Pko 22.05.2016
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°29/2016
Dimanche 22 mai 2016 – Solennité de la Sainte Trinité – Année C
Humeurs…
Vie de Mgr Tepano JAUSSEN
Évêque d’Axièri et 1er Vicaire Apostolique de Tahiti
Maintenant l’objectif est atteint, et ce, grâce à la participation de nombreux fidèles et surtout au travail de Mr Louis LAPLANE sans qui nous ne serions probablement jamais arrivé au bout.
Le résultat en deux volumes peut-être acquit au presbytère de la Cathédrale pour 3 500 xfp… Bonne lecture…
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« Ce gros manuscrit de 1200 pages, dû à la plume du P. Venance Prat sscc (Clot, France1826 – Braine-le-Comte, Belgique 1921), est resté en l’état dans les archives pendant 94 ans !
S’il porte le titre de “Vie de Mgr Tepano Jaussen”, ce livre, en deux tomes, va bien au-delà de la personne du 1er Vicaire Apostolique de Tahiti. Nous y découvrons la naissance des premières communautés chrétiennes catholiques de la Polynésie : Tahiti, Gambier, Tuamotu, Ile de Pâques, Fidji, Îles de la Société, Îles Cook… Que de peines et de brimades a dû vivre et subir ce jeune évêque durant ses 36 ans d’épiscopat. Mais quelle joie de voir l’Évangile prendre racine sur cette multitudes d’îles !
Si cette naissance de l’Évangile dans les îles est due à la présence, à la foi, au courage des missionnaires, ce livre, quant à lui, est le fruit de la foi et de l’enthousiasme des chrétiens d’aujourd’hui qui ont relevé le défi de cette mémoire, de cette publication magnifiquement illustrée. » (www.ssccpicpus.com)
Chronique de la roue qui tourne
La faiblesse de la force ou la force de la faiblesse ?
« Chaque être est doué d'un don qui lui permet d'être un soutien, une consolation ou une lumière pour les autres ; mais aussi d'une faille, d'une fêlure, d'une fragilité, qui réclame l'aide d'autrui. » Frédéric Lenoir
Quelle belle citation, n’est-ce pas ? L’Homme où force et faiblesse se combinent ! Pourtant, admettons-le, nous préférons souvent, pour ne pas dire toujours, être forts et sans failles. Nous vivons (presque) pour être le plus fort et le meilleur. Notre société nous y pousse. La fierté de nos proches nous le conseille. Notre orgueil nous le réclame. Et notre peur de souffrir et d’être humilié nous l’exige.
Or comment peut-on être un soutien quand on n’a jamais failli ? Comment peut-on être une consolation quand on n’a jamais pleuré ? Comment peut-on être une lumière quand on n’a jamais connu l’obscurité ? Sans avoir fait l’expérience de tout cela, notre aide, même de bonne foi, ne s’appuiera que sur des théories froides et maladroites. Oui, il nous faut expérimenter pour donner une consistance à nos sermons, à nos beaux discours. Oui, il nous faut expérimenter pour savoir comment réagir et agir. Il nous faut avoir touché le fond pour pouvoir tendre la main vers l’autre et l’aider à remonter. Il nous faut avoir pleuré pour reconnaitre des pleurs, surtout quand les larmes refusent de couler. Il nous faut avoir traversé l’obscurité pour voir quelqu’un de perdu qui cherche une lueur pour ne pas sombrer.
Quelle belle dualité qu’est la faiblesse et la force ! La première est notre plus grande honte. Et l’autre notre plus grande fierté. Nous passons notre temps à les opposer. Nous passons notre temps à vouloir gommer l’une pour faire triompher l’autre… sans voir qu’elles sont meilleures lorsqu’elles sont indissociables, lorsqu’elles dépendent l’une de l’autre. La force sans faiblesse n’est que vanité. La faiblesse sans force n’est que chaos. La force étant l’espoir de la faiblesse. La faiblesse étant l’humanité de la force.
Soyons cette force et cette faiblesse qui s’entremêlent tellement bien que l’humanité peut y trouver un espoir.
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2016
La parole aux sans paroles – 36
Portrait d’homme - Tepito
Chassé de chez lui à 16 ans, Lee a toujours mené une vie solitaire. Aujourd’hui, il est de retour dans la rue, après un licenciement qui gardera bien des mystères. (Rappel : les témoignages de nos amis de la rue ne sont pas toujours vérifiables… Ils reflètent ce qu’ils vivent et ressentent… mais ne sont pas toujours la réalité telle quelle !)
D’où viens-tu ?
« J’ai vécu à Faaa, avec mes parents. J’ai grandi ici mais je suis né à l’île de Pâques. Ma maman est morte en 1999, d’un cancer. Et c’est là que mon père m’a rejeté, comme il a vendu la maison familiale. J’avais 16 ans. Pour lui, j’étais un bon à rien. Heureusement il y a ma sœur. On s’entend bien nous deux. Mais elle vit à l’île de Pâques. Je lui ai dit de faire bien attention à elle, maintenant c’est une dame. Elle vient d’avoir une petite fille, que je n’ai pas encore vue. »
Tes débuts dans la rue ?
« J’avais quelques connaissances dans la rue. Ils m’ont accueilli, ils m’ont dit de faire comme ça, comme ça, ils m’ont dit de faire attention aux jeunes. »
Le plus dur dans la rue ?
« Les agressions. Il faut faire très attention aux jeunes d’aujourd’hui. Avant, ils avaient quand même une retenue. Maintenant, non. Je crois qu’ils regardent trop de films de Muay thaï, de Bruce Lee et ils se croient plus grands. »
Et tu as déjà eu des problèmes ?
