Pko 18.09.2016

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°52/2016

Dimanche 18 septembre 2016 – XXVème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Humeurs…

Tenari a te Atua 2016 : « Dieu aime qui donne avec joie »

Frères et Sœurs,

Le 17 Septembre 2016 commencera notre campagne annuelle du « Denier de Dieu »,« Tenari a te Atua ». Pour remplir sa mission, l'Église a besoin d'être aidée, et cette aide se vérifie à plusieurs niveaux :

  • Aide par votre prière ;
  • Aide par vos engagements et ceux des diacres et des prêtres au service des paroisses, du diocèse, des mouvements etc... ;
  • Aide financière.

Si ces trois formes d'aide sont nécessaires pour la vitalité de l'Église, c'est surtout l'aide financière qui est en jeu dans cette campagne du « Tenari a te Atua ». Pour mener à bien les dépenses liées entre autre à la vie des prêtres (CPS), à la formation des séminaristes, à l'entretien des bâtiments, au fonctionnement des moyens de communication sociale du Diocèse, je fais appel à votre générosité. Je sais qu'en cette période de rentrée scolaire, et en ces temps difficiles économiquement pour un certain nombre d'entre vous, cela représente un effort supplémentaire. Mais quel que soit le montant de votre contribution, ce qui compte d'abord est le désir de participer selon vos moyens. Ne dit-on pas que « les petits ruisseaux font les grandes rivières ! ». Cette campagne est pour vous une occasion de manifester votre attachement à notre Église en lui donnant les moyens d'accomplir sa mission.

Concrètement, il est demandé à chaque fidèle ayant une activité professionnelle de verser pendant le temps de la campagne l'équivalent d'UNE journée de salaire ou de revenu. Ceci est un ordre de grandeur, chacun décidant en conscience de ce qu'il donnera.

Des enveloppes seront distribuées à la sortie des messes, enveloppes dans lesquelles vous pourrez glisser votre contribution en espèces ou en chèque. Vous n'aurez plus alors qu'à glisser votre enveloppe la semaine suivante dans le tronc destiné à recevoir vos dons et placé à la porte de votre église. Ces troncs seront à votre disposition jusqu'à la fin de la campagne qui aura lieu le 16 Décembre 2016.

« Dieu aime qui donne avec joie » nous dit l'apôtre Paul en 2 Co 9,7. Soyez déjà remerciés d'accueillir dans la Foi cette campagne du « Tenari a te Atua » avec le désir de soutenir votre Église. Confiant en votre générosité, je vous remets à la miséricorde et à la bienveillance de notre Seigneur.

Papeete, le 16 septembre 2016

R.P. Jean-Pierre COTTANCEAU

Administrateur apostolique

Chronique de la roue qui tourne

L’insouciance

« Faire les choses avec sérieux, mais ne pas se prendre au sérieux. » Anonyme

Ah, l’insouciance ! Enviée aux touts petits mais dédaignée une fois adulte. Pourquoi un tel revirement de situation ? Nous nous faisons bien souvent une fausse idée de l’insouciance en l’associant trop à l’inconscience. Ainsi, elle serait une « légèreté d’esprit » dangereuse pour notre avenir, voire notre survie. Nous nous sentons obligés de dépasser cette frivolité pour prouver ainsi notre maturité. L’insouciance est tout juste bonne à devenir la tare des paresseux et des « Je m'en foutistes ». Et pourtant !

L’insouciance, c’est toujours faire de notre mieux, tout en admettant nos limites. Parfois, la vie, le hasard, la providence « a son mot à  dire ». Ce n’est qu’ainsi, que nous arriverons à construire quelque chose de plus grand, de plus fort et de plus beau que nous. Soyons encore cet enfant qui sait remettre tout, sans peur ni honte, à un tiers pour mieux grandir.

L’insouciance, c’est savoir que nos soucis ne sont que les zones de turbulence de notre long voyage et que la destination vaut la peine d’être secoués de temps en temps. Soyons encore cet enfant que la promesse d’une belle fin arrive à apaiser.

L’insouciance, c’est affronter le quotidien, sans fuir aucun problème mais tout en étant persuadé que chaque solution arrive en son temps. Soyons encore cet enfant qui ne laisse jamais une contrariété gâcher sa journée.

L’insouciance, c’est vivre chaque moment intensément, tout en restant ouvert et disponible aux imprévus. Soyons encore cet enfant qui vit avec passion sans jamais s’attarder sur quelque chose.

L’insouciance, c’est constamment avancer avec un but précis, tout en sachant que la providence nous amène souvent sur des chemins bien plus beaux que ceux prévus à notre itinéraire. Soyons encore cet enfant qui sait se faire conduire lorsqu’il ignore où aller.

L’insouciance, c’est cette capacité de passer des pleurs aux rires sans les prendre comme une fin en soi. Soyons encore cet enfant qui énumère toutes les couleurs, celles qu’il aime et celles qu’il aime moins.

L’insouciance, c’est savoir raisonner en adulte avec un cœur d’enfant. Cette faculté pourrait bien être la clé du bonheur !

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2016

Pour une spiritualité de l’argent

En marge de l’actualité du mercredi 14 septembre 2016

Nous connaissons l'expression populaire : « L'argent est un bon serviteur mais un mauvais maître ». La parabole du gérant habile que nous entendrons ce dimanche à la messe en est une belle illustration (Luc 16,1-13).

