Pko 17.04.2016

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°23/2016

Dimanche 17 avril 2016 –4ème Dimanche de Pâques – Année C

Écho des Humeurs…

Chasse au SDF : le torchon brûle entre Père Christophe et le Tavana

Le curé de la Cathédrale dénonce à nouveau les méthodes des mutoi contre les sans-abri. Le tavana de Papeete dément ces accusations.

« Papeete, deviendrait-elle la ville des Tontons Macoutes ? Légitimement, on est en droit de se poser la question lorsque l'on reçoit les témoignages des personnes à la rue qui se font agresser en plein sommeil, au milieu de la nuit, par les patrouilles de la police municipale ». Père Christophe commençait fort son billet d'humeur de la semaine dernière dans le PKO, le bulletin d'information de l'actualité de la communauté paroissiale de Papeete. Les Tontons Macoutes étaient le surnom donné aux violentes milices haïtiennes chargées de la sécurité du dictateur François Duvalier, puis de son successeur et fils Jean-Claude Duvalier. « Je ne pensais pas avoir des affinités avec Jean-Claude Duvalier, rétorque Michel Buillard, le maire de Papeete. Père Christophe ne nous avait pas habitués à une telle liberté de ton. Faire voyager son imagination jusqu'à Haïti... Ça fait longtemps qu'il donne des leçons de morale aux uns et aux autres et plus particulièrement aux employés de la mairie. Chaque fois, il pointe le manque de réactivité des services de la mairie, par rapport au changement d'une ampoule. Il y a du Aristide (Jean-Bertrand Aristide est un homme politique et prêtre défroqué haïtien. Il a été à plusieurs reprises président de la république d'Haïti, ndlr) dans Père Christophe car tous les deux aiment les feux de la rampe et les actions d'éclat. C'est le sauveur des âmes ici en Polynésie. »

Le tavana l'assure : « Ce n'est pas une chasse à l'homme. Je n'ai pas donné d'instruction dans ce sens. Pour avoir dérangé un couple dans son sommeil, ça vaut aux mutoi des accusations qui sont trop fortes, ce sont des écarts de langage. Ce ne sont pas des criminels. Les Tontons Macoute ont tué des gens. Nos mutoi ne méritent pas ce type de traitement. Ce n'est pas parce qu'ils représentent l'ordre qu'on doit les mépriser ». Un réveil brutal de personne sans domicile fixe ? » Une fois, assure le tavana de Papeete qui demande de ne pas faire de généralité avec un (et un seul, répète-t-il) excès de zèle.

Père Christophe et Michel Buillard ne semblent pas en très bons termes en ce moment. Le prêtre semble fatigué de recueillir des témoignages où les SDF se plaignent d'être battus, réveillés en pleine nuit parfois aux haut-parleurs, toujours pressés à partir.

« Ils allument les phares de leur voiture et nous disent de nous lever, qu'on n'a pas le droit de venir là. Si on n'écoute pas, ils nous donnent un coup de matraque. Ils nous disent qu'on fait les durs mais on est juste en train de dormir. Ils disent que c'est le tavana qui ne veut plus nous voir ici », raconte une jeune femme qui vit dans la rue. Un arrêté municipal, pris en août 2014, réglemente les attroupements et comportements à l'origine de troubles à l'ordre public. Ainsi, de 5 heures à 22 heures, dans le périmètre du centre-ville défini dans l'arrêté, tout comportement ou activité de personnes, en mouvement, en position assise ou couchée, seules ou en groupe, avec ou sans animaux, ainsi que tout dépôt d'effets personnels, sont interdits. Mais de 22 heures à 5 heures du matin, les personnes dans la rue ont le droit de s'installer où elles le souhaitent tant qu'elles ne menacent pas l'ordre public. Et pourtant, elles se font virer. « Ils nous chassent comme des animaux. Mais quand ce sera les élections, ils viendront nous chercher, ricane une autre SDF. C'est énervant parce qu'on ne fait rien de mal. Ils nous grondent et nous disent d'aller chercher du travail. Mais on fait de notre mieux ». « Ce sont les mutoi. Ils veulent qu'on les respecte mais il faut qu'ils nous respectent aussi » insiste une SDF.

Ceux-ci admettent qu'ils doivent les déplacer, mais ils assurent aussi les respecter. « On a pour consigne de les inviter à ne pas rester sur place. À aucun moment on utilise des gestes brusques. Ce sont des êtres humains, des Polynésiens. On leur dit qu'il y a des centres d'accueil et qu'il faut y aller. S'ils sont des îles, qu'ils rentrent. Leur place n'est pas dans la rue » explique Roger Lamy, directeur de la police. « Jamais on n'a frappé un seul SDF, jamais » soutient fermement Michel Buillard. Interdit de rester à un endroit, assis, couché, seul ou en groupe...

Que faire alors ? « Ils sont une préoccupation permanente, affirme Rémy Brillant, directeur des services de Papeete. L'idée n'est pas de faire de Papeete une ville sans SDF. À partir du moment où ils s'intègrent, où ils circulent. Il faut éviter qu'ils se sédentarisent et essayer de les pousser à rentrer chez eux. » Mais quel chez eux ? Le tavana et son employé répètent que pour certains, la rue est un choix. « Qu'ils retournent dans leur commune, retrouver leur famille. Certains font le choix de rester là et ils l'imposent aux autres. » L'alternative n'est malheureusement pas aussi simple pour beaucoup. Et le choix entre quoi et quoi ? Dans les interviews menées par Nathalie Salmon (auteure de Je suis née morte, éditions Au Vent des Îles) pour le P.K.O et sa rubrique «  La parole aux sans-paroles », presque tous se voient dans quelques années, avec une maison, une famille

Les SDF à Papeete, ça a toujours existé, rappelle le tavana. Il se souvient d'un squat à Tipaerui, d'un autre à côté de la piscine: « J'ai trouve des logements pour ces familles. » « Ce n'est pas à moi qu'on peut faire la morale pour dire qu'on n'a pas de compassion pour ces gens-là. Ça existe. On n'a jamais nié un tel phénomene. On n'a jamais méprisé les SDF. Je suis un Polynésien et j'ai de la compassion pour ces gens-là. Toute ma vie publique, je n'ai fait que ça : du social. Je ne suis pas installé dans une vision simpliste des choses, de la vie, une vision manichéenne, le bien, le mal. Nous aussi nous partageons les mêmes valeurs chrétiennes que Père Christophe ». Michel Buillard reconnaît que cette situation est compliquée, entre les commerçants qui se plaignent des personnes restées sur leur pas de porte, les habitants qui disent avoir peur ou en avoir marre du bruit, et ces gens, sans rien, qu'on ne veut pas voir. « Le combat du Père Christophe est admirable, mais il faut aussi qu'il comprenne nos priorités et nos préoccupations. Je suis le maire de tout le monde ».