« Oui, oui. »
Comment tu réagis ?
« Je m’éloigne vite fait. Si vraiment l’autre ne me lâche pas, j’appelle les flics. Tu sais, ici, à Tahiti, il y a des bons flics qui viennent dès que tu appelles et il y a les autres qui font d’abord attention à leur famille et leurs amis. En Amérique, la loi, c’est la loi. Ici, non, ça dépend qui est en face. »
Où tu dors ?
« A droite et à gauche, c’est mieux de bouger. »
Ton parcours ?
« Ah, j’avais un bon travail. J’ai commencé à l’armée. Quand j’ai eu fini ma formation à l’armée, je suis parti chercher du travail. Je suis parti à Mangareva pour travailler dans les nacres. Mais le patron a déconné et ne m’a pas payé pendant 5 mois. Là, j’ai laissé tomber. Je suis parti voir le patron du "Nuku hau", le bateau qui desservait ces îles-là, et j’ai dit : "Monsieur, j’aimerais bien rentrer chez moi, à Tahiti." Il a accepté et des gens m’ont donné à manger. Arrivé ici, j’ai appris que le gouvernement embauchait. C’était pour le G.I.P. C’est là que j’ai pu avoir un travail stable, j’ai travaillé 7 ans là-bas. Après, en 2004, ça a chauffé. Rere nous a proposé de travailler pour l’Équipement. J’ai accepté. Je suis resté 7 ans encore à l’Équipement. Mais j’ai eu un problème avec un collègue, une histoire de jalousie par rapport au G.I.P. Il y a eu une grosse bagarre. Mais je n’ai pas porté plainte, j’aurais pu. De là, on m’a muté au S.P.J. Et là, après, je n’ai rien compris, je n’ai pas compris pourquoi ils m’ont licencié. Ils m’ont foutu dehors alors que je n’ai rien fait. »
C’était quand ça ?
« Cette année, le 11 mars 2016. »
Mais ils ont dû te convoquer pour t’annoncer ton licenciement ?
« Oui mais je n’ai rien compris. Et, moi, je voulais que ça soit ma patronne qui me dise. Non, je suis passé devant le conseil disciplinaire. Et c’est un français qui m’a annoncé. Et j’ai demandé que ce soit ma patronne qui m’explique et non pas un français. Qui il est pour me licencier ? Tu sais, personne ne m’a aidé, je n’avais pas de défenseur. Les syndicats ont tout fait pour m’enlever mon poste. Aucun ne m’a aidé. Je te le dis, je crois qu’ils m’ont licencié parce que je suis un Pascuan, c’est tout. D’ailleurs, je l’ai dit à ma patronne. Mais tu sais, les Rapa Nui ont un truc : ils ne désespèrent jamais. Je vais tout faire pour retrouver un travail. En ce moment, je me porte volontaire pour des petits services, des petits boulots. »
Tu n’as pas de famille pour t’aider ?
« Quand je vais voir la famille du côté de ma maman, c’est très difficile. Ils me disent de rentrer à l’île de Pâques. Je leur explique que la vie, ici et là-bas, n’est pas pareil. Ici, on gagne plus. »
Tu t’es inscrit au SEFI ?
« Oui, justement pour avoir un contrat C.A.E. Là encore, je n’ai rien compris au problème avec la C.P.S. Un problème du R.S.T. Ils m’ont mis au R.N.S. Je leur ai demandé comment je pouvais payer mes cotisations. Avec mes cheveux ? Avec mes orteils ? »
Ton plus beau souvenir de la rue ?
« Aia ! Quand il y a une fête ici, à Te Vaiete, avec Père. »
Comment tu vois ta vie dans 10 ans ?
« Ben, j’aimerais bien rentrer à l’île de Pâques, avec ma sœur. J’aimerais retrouver mes chevaux. Pour l’instant, c’est ma sœur qui les garde. Il y a une quinzaine avec des étalons, noirs et blancs. Au lieu d’acheter une grosse 4x4 et devoir mettre de l’essence, mettre de l’essence. Avec les chevaux, tu siffles seulement et ils viennent. (Rires) »
Tu as un message à faire passer ?
« Oui, j’aimerais dire aux gens de ne pas oublier d’aider les plus petits. »
© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016
Gare aux cœurs arides envers les pauvres !
Audience générale du mercredi 18 mai 2016 - pape François
Le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèse consacrée, en cette année Sainte, à la miséricorde. Le Saint-Père qui commentait la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare, a développé une réflexion sur le lien entre pauvreté et miséricorde, mettant en garde contre l’aridité des cœurs vis-à-vis des plus pauvres.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Je désire m’arrêter avec vous aujourd’hui sur la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare. La vie de ces deux personnes semblent parcourir des voies parallèles : leurs conditions de vie sont opposées et ne communiquent en rien. La porte de la maison du riche est toujours fermée au pauvre, qui git là, dehors, cherchant à manger quelques restes du repas du riche. Celui-ci porte des vêtements de luxe, tandis que Lazare est couvert de plaies ; le riche fait tous les jours des banquets bruyants, tandis que Lazare meurt de faim. Seuls les chiens prennent soin de lui et viennent lécher ses plaies. Cette scène rappelle le dur reproche du Fils de l’homme dans le jugement final : « J’avais faim et vous ne m’as pas donné à manger, j’avais soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais […] nu et vous ne m’avez pas habillé » (Mt 25,42-43). Lazare représente bien le cri silencieux des pauvres de tous les temps et la contradiction d’un monde où les immenses richesses et ressources sont entre les mains d’un petit nombre.
