PKO 27.09.2015

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°50/2015

Dimanche 27 septembre 2015 – 26ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs

« Non à la guerre… arrêter le trafic d’armes ! »

Lundi soir, à 19h30,  Polynésie 1ère va diffuser le documentaire « Aux armes tahitiens » de Jacques Navarro-Rovira tiré du livre « Tamarii volontaire » de Jean-Christophe Shigetomi.

Quatre-vingt-dix minutes pour redécouvrir la vie et le courage de ces polynésiens partis au front pour combattre au nom de la liberté contre la tyrannie nazie. Quatre-vingt-dix minutes pour réveiller notre conscience au sujet de l’horreur et de la bestialité de la guerre.

Ce documentaire prend encore davantage d’ampleur et résonne comme un écho aux paroles courageuses et fermes du pape François, jeudi aux membres du Congrès américain : « Être au service du dialogue et de la paix signifie aussi être vraiment déterminé à réduire et, sur le long terme, à mettre fin aux nombreux conflits armés dans le monde. Ici, nous devons nous demander : pourquoi des armes meurtrières sont-elles vendues à ceux qui planifient d’infliger des souffrances inqualifiables à des individus et à des sociétés ? Malheureusement, la réponse, comme nous le savons, est simple : pour de l’argent ; l’argent qui est trempé dans du sang, souvent du sang innocent. Face à ce honteux et coupable silence, il est de notre devoir d’affronter le problème et de mettre fin au commerce des armes ». (Pape François au Congrès américain – 23 septembre 2015)

Parole malheureusement si vraie, illustrée par les propos du chef de l’État français : « J'ai arrêté avec le président Sissi les modalités et le prix de la vente de ces Mistral et la France assurera donc la livraison de ces bateaux sans rien perdre tout en faisant de sorte de protéger l'Égypte ». (François Hollande – 23 septembre 2015)

Ne manquez pas ce documentaire…Lundi 28 septembre 2015 à 19h30 sur Polynésie 1ère

Chronique de la roue qui tourne

Construire du beau sur du malheur

« Quand la vie te donne une centaine de raisons de pleurer, montre-lui  une raison de sourire. » (Pensées positives)

Un hommage aux parents de Sandy. Malgré l’immense douleur et l’horrible tragédie, ils ont fait en sorte qu’une autre vie soit sauvée en permettant le don d’organes. Quelle force de pouvoir penser aux autres quand le malheur nous accable ! Quelle leçon de vie de faire d’un assassinat cruel un geste aussi humain que de sauver quelqu’un ! Quel exemple de voir sa famille dévastée et penser à sauver une autre ! Un hymne à la vie en plein deuil ! C’est beau, c’est grand, c’est fort !

Aujourd’hui, grâce à Sandy, une personne déjà est sortie du couloir de la mort qu’est la dialyse et une autre le sera grâce au deuxième rein.

Environ 400 patients souffraient d’insuffisance rénale chronique terminale en Polynésie en 2013*. Des heures à être branché, de grandes souffrances et une issue presque irrémédiable, Un corps qui vous lâche, une vie qui n’en plus une et une fin trop rapide. Souvenons-nous d’Elma, une sdf, décédée à seulement 28 ans !

Aussi, n’oublions jamais toute l’importance du don d’organes ! Pensons à sauver des vies… quand le deuil nous accable !

La chaise masquée

* Source : Tahiti Infos

La parole aux sans paroles - 4

Hygiène et santé dans la rue !

Etre malade n’est pas facile à l’ordinaire. Mais comment se soigner lorsqu'on a pour seul lit de convalescence un trottoir ? Et comme santé et hygiène vont souvent de pair, comment tenir une hygiène convenable dans la rue ?

« C’est très dur. Il faut déjà trouver des robinets, y avoir accès. Souvent on est obligé de passer par une infraction, si on veut tenir la normale c’est-à-dire une douche le matin, une douche le soir. Sinon, on a une douche assurée ici à Te Vaiete, le matin ça réveille bien ! – Et ton intimité dans la rue ? – C’est sous les étoiles (rires). Des fois, mon copain place des plantes ou des poubelles pour se cacher et surtout on prend notre douche assez tard. Il y a eu une époque où on allait souvent du côté des vaa (les jardins de Paofai), qui dit rameurs, dit douches pour se rincer. Ensuite, un vigile nous a fait la remarque comme quoi c’était réservé aux rameurs. Alors j’ai juste répondu que c’était de la discrimination. Parce que vous ne pouvez voir si la personne se rince seulement ou prend une douche. Nous, on voyait certains rameurs prendre carrément leur douche. Le vigile semblait nous comprendre mais estimait devoir faire son travail en nous chassant. », raconte Ariihau.

« Pour prendre une douche, c’est difficile. On nous chasse partout où on va. C’est pour cela que tous les matins on vient ici : pour manger et se doucher », dit Tepua

« Pour moi, c’est facile de rester propre quand on a de l’eau. Mais s’il n’y a pas d’eau… Sans te mentir, je reste parfois une nuit, deux nuits sans me baigner. Mais la plupart du temps, je me débrouille, ne serait-ce qu’avoir une bouteille de 1,5 litre. Si je ne me douche pas, je me lave au moins. Et comme le centre de jour ferme les vestiaires quand ils rentrent. À 16h, ils ferment tout. Même pour les toilettes, je leur ai demandé à ce que les toilettes restent ouvertes le week-end. Le centre ferme le samedi matin 9h jusqu’au lundi, et nous, on reste sans toilettes. Et on ne peut pas utiliser les toilettes des restaurants. Alors je leur ai demandé de laisser les toilettes ouvertes pour nous qui sommes dans la rue. Jusqu’à aujourd’hui, aucune réponse ! Ce n’est pas facile ! », soupire Moerani.

