Pko 15.08.2016

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°46/2016

Jeudi 15 août 2016 – Assomption de la Vierge Marie – Année C

Présentation de la Beauce à Notre Dame de Chartres

Poème de Charles PÉGUY

 

Étoile de la mer, voici la lourde nappe,

Et la profonde houle et l'océan des blés

Et la mouvante écume et nos greniers comblés,

Voici votre regard sur cette immense chape.

Et voici votre voix sur cette lourde plaine

Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés,

Voici le long de nous nos poings désassemblés

Et notre lassitude et notre force pleine.

Étoile du matin, inaccessible reine,

Voici que nous marchons vers votre illustre cour,

Et voici le plateau de notre pauvre amour,

Et voici l'océan de notre immense peine.

Un sanglot rôde et court par-delà l'horizon.

A peine quelques toits font comme un archipel.

Du vieux clocher retombe une sorte d'appel.

L'épaisse église semble une basse maison.

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.

De loin en loin surnage un chapelet de meules,

Rondes comme des tours, opulentes et seules

Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre

Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.

Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux

Un reposoir sans fin pour l'âme solitaire.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,

Tout poudreux, tous crottés, la pluie entre les dents.

Sur ce large éventail ouvert à tous les vents

La route nationale est notre porte étroite. […]

Tour de David, voici votre tour beauceronne.

C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté

Vers un ciel de clémence et de sérénité,

Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait jaillir,

Depuis le ras du sol jusqu'au pied de la croix,

Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,

La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.

C'est la gerbe et le blé qui ne périra point,

Qui ne fanera point au soleil de septembre,

Qui ne gèlera point aux rigueurs de décembre,

C'est votre serviteur et c'est votre témoin.

C'est la tige et le blé qui ne pourrira pas,

Qui ne flétrira point aux ardeurs de l'été.

Qui ne moisira point dans un hiver gâté,

Qui ne transira point dans le commun trépas.

C'est la pierre sans tache et la pierre sans faute,

La plus belle oraison qu'on ait jamais portée,

La plus droite raison qu'on ait jamais jetée,

Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute.

Celle qui ne mourra le jour d'aucunes morts,

Le gage et le portrait de nos arrachements,

L'image et le tracé de nos arrachements,

La laine et le fuseau des plus modestes sorts. [...]

Voici l'axe et la ligne et la géante fleur.

Voici la dure pente et le contentement.

Voici l'exactitude et le consentement.

Et la sévère larme, ô reine de douleur.

Voici la nudité, le reste est vêtement.

Voici le vêtement, tout le reste est parure.

Voici la pureté, tout le reste est souillure.

Voici la pauvreté, le reste est ornement.

Voici la seule force et le reste est faiblesse.

Voici l'arête unique et le reste est bavure.

Et la seule noblesse et le reste est ordure.

Et la seule grandeur et le reste est bassesse.

Voici la seule foi qui ne soit point parjure.

Voici le seul élan qui sache un peu monter.

Voici le seul instant qui vaille de compter.

Voici le seul propos qui s'achève et qui dure. [...]

Quand nous aurons joué nos derniers personnages,

Quand nous aurons posé la cape et le manteau,

Quand nous aurons jeté le masque et le couteau,

Veuillez-vous rappeler nos longs pèlerinages.

Quand nous retournerons en cette froide terre,

Ainsi qu'il fut prescrit pour le premier Adam,

Reine de Saint-Chéron, Saint-Arnould et Dourdan,

Veuillez-vous rappeler ce chemin solitaire.

Quand on nous aura mis dans une étroite fosse,

Quand on aura sur nous dit l'absoute et la messe,

Veuillez-vous rappeler, reine de la promesse,

Le long cheminement que nous faisons en Beauce.

Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,

Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,

Quand nous aurons râlé nos derniers râclements,

Veuillez-vous rappeler votre miséricorde.

Nous ne demandons rien, refuge du pécheur,

Que la dernière place en votre purgatoire,

Pour pleurer longuement notre tragique histoire,

Et contempler de loin votre jeune splendeur.

 

Charles Péguy

(Tapisserie de Notre-Dame, N.R.F., 1919)

Marie la grande croyante

Angélus du Pape François du 15 août 2015

Chers frères et sœurs, bonjour et bonne fête de la Vierge.