Ce n'est pas le sentiment qu'ont les personnes vivant dans la rue.

Lucie Rabréaud

(Avec l’aimable l’autorisation de Tahiti Pacifique Hebdo)

©Tahiti-Pacifique Hebdo n°321 du 8 avril 2016

La parole aux sans paroles – 31

Portrait d’homme : Jason

La rue n’est pas le meilleur endroit pour se lancer dans la vie. Pourtant c’est la voie de Jason. Arrivé dans la rue à 18 ans, il arpente les trottoirs de Papeete depuis déjà 6 mois.

D’où viens-tu ?

« J’ai grandi à Faaa, avec mes parents ! »

Ton école ?

« Je suis allé jusqu’en Terminale, j’étais au lycée de Faaa hoa. Mais la branche où j’étais, ce n’est pas moi qui l’ai choisie, on m’a mis seulement là. J’étais en TCI, Technicien Chaudronnerie Industriel. »

Ça te plaisait ?

« Non. Après j’ai changé de lycée, je suis parti au lycée polyvalent de Taravao. J’ai fait un CAP métallerie là-bas. Après j’ai arrêté. »

Comment es-tu devenu SDF ?

« Je suis venu dans la rue en septembre de l’année dernière. Mais j’étais déjà venu dans la rue quand j’étais mineur. Je suis resté 8 mois dans la rue, presque 9 mois. »

Raconte.

« A ce moment-là, j’ai quitté l’école, mais j’y suis retourné après. Et quand je suis venu dans la rue, j’ai fait comme les autres SDF. Ce qu’ils faisaient, je faisais aussi. C’est là que j’ai connu Te Vaiete et Père Christophe. C’est là aussi que j’ai eu plein d’amis dans la rue. Et là, quand je suis revenu en septembre, ils m’ont beaucoup aidé. »

Pourquoi es-tu revenu dans la rue ?

« Parce que j’étais fiu, ce n’était pas aussi ça à la maison. »

Et tes parents ?

« Ma maman est décédée en 2010, ça fait 6 ans. Elle avait tout ce qu’on pouvait rêver d’une maman. Mon papa est hoa ia chez nous. Lui et mes frères et sœurs me disent de rentrer mais je ne veux pas. »

Pourquoi ?

« Je n’ai pas envie ! Pas pour le moment ! C’est personnel ! »

Le plus dur dans la rue ?

« Trouver à manger, trouver où dormir parce qu’on nous chasse de notre endroit. Il y a pleins de trucs qui sont durs dans la rue. »

Et comment tu t’en sors ?

« Je viens hoa manger ici, à Te Vaiete. Et des fois, je vais faire la charité pour pouvoir acheter des trucs. »

Qu’est-ce qui pourrait te faire sortir de la rue ?

« Un travail. Je viens de m’inscrire au SEFI. Maintenant j’attends qu’ils appellent, je prendrai n’importe quel travail. »

Ton plus beau souvenir de la rue ?

« Me faire des amis. Les amis d’école, les amis du quartier, ce n’est pas pareil. Eux, ils ont tout ce qu’ils veulent. Mais, mes amis dans la rue, ils partent de rien. »

Comment tu vois ta vie dans 10 ans ?

« Je vais essayer de m’en sortir. Mais il faut d’abord que je trouve un travail. Je crois que dans 10 ans je ne serais plus dans la rue. Et même, bien avant 10 ans, je serai rentré chez moi. »

Un dernier message ?

« Oui, de ne pas baisser les bras et d’avancer. Moi, je ne vais pas baisser les bras, même si être dans la rue c’est une situation difficile ! »

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016

Nous avons tous besoin de la parole consolatrice de Jésus

Audience générale du mercredi 13 avril 2016 - pape François

Lors de l’audience générale de ce mercredi, le Pape François a poursuivi son exploration du thème de la miséricorde dans les enseignements de Jésus. Il s’est appuyé sur une parole du Christ relatée dans le chapitre 9 de l’Évangile de Matthieu, et inspirée du prophète Osée : « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons écouté l’Évangile de l’appel de Matthieu. Matthieu était un « publicain », c’est-à-dire un exacteur d’impôts pour le compte de l’Empire romain et il était considéré pour cette raison comme un pécheur public. Mais Jésus l’appelle à le suivre et à devenir son disciple. Matthieu accepte et l’invite à dîner chez lui, avec ses disciples.

Alors, surgit une discussion entre les pharisiens et les disciples de Jésus parce que celui-ci partage son repas avec les publicains et les pécheurs. « Mais tu ne peux pas aller chez ces gens ! », disaient-ils. En effet, Jésus ne les éloigne pas, au contraire il fréquente leurs maisons et s’assied à côté d’eux ; cela signifie qu’eux aussi peuvent devenir ses disciples. Et il est vrai aussi qu’être chrétiens ne nous rend pas impeccables. Comme le publicain Matthieu, chacun de nous se confie à la grâce du Seigneur malgré ses péchés. Nous sommes tous pécheurs, nous avons tous des péchés. En appelant Matthieu, Jésus montre aux pécheurs qu’il ne regarde pas leur passé, leur condition sociale, les conventions extérieures, mais qu’il leur ouvre au contraire un avenir nouveau.

