Pko 09.10.2016
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°55/2016
Dimanche 9 octobre 2016 – XXVIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Humeurs…
Une société déshumanisée…
Le « Truck de la Miséricorde » sillonne, chaque mardi soir, les rues du « Grand Papeete » pour aller à la rencontre des exclus qui sont à la périphérie de la périphérie… ceux qui n’osent ou ne peuvent venir jusque dans les structures d’accueil telles que « Te Vai-ete ».
Et, mardi après mardi, les bénévoles découvrent une misère humaine des plus insoupçonnées dans notre belle île de Tahiti. Tel Marc Tiari qui vit dans un coin retiré de notre bonne ville, assis ou couché dans les immondices, couvert d’une épaisse couche de crasse noire, des cheveux aux pieds, tenant des propos totalement incohérents. Mardi, après mardi, le « Truck de la Miséricorde » s’arrête pour lui offrir un petit repas chaud. Quelques phrases sont échangées… mais impossible d’engager une conversation à moins d’entrer dans son délire… Impossible ne serait-ce que de connaître son nom ! [Celui que nous lui donnons, « Marc Tiari », est celui qu’il donne le plus souvent… mais absent aussi bien de l’état-civil que de la C.P.S.] À ce jour, toutes les tentatives de l’identifier sont restées vaines.
Que faire ? Le « Truck de la Miséricorde » repart, laissant à la fois d’un côté cet homme dans sa profonde solitude, dépouillé de toute dignité, anonyme et d’un autre côté, un profond sentiment d’impuissance et de grande tristesse dans le cœur des Messagers de la Miséricorde. C’est notre propre dignité d’homme qui se trouve mise à mal, salie, méprisée… c’est Christ méprisé, humilié, mis en croix, non pas il y a 2000 ans dans la lointaine Jérusalem… mais aujourd’hui, ici, chez nous, dans notre belle île de Tahiti…
« Le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé ». (Le Serviteur souffrant - Isaie 53, 2-4)
Tahiti qu’as-tu fait de ton humanité ? À quoi bon tant de religiosité, tant d’églises, de temples et de chapelles pour ne pas savoir reconnaître ce Christ que tu vénères sur tes autels dans le rebus de ta société de consommation !
Tant que tu ne sauras pas t’incliner et te mettre à genoux devant les « Marc Tiari » qui errent dans les quartiers sombres de nos villes et que tu ne lui demanderas pas pardon… le Dieu que tu vénères dans tes lieux de culte, dans tes liturgies n’est qu’une idole qui te condamne.
Qu’en cette année de la miséricorde, Dieu ait pitié de nous… car notre égoïsme, notre mépris du misérable nous condamne. Si les « Marc Tiari » ne trouvent pas la force de crier vers Dieu leur souffrance, les vallées, les montagnes, les rivières, les pierres de cette île le feront pour notre plus grande honte !!!
Que Dieu nous pardonne !
Chronique de la roue qui tourne
O Tahiti E
« 30 ans est un moment très court mais c’est un moment rempli d’amour, rempli de belles choses. Pourquoi j’ai souhaité, depuis 1 an déjà, marquer cette date ? Parce que 30 ans de travail, 30 ans de passion, 30 ans de danse, 30 ans de joie, il ne faut pas attendre 60 ans pour marquer… le moment d’être ensemble ! » Marguerite Lai sur Polynésie 1ère
De l’amour, de la joie, de la passion, c’est tout le partage de O Tahiti E. Pour célébrer les 30 ans, la troupe s’est réunie au grand complet, toutes les promos confondues, pour offrir de l’exceptionnel à un public de près de 3 000 invités.
Le son du p? pour accueil, un somptueux ahim?’a pour festin, la magnifique vallée Rarouri de Lili Bordes pour sanctuaire, le ton est donné. La journée se voulait magique, magique elle sera.
Après un petit mot d’accueil et la bénédiction du repas, la famille de O Tahiti E a pu investir son lieu de prédilection, son foyer qu’est la scène. Danseurs, musiciens et costumiers ont fait ce qu’ils font de plus beau. Là, la magie a redoublé d’intensité. À travers plusieurs « tableaux », la troupe a « revisité » son passé avec tout son savoir-faire et toute sa puissance. Les danses se sont enchainées avec vigueur et professionnalisme. Mais, au-delà de cet exploit physique, une véritable énergie faisait vibrer toute la vallée. Il y avait là une vraie connexion où le partage d’émotions se faisait à vitesse grand « V », de quoi faire pâlir notre haut débit ! Assurément, on ne pouvait qu’être touché devant cette « petite » famille si heureuse de se retrouver, si heureuse de danser, si heureuse d’être là 30 ans après… avec « chef ».
« Chef », alias Marguerite Lai, ne s’est posée qu’au moment des danses. Toute la matinée, elle était sur tous les fronts. Avec une énergie incroyable, elle a veillé méticuleusement au bon déroulement des choses : tantôt à l’accueil avec un mot gentil pour tout le monde, tantôt à la logistique. Tantôt avec la douceur d’une mère/hôte, tantôt avec l’autorité d’un chef.
Le spectacle ayant pris fin vers 18h, les personnes sont rentrées presque groggy de bonne humeur. Et, dans la vallée, rires, chants et musique ont dû résonner un petit moment… comme les étincelles de la rencontre de la culture avec la nature !
Longue vie O Tahiti E !!! Par votre passion, vous insufflez force et fierté à notre culture !!!
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2016
Le service diocésain des vocations compte sur votre soutien !
En marge de l’actualité du mercredi 5 octobre 2016
Ce samedi 8 octobre, notre Service Diocésain des Vocations (SDV) anime une journée de rencontre à la paroisse Maria-no-te-Hau de Tautira. Des jeunes, des servants d'autel, des confirmands, des parents sont attendus. Nous espérons que les fidèles viendront nombreux.