Étonnamment, Jésus fait l'apologie d'un gérant qui semble pourtant agir de façon malhonnête. Il dilapide les biens de son maître au point de mettre en danger l'avenir de l'exploitation agricole. Découvert et mis sous la pression d'un renvoi imminent, le gérant met en place une ruse qui pourra peut-être le sauver et lui assurer un avenir.

Il convoque les débiteurs de son maître et à chacun il propose de diminuer en cachette la quantité de leur dette. De cette façon, le gérant espère se constituer un réseau d'amis. Une fois mis dehors, ceux-ci lui rendront le service rendu en l'accueillant chez eux, peut-être même comme gérant de leurs propres affaires.

Jésus prône-t-il le comportement malhonnête dans les affaires ? Nous ferions naturellement fausse route en allant dans cette direction. Jésus souligne surtout la rapidité et l'habileté de la réaction du gérant. Menacé de licenciement, celui-ci utilise le pouvoir de l'argent au service de relations humaines qui le sortiront d'un mauvais pas.

En outre, il est bon de savoir que le gérant d'une exploitation commerciale se rémunère à l'époque grâce aux commissions issues des ventes de marchandises. En diminuant la quantité d'huile et de blé, le gérant de la parabole sacrifie en réalité la part de butin qui lui revient ordinairement de droit.

Dans son commentaire de la parabole, Jésus attire l'attention sur un danger qui nous guette tous et dont nous constatons à vrai dire les méfaits à notre époque actuelle : l'appât du gain et ses conséquences néfastes sur les relations humaines. L'argent peut devenir une idole et égarer gravement nos consciences.

Une spiritualité de l'argent ne consiste pas cependant à rejeter l'argent. Ayons à l'esprit que dans l'histoire des sociétés humaines, l'invention de l'argent représente un progrès notable dans la mesure où les individus s'accordent sur la valeur d'une monnaie afin de faciliter et réguler les échanges commerciaux.

L'argent, comme nombre d'autres réalités similaires, n'est pas responsable en soi de la désagrégation des relations humaines. Il s'agit surtout de prendre le contrôle de nos appétits et, dès lors, de conserver à l'argent son rôle d'instrument au service de l'idéal d'une société dans laquelle le partage équitable des richesses est assuré.

Sur ce plan, les chrétiens sont particulièrement concernés. À l'image du gérant qui a su utilisé les biens pour s'assurer un avenir sur la terre, les chrétiens doivent savoir en user pour préparer leur avenir éternel.

Le dernier commentaire de Jésus vise les responsables de communautés. La bonne gestion des affaires matérielles indique la capacité de gérer les affaires spirituelles. Dans le gouvernement des fidèles, des intérêts étrangers – la recherche d'un confort financier – à la vie voulue par Dieu ne peuvent absolument prévaloir. Se faire l'esclave de l'argent trahit clairement un manque de confiance en Dieu.

+ R.P. Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2016

La parole aux sans paroles – 52

Portrait de femme : Suzanne

« C’est une famille de rue qui m’aime telle que je suis. Et ça fait du bien ! » C’est dur d’entendre Suzanne, une quinquagénaire raconter comment elle a trouvé asile dans la rue. D’une enfant maltraitée à une femme battue, Suzanne a encaissé chaque coup. Et c’est la rue qui lui a donné l’amour sans les coups. Une histoire poignante !

D’où viens-tu ?

« Je suis de Mataiea. J’ai grandi là-bas avec une tante, mes parents vivaient à Pirae. En fait, je vivais chez mes grands-parents. Ma tante avait des enfants mais elle m’a adoptée. Nous étions donc une famille très nombreuse et ce n’était pas toujours facile de trouver sa place. »

Ton école ?

« Je suis allée jusqu’en 4ème et j’ai arrêté. Je n’étais pas fiu de l’école mais je suis venue dans la rue. »

À quel âge ?

« Très, très jeune. La première fois que j’ai connu la rue, j’avais 12 ans. J’ai vécu 3 ans entre des oncles et Pepe du "Bon Samaritain" »

Pourquoi être venue dans la rue si jeune ?

« Oui, c’est jeune mais on me maltraitait trop chez moi. Mon enfance n’a pas été très facile. »

Personne pour te protéger ou dénoncer ?

« Personne ! »

Une assistante sociale ou une institutrice ?

« Non. À l’époque, il n’y avait pas d’aide pour les enfants maltraités. On cachait tout, on jouait le jeu de la famille. Tout le monde savait, tout le monde se taisait. Même mes parents savaient, jamais ils n’ont essayé de me protéger. Pour eux, c’était normal. Je me protégeais moi-même, en faisant la dure. Si bien que j’étais devenue une fille pas bien. »

Dis-moi, quand tu arrives à 12 ans dans la rue, c’est quoi le plus dur ?

« À l’époque, ce n’est pas comme aujourd’hui. C’était plus facile. Les gens aidaient beaucoup. Il y avait encore l’entraide. Les Polynésiens ne nous regardaient pas autrement. Aujourd’hui, vivre dans la rue, c’est dur ! On te regarde de travers, on te regarde méchamment. Avant, c’était mieux, il y avait plus de solidarité entre les Polynésiens. Normalement, les Polynésiens ne sont pas "chacun pour soi". »

Pour toi, qu’est-ce qui explique ce changement de mentalité ?

« Le monde a évolué. Il y a beaucoup d’arnaques. Donc les gens se méfient. Les gens pensent que tout le monde est méchant. »

Et comment tu réagis ?