Jésus dit qu’un jour, cet homme riche est mort : les pauvres et les riches meurent, ils ont la même destinée, comme nous tous, il n’y a pas d’exceptions à ceci. Et alors cet homme s’adresse à Abraham en le suppliant et en l’appelant « Père » (vv.24-27). Il revendique ainsi d’être son fils, appartenant au peuple de Dieu. Et pourtant, dans la vie, il n’a montré aucune considération envers Dieu, au contraire, il a fait de lui-même le centre de tout, enfermé dans son monde de luxe et de gaspillage. En excluant Lazare, il n’a nullement tenu compte ni du Seigneur ni de sa loi. Ignorer le pauvre, c’est mépriser Dieu. Nous devons bien apprendre ceci : ignorer le pauvre, c’est mépriser Dieu. Il y a un détail dans la parabole qu’il faut remarquer : le riche n’a pas de nom, mais seulement l’adjectif : « le riche » ; tandis que celui du pauvre est repris cinq fois et « Lazare » signifie « Dieu aide ». Lazare, qui git devant la porte, est un rappel vivant fait au riche pour qu’il se souvienne de Dieu, mais le riche n’accueille pas ce rappel. Il sera donc condamné, non pas pour ses richesses mais pour avoir été incapable d’éprouver de la compassion envers Lazare et de le secourir.
Dans la seconde partie de la parabole, nous retrouvons Lazare et le riche après leur mort (vv.22-31). Dans l’au-delà, la situation s’est inversée : le pauvre Lazare est porté par les anges au ciel auprès d’Abraham ; le riche, lui, est précipité dans les tourments. Alors, « levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. » Il semble voir Lazare pour la première fois mais ses paroles le trahissent : « Père Abraham, dit-il, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. » Maintenant le riche reconnaît Lazare et lui demande de l’aide, tandis que, dans la vie, il faisait semblant de ne pas le voir. – Si souvent, beaucoup de gens font semblant de ne pas voir les pauvres ! Pour eux, les pauvres n’existent pas – Avant, il lui refusait jusqu’aux restes de sa table et maintenant, il voudrait qu’il lui apporte à boire ! Il croit encore pouvoir encore prétendre à des droits en raison de sa précédente condition sociale. En déclarant qu’il est impossible d’exaucer sa demande, Abraham en personne offre la clé de tout le récit : il explique que les biens et les maux ont été distribués de sorte à compenser l’injustice terrestre et que la porte qui séparait dans la vie le riche du pauvre s’est transformée en « un grand abîme ».
Tant que Lazare était au pied de sa maison, il y avait une possibilité de salut pour le riche, en ouvrant grand la porte, en aidant Lazare, mais maintenant que tous deux sont morts, la situation est devenue irréparable.
Dieu n’est jamais mis directement en cause mais la parabole met clairement en garde : la miséricorde de Dieu envers nous est liée à notre miséricorde envers notre prochain ; quand celle-ci est absente, celle-là non plus ne trouve pas de place dans notre cœur fermé, elle ne peut pas entrer. Si je n’ouvre pas grand la porte de mon cœur au pauvre, cette porte reste fermée. Pour Dieu aussi. Et ceci est terrible.
À ce point, le riche pense à ses frères qui risquent d’avoir la même fin et il demande que Lazare puisse retourner dans le monde les avertir. Mais Abraham réplique : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent ! ». Pour nous convertir, nous ne devons pas attendre d’événements prodigieux, mais ouvrir notre cœur à la Parole de Dieu qui nous appelle à aimer Dieu et notre prochain. La Parole de Dieu peut faire revivre un cœur aride et le guérir de sa cécité. Le riche connaissait la Parole de Dieu, mais il ne l’a pas laissée entrer dans son cœur, il ne l’a pas écoutée et c’est pourquoi il a été incapable d’ouvrir les yeux et d’avoir compassion du pauvre. Aucun messager et aucun message ne pourront substituer les pauvres que nous rencontrons sur notre chemin parce qu’en eux, c’est Jésus lui-même qui vient à notre rencontre : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), dit Jésus. Ainsi, dans le retournement du sort que décrit la parabole, est décrit le mystère de notre salut, où le Christ unit la pauvreté et la miséricorde. Chers frères et sœurs, en écoutant cet Évangile, nous tous, avec les pauvres de la terre, puissions-nous chanter avec Marie : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides » (Lc 1,52-53).
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
En France, l’Église possède une capacité créatrice
Entretien du pape François au Journal « La Croix » – 9 mai 2016
Le Pape François a accordé à Guillaume GOUBERT, directeur du journal « La Croix » et à Sébastien MAILLARD, envoyé spécial à Rome une interview, dans lequel il aborde plusieurs sujets.
