Pko 07.08.2016

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°44/2016

Dimanche 7 août 2016 – XIXème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Humeurs…

Le « Truck de la Miséricorde » prend son envol !

« Petit à petit l’oiseau fait son nid »… et le Truck de la Miséricorde, œuvre de l’Année de la Miséricorde, prend petit à petit ses « routes ». Cette véritable œuvre de solidarité qui a germé, il y a quelques mois, a pu être réalisée grâce à un véritable élan de générosité.

Début avril, nous vous annoncions ce projet de l’« Année de la Miséricorde ». Le « Boxer », année 2013, venait de nous être gracieusement offert par un bienfaiteur anonyme. Puis rapidement les choses se sont mises en place. Après l’avoir assuré, nous l’avons « customisé » grâce au talent de JOPS. La dernière étape fut l’agencement intérieur, lui aussi gracieusement offert par l’entreprise Amouy. Encore quelques petites mises en place : éclairage Led, fixation de la fontaine Premium… et tout y est.

C’est Mgr Martin KREPS, Délégué apostolique, accompagné de Père Jean-Pierre COTTANCEAU, Administrateur apostolique, qui, lors de son séjour à Tahiti, a béni le « Truck de la Miséricorde », le 28 juin au petit matin à l’Accueil Te Vai-ete en présence de nos amis de la rue et des bénévoles de l’Accueil.

Le jeudi suivant, le « Truck de la Miséricorde » commençait sa mission, lors de la tournée de dépistage « Syphilis-SIDA ». Depuis, chaque jeudi soir, avec une petite équipe médicale et des bénévoles, on peut le voir sillonner la zone urbaine de 20h à 1h du matin. Outre l’aspect dépistage à proprement parler, il y a aussi tout le côté rencontre et partage. Pendant que le médecin et les infirmiers informent et dépistent, les autres bénévoles offrent du café, du chocolat, des soupes et des petites confiseries. Tout cela dans la joie, la bonne humeur et parfois même avec des éclats de rire. Une expérience riche en humanité.

Mardi dernier, le « Truck de la Miséricorde » a ajouté une autre action à « sa route ». Nous avons commencé notre première maraude. Cette nouvelle action prévoit que chaque mardi soir, nous allions à la rencontre des personnes à la rue que nous ne rencontrons pas dans nos structures d’accueil. Là encore, c’est dans un esprit convivial que les bénévoles se retrouvent à l’Accueil Te Vai-ete pour préparer et conditionner les plats de « ma’a » avant de partir en tournée dans la zone urbaine allant de Faaa jusqu’à Pirae. Pour notre première tournée, 37 plats ont été offerts…

À la rentrée scolaire, le « Truck de la Miséricorde » commencera une autre mission. Il stationnera près de Marché de Papeete, juste à côté du local des médiateurs urbains, afin d’y accueillir et d’y recevoir tous les mercredis après-midi, les jeunes scolaires et permettre le dépistage « Syphillis-SIDA ».

Merci, vraiment merci à vous tous pour votre soutien… Bienvenus à ceux qui voudraient se joindre à nous particulièrement pour nos maraudes du mardi soir (de 17h à 21h30).

Chronique de la roue qui tourne

Les blessures de la vie

Nous avons tous une blessure de vie et nous devons apprendre à vivre blessés.

La citation de la semaine vient d’un de mes proches. Eh oui, c’est une réalité ! À des degrés différents, nous avons tous été blessés par une absence, un rejet, une trahison, une humiliation. De telles blessures sont très lourdes à porter car nous nous construisons avec l’interaction de nos proches. Comment avoir une estime de soi quand nous avons été dédaignés et piétinés ? Comment savoir de quoi nous sommes capables quand nous avons été traités de moins que rien ? Comment être nous-mêmes quand nous avons été brimés ?

Une blessure, physique ou morale, nous met face au même choix : Pleurer, et c’est amplement justifié, et regarder notre blessure s’infecter. Ou, souffrir, mais tenter de soigner sa plaie.

Je ne dis pas que c’est facile mais j’affirme que c’est possible.

Détournez vos yeux du regard méprisant car il y a d’autres yeux qui brillent d’amour pour vous. Calmez vos pleurs car vos rires veulent s’entendre. Éloignez-vous de ceux qui vous nuisent car il y a d’autres personnes qui attendent de se rapprocher de vous. Fermez vos oreilles aux insultes des méchantes bouches car quelqu’un aimerait vous murmurer des mots doux. Oubliez l’absence d’untel car d’autres veulent être là pour vous.

Lorsque l’amour d’un proche nous est refusé, sachons regarder ailleurs pour le trouver ! Lorsqu’une personne nous blesse, montrons-lui combien elle est futile à notre bonheur !

N’ayez pas peur d’être vous-mêmes car il y a quelqu’un qui vous aime ainsi.

La chaise masquée

© Nathalie SH – P.K.0 – 2016

« Qu’ils aient en eux ma joie »

En marge de l’actualité du mercredi 3 août 2016

En suivant le rassemblement des jeunes à Cracovie lors des JMJ, et en participant au rassemblement diocésain de Dimanche à Taravao regroupant plus d’un millier de jeunes, je n’ai pu m’empêcher d’être frappé par la joie qui se lisait sur tous les visages. Ce n’était ni une rencontre sportive, ni un concert de musique, et pourtant, l’enthousiasme était bien au rendez-vous. Il vaudrait la peine de se demander de quelle joie brillaient alors tous ces visages. Il y a des joies passagères qui ne durent qu’un temps et s’évanouissent très vite. Il y a les plaisirs qui ne sont bien souvent que sources de fausses joies… Mais il y a aussi la joie quand s’ouvrent à nous des raisons d’espérer et d’aimer, quand sont reconnues des choses belles et vraies qui aident à grandir. Cette joie est liée à la bonté du cœur, elle s’accompagne de générosité. Elle ouvre sur les autres et sur le monde. C’est la joie du Père qui voit revenir son Fils et l’accueille à bras ouverts, c’est la joie du Fils qui se sent accueilli malgré ce qu’il a fait, c’est la joie de reprendre confiance en soi car les autres ont confiance en nous, c’est la joie de se savoir utile et de découvrir que les autres ont besoin de nous, c’est la joie de donner sens à notre vie, d’aimer et de se savoir aimé.