« Je fais ce que Père m’a conseillé : ne pas répondre s‘ils te regardent méchamment. Sois naturelle. Au début, ce n’était pas facile, maintenant ça va. J’ai pris l’habitude. »

Donc, quand tu avais 12 ans, tu es restée 3 ans par là et après ?

« Je suis retournée chez mes grands-parents. Ce n’était pas encore ça ! À 17 ans, mes grands-parents m’ont trouvé quelqu’un. Mais ce n’était pas stable aussi. Mon concubin me battait. C’est plus chaotique qu’avant. Pour finir, ben, j’ai commis des délits. J’ai fini en prison. »

Combien de temps ?

« En gros, 4 ans. Pour moi, la prison reste une leçon, ça m’a permis de comprendre beaucoup de choses. Je me suis séparée de mon concubin. J’avais une fille, je l’ai élevée toute seule. Mes grands-parents rouspétaient. Après, j’ai refais ma vie avec un autre homme. Je me suis mariée, j’ai eu des enfants mais c’était chaotique encore. Il me tabassait. Aujourd’hui, il est en prison. En 2013, je suis revenue dans la rue. Un matin, en venant boire le café ici à Te Vaiete, j’ai rencontré quelqu’un. Je remercie le Bon Dieu de m’avoir fait connaître cet homme ici, chez Père Christophe. Depuis, je partage ma vie avec lui. Quelques mois après, le destin a voulu autrement, il a été arrêté et condamné pour des petits délits. Il est en prison mais pas pour très longtemps. Ce qui fait que je me retrouve seule et à la rue encore une fois ! »

Parle-moi de ton séjour en prison ?

« La première fois, ça n’a pas été facile. J’avais les larmes aux yeux en entrant. Là-bas, la vie est encore plus difficile que la vie dans la rue. On se fait taper. Il y a des disputes. On te regarde de travers. C’est mieux une vie de rue. J’ai même accouché mon garçon en prison. Quand je suis entrée, j’étais enceinte. »

Comment ça se passe dans ces cas-là ?

« Quand j’ai eu mon petit, ils m’ont dit que je ne pouvais pas garder le petit, il fallait le faire adopter. Les Affaires Sociales se sont occupées de tout. En entendant cela, j’ai eu très mal. J’ai fait une tentative de suicide. Ce qui m’a fait tenir le coup, c’est Père Joël. J’ai demandé à le voir à la suite d’un rêve. J’ai vu la Vierge de Fatima. Elle était belle. Son linge était vraiment resplendissant. Son chapelet, les colombes et sa couronne sur la tête. Elle m’a tendu les mains et m’a dit : "Ne t’inquiète pas, tes péchés sont pardonnés." J’ai raconté ce rêve à Père Joël, tout de suite il a prié sur moi. Et, je te dis, c’était vrai, c’était véridique ce que la Vierge m’a dit, parce que 3 jours après ce rêve, je suis sortie de prison. Et je tiens à dire à ceux qui disent du mal de la Vierge Marie que c’est faux. C’est une maman qui entend nos cris. Elle écoute nos prières et nos lamentations. Il faut croire en elle, il faut croire tout ce qu’elle dit. Je l’ai vécu, c’est un grand souvenir pour moi. En me réveillant de ce rêve, j’avais eu peur parce que je ne savais pas que c’était la Vierge de Fatima. Et ce jour-là, j’ai vu sa statue. Tout de suite, j’ai fléchi le genou. Père Joël n’en revenait pas. J’avais les larmes aux yeux et je disais à Père Joël que c’était elle que j’avais vue dans mon rêve. C’était le plus beau moment que j’ai eu. »

Est-ce que tu es sortie de prison en étant la même personne ?

« Pas du tout, j’ai complètement changé. La prison te fait comprendre que, ce que tu as fait, ce n’était pas juste. Et qu’il faut changer et non recommencer. La prison te change beaucoup. »

Comment s’est passée ta sortie ?

« Ça n’a pas été facile, je suis revenue dans la rue. Et là, je me suis demandée ce que j’allais devenir, si quelqu’un voudra bien s’occuper de moi. Ben, non, pas du tout. Je n’ai qu’ici, Te Vaiete. Il y a qu’ici que je suis bien. Ici, tu te fais des amis. »

Et ta famille ? Il n’y vraiment personne pour t’aider ?

« Personne. »

Quand Te Vaiete est fermé, comment tu te débrouilles ?

« Je vais faire la charité, je me débrouille. Mais, je fais une petite prière avant pour rencontrer des gens qui donnent. Je demande à Dieu de m’aider. Mais il y a des jours où je n’ai rien. »

Et tes enfants ?

« J’ai une grande fille qui est en famille d’accueil à Mahaena. Mon fils est avec moi dans la rue, il n’a que 16 ans. Et ma dernière, en famille d’accueil aussi. Elle a 12 ans. Ça fait très longtemps que je ne l’ai pas vue. Quand j’ai eu mes enfants, j’ai tout fait pour qu’ils aient quelque chose. »

Si tu pouvais refaire ta vie, tu changerais quoi ?