Lorsque le sujet de la santé fut entamé, beaucoup se sont vantés de n’être jamais malades ou très résistants.

« Je n’ai eu que le chikungunya depuis l’année dernière. – Et comment as-tu fait ? – J’ai dormi. J’allais m’allonger sur l’herbe au parc Chirac et je dormais. Je prenais mon mal en patience et je buvais beaucoup d’eau pour éliminer. – Tu ne venais pas alors manger à Te Vaiete ? – Si, j’étais obligée. Tu te forces sinon tu ne manges pas. Et dès que je me sens mal, j’attaque le nono, le citron. Quand j’ai mal à la tête, je ne prends jamais de doliprane, j’ai grandi avec les ra’au tahiti. Je connais les feuilles et les racines qu’il faut pour telle maladie mais je ne maitrise pas encore les doses. On manque d’éducation de ce côté-là, c’est dommage !», dit Ariihau.

- Mais, si vous êtes malades, comment faites-vous ?

« Quand on est malade, on va voir Père. Il nous fait un bon, un ticket rouge. Avec ça, on va à la clinique Cardella voir taote Raynal. Et si on a des ordonnances, on les remet à Père. C’est lui qui va chercher nos médicaments. – Et tu viens de te faire opérer, deux fois. Comment fais-tu avec les pansements ? – Avec la saleté et la poussière, je vais à la clinique changer mes pansements avec taote Raynal, au lieu que ça soit moi qui fasse. Et Père, à chaque fois qu’il me voit, il me demande toujours si j’ai bien pris mes médicaments, si ça va et tout. C’est pour ça que Père, depuis que je suis dans la rue, c’est mon papa de cœur. Il est là pour nous, quand on tombe malade. », me confie Marie-Joséphine.

Sans contrepartie, chaque sdf malade ou blessé est ausculté par le docteur RAYNAL. Après quoi, Père Christophe récupère l’ordonnance et prend en charge les frais de pharmacie, grâce notamment l’opération éco-solidaire. Lancée en 2014, cette opération joint l’utile à l’agréable : un geste écologique pour aider les sans-abris. En effet, le Presbytère de la Cathédrale récupère toutes nos canettes, les sdf, eux, les écrasent, et le tout est revendu pour financer tous les besoins des personnes à la rue, dont les fameux médicaments. Une prise en charge sans tintamarre et très loin de nos préoccupations !

Comme j’avais un petit groupe de filles autour de moi, j’osai demander comment elles se débrouillaient pendant leurs menstruations, réalité déjà pas simple avec une salle de bain privée.

« C’est un peu compliqué, il faut s’adapter. J’utilise juste le papier toilette, c’est le plus simple, je ne mets prends pas la tête. Je vais aux toilettes du parc Bougainville ou ceux du parc Paofai. Mais c’est un vrai problème ici à Tahiti, trouver du papier toilette. », déplore Ariihau. « C’est une vraie marque de dignité de garantir son hygiène dans la rue. », continue-t-elle.

« Moi, je préfère demander à Père des garnitures et il me donne tout un paquet. Parce qu’au centre de jour, ils ne donnent que 3 ou 4 pour le week-end. – Et tu n’as jamais eu honte d’aller voir Père ? – Non, nous, on a pris l’habitude. Avec lui, on est ouvert. On n’a pas honte quand c’est Père. C’est comme si c’était notre papa ! », me confie Tepua.

La propreté est le luxe du pauvre disait Francis Picabia. Mais c’est la dignité refusée aux sans-abris ? Encore une fois, avec notre regard extérieur, nous les condamnons facilement. Comme si être sale était un choix délibéré de paresse. Or, sans de salle de bain privée ni de WC à disposition, notre ton moralisateur sonne, hélas, faux.

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2015

Il n’y a aucune justification au manque de logement

Rencontre du pape François avec des sans-abri et ceux qui sont à leur service – New-York – 24 septembre 2015

À peine sorti du Congrès où était réunie toute l’élite politique des États-Unis, le Pape François, fidèle à ses principes, a rencontré quelque 200 sans-abri au centre caritatif de Saint-Patrick, liée à la paroisse catholique du même nom, la plus ancienne de la capitale fédérale américaine. « Je veux être avec vous, leur a-t-il dit, j'ai besoin de votre soutien, de votre proximité ». Parlant lentement, le Saint-Père a affirmé qu’il n’y avait aucune justification au manque de logement. « Vous me rappelez Saint-Joseph », a-t-il insisté, en soulignant que Joseph n'avait pas de toit à offrir à sa femme, Marie, quand Jésus est né à Bethléem.

Chers amis,

La première parole que je vous voudrais vous adresser, c’est merci. Merci de me recevoir et de l’effort que vous avez réalisé afin que cette rencontre puisse avoir lieu.