Ne serait-ce pas dans le message que le Pape François adresse aux jeunes qu’il faut chercher la source de cette joie ? Il nous dit dans son homélie du Dimanche 31 Juillet : « Dieu nous aime ainsi comme nous sommes, et aucun péché, défaut ou erreur ne le fera changer d’idée. Pour Jésus – l’Évangile nous le montre -, personne n’est inférieur et distant, personne n’est insignifiant, mais nous sommes tous préférés et importants : tu es important… Dieu compte sur toi pour ce que tu es, non pour ce que tu as ; à ses yeux ne vaut vraiment rien le vêtement que tu portes ou le téléphone portable que tu utilises ; que tu sois à la mode ne lui importe pas, ce qui lui importe, c’est toi. Tu as de la valeur à ses yeux et ta valeur est inestimable… Chers jeunes, n’ayez pas peur de lui dire “oui” avec tout l’élan de votre cœur, de lui répondre généreusement, de le suivre ! Ne vous laissez pas anesthésier l’âme, mais visez l’objectif du bel amour, qui demande aussi le renoncement, et un “non” fort au doping du succès à tout prix et à la drogue de penser seulement à soi et à ses propres aises… Le Seigneur désire venir chez toi, habiter ta vie de chaque jour : les études et les premières années de travail, les amitiés et les affections, les projets et les rêves. Comme il lui plaît que dans la prière, tout cela lui soit porté ! Comme il espère que parmi tous les contacts et les “chats” de chaque jour il y ait à la première place ! Comme il désire que sa Parole parle à chacune de tes journées, que son Évangile devienne tien, et qu’il soit ton “navigateur” sur les routes de la vie ! ».

Saurons-nous emboiter le pas au Saint Père pour porter sur nos jeunes un regard positif, porteur d’espérance, de confiance et d’amour, un regard qui les aide à grandir et leur permette d’entretenir cette joie, de la rendre contagieuse afin qu’ensemble, nous puissions la partager et la faire briller autour de nous ?

+ R.P. Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2016

La parole aux sans paroles – 47

Portrait d’une bénévole de la première heure : Florence

Bertha Von Suttner disait : « Après le verbe aimer, aider est le plus beau verbe du monde. » Et Florence en fait une réalité ! Et elle ne se ménage pas à la tâche ! À son époque, Te Vaiete n’avait pas encore de cuisine. Donc Florence cuisinait la veille et arrivait avec ses « pani » dans le coffre. Plus qu’un bénévolat, un don de soi exemplaire !

En quelle année as-tu été bénévole à Te Vaiete ?

« Oh la la, je ne m’en rappelle plus ! (Rires) C’était avant que Père Christophe ne parte en France. Peut-être en 1994, 1995. »

Comment et pourquoi es-tu devenue bénévole ?

« J’étais dans le Secours Catholique déjà et dans le groupe de prière “Ephata”, j’ai connu Père. Et un jour, comme ça, j’ai dit à Père que j’avais deux mains, s’il en a besoin. C’est comme ça que j’ai commencé à Te Vaiete. C’est comme ça que j’ai cheminé dans le bénévolat. On a commencé au Secours Catholique en allant à Noël à la rencontre des familles, on faisait à manger et on distribuait. On offrait le repas de Noël. Ça, c’était avant Te Vaiete. Après, je suis passée à Te Vaiete. Je crois que c’est venu comme ça, ça s’est enchainé comme ça ! Bon, c’est vrai que le début a été un peu dur parce qu’il n’y avait pas la cuisine d’aujourd’hui. Il fallait se lever à 4h du matin pour faire à manger. Et comme j’habite Tautira, j’allais chez mon frère ou chez Rose-Marie. La veille au soir, je faisais la mise en place et le matin, à 4h, je faisais le riz, à manger et tout. Et je me promenais comme ça avec les marmites jusqu’à Te Vaiete ! À Te Vaiete, on avait un réchaud, on faisait le café, on préparait le pain beurré. Petit-à-petit, j’ai compris que ce qui comptais c’était aller vers l’autre, être à l’écoute et accompagner pour relever l’autre ! On était trois bénévoles femmes et Papa Tihoni, qui est décédé aujourd’hui. Ah lui, c’était quelqu’un ! »

Et tu allais à Te Vaiete tous les jours ?

« Non, je crois que j’y allais deux fois par semaine. À l’époque, l’assiette de ma’a n’était pas servie tous les jours. Un jour, on faisait le ma’a, un autre c’était pain beurré, chesdale, beans et du jambon si on en avait. »

Comment tu choisissais tes menus ?

« Le Secours Catholique nous donnait de quoi cuisiner. Ou alors, on allait rencontrer des personnes. Si on voulait du poisson, on allait au port de pêche demander des lames de poisson. Il m’est arrivé d’aller à la Charcuterie du Pacifique pour avoir du jambon et tout pour améliorer le café quand il n’y avait pas de ma’a. »

Donc vous étiez bénévoles, vous cuisiez le ma’a chez vous et vous partiez même à la rencontre des donateurs.

« Oui, c’est ce qu’on faisait déjà dans le Secours Catholique ! Il ne faut pas attendre que ça vienne tout seul. Il faut aller, il faut pousser les murs comme on dit. »

Et c’était facile ?

« Oui, ça va. J’ai eu un petit problème juste une fois mais c’était rien ! Ce n’était rien à côté de ce qu’on recevait. »

Comment Te Vaiete était accueilli par tes proches ?

« Ça n’a pas été facile. Je sais que mes enfants étaient choqués de me voir autant m’investir. »

Mais qu’est-ce que ça t’apportait de t’investir pour les SDF ?

« Il est important de préciser qu’avec les SDF, jamais je n’ai été agressée, ni verbalement, ni physiquement. Il y avait des matins où j’étais seule et jamais je n’ai eu de problème, jamais. Ça s’est toujours très bien passé. Il y en avait toujours un qui venait me donner un coup de main. Bon, qu’est-ce que ça m’apportait ? Ça m’a aidé à voir ce que je suis, une rencontre avec moi-même. Ça m’a beaucoup apporté au niveau de mon cheminement. Ça m’a permis de me rabaisser, je crois que j’étais trop "high" avant. (Rires) Pour être avec tout le monde. »

Y avait-il beaucoup de SDF ?

« De mon temps, ça tournait entre 15 et 30. Ce n’était pas régulier ! »

Des jeunes ?

