Pko 24.03.2016

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°18/2016

Jeudi 24 mars 2016 – Sainte Cène – Année C

Le prêtre, la fatigue et le repos

Homélie de la Sainte Cène du 2 avril 2015 – Pape François

En ce jeudi, Jésus était à table avec ses disciples, et célébrait la fête de la Pâque. Et le passage de l’Évangile que nous avons entendu contient une phrase qui est précisément le centre de ce qu’a fait Jésus pour nous tous : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin » (Jn 13, 1). Jésus nous a aimés. Jésus nous aime. Sans limites, toujours, jusqu’à la fin. L’amour de Jésus pour nous n’a pas de limites : toujours plus, toujours plus. Il ne se lasse pas d’aimer. Personne. Il nous aime tous, au point de donner sa vie pour nous. Oui, donner sa vie pour nous ; oui, donner sa vie pour nous tous, donner sa vie pour chacun de nous. Et chacun de nous peut dire : « Il a donné sa vie pour moi ». Chacun. Il a donné sa vie pour toi, pour toi, pour toi, pour moi, pour lui… pour chacun, en l’appelant par son nom et son prénom. Son amour est ainsi : personnel. L’amour de Jésus ne déçoit jamais, parce qu’il ne se lasse pas d’aimer, comme il ne se lasse pas de pardonner, il ne se lasse pas de nous embrasser. C’est la première chose que je voulais vous dire : Jésus nous a aimés, chacun de nous, jusqu’à la fin.

Et puis, il fait ce geste que les disciples ne comprenaient pas: laver les pieds. À cette époque, c’était la coutume, c’était une habitude, parce que quand les gens arrivaient dans une maison, ils avaient les pieds sales à cause de la poussière de la route ; il n’y avait pas de pavés, à cette époque... Il y avait la poussière de la route. Et en entrant dans une maison, on leur lavait les pieds. Mais ce n’était pas le maître de maison qui le faisait, c’était les esclaves qui le faisaient. C’était un travail d’esclave. Et Jésus, comme un esclave, lave nos pieds, les pieds des disciples et c’est pour cela qu’il dit : « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent; par la suite tu comprendras » (Jn 13, 7). Jésus, son amour est si grand qu’il s’est fait esclave pour nous servir, pour nous guérir, pour nous laver.

Et aujourd’hui, au cours de cette Messe, l’Église veut que le prêtre lave les pieds de douze personnes, en mémoire des douze apôtres. Mais dans notre cœur, nous devons avoir la certitude, nous devons être sûrs que, quand il nous lave les pieds, le Seigneur nous lave entièrement, nous purifie, nous fait sentir encore une fois son amour. Dans la Bible, il y a une très belle phrase du prophète Isaïe ; elle dit : « Une mère oublie-t-elle son petit enfant ? Même si une mère oubliait son petit enfant, moi, je ne t’oublierais jamais » (cf. Is 49, 15). Tel est l’amour de Dieu pour nous.

Et moi, aujourd’hui, je laverai les pieds de douze d’entre vous, mais à travers ces frères et sœurs, c’est vous tous, tous, tous. Tous ceux qui habitent ici. Vous les représentez. Mais moi aussi, j’ai besoin d’être lavé par le Seigneur et priez pour cela pendant cette Messe, pour que le Seigneur lave aussi toutes mes impuretés, afin que je devienne plus esclave que vous, plus esclave au service des personnes, comme l’a été Jésus.

À présent, commençons cette partie de la célébration.

Du Vatican, le 2 avril 2015

FRANCISCUS

© Copyright 2015 – Libreria Editrice Vaticana

Lavement des pieds

Décret « in Missa in Cena Domini

Par le décret Maxima Redemptionis nostræ mysteria (30 novembre 1955) la réforme de la Semaine Sainte a donné la faculté, là où pastoralement cela semble bon, de faire le lavement des pieds à douze hommes pendant la Messe de la Cène du Seigneur, après la lecture de l’Évangile selon saint Jean, comme pour exprimer d’une manière représentative l’humilité et l’amour du Christ envers ses disciples.

Ce rite, dans la liturgie romaine, a été transmis sous le nom de Mandatum du Seigneur sur la charité fraternelle suivant les paroles de Jésus (cf. Jn 13,34) qui sont chantées comme antienne durant la célébration.

En accomplissant ce rite, les évêques et les prêtres sont invités à se conformer intimement au Christ, qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28) et, poussé par un amour qui va « jusqu’au bout » (Jn 13,1), donner sa vie pour le salut de tout le genre humain.

