu austère.
Francisco Romero, Rome Reports : Sainteté, je voudrais simplement dire que vous avez affirmé que cette crise des réfugiés est la pire crise après la deuxième Guerre Mondiale. Je voudrais demander : que pensez-vous de la crise des immigrés qui arrivent en Amérique, aux États-Unis, depuis le Mexique, depuis l’Amérique Latine ?
Pape François : C’est la même chose ! C’est la même chose, parce que là ils arrivent en fuyant plutôt la faim. C’est le même problème. À Ciudad Juárez, j’ai célébré la messe à 100 mètres, peut-être moins, des barbelés. De l’autre côté, il y avait une cinquantaine d’Évêques des États-Unis et un stade avec 50 000 personnes qui suivaient la messe sur l’écran géant ; de ce côté ici, au Mexique, il y avait ce terrain plein de gens… Mais c’est la même chose ! Ils arrivent au Mexique de l’Amérique Centrale. Vous vous rappelez, il y a deux mois, un conflit avec le Nicaragua parce qu’il ne voulait pas que les réfugiés passent : cela été résolu. On les transportait par avion dans l’autre pays, sans passer par le Nicaragua. C’est un problème mondial ! J’en ai parlé là-bas, aux Évêques mexicains ; j’ai demandé de prendre soin des réfugiés.
Francis Rocca, Wall Street Journal : Merci Saint-Père ! Je vois que les questions sur l’immigration auxquelles j’avais pensé ont déjà été posées, et vous avez très bien répondu. Donc, si vous me le permettez, je voudrais poser une question sur un autre événement de ces derniers jours, à savoir votre Exhortation Apostolique. Comme vous le savez bien, il y a eu beaucoup de discussions sur l’un des nombreux points – je sais que nous sommes nombreux à nous y être concentrés – après la publication : certains soutiennent que rien n’a changé par rapport à la discipline qui régit l’accès aux sacrements pour les divorcés et remariés, et que la loi ainsi que la praxis pastorale et naturellement la doctrine demeurent telles quelles ; d’autres soutiennent au contraire que beaucoup a changé et qu’il y a de nombreuses nouvelles ouvertures et possibilités. La question est pour une personne, un catholique qui veut savoir : y a-t-il de nouvelles possibilités concrètes, qui n’existaient pas avant la publication de l’Exhortation, ou non ?
Pape François : Je voudrais dire « oui », et point. Mais ce serait une réponse trop courte. Je vous recommande à vous tous de lire la présentation qu’a faite le Cardinal Schönborn, qui est un grand théologien. Il est membre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et connaît bien la doctrine de l’Église. Dans cette présentation votre question aura sa réponse. Merci !
J-M Guénois, Le Figaro : J’avais la même question, mais c’est une question complémentaire, car on n’a pas compris pourquoi vous avez écrit cette fameuse note dans Amoris laetitia sur les problèmes des divorcés remariés – la note 351. Pourquoi une chose si importante dans une petite note ? Vous avez prévu des oppositions ou vous avez voulu dire que ce point n’est pas si important ?
Pape François : Écoutez, l’un des derniers Papes, en parlant du Concile, a dit qu’il y avait deux Conciles : celui du Vatican II, qui se faisait dans la Basilique Saint Pierre, et l’autre le « Concile des media ». Lorsque j’ai convoqué le premier Synode, la grande préoccupation de la majorité des media était : les divorcés remariés pourront-ils recevoir la communion ? Et puisque moi, je ne suis pas un saint, cela m’a un peu agacé, et aussi un peu attristé. Parce que je pense : mais ce media qui dit ça, ça, ça, il ne se rend pas compte que ce n’est pas cela le problème important ? Il ne se rend pas compte que la famille dans le monde entier, est en crise ? Et la famille est la base de la société ! Il ne se rend pas compte que les jeunes ne veulent plus se marier ? Il ne se rend pas compte que la baisse de natalité en Europe fait pleurer ? Il ne se rend pas compte que le manque de travail et que les possibilités de travail font que le papa et la maman prennent deux travails et les enfants grandissent seuls et n’apprennent pas à grandir en dialogue avec le papa et la maman ? Voilà les grands problèmes ! Je ne me rappelle pas cette note, mais certainement si une chose de ce genre est en note c’est parce qu’elle a été dite dans Evangelii gaudium. Certainement ! Ce doit être une citation d’Evangelii gaudium. Je ne me rappelle pas le numéro, mais c’est certain.