J’ai entendu une fois ce beau dicton : « Il n’y a pas de saint sans passé et il n’y a pas de pécheur sans avenir. » C’est cela que fait Jésus. Il n’y a pas de saint sans passé ni de pécheur sans avenir. Il suffit de répondre à l’invitation avec un cœur humble et sincère. L’Église n’est pas une communauté de parfaits mais de disciples en chemin, qui suivent le Seigneur parce qu’ils reconnaissent qu’ils sont pécheurs et qu’ils ont besoin de son pardon. La vie chrétienne est donc une école d’humilité qui nous ouvre à la grâce.

Un tel comportement n’est pas compris de ceux qui ont la présomption de se croire « justes » et de se croire meilleurs que les autres. La suffisance et l’orgueil ne permettent pas de reconnaître que l’on a besoin du salut et elles empêchent même de voir le visage miséricordieux de Dieu et d’agir avec miséricorde. Elles sont un mur. La suffisance et l’orgueil sont un mur qui empêche la relation avec Dieu. Et pourtant, la mission de Jésus est précisément celle-ci : venir à la recherche de chacun de nous pour guérir nos blessures et nous appeler à le suivre par amour. Il le dit clairement : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades » (v. 12).

Jésus se présente comme un bon médecin ! Il annonce le Royaume de Dieu et les signes de sa venue sont évidents : il guérit des maladies, il libère de la peur, de la mort et du démon. Devant Jésus, aucun pécheur n’est exclu – aucun pécheur n’est exclu ! – parce que le pouvoir guérissant de Dieu ne connaît pas d’infirmités qui ne puissent être soignées ; et ceci doit nous donner confiance et ouvrir notre cœur au Seigneur pour qu’il vienne et nous guérisse. En appelant les pécheurs à sa table, il les guérit en les rétablissant dans cette vocation qu’ils croyaient perdue et que les pharisiens ont oubliée : être invités au banquet de Dieu.

D’après la prophétie d’Isaïe : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé. Et ce jour-là, on dira : ‘Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés !’ » (25,6-9).

Si les pharisiens ne voient dans les invités que des pécheurs et refusent de s’asseoir avec eux, Jésus au contraire leur rappelle qu’ils sont eux aussi des convives de Dieu. Ainsi, s’asseoir à table avec Jésus signifie être transformé et sauvé par lui. Dans la communauté chrétienne, la table de Jésus est double : il y a la table de la Parole et il y a la table de l’Eucharistie (cf. Dei Verbum, 21). Ce sont elles, les médicaments avec lesquels le Médecin divin nous guérit et nous nourrit. Avec la première – la Parole – il se révèle et nous invite à un dialogue entre amis. Jésus n’avait pas peur de dialoguer avec les pécheurs, les publicains, les prostituées… Non, il n’avait pas peur ; il aimait tout le monde !

Sa Parole pénètre en nous et, comme un bistouri, elle opère en profondeur pour nous libérer du mal qui se niche dans notre vie. Parfois, cette Parole est douloureuse parce qu’elle affecte les hypocrisies, elle démasque les fausses excuses, elle met à nu les vérités cachées ; mais en même temps elle éclaire et purifie, elle donne force et espérance, elle est un reconstituant précieux sur notre chemin de foi.

L’Eucharistie, pour sa part, nous nourrit de la vie même de Jésus et, comme un remède très puissant, de manière mystérieuse, elle renouvelle continuellement la grâce de notre baptême. En nous approchant de l’Eucharistie, nous nous nourrissons du corps et du sang de Jésus et c’est même Jésus qui, venant en nous, nous unit à son corps !

En concluant ce dialogue avec les pharisiens, Jésus leur rappelle une parole du prophète Osée (6,6) : « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice » (Mt 9,13). S’adressant au peuple d’Israël, le prophète lui fait des reproches parce que les prières qu’il élevait étaient des paroles vides et incohérentes. Malgré l’alliance de Dieu et sa miséricorde, le peuple vivait souvent avec une religiosité « de façade », sans vivre en profondeur le commandement du Seigneur.

Voilà pourquoi le prophète insiste : « Je veux la miséricorde », c’est-à-dire la loyauté d’un cœur qui reconnaît ses péchés, qui se reprend et redevient fidèle à l’alliance avec Dieu. « Non le sacrifice » : sans un cœur repenti, toute action religieuse est inefficace ! Jésus applique aussi cette phrase prophétique aux relations humaines : ces pharisiens étaient très religieux dans la forme, mais ils n’étaient pas disposés à partager leur table avec les publicains et les pécheurs ; ils ne reconnaissaient pas la possibilité du repentir et donc de la guérison ; ils ne mettaient pas la miséricorde à la première place : bien qu’étant de fidèles gardiens de la Loi, ils montraient qu’ils ne connaissaient pas le cœur de Dieu ! C’est comme si on t’offrait un paquet avec un cadeau à l’intérieur et qu’au lieu d’aller chercher le cadeau, tu regardais seulement le papier dans lequel il est emballé : uniquement les apparences, la forme et non le noyau de la grâce, du cadeau qui est fait !

Chers frères et sœurs, nous sommes tous invités à la table du Seigneur. Faisons nôtre son invitation à nous asseoir à côté de lui avec ses disciples. Apprenons à regarder avec miséricorde et à reconnaître en chacun un convive. Nous sommes tous des disciples qui avons besoin de faire l’expérience de la parole consolatrice de Jésus et d’en vivre. Nous avons tous besoin de nous nourrir de la miséricorde de Dieu, parce que c’est de cette source que jaillit notre salut. Merci !