« Il y avait des vieux, des vieux abandonnés dans la ville. Il y avait des jeunes aussi. Il n’y avait pas beaucoup de familles à cette époque. Au début, les familles n’osaient pas venir. On avait plutôt les caïds de la ville. Et des prisonniers, parfois, parce que, quand ils sortaient, ils se retrouvaient à la rue. Avec eux, il fallait un moment pour qu’ils enlèvent leur capuche. (Rires) »

Ton plus beau souvenir ?

« Mon meilleur souvenir, c’est avec Moï. Moï, c’était un homme qui dormait sur les trottoirs en ville. À chaque fois qu’il venait, on le passait à la douche. Et, ce jour-là, il avait les cheveux tous crados, la barbe aussi. Je lui ai dit : "Bon, je vais te couper les cheveux." Lui était agressif, il était méchant mais jamais avec moi. Il est venu, il s’est assis et tous les jeunes qui étaient dehors regardaient la scène. J’ai pris les ciseaux, j’ai coupé ses cheveux et j’ai rasé sa barbe. Moï était là, il se laissait faire et il me regardait. Mais on dirait que ce n’était pas ses yeux, tellement il me regardait avec tendresse ! Il était tellement touché qu’il est resté un moment comme ça. Je pense que ça a fait aussi beaucoup de bien à ceux qui regardaient de dehors. »

Le plus dur ?

« Quand je suis partie ! Bon, j’avais besoin de partir mais ça a été dur quand même. J’ai fait Te Vaiete pendant 4 ans, ça commençait à être lourd. Mais ça reste le moment le plus dur. Ça me manquait, beaucoup ! Mais, je n’avais pas de chez moi en ville, je venais de Tautira à chaque fois. Mais, avant de partir, j’ai cherché quelqu’un pour me remplacer à Te Vaiete et j’ai trouvé Danielle. J’ai proposé Danielle à Père Christophe, je ne savais pas qu’ils se connaissaient déjà. Il m’a répondu : "Ben oui, bonne idée !" C’est comme ça que Danielle a pris ma suite. Mais elle n’est plus là aujourd’hui. »

Qu’est-ce qui te manque ?

« Ça va puisque je continue toujours avec le Secours Catholique. Je sers des familles à la Presqu’île, à Tautira et au Fenua Aihere. Ça fait que je suis toujours un peu dans le milieu. Surtout pour accompagner les familles, il faut être sévère des fois. (Rires) Accompagner des familles pour les relever, ce n’est pas évident. Parfois, il faut se fâcher avec eux pour qu’ils bougent. »

As-tu vu quand même la belle cuisine de Te Vaiete ? (Rires)

« Oui, des fois, Père Christophe m’invite, d’ailleurs j’étais là pour les 20 ans. Donc, j’ai vu ça, c’est luxe ! Ça n’a rien à voir avec ce qu’on avait. Des fois, on avait les pieds dans l’eau. Oh la la, c’était une catastrophe ! (Rires) On avait aussi des champions ! Un jour, on a eu une grosse bonite, qui faisait bien un mètre. On l’avait laissée sur l’évier, ça allait être le repas du lendemain. Il y avait quelques jeunes par là. Malins comme tout, ils m’ont fait tourner le dos. Au moment de partir, il n’y avait plus de bonite ! (Rires) Alors, pendant toute la semaine, on n’a servi que du pain et du chesdale ! (Rires) Il fallait le faire, sortir une si grosse bonite sans être vu ! C’était vraiment des champions ! C’est ça Te Vaiete, des matins, tu trainais la patte pour y aller mais tu sortais en petit papillon ! (Rires) »

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016

Le cœur d’une personne consacrée ne doit jamais être dur

Homélie du pape François au sanctuaire Saint Jean-Paul II de Lagiewniki

Quatrième jour des Journées mondiale de la jeunesse en Pologne. Au lendemain d’une journée sous le signe de la souffrance et de la mémoire, c’est le thème de la miséricorde qui ont rythmé les différents rendez-vous du samedi 30 juillet. Les cœurs étaient emplis de la présence de Saint-Jean-Paul II et de Sainte-Faustine, deux apôtres de la miséricorde auxquels le peuple Polonais est très attaché.

Le passage de l’Évangile que nous avons entendu (cf. Jn 20, 19-31) nous parle d’un lieu, d’un disciple et d’un livre.

Le lieu est celui où se trouvaient les disciples le soir de Pâques : on dit seulement que les portes en étaient verrouillées (cf. v. 19). Huit jours après, les disciples se trouvaient encore dans cette maison, et les portes étaient encore verrouillées (cf. v. 26). Jésus y entre, se place au milieu et apporte sa paix, l’Esprit Saint et le pardon des péchés : en un mot, la miséricorde de Dieu. En ce lieu fermé, l’invitation que Jésus adresse aux siens résonne avec force : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (v. 21).

Jésus envoie. Lui, il désire, dès le début, que l’Église soit en sortie, qu’elle aille dans le monde. Et il veut qu’on le fasse comme lui-même a fait, comme lui a été envoyé dans le monde par le Père : non en puissant, mais dans la condition de serviteur (cf. Ph 2, 7), non « pour être servi, mais pour servir » (Mc 10, 45) et pour porter la Bonne Nouvelle (cf. Lc 4, 18) ; ainsi, les siens sont aussi envoyés, à chaque époque. Le contraste est frappant : tandis que les disciples ferment les portes par crainte, Jésus les envoie en mission ; il veut qu’ils ouvrent les portes et sortent pour répandre le pardon et la paix de Dieu, par la force de l’Esprit Saint.

Cet appel est aussi pour nous. Comment ne pas y entendre l’écho de la grande invitation de saint Jean-Paul II : « Ouvrez les portes ! » ? Toutefois, dans notre vie de prêtres et de consacrés, il peut y avoir souvent la tentation de rester, par crainte ou par commodité, un peu repliés sur nous-mêmes et sur nos milieux. Mais la direction que Jésus indique est à sens unique : sortir de nous-mêmes. C’est un voyage sans billet de retour. Il s’agit d’accomplir un exode de notre moi, de perdre sa vie pour Lui (cf. Mc 8, 35), en suivant la voie du don de soi. D’autre part, Jésus n’aime pas les chemins parcourus à moitié, les portes laissées entrouvertes, les vies à double voie. Il demande de se mettre en chemin en étant légers, de sortir en renonçant à ses propres sécurités, établis seulement en Lui.