Les membres du SDV sont des religieux de Ploërmel, des Sacrés-Cœurs, du monastère des Clarisses, de Saint-Joseph-de-Cluny, de Jésus-Sauveur, la Famille-Marie-Jeunesse, un prêtre diocésain du Grand Séminaire, une laïque consacrée, le directeur du Petit Séminaire et la directrice du Foyer Jean XXIII. Dans les paroisses, le SDV peut s'appuyer sur la précieuse collaboration des fidèles « relais vocationnels » désignés par leurs responsables paroissiaux.
Depuis son installation en 2011, le SDV a déjà mené nombre d'actions : la plupart des paroisses de Tahiti ont été visitées, tous les établissements scolaires privés (collèges et lycées), il y a eu un déplacement sur l'île de Moorea, un week-end dans les paroisses de Mataiea et Papeari, sans oublier des journées de rencontre, d'approfondissement, et des retraites d'éveil à la vocation.
Pour cette nouvelle année pastorale 2016-2017, le SDV a choisi de poursuivre le contact avec les fidèles en intervenant principalement au sein des paroisses. Le secteur de la Presqu'île vient en premier. Les journées de rencontre du 8 octobre à Tautira, du 19 novembre à Taravao, du 3 décembre à Toahotu préparent les deux retraites vocationnelles prévues en janvier et février.
Dieu soit béni, l'activité du SDV a porté des fruits. Il y a eu des entrées dans les foyers vocationnels diocésains et religieux, au Grand Séminaire. Un certain nombre de jeunes fréquentent les diverses maisons et sont sur un chemin d'approfondissement de leur vocation.
Mais « la moisson est abondante... », et les ouvriers manquent encore. L'âge moyen des diocésains et des religieux augmente. Le renouvellement des générations ne se fait pas. Et le champ missionnaire à couvrir est vaste !
Avec l'expérience, nous pouvons livrer deux constats rapides, sans pouvoir être exhaustif ici. Tout d'abord, les fidèles sont en général peu sensibles au thème de la vocation. La vie de prêtre ou de religieux n'apparaît pas attrayante de prime abord aux yeux des jeunes et aussi de leurs parents. Les familles sont pourtant un terreau essentiel pour les vocations !
Ensuite, étant donné que la vie presbytérale et la vie religieuse reposent sur une relation personnelle et intime avec le Christ, le SDV tente dans ses actions de créer les conditions d'une vraie rencontre avec le Seigneur. Or, nous constatons souvent chez les jeunes de grandes difficultés à entrer dans une démarche de silence et d'intériorisation. Ils sont agités par le bruit du monde extérieur. En paroisse, ils ont l'habitude de mener des actions tonitruantes.
Nous ne baissons pas les bras pour autant. Nous avons l'assurance de l'aide du Seigneur. Sa volonté est que son Eglise continue de prodiguer paix et miséricorde à travers les âges. Nos prières, nos paroles, nos actes peuvent aussi y contribuer.
+ R.P. Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete – 2016
La parole aux sans paroles – 54
Portrait d’un initiateur – Manutea (2)
Pour que l’Accueil Te Vaiete soit, il fallait une bonté d’âme et un esprit ingénieux. Manutea Gay est ce savant mélange. Il ne pouvait rester insensible à la détresse. C’est en toute discrétion qu’il ne cesse d’œuvrer depuis 30 ans dans l’ombre pour les personnes de l’ombre. Aujourd’hui, fort de son expérience, il fait le tour de notre situation sociale, avec honnêteté… sans langue de bois. La vérité toute crue d’un travail de terrain !
Comment Te Vaiete a été accueilli par l’opinion publique et par le politique ?
« Quand je disais que j’en ai eu honte, je pense que je n’étais pas le seul ! Les gens ont dû se demander pourquoi l’on faisait ça ici. Ils se disaient sûrement qu’on était en train d’entretenir des fainéants, je présume le genre de réflexions qu’il y a dû y avoir. Lorsque Madame Carlson a quitté son poste de maire, la nouvelle équipe a pris la suite et visiblement elle ne voyait pas d’un très bon œil ce qu’on faisait. Il a fallu donc aller les rencontrer pour expliquer nos actions, c’est ce que nous avons fait. C’est vrai qu’on accueille les sortants de prison, voire de grands délinquants parfois ! Notre rôle n’est pas de faire la justice. Nous avons eu quelques descentes de police, police municipale ; Et là, le docteur Jacques Raynal était en première ligne puisqu’il ouvrait son cabinet dès 6h le matin. Il parlementait avec les mutoi pour éviter de fragiliser toute la relation de confiance qu’on tentait d’instaurer avec nos accueillis. On ne défendait pas les délinquants mais on défendait le travail que nous faisions avec les jeunes. On expliquait aux mutoi que quelqu’un qui a le ventre vide devient forcément violent. D’ailleurs, à ce sujet, nombre de commerçants de la ville, notamment ceux autour du marché, sont rapidement venus nous remercier d’avoir ouvert Te Vaiete. Ils faisaient des dons en nous disant : "Depuis que vous avez ouvert, on est moins volé."
À l’époque on était loin du nombre de SDF qu’on a aujourd’hui. Je pense qu’aujourd’hui les commerçants ont encore des soucis avec ce genre de problèmes.
Alors, entre nous, si nous n’avions pas été téméraires dans l’action, on en serait où aujourd’hui ? Ce n’est peut-être pas 400 sdf qu’il y aurait en ville mais 2 000. C’est un travail de longue haleine, on les aide à faire leurs papiers, on les dirige vers les services compétents. Au début c’était l’avènement du RST, on les aidait à monter leur dossier. Ils étaient domiciliés nulle part, les services de la mairie ont accepté de considérer l’Accueil Te Vaiete comme domicile puisqu’il fallait une adresse.