Avant d’obtenir l’accord du pape François pour un entretien dans La Croix, l’envoyé spécial permanent à Rome, Sébastien Maillard, a dû renouveler sa demande à plusieurs reprises mais, selon le pape lui-même, il a su le faire de manière « humble ». Il y a eu d’abord un accord de principe du pape. Puis, un dimanche, un courriel du P. Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a fixé le rendez-vous au lundi 9 mai à 16h30. Une liste de questions avait été préalablement transmise au pape, à sa demande. Ce jour-là, Sébastien Maillard et Guillaume Goubert, directeur de la rédaction, accompagnés du P. Lombardi, se sont rendus à la Maison Saint-Marthe, où réside le pape au Vatican. Ils l’ont attendu dans un salon du rez-de-chaussée. Le pape est arrivé seul, avec quelques minutes d’avance. Après une brève séance photo, la conversation s’est déroulée en italien, le pape l’émaillant d’un peu de français : « Ah, la laïcité française ! », s’est-il exclamé en faisant malicieusement traîner l’avant-dernière syllabe. Guillaume Goubert décrit un pape « bon communicant », mais qui « prend le risque de la franchise » dans une ambiance « détendue, joyeuse. » « On a même ri par moments ! ». « Le pape, en privé est exactement le même qu’en public », résume le directeur de La Croix, pour qui cet entretien restera « un souvenir tout à fait mémorable de ma vie professionnelle et personnelle. »
1er Thème : Le pape François dit avoir récemment reçu une invitation du président Hollande à venir en France. Extrait de l’interview que le pape a accordé à Guillaume Goubert, directeur de « La Croix » et à Sébastien Maillard, envoyé spécial à Rome.
La Croix : Que représente la France pour vous ?
Pape François : (en français) La fille aînée de l’Église… mais pas la plus fidèle ! (rires) Dans les années 1950, on disait aussi « France, pays de mission ». En ce sens, elle est une périphérie à évangéliser. Mais il faut être juste avec la France. L’Église y possède une capacité créatrice. La France est aussi une terre de grands saints, de grands penseurs : Jean Guitton, Maurice Blondel, Emmanuel Levinas – qui n’était pas catholique –, Jacques Maritain. Je pense également à la profondeur de la littérature.
J’apprécie aussi comment la culture française a imprégné la spiritualité jésuite par rapport au courant espagnol, plus ascétique. Le courant français, qui a commencé avec Pierre Favre, tout en insistant toujours sur le discernement de l’esprit, donne une autre saveur. Avec les grands spirituels français : Louis Lallemant, Jean-Pierre de Caussade. Et avec les grands théologiens français, qui ont tant aidé la Compagnie de Jésus : Henri de Lubac et Michel de Certeau. Ces deux derniers me plaisent beaucoup : deux jésuites qui sont créatifs. En somme, voilà ce qui me fascine avec la France. D’un côté, cette laïcité exagérée, l’héritage de la Révolution française et, de l’autre, tant de grands saints.
La Croix : Quel est celui ou celle que vous préférez ?
Pape François : Sainte Thérèse de Lisieux.
Les intellectuels français cités par le pape François
Jean Guitton (1901-1999) : Philosophe et écrivain, il fut un ami personnel de Paul VI et le premier laïc à participer au concile Vatican II.
Maurice Blondel (1861-1949) : Ce normalien, agrégé de philosophie, enseigna à Aix-en-Provence, où il resta toute sa vie. Il condamna le « déni de transcendance », soit l’autonomie de la raison poussée jusqu’à la suffisance.
Emmanuel Levinas (1906-1995) : Né en Lituanie, ce philosophe juif, naturalisé français, introduisit les pensées de Husserl et de Heidegger en France. Ses derniers écrits portent sur l’éthique.
Jacques Maritain (1882-1973) : Converti au christianisme en 1906, l’auteur d’Humanisme intégral (1936) fut nommé par de Gaulle, en 1945, ambassadeur de France près le Saint-Siège, où il se lia au futur Paul VI.
La Croix : Vous avez promis de venir en France. Quand un tel voyage serait-il envisageable ?
Pape François : J’ai reçu il y a peu une lettre d’invitation du président François Hollande. La Conférence épiscopale m’a aussi invité. Je ne sais pas quand aura lieu ce voyage car l’année prochaine est électorale en France et, en général, la pratique du Saint-Siège est de ne pas accomplir un tel déplacement en cette période. L’an dernier, quelques hypothèses ont commencé à être émises en vue d’un tel voyage, comprenant un passage à Paris et dans sa banlieue, à Lourdes et par une ville où aucun pape ne s’est rendu, Marseille par exemple, qui représente une porte ouverte sur le monde.
La Croix : L’Église en France connaît une grave crise des vocations sacerdotales. Comment faire aujourd’hui avec si peu de prêtres ?
Pape François : La Corée offre un exemple historique. Ce pays a été évangélisé par des missionnaires venus de Chine qui y sont ensuite repartis. Puis, durant deux siècles, la Corée a été évangélisée par des laïcs. C’est une terre de saints et de martyrs avec aujourd’hui une Église forte. Pour évangéliser, il n’y a pas nécessairement besoin de prêtres. Le baptême donne la force d’évangéliser. Et l’Esprit Saint, reçu au baptême, pousse à sortir, à porter le message chrétien, avec courage et patience.
C’est l’Esprit Saint le protagoniste de ce que fait l’Église, son moteur. Trop de chrétiens l’ignorent. Un danger à l’inverse pour l’Église est le cléricalisme. C’est un péché qui se commet à deux, comme le tango ! Les prêtres veulent cléricaliser les laïcs et les laïcs demandent à être cléricalisés, par facilité. À Buenos Aires, j’ai connu de nombreux bons curés qui, voyant un laïc capable, s’exclamaient aussitôt : « Faisons-en un diacre ! » Non, il faut le laisser laïc. Le cléricalisme est en particulier important en Amérique latine. Si la piété populaire y est forte, c’est justement parce qu’elle est la seule initiative des laïcs qui ne soit pas cléricale. Elle reste incomprise du clergé.
La Croix : L’Église en France, en particulier à Lyon, est actuellement frappée par des scandales de pédophilie remontant du passé. Que doit-elle faire devant cette situation ?
Pape François : Il est vrai qu’il n’est pas facile de juger des faits après des décennies, dans un autre contexte. La réalité n’est pas toujours claire.