« Avoir un endroit où rester définitivement. Je n’ai pas de terrains ici, j’en ai à Rurutu. Ici, c’est mon mari qui a un terrain, on va construire une maison dessus quand il sortira de prison. Là, il s’inquiète beaucoup pour moi, il sait que je suis revenue dans la rue à cause de sa famille. Il va essayer d’écrire une lettre pour faire comprendre à sa famille que, s’il ne me revoit pas là où il m’a laissée, ils vont voir ce qu’ils vont voir. Il ne veut pas en arriver là mais… Il a dit : "Je ne t’ai pas laissée dans la rue, je t’ai laissée sur le terrain. Même si ce n’est pas grand-chose mais tu avais un petit abri. »

C’est facile d’être une femme dans la rue ?

« Non mais je suis habituée, j’en ai tellement reçu dans mon enfance ! J’ai appris à me protéger moi-même. Je me bagarre quand on me cherche des histoires, ne t’inquiète pas. Mais maintenant je suis protégée par les amis de la rue. On vit très bien ensemble. On est une famille unie. C’est une famille de rue qui m’aime telle que je suis. Et ça fait du bien ! Je préfère mille fois ma famille de la rue que ma propre famille qui ne me regarde pas ! »

Ton plus beau souvenir de la rue ?

« Grâce à Te Vaiete, j’ai connu le meilleur homme de ma vie ! C’est le plus beau souvenir de ma vie ! »

Un dernier message ?

« Pour mon dernier message, je voudrais dire à tous ceux qui rencontrent des cas comme nous, des sans-abris, tendez-leur votre main. Aidez-les comme Père Christophe. »

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016

Que les pasteurs ne deviennent pas des princes

Audience générale du mercredi 14 septembre 2016

« Venez à moi », « prenez mon joug » et « mettez-vous à mon école » : ce sont ces trois invitations adressées par Jésus à ses disciples que le Pape François a développées lors de l’audience générale ce mercredi. Dans sa catéchèse, le Pape a expliqué que « l’invitation du Seigneur est surprenante : il appelle à le suivre des personnes simples et marquées par une vie difficile ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Pendant ce Jubilé, nous avons réfléchi plusieurs fois sur le fait que Jésus s’exprime avec une tendresse unique, signe de la présence et de la bonté de Dieu. Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur un passage émouvant de l’Évangile (cf. Mt 11,28-30) dans lequel Jésus dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos… devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme ». L’invitation du Seigneur est surprenante : il invite à le suivre des personnes simples et appesanties par une vie difficile, il appelle à le suivre des personnes qui ont de nombreux besoins et il leur promet qu’en lui elles trouveront repos et soulagement. L’invitation est adressée à la forme impérative : « Venez à moi », « prenez mon joug », « devenez mes disciples ». Si tous les responsables du monde pouvaient dire cela ! Cherchons à saisir la signification de ces expressions.

Le premier impératif est « Venez à moi ». S’adressant à ceux qui sont fatigués et opprimés, Jésus se présence comme le serviteur du Seigneur décrit dans le livre du prophète Isaïe. Le passage d’Isaïe dit ceci : « Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé » (50,4). De ceux qui sont découragés par la vie, l’Évangile rapproche souvent aussi les pauvres (cf. Mt 11,5) et les petits (cf. Mt 18,6). Il s’agit de ceux qui ne peuvent pas compter sur leurs propres biens, ni sur des amitiés importantes. Ils ne peuvent se confier qu’en Dieu. Conscients de leur condition humble et misérable, ils savent qu’ils dépendent de la miséricorde du Seigneur, attendant de lui l’unique aide possible. Dans l’invitation de Jésus, ils trouvent enfin une réponse à leurs attentes : en devenant ses disciples, ils reçoivent la promesse de trouver le repos pour toute la vie. Une promesse qui, à la fin de l’Évangile, est étendue à toutes les nations : « Allez ! – dit Jésus aux apôtres – De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). En accueillant l’invitation à célébrer cette année de grâce du Jubilé, dans le monde entier les pèlerins franchissent la Porte de la miséricorde ouverte dans les cathédrales, dans les sanctuaires, dans de nombreuses églises du monde, dans les hôpitaux, dans les prisons. Pourquoi franchissent-ils cette Porte de la miséricorde ? Pour trouver Jésus, pour trouver l’amitié de Jésus, pour trouver le repos que seul donne Jésus. Ce chemin exprime la conversion de tous les disciples qui se mettent à la suite de Jésus. Et la conversion consiste toujours à découvrir la miséricorde du Seigneur. Elle est infinie et inépuisable : grande est la miséricorde du Seigneur ! En franchissant la Porte sainte, par conséquent, nous professons « que l’amour est présent dans le monde et que cet amour est plus puissant que toutes les formes de mal dans lesquelles l’homme, l’humanité et le monde sont impliqués » (Jean-Paul II, enc. Dives in misericordia)

Le second impératif est : « prenez sur vous mon joug ». Dans le contexte de l’Alliance, la tradition biblique utilise l’image du joug pour indiquer le lien étroit qui lie le peuple à Dieu et, en conséquence, la soumission à sa volonté exprimée dans la Loi. Dans une polémique avec les scribes et les docteurs de la loi, Jésus pose sur ses disciples son joug dans lequel la Loi trouve son accomplissement. Il veut leur enseigner qu’ils découvriront la volonté de Dieu à travers sa personne : à travers Jésus, et non pas à travers des lois et des prescriptions froides que Jésus lui-même condamne. Il suffit de lire le chapitre 23 de Matthieu ! Il est au centre de leur relation avec Dieu, il est au cœur des relations entre les disciples et il se pose comme le point d’appui de la vie de chacun. En recevant le « joug de Jésus », chaque disciple entre ainsi en communion avec lui et est rendu participant du mystère de sa croix et de son destin de salut.