© Libreria Editrice Vaticana - 2016

L’Église, Mère des vocations

Message du pape François pour la 53ème Journée mondiale des Vocations 2016

Le Pape François souhaite qu’au cours du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, tous les baptisés puissent expérimenter la joie d’appartenir à l’Église. Il l’affirme dans son message pour la Journée mondiale de prière pour les vocations. Dans ce message intitulé « L’Église, mère des vocations », le Saint-Père invite les fidèles à adhérer à la communauté chrétienne. Cette incorporation communautaire, explique-t-il, comprend toute la richesse de la vie ecclésiale, particulièrement les sacrements.

Chers frères et sœurs,

Comme je voudrais, au cours du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, que tous les baptisés puissent expérimenter la joie d’appartenir à l’Église ! Puissent-ils redécouvrir que la vocation chrétienne, ainsi que les vocations particulières, naissent au sein du peuple de Dieu et sont des dons de la miséricorde divine. L’Église est la maison de la miséricorde, et constitue le « terreau » où la vocation germe, grandit et porte du fruit.

Pour cette raison, je vous invite tous, en cette 53ème Journée Mondiale de Prière pour les Vocations, à contempler la communauté apostolique, et à être reconnaissants pour le rôle que joue la communauté dans le parcours vocationnel de chacun. Dans la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, j’ai fait mémoire des paroles de saint Bède le Vénérable concernant la vocation de saint Matthieu : « Miserando atque eligendo » (« Jésus regarda Matthieu avec un amour miséricordieux, et le choisit ») (Misericordiae Vultus, n.8). L’action miséricordieuse du Seigneur pardonne nos péchés et nous ouvre à la vie nouvelle qui se concrétise dans l’appel à sa suite et à la mission. Toute vocation dans l’Église a son origine dans le regard plein de compassion de Jésus. La conversion et la vocation sont comme les deux faces d’une même médaille et elles se rappellent sans cesse à nous, dans notre vie de disciple missionnaire.

Dans son Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi, le Bienheureux Paul VI a décrit les étapes du processus d’évangélisation. L’une d’entre elles est l’adhésion à la communauté chrétienne (cf. n.23), dont on reçoit le témoignage de la foi et la proclamation explicite de la miséricorde du Seigneur. Cette incorporation communautaire comprend toute la richesse de la vie ecclésiale, particulièrement les sacrements. Et l’Église n’est pas seulement un lieu où l’on croit, mais elle est aussi objet de notre foi ; pour cela, dans le Credo, nous disons : « Je crois en l’Église… ».

L’appel de Dieu nous arrive à travers la médiation de la communauté. Dieu nous appelle à faire partie de l’Église et, après un certain temps de maturation en elle, il nous donne une vocation spécifique. Le parcours vocationnel se fait avec les frères et les sœurs que le Seigneur nous donne : c’est une con-vocation. Le dynamisme ecclésial de l’appel est un antidote à l’indifférence et à l’individualisme. Il établit cette communion dans laquelle l’indifférence a été vaincue par l’amour, parce qu’il exige que nous sortions de nous-mêmes, en mettant notre existence au service du dessein de Dieu et en faisant nôtre la situation historique de son peuple saint.

En cette journée consacrée à la prière pour les vocations, je désire exhorter tous les fidèles à prendre leurs responsabilités dans le souci et le discernement des vocations. Quand les apôtres cherchèrent quelqu’un pour remplacer Judas Iscariote, saint Pierre rassembla cent-vingt frères (cf. Ac 1,15) ; et, pour le choix des sept diacres, tout le groupe des disciples fut convoqué (cf. Ac 6,2). Saint Paul donna à Tite des critères spécifiques pour le choix des Anciens (Tt 1,5-9). Également aujourd’hui, la communauté chrétienne est toujours présente à la germination des vocations, à la formation de ceux qui sont appelés et à leur persévérance (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n.107).

La vocation naît dans l’Église. Dès le début de l’éveil d’une vocation, un « sens » adéquat de l’Église est nécessaire. Personne n’est appelé uniquement pour une région déterminée, ou pour un groupe ou un mouvement ecclésial, mais pour l’Église et pour le monde. « Un signe clair de l’authenticité d’un charisme est son ecclésialité, sa capacité de s’intégrer harmonieusement dans la vie du peuple saint de Dieu, pour le bien de tous » (ibid., n.130). En répondant à l’appel de Dieu, le jeune voit s’élargir son horizon ecclésial ; il peut découvrir les multiples charismes et réaliser ainsi un discernement plus objectif. De cette manière, la communauté devient la maison et la famille où naît la vocation. Le candidat regarde alors, dans la gratitude, cette médiation communautaire comme un élément auquel il ne peut renoncer pour son avenir. Il apprend à connaître et à aimer ses frères et sœurs qui parcourent un chemin différent du sien ; et ces liens renforcent en tous la communion.

La vocation grandit dans l’Église. Durant le processus de formation, les candidats aux diverses vocations ont besoin de connaître toujours mieux la communauté ecclésiale, en dépassant la vision limitée que nous avons tous au départ. À cette fin, il est opportun de faire des expériences apostoliques en compagnie d’autres membres de la communauté, par exemple : communiquer le message chrétien aux côtés d’un bon catéchiste ; faire l’expérience de l’évangélisation des périphéries avec une communauté religieuse ; découvrir le trésor de la contemplation en passant un temps dans un monastère ; mieux connaître la mission ad gentes (« aux nations ») au contact de missionnaires ; et, avec des prêtres diocésains, approfondir l’expérience de la pastorale en paroisse et dans le diocèse. Pour ceux qui sont déjà en formation, la communauté ecclésiale demeure toujours le milieu éducatif fondamental, objet de toute notre gratitude.

La vocation est soutenue par l’Église. Le parcours vocationnel dans l’Église ne s’arrête pas après l’engagement définitif, mais il continue dans la disponibilité au service, dans la persévérance et par la formation permanente. Celui qui a consacré sa vie au Seigneur est disposé à servir l’Église là où elle en a besoin. La mission de Paul et de Barnabé est un exemple de cette disponibilité ecclésiale. Envoyés en mission par l’Esprit Saint et par la communauté d’Antioche (cf. Ac 13,1-4), ils retournèrent dans cette même communauté et racontèrent ce que le Seigneur avait fait par eux (cf. Ac 14,27). Les missionnaires sont accompagnés et soutenus par la communauté chrétienne qui demeure une référence vitale, en tant que patrie visible offrant sécurité à ceux qui accomplissent leur pèlerinage vers la vie éternelle.