Aujourd’hui, l’Église célèbre l’une des fêtes les plus importantes dédiées à la Bienheureuse Vierge Marie: la fête de son Assomption. Au terme de sa vie terrestre, la Mère du Christ s’est élevée corps et âme au Ciel, c’est-à-dire dans la gloire de la vie éternelle, dans la pleine communion avec Dieu.

La page de l’Évangile d’aujourd’hui (Lc 1,39-56) nous présente Marie qui, immédiatement après avoir conçu Jésus par l’opération du Saint-Esprit, se rend chez sa cousine âgée, Elisabeth, qui attend elle aussi miraculeusement un enfant. Au cours de cette rencontre pleine d’Esprit Saint, Marie exprime sa joie à travers le cantique du Magnificat, parce qu’elle a pris pleinement conscience de la signification des grandes choses qui sont en train de se réaliser dans sa vie : à travers elle, arrive à son accomplissement toute l’attente de son peuple.

Mais l’Évangile nous montre aussi quel est le motif le plus véritable de la grandeur de Marie et de sa béatitude: le motif est la foi. En effet, Elisabeth la salue par ces paroles : « Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1, 45). La foi est le cœur de toute l’histoire de Marie ; elle est la croyante, la grande croyante ; elle sait — et elle le dit — que l’histoire porte le poids de la violence des tyrans, l’orgueil des riches, l’arrogance des hautains. Toutefois, Marie croit et proclame que Dieu ne laisse pas seuls ses fils, humbles et pauvres, mais leur porte secours avec miséricorde, avec attention, en renversant les puissants de leurs trônes, en dissipant les orgueilleux dans les trames de leur cœur. Telle est la foi de notre Mère, telle est la foi de Marie !

Le Cantique de la Vierge nous fait également percevoir le sens de l’existence de Marie : si la miséricorde du Seigneur est le moteur de l’histoire, alors a été « préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté ton propre Fils et mis au monde l’auteur de la vie » (Préface). Tout cela ne regarde pas seulement Marie. Les « grandes choses » faites en elle par le Tout-puissant nous touchent profondément, nous parlent de notre voyage dans la vie, nous rappellent la destination qui nous attend : la maison du Père. Notre vie, vue à la lumière de Marie élevée au Ciel, n’est pas une errance privée de sens, mais un pèlerinage qui, même avec toutes ses incertitudes et ses souffrances, a une destination certaine : la maison de notre Père, qui nous attend avec amour. Il est beau de penser cela : que nous avons un Père qui nous attend avec amour, et que notre Mère Marie est aussi là-haut et nous attend avec amour.

Entre temps, alors que la vie s’écoule, « elle guide et soutient l’espérance de ton peuple encore en chemin » (ibid.). Ce signe a un visage, et ce signe a un nom : le visage lumineux de la Mère du Seigneur, le nom béni de Marie, la pleine de grâce, parce qu’elle a cru en la parole du Seigneur : la grande croyante ! En tant que membres de l’Église, nous sommes destinés à partager la gloire de notre Mère afin que, grâce à Dieu, nous croyions nous aussi dans le sacrifice du Christ sur la croix et, à travers le Baptême, nous soyons insérés dans ce mystère de salut.

Aujourd’hui, tous ensemble, nous la prions, afin que, alors que se déroule notre chemin sur cette terre, elle pose sur nous son regard de miséricorde, éclaire notre voie, nous indique la destination, et nous montre, après cet exil, Jésus, le fruit béni de son sein. Et disons ensemble : O clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie !

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

L’Assomption de Marie préfigure notre résurrection

Homélie du R.P. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd – 15 août 2013

Homélie prononcée à l’occasion de la session organisée par les deux provinces françaises des Carmes déchaux en août 2013.

Quel contraste, frères et sœurs, dans les textes liturgiques d’aujourd’hui entre le récit de saint Luc et la vision de saint Jean ! Que s’est-il donc passé ? Comment est-on passé de Marie de Nazareth l’humble servante du Dieu d’Israël à la femme revêtue de soleil et couronnée de douze étoiles décrite par le voyant de l’Apocalypse ? Là est tout le mystère de la solennité que nous célébrons aujourd’hui, l’Assomption de la Vierge Marie, l’entrée dans la gloire du Ciel de celle qui a fait si peu parler d’elle de son vivant.