Père LOMBARDI : Merci Sainteté, vous nous avez offert un entretien étendu sur des thèmes de ce voyage et il s’est maintenant élargi aussi à l’Exhortation. Nous vous souhaitons un bon voyage et une bonne continuation de votre travail.
Pape François : Merci de votre compagnie. Je me sens vraiment tranquille avec vous. Merci beaucoup ! Merci de la compagnie.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Promouvoir une non-violence active
Pax Christi appelle à promouvoir une non-violence active, chemin vers une paix juste
Du 12 au 13 avril 2016, Pax Christi International et le Conseil pontifical Justice et paix ont organisé à Rome un colloque sur la non-violence et la paix juste. À l’issue de cette rencontre, un appel a été lancé afin que l’Église et les catholiques, conformément à l’Évangile s’engagent pleinement sur la voie de la non-violence. Il leur est aussi demandé de ne plus jamais utiliser ou enseigner la théorie de la « guerre juste », et de s’investir de toutes leurs forces en faveur de la paix juste.
En regardant notre monde d’aujourd’hui
Nous vivons à une époque de terribles souffrances, de traumatismes et de peurs largement répandus et liés à la militarisation, à l’injustice économique, aux changements climatiques et à d’innombrables formes spécifiques de violence. Dans ce contexte, de violence systémique et banalisée, ceux d’entre nous qui s’inscrivent dans la tradition chrétienne sont appelés à reconnaître la centralité de la non-violence active dans la vision et le message de Jésus ; dans la vie et la pratique de l’Église catholique ; et dans notre vocation, à long terme, de soigner et de réconcilier à la fois la planète et ses habitants.
Nous nous réjouissons de la riche et concrète expérience vécue par les personnes qui se sont engagées à œuvrer pour la paix dans le monde. Au cours de la conférence, nous avons entendu leurs nombreux témoignages. Ils nous ont fait part de leurs courageuses négociations avec des acteurs armés en Ouganda et en Colombie ; des actions menées pour sauvegarder la clause pacifique de l’Article 9 de la Constitution japonaise ; de leur accompagnement en Palestine ; et de leurs programmes d’éducation à la paix mis en œuvre dans les campagnes aux Philippines. Ils apportent un précieux éclairage sur la créativité et le pouvoir des pratiques non violente dans de nombreuses situations de conflit actuel ou potentiel. Récemment, des recherches universitaires ont d’ailleurs confirmé que les stratégies de résistance non violentes sont deux fois plus efficaces que celles qui ont recours à la violence.
Le moment est venu pour notre Église d’être un témoin vivant et d’investir davantage de ressources humaines et financières dans la promotion d’une spiritualité et d’un exercice de la non-violence active, ainsi que dans la formation de nos communautés catholiques aux pratiques de non-violence qui ont fait la preuve de leur efficacité. En tout cela, Jésus nous inspire. Il est notre modèle.
Jésus et la non-violence
Alors que son époque est gangrenée par une violence structurelle, Jésus proclame un nouvel ordre non violent, enraciné dans l’amour inconditionnel de Dieu. Jésus appelle ses disciples à aimer leurs ennemis (Mt 5,44), et donc à respecter l’image de Dieu en chaque personne ; à offrir une résistance non violente à celui qui fait le mal (Matthieu 5, 39) ; à devenir des artisans de paix ; à pardonner et à se repentir, et à être extrêmement miséricordieux (Mt 5,7). Jésus a incarné la non-violence en résistant activement à la déshumanisation générale, comme lorsqu’il brava la loi du Sabbat pour soigner l’homme à la main atrophiée (Mc 3,1-6) (Mt 5,44) ; lorsqu’il s’affronta aux marchands et aux changeurs et les chassa du Temple (Jn 8,13-22) ; lorsque, pacifiquement, mais avec détermination, il s’opposa aux hommes qui accusaient une femme d’adultère (Jn 8,1-11) ; lorsque, la nuit avant sa mort, il demanda à Pierre de rentrer son épée (Mt 26-52).
Ni signe de passivité, ni symbole de faiblesse, la non-violence de Jésus montre la puissance de l’amour agissant. Par la pensée comme par ses actes, il est la révélation et l’incarnation du Dieu non violent, une vérité qu’illuminent tout particulièrement la Croix et la Résurrection. Il nous appelle à développer cette vertu qui consiste à établir la paix de manière non violente.
De toute évidence, la Parole de Dieu, le témoignage de Jésus, ne doivent jamais être utilisés pour justifier la violence, l’injustice ou la guerre. Nous reconnaissons que le peuple de Dieu a bien souvent trahi ce message central de l’Évangile en participant à des guerres, des persécutions, à des actes d’oppression, d’exploitation et de discrimination.