En d’autres termes, la vie de ses disciples les plus intimes, que nous sommes appelés à être, est faite d’amour concret, c’est-à-dire de service et de disponibilité ; c’est une vie où il n’existe pas d’espaces clos et de propriétés privées pour ses propres commodités – du moins, il ne doit pas y en avoir. Celui qui a choisi de rendre toute son existence conforme à Jésus ne choisit pas ses propres lieux, mais il va là où il est envoyé ; prêt à répondre à celui qui l’appelle, il ne choisit même plus ses propres temps. La maison où il habite ne lui appartient pas, parce que l’Église et le monde sont les lieux ouverts de sa mission. Son trésor, c’est de placer le Seigneur au centre de la vie, sans rechercher quelque chose d’autre pour soi. Il fuit ainsi les situations satisfaisantes qui le mettraient au centre, il ne se dresse pas sur les piédestaux branlants des pouvoirs du monde et ne se complait pas dans les commodités qui amollissent l’évangélisation ; il ne perd pas son temps à envisager un avenir sûr et bien rétribué, pour ne pas risquer de s’isoler et de devenir maussade, renfermé dans les murs étroits d’un égoïsme sans espérance et sans joie. Épanoui dans le Seigneur, il ne se satisfait pas d’une vie médiocre, mais brûle du désir de témoigner et de rejoindre les autres ; il aime à risquer et il sort, non pas contraint par des parcours déjà tracés, mais ouvert et fidèle aux caps indiquées par l’Esprit : se refusant à vivoter, il se réjouit d’évangéliser.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, en second lieu, émerge la figure de l’unique disciple nommé, Thomas. Dans son doute et dans son impatience de vouloir comprendre, ce disciple, également assez obstiné, nous ressemble un peu et nous est aussi sympathique. Sans le savoir, il nous fait un grand cadeau : il nous conduit plus près de Dieu, parce que Dieu ne se cache pas à celui qui le cherche. Jésus lui montre ses plaies glorieuses, il lui fait toucher de la main l’infinie tendresse de Dieu, les signes vivants de tout ce qu’il a souffert par amour pour les hommes.

Pour nous disciples, il est si important de mettre notre humanité au contact de la chair du Seigneur, c’est-à-dire de lui apporter, avec confiance et avec une sincérité totale, jusqu’au bout, ce que nous sommes. Jésus, comme il l’a dit à sainte Faustine, est content que nous lui parlions de tout, il ne se lasse pas de nos vies qu’il connaît déjà, il attend notre partage, jusqu’au récit de nos journées (cf. Journal, 6 septembre 1937). On cherche Dieu ainsi, dans une prière transparente et qui n’oublie pas de confier et de remettre les misères, les peines et les résistances. Le cœur de Jésus est conquis par l’ouverture sincère, par des cœurs qui savent reconnaître et pleurer leurs propres faiblesses, confiants que la miséricorde divine agira là-même. Que nous demande Jésus ? Il désire des cœurs vraiment consacrés, qui vivent du pardon reçu de Lui, pour le reverser avec compassion sur les frères. Jésus cherche des cœurs ouverts et tendres envers les faibles, jamais durs ; des cœurs dociles et transparents, qui ne dissimulent pas devant celui qui a la tâche dans l’Église d’orienter le chemin. Le disciple n’hésite pas à poser des questions, il a le courage d’habiter le doute et de le porter au Seigneur, aux formateurs et aux Supérieurs, sans calculs ni réticences. Le disciple fidèle met en œuvre un discernement vigilant et constant, sachant que le cœur doit s’éduquer chaque jour, à partir des affections, pour fuir toute duplicité dans les attitudes et dans la vie.

L’apôtre Thomas, à la fin de sa recherche passionnée, n’est pas seulement parvenu à croire en la résurrection, mais il a trouvé en Jésus le tout de la vie, son Seigneur ; il lui a dit : « Mon Seigneur et mon Dieu » (v. 28). Cela nous fera du bien, aujourd’hui et chaque jour, de prier avec ces paroles splendides, pour lui dire : tu es mon unique bien, la route de mon cheminement, le cœur de ma vie, mon tout.

Dans le dernier verset que nous avons entendu, on parle, enfin, d’un livre : c’est l’Évangile, dans lequel n’ont pas été écrits les nombreux autres signes accomplis par Jésus (v.30). Après le grand signe de sa miséricorde, nous pourrions le comprendre, il n’a plus été nécessaire d’ajouter autre chose. Mais il y a encore un défi, il y a un espace pour les signes accomplis par nous, qui avons reçu l’Esprit d’amour et qui sommes appelés à répandre la miséricorde. On pourrait dire que l’Évangile, livre vivant de la miséricorde de Dieu, qui doit être lu et relu continuellement, a encore des pages vierges au fond : il reste un livre ouvert, que nous sommes appelés à écrire avec le même style, c’est-à-dire en accomplissant des œuvres de miséricorde. Je vous pose la question, chers frères et sœurs : les pages du livre de chacun de vous, comment sont-elles ? Sont-elles écrites chaque jour ? Sont-elles écrites un peu oui et un peu non ? Sont-elles vierges ? Que la Mère de Dieu nous aide en cela : elle, qui a pleinement accueilli la Parole de Dieu dans sa vie (cf. Lc 8, 20-21), qu’elle nous donne la grâce d’être des écrivains vivants de l’Évangile ; que notre Mère de miséricorde nous enseigne à prendre soin concrètement des plaies de Jésus dans nos frères et sœurs qui sont dans le besoin, de ceux qui sont proches comme de ceux qui sont loin, du malade comme du migrant, parce qu’en servant celui qui souffre, on honore la chair du Christ. Que la Vierge Marie nous aide à nous dépenser jusqu’au bout pour le bien des fidèles qui nous sont confiés, et à nous prendre en charge les uns les autres, comme de vrais frères et sœurs dans la communion de l’Église, notre sainte Mère.

Chers frères et sœurs, chacun de nous garde dans son cœur une page très personnelle du livre de la miséricorde de Dieu : c’est l’histoire de notre appel, la voix de l’amour qui a attiré et transformé notre vie, nous portant à tout laisser sur parole et à le suivre (cf. Lc 5, 11). Ravivons aujourd’hui, avec gratitude, la mémoire de son appel, plus fort que toute résistance et fatigue. En continuant la célébration eucharistique, centre de notre vie, remercions le Seigneur, parce que, par sa miséricorde, il est entré à travers nos portes fermées ; parce que comme Thomas, il nous a appelés par notre nom, afin qu’il nous donne la grâce de continuer à écrire son Évangile d’amour.

© La Croix – 2016

Jeune ne vivez pas dans la facilité

Discours du Pape François lors de la veillée des J.M.J. à Cracovie

Le Pape François a présidé ce samedi soir, au « Campus Misericordiae » aménagé près de Cracovie, à la veillée des JMJ de Cracovie, sur le thème « Le chemin vers Jésus ». La Saint-Père a centré son discours sur un appel à la jeunesse à ne pas vivre repliée et passive mais au contraire à ouvrir son cœur à la miséricorde de Dieu.

Chers jeunes,

Il est beau d’être ici avec vous en cette veillée de prière.

À la fin de son témoignage courageux et émouvant, Rand nous a demandé quelque chose. Elle a dit : « Je vous demande sincèrement de prier pour mon cher pays ». Une histoire marquée par la guerre, par la douleur, par la perte, qui finit avec une demande : celle de la prière. Qu’y a-t-il de mieux que de commencer notre veillée en priant ?

Nous venons de diverses parties du monde, de continents, de pays, langues, cultures, peuples différents. Nous sommes « fils » de nations qui peut-être qui sont en train de discuter à cause de divers conflits, ou même sont en guerre. Pour d’autres, nous venons de pays qui peuvent être en « paix », qui n’ont pas de conflits belliqueux, où beaucoup des choses douloureuses qui arrivent dans le monde font seulement partie des nouvelles et de la presse. Mais nous sommes conscients d’une réalité : pour nous, aujourd’hui et ici, provenant de diverses parties du monde, la douleur, la guerre que vivent de nombreux jeunes, ne sont plus une chose anonyme, elles ne sont plus une nouvelle de la presse, elles ont un nom, un visage, une histoire, une proximité. Aujourd’hui, la guerre en Syrie est la douleur et la souffrance de tant de personnes, de tant de jeunes comme le courageux Rand, qui se trouve au milieu de nous et nous demande de prier pour son cher pays.

Il y a des situations qui peuvent nous paraître lointaines jusqu’à ce que, de quelque manière, nous les touchions. Il y a des réalités que nous ne comprenons pas parce nous ne les voyons qu’à travers un écran (du téléphone portable ou de l’ordinateur). Mais lorsque nous entrons en contact avec la vie, avec ces vies concrètes non plus médiatisées par les écrans, alors il nous arrive quelque chose de fort, nous sentons l’invitation à nous impliquer : « Assez des villes oubliées », comme dit Rand; il doit plus jamais arriver que des frères soient « entourés par la mort et par les tueries », sentant que personne ne les aidera. Chers amis, je vous invite à prier ensemble pour la souffrance de tant de victimes de la guerre, cette guerre qui est aujourd’hui dans le monde, afin qu’une fois pour toutes, nous puissions comprendre que rien ne justifie le sang d’un frère, que rien n’est plus précieux que la personne que nous avons à côté. Et dans cette demande de prière, je veux vous remercier également, Natalia et Miguel, parce que vous aussi vous avez partagé avec nous vos batailles, vos guerres intérieures. Vous nous avez présenté vos luttes, et comment vous les avez surmontées. Vous êtes des signes vivants de ce que la miséricorde veut faire en nous.

À présent, nous, nous ne mettrons pas à crier contre quelqu’un, nous ne mettrons pas à nous quereller, nous ne voulons pas détruire. Nous, nous ne voulons pas vaincre la haine par davantage de haine, vaincre la violence par davantage de violence, vaincre la terreur par davantage de terreur. Et notre réponse à ce monde en guerre a un nom : elle s’appelle fraternité, elle s’appelle lien fraternel, elle s’appelle communion, elle s’appelle famille. Nous célébrons le fait de venir de diverses cultures et nous nous unissons pour prier. Que notre meilleure parole, notre meilleur discours soit de nous unir en prière. Faisons un moment de silence et prions ; mettons devant Dieu les témoignages de ces amis, identifions-nous avec ceux pour lesquels « la famille est un concept inexistant, la maison rien qu’un endroit où dormir et manger », ou bien avec ceux qui vivent dans la peur de croire que leurs erreurs et leurs péchés les ont exclus définitivement. Mettons en présence de notre Dieu également vos « guerres », les luttes que chacun porte avec soi, dans son cœur.

(silence)

Tandis que nous priions m’est venue à l’esprit l’image des Apôtres le jour de Pentecôte. Une scène qui peut nous aider à comprendre tout ce que Dieu rêve de réaliser dans notre vie, en nous et avec nous. Ce jour, par peur, les disciples étaient enfermés. Ils se sentaient menacés par un entourage qui les persécutait, qui les contraignait à rester dans une petite chambre, les obligeant à demeurer figés et paralysés. La crainte s’était emparée d’eux. Dans ce contexte, il s’est passé quelque chose de spectaculaire, quelque chose de grandiose. L’Esprit Saint est venu et des langues comme de feu se sont posées sur chacun d’eux, les poussant à une aventure dont ils n’auraient jamais rêvé.

Nous avons écouté trois témoignages ; nous avons touché, de nos cœurs, leurs histoires, leurs vies. Nous avons vu comment eux, comme les disciples, ils ont vécu des moments semblables, ont connu des moments où ils ont été en proie à la peur, où il semblait que tout croulait. La peur et l’angoisse qui naissent de la conscience qu’en sortant de la maison on peut ne plus revoir ses proches, la peur de ne pas se sentir apprécié et aimé, la peur de ne pas avoir d’autres opportunités. Ils ont partagé avec nous la même expérience qu’ont faite les disciples, ils ont fait l’expérience de la peur qui mène à un seul endroit : à la fermeture. Et lorsque la peur se terre dans la fermeture, elle est toujours accompagnée de sa « sœur jumelle », la paralysie ; nous sentir paralysés. Sentir qu’en ce monde, dans nos villes, dans nos communautés, il n’y a plus d’espace pour grandir, pour rêver, pour créer, pour regarder des horizons, en définitive pour vivre, est l’un des pires maux qui puissent nous affecter dans la vie. La paralysie nous fait perdre le goût de savourer la rencontre, de l’amitié, le goût de rêver ensemble, de cheminer avec les autres, elle nous éloigne des autres, nous empêche de nous serrer la main (…).

Dans la vie, il y a une autre paralysie encore plus dangereuse et souvent difficile à identifier, et qu’il nous coûte beaucoup de reconnaître. J’aime l’appeler la paralysie qui naît lorsqu’on confond le BONHEUR avec un DIVAN ! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité. Un divan – comme il y en a maintenant, modernes, avec des massages y compris pour dormir – qui nous garantissent des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo et passer des heures devant le computer. Un divan contre toute espèce de douleur et de crainte. Un divan qui nous maintiendra enfermés à la maison sans nous fatiguer, ni sans nous préoccuper. Le divan-bonheur est probablement la paralysie silencieuse qui peut nous nuire davantage, qui peut nuire le plus à la jeunesse ; parce que peu à peu, sans nous en rendre compte, nous nous endormons, nous nous retrouvons étourdis et abrutis tandis que d’autres – peut-être plus éveillés, mais pas les meilleurs – décident de l’avenir pour nous. Sûrement, pour beaucoup il est plus facile et avantageux d’avoir des jeunes étourdis et abrutis qui confondent le bonheur avec un divan ; pour beaucoup, cela est plus convenable que d’avoir des jeunes éveillés, désireux de répondre au rêve de Dieu et à toutes les aspirations du cœur (…).

Mais la vérité est autre : chers jeunes, nous ne sommes pas venus au monde pour « végéter », pour vivre dans la facilité, pour faire de la vie un divan qui nous endorme ; au contraire, nous sommes venus pour autre chose, pour laisser une empreinte. Il est très triste de passer dans la vie sans laisser une empreinte. Mais quand nous choisissons le confort, en confondant bonheur et consumérisme, alors le prix que nous payons est très mais très élevé : nous perdons la liberté.

Justement ici, il y a une grande paralysie, lorsque nous commençons à penser que le bonheur est synonyme de confort, qu’être heureux, c’est marcher dans la vie, endormi ou drogué, que l’unique manière d’être heureux est d’être comme un abruti. Il est certain que la drogue fait du mal, mais il y a beaucoup d’autres drogues socialement acceptées qui finissent par nous rendre beaucoup ou de toute manière plus esclaves. Les unes et les autres nous dépouillent de notre plus grand bien : la liberté.

Chers amis, Jésus est le Seigneur du risque, du toujours « au-delà ». Jésus n’est pas le Seigneur du confort, de la sécurité et de la commodité. Pour suivre Jésus, il faut avoir une dose de courage, il faut se décider à changer le divan contre une paire de chaussures qui t’aideront à marcher, sur des routes jamais rêvées et même pas imaginées, sur des routes qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons, capables de propager la joie, cette joie qui naît de l’amour de Dieu, la joie que laissent dans ton cœur chaque geste, chaque attitude de miséricorde. Aller par les routes en suivant la « folie » de notre Dieu qui nous enseigne à le rencontrer en celui qui a faim, en celui qui a soif, en celui qui est nu, dans le malade, dans l’ami qui a mal tourné, dans le détenu, dans le réfugié et dans le migrant, dans le voisin qui est seul. Aller par les routes de notre Dieu qui nous invite à être des acteurs politiques, des personnes qui pensent, des animateurs sociaux. Il nous incite à penser à une économie plus solidaire. Dans les milieux où vous vous trouvez, l’amour de Dieu nous invite à porter la Bonne Nouvelle, en faisant de notre propre vie un don fait à lui et aux autres (…).

Vous pourrez me dire : Père, mais cela n’est pas pour tous, c’est uniquement pour quelques élus ! Oui, et ces élus sont tous ceux qui sont disposés à partager leur vie avec les autres. De la même façon que l’Esprit Saint a transformé le cœur des disciples le jour de Pentecôte, il a fait de même avec nos amis qui ont partagé leurs témoignages. J’emprunte tes mots, Miguel : tu nous disais que le jour où dans la « Facenda » ils t’ont confié la responsabilité d’aider au meilleur fonctionnement de la maison, alors tu as commencé à comprendre que Dieu te demandait quelque chose. C’est ainsi qu’a commencé la transformation.

Voilà le secret, chers amis, que nous sommes appelés à expérimenter. Dieu attend quelque chose de toi (…), Dieu veut quelque chose de toi, Dieu t’attend. Dieu vient rompre nos fermetures, il vient ouvrir les portes de nos vies, de nos visions, de nos regards. Dieu vient ouvrir tout ce qui t’enferme. Il t’invite à rêver, il veut te faire voir qu’avec toi le monde peut être différent. C’est ainsi : si tu n’y mets pas le meilleur de toi-même, le monde ne sera pas différent.

Le temps qu’aujourd’hui nous vivons n’a pas besoin de jeunes-divan, mais de jeunes avec des chaussures, mieux encore, chaussant des crampons. Il n’accepte que des joueurs titulaires sur le terrain, il n’y a pas de place pour des réservistes. Le monde d’aujourd’hui vous demande d’être des protagonistes de l’histoire, parce que la vie est belle à condition que nous voulions la vivre, à condition que nous voulions y laisser une empreinte. L’histoire aujourd’hui nous demande de défendre notre dignité et de ne pas permettre que ce soient d’autres qui décident notre avenir. Le Seigneur, comme à la Pentecôte, veut réaliser l’un des plus grands miracles dont nous puissions faire l’expérience : faire en sorte que tes mains, mes mains, nos mains se transforment en signes de réconciliation, de communion, de création. Il veut tes mains pour continuer à construire le monde d’aujourd’hui. Il veut construire avec toi.

Tu me diras : Père, mais moi, j’ai bien des limites, je suis pécheur, que puis-je faire ? Quand le Seigneur nous appelle, il ne pense pas à ce que nous sommes, à ce que nous étions, à ce que nous avons fait ou cessé de faire. Au contraire, au moment où il nous appelle, il regarde tout ce que nous pourrions faire, tout l’amour que nous sommes capables de propager. Lui parie toujours sur l’avenir, sur demain. Jésus te projette à l’horizon.

C’est pourquoi, chers amis, aujourd’hui, Jésus t’invite, il t’appelle à laisser ton empreinte dans la vie, une empreinte qui marque l’histoire, qui marque ton histoire et l’histoire de beaucoup.