Ici, je me rappelle une personne que j’aime, qui est et qui a été très importante tout au long de ma vie. Elle a été un soutien et une source d’inspiration. C’est à elle que je recours lorsque je suis un peu « à l’étroit ». Vous me rappelez saint Joseph. Vos visages me parlent de son visage. Dans la vie de Joseph, il y a eu des situations difficiles à affronter. L’une d’elles, ce fut quand Marie était sur le point d’accoucher, d’avoir Jésus. La Bible dit : « Pendant qu’ils étaient à Bethléem, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2, 6-7).

La Bible est très claire, il n’y avait pas de logement pour eux. J’imagine Joseph, avec son épouse sur le point d’avoir un enfant, sans toit, sans maison, sans logement. Le Fils de Dieu est entré dans ce monde comme quelqu’un qui n’a pas de maison. Le Fils de Dieu est entré comme un sans-abri ! Le Fils de Dieu a su ce que c’est que de commencer la vie sans un toit. Imaginons les questions de Joseph à ce moment-là : comment se fait-il que le Fils de Dieu n’ait pas un toit pour vivre ? Pourquoi sommes-nous sans foyer, pourquoi sommes-nous sans toit ? Ce sont des questions que beaucoup parmi vous peuvent se poser chaque jour. Et vous vous les posez. Comme Joseph, vous vous demandez : pourquoi sommes-nous sans toit, sans foyer ?

Et ceux qui ont un toit et un logement, ce sont des questions qu’il nous ferait du bien de nous poser tous aussi : pourquoi ces frères sont-ils sans foyer, pourquoi ces frères n’ont-ils pas un toit ? Les questions de Joseph sont actuelles ; elles habitent tous ceux qui, au long de l’histoire, ont vécu et sont sans un foyer. Joseph était un homme qui se posait des questions, mais surtout, il était un homme de foi. C’est la foi qui a permis à Joseph de trouver la lumière à ce moment qui paraissait tout obscur ; c’est la foi qui l’a soutenu dans les difficultés de sa vie. Par la foi, Joseph a su aller de l’avant quand tout paraissait s’arrêter. Face à des situations injustes, douloureuses, la foi nous apporte cette lumière qui dissipe l’obscurité. Tout comme à Joseph, la foi nous ouvre à la présence silencieuse de Dieu dans toute vie, dans toute personne, dans toute situation. Il est présent en chacun de vous, en chacun de nous.

Je veux être très clair. Il n'y a aucun genre de justification sociale, morale, ni de n’importe quelle espèce, pour accepter le manque de logement. Ce sont des situations injustes, mais nous savons que Dieu les souffre avec nous, il les vit à nos côtés. Il ne nous laisse pas seuls. Nous savons que Jésus non seulement a voulu se solidariser avec chaque personne, non seulement il n’a voulu que personne se sente ou soit privé de sa compagnie, de son aide, de son amour, mais encore il s’est identifié à ceux qui souffrent, qui pleurent, qui subissent une quelconque forme d’injustice. Il nous le dit clairement : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35).

C’est la foi qui nous fait savoir que Dieu est avec vous, Dieu est parmi nous et sa présence nous incite à la charité. Cette charité qui naît de l’appel d’un Dieu qui continue de frapper à notre porte, à la porte de tous, pour nous inviter à l’amour, à la compassion, au don des uns pour les autres. Jésus continue de frapper à nos portes, aux portes de notre vie. Il ne le fait pas de façon magique, il ne le fait pas avec des attirails, avec des affiches lumineuses ou des feux d’artifice. Jésus continue de frapper à notre porte à travers le visage du frère, à travers le visage du voisin, à travers le visage de celui qui se trouve à nos côtés.

Chers amis, l’une des manières les plus efficaces d’aider à notre portée, nous la trouvons dans la prière. La prière nous unit, nous rend frères et sœurs, elle nous ouvre le cœur et nous rappelle une belle vérité que parfois nous oublions. Dans la prière, nous apprenons tous à dire Père, papa, et à travers elle, nous nous rencontrons comme frères. Dans la prière, il n’y a ni riches ni pauvres, il y a des fils et des frères. Dans la prière, il n’y a pas de personnes de première ou de seconde catégorie, il y a la fraternité. C’est dans la prière que notre cœur trouve la force de ne pas devenir insensible, froid devant les situations d’injustice. Dans la prière, Dieu continue d’appeler à la charité et de la susciter. Que cela nous fait du bien de prier ensemble ! Que cela nous fait du bien de nous retrouver dans cet espace où nous nous regardons comme frères et où nous reconnaissons avoir besoin les uns de l’appui des autres !

Aujourd’hui, je voudrais prier avec vous, m’unir à vous parce que j’ai besoin de votre soutien, de votre proximité. Je voudrais vous inviter à prier ensemble, les uns pour les autres, les uns avec les autres. Ainsi, nous pourrons garder ce soutien qui nous aide à vivre la joie de savoir que Jésus est toujours au milieu de nous. Que Jésus nous aide à trouver des solutions aux injustices que Lui le premier a connues. Celle de ne pas avoir de maison. Voulez-vous que nous priions ensemble ? Je commence en espagnol et vous continuez en anglais : Notre Père qui es aux cieux…

Avant de prendre congé de vous, je voudrais vous donner la bénédiction de Dieu :

Que le Seigneur vous bénisse et vous protège ;

Que le Seigneur fasse briller sur vous son visage et vous prenne en grâce ;

Que le Seigneur tourne vers vous son visage et qu’il vous apporte la paix (Nb 6, 2 4-26).