Nous pensons qu’il n’existe pas de « guerre juste ». La théorie de la « guerre juste » a trop souvent servi à justifier la guerre plutôt qu’à l’empêcher ou à la limiter. En outre, l’idée même de la possibilité d’une « guerre juste » mine l’obligation morale de développer les instruments et la capacité qui empêcheront que les conflits ne basculent dans la violence.
Nous avons besoin d’un nouveau cadre qui soit en cohérence avec la non-violence de l’Évangile. Depuis un certain temps, déjà, l’enseignement social catholique ouvre un chemin différent. Le pape Jean XXIII a écrit que la guerre n’est pas la voie appropriée pour rétablir les droits ; le pape Paul VI a lié paix et développement et a lancé aux Nations unies « Jamais plus la guerre ! » ; le pape Jean-Paul II a affirmé que : « La guerre devrait appartenir au passé tragique de l’histoire » ; le pape Benoît XVI a dit que « l’amour pour l’ennemi constitue le noyau de la ‘révolution chrétienne’» ; et le pape François a déclaré : « La vraie force du chrétien est la force de la vérité et de l’amour, qui implique de renoncer à toute violence. Foi et violence sont incompatibles ! ». Il a aussi exhorté à « l’abolition de la guerre ».
Nous proposons que l’Église catholique étudie et envisage ce passage à une paix juste fondée sur la non-violence de l’Évangile. Aborder la notion de paix juste procure une vision et une éthique permettant de construire la paix et aussi d’empêcher, d’éviter et de réparer les dommages engendrés par les conflits violents. Cette éthique implique un engagement en faveur de la dignité humaine et de relations de confiance ; des critères, des vertus et des pratiques spécifiques devant guider notre action. Nous reconnaissons qu’il n’y a pas de paix sans justice et qu’il n’y a pas de justice sans maintien de la paix.
La non-violence et la paix juste sont au cœur de l’Évangile
Dans cet esprit, nous nous engageons à encourager la compréhension et la pratique catholiques de la non-violence active sur la voie de la paix juste. En tant que disciples en puissance de Jésus, interpellés et inspirés par les témoignages d’espérance et de courage reçus ces jours-ci, nous appelons l’Église que nous aimons à :
– Continuer de développer l’enseignement social catholique sur la non-violence. En particulier, nous demandons au pape François d’offrir au monde une encyclique sur la non-violence et la paix juste ;
– Intégrer explicitement dans la vie la non-violence de l’Évangile, y compris, entre autres, dans la vie sacramentelle, et dans le travail de l’Église au niveau des diocèses, des paroisses, des agences, des écoles, des universités, des séminaires, des ordres religieux, des associations de bénévoles ;
– Promouvoir les pratiques et les stratégies non-violentes (par exemple, la résistance non violente, la justice réparatrice, la guérison des traumatismes, la protection non armée des civils, la transformation des conflits et les processus de construction de la paix) ;
– Engager, au sein de l’Église, un large débat sur la non-violence, ses stratégies et la paix juste, avec des personnes d’autres confessions, et avec le monde entier, afin de pouvoir répondre aux crises sans commune mesure que nous connaissons aujourd’hui ;
– Ne plus jamais utiliser ou enseigner la « théorie de la guerre juste », et à encourager l’abolition de la guerre et des armes nucléaires ;
– Faire entendre la voix prophétique de l’Église pour contester les pouvoirs iniques de ce monde et pour soutenir et défendre ces artisans de la non-violence qui risquent leur vie en œuvrant pour la paix et la justice.
À toute époque, l’Esprit Saint a doté l’Église de la sagesse nécessaire pour répondre aux défis de son temps. En réponse à cette contagion mondiale en matière de violence, qualifiée par le pape François de : « sorte de troisième guerre mondiale livrée “par morceaux” », nous sommes appelés à invoquer, à prier, à enseigner, et à mener une action résolue. À travers nos communautés et nos organisations, nous avons hâte de poursuivre notre collaboration avec le Saint-Siège et l’Église dans le monde afin de faire progresser la cause de la non-violence évangélique.
© Urbi et orbi - 2016
Commentaire des lectures du dimanche
Chers frères et sœurs ! Très chers confirmands ! Bienvenue !
Je voudrais vous proposer trois pensées simples et brèves sur lesquelles réfléchir.