La clé de ce passage, de cette transformation nous est donnée dans la bouche Élisabeth : « Bienheureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Le Pape François écrit à ce propos dans son encyclique sur la foi Lumen fidei (LF58) : « La Mère du Seigneur est l’icône parfaite de la foi. (…) En la mère de Jésus, en effet, la foi a porté tout son fruit. » Mais comment comprendre cette fécondité « intégrale » si je puis dire ? Pourquoi la foi de Marie a-t-elle porté la plénitude de la fertilité ? Le Pape précise : « À la plénitude des temps, la Parole de Dieu s’est adressée à Marie, et elle l’a accueillie avec tout son être, dans son cœur. » La foi de Marie a porté tout son fruit parce qu’elle a accueilli la Parole de Dieu avec tout son être ; Marie s’est en effet engagée totalement dans sa parole devant l’Ange à l’Annonciation : « que tout se passe pour moi selon ta parole ». « Que votre oui soit oui » demandait Jésus. Le « oui » de Marie a été total, sans conditions, un contrat sans clauses restrictives, mieux un chèque en blanc. Le TOUT de sa fécondité ne prend sens que par le TOUT de son OUI : Marie a tout reçu parce qu’elle a tout donné. Le mystère de l’Assomption ne se comprend qu’en regard de la maternité divine de Marie : c’est parce que Marie a tout donné, y compris sa chair, son corps que nous pouvons célébrer son entrée corps et âme dans le ciel. C’est toute la vie de Marie qui a été assumée : sa chair offerte à Dieu est maintenant glorifiée. Nous ne pouvons, frères et sœurs, qu’être dans la joie aujourd’hui en communiant à l’allégresse de l’Église qui célèbre l’Assomption de Marie : c’est la joie des enfants de Dieu qui sont en même temps les fils et les filles de Marie. Mais il faut tout de suite préciser de quelle joie il s’agit car il y a une sorte de joie trompeuse qui pourrait nous guetter.

Une telle joie serait distante ou prudente, admirative et jalouse à la fois, un peu dans le style : « on est content pour elle ! » ou « c’est chouette, il y en a au moins une qui a réussi sa vie ! » C’est d’ailleurs souvent la manière dont la presse "people" présente la vie des familles royales : on se réjouit de la naissance du petit Georges, le prince royal d’Angleterre ou de l’anniversaire de la Reine Mère, mais cela ne nous concerne pas vraiment … Or avec la Reine du Ciel, il n’en est pas de même puisqu’elle est d’abord notre Mère et surtout la figure de l’Église : ce que nous contemplons en Marie, c’est ce que nous sommes tous appelés à devenir par la grâce de Dieu. L’Assomption de Marie préfigure notre résurrection à venir. Oui, notre corps sera glorifié, oui notre chair est promise à la résurrection, ni plus ni moins. Nous sommes promis, destinés au même itinéraire de gloire, à travers les vicissitudes de notre vie, comme celles d’ailleurs de la Vierge Marie : la gloire passe toujours par la croix.

« On dira peut-être que ce sont-là des choses qui paraissent impossibles et qu’il est bon de ne pas scandaliser les faibles. » Notre Mère, Ste Thérèse nous avertit au début du livre des Demeures (1D1,4) : « Je sais très bien que quiconque n’en est pas convaincu n’en fera jamais l’expérience, car Dieu aime extrêmement que l’on ne mette pas de limites à ses œuvres. » Voilà cette fausse joie qui nous menace, c’est de croire que cette fête ne concerne que Marie et surtout pas nous, c’est de croire que ce que Dieu a réalisé en Marie n’est pas une invitation pour nous. Ce serait une joie fallacieuse, un leurre, une fausse protection pour ne pas être touché par l’amour. Thérèse, elle, y a cru et nous le voyons déjà dans son chemin sous la protection de la Bse Vierge Marie du Mt Carmel. Sa vie souligne que la transfiguration de l’existence chrétienne commence dès ici-bas à travers le mystère pascal : la « Madre » a en effet traversé près de vingt ans d’années obscures à l’Incarnation avant de vivre cette transformation qui est passée par son corps, à travers extases et ravissements. La grandeur de Thérèse a été de croire que le chemin ouvert par Jésus à Marie et tant de saints était pour elle, que l’amour de Dieu est assez fou pour nous promettre cette transformation dès maintenant.