Et n’oubliez pas de prier pour moi.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

Un milliard de touristes, un milliard d’opportunités

Message pour la Journée Mondiale du tourisme – 27 septembre 2015

Le Saint-Siège lance un appel au tourisme responsable, respectueux de la nature et des peuples visités, alors que la barre symbolique d’un milliard de touristes internationaux a déjà été franchie et que les chiffres sont en progression constante. Le tourisme est un phénomène global qui interpelle tous les secteurs concernés, dont l’Eglise. Dans un message pour la Journée mondiale du Tourisme, célébrée le 27 septembre, le Conseil pour la pastorale des Migrants et des personnes en déplacement constate que les temps ont changé : nous sommes aujourd’hui des citoyens du monde et le touriste cède la place au voyageur, assoiffé de rencontres, de connaissances, de partage et de découvertes. Le dicastère note par ailleurs que le voyage, aujourd’hui, peut aussi répondre au besoin de s’éloigner du monde virtuel pour redécouvrir l’authenticité de la rencontre avec l’autre.

1. C’est en 2012 que la barrière symbolique d’un milliard d’arrivées touristiques internationales a été dépassée. Actuellement, les chiffres sont en progression constante et les prévisions estiment que la barre des deux milliards sera franchie en 2030. Il faut ajouter à ces données les chiffres encore plus élevés liés au tourisme local.

Pour la Journée mondiale du Tourisme, nous souhaitons nous concentrer sur les opportunités et sur les défis soulevés par ces statistiques et c’est pourquoi nous faisons nôtre le thème proposé par l’Organisation Mondiale du Tourisme : « Un milliard de touristes, un milliard d’opportunités ».

Cette croissance lance un défi à tous les secteurs concernés par ce phénomène global : touristes, entreprises, gouvernements et communautés locales. Et, bien sûr, à l’Église aussi. Le milliard de touristes doit nécessairement être considéré surtout dans son milliard d’opportunités.

Ce message est rendu public quelques jours après la présentation de l’Encyclique Laudato si’ du Pape François, consacrée à la sauvegarde de la maison commune. C’est un texte que nous devons tenir en forte considération car elle offre d’importantes lignes directrices à suivre quant à l’attention accordée au monde du tourisme.

2. Nous vivons une phase de mutation, où la façon de se déplacer change et, en conséquence, l’expérience du voyage aussi. Ceux qui partent vers des pays différents du leur le font avec le désir, plus ou moins conscient, de réveiller la partie plus intime d’eux-mêmes à travers la rencontre, le partage et la comparaison. Le touriste est toujours davantage à la recherche d’un contact direct avec ce qui est différent sous son aspect extraordinaire.

Le concept classique de « touriste » s’est désormais affaibli au profit de celui de « voyageur » qui s’est renforcé, c’est-à-dire celui qui ne se limite pas à visiter un lieu mais qui, en quelque sorte, en devient partie intégrante. Le « citoyen du monde » est né. Non plus voir mais appartenir, non plus jouer aux curieux mais vivre, non plus analyser mais adhérer. Non sans le respect de tout cela et de ceux que l’on rencontre.

Dans sa dernière encyclique, le Pape François nous invite à nous approcher de la nature avec le sens de l’« ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement », en parlant « le langage de la fraternité et de la beauté de notre relation avec le monde » (Laudato si’, n°11). Telle est la juste approche à adopter à l’égard des lieux et des peuples visités. Telle est la voie à suivre pour saisir un milliard d’opportunités et les faire fructifier davantage encore.

3. Les entreprises du secteur sont les premières à devoir s’engager dans la réalisation du bien commun. La responsabilité des entreprises est grande, dans le domaine touristique aussi, et, pour réussir à exploiter le milliard d’opportunités il est nécessaire qu’elles en soient conscientes. L’objectif final ne doit pas être tant le gain que l’offre proposée aux voyageurs de voies à parcourir pour atteindre le vécu dont il est en quête. Ceci, les entreprises doivent le faire dans le respect des personnes et de l’environnement. Il est important de ne pas perdre la conscience des visages. On ne peut pas réduire les touristes à une statistique ou à une source de revenus. Il faut mettre en œuvre des formes de business touristique étudiées avec et pour les individus, en investissant sur les personnes et sur la durabilité, afin d’obtenir aussi des opportunités d’emploi dans le respect de la maison commune.

4. En même temps, les gouvernants doivent garantir le respect des lois et en créer de nouvelles capables de protéger la dignité des individus, des communautés et du territoire. Une attitude résolue est indispensable. Dans le domaine touristique aussi, les autorités civiles des différents pays doivent penser à des stratégies communes pour créer des réseaux socio-économiques globalisés en faveur des communautés locales et des voyageurs, afin d’exploiter positivement le milliard d’opportunités offertes par l’interaction.