Parmi les opérateurs pastoraux, les prêtres revêtent une importance particulière. À travers leur ministère, se rend présente la parole de Jésus qui a dit : « Je suis la porte des brebis […] Je suis le bon pasteur » (Jn 10, 7.11). Le souci pastoral des vocations est une part fondamentale de leur ministère pastoral. Les prêtres accompagnent ceux qui sont à la recherche de leur vocation, comme aussi ceux qui ont déjà offert leur vie au service de Dieu et de la communauté.

Tous les fidèles sont appelés à prendre conscience du dynamisme ecclésial de la vocation, afin que les communautés croyantes puissent devenir, à l’exemple de la Vierge Marie, ce sein maternel qui accueille le don de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 35-38). La maternité de l’Église s’exprime par la prière persévérante pour les vocations et par l’action éducative et l’accompagnement de ceux qui perçoivent l’appel de Dieu. Elle se réalise aussi dans le choix fait avec soin des candidats au ministère ordonné et à la vie consacrée. Enfin, l’Église est mère des vocations par son soutien continu de ceux qui ont consacré leur vie au service des autres.

Demandons au Seigneur d’accorder une profonde adhésion à l’Église à toutes les personnes qui sont en cheminement vocationnel ; et que l’Esprit Saint renforce chez les pasteurs et chez tous les fidèles la communion, le discernement, ainsi que la paternité et la maternité spirituelles.

Père de miséricorde, qui as donné ton Fils pour notre salut et qui nous soutiens sans cesse par les dons de ton Esprit, donne-nous des communautés chrétiennes vivantes, ferventes et joyeuses, qui soient sources de vie fraternelle et qui suscitent chez les jeunes le désir de se consacrer à Toi et à l’évangélisation. Soutiens-les dans leur application à proposer une catéchèse vocationnelle adéquate et différents chemins de consécration particulière. Donne la sagesse pour le nécessaire discernement vocationnel, afin qu’en tous resplendisse la grandeur de ton Amour miséricordieux. Marie, Mère et éducatrice de Jésus, intercède pour chaque communauté chrétienne, afin que, rendue féconde par l’Esprit Saint, elle soit source de vocations authentiques au service du peuple saint de Dieu.

Du Vatican, le 29 novembre 2015.

Premier dimanche de l’Avent

Franciscus

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

La Miséricorde, une foi en acte (iii)

Conférence de Carême de Mgr Jean-pierre Grallet, archevêque de Strasbourg

Au cours du mois de février 2016, Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg, a donné dans plusieurs villes d’Alsace (Strasbourg, Mulhouse, Colmar et Marienthal) une conférence de Carême intitulée « La miséricorde, une foi en actes ». Une conférence pour vivre avec tous les chrétiens une double démarche, a-t-il expliqué, « reconnaître la miséricorde de Dieu, et lui répondre par des œuvres de miséricorde ». L’intervention de l’archevêque de Strasbourg était conçue en trois parties. La première sur la miséricorde depuis le concile Vatican II (de Jean XXIII au pape François), la deuxième sur la miséricorde au cœur de l’expérience biblique (de Moïse à Jésus-Christ), enfin la troisième sur la miséricorde, foi en actes, dans la vie de tous les jours.

III. La miséricorde, au cœur de notre vie chrétienne

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36)

Comment répondre, à notre tour, à la si généreuse miséricorde du Père pour chacun de nous ? Comment être et que faire en conséquence, afin que nous soyons miséricordieux et que nous aimions, non pas seulement « de mots ni de langue, mais en actes véritablement », comme y invite Saint Jean ? (1 Jn 3,8)

Après avoir cité les œuvres corporelles et spirituelles de miséricorde auxquelles le chrétien est invité, le pape François se réfère aux paroles de Jésus, lors du jugement dernier : « nous ne pouvons pas échapper aux paroles du Seigneur et c’est sur elles que nous serons jugés : aurons-nous donné à manger à qui a faim et à boire à qui a soif  ? Aurons-nous accueilli l’étranger et vêtu celui qui était nu ? Aurons-nous pris le temps de demeurer auprès de celui qui est malade et prisonnier ? (cf Mt 25, 31-45) De même, il nous sera demandé si nous avons aidé à sortir du doute qui engendre la peur, et bien souvent la solitude ; si nous avons été capables de vaincre l’ignorance dans laquelle vivent des millions de personnes, surtout des enfants privés de l’aide nécessaire pour être libérés de la pauvreté, si nous nous sommes faits proches de celui qui est seul et affligé ; si nous avons pardonné à celui qui nous offense, si nous avons rejeté toute forme de rancœur et de haine qui porte à la violence, si nous avons été patients à l’image de Dieu qui est si patient envers nous ; si enfin, nous avons confié au Seigneur, dans la prière, nos frères et sœurs » (MV, n. 15).

De toutes ces situations, il nous faut nous préoccuper. Elles sont un appel à miséricorde pour les pauvres et à miséricorde pour les pécheurs. À ces deux appels, j’ajoute un troisième, de circonstance, que l’Église a lancé en 2015 : miséricorde pour nos familles !

A. Aux pauvres, miséricorde !

Les pauvres sont loin de nous ou à notre porte, ils sont une part de nous-mêmes, ils sont nous-mêmes, comme nous l’avons découvert lors des grands rassemblements Diakonia de Lourdes, pour la France, et de Huttenheim pour l’Alsace, en 2013, où personnes aidantes et personnes aidées, s’accueillaient, s’offraient une aide mutuelle, se comprenaient et cheminaient ensemble dans une même charité.