La vie d’aujourd’hui nous dit qu’il est très facile de fixer l’attention sur ce qui nous divise, sur ce qui nous sépare. On voudrait nous faire croire que nous enfermer est la meilleure manière de nous protéger de ce qui fait mal. Aujourd’hui, nous les adultes, nous avons besoin de vous, pour nous enseigner à cohabiter dans la diversité, dans le dialogue, en partageant la multi culturalité non pas comme une menace mais comme une opportunité : ayez le courage de nous enseigner qu’il est plus facile de construire des ponts que d’élever des murs ! Et tous ensemble, demandons que vous exigiez de nous de parcourir les routes de la fraternité (…). Construire des ponts : savez-vous quel le premier pont à construire ? Un pont que nous pouvons réaliser ici et maintenant : nous serrer les mains, nous donner la main. Allez-y, faites-le maintenant, ici ce pont primordial, et donnez-vous la main. C’est le grand pont fraternel, et puissent les grands de ce monde apprendre à le faire !… Toutefois non pour la photographie, mais pour continuer à construire des ponts toujours plus grands. Que ce pont humain soit semence de nombreux autres ; il sera une empreinte.

Aujourd’hui Jésus, qui est le chemin, t’appelle à laisser ton empreinte dans l’histoire. Lui, qui est la vie, t’invite à laisser une empreinte qui remplira de vie ton histoire et celle de tant d’autres. Lui, qui est la vérité, t’invite à abandonner les routes de la séparation, de la division, du non-sens. Es-tu d’accord ? Que répondent tes mains et tes pieds au Seigneur, qui est chemin, vérité et vie ?

© Libreria Editrice Vaticana - 2016

L’amour comme réponse à la haine

Homélie du Mgr Dominique LEBRUN aux funérailles du Père Jacques HAMEL

Un dernier hommage empreint de simplicité et de ferveur émue : les obsèques du père Jacques Hamel, 85 ans, assassiné alors qu’il célébrait la messe dans l’église paroissiale de St Etienne-du-Rouvray, se sont tenues ce mardi après-midi, 2 août 2016, en la cathédrale de Rouen. Obsèques présidées par Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, en présence de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur et des Cultes, de Laurent Fabius, ancien ministre des Affaires étrangères, des représentants des autorités locales et régionales, des membres des communautés juives et musulmanes, ainsi que des représentants de plusieurs Églises chrétiennes. Plusieurs milliers de personnes, fidèles et anonymes, ont également fait le déplacement, afin d’accompagner le père Jacques dans la dernière étape de son pèlerinage terrestre. Un simple cercueil en bois posé sur un tapis, entouré de cierges blancs, recouvert de l’aube et de l’étole du père Jacques… Sans une splendide basilique gothique, remplie de prêtres, de fidèles et de simples anonymes. « Des funérailles comme il ne les aurait pas aimées, dans une église solennelle, sous les caméras », a déclaré Mgr Lebrun… « et, en même temps, des funérailles comme il les aurait aimées : ensemble, prêts à communier davantage, attentifs les uns aux autres, sans exclure personne ».

« Dieu est impartial, dit l’apôtre Pierre : Il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes ».

Chers amis,

Le prêtre Jacques Hamel n’a plus à craindre Dieu. Il se présente à lui avec ses œuvres justes. Bien sûr, nous ne sommes pas juges du cœur de notre frère. Mais tant de témoignages ne peuvent tromper ! Le père Jacques Hamel avait un cœur simple. Il était le même en famille, avec ses frères et sœurs, avec ses neveux et nièces, au milieu de sa ville avec ses voisins, dans sa communauté chrétienne avec les fidèles.

58 ans de sacerdoce ! Cinquante-huit ans au service de Jésus comme prêtre, c’est-à-dire serviteur de sa Parole, de son eucharistie, et de sa charité. Je me sens tout petit. De Jésus, saint Pierre dit que « Là où il passait, il faisait le bien ». Jacques, tu as été un fidèle disciple de Jésus. Là où tu es passé, tu as fait le bien.

À Pâques dernier, Jacques, tu écrivais pour tes paroissiens : « Christ est ressuscité, c’est un mystère, comme un secret, une confidence que Dieu nous donne à partager ». Peut-être ce mystère, ce secret, cette confidence au sujet du Christ ressuscité, trouve-t-elle sa racine dans l’expérience de la mort côtoyée en Algérie dont ta famille nous rappelle le souvenir. Peut-être ce mystère, ce secret, cette confidence est-elle en train de gagner des cœurs dans notre assemblée : oui, Christ est ressuscité. La mort n’a pas le dernier mot.

Pour toi, Jacques, la résurrection de Jésus n’est pas une leçon de catéchisme, c’est une réalité, une réalité pour notre cœur, pour le secret du cœur, une réalité en même temps, à partager aux autres, comme une confidence. Et Dieu sait si, devant la réalité de ta mort aussi brutale qu’injuste et horrible, il faut puiser dans le fond de nos cœurs pour trouver la lumière.

Frères et sœurs, soyons vrais avec nous-mêmes. Vous connaissez l’histoire de Jésus qu’aucun historien ne peut qualifier de fable. Pierre dit l’essentiel : Jésus de Nazareth, homme juste et bon, « guérissait ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui … puis Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester… »

Frères et sœurs, soyons simples et vrais avec nous-mêmes. C’est dans notre cœur, dans le secret de notre cœur que nous avons à dire « oui » ou « non » à Jésus, « oui » ou « non » à son chemin de vérité et de paix ; « oui» ou « non » à la victoire de l’amour sur la haine, « oui » ou « non » à sa résurrection.

La mort de Jacques Hamel me convoque à un oui franc, non pas, non plus un oui tiède. Un « oui » pour la vie, comme le « oui » de Jacques à son ordination. Est-ce possible ? À chacun de répondre. Dieu ne nous force pas… Dieu est patient… Dieu est miséricordieux. Même quand, moi Dominique, j’ai dit non à l’amour… même quand j’ai dit à Dieu, « je verrai plus tard », même quand je l’ai oublié, Dieu m’attend car il est infinie miséricorde. Mais aujourd’hui, le monde peut-il attendre encore la chaîne de l’amour qui remplacera la chaîne de la haine ?

Faudra-t-il d’autres tueries pour nous convertir à l’amour, et à la justice qui construit l’amour ? La justice et l’amour entre les personnes et les peuples, de quelque côté de la méditerranée ils se situent. Trop de morts au Moyen-Orient, trop de morts en Afrique, trop de morts en Amérique ! Trop de morts violentes, cela suffit !