5. Dans cette optique, les communautés locales sont, elles aussi, appelées à ouvrir leurs frontières à l’accueil de ceux qui arrivent d’autres pays, poussés par la soif de connaissance. Une occasion unique pour l’enrichissement réciproque et la croissance commune. Accorder l’hospitalité permet de faire exploiter les potentialités environnementales, sociales et culturelles, de créer de nouveaux emplois, de développer son identité et de mettre en valeur le territoire. Un milliard d’opportunités pour le progrès, surtout pour les pays encore en voie de développement. Développer le tourisme, en particulier, sous ses formes les plus responsables, permet de s’orienter vers l’avenir en étant fort de sa propre spécificité, de son histoire et de sa culture. Engendrer des revenus et promouvoir son patrimoine spécifique permet de réveiller ce sens de la fierté et de l’estime de soi utile pour renforcer la dignité des communautés d’accueil, tout en demeurant attentif à ne pas trahir le territoire, les traditions et l’identité en faveur des touristes. C’est dans les communautés locales que l’on peut « susciter une plus grande responsabilité, un fort sentiment communautaire, une capacité spéciale de protection et une créativité plus généreuse, un amour profond pour sa terre ; là aussi, on pense à ce qu’on laisse aux enfants et aux petits-enfants » (Laudato si’, n°179).

6. Un milliard de touristes, s’il est bien accueilli, peut se transformer en une importante source de bien-être et de développement durable pour la planète tout entière. La mondialisation du tourisme conduit, en outre, à la naissance d’un sens civique individuel et collectif. Chaque voyageur, en adoptant un critère plus correct pour visiter le monde, devient partie active dans la protection de la Terre. L’effort de l’individu multiplié par un milliard devient une grande révolution.

Le voyage renferme également un désir qui se concrétise dans l’immédiateté des rapports, dans le fait de s’ouvrir et de participer à la vie des communautés visitées. Il naît un besoin de s’éloigner du monde virtuel, tellement capable de créer des distances et des connaissances impersonnelles et de redécouvrir l’authenticité de la rencontre avec l’autre. Et l’économie du partage est en mesure de tisser un réseau à travers lequel se développent l’humanité et la fraternité, capables d’engendrer un échange équitable de biens et de services.

7. Le tourisme représente aussi un milliard d’opportunités pour la mission évangélisatrice de l’Église. « Il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°1). En premier lieu, il est important qu’elle accompagne les catholiques par des propositions de liturgie et de formation. Elle doit également éclairer ceux qui, dans l’expérience du voyage, ouvrent leur cœur et s’interrogent, en réalisant ainsi une véritable première annonce de l’Évangile. Il est indispensable que l’Église sorte et se fasse proche des voyageurs pour offrir une réponse adéquate et individuelle à leur recherche intérieure ; en ouvrant son cœur à l’autre, l’Église rend possible une rencontre plus authentique avec Dieu. À cette fin, il faudrait approfondir l’accueil de la part des communautés paroissiales et la formation religieuse du personnel touristique.

La tâche de l’Église est également d’éduquer à vivre le temps libre. Le Saint-Père nous rappelle que « la spiritualité chrétienne intègre la valeur du loisir et de la fête. L’être humain tend à réduire le repos contemplatif au domaine de l’improductif ou de l’inutile, en oubliant qu’ainsi il retire à l’œuvre qu’il réalise le plus important : son sens. Nous sommes appelés à inclure dans notre agir une dimension réceptive et gratuite, qui est différente d’une simple inactivité » (Laudato si’, n°237).

En outre, nous ne devrions pas oublier la convocation du Pape François à célébrer l’Année Sainte de la Miséricorde.  Nous devons nous interroger sur la façon dont la pastorale du tourisme et des pèlerinages peut être un milieu pour « faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance » (Misericordiae vultus, n°3). Le pèlerinage sera sans aucun doute le signe particulier de ce temps jubilaire (cf. Misericordiae vultus, n°14).

Fidèle à sa mission et partant de la conviction que « nous évangélisons aussi quand nous cherchons à affronter les différents défis qui se présentent », l’Église collabore à faire du tourisme un moyen pour le développement des peuples, particulièrement de ceux qui sont les plus défavorisés, en mettant en œuvre des projets simples mais efficaces. L’Église et les institutions doivent cependant être toujours vigilants afin d’éviter qu’un milliard d’opportunité ne devienne un milliard de risques, en collaborant à la sauvegarde de la dignité personnelle, des droits des travailleurs, de l’identité culturelle, du respect de l’environnement, etc.

8. Un milliard d’opportunités aussi pour l’environnement. « Tout l’univers matériel est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu » (Laudato si’, n°84). Il existe entre le tourisme et l’environnement une étroite interdépendance. Le secteur touristique, profitant des richesses naturelles et culturelles, peut promouvoir leur conservation ou, paradoxalement, leur destruction. Dans ce rapport, l’encyclique Laudato si’ se présente comme une bonne compagne de voyage.

Tant de fois, nous faisons semblant de ne pas voir le problème. « Ce comportement évasif nous permet de continuer à maintenir nos styles de vie, de production et de consommation » (Laudato si’, n°59). En agissant non pas en maître mais en « administrateur responsable » (Laudato si’, n.116), chacun a ses propres obligations qui doivent se concrétiser en actions précises, qui vont d’une législation spécifique et coordonnée à de simples gestes quotidiens, en passant par des programmes éducatifs appropriés et par des projets touristiques durables et respectueux. Tout a son importance. Mais un changement au niveau des styles de vie et des comportements est nécessaire et, même certainement plus important. « La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu » (Laudato si’, n°222).