Pour manifester ce sens plénier du rite à ceux qui participent, il a paru bon au Souverain Pontife François de changer la norme qu’on lit dans les rubriques du Missalis Romani (p. 300 n. 11) : « Les hommes qui ont été choisis sont conduits… », qui doit être changée de la manière suivante : « Ceux qui ont été choisis parmi le peuple de Dieu sont conduits… » (et, par conséquent, aussi dans le Cæremoniale Episcoporum au n. 301, alors qu’au n. 299b on lira ainsi : « des sièges pour ceux qui ont été désignés »), de manière à ce que les pasteurs puissent choisir un petit groupe de fidèles qui représentent la variété et l’unité de chaque portion du peuple de Dieu. Ce petit groupe peut être composé d’hommes et de femmes et, comme il convient, de jeunes et d’anciens, de personnes en santé ou malades, de clercs, de consacrés et de laïcs.

Cette Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en vertu des facultés concédées par le Souverain Pontife, introduit ce changement dans les livres liturgiques du Rite Romain, tout en rappelant aux pasteurs leur devoir d’instruire adéquatement aussi bien les fidèles choisis pour ce rite que les autres, afin qu’ils y participent de façon consciente, active et fructueuse.

Nonobstant toute chose contraire.

De la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le 6 janvier 2016, solennité de l’Épiphanie du Seigneur.

Robert Card. Sarah

Préfet

+ Arthur Roche

Archevêque Secrétaire

Commentaire au décret « In missa in cena Domini »

Je vous ai donné un exemple

Avec le décret In Missa in cena Domini, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, par disposition du Pape, a retouché la rubrique du Missale Romanum concernant le lavement des pieds (p. 300 n. 11), geste lié de diverses manières depuis des siècles au Jeudi Saint et qui, dans la réforme de la Semaine sainte de 1955, peut se faire aussi dans la Messe du soir qui inaugure le Triduum Pascal.

Éclairé par l’évangile de Jean, le rite présente traditionnellement un double aspect : imitation de ce que Jésus a fait dans le Cénacle en lavant les pieds aux apôtres, et expression du don de soi signifié par ce geste du serviteur. Non sans raison il était appelé Mandatum, selon l’incipit de la première antienne qui l’accompagnait : « Mandatum novum do vobis, ut diligatis invicem, sicut dilexi vos, dicit Dominus » (Jn 13,14). Le commandement de l’amour fraternel, en effet, engage tous les disciples de Jésus, sans aucune distinction ou exception.

Dans un ancien ordo du VIIe siècle on pouvait déjà lire : « Pontifex suis cubicularibus pedes lavat et unusquisque clericorum in domo sua ». Appliqué de manière différente dans divers diocèses et abbayes, ce geste est attesté aussi dans le Pontifical Romain du XIIe siècle, après les Vêpres du Jeudi Saint, et dans les usages de la Curie Romaine du XIIIe siècle (« facit mandatum duodecim subdiaconos »). Le Mandatum est ainsi décrit dans le Missale Romanum de saint Pie V (1570) : « Post denudationem altarium, hora competenti, facto signo cum tabula, conveniunt clerici ad faciendum mandatum. Maior abluit pedes minoribus : tergit et osculatur ». Il se déroule au chant des antiennes, dont la dernière est Ubi caritas, et se termine par le Pater noster et par une oraison qui associe le commandement du service avec la purification des péchés : « Adesto Domine, quæsumus, officio servitutis nostræ : et quia tu discipulis tuis pedes lavare dignatus es, ne despicias opera manuum tuarum, quæ nobis retinenda mandasti : ut sicut hic nobis, et a nobis exteriora abluuntur inquinamenta ; sic a te omnium nostrum interiora laventur peccata. Quod ipse præstare digneris, qui vivis et regnas, Deus, per omnia sæcula sæculorum ». L’action est réservée au clergé (« conveniunt clerici »), et elle est éclairée par l’évangile qui a été entendu à la Messe du matin ; la non indication du nombre « douze » semblerait faire penser qu’il ne faut pas seulement mimer ce que Jésus a fait au Cénacle, mais encore mettre en pratique sa valeur exemplaire, qui est toujours actuelle pour les disciples.