Suite à cela, le troisième impératif : « Devenez mes disciples ». Jésus présente à ses disciples un chemin de connaissance et d’imitation. Jésus n’est pas un maître qui impose sévèrement à d’autres des poids qu’il ne porte pas ; c’était l’accusation qu’il adressait aux docteurs de la loi. Il s’adresse aux humbles, aux petits, aux pauvres, aux plus démunis parce que lui-même s’est fait petit et humble. Il comprend les pauvres et ceux qui souffrent parce que lui-même est pauvre et éprouvé par des douleurs. Pour sauver l’humanité, Jésus n’a pas parcouru une route facile ; au contraire, son chemin a été douloureux et difficile. Comme le rappelle la lettre aux Philippiens : « il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (2,8).

Le joug que les pauvres et les opprimés portent est le même que celui qu’il a porté avant eux : c’est pourquoi c’est un joug léger. Il a chargé sur ses épaules les douleurs et les péchés de toute l’humanité. Pour le disciple, donc, recevoir le joug de Jésus signifie recevoir sa révélation et l’accueillir : en lui la miséricorde de Dieu a pris sur elle les pauvretés des hommes, donnant ainsi à tous la possibilité du salut. Mais pourquoi Jésus est-il capable de dire ces choses ? Parce qu’il s’est fait tout à tous, proche de tous, des plus pauvres ! Il était un pasteur au milieu des gens, parmi les pauvres : il travaillait tout le jour avec eux. Jésus n’était pas un prince. C’est mauvais pour l’Église quand ses pasteurs deviennent des princes, loin des gens, loin des plus pauvres : ce n’est pas l’esprit de Jésus. Jésus faisait des reproches à ces pasteurs et il disait d’eux aux gens : « faites ce qu’ils disent, mais pas ce qu’ils font ».

Chers frères et sœurs, pour nous aussi il y a des moments de fatigue et de déception. Rappelons-nous alors ces paroles du Seigneur qui nous donnent tant de consolation et qui nous font comprendre si nous mettons nos forces au service du bien. En effet, parfois notre fatigue vient de ce que nous avons mis notre confiance dans des choses qui ne sont pas essentielles, parce que nous nous sommes éloignés de ce qui a réellement de la valeur dans la vie. Le Seigneur nous enseigne à ne pas avoir peur de le suivre, parce que la confiance que nous mettons en lui ne sera pas déçue. Nous sommes donc appelés à apprendre de lui ce que signifie vivre de miséricorde pour être des instruments de miséricorde. Vivre de miséricorde pour être des instruments de miséricorde : vivre de miséricorde, c’est sentir que l’on a besoin de la miséricorde de Jésus et quand nous sentons que nous avons besoin de pardon, de consolation, nous apprenons à être miséricordieux avec les autres. Garder le regard fixé sur le Fils de Dieu nous fait comprendre tout le chemin qu’il nous reste à faire ; mais en même temps, cela répand en nous la joie de savoir que nous marchons avec lui et que nous ne sommes jamais seuls. Courage, donc, courage ! Ne nous laissons pas enlever la joie d’être disciples du Seigneur. « Mais, Père, je suis pécheur, que puis-je faire ? – Laisse-toi regarder par le Seigneur, ouvre ton cœur, sens sur toi son regard, sa miséricorde et ton cœur sera rempli de joie, de la joie du pardon, si tu t’approches pour demander le pardon ». Ne nous laissons pas voler l’espérance de vivre cette vie avec lui et avec la force de sa consolation. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2016

Tuer au nom de Dieu, c’est satanique

Homélie du Pape François pour la messe en mémoire du Père Jacques HAMEL

Le jour de fête de la Croix glorieuse, le 14 septembre 2016, comme chaque matin, le pape François a célébré l’eucharistie en la chapelle Sainte-Marthe. 80 pèlerins du diocèse de Rouen, accompagnés de leur archevêque, Mgr Dominique Lebrun, ont participé à cette célébration à la mémoire du père Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet dernier, alors qu’il disait la messe. Dans son homélie, le pape a rappelé que la croix est le mystère du Christ, mystère auquel des martyrs chrétiens, toujours plus nombreux, communient par le don de leur vie. Le P. Hamel en fait partie, a-t-il ajouté, lui qui a été assassiné sur la croix, comme un criminel. « Une chose me fait beaucoup réfléchir » dans le martyre du P. Hamel, a également souligné le pape François : « au cœur de ce moment terrible, de cette tragédie, il n’a pas perdu la lucidité pour dire le nom de l’assassin, “Va t’en Satan !” ». Ainsi, a-t-il conclu, « il a accusé l’auteur de la persécution ».

Dans la Croix de Jésus-Christ – aujourd’hui, l’Église célèbre la fête de la Croix de Jésus-Christ – nous comprenons pleinement le mystère du Christ, ce mystère d’annihilation, de proximité pour nous. « Lui, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Lettre de Saint Paul aux Philippiens, chapitre 2, versets 6 à 8)

Ceci est le mystère du Christ. Ceci est un mystère qui se fait martyr pour le salut des hommes. Jésus-Christ, le premier Martyr, le premier qui donne la vie pour nous. Et à partir de ce mystère du Christ commence toute l’histoire du martyre chrétien, des premiers siècles jusqu’à aujourd’hui.