1. Dans la deuxième lecture nous avons entendu la belle vision de saint Jean : un ciel nouveau et une terre nouvelle et puis la Cité Sainte qui descend d’auprès de Dieu. Tout est nouveau, transformé en bien, en beauté, en vérité ; il n’y a plus de plainte, de deuil… Cela c’est l’action de l’Esprit Saint : il nous apporte la nouveauté de Dieu ; il vient à nous et fait toutes choses nouvelles, il nous change. L’Esprit nous change ! Et la vision de saint Jean nous rappelle que nous sommes tous en marche vers la Jérusalem du ciel, la nouveauté définitive pour nous et pour toute la réalité, l’heureux jour où nous pourrons voir le visage du Seigneur, - ce visage merveilleux, si beau du Seigneur Jésus - où nous pourrons être avec lui pour toujours, dans son amour.
Voyez, la nouveauté de Dieu ne ressemble pas aux nouveautés mondaines, qui sont toutes provisoires, elles passent et on en recherche toujours plus. La nouveauté que Dieu donne à notre vie est définitive, et pas seulement dans l’avenir, quand nous serons avec lui, mais aussi aujourd’hui : Dieu est en train de tout faire nouveau, l’Esprit Saint nous transforme vraiment et veut transformer, à travers nous aussi, le monde dans lequel nous vivons. Ouvrons la porte à l’Esprit, laissons nous guider par lui, laissons l’action continue de Dieu faire de nous des hommes et des femmes nouveaux, animés par l’amour de Dieu, que l’Esprit Saint nous donne ! Qu’il serait beau si chacun de vous, le soir pouvait dire : aujourd’hui à l’école, à la maison, au travail, guidé par Dieu, j’ai accompli un geste d’amour envers mon camarade, mes parents, une personne âgée ! Que c’est beau !
2. Une deuxième pensée : dans la première lecture Paul et Barnabé affirment qu’« il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14, 22). Le chemin de l’Église, de même que notre chemin chrétien personnel, ne sont pas toujours faciles, ils rencontrent la difficulté, l’épreuve. Suivre le Seigneur, laisser son Esprit transformer nos zones d’ombre, nos comportements qui ne sont pas selon Dieu et laver nos péchés, c’est un chemin qui rencontre de nombreux obstacles, en dehors de nous, dans le monde, et aussi en nous, dans le cœur. Mais les difficultés, les épreuves, font partie de la route pour parvenir à la gloire de Dieu, comme pour Jésus, qui a été glorifié sur la Croix ; nous les rencontrerons toujours dans la vie ! Ne pas se décourager ! Nous avons la force de l’Esprit Saint pour vaincre ces épreuves.
3. Et j’en viens au dernier point. C’est une invitation que je vous adresse à vous confirmands et à tous : demeurez solides sur le chemin de la foi avec une ferme espérance dans le Seigneur. Là se trouve le secret de notre chemin ! Lui nous donne le courage d’aller à contre-courant. Écoutez bien, les jeunes : aller à contre-courant ; cela fait du bien au cœur, mais il nous faut du courage pour aller à contre-courant et lui nous donne ce courage ! Il n’y a pas de difficultés, d’épreuves, d’incompréhensions qui doivent nous faire peur si nous demeurons unis à Dieu comme les sarments sont unis à la vigne, si nous ne perdons pas l’amitié avec lui, si nous lui faisons toujours plus de place dans notre vie. Ceci aussi et surtout si nous nous sentons pauvres, faibles, pécheurs, parce que Dieu donne force à notre faiblesse, richesse à notre pauvreté, conversion et pardon à notre péché. Il est si miséricordieux le Seigneur : si nous allons à lui, il nous pardonne toujours. Ayons confiance dans l’action de Dieu ! Avec lui nous pouvons faire de grandes choses ; il nous fera sentir la joie d’être ses disciples, ses témoins. Misez sur les grands idéaux, sur les grandes choses. Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au-delà, vers les grandes choses. Jeunes, jouez votre vie pour de grands idéaux !
Nouveauté de Dieu, épreuve dans la vie, solides dans le Seigneur. Chers amis, ouvrons grande la porte de notre vie à la nouveauté de Dieu que nous donne l’Esprit Saint, pour qu’il nous transforme, nous rende forts dans les épreuves, renforce notre union avec le Seigneur, nous fasse demeurer solides en lui : c’est une vraie joie ! Qu’il en soit ainsi !
[Homélie du Pape François – Dimanche 28 avril 2013]
© Libreria Editrice Vaticana - 2013