9. Le secteur touristique peut être une opportunité, et même constituer aussi un milliard d’opportunités pour construire des routes de paix. La rencontre, l’échange et le partage favorisent l’harmonie et la concorde.

Un milliard d’occasions pour transformer le voyage en expérience existentielle. Un milliard de possibilités pour devenir les artisans d’un monde meilleur, conscients de la richesse que renferme la valise de chaque voyageur. Un milliard de touristes, un milliard d’opportunités pour devenir « les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant, et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude » (Laudato si’, n°53).

Cité du Vatican, 24 juin 2015

Card. Antonio Maria Vegliò - Président

Mgr Joseph Kalathiparambil - Secrétaire

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

De Thomas Merton à Dorothy Day, les quatres modèles américains

Les dix points du discours du Pape François au Congrès américain

Dans son discours au Congrès américain, jeudi 24 septembre, le pape François revient sur quelques-unes des « richesses » du peuple américain, pour mieux l’aider à « développer et faire croître » cet esprit.

« Chaque fils ou fille d’un pays a une mission, une responsabilité personnelle et sociale. » C’est par ces mots que le pape François s’est adressé aux membres du Congrès des États-Unis jeudi 24 septembre 2015. Saluant successivement « quelques-unes des richesses de (l’)héritage culturel, de l’esprit du peuple américain », il l’a, à plusieurs reprises, « encouragé dans (son) effort ».

1/Le Fondamentalisme 

« Notre monde devient de plus en plus un lieu de violent conflit, de haine et d’atrocités brutales, perpétrées même au nom de Dieu et de la religion. Nous savons qu’aucune religion n’est exempte de formes d’illusion individuelle ou d’extrémisme idéologique. Cela signifie que nous devons faire spécialement attention à tout type de fondamentalisme, qu’il soit religieux ou de n’importe quel autre genre ». Sans s’engager dans la question d’une intervention armée en Irak ou en Syrie – qui, de l’avis général, ne pourrait se faire sans l’appui des États-Unis –, le pape s’en tient à rappeler « l’équilibre délicat (…) pour combattre la violence perpétrée au nom d’une religion, d’une idéologie ou d’un système économique, tout en sauvegardant aussi la liberté religieuse, la liberté intellectuelle et les libertés individuelles. » Le pape fait peut-être allusion aux tensions créées par la peur du terrorisme islamiste dans nombre de pays occidentaux.

Immédiatement, il mentionne d’ailleurs « une autre tentation dont nous devons spécialement nous prémunir : le réductionnisme simpliste qui voit seulement le bien ou le mal ; ou, si vous voulez, les justes et les pécheurs ». Pour le pape, « le monde contemporain, avec ses blessures ouvertes » implique de rejeter « toute forme de polarisation qui le diviserait en deux camps ». « Imiter la haine et la violence des tyrans et des meurtriers est la meilleure façon de prendre leur place », rappelle-t-il.

2/ La Coopération

« Notre réponse doit au contraire être une réponse d’espérance et de guérison, de paix et de justice. Nous sommes appelés à unir le courage et l’intelligence pour résoudre les nombreuses crises géopolitiques et économiques actuelles ». Pour le pape, l’heure est à une revivification de cet esprit de coopération, qui a « accompli tant de bien tout au long de l’histoire des États-Unis. »

Rappelant - en lien avec la Doctrine sociale de l’Église - que la politique doit être « au service de la personne humaine » et du « plus grand bien commun, celui de la communauté, il juge urgent de mettre « en commun nos ressources ainsi que nos talents (...) dans le respect de nos différences et de nos convictions dictées par la conscience ».

3/ Les « Native Americans »

« Nous, le peuple de ce continent, nous n’avons pas peur des étrangers, parce que la plupart d’entre nous était autrefois des étrangers. Je vous le dis en tant que fils d’immigrés, sachant que beaucoup d’entre vous sont aussi des descendants d’immigrés. Tragiquement, les droits de ceux qui étaient ici longtemps avant nous n’ont pas été toujours respectés ». Au lendemain de la canonisation du P. Junipero Serra, l’évangélisateur de la Californie, le pape François a tenu à redire sa « plus haute estime » à « ces peuples et à leurs nations, du cœur de la démocratie américaine ».

L’occasion aussi, d’appeler les Américains, à ne « pas répéter les péchés et les erreurs du passé ». « Nous devons nous résoudre à présent à vivre de manière aussi noble et aussi juste que possible, alors que nous éduquons les nouvelles générations à ne pas tourner le dos à nos ‘‘voisins’’, ni à rien autour de nous », a-t-il lancé aux membres de ce Congrès américain, auxquels est reproché un certain isolationnisme. « Bâtir une nation nous demande de reconnaître que nous devons constamment nous mettre en relation avec les autres (...) dans un constant effort pour faire de notre mieux ». 

4/ Les Réfugiés  

 « Notre monde est confronté à une crise de réfugiés d’une ampleur inconnue depuis la Seconde Guerre Mondiale. Cette crise nous place devant de grands défis et de nombreuses décisions difficiles ». Rappelant que ces « milliers de personnes sont portées à voyager vers le Nord à la recherche d’une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leurs proches », le pape François a choisi l’angle de la morale pour s’adresser au Congrès  : « N’est-ce pas ce que nous voulons pour nos propres enfants ? (...) Souvenons-nous de la Règle d’Or : « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour les autres aussi » (Mt 7, 12) ». 