Les premiers chrétiens ont fait la confession de Jésus-Christ, en le payant avec leur vie. Aux premiers chrétiens était proposée l’apostasie, c’est-à-dire : « Dites que notre dieu est le vrai, et non pas le vôtre. Faites un sacrifice à notre dieu, ou à nos dieux. » Et quand ils ne faisaient pas cela, quand ils refusaient l’apostasie, ils étaient tués. Cette histoire se répète jusqu’à aujourd’hui ; et aujourd’hui dans l’Église il y a plus de martyrs chrétiens qu’aux premiers temps. Aujourd’hui, il y a des chrétiens assassinés, torturés, emprisonnés, égorgés parce qu’ils ne renient pas Jésus-Christ. Dans cette histoire, nous arrivons à notre père Jacques : lui, il faut partie de cette chaîne des martyrs. Les chrétiens qui souffrent aujourd’hui, que ce soit en prison, que ce soit avec la mort ou les tortures, pour ne pas renier Jésus-Christ, font voir justement la cruauté de cette persécution. Et cette cruauté qui demande l’apostasie, disons le mot : elle est satanique. Et comme il serait bien que toutes les confessions religieuses disent : « Tuer au nom de Dieu est satanique ».

Le père Jacques Hamel a été égorgé sur la Croix, justement pendant qu’il célébrait le sacrifice de la Croix du Christ. Un homme bon, doux, de fraternité, qui cherchait toujours à faire la paix, a été assassiné comme s’il était un criminel. Ceci est le fil satanique de la persécution. Mais il y a une chose, en cet homme qui a accepté son martyre là, avec le martyre du Christ, à l’autel, il y a une chose qui me fait beaucoup réfléchir : au milieu du moment difficile qu’il vivait, au milieu aussi de cette tragédie que lui, il voyait venir, un homme doux, un homme bon, un homme qui faisait de la fraternité, n’a pas perdu la lucidité d’accuser et de dire clairement le nom de l’assassin, et il a dit clairement : « Va-t’en, Satan ! » Il a donné la vie pour nous, il a donné la vie pour ne pas renier Jésus. Il a donné la vie dans le sacrifice même de Jésus sur l’autel, et de là, il a accusé l’auteur de la persécution : « Va-t’en, Satan ! »

Et que cet exemple de courage, mais aussi le martyre de la propre vie, de se vider de soi-même pour aider les autres, de faire de la fraternité entre les hommes, nous aide nous tous à aller de l’avant sans peur. Que lui, du Ciel, - parce que nous devons le prier, c’est un martyr ! Et les martyrs sont bienheureux, nous devons le prier – nous donne la douceur, la fraternité, la paix, et aussi le courage de dire la vérité : tuer au nom de Dieu est satanique.

© Radio Vatican - 2016

Votre présence est la main tendue du Christ qui rejoint chacun

Catéchèse du Pape François pour le Jubilé des volontaires et des Bénévole

Le jubilé des volontaires et bénévoles a rassemblé une importante assemblée le 3 septembre 2016 pour la catéchèse du pape François sur la miséricorde, place Saint-Pierre. Après avoir écouté deux témoignages, puis l’hymne à la charité de l’épître de saint Paul, (1Co 13,1-13), le pape a développé sa catéchèse. Affirmant que l’amour de Dieu « est un amour qui demeure toujours jeune, actif, dynamique et qui attire à lui de manière incomparable, (…) un amour fécond qui donne la vie et qui va au-delà de notre paresse », il a invité les auditeurs à poser leur regard sur Jésus : « La forme la plus grande et expressive de cet amour, c’est Jésus. » Toute la vie de Jésus est la manifestation concrète de l’amour de Dieu qui a donné son Fils pour sauver chacun du péché par sa mort sur le calvaire d’où jaillit la source de l’amour qui « est donc la plus grande expression de toute la vie et nous permet d’exister ! ». Le pape a ensuite précisé combien la miséricorde s’incarne dans des gestes concrets : « La miséricorde ne consiste pas à faire le bien “au passage”, c’est s’impliquer là où il y a le mal, où il y a la maladie, où il y a la faim, où il y a tant d’exploitations humaines ». Il s’est adressé ensuite aux volontaires réunis pour le Jubilé de la miséricorde : « Vous êtes des artisans de miséricorde : avec vos mains, avec vos yeux, avec votre écoute, avec votre proximité, avec vos caresses… artisans ! » et les a encouragés à dialoguer « avec le cœur miséricordieux de Jésus », y déposant les situations et personnes rencontrées.

Nous avons entendu l’hymne à l’amour que l’Apôtre Paul a écrit pour la communauté de Corinthe, et qui est l’une des pages les plus belles et les plus exigeantes pour le témoignage de notre foi (cf. 1Co 13, 1-13). Que de fois saint Paul a parlé de l’amour et de la foi dans ses écrits ! Pourtant dans ce texte-ci quelque chose d’extraordinairement grand et original nous est offert. Il affirme que, à la différence de la foi et de l’espérance, l’amour « ne passera jamais » (v.8). Il est pour toujours. Cet enseignement doit être pour nous d’une certitude indestructible ; l’amour de Dieu ne fera jamais défaut dans notre vie ni dans l’histoire du monde. C’est un amour qui demeure toujours jeune, actif, dynamique et qui attire à lui de manière incomparable. C’est un amour fidèle qui ne trahit pas, malgré nos contradictions. C’est un amour fécond qui donne la vie et qui va au-delà de notre paresse. De cet amour nous sommes tous témoins. L’amour de Dieu, en effet, vient à notre rencontre ; il est comme un fleuve en crue qui nous emporte, mais sans nous détruire ; bien au contraire, il est une condition de vie : « S’il me manque l’amour, je ne suis rien » – dit saint Paul (v.2). Plus nous nous laissons prendre par cet amour, plus notre vie est régénérée. Nous devrions dire vraiment de toutes nos forces : je suis aimé, donc j’existe !