Mais pour l’Église, en ce domaine, il ne peut y avoir de prescription. Par ces abus, un prêtre qui a vocation de conduire vers Dieu un enfant le détruit. Il dissémine le mal, le ressentiment, la douleur. Comme avait dit Benoît XVI, la tolérance doit être de zéro.
D’après les éléments dont je dispose, je crois qu’à Lyon, le cardinal Barbarin a pris les mesures qui s’imposaient, qu’il a bien pris les choses en main. C’est un courageux, un créatif, un missionnaire. Nous devons maintenant attendre la suite de la procédure devant la justice civile.
La Croix : Le cardinal Barbarin ne doit donc pas démissionner ?
Pape François : Non, ce serait un contresens, une imprudence. On verra après la conclusion du procès. Mais maintenant, ce serait se dire coupable.
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2ème Thème : Le pape François estime « bien dialoguer » avec les lefebvristes et avancer « avec patience » vers un accord fondamental avec eux.
La Croix : Vous avez reçu, le 1er avril dernier, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. La réintégration des lefebvristes dans l’Église est-elle de nouveau envisagée ?
Pape François : À Buenos Aires, j’ai toujours parlé avec eux. Ils me saluaient, me demandaient une bénédiction à genoux. Ils se disent catholiques. Ils aiment l’Église. Mgr Fellay est un homme avec qui on peut dialoguer. Ce n’est pas le cas d’autres éléments un peu étranges, comme Mgr Williamson, ou d’autres qui se sont radicalisés. Je pense, comme je l’avais formulé en Argentine, que ce sont des catholiques en chemin vers la pleine communion. Durant cette Année de la miséricorde, il m’a semblé que je devais autoriser leurs confesseurs à pardonner le péché d’avortement. Ils m’ont remercié de ce geste. Avant, Benoît XVI, qu’ils respectent beaucoup, avait libéralisé la messe selon le rite tridentin. On dialogue bien, on fait un bon travail.
La Croix : Seriez-vous prêt à leur accorder un statut de prélature personnelle ?
Pape François : Ce serait une solution possible mais auparavant, il faut établir un accord fondamental avec eux. Le concile Vatican II a sa valeur. On avance lentement, avec patience.
La Croix : Vous avez convoqué deux Synodes sur la famille. Ce long processus a-t-il, selon vous, changé l’Église ?
Pape François : C’est un processus commencé par le consistoire (de février 2014, NDLR) introduit par le cardinal Kasper, avant un Synode extraordinaire en octobre la même année, suivi d’un an de réflexion et d’un Synode ordinaire. Je crois que nous sommes tous sortis de ce processus différents de lorsque nous y sommes entrés. Moi également.
Dans l’exhortation post-synodale (Amoris laetitia, avril 2016, NDLR), j’ai cherché à respecter au maximum le Synode. Vous n’y trouverez pas des précisions canoniques sur ce qu’on peut ou doit faire ou non. C’est une réflexion sereine, pacifique, sur la beauté de l’amour, comment éduquer les enfants, se préparer au mariage… Elle valorise des responsabilités qui pourraient être accompagnées par le Conseil pontifical pour les laïcs, sous la forme de lignes directrices.
Au-delà de ce processus, nous devons penser à la véritable synodalité, du moins à ce que signifie la synodalité catholique. Les évêques sont cum Pietro, sub Pietro (avec le successeur de Pierre et sous le successeur de Pierre, NDLR). Ceci diffère de la synodalité orthodoxe et de celle des Églises gréco-catholiques, où le patriarche ne compte que pour une voix.
Le concile Vatican II donne un idéal de communion synodale et épiscopale. On doit encore le faire grandir, y compris au niveau paroissial au regard de ce qui est prescrit. Il y a des paroisses qui ne sont dotées ni d’un conseil pastoral ni d’un conseil des affaires économiques alors que le code de droit canonique les y oblige. La synodalité se joue là aussi.
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3ème Thème : Le pape François croit que la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible.
La Croix : Dans vos discours sur l’Europe, vous évoquez les « racines » du continent, sans jamais pour autant les qualifier de chrétiennes. Vous définissez plutôt « l’identité européenne » comme « dynamique et multiculturelle ». Selon vous, l’expression de « racines chrétiennes » est inappropriée pour l’Europe ?
Pape François : Il faut parler de racines au pluriel car il y en a tant. En ce sens, quand j’entends parler des racines chrétiennes de l’Europe, j’en redoute parfois la tonalité, qui peut être triomphaliste ou vengeresse. Cela devient alors du colonialisme. Jean-Paul II en parlait avec une tonalité tranquille. L’Europe, oui, a des racines chrétiennes. Le christianisme a pour devoir de les arroser, mais dans un esprit de service comme pour le lavement des pieds. Le devoir du christianisme pour l’Europe, c’est le service. Erich Przywara, grand maître de Romano Guardini et de Hans Urs von Balthasar, nous l’enseigne : l’apport du christianisme à une culture est celui du Christ avec le lavement des pieds, c’est-à-dire le service et le don de la vie. Ce ne doit pas être un apport colonialiste.
La Croix : Vous avez posé un geste fort en ramenant des réfugiés de Lesbos à Rome le 16 avril dernier. Mais l’Europe peut-elle accueillir tant de migrants ?
Pape François : C’est une question juste et responsable parce qu’on ne peut pas ouvrir grand les portes de façon irrationnelle. Mais la question de fond à se poser est pourquoi il y a tant de migrants aujourd’hui. Quand je suis allé à Lampedusa, il y a trois ans, ce phénomène commençait déjà.