On s’est rendu compte assez rapidement qu’après un bout de temps qui variait entre 15 jours et 6 mois environ certains accueillis réintégraient leur foyer ou famille. Ben, rien que ça, c’était positif ! Et pendant le temps d’errance dans la rue, il y avait Te Vaiete où ils pouvaient “s’accrocher”. Il ne faut pas oublier combien la rue est dangereuse ! Donc Te Vaiete est comme un rocher sur lequel ils peuvent s’accrocher pour ne pas sombrer dans la grande délinquance. Voilà, c’est comme ça que je vois l’intérêt de ce qu’on a monté. Je crois que nous avons évité beaucoup de drames et une grande précarité sociale pour beaucoup. Je le crois vraiment !
Au début, on tournait entre 30 et 40 accueillis chaque matin, aujourd’hui 20 ans après, on est à 40, 50. Si notre projet n’avait pas marché, en toute logique nous serions peut être à accueillir plusieurs centaines aujourd’hui ! Ça veut bien dire que les anciens ont réintégré leur milieu social. Donc, pour moi, la stabilité du nombre d’accueillis le matin est un bon indice et signe d’utilité. Je n’oublie pas bien évidemment en parallèle et en complémentarité les actions des travailleurs sociaux, les engagements bénévoles ponctuels et des autres associations. »
Mais, comment expliques-tu qu’on devienne SDF aujourd’hui ?
« Je ne suis pas un spécialiste en la matière. J’ai fait des études de biologie et pas du tout dans le social. (Rires) Mais, je m’y suis intéressé dans le cadre associatif. Je n’ai pas de réponses bien cadrées à donner, d’abord parce que je n’en suis pas capable, toutefois mes 30 ans passés comme bénévole au Secours Catholique vont me servir d’appui. Je ne pense pas qu’il y ait une seule cause, elles sont multiples. Avec les divers constats je pense que le dénominateur commun pour tous est le déséquilibre familial qui se décline sous des formes multiples, là encore. En premier lieu l’habitat, bien sûr, on peut habiter dans un fare simple mais propre et bien tenu avec de l’espace pour chacun. Comment veux-tu t’épanouir si tu grandis et vis dans un logement insalubre ? Ce n’est pas possible qu’un enfant puisse y trouver des repaires si bien qu’une fois adolescent, il fait sa crise, plus ou moins aigüe, comme tous les adolescents. S’il a la chance d’avoir des parents suffisamment solides pour l’accompagner dans cette crise, tant mieux. Par contre, s’il y a un déficit, il termine soit à la rue soit en prison, ou les deux. Nous rencontrons tous les cas de figure à Te Vaiete.
Il faut absolument travailler sur le bien-être de la famille, et ça, c’est aux autorités gouvernementales à se pencher là-dessus et réaliser une réflexion et un travail transversal interministériel pour des actes courageux. Il y a des professionnels en la matière qui connaissent bien le terrain, reste à mettre en acte. Voilà, ça, c’est mon avis. Alors peut-être que tout n’a pas été fait comme il le fallait aussi. Aujourd’hui il y a une relance de l’aide à l’habitat par le gouvernement actuel et notamment à l’habitat dispersé, c’est-à-dire les gens sont chez eux. On les aide à construire une maison chez eux. Ça, c’est une bonne chose ! Parce que la politique des lotissements sociaux que l’on a menée depuis 30 ou 40 ans est une catastrophe. Quand on interroge tous les jeunes qu’on reçoit, ils sortent presque tous de là. Donc c’est loupé ! Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître ! Il n’est pas question de jeter la pierre à qui que ce soit. C’est un constat, c’est un loupé ! Voilà donc pour la cellule familiale. Après, c’est une question d’individus aussi, vous trouverez des situations difficiles dans des familles bien équilibrées.
Après avoir évoqué le problème de l’habitat, aujourd’hui, il y a une évidence qui émerge : Pour moi la consommation régulière et intense de paka/cannabis depuis une quarantaine d’années, est un facteur à ne pas négliger pour appréhender les dégâts dans notre société. À Te Vaiete, soyons honnêtes, un tiers des accueillis devrait être en soins et surveillance psychiatrique. Le Secours Catholique, par sa branche associative Emauta qui gère quatre foyers d’accueil et d’hébergement de personnes en situation d’errance, témoigne d’une forte proportion des accueillis, notamment chez les hommes, qui relèverait de la psychiatrie. Et il n’y a pas que dans nos foyers, c’est partout ! La cause est la consommation d’alcool mais surtout de cannabis. Maintenant il y a l’ice, toutefois je pense que c’est tellement cher que les personnes en errance ne doivent pas pouvoir se payer ça. En revanche, comme le paka se cultive facilement tout le monde peut en avoir, même dans les jardins des mamies ! J’ai toujours été stupéfait de voir comment on en parlait librement dans les familles, presque sur un ton anecdotique et de la rigolade. J’avais remarqué ça, il y a 40 ans déjà. On parlait du sujet de manière un peu légère et banalisé. J’ai consulté de la bibliographie scientifique sur, justement les effets du cannabis et il est prouvé par les plus grands laboratoires et les plus grands chercheurs que cette substance détruit le cerveau, surtout des plus jeunes !