L’amour dont parle l’Apôtre n’est pas une chose abstraite ou vague ; au contraire, c’est un amour qui se voit, se touche et s’expérimente personnellement. La forme la plus grande et expressive de cet amour, c’est Jésus. Toute sa personne et toute sa vie ne sont autre que la manifestation concrète de l’amour du Père, jusqu’à parvenir au moment le plus important : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 8). C’est cela l’amour ! Ce ne sont pas des paroles, c’est l’amour. Du calvaire, où la souffrance du Fils de Dieu atteint son sommet, jaillit la source de l’amour qui efface tout péché et qui recrée tout pour une vie nouvelle. Portons toujours avec nous, de manière indélébile, cette certitude de foi : « Le Christ m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2, 20). Voilà la grande certitude : le Christ m’a aimé, et il s’est livré lui-même pour moi, pour toi, pour toi, pour toi, pour tous, pour chacun de nous ! Rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu (cf. Rm 8, 35-39). L’amour est donc la plus grande expression de toute la vie et nous permet d’exister !

Face à ce contenu si essentiel de la foi, l’Église ne pourra jamais se permettre d’agir comme l’ont fait le prêtre et le lévite vis-à-vis de l’homme laissé à terre à moitié mort. (cf. Lc 10, 25-36). On ne peut pas détourner le regard et se tourner de l’autre côté pour ne pas voir les formes de pauvreté si nombreuses qui demandent miséricorde. Et se tourner de l’autre côté pour ne pas voir la faim, les maladies, les personnes exploitées…, c’est un péché grave ! C’est aussi un péché moderne, un péché d’aujourd’hui ! Nous, chrétiens, nous ne pouvons pas nous permettre cela. Il ne serait pas digne de l’Église ni d’un chrétien de « passer outre » et de supporter d’avoir la conscience tranquille simplement parce que nous avons prié ou parce que nous sommes allés à la messe dimanche. Non. Le Calvaire est toujours actuel ; il n’est pas du tout disparu et ni réduit à une belle peinture dans nos églises. Ce sommet de compassion d’où jaillit l’amour de Dieu vis-à-vis de la misère humaine parle encore à notre temps et pousse à donner toujours de nouveaux signes de miséricorde. Je ne me fatiguerai jamais de dire que la miséricorde de Dieu n’est pas une belle idée mais une action concrète. Il n’y a pas de miséricorde sans concret. La miséricorde ne consiste pas à faire le bien « au passage », c’est s’impliquer là où il y a le mal, où il y a la maladie, où il y a la faim, où il y a tant d’exploitations humaines. Et de même la miséricorde humaine n’est miséricorde et n’est humaine tant qu’elle n’est pas devenue concrète dans l’agir quotidien. L’avertissement de l’Apôtre Jean demeure toujours valable : « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » (1Jn 3, 18). La vérité de la miséricorde, en effet, se trouve dans nos gestes quotidiens qui rendent visibles l’agir de Dieu au milieu de nous.

Frères et sœurs, vous représentez ici le monde grand et varié des volontaires. Vous comptez parmi les réalités les plus précieuses de l’Église, vous qui chaque jour, souvent dans le silence et en secret, donnez forme et visibilité à la miséricorde. Vous êtes des artisans de miséricorde : avec vos mains, avec vos yeux, avec votre écoute, avec votre proximité, avec vos caresses… artisans ! Vous exprimez l’un des désirs les plus beaux du cœur de l’homme, celui de faire sentir à une personne qui souffre qu’elle est aimée. Dans les diverses situations de besoin et de nécessité de beaucoup de personnes, votre présence est la main tendue du Christ qui rejoint chacun. Vous êtes la main tendue du Christ : avez-vous pensé à cela ? La crédibilité de l’Église passe de manière convaincante aussi à travers votre service envers les enfants abandonnés, les malades, les pauvres sans nourriture ni travail, les personnes âgées, les sans toit, les prisonniers, les réfugiés et les émigrés, tous ceux qui sont touchés par les catastrophes naturelles… Bref, partout où il y a une demande d’aide, arrive votre témoignage actif et désintéressé. Vous rendez visible la loi du Christ, celle qui consiste à porter les fardeaux les uns des autres (cf. Ga 6, 2 ; Jn 13, 34). Chers frères et sœurs, vous touchez la chair du Christ avec vos mains : n’oubliez pas cela. Vous touchez la chair du Christ avec vos mains. Soyez toujours prêts dans la solidarité, forts dans la proximité, actifs pour susciter la joie et convaincants dans la consolation. Le monde a besoin de signes concrets de solidarité, surtout face à la tentation de l’indifférence, et il demande des personnes capables de contrer par leur vie l’individualisme, le fait de penser seulement à soi et de se désintéresser des frères dans le besoin. Soyez toujours contents et remplis de joie dans votre service ; mais n’en faites jamais un motif de présomption qui porterait à vous sentir meilleurs que les autres. En revanche, que votre œuvre de miséricorde soit l’humble et éloquent prolongement de Jésus-Christ qui continue à se pencher et à prendre soin de celui qui souffre. L’amour, en effet, « édifie » (1Co 8, 1) et permet jour après jour à nos communautés d’être signe de la communion fraternelle.

