PKO 26.04.2015

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°26/2015
Dimanche 26 avril 2015 – 4ème Dimanche du Temps de Pâques – Année B

En Polynésie, 900 xfp un acte de naissance… c’est possible !!!

 

Pas une semaine  ne se passe sans que l’administration nous surprenne par le surréalisme de ses décisions et de son fonctionnement !

Cette semaine c’est l’administration communale !

Un jeune homme vient nous demander de l’assister pour refaire sa carte d’identité… rien de bien difficile en soi… sauf si par malheur tu n’es pas né à Papeete !

Notre jeune homme de la semaine est né dans la belle île de Huahine !

Nous voilà donc parcourant internet sur la page communale de Huahine… Quelle joie… on peut faire une demande d’acte de naissance en ligne… et nous voilà remplissant consciencieusement le formulaire de demande… et d’un simple « click » c’est parti…

Moins de 10 minutes après… un courriel : « Bonjour. En PJ la procédure à suivre pour une délivrance d’acte d’état civil. Cordialement ». La pièce jointe c’est en fait la facture !!! Là tenez-vous bien : Tarif des droits de délivrance d’actes d’état civil : 150 fcp ; Tarif des frais d’expédition par voie postale : 120 fcp… le dépôt est à faire sur le compte CCP… pour ce dépôt la Poste vous prend 310 fcp… puis faxer le récépissé de paiement pour 250 cfp depuis la bureau de poste… Si en plus vous n’avez pas d’adresse postale (le cas pour un SDF), la poste restante vous en coûtera 70cfp… Bref nous voilà avec un acte de naissance à 900 fcp !

Mais Huahine n’est pas la seule… vous trouverez une situation similaire dans pratiquement toutes les communes de Polynésie…

Nous savions que la Polynésie française était en tête pour le coût de l’électricité, pour les taxes aéroportuaires… elle bat aussi un record pour l’accession aux actes de naissances…

Voici la réponse de St Pierre et Miquelon : « Bonjour, Pour une demande d’acte dans notre Commune c’est gratuit.  Cordialement. - Martine BEAUPERTUIS - Mairie de Saint-Pierre - Service État Civil – Elections »

Chronique de la roue qui tourne

Rendez-moi ma dignité post-mortem

Les députés viennent de modifier le projet de loi santé sur le renforcement du consentement présumé au don d'organes. Maintenant chaque personne décédée sera présumée consentante au prélèvement d'organes sauf si elle a émis un refus au don au préalable. Dans le cas contraire, une simple information sera faite à la famille sans qu'elle puisse émettre un avis.

Comment ne pas être perplexe devant une telle décision ?

Le but n'étant pas de remettre en question le don d'organe. Donner pour que l'autre vive est une action si noble et si humaine. Le sujet reste méconnu de ceux qui ne sont pas concernés. Pourtant le nombre de « demandeurs » ne cesse d'augmenter. D'ailleurs, cette semaine, trois greffes ont été faites à l'hôpital Taaone. Comment rester insensible devant cette maman qui va donner un rein pour sauver sa fille. Quel beau geste, n'est-ce pas ? Voilà la manifestation de l'Amour.

Cependant lorsqu'il s'agit d'un don suite à une mort subite, on constate une grande différence entre ceux qui, majoritairement, se disent favorables au don d'organes et les nombreux refus des familles. Vouloir disposer d'un corps afin d'y prélever ce qui est nécessaire, déshumanise le geste. Oui, des vies seront sauvées. Mais. On perdra la valeur du don. Cette modification de loi transformera automatiquement un don en un simple prélèvement et un corps deviendra automatiquement un cadavre. Et la dignité de la personne dans tout ça ?

Au lieu « d'automatiser » pour contrôler, renforçons le libre arbitre par des campagnes de sensibilisation. Faisons confiance à l'homme pour sauver l'humanité. Cessons de réduire ce que la vie fait de plus beau à un mécanisme froid et sans âme.

La chaise masquée

L’homme et la femme, uniques et complémentaires

Audience générale du mercredi 22 avril 2015 – Pape François

Contre « la récente épidémie de méfiance, de scepticisme, jusqu’à l’hostilité, qui se répand dans notre culture à l’égard d’une alliance entre l’homme et la femme », le pape François exhorte à « remettre à l’honneur le mariage et la famille ».

Chers frères et sœurs,

Dans la précédente catéchèse sur la famille, je me suis arrêté sur le premier récit de la création de l’être humain, dans le premier chapitre de la Genèse, où il est écrit : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (1,27).

Aujourd’hui, je voudrais compléter cette réflexion par le second récit, que nous trouvons au deuxième chapitre. Nous lisons ici que le Seigneur, après avoir créé le ciel et la terre, « modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (2,7). C’est le sommet de la création. Mais il manque quelque chose : Dieu met ensuite l’homme dans un très beau jardin pour qu’il le cultive et le garde (cf. 2,15).