Alors que nous sommes nombreux à nous investir bénévolement pour aider les jeunes et les familles à se libérer de ce fléau, ici au fenua, il y a une association qui milite pour la légalisation de l’usage du cannabis. C’est une association déclarée à la DRCL dont les membres passent à la télévision et on leur donne le micro. Je trouve ça scandaleux. Vouloir légaliser le cannabis, c’est méconnaitre le phénomène et les effets néfastes sur les individus et leurs familles ! Bien évidemment, je suis contre. On a qu’à fermer toutes nos structures alors ! Si c’est si peu nocif ! »
On te sent très impliqué pour les SDF.
« Non, pas seulement pour les SDF. Ça fait plus de 30 ans que j’œuvre dans le social associatif, j’essaye d’analyser et de comprendre ce qui se passe. J’ai un passé actif qui m’a fait ouvrir les yeux sur beaucoup de situations, je n’aurais pas pu témoigner comme ça il y a 20 ans. Le social n’est pas mon métier ! Mais aujourd’hui, je comprends les raisons de certains dégâts dans les familles. Il ne s’agit pas d’aller dénoncer simplement, il faut mener une réflexion et surtout avoir l’humilité de reconnaître ses erreurs passées et ensuite agir.
Tu sais, j’ai grandi dans une grande famille qui a toujours été très impliquée au niveau des paroisses, au niveau des écoles et des mouvements divers, depuis tout petit, je voyais ma grand-mère, mes parents, mes taties, mes tontons animer les kermesses, les soirées caritatives et paroissiales. Donc je n’ai aucun mérite, j’ai baigné dedans depuis tout petit. »
Mais comment on passe de la biologie au social ?
« Je me suis engagé dans la vie associative comme responsable à l’âge de 30 ans, quand j’ai eu mes enfants. Et je me suis occupé du Secours Catholique à la demande de Monseigneur Michel Coppenrath qui me connaissait depuis l’âge de 7 ans, c’était mon aumônier chez les scouts. En même temps, j’étais Président de l’association des parents d’élève de l’école de la Mission où mes enfants étaient scolarisés. Aujourd’hui je préside encore l’association Emauta qui gère 4 foyers d’accueil et d’hébergement, association qui va fêter ses 20 ans cette année avec : le Bon Samaritain qui accueille des hommes, la Samaritaine qui accueille des femmes avec ou sans enfants, Te Arata (l’arche) qui accueille des familles et un petit foyer à Mahina, Maniniaura, qui accueille des jeunes filles mineures et jeunes adultes, enceinte ou avec un bébé. L’ensemble de ces accueillis est en situation d’errance. »
(à suivre)
© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016
Nous sommes tous frères et sœurs
Audience générale du mercredi 5 octobre 2016
« Que Dieu bénisse l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan ». Ce mercredi 5 octobre, le Pape a consacré sa catéchèse à son récent voyage dans le Caucase, du 30 septembre au 2 octobre 2016. Il a rendu grâce au Seigneur pour ce déplacement et exprimé sa reconnaissance aux autorités civiles et religieuses de Géorgie et d’Azerbaïdjan. Deux pays où il souhaitait non seulement soutenir les communautés catholiques qui y vivent en minorité, mais aussi encourager les populations locales sur le chemin de la paix et de la fraternité.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Pendant le week-end dernier, j’ai effectué un voyage apostolique en Géorgie et en Azerbaïdjan. Je rends grâce au Seigneur qui me l’a concédé et je renouvelle l’expression de ma reconnaissance aux Autorités civiles et religieuses de ces deux pays, en particulier au patriarche de toute la Géorgie, Elie II – son témoignage m’a fait beaucoup de bien au cœur et à l’âme – et au cheikh des musulmans du Caucase. Un merci fraternel aux évêques, prêtres, religieux et à tous les fidèles qui m’ont fait sentir leur chaleureuse affection.
Ce voyage a été la suite et le complément de celui que j’avais effectué en Arménie, au mois de juin. J’ai ainsi pu, grâce à Dieu, réaliser le projet de visiter ces trois pays du Caucase, pour confirmer l’Église catholique qui y vit et pour encourager le chemin de ces populations vers la paix et la fraternité. Les deux devises de ce dernier voyage l’ont souligné : pour la Géorgie, « Pax vobis » et pour l’Azerbaïdjan, « Siamo tutti fratelli ».
Ces deux pays ont des racines historiques, culturelles et religieuses très anciennes, mais en même temps ils vivent une nouvelle phase : en effet, tous deux célèbrent cette année le vingt-cinquième anniversaire de leur indépendance, ayant été pendant une bonne partie du XXème siècle sous le régime soviétique. Et dans cette phase, ils rencontrent certaines difficultés dans les différents domaines de la vie sociale. L’Église catholique est appelée à être présente, à être proche, spécialement sous le signe de la charité et de la promotion humaine ; et elle cherche à le faire en communion avec les autres Églises et communautés chrétiennes et en dialogue avec les autres communautés religieuses, avec la certitude que Dieu est Père de tous et que nous sommes frères et sœurs.
En Géorgie, cette mission passe naturellement par la collaboration avec nos frères orthodoxes, qui forment la grande majorité de la population. C’est pourquoi le fait que j’aie trouvé, à mon arrivée à Tbilissi à l’aéroport, le président de la République et, avec lui, le vénéré patriarche Elie II, a été un signe très important. La rencontre avec lui l’après-midi a été émouvante, de même que l’a été le lendemain la visite à la cathédrale patriarcale, où l’on vénère la relique de la tunique du Christ, symbole de l’unité de l’Église. Cette unité est corroborée par le sang de nombreux martyrs des diverses confessions chrétiennes. Parmi les communautés les plus éprouvées, il y a la communauté assyro-chaldéenne, avec laquelle j’ai vécu à Tbilissi un moment intense de prière pour la paix en Syrie, en Irak et dans tout le Moyen-Orient.