Walter Kasper fait remarquer : « La catégorisation des œuvres de miséricorde n’est ni naïve, ni arbitraire. Elles correspondent à quatre formes différentes de pauvreté » (p. 144). La plus évidente est la pauvreté matérielle (que tant de personnes connaissent)…, puis la pauvreté culturelle qui n’est pas moins importante (pensons à l’analphabétisme), puis la pauvreté relationnelle (isolement, non-communication, discrimination…), enfin la pauvreté spirituelle (vide intérieur, errance morale, désespoir…).

À toutes ces formes de pauvreté, notre diocèse de Strasbourg s’efforce de répondre à travers nos multiples œuvres diocésaines de charité, la Caritas – Secours catholique, nos partenaires de la vie religieuse et des associations caritatives, nos différentes aumôneries auprès des malades, des personnes handicapées, des personnes incarcérées, des personnes migrantes, des jeunes en difficulté, nos instances de solidarité nationales et internationales comme le CCFD ou l’Œuvre pour les chrétiens d’Orient, le partenariat avec les multiples associations non confessionnelles d’entraide… un vaste maillage de solidarité couvre l’Alsace et pourtant, il reste tant à faire !

Notre service diocésain de Solidarité nous invite à vivre, les 27 et 28 février prochains, les « journées de l’espérance », dans l’esprit fraternel de Diakonia. Dans nos diverses communautés paroissiales et ecclésiales, nous sommes invités à être créatifs et à rassembler personnes aidées et aidantes, à écouter ensemble la Parole de Dieu et à nous écouter les uns les autres. Attention spéciale est accordée aux pauvres et aux petits à qui la parole est donnée.

Permettez-moi de vous citer quelques-unes de ces paroles venant de Valérie, Clarisse, Happy, Clémentine et de Jean-Luc.

« Comment, interroge Valérie, se remettre du coup de massue de la séparation conjugale, du chômage et de la dépression ? Heureusement que j’ai eu maman et le soutien de la conférence Saint Vincent de Paul ; ça fait chaud au cœur. »

« Merci à l’Église d’être proche de nous, et merci au groupe de Mulhouse “Bouge ta galère” de m’offrir une grande famille », dit Clarisse, éprouvée par le chômage et la maladie.

« L’Église, avec mon équipe d’ACO, m’a donné beaucoup de joie », confie Happy, qui porte bien son nom. « Ouvrez vos cœurs, dit-elle, pour que les autres viennent à vous ! »

« Le Nid, dit Clémentine, c’est ma seconde famille, qui me protège. La foi est une grande force pour moi ! »

Quant à Jean-Luc qui se bat pour trouver un travail, il reconnaît : « J’ai des parents formidables. La foi m’aide beaucoup. La Vierge aussi. Je prie, je réfléchis, je me bats, je me relie aux autres… »

Toutes ces confidences que j’ai entendues, sont des paroles d’espérance. Justement, lors des prochaines journées de l’espérance, veillons à bien nous accueillir et à bien nous écouter. En chaque personne, le Christ est présent. Puisse son cœur, miséricordieux, nous réunir et nous réconforter !

B. Aux pécheurs, miséricorde !

Nous pouvons dire des pécheurs ce que nous avons dit des pauvres : ils sont loin de nous ou à notre porte, ils sont une part de nous-mêmes, ils sont nous-mêmes. C’est donc à nous-mêmes, pécheurs, et à tous que la miséricorde de Dieu est offerte.

Pour généreuse qu’elle soit, la miséricorde divine n’est pas laxiste. Elle est pleine de bonté en même temps qu’exigeante. Ce serait une erreur de considérer que la miséricorde de Dieu excuse et permet tout. En ce cas, elle serait compromission avec le mal et finalement mépris du pécheur, comme le rappelait si bien Benoît XVI, dans Caritas in veritate. La charité ne se vit bien que dans la vérité, et c’est parce que le fils prodigue était rentré en lui-même, avec vérité et humilité, qu’il put accéder à la miséricorde du Père et à la joie de la réconciliation avec lui.

D’où vient que la miséricorde offerte par le Christ aux pécheurs ait été si difficile à vivre et le soit encore pour beaucoup d’entre nous ? Nous nous sommes déjà interrogés ensemble, lors du Carême 2011 : « La confession ne m’a pas laissé de bons souvenirs », disent les uns ; d’autres avouent, « ma culpabilité me paralyse » ; d’autres encore, « j’ai trop souffert pour pouvoir pardonner » ; ou bien, « le pardon, je n’y crois pas… ». Quand les aînés avouent leur malaise, des jeunes, à l’occasion du Pélé de Lourdes, disent leur joie d’avoir été écoutés, compris et pardonnés… Question de générations et d’expériences plus ou moins heureuses, certes… affaire de patience aussi : la charité de Dieu est patiente, elle ne brutalise pas. Elle est offerte et je suis certain qu’un jour, chacun de nous se sentira assez pauvre et assez confiant pour faire un pas, franchir ce fameux seuil que signifie la porte de la miséricorde, dire à Dieu son Père, son désir de le retrouver et de recevoir sa miséricorde et sa tendresse. Vous savez que cinq portes de la miséricorde ont été ouvertes dans le diocèse, pour cette année jubilaire : à la cathédrale, à Marienthal, au Mont Sainte Odile, aux Trois Épis et à Thierenbach. Invitation à y faire une démarche de réconciliation ; invitation à se mettre en route aussi, en quelque sanctuaire où nous irons, pour parvenir là où Dieu nous attend, et vivre avec lui la réconciliation et la paix.

Dans son tout dernier livre Le nom de Dieu est miséricorde, le pape François nous confie l’expérience heureuse de sa rencontre avec le prêtre qui fut son confesseur : « j’avais 17 ans. Je me suis senti accueilli par la miséricorde de Dieu en me confessant à lui. À sa mort (de leucémie), l’année suivante, je me suis senti comme abandonné. Et j’ai beaucoup pleuré ce soir-là, beaucoup, caché dans ma chambre. Pourquoi ? parce que j’avais perdu une personne qui me faisait sentir la miséricorde de Dieu » (page 32). Puissent nos larmes être toujours l’expression d’un cœur qui cherche à aimer, en vérité !