La description « De mandato seu lotione pedum » dans le Cæremoniale Episcoporum de 1600 est plus détaillée. On mentionne la coutume de l’Évêque (après les Vêpres ou au repas du midi, dans l’église ou dans la salle capitulaire ou dans un lieu idoine) de laver, essuyer et baiser les pieds à « treize » pauvres, après les avoir vêtus et nourris et en ajoutant à la fin une aumône, ou bien à treize chanoines, et cela selon les habitudes locales et la volonté de l’Évêque, qui peut préférer des pauvres même là où c’est l’habitude que ce soit des chanoines : « videtur enim eo pacto maiorem humilitatem, et charitatem præ se ferre, quam lavare pedes Canonicis ». Réservé donc au clergé, sans exclure les usages locaux qui contemplent des pauvres ou des enfants (par exemple dans le Missale Parisiense), le lavement des pieds est vraiment un geste significatif, mais pas pour l’ensemble du peuple de Dieu. Le Cæremoniale Episcoporum la prescrivait expressément pour les cathédrales et les collégiales.

Avec la réforme de Pie XII, qui a reporté la Missa in cena Domini en soirée, le lavement des pieds, pour des motifs pastoraux, peut se faire à l’intérieur de cette même Messe, après l’homélie, pour « duodecim viros selectos », disposés « in medio presbyterii vel in ipsa aula ecclesiæ » : à ceux-ci le célébrant lave et essuie les pieds (on ne parle plus du baiser). Le rite a désormais outrepassé le sens plutôt clérical et réservé ; il se déroule devant l’assemblée et l’indication de « douze hommes » le rend plus explicitement un signe imitatif, presqu’une représentation sacrée, qui aide à garder en mémoire ce que Jésus a accompli au premier Jeudi Saint.

Le Missale Romanum de 1970 a repris le rite réformé depuis peu, en simplifiant certains éléments : on omet le nombre « douze », on dit qu’il se déroule « in loco apto », on délaisse une antienne et on en allège d’autres, on assigne Ubi caritas à la procession des dons, on exclut la partie conclusive (Pater noster, verset et oraison), héritage d’un acte distinct qui s’accomplissait hors de la Messe. Toutefois, il demeure réservé aux seuls « hommes » pour la valeur mimétique.

Le changement actuel prévoit que soient désignées des personnes choisies parmi tous les membres du peuple de Dieu. La valeur du geste est reportée désormais pas tant à l’imitation extérieure de ce que Jésus a fait, mais plutôt à la signification de ce qu’il a accompli avec une portée universelle, c’est-à-dire le don de soi « jusqu’au bout » pour le salut du genre humain, sa charité qui embrasse tous et rend tous frères par la pratique de son exemple. L’exemplum qu’il nous a donné afin que nous aussi nous fassions comme lui (cf. Jn 13,14-15) va au-delà, en effet, de l’acte de laver physiquement les pieds de l’autre, pour englober tout ce qu’un tel geste exprime en service d’amour tangible pour le prochain. Toutes les antiennes proposées dans le Missale durant le lavement des pieds rappellent et illustrent ce sens du geste, que ce soit pour celui qui le pose que pour celui qui le reçoit, pour celui qui le suit avec le regard et l’intériorise par le moyen du chant.

Le lavement des pieds n’est pas obligatoire dans la Missa in cena Domini. Ce sont les pasteurs à devoir en évaluer la convenance, selon les circonstances et les motifs pastoraux, de manière à ce qu’il ne devienne pas presque automatique ou artificiel, privé de signification et réduit à un simple élément scénique. Il ne doit pas non plus devenir important au point de catalyser toute l’attention de la Messe de la Cène du Seigneur, célébrée le « jour très saint où notre Seigneur Jésus Christ fut livré pour nous » (Communicantes propre du Canon Romain) ; dans les indications pour l’homélie, le Missel Romain rappelle la particularité de cette Messe, commémorative de l’institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce, ainsi que du commandement du Seigneur sur la charité fraternelle, qui est la loi suprême pour tous et envers tous dans l’Église.

Il appartient aux pasteurs de choisir un petit groupe de personne qui représente tout le peuple de Dieu – laïcs, ministres ordonnés, époux, célibataires, religieux, personnes saines et malades, enfants, jeunes et personnes âgées – et non pas une seule catégorie ou condition.  Il revient à ceux qui sont choisis d’offrir leur propre disponibilité avec simplicité, et finalement, il appartient è ceux qui organisent les célébrations liturgiques de préparer et disposer chaque chose pour aider tous et chacun à participer d’une manière fructueuse à ce moment : c’est la vie de chaque disciple du Seigneur, l’anamnèse du « commandement nouveau » entendu dans l’Évangile.

+ Arthur Roche

Archevêque Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements.