Pko 02.10.2016
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°54/2016
Dimanche 2 octobre 2016 – XXVIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Humeurs…
AU SECOURS !
À l’heure où nos politiques et grands stratèges se regardent le nombril simplement parce qu’ils ont oublié au service de qui ils sont…en prenant tout leur temps pour corriger leurs inepties de la loi sur le « R.S.T. » qui a mis et met encore dans l’angoisse une multitude de familles, ces lignes de Mgr Jean Rhodain, fondateur du Secours Catholique dont nous célébrons cette année le 70ème anniversaire
« Dans SecOurS, il y a S.O.S., il y a appel.
Nous appelons, c’est vrai, avec ce numéro, “au secours” pour toutes les misères : prisonniers d’hier et de ce matin, infirmes, rapatriés ou réfugiés, enfants sans lait, et pour ce sinistre de demain qui exige que tout soit prêt avant demain : Secours indépendant, nous ne voulons rien tenir de l’État : tout tient à ce que vous nous donnerez aujourd’hui. Ces misères sont suspendues à nous, donc à vous tous.
Il est catholique, cet appel.
Certains proposent que, par habileté, nous estompions cet aspect catholique du Secours. Un faux nez laïque ne tromperait personne : nous ne sommes pas une société de bienfaisance légèrement colorée d’un peu de religion : non, c’est juste le contraire : la Croix est au centre de notre insigne. La Charité d’hier a fait fleurir la justice sociale d’aujourd’hui, mais le progrès dans l’assistance n’empêchera pas qu’un aveugle ne voie pas, qu’un amputé soit privé d’un bras, qu’un homme soit finalement mortel. “Les médecins ne te guériront pas, car tu mourras à la fin. Mais c’est Moi qui guéris et rends le corps immortel.” Pascal fait dire cela au Christ parlant à chacun des hommes. Et c’est à cette lumière de ce Christ que nous voulons servir toute misère, qu’elle soit de n’importe quelle race, ou religion, ou pensée. Au service de tous, certes, mais au nom du Christ et de son Église certainement.
Cet appel est d’aujourd’hui
Il ne s’agit plus de rebâtir les cathédrales du XIII° siècle. Il s’agit de bâtir dans le monde [d’aujourd’hui] une charité aussi présente que la télévision dans une salle à manger [ou le vini dans nos poches], aussi rayonnante que l’atome dans son réacteur, aussi vaste que la faim dans ces mondes sans pain. Or, on a beau avoir des projets, des idées ou des programmes, tout finit par des factures. Trente deniers en moins fabriquent un Judas. Et le premier miracle fut à Cana, parce qu’un budget défaillant allait attrister une famille : On ne donne que ce qu’on reçoit. » (novembre 1961)
Voilà la réponse à la question qui nous est si souvent posée : « Pourquoi ne demandez-vous pas une subvention ? »… La liberté est la force de l’Église pour dénoncer les injustices criantes de notre société ! Hommes et femmes politiques, éminences grises en tous genres qui les accompagnez… réveillez-vous… sortez de vos salons dorés et allez à la rencontre de la multitude des désespérés…
Chronique de la roue qui tourne
Quel loup en sortira vainqueur ?
Un grand père parlait à son petit-fils de toutes sortes de choses. Il lui disait : « J’ai le sentiment que 2 loups s’affrontent dans mon cœur. L’un est animé de vengeance, il est colérique et violent, tandis que l’autre est affectueux, compatissant et fort ». Le petit-fils demanda alors à son grand-père : « Lequel des deux remportera la victoire dans ton cœur ? » Et le grand père répondit : « Celui que je nourris ».
Proverbe Indien
Ce proverbe Indien se prête bien à l’actualité et tout ce qui se dit sur les « fichés S ». Face à un tel sujet où il est question de sécurité mais aussi de dignité humaine, les propositions sont hélas bien pauvres. Ainsi, nous aurions le choix entre les « rendre » à la France et les garder sans autre mesure, niant presque le danger.
La plaie des derniers attentats est encore vive. Tous, nous sommes devenus « Paris », « Nice », « Bruxelles » le temps d’un deuil. Tous, nous avons pleuré et manifesté et nous pleurons et manifesterons encore. Et aujourd’hui, une menace potentielle foule notre sol, sous les traits de frères et amis. Par peur, nous sommes tentés de n’y reconnaître que la menace… et bien sûr, les récents actes de violence nous donneraient raison. Mais, derrière le masque de haine se trouve bien un de nos visages. Dans ce poing fermé circule bien notre sang. Ils sont bien des nôtres. Alors, que faire ? Faut-il nier la menace au nom d’un lien du sang qu’eux-mêmes semblent avoir oublier ? Ces « fichés S » représentent, il est vrai, un danger, même et encore plus, en prison. Oui, de par sa surpopulation, Nuutania est propice au prosélytisme, personne n’a plus rien à perdre et le personnel n’est pas familiarisé à ce type de prise en charge particulière. Mais, rien n’est pensé, rien n’est proposé, rien n’inquiète… où une réponse urgente est attendue ! Une indifférence presque et un silence qui font froid dans le dos. Or, si nous laissons la situation telle qu’elle est, comme préconisée par certains, nos cellules seront de vrais bureaux de recrutement. La suite sera ingérable et dramatique.
À l’opposé, il nous est proposé de ramener nos frères en France afin qu’ils aient la prise en charge adéquate. Quoiqu’elle soit extrême, cette proposition a, au moins, le mérite d’être l’unique réaction face à ce dossier sensible. Cependant, même si je suis consciente que de nombreuses questions déterminantes restent sans réponse, même si je suis consciente du danger, même si je ne peux que partager l’inquiétude exprimée par beaucoup, je n’arrive pourtant pas à me résoudre à les abandonner à leur triste sort. Je n’arrive pourtant pas à croire qu’un enfant perdu ne saurait être retrouvé par sa famille. Je n’arrive pourtant pas à me convaincre que des étrangers sauront mieux les soigner que nous. N’y-a-t-il pas d’autres alternatives ? Certes, la France a les moyens… mais nous, nous avons le cœur. N’est-ce pas là la meilleure, et même la seule, arme capable d’arrêter l’engrenage de la violence ? Veillons à ce que notre peur, entrainant un rejet brutal, ne devienne pas l’arme décisive de ceux qui ne sont pas encore terroristes ! Veillons à toujours nourrir le bon loup !
La chaise masquée
© Nathalie SH – P.K.0 – 2016
Le juste vivra par la fidélité
En marge de l’actualité du mercredi 28 septembre 2016
Tout croyant est confronté à une période de sa vie à des épreuves parfois terribles. Dans ces situations, le silence de Dieu est insoutenable. Croire devient au-dessus de nos forces. Le prophète Habacuq, que nous entendons ce dimanche en première lecture (Ha 1,2-3 ; 2,2-4), crie son désarroi ; « Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler sans que tu entendes ? »
La Bible est remplie de cris similaires, depuis Abraham qui s'interroge devant le sacrifice demandé par Dieu de son fils unique Isaac, Job qui subit malheurs sur malheurs... jusqu'à Jésus lui-même sur la croix : « Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Mt 27,46 ; cf. Psaume 21)
Il est assez extraordinaire que les écrivains sacrés aient pu conserver de telles prières. Manifestement, la Bible n'est pas l'apologie d'un Dieu qu'il faut défendre à tout prix en gommant des récits gênants. Sans doute est-ce parce que les écrivains, prophètes ou évangélistes, sont eux-mêmes des hommes de foi qui ont connu l'épreuve.
Le scandale du mal est à coup sûr une pierre au milieu du chemin qui peut faire trébucher. La réponse du Seigneur au prophète Habacuq semble en plus dire très peu : le prophète doit mettre par écrit la promesse que Dieu fait de libérer le peuple de toutes ses souffrances...
Mais nous tenons là au moins quelque chose de fondamental : la grâce donnée à tout croyant d'élever la voix et de présenter à la face du Seigneur sa détresse et sa colère, et la possibilité de rappeler à Dieu le contenu d'une promesse gravée dans la lettre.
La Bible témoigne aussi que l'obscurité qui vient avec l'épreuve n'est pas définitive. Habacuq, Job ou Abraham ont conservé leur foi. « Tu m'as répondu, et je proclame ton nom devant mes frères » aurait proclamé Jésus si la mort ne l'avait empêché de terminer la récitation du psaume 21.
Par expérience, nous savons que chacun est seul dans l'épreuve et que les paroles n'offrent qu'un réconfort partiel. La présence et l'écoute d'un proche sont beaucoup plus salutaires. Dieu n'est-il pas précisément ce proche ? Si bien qu'en réponse au mal qui nous afflige, afin de percevoir sa présence, nous aurions plutôt à dire comme les apôtres : « Augmente en nous la foi ! »
+ R.P. Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete – 2016
La parole aux sans paroles – 54
Portrait d’un initiateur – Manutea (1)
Pour que l’Accueil Te Vaiete soit, il fallait une bonté d’âme et un esprit ingénieux. Manutea Gay est ce savant mélange. Il ne pouvait rester insensible à la détresse. C’est en toute discrétion qu’il ne cesse d’œuvrer depuis 30 ans dans l’ombre pour les personnes de l’ombre. Aujourd’hui, fort de son expérience, il fait le tour de notre situation sociale, avec honnêteté… sans langue de bois. La vérité toute crue d’un travail de terrain !
Raconte-nous les prémices de l’Accueil Te Vaiete ?
« À l’époque, il y a un peu plus de 20 ans, j’étais le Délégué diocésain du Secours Catholique et notre Président était Joseph Prokop. En tant que délégué, je devais animer le réseau des équipes de bénévoles en allant les rencontrer. Il m’arrivait parfois de participer à des rencontres nationales du Secours Catholique ; j’étais invité et je pouvais ainsi échanger avec les autres délégués. Le Secours Catholique a toujours une ligne directrice, on s’engage vers une action, puis une autre et toujours en réponse à de nouvelles pauvretés ; je revenais donc avec ces idées-là que j’essayais d’appliquer, ici, au fenua, en adaptant bien sûr à notre culture. Lors de ces déplacements, je visitais des structures, ce qui se faisait en France, dans les délégations du Secours Catholique. Et déjà, à l’époque, il y avait beaucoup de centres d’accueil de jour pour les personnes en difficulté, je trouvais ça bien. Et une fois, je suis allé dans un centre d’accueil de jour, au milieu de HLM, des lotissements sociaux. Ce centre s’appelait le "tremplin", j’avais trouvé ça très bien ! Ce n’était pas du tout une initiative catholique, c’était une structure communale laïque. À Papeete, on commençait déjà à avoir dans la rue des gens qui trainaillaient et je me disais que ça serait bien qu’on fasse quelque chose. Mais quoi ? Comment ? Au niveau de la délégation du Secours Catholique, on était en réflexion. Et je ne sais pas, l’Esprit Saint a bien fait les choses puisqu’un jour, notre ami Jacques Raynal me dit : "Tu sais, Manu, je suis médecin du dispensaire à Vaininiore et, parmi mes patients, il y en a qui ont plus besoin d’une bonne douche, d’une savonnette et des vêtements propres que de véritables soins médicaux. Avec ton association-là, on ne pourrait pas faire quelque chose ?" Ça a été ses termes ! J’ai répondu : "Si, on pourrait ! Mais quoi ?" Il me dit alors : "Écoute, il y a un local derrière le dispensaire où des bouts de bois sont entreposés. Ça appartient à la Mairie. On va voir si on peut en faire quelque chose, dès le lendemain nous avons trouvé que le local était assez spacieux. Il n’y avait pas la mezzanine d’aujourd’hui, c’est un rajout de Père Christophe. On est alors allé rencontrer Madame Louise Carlson, le maire de Papeete à l’époque pour lui faire part de notre projet. Elle ne nous a pas demandé un dossier, un rapport, une demande en 3 exemplaires… elle nous a simplement écoutés puis nous a demandé comment nous comptions faire fonctionner cet Accueil. On lui a répondu avec le Secours Catholique et des bénévoles. On avait des stocks de café et de lait. Et puis voilà ! Là même, elle a dit : "D’accord !" Comme ça ! Alors, Madame Carlson a fait aménager le local. Elle a fait mettre l’électricité. Elle nous a mis l’eau. Elle a dû nous installer un évier. Et puis, surtout, elle a mis les grilles à l’entrée et nous a procurés et fait livrer les tables et les bancs qui existent encore aujourd’hui. Le Secours Catholique a mis une machine à laver. On nous a donné un four, un frigidaire, ce n’était que de la récupération ! On a juste acheté quelques couverts, c’est tout.
Trois semaines seulement après l’accord de Madame Carlson le local était inauguré ! Pas trois mois, ni trois ans, trois semaines après ! Le 24 décembre 1994, inauguration ! Sans la presse, sans personne ! Il y avait Madame Carlson, nous les bénévoles : Papa Tihoni, un bénévole à la retraite, originaire de Rimatara et Madeleine, responsable du Secours Catholique à la paroisse Christ-Roi de Pamatai, la même paroisse que Papa Tihoni d’ailleurs. Ils se sont dit : "Na m?’ua e ha’apa’o !"(Nous allons nous en occuper) Ça a démarré comme ça ! Donc on a pu commencer aussitôt installé. C’est Papa Tihoni qui était le pilier, en fait, c’était le papi pour ces jeunes de la rue en errance qui étaient en souffrance par manque de famille, manque de repère parental. Papa Tihoni était le grand-père/référent. Il pouvait leur faire toutes les remarques qu’il voulait, il était respecté ! Ça apportait de la sagesse dans la structure.
Plus tard Danielle Marty a été responsable également pendant quelques années, elle était professeur de gymnastique à Javouhey. Quand elle a pris sa retraite, Père Christophe l’a sollicitée. Beaucoup de personnes se sont occupées de Te Vaiete. Aujourd’hui je suis content de voir ce que Te Vaiete est devenu. Et ça, c’est grâce à Père Christophe. Il gère très bien avec de nombreux bénévoles qui œuvrent en équipes, il a un beau contact avec les accueillis. Et puis, il y a l’approche institutionnelle ; Parfois, il est en friction avec la mairie, parce qu’il défend un principe : les SDF sont ce qu’ils sont mais, en même temps, ils ne sont pas à 100% responsables. Chacun a sa part de responsabilité ! »
Au début, vous avez le local mais pour faire tourner Te Vaiete il fallait des moyens ? Comment avez-vous fait ?
« Grâce au Secours Catholique ! Qui a complété ce que Madame Carlson nous avait mis à disposition. Par la suite tout ce qu’on partageait avec les personnes accueillies était également fourni par le Secours Catholique. Pour le pain par exemple, on avait ouvert un compte avec le magasin chinois d’en face. On s’était arrangé avec eux pour avoir le pain le matin. On réservait un nombre de baguettes et ce sont les accueillis qui allaient les chercher parce que, d’emblée, on a mis les accueillis à l’œuvre pour animer l’accueil. Bien sûr, on prenait un temps pour leur apprendre mais on leur a fait confiance tout de suite. C’était notre premier objectif ! Il n’était pas question qu’ils viennent se faire servir. »
Ça a été facile ?
« Pas toujours, dans le lot, il y en avait qui coopéraient plus facilement que d’autres. Mais on n’a jamais bousculé celui qui n’était pas prêt. Oh ! Il faut que je vous raconte le premier jour ! Parce qu’aujourd’hui, il n’y a plus besoin d’aller chercher les accueillis, ils arrivent. Mais le premier jour, ils étaient assis vers les pompiers, ils avaient entendu parler de quelque chose qui allait s’ouvrir mais ils avaient peur, ils avaient honte de venir. Il a fallu qu’on aille dans la rue leur dire : "Haere mai !" (Venez) Ils n’étaient que 4 ou 5 le premier matin. Petit à petit, ça s’est su. Il y a une chose que je voudrais témoigner aussi, bon c’est très personnel comme sentiment : En tant que Polynésien, j’ai eu honte de nous, honte que l’on soit obligé d’ouvrir ce genre de structure, ici, chez nous. Moi, j’avais en tête une vision du fenua popa’a, de ces grandes villes modernes où il y avait des laissés-pour-compte. Et maintenant, il y en avait même chez nous ! J’ai eu honte pour nous, ta’ata tahiti. Mais en même temps, c’était plus que nécessaire, il fallait le faire ! Voilà un peu ce qui m’animait le premier jour de Te Vaiete. À l’ouverture, on s’était réparti les jours de préparation du ma’a (repas). Moi, c’était le lundi matin et j’ai fait ça pendant 2 ans avec mon épouse Monique. On se levait à 4h du matin pour cuire un grand p?ni de lentilles et un grand p?ni de riz. Avec Monique on y rajoutait des saucisses, le lundi suivant, du corned beef. On essayait d’agrémenter la saveur, comme à la maison. Je me souviens, on y mettait des feuilles de laurier et du thym, pour donner du goût. Mais les accueillis eux, ils enlevaient ça de leurs assiettes et venaient me voir, presque dégoutés, en disant : "Il y a de l’herbe et des feuilles dans notre ma’a." (Rires) Ils pensaient que c’était des feuilles de manguiers ou je ne sais pas quoi. Alors, je leur ai expliqué que c’était pour donner du goût.
Bien sûr, ils n’étaient pas toujours des anges, parfois ils étaient punis. Par exemple, pendant 3 jours, plus de fromage ! Ou, plus de jambon ! C’était LA punition ! Et comme c’était leur seul repas de la journée ! Ils se calmaient. Et même, ils faisaient la police entre eux. Il y avait beaucoup d’indiscipline au début, je le reconnais. Il fallait avoir du tact pour leur dire, ce n’était pas facile mais on y arrivait. L’accueil n’a jamais fermé jusqu’à aujourd’hui ! »
(à suivre)
© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2016
Personne n’est exclu de l’amour de Dieu
Audience générale du mercredi 28 septembre 2016
« Le Salut de Dieu est pour tous, personne n’est exclu », le Pape François, lors de l’audience générale, ce mercredi 28 septembre 2016, a poursuivi son cycle de catéchèses sur la miséricorde rappelant que « face au mystère de la mort (…) seul Dieu peut être la réponse libératrice ». Le Saint-Père, a invité les fidèles, à l’image du bon larron « qui est un merveilleux exemple de repentir », à invoquer le Christ miséricordieux.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Les paroles que Jésus prononce pendant sa Passion atteignent leur sommet dans le pardon. Jésus pardonne : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Ce ne sont pas seulement des paroles, parce qu’elles deviennent un acte concret dans le pardon offert au « bon larron » qui était à côté de lui. Saint Luc parle de deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus qui s’adressent à lui avec des comportements opposés.
Le premier l’insulte, comme l’insultaient tous les gens, comme font les chefs du peuple, mais ce pauvre homme, poussé par le désespoir, dit : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi ! » (Lc 23,39). Ce cri témoigne de l’angoisse de l’homme devant le mystère de la mort et la tragique conscience que seul Dieu peut être la réponse libératrice : c’est pourquoi il est impensable que le Messie, l’envoyé de Dieu, puisse rester sur la croix sans rien faire pour se sauver. Et ils ne comprenaient pas cela. Ils ne comprenaient pas le mystère du sacrifice de Jésus. Et en revanche, Jésus nous a sauvés en restant sur la croix. Nous savons tous qu’il n’est pas facile de « rester sur la croix », sur nos petites croix de tous les jours. Lui, sur cette grande croix, dans cette grande souffrance, est resté ainsi et là, ils nous a sauvés : là, il nous a montré sa toute-puissance et il nous a pardonnés. Là s’accomplit son don d’amour et jaillit pour toujours notre salut. En mourant sur la croix, innocent entre deux criminels, il atteste que le salut de Dieu peut rejoindre n’importe quel homme dans n’importe quelle condition, même la plus négative et douloureuse. Le salut de Dieu est pour tous, sans exclure personne. Il est offert à tous. C’est pourquoi le Jubilé est un temps de grâce et de miséricorde pour tous, bons et méchants, ceux qui sont en bonne santé et ceux qui souffrent. Souvenez-vous de cette parabole que raconte Jésus sur la fête des noces du fils d’un puissant de la terre : quand les invités n’ont pas voulu s’y rendre, il dit à ses serviteurs : « Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22,9). Nous sommes tous appelés, bons et mauvais. L’Église n’est pas seulement pour les bons ou pour ceux qui semblent bons ou qui se croient bons ; l’Église est pour tous, et même de préférence pour les méchants, parce que l’Église est miséricorde. Et ce temps de grâce et de miséricorde nous fait nous rappeler que rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ ! (cf. Rm 8,39). À celui qui est cloué sur un lit d’hôpital, à celui qui vit enfermé dans une prison, à ceux qui sont piégés par les guerres, je dis : regardez le Crucifix, Dieu est avec vous, il reste avec vous sur la croix et il s’offre à tous comme Sauveur, à nous tous. À vous qui souffrez tant, je dis : Jésus est crucifié pour vous, pour nous, pour tous. Laissez la force de l’Évangile pénétrer dans votre cœur et vous consoler, vous donner l’espérance et la certitude intime que personne n’est exclu de son pardon. Mais vous pouvez me demander : « Mais, dites-moi, Père, celui qui a fait les choses les plus terribles dans sa vie, a-t-il la possibilité d’être pardonné ? – Oui, oui ! Personne n’est exclu du pardon de Dieu. Il doit seulement s’approcher, repenti, de Jésus, et avec l’envie d’être embrassé par lui ».
C’était le premier malfaiteur. L’autre est le fameux « bon larron ». Ses paroles sont un merveilleux modèle de repentir, une catéchèse concentrée pour apprendre à demander pardon à Jésus. D’abord, il s’adresse à son compagnon : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! » (Lc 23,40). Ainsi il met en avant le point de départ du repentir : la crainte de Dieu. Mais pas la peur de Dieu, non ; la crainte filiale de Dieu. Ce n’est pas la peur mais ce respect que l’on doit à Dieu parce qu’il est Dieu. C’est un respect filial parce qu’il est Père. Le bon larron rappelle l’attitude fondamentale qui ouvre à la confiance en Dieu : la conscience de sa toute-puissance et de son infinie bonté. C’est ce respect confiant qui aide à faire de l’espace à Dieu et à se confier à sa miséricorde.
Puis le bon larron déclare l’innocence de Jésus et confesse ouvertement sa faute : « Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal » (Lc 23,41). Jésus est donc là, sur la croix, pour être avec les coupables : à travers cette proximité, il leur offre le salut. Ce qui est un scandale pour les chefs et pour le premier larron, pour ceux qui étaient là et qui se moquaient de Jésus, ceci, au contraire, est le fondement de sa foi. Et ainsi le bon larron devient le témoin de la grâce ; l’impensable s’est produit : Dieu m’a aimé au point qu’il est mort sur la croix pour moi. La foi même de cet homme est le fruit de la grâce du Christ : ses yeux contemplent dans le Crucifié l’amour de Dieu pour lui, pauvre pécheur. C’est vrai, il était voleur, c’était un voleur, il avait volé toute sa vie. Mais à la fin, repenti de ce qu’il avait fait, regardant Jésus si bon et miséricordieux, il a réussi à voler le ciel : c’est un bon voleur, celui-ci !
Le bon larron s’adresse enfin directement à Jésus, invoquant son aide : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume » (Lc 23,42). Il l’appelle par son nom, « Jésus », avec confiance, et il confesse ainsi ce que ce nom indique : « le Seigneur sauve » : c’est cela que signifie le nom de « Jésus ». Cet homme demande à Jésus de se souvenir de lui. Que de tendresse dans cette expression, que d’humanité ! C’est le besoin de l’être humain de ne pas être abandonné, que Dieu lui soit toujours proche. De cette manière un condamné à mort devient le modèle du chrétien qui se confie en Jésus. Un condamné à mort est un modèle pour nous, un modèle pour un homme, pour un chrétien qui se confie en Jésus ; et aussi un modèle de l’Église qui, dans la liturgie, invoque si souvent le Seigneur en disant : « Souviens-toi… Souviens-toi de ton amour… ».
Alors que le bon larron parle au futur « quand tu viendras dans ton royaume », la réponse de Jésus ne se fait pas attendre ; il parle au présent : « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (v.43). A l’heure de la croix, le salut du Christ atteint son sommet ; et sa promesse faite au bon larron révèle l’accomplissement de sa mission, à savoir, sauver les pécheurs. Au commencement de son ministère, dans la synagogue de Nazareth, Jésus avait proclamé « la libération aux prisonniers » (Lc 4,18) ; à Jéricho, dans la maison du publicain pécheur, Zachée, il avait déclaré que « le Fils de l’homme – c’est-à-dire lui – est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,9). Sur la croix, l’acte ultime confirme la réalisation de ce dessein de salut. Du commencement à la fin, il s’est révélé miséricorde, il s’est révélé l’incarnation définitive et unique de l’amour du Père. Jésus est vraiment le visage de la miséricorde du Père. Et le bon larron l’a appelé par son nom, « Jésus ». C’est une brève invocation et nous pouvons tous la faire très souvent pendant la journée : « Jésus, Jésus », simplement. Et faites-la ainsi pendant toute la journée.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Soyez renouvelés par la joie de la première annonce
Homélie du Pape François aux catéchistes – 25 septembre 2016
Le Pape François a célébré la messe place Saint-Pierre dimanche 25 septembre à l'occasion du jubilé des catéchistes qui se déroule à Rome dans le cadre de l'année de la Miséricorde. À cette occasion plusieurs milliers de catéchistes venus du monde entier, parmi lesquels 150 Français se sont retrouvés pour un pèlerinage international.
L’Apôtre Paul, dans la seconde lecture, adresse à Timothée, mais aussi à nous, quelques recommandations qui lui tiennent à cœur. Parmi elles, il demande de « garder le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable » (1Tm 6, 14). Il parle simplement d’un commandement. Il semble qu’il veuille faire fixer notre regard sur ce qui est essentiel pour la foi. Saint Paul, en effet, ne recommande pas beaucoup de points ni d’aspects, mais il souligne le centre de la foi. Ce centre autour duquel tout tourne, ce cœur palpitant qui donne vie à tout, c’est l’annonce pascale, la première annonce : le Seigneur Jésus est ressuscité, le Seigneur Jésus t’aime, il a donné sa vie pour toi ; ressuscité et vivant, il est présent à tes côtés et il t’attend chaque jour. Nous ne devons jamais l’oublier. En ce Jubilé des catéchistes, il nous est demandé de ne pas nous lasser de mettre en premier l’annonce principale de la foi : le Seigneur est ressuscité. Il n’y a pas de contenu plus important, rien de plus solide et actuel. Tout le contenu de la foi devient beau s’il est relié à ce centre, s’il est traversé par l’annonce pascale. En revanche, s’il est isolé, il perd sens et force. Nous sommes toujours appelés à vivre et à annoncer la nouveauté de l’amour du Seigneur : « Jésus t’aime vraiment, comme tu es. Fais-lui une place : malgré les déceptions et les blessures de la vie, laisse-lui la possibilité de t’aimer. Il ne te décevra pas ».
Le commandement dont parle saint Paul nous fait penser aussi au commandement nouveau de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). C’est en aimant que l’on annonce le Dieu-Amour. Non pas en cherchant à convaincre, jamais en imposant la vérité, non plus en se raidissant sur des obligations religieuses ou morales. Dieu est annoncé en rencontrant les personnes, en prêtant attention à leur histoire et à leur chemin. Car le Seigneur n’est pas une idée, mais une personne vivante : son message passe par le témoignage simple et vrai, par l’écoute et l’accueil, par la joie qui rayonne. On ne parle pas bien de Jésus quand on est triste : on ne transmet pas non plus la beauté de Dieu en faisant seulement de belles prédications. Le Dieu de l’espérance est annoncé en vivant aujourd’hui l’Évangile de la charité, sans peur d’en témoigner aussi sous des formes nouvelles d’annonces.
L’Évangile de ce dimanche nous aide à comprendre ce que veut dire aimer, et surtout à éviter certains risques. Dans la parabole, il y a un homme riche qui ne remarque pas Lazare, un pauvre qui est « devant son portail » (Lc 16, 20). Ce riche, en réalité, ne fait de mal à personne, on ne dit pas qu’il est mauvais. Mais il a une infirmité plus grande que celle de Lazare, qui est « couvert d’ulcères » (ibid.) : ce riche souffre d’une grande cécité, parce qu’il ne réussit pas à regarder au-delà de son monde fait de banquets et de beaux vêtements. Il ne voit pas derrière la porte de sa maison où est allongé Lazare, parce que ce qui se passe dehors ne l’intéresse pas. Il ne voit pas avec les yeux car il ne sent pas avec le cœur. La mondanité qui anesthésie l’âme est entrée dans son cœur. La mondanité est comme un « trou noir » qui engloutit le bien, qui éteint l’amour parce qu’elle ramène tout au moi. On ne voit plus alors que les apparences et on ne prête plus attention aux autres, car on devient indifférent à tout. Souvent, celui qui souffre de cette grave cécité se met à « loucher » : il regarde avec révérence les personnes célèbres, de haut rang, admirées du monde, et il détourne le regard des nombreux Lazare d’aujourd’hui, des pauvres et de ceux qui souffrent, qui sont les préférés du Seigneur.
Mais le Seigneur regarde celui qui est négligé et mis à l’écart du monde. Lazare est le seul personnage, dans toutes les paraboles de Jésus, à être appelé par son nom. Son nom veut dire « Dieu aide ». Dieu ne l’oublie pas, il l’accueillera au banquet de son Royaume, avec Abraham, dans une communion riche en affections. En revanche, l’homme riche, dans la parabole, n’a même pas de nom ; sa vie est oubliée, car celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. Et un chrétien doit faire l’histoire ! Il doit sortir de lui-même, pour faire l’histoire ! Mais celui qui vit pour soi ne fait pas l’histoire. L’insensibilité d’aujourd’hui creuse des abîmes infranchissables à jamais. Et nous sommes tombés, à présent, dans cette maladie de l’indifférence, de l’égoïsme, de la mondanité.
Il y a un autre détail dans la parabole, un contraste. La vie opulente de cet homme sans nom est décrite comme ostentatoire : tout en lui réclame des besoins et des droits. Même mort il insiste pour être aidé et prétendre à ses intérêts. La pauvreté de Lazare, en revanche, s’exprime avec une grande dignité : aucune lamentation, protestation ni parole de mépris ne sort de sa bouche. C’est un enseignement précieux : en tant que serviteurs de la parole de Jésus nous sommes appelés à ne pas étaler une apparence et à ne pas rechercher la gloire ; nous ne pouvons pas non plus être tristes ni nous lamenter. Ne soyons pas des prophètes de malheur qui se complaisent à dénicher les dangers ou les déviances ; ne soyons pas des gens qui se retranchent dans leurs propres environnements en émettant des jugements amers sur la société, sur l’Église, sur tout et sur tous, polluant le monde de choses négatives. Celui qui est familier de la Parole de Dieu ne connaît pas le scepticisme qui se lamente.
Celui qui annonce l’espérance de Jésus est porteur de joie et voit loin, il a des horizons, il n’a pas un mur qui le ferme ; il voit loin car il sait regarder au-delà du mal et des problèmes. En même temps il voit bien de près, car il est attentif au prochain et à ses nécessités. Aujourd’hui, le Seigneur nous le demande : devant tant de Lazare que nous voyons, nous sommes appelés à nous inquiéter, à trouver des chemins pour rencontrer et aider, sans déléguer toujours aux autres et dire « je t’aiderai demain, aujourd’hui je n’ai pas le temps, je t’aiderai demain ». Et c’est un péché. Le temps donné pour porter secours aux autres est du temps donné à Jésus, c’est de l’amour qui demeure : c’est notre trésor au ciel que nous nous procurons ici sur terre.
En conclusion, chers catéchistes et chers frères et sœurs, que le Seigneur nous donne la grâce d’être renouvelés chaque jour par la joie de la première annonce : Jésus est mort et ressuscité, Jésus nous aime personnellement ! Qu’il nous donne la force de vivre et d’annoncer le commandement de l’amour, en dépassant la cécité de l’apparence et les tristesses mondaines. Qu’il nous rende sensibles aux pauvres, qui ne sont pas un appendice de l’Évangile, mais une page centrale, toujours ouverte devant tous.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
Vérité, professionnalisme et dignité
Allocution du pape François à la presse italienne – 22 septembre 2016
Devant le Conseil italien de l'Ordre des journalistes, le Pape a proposé une brève réflexion sur trois aspects de ce métier lui semblant essentiels parce que, dit-il, il faut parfois s’arrêter pour prendre le temps de réfléchir, ce qui n’est pas toujours facile dans une profession si soumise aux deadlines.
Mesdames et messieurs,
Merci de votre visite. Je remercie en particulier le président pour ses paroles d’introduction à notre rencontre. Et je remercie également pour le siennes, le préfet du secrétariat chargé de la communication.
Peu de professions ont une aussi grande influence sur la société que le journalisme. Le journaliste a un rôle à la fois de grande importance et de grande responsabilité. D’une certaine façon vous écrivez « une première ébauche de l’histoire », en construisant l’agenda des nouvelles et conduisant les personnes à une interprétation des événements. C’est très important. Les temps changent et également la manière de faire le journaliste. La presse écrite tout comme la télévision perdent de leur importance face aux nouveaux médias du monde numérique – surtout parmi les jeunes – mais les journalistes, s’ils font leur travail de manière professionnelle, restent un pilier, un élément fondamental pour la vitalité d’une société libre et plurielle. Le Saint-Siège aussi – face au changement du monde des médias – a vécu et vit en ce moment un processus de réforme qui va changer tout son système de communication, dont vous bénéficierez ; le secrétariat pour la communication sera un point de référence naturel pour votre précieux travail.
Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous une réflexion sur quelques aspects de votre profession, le journalisme, et sur comment ils peuvent servir à améliorer la société dans laquelle nous vivons. Pour nous tous, il est indispensable de nous arrêter, pour réfléchir à ce que nous faisons et à comment nous le faisons. Dans la vie spirituelle, cela prend souvent la forme d’une journée de retraite, d’approfondissement intérieur. Je pense que dans la vie professionnelle aussi on a besoin de ça, d’un peu de temps pour nous arrêter et réfléchir. Certes, ce n’est pas facile dans un domaine comme le journalisme, une profession qui vit en permanence de « délais de livraison » et de « dates d’expiration ». Mais, au moins, pendant un bref instant, cherchons à approfondir un peu la réalité du journalisme.
Je m’arrête sur trois éléments : aimer la vérité, une chose fondamentale pour tout le monde, mais spécialement pour les journalistes; vivre de manière professionnelle, quelque chose qui va bien au-delà des lois et des règlements; et respecter la dignité humaine, qui est beaucoup plus difficile que cela n’y paraît au premier abord.
Aimer la vérité veut dire non seulement affirmer mais vivre la vérité, et en témoigner à travers son travail. Vivre et travailler, donc, avec cohérence par rapport aux paroles que l’on utilise pour un article de journal ou un reportage télévisé. Ici la question n’est pas « être ou ne pas être un croyant ». La question est « être ou ne pas être honnête avec soi-même et avec les autres ». La relation constitue le cœur de toute communication. À plus forte raison chez ceux qui en font leur métier. Et aucune relation, fondée sur la malhonnêteté, ne peut résister et durer dans le temps. Je me rends compte que dans le journalisme actuel – un flux ininterrompu de faits et événements racontés 24 heures par jour, 7 jours sur 7 – ce n’est pas toujours facile d’arriver à la vérité, ou du moins de s’en approcher. Dans la vie tout n’est pas noir ou blanc. Dans le journalisme aussi, il faut savoir discerner entre les nuances de gris des événements que l’on est appelé à raconter. Les débats politiques, voire tant de conflits, sont rarement le résultat de dynamiques claires et nettes, dans lesquelles il est possible de reconnaître sans équivoque qui a tort et qui a raison. La confrontation et parfois l’affrontement, au fond, naissent précisément de cette difficulté à faire la synthèse entre les différentes positions. C’est le travail – nous pourrions dire aussi la mission – à la fois difficile et nécessaire d’un journaliste: arriver au plus près de la vérité des faits et ne jamais dire ou écrire une chose qui, au fond de sa conscience, il le sait, n’est pas vraie.
Deuxième élément : vivre de manière professionnelle veut dire avant tout – au-delà de ce que nous pouvons trouver écrit dans les codes déontologiques – comprendre, intérioriser le sens profond de son propre travail. D’où découle la nécessité de ne pas soumettre sa profession aux logiques des intérêts partisans, qu’ils soient économiques ou politiques. Le devoir du journaliste, j’oserais dire sa vocation, est donc – à travers l’attention, et le soin à rechercher la vérité – de faire grandir la dimension sociale d’une vraie citoyenneté. Dans cette perspective d’ouvrir les horizons, agir de manière professionnelle veut donc dire non seulement répondre aux préoccupations, bien que légitimes, d’une catégorie, mais avoir à cœur un des chambranles de la structure d’une société démocratique. Les dictatures – de n’importe quelle orientation et « couleur » – qui ont toujours cherché à s’emparer des moyens de communication, et à imposer de nouvelles règles au journalisme, devraient toujours nous faire réfléchir.
Et troisièmement : respecter la dignité humaine est important dans toute profession, et spécialement dans le journalisme, car derrière le simple récit d’un événement il y a les sentiments, les émotions et, en définitive, la vie des personnes. J’ai souvent parlé des bavardages comme étant une forme de « terrorisme », capable de tuer une personne par la langue. Si cela vaut pour les individus, en famille ou au travail, à plus forte raison pour les journalistes, car leur voix peut toucher tout le monde, et c’est une arme très puissante. Le journalisme doit toujours respecter la dignité de la personne. Un article est publié aujourd’hui et demain il sera remplacé par un autre, mais la vie d’une personne injustement calomniée peut être détruite à jamais. Certes la critique est légitime, et je dirais plus, elle est nécessaire, tout comme « dénoncer » le mal, mais cela doit toujours être fait en respectant l’autre, sa vie, ses affections. Le journalisme ne peut pas devenir une « arme de destruction » des personnes, voir de peuples. Ni alimenter la peur face aux changements ou phénomènes comme les migrations forcées, dues aux guerres et à la famine.
Je souhaite que le journalisme, de plus en plus et partout, soit un instrument de construction, un facteur de bien commun, un accélérateur de processus de réconciliation ; qu’il sache repousser la tentation de fomenter l’affrontement, avec un langage qui attise le feu des divisions, mais favorise plutôt la culture de la rencontre. Vous, journalistes, rappelez à tous chaque jour qu’il n’existe pas de conflit qui ne puisse être résolu par des femmes et des hommes de bonne volonté.
Je vous remercie pour cette rencontre ; je vous souhaite bonne chance dans votre travail. Que le Seigneur vous bénisse. Je vous accompagne dans mes prières et dans mon cœur, et vous demande s’il vous plait de prier pour moi. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana - 2016
« Seigneur, augmente en nous la foi »
Nous vivons dans un monde où il n’est pas facile de conserver la foi. L’évangile d’aujourd’hui nous invite à réfléchir sur ce qu’est la foi et à faire en sorte de la préserver et de la faire grandir.
Selon Jésus, la foi est une nouvelle manière de comprendre notre existence et notre monde, de vivre mieux les relations humaines, l’amour et le travail, le succès et l’échec, la maladie, la vie et la mort.
La foi c’est la force de Dieu qui nous accompagne et nous donne le courage de faire face à la vie et aux problèmes qui se présentent. Sans nous soustraire aux intempéries, elle nous aide à passer à travers la tempête.
Une belle image de cette foi chrétienne se retrouve dans la scène évangélique où Jésus saisit la main de Pierre qui commence à s’enfoncer dans les eaux du lac.
Grâce à la foi nous gardons le contact avec Dieu, notre compagnon de voyage, et nous savons que nous ne serons pas seuls à faire face aux difficultés. « Voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde ». (Mt, 28,20)
La foi est comme une boussole qui nous indique la direction à suivre avec la garantie que Dieu marche avec nous.
Cette direction que nous donne la foi et cette présence de Dieu à nos côtés nous procure la paix, la sérénité, l’espérance, la sécurité, malgré tout ce qui peut nous arriver.
La foi, c’est une façon de vivre, une attitude vis-à-vis la vie, une manière de comprendre ce qui se passe et qui nous permet de donner un sens à notre vie.
La foi est un don de Dieu. Mais ce don il faut le protéger, le faire grandir.
C’est ce que nous venons faire chaque dimanche au contact du Christ et au contact des autres membres de la communauté. La foi ne peut survivre si elle n’est pas alimentée.
Nous croyons peut-être que nous n’avons pas beaucoup de foi. Le Christ nous dit : commencez avec ce que vous avez. Ensuite, organisez-vous pour la faire grandir… par la prière, la méditation, l’engagement dans la paroisse ou dans des groupes de bénévoles. Donnez de votre temps et utilisez vos talents pour aider les autres… et vous verrez que votre foi grandira.
Cette foi que nous avons, nous devons aussi la transmettre aux autres, surtout aux enfants, aux petits enfants…
Dans la seconde lecture de ce dimanche, nous voyons Paul qui transmet à Timothée ce don précieux, et il invite Timothée à le transmettre à son tour…
La foi, c’est une façon de vivre, une attitude vis-à-vis la vie, une manière de comprendre ce qui se passe et qui nous permet de donner un sens à notre vie.
Le P. Normand Provencher, dans son livre sur l’Église d’aujourd’hui au Québec intitulé « Trop tard ? », constate qu'il n'y a pas eu de véritable transmission de la foi chez nous ces derniers temps. Les enfants ne reçoivent plus ce don de leurs parents et de leurs grands-parents.
Comme toute vie, la foi a besoin de « transmetteurs » pour se perpétuer. Elle a aussi besoin d'un environnement favorable pour se développer. Cet environnement, c'est la famille. C'est aussi la communauté chrétienne.
Noël Quesson souligne l’importance de la tradition et le rôle primordial qu’elle joue dans l’éducation des enfants. Dès son plus jeune âge, l'enfant juif participe à la mémoire de son peuple : les prières quotidiennes, le sabbat, les fêtes religieuses, les pèlerinages évoquent toute une mémoire collective dans laquelle il entre par une sorte d'imprégnation lente.
Le problème de la transmission de la foi aujourd’hui, c'est que cette mémoire collective manque à beaucoup de nos jeunes chrétiens. C’est pourquoi ils sont ignorants de notre culture religieuse. La mémoire d'un peuple ne peut se transmettre seulement à travers les cours d'instruction religieuse. Elle doit se présenter à la jeune génération à travers la vie collective, les rites répétés, les manifestations populaires de la communauté de foi. L’individualisme actuel a tendance à étouffer et à faire disparaître notre mémoire collective.
La foi est un don précieux. Il nous faut la protéger, l’alimenter, la transmettre et faire en sorte qu’elle influence notre vie de tous les jours.
« Seigneur, augmente en nous la foi »
© Cursillo