Le problème initial, ce sont les guerres au Moyen-Orient et en Afrique et le sous-développement du continent africain, qui provoque la faim. S’il y a des guerres, c’est parce qu’il y a des fabricants d’armes – ce qui peut se justifier pour la défense – et surtout des trafiquants d’armes. S’il y a autant de chômage, c’est à cause du manque d’investissements pouvant procurer du travail, comme l’Afrique en a tant besoin.
Cela soulève plus largement la question d’un système économique mondial tombé dans l’idolâtrie de l’argent. Plus de 80 % des richesses de l’humanité sont aux mains d’environ 16 % de la population. Un marché complètement libre ne fonctionne pas. Le marché en soi est une bonne chose mais il lui faut, en point d’appui, un tiers, l’État, pour le contrôler et l’équilibrer. Ce qu’on appelle l’économie sociale de marché.
Revenons aux migrants. Le pire accueil est de les ghettoïser alors qu’il faut au contraire les intégrer. À Bruxelles, les terroristes étaient des Belges, enfants de migrants, mais ils venaient d’un ghetto. À Londres, le nouveau maire (Sadiq Khan, fils de Pakistanais, musulman, NDLR) a prêté serment dans une cathédrale et sera sans doute reçu par la reine. Cela montre pour l’Europe l’importance de retrouver sa capacité d’intégrer. Je pense à Grégoire le Grand (pape de 590 à 604, NDLR), qui a négocié avec ceux qu’on appelait les barbares, qui se sont ensuite intégrés.
Cette intégration est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que l’Europe connaît un grave problème de dénatalité, en raison d’une recherche égoïste de bien-être. Un vide démographique s’installe. En France toutefois, grâce à la politique familiale, cette tendance est atténuée.
La Croix : La crainte d’accueillir des migrants se nourrit en partie d’une crainte de l’islam. Selon vous, la peur que suscite cette religion en Europe est-elle justifiée ?
Pape François : Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui une peur de l’islam, en tant que tel, mais de Daech et de sa guerre de conquête, tirée en partie de l’islam. L’idée de conquête est inhérente à l’âme de l’islam, il est vrai. Mais on pourrait interpréter, avec la même idée de conquête, la fin de l’Évangile de Matthieu, où Jésus envoie ses disciples dans toutes les nations.
Devant l’actuel terrorisme islamiste, il conviendrait de s’interroger sur la manière dont a été exporté un modèle de démocratie trop occidentale dans des pays où il y avait un pouvoir fort, comme en Irak. Ou en Libye, à la structure tribale. On ne peut avancer sans tenir compte de cette culture. Comme disait un Libyen il y a quelque temps : « Autrefois, nous avions Kadhafi, maintenant, nous en avons 50 ! »
Sur le fond, la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible. Je viens d’un pays où ils cohabitent en bonne familiarité. Les musulmans y vénèrent la Vierge Marie et saint Georges. Dans un pays d’Afrique, on m’a rapporté que pour le Jubilé de la miséricorde, les musulmans font longuement la queue à la cathédrale pour passer la porte sainte et prier la Vierge Marie. En Centrafrique, avant la guerre, chrétiens et musulmans vivaient ensemble et doivent le réapprendre aujourd’hui. Le Liban aussi montre que c’est possible.
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4ème Thème : Pour le pape François, les États confessionnels finissent mal.
La Croix : L’importance de l’islam aujourd’hui en France comme l’ancrage historique chrétien du pays soulèvent des questions récurrentes sur la place des religions dans l’espace public. Quelle est, selon vous, une bonne laïcité ?
Pape François : Un État doit être laïque. Les États confessionnels finissent mal. Cela va contre l’Histoire. Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant. Nous sommes tous égaux, comme fils de Dieu ou avec notre dignité de personne. Mais chacun doit avoir la liberté d’extérioriser sa propre foi. Si une femme musulmane veut porter le voile, elle doit pouvoir le faire. De même, si un catholique veut porter une croix. On doit pouvoir professer sa foi non pas à côté mais au sein de la culture.
La petite critique que j’adresserais à la France à cet égard est d’exagérer la laïcité. Cela provient d’une manière de considérer les religions comme une sous-culture et non comme une culture à part entière. Je crains que cette approche, qui se comprend par l’héritage des Lumières, ne demeure encore.
La France devrait faire un pas en avant à ce sujet pour accepter que l’ouverture à la transcendance soit un droit pour tous.
La Croix : Dans ce cadre laïque, comment les catholiques devraient-ils défendre leurs préoccupations sur des sujets de société, tels que l’euthanasie ou le mariage entre personnes de même sexe ?
Pape François : C’est au Parlement qu’il faut discuter, argumenter, expliquer, raisonner. Ainsi grandit une société. Une fois que la loi est votée, l’État doit respecter les consciences. Dans chaque structure juridique, l’objection de conscience doit être présente car c’est un droit humain. Y compris pour un fonctionnaire du gouvernement, qui est une personne humaine. L’État doit aussi respecter les critiques.
C’est cela une vraie laïcité. On ne peut pas balayer les arguments des catholiques, en leur disant : « Vous parlez comme un prêtre. » Non, ils s’appuient sur la pensée chrétienne, que la France a si remarquablement développée.
© La Croix - 2016
Diaconat féminin… ce que le Pape a dit…
Rencontre du pape François avec les Supérieures générales des Congrégations
Suite au retentissement suscité dans les médias par ses propos sur l’éventualité que des femmes puissent devenir diacres le Pape François a téléphoné au Substitut de la Secrétairerie d’Etat pour lui faire part de sa surprise. Dans un tweet, Mgr Becciù explique que le Saint-Père envisage la création d’une commission pour étudier la question et qu’il faut donc éviter de tirer des conclusions hâtives. Jeudi, lors d’une rencontre avec des centaines de supérieures majeures venues du monde entier pour leur assemblée plénière, le Pape François a accepté de répondre à de nombreuses question dont une sur le diaconat des femmes.
Deuxième question posée au pape François :
Le rôle des femmes consacrées dans l’Église
Les femmes consacrées travaillent déjà beaucoup avec les pauvres et les personnes marginales, elles enseignent la catéchèse, elles accompagnent les malades et les mourants, distribuent la communion, dans de nombreux pays elles guident les prières communes en l’absence de prêtre et dans ces circonstances, elles prononcent l’homélie. Dans l’Église, il existe le service du diaconat permanent, mais il n’est ouvert qu’aux hommes, mariés ou non. Qu’est-ce qui empêche l’Église d’inclure les femmes parmi les diacres permanents, juste comme cela se passait dans l’Église primitive ?
Pourquoi ne pas constituer une commission officielle pour étudier la question ? Pouvez-vous nous donner un exemple de là où vous verriez la possibilité d’une meilleure insertion des femmes, et des femmes consacrées, dans la vie de l’Église ?
Réponse du pape François
Cette question va dans le sens du « faire » : les femmes consacrées travaillent déjà beaucoup avec les pauvres, elles font beaucoup de choses… dans le « faire ». Et cela touche le problème du diaconat permanent. On pourra dire que les « diaconesses permanentes » sont les belles-mères dans la vie de l’Église [il rit ; rires]. En effet, ceci existe dans l’Antiquité : il y avait un début…
Je me souviens que c’est un thème qui m’intéressait pas mal quand je venais à Rome pour les réunions et que je logeais à la Domus Paul VI ; il y avait là un bon théologien syrien, qui avait réalisé l’édition critique et la traduction des Hymnes d’Éphrem le Syrien. Et un jour, je l’ai interrogé sur ce point et il m’a expliqué que dans les premiers temps de l’Église, il y avait quelques « diaconesses ». Mais que sont ces diaconesses ? Avaient-elle l’ordination ou non ? Le Concile de Chalcédoine (451) en parle, mais c’est un peu obscur. Quel était le rôle des diaconesses en ce temps-là ? Il semble – me disait cet homme qui est mort, c’était un bon professeur, sage, érudit – il semble que le rôle des diaconesses était d’aider au baptême des femmes, l’immersion, elles les baptisaient, pour la bienséance, et aussi pour faire les onctions sur le corps des femmes pendant le baptême.
Et aussi quelque chose de curieux : quand il y avait un jugement matrimonial parce que le mari battait sa femme et que celle-ci allait se plaindre auprès de l’évêque, les diaconesses étaient chargées de voir les traces laissées sur le corps de la femme par les coups du mari et d’informer l’évêque. Je me souviens de ceci.
Il y a quelques publications sur le diaconat dans l’Église, mais on ne sait pas clairement comment cela se passait. Je crois que je demanderai à la Congrégation pour la Doctrine de la foi de m’informer des études sur ce thème parce je ne vous ai répondu qu’en me basant sur ce que j’avais entendu de ce prêtre, qui était un chercheur érudit et compétent, sur le diaconat permanent.
Et en outre, je voudrais constituer une commission officielle pour étudier la question : je crois que cela fera du bien à l’Église de clarifier ce point ; je suis d’accord et je parlerai pour faire quelque chose de ce genre.
Ensuite, vous dites : « Nous sommes d’accord avec vous, Saint-Père, qui avez plusieurs fois rappelé la nécessité de donner un rôle plus incisif aux femmes dans les positions décisionnelles dans l’Église ». Ceci est clair. « Pouvez-vous nous donner un exemple de là où vous voyez la possibilité d’une meilleure insertion des femmes et des femmes consacrées dans la vie de l’Église ? ». Je dirai quelque chose qui vient après, parce que j’ai vu qu’il y a une question générale.
Dans les consultations de la Congrégation pour les religieux, dans les assemblées, les consacrées doivent y aller : c’est sûr. Les consacrées doivent aller dans les consultations sur tous les problèmes qui sont présentés. Autre chose : une meilleure insertion. Pour le moment, je n’ai pas en tête de choses concrètes, mais toujours ce que j’ai dit avant : rechercher le jugement de la femme consacrée, parce que la femme voit les choses avec une originalité différente des hommes et ceci enrichit : que ce soit dans la consultation, dans la décision ou dans le concret.
Ce travail que vous faites avec les pauvres, les personnes marginales, enseigner la catéchèse, accompagner les malades et les mourants, c’est un travail très « maternel », où la maternité de l’Église peut s’exprimer davantage. Mais il y a des hommes qui font la même chose, et bien : des consacrés, des ordres hospitaliers… Et ceci est important.
Sur le diaconat, donc, oui, j’accepte et une commission me semble utile pour bien clarifier cela, surtout concernant les premiers temps de l’Église.
Quant à une meilleure insertion, je répète ce que j’ai dit avant.
S’il y a quelque chose qui doit être plus concret, demandez-le moi maintenant : sur ce que j’ai dit, y a-t-il une autre question qui m’aide à réfléchir ? Allez-y !
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Commentaire des lectures du dimanche
Chers frères et sœurs !