Et parler de cela au Seigneur. Appelez-le. Faites comme a fait Sœur Preyma, comme nous a raconté la sœur : elle a frappé à la porte du tabernacle. Très courageuse ! Le Seigneur nous écoute : appelez-le ! Seigneur, vois cela… Vois tant de pauvreté, tant d’indifférence, tant de personnes qui regardent de l’autre côté : « ça ne me touche pas, ça ne me fait rien ». Parlez-en avec le Seigneur : « Seigneur, pourquoi ? Seigneur, pourquoi ? Pourquoi suis-je si faible et m’as-tu appelé à rendre ce service ? Aide-moi et donne-moi la force, et donne-moi l’humilité ». Le cœur de la miséricorde c’est ce dialogue avec le cœur miséricordieux de Jésus.

Demain, nous aurons la joie de voir Mère Teresa proclamée sainte. Elle le mérite ! Ce témoignage de miséricorde de notre époque s’ajoute à l’innombrable foule des hommes et des femmes qui ont rendu visible par leur sainteté l’amour du Christ. Imitons, nous aussi, leur exemple, et demandons d’être d’humbles instruments dans les mains de Dieu, pour alléger la souffrance du monde et donner la joie et l’espérance de la résurrection. Merci.

Et avant de vous donner la bénédiction, je vous invite tous à prier en silence pour tant, tant de personnes qui souffrent, pour tant de souffrance, pour tant de personnes qui vivent rejetées par la société. Prier aussi pour tant de volontaires comme vous, qui vont trouver la chair du Christ pour la toucher, la soigner, la sentir proche. Et prier aussi pour tant, tant de personnes qui face à tant de misère regardent de l’autre côté et entendent dans leur cœur une voix qui leur dit : « Ça ne me touche pas, ça ne me fait rien ». Prions en silence.

© Libreria Editrice Vaticana - 2016

Commentaire des lectures du dimanche

« Rends compte de ta gestion »

Aujourd’hui, le Christ nous demande de changer notre attitude vis-à-vis la richesse, les talents et le temps qui nous est donné. De tout cela, nous aurons à rendre des comptes.

Dans la mentalité capitaliste que nous connaissons, nous croyons que la vie, l’argent, les talents que nous avons nous appartiennent et que nous pouvons en faire ce que nous voulons.

L’évangile d’aujourd’hui nous dit autre chose : nous ne sommes pas vraiment les propriétaires, mais seulement les « gérants » de ce que nous possédons. Je dois gérer les biens, les qualités, les talents, les richesses spirituelles, intellectuelles et morales qui m’ont été donnés. Je n’ai pas le droit de « gaspiller » les dons que Dieu m’a confié. Je devrai en rendre compte.

L’une des meilleures façons de préparer cette évaluation, cette reddition de comptes, c’est de nous faire des amis qui viendront nous appuyer lors de cette rencontre importante. Voilà la raison de la formule au cœur de la parabole, « Faites-vous des amis avec l’argent trompeur ». Jésus nous livre ici la leçon essentielle : le bon emploi des richesses, c’est de développer l’amitié, de mettre de l'amour dans les relations. Voilà une conception vraiment révolutionnaire sur l’argent et les talents : en faire un instrument de partage et créer ainsi des amitiés solides !

« Quand j’étais dans la misère, vous m’avez aidé »… « Vous êtes venus me visiter à l’hôpital… », « Vous m’avez encouragé et vous m’avez appuyé alors que j’étais en dépression. »… « Vous avez retardé mes paiements de logis quand j’ai perdu mon emploi »… « Vous m’avez apporté des repas déjà préparés lorsque j’étais incapable de cuisiner seul. »… « Vous avez renoncé à votre journée de ski pour venir faire les achats avec moi »… « Seigneur, cette personne est mon amie. Elle a partagé avec moi son temps, ses talents, son argent quand j’étais dans le besoin. »

L’évangile nous dit que les pharisiens étaient « des amis de l’argent ». Les vrais disciples de Jésus sont les « amis de ceux qui sont dans le besoin ». « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères et sœurs... c’est à moi que vous l’avez fait. »

L’argent est nécessaire, mais il est « trompeur », dit Jésus. Cet adjectif « trompeur », revient cinq fois dans notre page d’évangile. Jésus joue sur les mots : il a parlé du « gérant trompeur », il parle maintenant de « l’argent trompeur ». C’est un piège qui souvent procure une fausse sécurité. Il ne faut pas s’y fier. On en vient à croire qu’avec un gros compte en banque, rien ne peut nous arriver !

Et le Christ ajoute : « Si vous, les fils et filles de la lumière pouviez mettre autant d’énergie à bien vivre votre christianisme que les fils et les filles de ce monde en mettent pour s’enrichir, tout irait mieux dans notre monde… Il y aurait plus de paix, de pardon, de partage, de joie, d’amitié… Il y aurait moins de personnes seules, de gens qui sont dans la misère, de personnes découragées de la vie… »

Le Christ nous lance une invitation discrète aujourd’hui : soyez diligents et mettez autant d’énergie dans la pratique du partage que d’autres en mettent dans la poursuite de l’argent et du pouvoir.

Cette parabole contient un message pour chacun et chacune de nous, une invitation à faire « une utilisation chrétienne » de la richesse, du temps, des talents et de la vie.

© Cursillo