C. À nos familles, miséricorde !

Au terme du récent Synode pour la famille, le 24 octobre 2015, le pape François concluait par ces mots : « pour l’Église, conclure le Synode signifie recommencer “à marcher ensemble”, réellement, pour porter partout dans le monde, dans chaque diocèse, dans chaque communauté et dans chaque situation, la lumière de l’Évangile, l’accolade de l’Église et le soutien de la miséricorde de Dieu ». Ainsi rappelait-il l’importance d’une approche miséricordieuse de toute personne, des couples et des familles qui connaissent de par la différence des continents et des cultures, des situations si contrastées. Le Synode invita à montrer avec un langage nouveau la beauté de la famille, à mieux préparer et soutenir les couples mariés, à faire fructifier ce qui conduit les couples à la stabilité et au sacrement du mariage, à ne pas discriminer les personnes homosexuelles, à valoriser la place des femmes, à offrir une meilleure intégration dans l’Église aux divorcés remariés, et encore à ne pas opposer mais conjuguer doctrine et miséricorde, et à vivre en fidélité au Christ, visage de la miséricorde du Père… Difficile et beau processus synodal, comme est difficile et belle une longue marche faite ensemble !

À nos familles, miséricorde ! Ce vœu, je souhaite l’adresser aux couples qui traversent un temps de difficile compréhension, de sécheresse affective et de tristesse. N’a-t-on pas trop idéalisé le bonheur conjugal ? A-t-on suffisamment intégré la nécessaire patience à l’égard de l’autre, comme à l’égard de soi-même ? Il faut tant de saisons et tant d’années pour se connaître, s’accepter, se pardonner à soi-même tout autant que connaître, accepter l’autre et lui pardonner… La miséricorde conjugale pourrait s’appeler patience, pardon, prière et espérance. Quand elle est pratiquée, elle produit toujours d’heureux fruits. Merci, couples fidèles. Courage, couples éprouvés ! la fidélité est devenue une aventure d’avenir : renouvelez-vous et persévérez !

À Strasbourg, nous avons vécu, en septembre 2015, une très belle journée des familles, journée de fête et de prière, d’accueil et de réflexion, en lien avec la rencontre mondiale qui se tenait le même jour à Philadelphie.

Nous demandant quelle était la recette de la famille heureuse, nous ne pouvions qu’énumérer une liste de précieux ingrédients, tels l’amour – cela va sans dire –, mais aussi l’entraide, la prière et le pardon, le respect de la différence et l’accueil, l’apprentissage aussi, la fidélité bien sûr, et la joie encore…, sans clore la liste, pour laisser à chacun d’apporter son talent propre, souvent inattendu.

J’ai mentionné la prière et le pardon. Chères familles, chers parents, osez chaque jour poser le signe de la prière au sein de la vie familiale : prière du soir, bénédiction du repas, temps de recueillement si les mots sont difficiles, mais où chacun peut se respecter, signe de croix… Et puis, n’oublions pas le Notre Père, « la prière chrétienne », et sa demande si nécessaire : pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés : que nos familles soient des écoles de miséricorde, où se vivent quotidiennement la prière et le pardon !

Derrière cette recherche de bonheur familial, se trouvent des personnes singulières à aimer et à respecter… Alors que tant de familles sont fatiguées, de couples blessés et d’enfants laissés à eux-mêmes, puissent l’amour et l’entraide, la prière et le pardon, la responsabilité et la fidélité, s’exprimer, chaque jour, en chaque famille et en chaque personne. C’est le chemin difficile, mais sûr, de parvenir à la joie !

En conclusion ; une année sainte de miséricorde

Sœurs et frères, je voudrais conclure en renouvelant la double invitation annoncée en introduction : reconnaître la miséricorde de Dieu et témoigner de cette miséricorde par nos actes.

Reconnaître la miséricorde de Dieu :

Nous avons reçu un trésor, la parole de Dieu à lire, à méditer, à partager afin de contempler le Dieu de miséricorde. Cheminer avec le peuple de Dieu, chanter ses psaumes, écouter le Christ et contempler son beau visage de miséricorde. Chaque jour, la liturgie nous fait entendre la parole de Dieu. De plus, dans notre diocèse, dans nos groupes paroissiaux, selon un thème d’année, nous étudions plus spécialement un des livres de la Bible. Après les évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc, après les Actes des apôtres, nous avons ouvert l’évangile de Saint Jean, l’évangéliste qui a été si inspiré, dans une de ses épîtres (1 Jn 4,16), en proclamant « Dieu est amour ». Cet amour divin se donne sans cesse, gratuitement, miséricordieusement. Puissions-nous, en cette année jubilaire, méditer, louer et célébrer Dieu, plein d’amour et de miséricorde !

Témoigner de cette miséricorde par nos actes :

À l’issue de cette conférence, je vous inviterai à dire la belle prière de sainte Faustine : « Aide-moi, Seigneur, pour que non seulement mes yeux soient miséricordieux… mais aussi mes oreilles… ma langue… mes mains… mes pieds… mon cœur… que tout mon être soit miséricordieux ». Oui, à nous d’entendre l’appel du Christ à être miséricordieux comme le Père, à l’être pour nous-mêmes, pauvres et pécheurs, et à l’être pour ceux qui sont près de nous, à l’être, les uns pour les autres !

Notre vie est fugace et fragile. Ne la laissons pas s’enfermer dans les calculs mesquins et les rancœurs tenaces. C’est de cela que le poète Léon Chancerel priait Dieu de le délivrer : « pardonne-moi Seigneur, cette tristesse amère où je me suis complu »… Notre cœur n’est pas fait pour l’étroitesse. Il est fait pour s’ouvrir à l’infini du cœur de Dieu.