Dans ses paroles, le curé m’a fait me souvenir d’une belle chose à propos de la Vierge. Lorsque la Vierge reçut l’annonce qu’elle aurait été la mère de Dieu, et également l’annonce que sa cousine Elisabeth était enceinte — dit l’Évangile —, elle s’en alla en hâte ; elle n’attendit pas. Elle n’a pas dit : « Maintenant que je suis enceinte je dois m’occuper de ma santé. Ma cousine aura sans doute des amies qui pourront l’aider ». Elle a entendu quelque chose et « elle s’en alla en hâte ». Il est beau de penser cela de la Vierge, de notre Mère, qui se hâte, car elle ressent cela en elle : aider. Elle part pour aider, elle ne part pas pour se vanter et dire à sa cousine : « Écoute, maintenant c’est moi qui commande, car je suis la Mère de Dieu ! ». Non, elle n’a pas fait cela. Elle est partie aider ! Et la Vierge est toujours ainsi. Elle est notre Mère, qui vient toujours en hâte quand nous en avons besoin. Il serait beau d’ajouter aux Litanies de la Vierge, une qui dise ainsi : « Notre Dame qui part en hâte, prie pour nous ! » Cela est beau, n’est-ce pas ? Car elle part toujours en hâte, elle n’oublie pas ses enfants. Et quand ses enfants sont dans les difficultés, éprouvent un besoin et l’invoquent, Elle part en hâte. Et cela nous donne une sécurité, la sécurité d’avoir notre Mère près de nous, toujours à nos côtés. On va, on marche mieux dans la vie quand on a sa mère à côté. Pensons à cette grâce de la Vierge, cette grâce qu’elle nous donne : d’être proche de nous, mais sans nous faire attendre. Toujours ! Elle veut — nous avons confiance en cela — nous aider. La Vierge qui se hâte toujours pour nous.
La Vierge nous aide aussi à bien comprendre Dieu, Jésus, à bien comprendre la vie de Jésus, la vie de Dieu, à bien comprendre ce qu’est le Seigneur, comment est le Seigneur, qui est Dieu. A vous, les enfants, je demande : « Qui sait qui est Dieu ? ». Qu’il lève la main. Je t’écoute. Voilà ! Le créateur de la Terre. Et combien y a-t-il de Dieu ? Un ? Mais à moi on m’a dit qu’il y en a trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ! Comment cela s’explique-t-il ? Il y en a un ou il y en a trois ? Un ? Un ? Et comment expliquer que l’un est le Père, l’autre le Fils et l’autre le Saint-Esprit ? Plus fort, plus fort ! Cela est une bonne réponse. Ils sont trois en un, trois personnes en une. Et que fait le Père ? Le Père est le principe, le Père, qui a tout créé, qui nous a créés. Qu’est-ce que fait le Fils ? Qu’est-ce que fait Jésus ? Qui sait dire ce que fait Jésus ? Il nous aime ? Et ensuite ? Il apporte la Parole de Dieu ! Jésus vient nous enseigner la Parole de Dieu. Cela est très bien ! Et ensuite ? Qu’a fait Jésus sur la terre ? Il nous a sauvés ! Et Jésus est venu pour donner sa vie pour nous. Le Père crée le monde ; Jésus nous sauve. Et le Saint-Esprit, que fait-il ? Il nous aime ! Il te donne l’amour ! Les enfants tous ensemble : le Père crée tous, il crée le monde ; Jésus nous sauve; et le Saint-Esprit ? Il nous aime ! C’est cela la vie chrétienne : parler avec le Père, parler avec le Fils et parler avec le Saint-Esprit. Jésus nous a sauvés, mais il marche aussi avec nous dans la vie. Cela est-il vrai ? Et comment marche-t-il ? Que fait-il quand il marche avec nous dans la vie ? C’est une question difficile. Celui qui trouve gagne le derby ! Que fait Jésus quand il marche avec nous ? Plus fort ! Tout d’abord, il nous aide. Il nous guide ! Très bien ! Il marche avec nous, il nous aide, il nous guide et il nous enseigne à aller de l’avant. Et Jésus nous donne aussi la force pour marcher. C’est vrai ? Il nous soutient ! Bien ! Dans les difficultés, n’est-pas ? Et aussi dans nos devoirs pour l’école ! Il nous soutient, il nous aide, il nous guide, il nous soutient. Voilà ! Jésus va toujours avec nous. C’est bien. Mais écoute, Jésus nous donne la force. Comment Jésus nous donne-t-il la force ? Plus fort, je n’entends pas ! Dans la communion il nous donne la force, il nous aide précisément avec la force. Il vient à nous. Mais quand vous dites « il nous donne la communion », un morceau de pain te donne-t-il autant de force ? N’est-ce pas du pain dont il s’agit ? C’est du pain ? Celui-là est du pain, mais celui sur l’autel est du pain ou n’est-il pas du pain ? Il semble du pain ! Ce n’est pas du tout du pain. Qu’est-ce que c’est ? C’est le Corps de Jésus. Jésus vient dans notre cœur. Voilà, pensons à cela, tous : le Père nous a donné la vie; Jésus nous a donné le salut, il nous accompagne, il nous guide, il nous soutient, il nous enseigne; et le Saint-Esprit ? Que nous donne le Saint-Esprit ? Il nous aime ! Il nous donne l’amour. Pensons à Dieu ainsi et demandons à la Vierge, la Vierge notre Mère, qui se hâte toujours pour nous aider, qu’elle nous enseigne à bien comprendre comment est Dieu : comment est le Père, comment est le Fils et comment est le Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
[Homélie du Pape François – Dimanche 26 mai 2013]
© Libreria Editrice Vaticana – 2013