Voilà peut-être l’invitation de cette solennité de l’Assomption : nous engager plus résolument sur ce chemin de transfiguration de notre être, prémisses de notre résurrection au dernier jour. Il n’y a en fait qu’une condition : un oui sans conditions, une libre réponse de foi à la proposition honnête du Dieu d’amour. « Je veux réaliser en toi de grandes choses comme je l’ai fait pour ma mère, comme je l’ai fait pour Thérèse. Y crois-tu ? T’y risques-tu ? Mais pour cela, j’ai besoin d’un OUI total qui te prend corps et âme. Si tu ne me donnes qu’une partie de toi-même, si tu mets des conditions ou des limites à ton oui, tu mettras des bornes à mon œuvre en toi. Réfléchis et choisis ! Il n’y a que toi pour décider. Si tu dis oui de tout cœur et de tout corps, tu pourras chanter à ton tour le Magnificat : “Le Puissant fit pour moi des merveilles. Tous les âges me diront bienheureuse.” »

Vierge Marie, intercède pour nous : que le Seigneur puisse aujourd’hui faire en nous sa demeure et son temple ; qu’il nous soit donné de dire un oui total pour que ton Fils puisse venir prendre ses délices au milieu de nous. Que son Esprit d’amour nous transfigure et nous prépare à te rejoindre au dernier jour dans la gloire et la joie éternelle des enfants de notre Père d’amour. Alors Dieu sera tout en tous.

Fr Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd (Paris)

© Carmel.asso.fr - 2013

L’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie

Directoire sur le piété populaire et la liturgie -2001

180. Durant le Temps ordinaire, la solennité de l’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie (15 août) se détache en raison de ses multiples significations d’ordre théologique. Cette célébration de la Mère du Seigneur, qui remonte aux premiers siècles de l’Église, rassemble et unit de nombreuses vérités de la foi. En effet, l’Assomption de la Vierge Marie dans le ciel rappelle que:

- la Vierge Marie apparaît comme "le fruit le plus excellent de la Rédemption", le témoignage suprême de l’amplitude et de l’efficacité de l’œuvre de salut opérée par le Christ (signification sotériologique);

- l’Assomption constitue le gage de la participation future de tous les membres du Corps mystique à la gloire pascale du Ressuscité (aspect christologique);

- l’Assomption est pour tous les hommes "la confirmation consolante que se réalisera l’espérance finale: cette glorification totale est en effet le destin de tous ceux que le Christ a fait frères, ayant avec eux "en commun le sang et la chair" (He 2, 14; cf. Ga 4, 4)" (aspect anthropologique);

- la Vierge Marie est l’icône eschatologique de tout ce que l’Église "désire et espère être tout entière" (aspect ecclésiologique);

- Elle est enfin la preuve vivante de la fidélité du Seigneur à sa promesse: en effet, celui-ci a préparé à son humble Servante une récompense magnifique en réponse à son adhésion fidèle au projet divin, c’est-à-dire une destinée de plénitude et de bonheur éternel, de glorification de son âme immaculée et de son corps virginal, et de parfaite configuration à son Fils ressuscité (aspect mariologique).

181. La piété populaire est très sensible à la fête mariale du 15 août. De fait, en de nombreux endroits, elle est considérée comme la fête par antonomase de la Vierge, car elle est connue sous le nom de "jour de sainte Marie", ou comme l’Immaculée pour l’Espagne ou pour l’Amérique latine.

Dans les pays de culture germanique, la coutume s’est répandue de bénir des herbes aromatiques, le 15 août. Cette bénédiction, qui fut accueillie à une certaine époque dans le Rituale Romanum, constitue un exemple incontestable d’une évangélisation adéquate des rites et des croyances pré-chrétiennes: pour obtenir ce que les païens désiraient en recourant aux rites magiques, en particulier atténuer les dommages dus aux plantes nuisibles et accroître l’efficacité des herbes curatives, il est indispensable de se tourner vers Dieu, puisque, c’est par sa Parole que "la terre produisit l’herbe, les plantes qui portent leurs semences [...] et les arbres qui donnent, selon leur espèce, le fruit qui porte sa semence" (Gn 1, 12).

De même, il est possible de rattacher, pour une part, à cette même démarche d’inculturation, l’usage antique d’attribuer à la Sainte Vierge, en s’inspirant de la Sainte Écriture, des symboles et des titres empruntés au monde végétal, comme ceux de la vigne, de l’épi, du cèdre et du lys, et de voir en elle une fleur odoriférante pour ses vertus et plus encore le "rameau sorti de la souche de Jessé" (Is 11, 1), qui a généré le fruit béni, Jésus.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015