La messe avec les fidèles catholiques de Géorgie – latins, arméniens et assyro-chaldéens – a été célébrée en la mémoire de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne des missions : elle nous rappelle que la vraie mission n’est jamais du prosélytisme, mais attraction au Christ à partir d’une forte union avec lui dans la prière, dans l’adoration et dans la charité concrète, qui est un service rendu à Jésus présent dans le plus petit de nos frères. C’est ce que font les religieux et religieuses que j’ai rencontrés à Tbilissi, comme ensuite à Bakou : ils le font avec la prière et avec leurs œuvres de charité et de promotion. Je les ai encouragés à être fermes dans la foi avec mémoire, courage et espérance. Et puis il y a les familles chrétiennes : comme est précieuse leur présence d’accueil, d’accompagnement, de discernement et d’intégration dans la communauté !
Ce style de présence évangélique comme semence du Royaume de Dieu est, s’il est possible, encore plus nécessaire en Azerbaïdjan, où la majorité de la population est musulmane et où les catholiques sont quelques centaines, mais grâce à Dieu ils ont de bons rapports avec tous, en particulier ils maintiennent des liens fraternels avec les chrétiens orthodoxes. C’est pourquoi, à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, nous avons vécu deux moments que la foi sait garder dans un juste rapport : l’Eucharistie et la rencontre interreligieuse. L’Eucharistie avec la petite communauté catholique, où l’Esprit harmonise les différentes langues et donne la force du témoignage ; et cette communion dans le Christ n’empêche pas, au contraire, elle pousse à chercher la rencontre et le dialogue avec tous ceux qui croient en Dieu, pour construire ensemble un monde plus juste et fraternel. Dans cette perspective, m’adressant aux Autorités azéries, j’ai formé le vœu que les questions ouvertes puissent trouver de bonnes solutions et que toutes les populations du Caucase vivent dans la paix et le respect mutuel.
Que Dieu bénisse l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan, et qu’il accompagne le chemin de son peuple saint, pèlerin dans ces pays.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Les religions… des aubes de la Paix
Discours du pape François lors de la rencontre intereligieuse à la mosquée Heydar Aliyev de Bakou
La visite du pape à Bakou a été courte, mais riche. Après la messe célébrée dimanche 2 octobre 2016 au matin, le Pape a été reçu par le président de la République Ilham Aliyev, puis s’est recueilli en silence devant le mémorial de l’indépendance, avant de rencontrer les autorités et les représentants des différentes religions présentes dans le pays. C’est avec cette rencontre interreligieuse que le Pape a achevé son voyage dans le Caucase.
Se retrouver ici ensemble est une bénédiction. Je désire remercier le Président du Conseil des Musulmans du Caucase qui, avec sa courtoisie habituelle, nous accueille ainsi que les chefs religieux locaux de l’Église Orthodoxe russe et des communautés juives. Nous rencontrer dans l’amitié fraternelle en ce lieu de prières est un grand signe, un signe qui manifeste cette harmonie que les religions peuvent construire ensemble, à partir des relations personnelles et de la bonne volonté des responsables. En sont ici une preuve, par exemple, l’aide concrète que le Président du Conseil des Musulmans a apporté, en plusieurs occasions, à la communauté catholique, ainsi que les sages conseils qu’il partage avec elle dans un esprit de famille. Le beau lien qui unit les Catholiques à la communauté Orthodoxe, dans une fraternité concrète et avec une affection quotidienne - qui sont un exemple pour tous - sont aussi à souligner ; et de même l’amitié cordiale avec la communauté juive.
L’Azerbaïdjan profite de cette concorde, pays qui se distingue par l’accueil et l’hospitalité, qui sont des dons que j’ai pu expérimenter en cette journée mémorable pour laquelle je suis très reconnaissant. On souhaite ici conserver le grand patrimoine des religions, et on recherche en même temps une ouverture plus grande et plus féconde : le catholicisme également, par exemple, trouve place et harmonie parmi les autres religions bien plus nombreuses, signe concret qui montre comment, non pas l’opposition mais la collaboration aide à construire des sociétés meilleures et pacifiques. Le fait de nous trouver ensemble est aussi en continuité avec les nombreuses rencontres qui se déroulent à Bakou afin de promouvoir le dialogue et la multi culturalité. En ouvrant les portes à l’accueil et à l’intégration, les portes des cœurs de chacun s’ouvrent ainsi que les portes de l’espérance pour tous. J’ai confiance que ce pays « porte entre l’Orient et l’Occident », cultive toujours sa vocation d’ouverture et de rencontre, conditions indispensables pour construire de solides ponts de paix et un avenir digne de l’homme.
La fraternité et le partage que nous désirons faire grandir ne seront pas appréciés par celui qui veut mettre en évidence les divisions, attiser les tensions et tirer profit des oppositions et des différences ; mais elles sont invoquées et attendues par celui qui désire le bien commun, et surtout agréables à Dieu, Compatissant et Miséricordieux, qui veut que les fils et les filles de l’unique famille humaine soient plus unis entre eux et toujours en dialogue. Un grand poète, enfant de cette terre, a écrit : « Si tu es un homme, mélange-toi aux hommes, car les hommes se trouvent bien entre eux » (Nizami Ganjavi, Le livre d’Alexandre, I, Sur son propre état et sur le temps qui passe). S’ouvrir aux autres n’appauvrit pas mais enrichit, car cela aide à être plus humain ; à se reconnaître partie active d’un ensemble plus grand et à interpréter la vie comme un don pour les autres ; à voir comme but, non pas ses propres intérêts mais le bien de l’humanité, à agir sans idéalismes et sans interventionnismes, sans accomplir d’interférences dommageables ni d’actions forcées, mais toujours plutôt dans le respect des dynamiques historiques, des cultures et des traditions religieuses.