Conscient que son appel lancé aux paroisses d’accueillir une famille de réfugiés suscite des réticences, le pape l’affirme  : « Cette règle nous indique une direction claire. Traitons les autres avec la même passion et compassion avec lesquelles nous voulons être traités ». 

5/ La Peine De Mort

 « Cette conviction m’a conduit, depuis le début de mon ministère, à défendre, à différents niveaux, la cause de l’abolition totale de la peine de mort. Je suis convaincu que ce chemin est le meilleur, puisque chaque vie est sacrée, chaque personne humaine est dotée d’une dignité inaliénable, et la société ne peut que bénéficier de la réhabilitation de ceux qui sont reconnus coupables de crimes ». Sur ce point, le pape François dit son « soutien » et « ses encouragements » aux évêques américains qui ont récemment « renouvelé leur appel pour l’abolition de la peine de mort ». 

6/ La Lutte Contre La Pauvreté  

 « Je voudrais vous encourager à vous souvenir de tous ces peuples autour de nous, enlisés dans le cycle de la pauvreté. Ils ont besoin eux aussi qu’on leur donne l’espérance. La lutte contre la pauvreté et la faim doit être menée constamment et sur plusieurs fronts, spécialement en prenant en considération leurs causes ». 

Tout en rappelant le travail de « beaucoup d’Américains » sur le front de la lutte contre la pauvreté, le pape François rappelle les mots d’ordre de la Doctrine sociale de l’Église  : juste utilisation des ressources naturelles, convenable application de la technologie pour « une économie qui vise à être moderne, inclusive et durable ». 

7/ La Sauvegarde De La Création  

 « Ce bien commun inclut aussi la terre, un thème central de l’Encyclique que j’ai écrite récemment afin ’d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune’. ’Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous’ ». 

Reprenant les mots de son encyclique Laudato si’, il invite les responsables américains - parmi lesquels se trouvent encore quelques climatosceptiques - « à un effort courageux et responsable (...) pour inverser les effets les plus graves de la détérioration environnementale causée par l’activité humaine ». « Je suis certain que nous pouvons faire la différence et je n’ai aucun doute que les États-Unis – et ce Congrès – ont un rôle important à jouer », insiste-t-il à la veille de la COP21.

8/ Cuba, Colombie, Iran  ?...

« Dans cette perspective de dialogue, je voudrais reconnaître les efforts réalisés au cours des derniers mois pour aider à surmonter les différences historiques liées à de déplorables épisodes du passé. C’est mon devoir de bâtir des ponts et d’aider tous les hommes et toutes les femmes, de toutes les manières possibles, à faire de même. Lorsque des pays qui avaient été en désaccord reprennent le chemin du dialogue – un dialogue qui aurait pu avoir été interrompu pour des raisons les plus légitimes – de nouvelles opportunités s’offrent pour tous ». 

Sans précision de noms ou de lieux, le pape François salue le « courage et (la) hardiesse » de ces dirigeants qui, « ayant à l’esprit les intérêts de tous », ont su saisir « le moment dans un esprit d’ouverture et de pragmatisme » et opérer des rapprochements politiques ou diplomatiques audacieux.

9/ Le Commerce Des Armes  

 « Être au service du dialogue et de la paix signifie aussi être vraiment déterminé à réduire et, sur le long terme, à mettre fin aux nombreux conflits armés dans le monde. Ici, nous devons nous demander : pourquoi des armes meurtrières sont-elles vendues à ceux qui planifient d’infliger des souffrances inqualifiables à des individus et à des sociétés ? Malheureusement, la réponse, comme nous le savons, est simple : pour de l’argent ; l’argent qui est trempé dans du sang, souvent du sang innocent. Face à ce honteux et coupable silence, il est de notre devoir d’affronter le problème et de mettre fin au commerce des armes ». 

10/ La Famille  

Enfin, rappelant qu’il achèvera ce week-end sa visite aux États-Unis en prenant part à la Rencontre mondiale des familles à Philadelphie, il termine son discours en leur rendant hommage. « Que la famille a été importante pour la construction de ce pays ! Et combien elle demeure digne de notre soutien et de notre encouragement ! » 

Mais au Congrès américain, il dit aussi sa « préoccupation pour la famille, qui est menacée, peut-être comme jamais auparavant, de l’intérieur comme de l’extérieur ». « Les relations fondamentales sont en train d’être remises en cause, comme l’est la base même du mariage et de la famille », dénonce-t-il avant d’attirer l’attention « sur ses membres les plus vulnérables : les jeunes ». « Au risque de simplifier à l’extrême, nous pourrions dire que nous vivons dans une culture qui pousse les jeunes à ne pas fonder une famille, parce qu’il n’y a pas de perspectives d’avenir ». 

« Leurs problèmes sont nos problèmes. Nous ne pouvons pas les éviter. Il nous faut les affronter ensemble, échanger à ce sujet et chercher des solutions efficaces au lieu de nous enliser dans des discussions », conclut-il, à la veille de la deuxième assemblée du Synode sur la famille qui se tiendra, à Rome, du 4 au 25 octobre.