L’Esprit-Saint, qui a inspiré toute la Bible, suggère pendant un moment l’image de l’homme seul – il lui manque quelque chose -, sans la femme. Et il suggère la pensée de Dieu, presque le sentiment de Dieu qui le regarde, qui observe Adam seul dans le jardin : il est libre, il est seigneur… mais il est seul. Et Dieu voit que cela « n’est pas bon » : c’est comme un manque de communion, il lui manque une communion, un manque de plénitude. « Ce n’est pas bon », dit Dieu, et il ajoute : « je vais lui faire une aide qui lui correspondra » (2,18).

Alors Dieu présente à l’homme tous les animaux ; l’homme donne à chacun d’eux son nom – et ceci est une autre image de la seigneurie de l’homme sur la création -, mais il ne trouve en aucun animal l’autre semblable à lui. L’homme continue seul. Quand finalement Dieu présente la femme, l’homme reconnaît en exultant que cette créature, et celle-là seulement, fait partie de lui : « l’os de mes os et la chair de ma chair » (2,23).

Finalement, il y a un reflet, une réciprocité. Quand une personne – c’est un exemple pour bien comprendre cela – veut donner la main à une autre, elle doit l’avoir devant elle : si on donne la main et qu’on n’a personne, la main reste là… il lui manque la réciprocité. C’est ainsi qu’était l’homme, il lui manquait quelque chose pour arriver à sa plénitude, il lui manquait la réciprocité. La femme n’est pas une « réplique » de l’homme ; elle vient directement du geste créateur de Dieu. L’image de la « côte » n’exprime pas du tout l’infériorité ou la subordination mais, au contraire, que l’homme et la femme sont de la même substance et sont complémentaires et qu’ils ont une réciprocité. Et le fait que – toujours dans la parabole – Dieu façonne la femme pendant que l’homme dort, souligne précisément qu’elle n’est en aucune façon une créature de l’homme, mais de Dieu. Cela suggère aussi autre chose : pour trouver la femme – et nous pouvons dire pour trouver l’amour dans la femme -, l’homme doit d’abord la rêver et il la trouve ensuite.

La confiance de Dieu dans l’homme et dans la femme, auxquels il confie la terre, est généreuse, directe et pleine. Il leur fait confiance. Mais voilà que le malin introduit dans leur esprit le soupçon, l’incrédulité, la méfiance. Et finalement arrive la désobéissance au commandement qui les protégeait. Ils tombent dans ce délire de la toute-puissance qui pollue tout et détruit l’harmonie. Nous aussi, nous le sentons bien souvent en nous, tous.

Le péché génère la méfiance et la division entre l’homme et la femme. Leur rapport sera menacé par mille formes d’abus et d’assujettissement, de séduction trompeuse et d’arrogance humiliante, jusqu’aux plus dramatiques et violentes. L’histoire en porte les traces. Pensons, par exemple, aux excès négatifs des cultures patriarcales. Pensons aux multiples formes de machisme où la femme est considérée comme étant de seconde classe. Pensons à l’instrumentalisation et au commerce du corps féminin dans la culture actuelle des médias. Mais pensons aussi à la récente épidémie de méfiance, de scepticisme, et jusqu’à l’hostilité qui se répand dans notre culture – en particulier à partir d’une méfiance compréhensible des femmes – à l’égard d’une alliance entre l’homme et la femme qui soit capable, à la fois, d’affiner l’intimité de la communion et de garder la dignité de la différence.

Si nous ne trouvons pas un sursaut de sympathie pour cette alliance, capable de mettre les nouvelles générations à l’abri de la méfiance et de l’indifférence, les enfants viendront au monde de plus en plus déracinés de celle-ci dès le sein maternel. La dévalorisation sociale de l’alliance stable et générative de l’homme et de la femme est certainement une perte pour tout le monde. Nous devons remettre à l’honneur le mariage et la famille ! La Bible dit quelque chose de beau : l’homme trouve la femme, ils se rencontrent et l’homme doit quitter quelque chose pour la trouver pleinement. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour aller vers elle. C’est beau ! Cela signifie commencer une nouvelle route. L’homme est tout entier pour la femme et la femme est tout entière pour l’homme.

La garde de cette alliance de l’homme et de la femme, même s’ils sont pécheurs et blessés, confus et humiliés, méfiants et incertains, est donc pour nous, croyants, une vocation exigeante et passionnante, dans la situation d’aujourd’hui. Le même récit de la création et du péché conclut ainsi : « Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit » (Gn 3,21). C’est une image de tendresse envers ce couple pécheur qui nous laisse bouche bée : la tendresse de Dieu pour l’homme et pour la femme ! C’est une image de la protection paternelle du couple humain. Dieu lui-même prend soin de son chef-d’œuvre et le protège.

©Libreria Editrice Vaticana - 2015

Manuel VALLS : « Aller à la messe la plus belle réponse à apporter au terrorisme »

 

Au lendemain de l'attentat déjoué contre des églises de Villejuif, le Premier Ministre a appelé à se rendre à la messe

Le Premier Ministre, et le Ministre de l’Intérieur, se sont rendus mercredi 22 avril dans deux églises de Villejuif (Val-de-Marne), cibles potentielles des attentats déjoués par chance, grâce à l'arrestation d'un suspect dimanche à Paris.