Les religions ont une grande tâche : accompagner les hommes en recherche du sens de la vie, en les aidant à comprendre que les capacités limitées de l’être humain et les biens de ce monde ne doivent jamais devenir des absolus. Nizami a écrit aussi :« Ne te repose pas solidement sur tes forces, tant que tu n’auras pas trouvé dans le ciel une demeure ! Les fruits du monde ne sont pas éternels, n’adore pas ce qui est périssable ! » (Leylà et Majnùn, Mort de Majnùn sur la tombe de Leylà). Les religions sont appelées à nous faire comprendre que le centre de l’homme est en dehors de lui, que nous sommes tendus vers le Très Haut infini et vers l’autre qui nous est proche. Il y a là un appel à orienter la vie vers un amour plus élevé et en même temps plus concret : cela ne peut que se trouver au sommet de toute aspiration authentiquement religieuse ; car – dit encore le poète –, « l’amour est ce qui ne change jamais, l’amour est ce qui ne finit jamais » (ibid., Désespoir de Majnùn).
La religion est donc une nécessité pour l’homme, pour qu’il réalise sa fin, une boussole pour l’orienter vers le bien et l’éloigner du mal qui est toujours accroupi à la porte de son cœur (cf. Gn 4, 7). En ce sens, les religions ont une tâche éducative : aider l’homme à tirer le meilleur de lui-même. Et nous, comme guides, nous avons une grande responsabilité pour donner des réponses authentiques à la recherche de l’homme qui est aujourd’hui souvent perdu dans les paradoxes tourbillonnants de notre époque. Nous voyons en effet, comment, de nos jours, d’une part sévit le nihilisme de celui qui ne croit plus à rien sinon à ses propres intérêts, avantages et profits, de celui qui rejette la vie en s’adaptant à l’adage : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis » (cf. F.M. Dostoïevski, Les frères Karamazof, XI, 4.8.9); d’autre part apparaissent de plus en plus les réactions rigides et fondamentalistes de celui qui, par la violence de la parole et des gestes, veut imposer des attitudes extrêmes et radicalisées, les plus éloignées du Dieu vivant.
Les religions, au contraire, en aidant à discerner le bien et à le mettre en pratique par les œuvres, par la prière et par l’effort du travail intérieur, sont appelées à construire la culture de la rencontre et de la paix, faite de patience, de compréhension, de pas humbles et concrets. C’est ainsi que l’on sert la société humaine. Celle-ci, pour sa part, est toujours tenue de vaincre la tentation de se servir du facteur religieux : les religions ne doivent jamais être instrumentalisées et ne peuvent jamais prêter le flanc à soutenir des conflits et des oppositions.
Un lien vertueux entre sociétés et religions, est en revanche fécond, une alliance respectueuse qui doit être construite et gardée, et que je voudrais symboliser par une image chère à ce pays. Je fais référence aux précieux vitraux artistiques qui se trouvent depuis des siècles sur cette terre, qui sont faits seulement de bois et de verres colorés (Shebeke). Il y a une particularité unique dans leur fabrication artisanale : les clous et la colle ne sont pas utilisés ; mais le bois et le verre tiennent ensemble et sont assemblés par un long et soigneux travail. De la sorte, le bois soutient le verre et le verre fait entrer la lumière.
De la même manière, c’est un devoir pour chaque société civile de soutenir la religion qui permet l’entrée d’une lumière indispensable pour vivre : c’est pourquoi il est nécessaire de leur garantir une réelle et authentique liberté. Les « colles » artificielles, qui forcent l’homme à croire en lui imposant un credo déterminé et en le privant de la liberté de choix, ne doivent donc pas être employées. Ne doivent pas non plus entrer dans les religions les « clous » extérieurs des intérêts mondains, des désirs de pouvoir et d’argent. Car Dieu ne peut pas être invoqué pour des intérêts de parti ou à des fins égoïstes, il ne peut justifier aucune forme de fondamentalisme, d’impérialisme ni de colonialisme. Encore une fois, de ce lieu si significatif, monte le cri qui vient du cœur : jamais plus de violence au nom de Dieu ! Que son saint Nom soit adoré, et non profané ni marchandé par les haines et les oppositions humaines.
Au contraire honorons la providentielle miséricorde divine envers nous, par la prière assidue et par le dialogue concret, « condition nécessaire pour la paix dans le monde […] devoir pour les chrétiens comme pour les autres communautés religieuses » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 250). La prière et le dialogue sont en relation très profonde : ils sont mus par l’ouverture du cœur et ils sont tendus vers le bien d’autrui ; ils s’enrichissent donc et se renforcent mutuellement. Avec conviction, l’Église catholique, à la suite du Concile Vatican II, « exhorte ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux » (Décl. Nostra aetate, n.2). Pas de « syncrétisme conciliant », pas d’« ouverture diplomatique qui dit oui à tout pour éviter les problèmes » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 251), mais dialoguer avec les autres et prier pour tous : voilà nos moyens pour transformer les lances en faucilles (cf. Is 2, 4), pour faire surgir l’amour où se trouve la haine et le pardon où se trouve l’offense, pour ne pas se lasser d’implorer et de parcourir les chemins de paix.