Le mal est un mystère. Il atteint des sommets d’horreur qui nous font sortir de l’humain. N’est-ce pas ce que tu as voulu dire, Jacques, par tes derniers mots ? Tombé à terre à la suite de premiers coups de couteau, tu essaie de repousser ton assaillant avec tes pieds, et tu dis : « Va-t’en, Satan » ; tu répètes : « Va-t’en, Satan ». Tu exprimais alors ta foi en l’homme créé bon, que le diable agrippe. « Jésus guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable » dit l’Évangile.

Il ne s’agit pas d’excuser les assassins, ceux qui pactisent avec le diable, il s’agit d’affirmer avec Jésus que tout homme, toute femme, toute personne humaine peut changer son cœur avec sa grâce. Nous recevons ainsi la parole de Jésus qui peut sembler au-delà de nos forces aujourd’hui : « Eh bien ! moi, je vous le dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. »

Vous que la violence diabolique tourmente, vous que la folie meurtrière démoniaque entraîne à tuer, laissez votre cœur, que Dieu a façonné pour l’amour, prendre le dessus ; souvenons-nous de notre maman qui nous a donné la vie ; priez Dieu de vous libérer de l’emprise du démon. Nous prions pour vous, nous prions Jésus « qui guérissait ceux qui étaient sous le pouvoir du mal ».

Roselyne, Chantal, Gérald et vos familles, le chemin est dur. Permettez que je vous dise mon admiration et celle de beaucoup d’anonymes pour votre dignité. Votre frère, votre oncle était un appui. Il continue de l’être. Il ne m’appartient pas de déclarer « martyr » le père Jacques. Mais comment ne pas reconnaître la fécondité du sacrifice qu’il a vécu, en union avec le sacrifice de Jésus qu’il célébrait fidèlement dans l’Eucharistie ? Les paroles et les gestes nombreux de nos amis musulmans, leur visite sont un pas considérable.

Je me tourne aussi vers vous, communauté catholique. Nous sommes blessés, atterrés mais pas anéantis. Je me tourne vers vous les baptisés de notre Église catholique, surtout si vous ne venez pas souvent à l’église, si vous en avez oublié le chemin. Avec Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, à mes côtés, je vous lance un appel aussi simple, comme un premier pas, aussi simple que la vie du Père Jacques Hamel : En hommage au père Hamel, nous vous invitons à visiter une église dans les jours qui viennent, pour dire votre refus de voir souiller un lieu saint, pour affirmer que la violence ne prendra pas le dessus dans votre cœur, pour en demander la grâce à Dieu. Nous vous invitons à déposer une bougie dans cette église, signe de résurrection, à vous y recueillir, à ouvrir votre cœur dans ce qu’il a de plus profond ; si vous le pouvez à prier, à supplier.

Le 15 août serait un jour propice. La Vierge Marie vous y accueillera avec tendresse. Souvenons-nous de notre maman.

Dieu, ne reste pas insensible à la détresse de tes enfants qui se tournent vers toi !

Dieu, poursuis dans nos cœurs ce que ton Fils Jésus a commencé !

Dieu, merci pour ton fils Jacques : console sa famille et fais lever parmi nous, parmi les jeunes des JMJ, de nouveaux prophètes de ton amour ! Amen !

© Radio Vatican - 2016

Commentaire des lectures du dimanche

« N'ayez pas peur, soyez sans crainte »

Les premiers mots de l'Évangile d’aujourd’hui sont un appel à bannir la peur: « Soyez sans crainte... parce que le Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. »

Luc a délibérément placé cette parole de Jésus dans un temps de peur, au cours de cette longue « montée à Jérusalem ». Jésus se dirige vers sa condamnation à mort (Lc 9,51), et ses disciples effrayés le suivent avec appréhension. Selon toutes apparences, c'est l'échec définitif qui approche : l'échec d'un projet, l'échec d'une vie.

Chacune de nos vies a un peu la saveur de la défaite… occasion manquée, désillusion dans nos projets de vie, maladie débilitante, incapacité de mettre fin à une habitude qui porte atteinte à notre santé (cigarette, drogue, alcool), manque de temps pour réaliser nos rêves, échec dans la carrière, chicanes de famille, vieillesse, souffrances, etc.

Dans la vie quotidienne, les gens vivent dans la peur : peur de la solitude, du terrorisme, des pertes d’emplois, de la violence, des maladies.

Plusieurs gouvernements utilisent la peur pour conserver le pouvoir. Ils font tout pour promouvoir la peur et ensuite ils promettent de nous protéger contre ces dangers mortels. Il s’agit souvent de manipulation orchestrée pour nous faire accepter toutes sortes de mesures très couteuses qui profitent à une riche minorité.

Dieu n’est pas de ceux qui utilisent la peur pour nous amener à la soumission. Bien au contraire. Il nous invite à l’espérance et l’action : « Relevez la tête, soyez sans crainte, gardez vos lampes allumées ».

Notre vie a un sens, même si, pour une raison ou pour une autre, elle a une apparence d'échec, même si nous sommes trahis par nos amis, démolis par nos adversaires, incompris par notre famille, terrassés par la maladie.

Dieu nous invite à aller de l’avant, comme Abraham qui, à un âge avancé, a quitté son pays, sans trop savoir où il allait. Comme les Hébreux qui ont fui l’esclavage d’Égypte pour se diriger vers la terre promise.

Dans notre pèlerinage plein d’obstacles, la foi nous fournit une boussole, nous offre un point d’appui, nous garantit la présence de Dieu. « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20) 

Le texte d’aujourd’hui nous invite à l’espérance, à l’action, à la vigilance : « Soyez semblables à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces… gardez vos lampes allumées », utilisez le mieux possible le temps qui vous est donné.

Il ne s’agit donc pas de choisir entre le ciel et la terre mais bien d’agir de façon à ce que cette terre soit le plus bel endroit possible, selon le plan de Dieu... une terre où règne la paix, la compréhension, l’attention à l’autre, le partage, la fraternité et l’amour… une terre où l’on construit un monde meilleur.

Utilisons nos talents le mieux possible. On nous a beaucoup donné, on nous demandera beaucoup. « À qui on a beaucoup confié, on réclamera davantage », affirme le texte d’aujourd’hui.

« Restons en tenue de service et gardons nos lampes allumées… Le Seigneur, à son arrivée, nous fera passer à table et nous servira chacun à son tour. »

© Cursillo