© La Croix - 2015

Méditation sur la Parole

Il n'est pas des nôtres

Les lectures d’aujourd’hui nous invitent à respecter ceux et celles qui ne sont pas de notre groupe. Josué demande à Moïse d’empêcher ceux qui ne sont pas des « officiels » de prophétiser. Et Moïse de répondre : « Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » Dans l’évangile, Jean dit à Jésus : « Quelqu’un qui n’est pas de notre groupe chassait les démons et nous voulions l’empêcher ». Jésus demande de le laisser faire. Moïse et Jésus invitent à la tolérance et à l’ouverture envers ceux et celles qui sont différents de nous. Ce dimanche pourrait être celui de l’œcuménisme et du respect des diversités.

Le Pape Jean XXIII disait : « L’Église est comme une vieille fontaine de village qui a abreuvé des générations pendant des siècles. Les gens passent et la fontaine reste. La fontaine ne distingue pas entre les sympathiques et les antipathiques, entre les bons et les mauvais, entre les marginaux et les bien-pensants. Elle les accueille tous avec sa générosité proverbiale. »

L’objection de Jean dans l’évangile est celle de tous les intégristes, de toutes les personnes fermées aux autres : « Il n’est pas des nôtres ! ». C’est la tentation des esprits sectaires. Heureusement, il y a Jésus pour interdire les excommunications : « Ne les empêchez pas, acceptez la diversité, respectez ceux et celles qui sont différents de vous ». Le Christ veut nous guérir de notre mesquinerie, de notre vision trop étroite.

Les intégristes et les sectaires sont plus rapides à fermer la porte qu’à l’ouvrir : « Ils ne sont pas des nôtres ! : ils ne sont pas chrétiens, pas de notre parti politique, pas de notre idéologie. Montrez vos papiers ! Vous n’êtes pas francophones, pas anglophones, pas catholique, pas pratiquant, pas libéral ! Vous n’appartenez pas à mon syndicat, à mon école, à mon club. Vous êtes de la gauche, de la droite, du centre... alors, je ne vous écoute pas ! Si je le peux, je vous ferai taire, je vous empêcherai de parler et d’agir. » Le sectarisme n’est pas mort !

Il n’y a pas si longtemps, avant le Concile Vatican II, l’Église défendait aux catholiques d’avoir des contacts avec les protestants et avec les non-chrétiens. Il fallait la permission du curé pour s’inscrire dans une école anglaise et il était interdit d’entrer dans une église protestante.

Il fut un temps où l’on interdisait tout ce qui ne répondait pas à nos valeurs et à nos critères : livres, films, musique, pièces de théâtre, etc. « La censure nous protégeait » de tout ce qui ne répondait pas à nos normes, sans se soucier de ce qui pouvait être bon dans ce que l’on rejetait.

Jésus est le « catholique » par excellence, l’homme universel (c’est le sens du mot « catholique ») Il présente Dieu comme celui qui fait pleuvoir sur les bons et sur les mauvais, qui fait briller son soleil sur tous. Il protège la femme adultère, contrevient à la loi qui interdit de s’approcher des lépreux, s’assoie à la table des pécheurs, côtoie les publicains, les prostituées, les samaritains.

L’encyclique Ecclesiam suam affirmait : « L’Église doit être prête à soutenir un dialogue ouvert avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, à l’intérieur et à l’extérieur de ses cadres. Personne ne doit être considéré comme étant en dehors de son cœur. Personne ne doit être considéré comme son ennemi, à moins qu’il ou qu’elle ne choisisse de l’être. » Le cardinal Martini, qui est décédé il y a peu de temps, était un exemple de cette ouverture à toutes et à tous.

Le Pape Jean XXIII disait : « L’Église a de nombreux ennemis, mais elle ne doit être l’ennemi de personne. »

Les textes d’aujourd’hui nous invitent à réfléchir sur nos préjugés, nos exclusions, nos rejets des autres. L’ouverture ne nous oblige pas à renoncer à notre propre identité chrétienne, au contraire elle la renforce, non dans l’affrontement mais dans le dialogue. Dialoguer pour comprendre, être émerveillé, être enrichi ! Lorsque l’on s’approche des autres, que ce soit des Protestants, des Adventistes, des Mormons, des Musulmans, des Indus, des Juifs, des non-croyants, des athées, des animistes, on y découvre des perles d’humanité et de spiritualité.

On se rend compte qu’en dehors de l’Église, il y a plein de salut, que des milliers de gens chassent les démons, c’est à dire qu’ils luttent contre le mal, la maladie, les préjugés et la discrimination. Il existe de nombreuses personnes qui font un travail exceptionnel dans un grand esprit de fraternité et d’engagement...

Ni le groupe des Douze, ni aucune Église n’est seul dépositaire de l’Esprit de Dieu. Hors de nos cénacles, l’Esprit souffle, imprévisible, libre comme le vent (Jean 3,8).

Le Christ nous invite aujourd’hui à être ouvert à ceux et celles qui veulent faire le bien, à être édifiés par leurs engagements, à admirer le beau travail que font ceux et celles qui ne sont pas de notre groupe, de notre parti politique, de notre nationalité. « Ne les empêchez pas, même s’ils ne sont pas des nôtres. »

© Cursillo - 2015