Une vraie paix, fondée sur le respect réciproque, sur la rencontre et sur le partage, sur la volonté de dépasser les préjugés et les torts du passé, sur le renoncement aux duplicités et aux intérêts de parti ; une paix durable, animée par le courage de dépasser les barrières, d’éradiquer les pauvretés et les injustices, de dénoncer et d’arrêter la prolifération des armes et les gains iniques faits sur le dos des autres. De la terre, notre maison commune, la voix de trop de sang crie vers Dieu (cf. Gn 4, 10). Nous sommes à présent interpellés pour donner une réponse, qui ne peut plus être reportée, afin de construire ensemble un avenir de paix : ce n’est plus le temps des solutions violentes et brusques, mais le moment urgent d’entreprendre des processus patients de réconciliation. La vraie question de notre temps n’est pas comment faire progresser nos intérêts - ce n’est pas la vraie question -, mais quelle perspective de vie offrir aux générations futures, comment laisser un monde meilleur que celui que nous avons reçu. Dieu et l’histoire même nous demanderont si, aujourd’hui, nous nous sommes dépensés pour la paix ; les jeunes générations, qui rêvent d’un avenir autre, nous le demande déjà du fond du cœur.
Que les religions, dans la nuit des conflits que nous sommes en train de traverser, soient des aubes de paix, des semences de renaissance parmi les dévastations de mort, des échos de dialogue qui résonnent infatigablement, des voies de rencontre et de réconciliation pour réussir là où les tentatives des médiations officielles semblent ne pas être suivies d’effets. Spécialement en cette terre bien-aimée de la région caucasienne, que j’ai tant voulu visiter et sur laquelle je suis arrivé en pèlerin de paix, que les religions soient des facteurs actifs pour dépasser les tragédies du passé et les tensions d’aujourd’hui. Que les inestimables richesses de ces pays soient connues et valorisées : les trésors anciens et toujours nouveaux de sagesse, de culture et de religiosité des peuples du Caucase sont une grande ressource pour l’avenir de la région, et en particulier pour la culture européenne, des biens précieux auxquels nous ne pouvons pas renoncer. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Manuels scolaires et théorie du genre
Conférence de presse du pape François – 22 octobre 2016
Durant la conférence de presse lors du voyage retour en Géorgie-Azerbaïdjan, le Pape François a aussi été interrogé sur ses propos pendant ce voyage apostolique, lorsqu’il a parlé de « guerre mondiale en cours contre le mariage » en cours. « L’image de Dieu est l’homme et la femme. Ensemble » a répondu le Saint-Père, évoquant le besoin de miséricorde lorsque le mariage se déchire. Interrogé ensuite sur la théorie du genre, et sur l’accompagnement des personnes homosexuelles ou transsexuelles, le Pape a répondu que « dans ma vie de sacerdoce, d’évêque, j’ai accompagné ces personnes, je les ai rapproché du Seigneur, je ne les ai jamais abandonnées ». Tous ces problèmes, selon les mots du Pape François, doivent se résoudre toujours avec la miséricorde de Dieu, ainsi qu’avec le cœur ouvert.
Joshua McElwee : Dans ce discours d’hier en Géorgie, vous avez parlé, comme dans de nombreux pays, de la théorie du genre, disant que c’est le grand ennemi, une menace contre le mariage. Mais je voudrais demander : que diriez-vous à une personne qui a souffert pendant des années avec sa sexualité et sent vraiment que c’est un problème biologique, que son aspect physique ne correspond pas à ce que lui ou elle considère être sa propre identité sexuelle ? Vous, comme pasteur et ministre, comment accompagneriez-vous ces personnes ?
Pape François : Avant tout dans ma vie de prêtre, d’évêque – et même de pape – j’ai accompagné des personnes avec une tendance ou des pratiques homosexuelles. Je les ai accompagnées, je les ai rapprochées du Seigneur, certains ne peuvent pas, mais je les ai accompagnées et je n’ai jamais abandonné personne. Il faut faire cela. Il faut accompagner les personnes comme le fait Jésus. Quand une personne qui est dans cette situation arrive devant Jésus, il ne lui dira certainement pas : « Va-t’en parce que tu es homosexuel ! », non !
Ce que j’ai dit concerne ce mal qui se fait aujourd’hui avec l’endoctrinement de la théorie du genre. Un papa français m’a raconté qu’à table en parlant avec ses enfants – lui est catholique, sa femme est catholique, ses enfants sont catholiques, à l’eau de rose, mais catholiques – et il a demandé à son fils de dix ans : « Et toi que veux-tu faire quand tu seras grand ? – Une fille » Et le papa s’est aperçu que dans les livres scolaires, on enseignait la théorie du genre. Et cela est contre les choses naturelles. Une chose est qu’une personne ait cette tendance, cette option, et il y a aussi ceux qui changent de sexe. Et une autre chose est de donner un enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer les mentalités. Cela, je l’appelle « colonisations idéologiques ».
L’année dernière, j’ai reçu une lettre d’un Espagnol qui me racontait son histoire quand il était enfant, adolescent. Il était une petite fille, une fille et il a beaucoup souffert parce qu’il se sentait garçon mais physiquement il était une fille. Il l’a raconté à sa maman quand il avait déjà une vingtaine d’années, 22 ans, et lui a dit qu’il voulait se faire faire une intervention chirurgicale etc. Et sa maman lui a demandé de ne pas le faire tant qu’elle serait en vie. Elle était âgée et elle est morte rapidement. Il a fait l’intervention. Il est employé dans un ministère d’une ville d’Espagne. Il est allé trouver l’évêque. L’évêque l’a beaucoup accompagné, un bon évêque : il « perdait » son temps pour accompagner cet homme. Puis celui-ci s’est marié. Il a changé son identité civile, il est marié et il m’a écrit que ce serait une consolation pour lui de venir avec son épouse : lui qui était elle, mais qui est lui. Et je les ai reçus. Ils étaient contents. Et dans le quartier où il habitait, il y avait un vieux prêtre, de quatre-vingts ans, le vieux curé qui avait quitté sa paroisse et qui aidait des sœurs, là, dans la paroisse… Et il y avait le nouveau. Quand le nouveau le voyait, du trottoir, il lui criait : « Tu iras en enfer ! ». Quand il trouvait le vieux, celui-ci lui disait : « Depuis quand ne t’es-tu pas confessé ? Viens, viens, que je te confesse et tu pourras communier ».
Tu as compris ? La vie est la vie, et les choses doivent se prendre comme elles viennent. Le péché est le péché. Les tendances ou les déséquilibres hormonaux créent tant de problèmes et nous devons être attentifs à ne pas dire : « Tout est pareil, faisons la fête ». Non, cela, non. Mais accueillir chaque cas, l’accompagner, l’étudier, discerner et l’intégrer. Voilà ce que ferait Jésus aujourd’hui.
S’il vous plaît, ne dites pas : « le pape va canoniser les trans » S’il vous plaît, parce que je vois déjà les titres des journaux… Y a-t-il des doutes sur ce que j’ai dit ? Je veux être clair. C’est un problème de morale. C’est un problème. C’est un problème humain. Et il faut le résoudre comme on peut, toujours avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité, comme nous l’avons dit dans le cas du mariage, en lisant Amoris Laetitia tout entier, mais toujours comme cela, toujours le cœur ouvert.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Commentaire des lectures du dimanche
« Et les neuf autres, où sont-ils ? »
L’évangile nous rappelle qu’aujourd’hui tout comme au temps de Jésus, la gratitude est une vertu rare… et c’est bien triste. Nous ne sommes pas très à l’aise devant la nécessité de remercier.
Mark Twain écrivait : « Si vous ramassez un chien affamé, vous lui donnez à manger et prenez soin de lui, il vous en sera reconnaissant, s’attachera à vous et ne vous mordra pas. C’est là la différence principale entre un chien et un être humain. » Cette remarque peut sembler injuste et pessimiste, mais malheureusement elle reflète souvent la réalité.
Nous avons l’impression que la gratitude ne fait pas partie de nos habitudes. Nous vivons à une époque où les êtres humains croient qu’ils ne doivent rien à personne, qu’ils se sont fait eux-mêmes, qu’ils sont des « self-made men » ou des « self-made women ». « Ce que j’ai, ce que je suis, je ne le dois à personne d’autre qu’à moi-même ! »
Je me pose parfois la question : moi qui me pense si intelligent, si débrouillard, si plein de talents, qui a eu du succès dans la vie, que serais-je devenu sans mes parents, mes amis, mes professeurs... quelle carrière aurait été la mienne si j’étais né au Congo, au Ruanda, au Brésil, en Irak, au Vietnam, en Chine ?
Plusieurs aujourd’hui affirment n’avoir besoin ni des autres, ni de Dieu. Ils sont « indépendants » et ne veulent dépendre de personne.
Nous avons reçu de quelqu’un d’autre la vie, l’éducation, la santé, les talents. Sans ceux et celles qui nous entourent, nous n’aurions pas le succès que nous connaissons. Ceci devrait nous inviter à un peu plus de simplicité, de modestie et de reconnaissance.
Et l’évangile de ce jour ne parle pas seulement de reconnaissance. Le pharisien revient sur ses pas pour remercier, mais aussi pour « rendre hommage », il vient adorer. « Il revient sur ses pas en glorifiant Dieu à haute voix et se prosterna aux pieds de Jésus en le remerciant. »
Dans notre monde séculariste, on a tendance à séculariser l'Évangile. Nous acceptons l’aspect social, l’entraide humain et l’amour des démunis de l’Évangile, mais on voudrait que tout s’arrête là. Tout ce qui s'appelle culte, louange, glorification de Dieu est mis de côté.
« Il se prosterne la face contre terre ! », un geste que les gens des pays riches ne font plus. Nous avons le ventre trop plein pour nous prosterner profondément. Les hommes de l'Islam, qui sont capables de se plier en deux jusqu'à mettre le front contre la terre, nous donne un exemple de cette façon de rendre hommage, d’adorer.
Peut-être que l'abandon du culte dominical par des milliers de chrétiens est l'illustration la plus caractéristique de cette perte de louange et d’adoration. On ne sent plus le besoin, de dire merci, de glorifier Dieu. Devant le petit nombre de chrétiens qui vivent l'Eucharistie dominicale, on est tenté de dire comme Jésus : « Où sont donc tous les autres ? Ne sont-ils pas aimés de Dieu eux aussi ? »
Autrefois, on disait merci au Seigneur avant et après le repas, on remerciait à la fête d’Action de grâce pour les récoltes et la nourriture qui nous venait de la ferme, on se réunissait chaque dimanche avec la communauté chrétienne, pour dire merci pour le don de la vie, pour la famille, pour la paix dans notre pays, pour la nourriture abondante, pour la joie d’être chrétien. Aujourd’hui, bon nombre ne sentent plus ce besoin de dire merci.
Le chrétien, ce n’est pas celui ou celle qui fait de longue prières, qui demande des grâces, c’est celui ou celle qui rend grâce, qui remercie. Le mot « eucharistie » veut dire « remercier ». Participer à l’eucharistie, c’est prendre part à cette action de grâce.
Le Samaritain de l’évangile devient donc, non seulement le symbole de la personne sauvée, de la personne reconnaissante mais aussi le symbole de celui qui sait rendre grâce, qui sait remercier, qui sait s’agenouiller.
La célébration d’aujourd’hui est une excellente occasion pour récupérer une attitude de reconnaissance envers Dieu, une attitude qui devient acte d’adoration, de glorification... un hymne d’amour.
Réapprenons à nous agenouiller pour remercier Dieu, pour le féliciter de tout ce qu’il fait dans nos vies. Nous pourrons ainsi renouveler notre confiance en lui, sachant qu’il ne nous laissera pas tomber dans nos moments de détresse, de maladie et de mort.
© Cursillo