Chers amis, nous sommes invités à nous laisser toucher le cœur par Dieu, à l’accueillir avec confiance, à déposer près de lui, qui est tendre et miséricordieux, nos grandes peines et nos pauvres craintes, et de goûter, pour nous-mêmes, avant de partager autour de nous, cette immense expérience de tendresse et de miséricorde. N’est-ce pas cela, « avancer au large » ?

Le pape François nous y invite avec insistance, en conclusion de sa lettre d’indiction (de jubilé de la miséricorde) : « une année sainte extraordinaire pour vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce jubilé, laissons-nous surprendre par Dieu !… Qu’en cette année, l’Église fasse écho à la parole de Dieu qui résonne, forte et convaincante, comme une parole et un geste de pardon, de soutien, d’aide, d’amour » (MV, n. 25).

Chers frères et sœurs, vivons, ensemble, une bonne et sainte année de miséricorde !

© Urbi et orbi - 2016

Commentaire des lectures du dimanche

Très chers frères,

Nos enfants que voici ont été appelés à l’ordre sacerdotal. Cela nous fera du bien de réfléchir un peu à propos du ministère auquel ils seront élevés dans l’Église. Comme vous le savez bien, le Seigneur Jésus est le seul Prêtre suprême du Nouveau Testament, mais en Lui tout le peuple de Dieu a aussi été constitué comme un peuple sacerdotal. Nous tous ! Néanmoins, parmi tous ses disciples, le Seigneur Jésus veut en choisir certains en particulier, pour qu’en exerçant publiquement dans l’Église, en son nom, la fonction sacerdotale en faveur de tous les hommes, ils continuent sa mission personnelle de maître, prêtre et pasteur.

En effet, de même que pour cela, Il avait été envoyé par le Père, Il envoya à son tour dans le monde tout d’abord les apôtres et ensuite les évêques et leurs successeurs, auxquels furent ensuite donnés comme collaborateurs les prêtres, qui, unis à eux dans le ministère sacerdotal, sont appelés au service du Peuple de Dieu.

Ces derniers ont réfléchi sur leur vocation, et à présent ils viennent recevoir l’ordre des prêtres. Et l’évêque risque — risque ! — et les choisit, comme le Père a risqué pour chacun de nous.

Ils seront en effet configurés au Christ Prêtre suprême et éternel, c’est-à-dire qu’ils seront consacrés comme véritables prêtres du Nouveau Testament et, à ce titre, qui les unit dans le sacerdoce à leur évêque, ils seront les prédicateurs de l’Évangile, les pasteurs du Peuple de Dieu, et ils présideront les actes du culte, en particulier pendant la célébration du sacrifice du Seigneur.

Quant à vous, qui allez être élevés à l’ordre de la prêtrise, considérez qu’en exerçant le ministère de la sainte doctrine, vous participez à la mission du Christ, unique Maître. Dispensez à tous cette Parole de Dieu, que vous avez vous-mêmes reçue avec joie. Lisez et méditez avec assiduité la Parole du Seigneur pour croire ce que vous avez lu, enseigner ce que vous avez appris dans la foi, vivre ce que vous avez enseigné.

Et que cela soit la nourriture du Peuple de Dieu ; que vos homélies ne soient pas ennuyeuses ; que vos homélies parviennent vraiment au cœur des personnes parce qu’elles viennent de votre cœur, parce que ce que vous leur dites est ce que vous avez dans votre cœur. C’est ainsi que l’on donne la Parole de Dieu et ainsi que votre doctrine sera une joie et un soutien pour les fidèles du Christ ; le parfum de votre vie sera le témoignage, car l’exemple édifie, mais les mots sans exemple sont des mots vides, sont des idées qui n’arrivent jamais au cœur et qui font même du mal : ils font du mal ! Vous poursuivrez l’œuvre sanctificatrice du Christ. À travers votre ministère, le sacrifice spirituel des fidèles est rendu parfait, car il est associé au sacrifice du Christ qui, à travers vos mains, au nom de toute l’Église, est offert de manière non sanglante sur l’autel pendant la célébration des saints Mystères.

Lorsque vous célébrez la Messe, reconnaissez donc ce que vous faites. Ne le faites pas rapidement ! Imitez ce que vous célébrez — ce n’est pas un rite artificiel, un rituel artificiel — afin qu’ainsi, en participant au mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, vous apportiez la mort du Christ à vos membres et que vous marchiez avec Lui dans une vie nouvelle.

Avec le baptême, vous unirez de nouveaux fidèles au Peuple de Dieu. Il ne faut jamais refuser le baptême à celui qui le demande ! Par le sacrement de la pénitence, vous remettrez les péchés au nom du Christ et de l’Église. Et, au nom de Jésus Christ, le Seigneur, et de son Épouse, la sainte Église, je vous demande de ne pas vous lasser d’être miséricordieux. Vous irez au confessionnal pour pardonner, non pour condamner ! Imitez le Père qui ne se lasse jamais de pardonner. Avec l’huile sainte, vous apporterez le soulagement aux malades. En célébrant les saints rites et en élevant aux diverses heures du jour la prière de louange et de supplication, vous deviendrez la voix du Peuple de Dieu et de l’humanité tout entière.

Conscients d’avoir été choisis parmi les hommes et constitués en leur faveur pour vous occuper des choses de Dieu, exercez dans la joie et la charité sincère l’œuvre sacerdotale du Christ, en cherchant uniquement à plaire à Dieu et non à vous-mêmes. Il est laid de voir un prêtre qui vit pour se plaire à lui-même, qui « fait le paon » !

Enfin, en participant à la mission du Christ, Chef et Pasteur, en communion filiale avec votre évêque, engagez-vous à unir les fidèles en une unique famille — soyez les ministres de l’unité dans l’Église, dans la famille —, pour les conduire à Dieu le Père au moyen du Christ dans l’Esprit Saint. Et ayez toujours devant les yeux l’exemple du Bon Pasteur, qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir ; non pour rester dans son confort, mais pour sortir et chercher à sauver ce qui était perdu.

[Homélie du Pape François – Dimanche 26 avril 2015]

© Libreria Editrice Vaticana - 2015