C’est aux côtés de Mgr Santier, évêque du Val de Marne, et devant les micros de KTO, que Manuel Valls est revenu, dans un discours surprenant eu égard aux frictions de ces dernières années entre catholiques et gouvernement, l’importance de la religion catholique en France, et la gravité des faits heureusement évités. « Ce qui aurait pu arriver est un choc pour tout le monde, et il est normal d'aller à la rencontre des élus de cette ville, des responsables paroissiaux pour dire à la fois notre profonde émotion et notre totale solidarité face à cette tentative d'attentat », a-t-il expliqué. « Cette fois-ci, c’était les chrétiens, les catholiques de France qui étaient visés, pour la première fois. Deux églises étaient dans le viseur de cet individu ».

L’essence même de la France

« Vouloir s'en prendre à une église, c'est s'en prendre à un symbole de la France, c'est l'essence même de la France qu’on a sans doute visé », a également souligné le Premier Ministre. « Les terroristes ont sans doute encore voulu frapper au cœur pour diviser et pour détruire. La réponse, c’est le rassemblement, c’est l’unité, c’est la démocratie, c’est le vivre ensemble et c’est la capacité à répondre comme les Français l’ont fait le 11 janvier dernier. »

Aller à la messe, la meilleure des réponses

« Les fidèles de la religion catholiques doivent pouvoir pratiquer leur culte, aller à la messe en parfaite sérénité. D’ailleurs, c’est la plus belle et la plus forte des réponses que nous devons apporter au terrorisme qui cible la France pour mieux la divise, Ce sont les mots du Président de la République ce matin en conseil des ministres. » « La France a un patrimoine chrétien exceptionnel. Ses cathédrales, ses églises, ses chapelles attirent des touristes, des pèlerins des fidèles par milliers du monde entier. Ce patrimoine doit être protégé, mais il doit rester ouvert accessible », a conclu le Premier Ministre.

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L’exode, expérience fondamentale de la vocation

Message du pape François pour la 52ème Journée Mondiale de prière pour les Vocations

Chers frères et sœurs,

Le quatrième dimanche de Pâques nous présente l’icône du Bon Pasteur qui connaît ses brebis, les appelle, les nourrit et les conduit. En ce dimanche, depuis plus de 50 ans, nous vivons la Journée mondiale de prière pour les Vocations. Elle nous rappelle chaque fois l’importance de prier pour que, comme a dit Jésus à ses disciples, « le maître de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson » (cf. Lc 10, 2). Jésus exprime ce commandement dans le contexte d’un envoi missionnaire : il a appelé, outre les douze apôtres, soixante-douze autres disciples et il les envoie deux par deux pour la mission (Lc 10, 1-16). En effet, si l’Église « est par sa nature missionnaire » (Conc. Œcum. Vat. II Décret Ad gentes, n. 2), la vocation chrétienne ne peut que naître à l’intérieur d’une expérience de mission. Aussi, écouter et suivre la voix du Christ Bon Pasteur, en se laissant attirer et conduire par lui et en lui consacrant sa vie, signifie permettre que l’Esprit-Saint nous introduise dans ce dynamisme missionnaire, en suscitant en nous le désir et le courage joyeux d’offrir notre vie et de la dépenser pour la cause du Royaume de Dieu.

L’offrande de sa vie dans cette attitude missionnaire est possible seulement si nous sommes capables de sortir de nous-mêmes. En cette 52ème Journée mondiale de prière pour les Vocations, je voudrais donc réfléchir sur cet « exode » particulier qu’est la vocation, ou, mieux, notre réponse à la vocation que Dieu nous donne. Quand nous entendons la parole « exode », notre pensée va immédiatement aux débuts de la merveilleuse histoire d’amour entre Dieu et le peuple de ses enfants, une histoire qui passe à travers les jours dramatiques de l’esclavage en Égypte, l’appel de Moïse, la libération et le chemin vers la Terre promise. Le livre de l’Exode – le second livre de la Bible –, qui raconte cette histoire, représente une parabole de toute l’histoire du salut, et aussi de la dynamique fondamentale de la foi chrétienne. En effet, passer de l’esclavage de l’homme ancien à la vie nouvelle dans le Christ est l’œuvre rédemptrice qui advient en nous par la foi (Ep 4, 22-24). Ce passage est un « exode » véritable et particulier, c’est le chemin de l’âme chrétienne et de l’Église entière, l’orientation décisive de l’existence tournée vers le Père.

À la racine de chaque vocation chrétienne, il y a ce mouvement fondamental de l’expérience de foi : croire veut dire se laisser soi-même, sortir du confort et de la rigidité du moi pour centrer notre vie en Jésus Christ ; abandonner comme Abraham sa propre terre en se mettant en chemin avec confiance, sachant que Dieu indiquera la route vers la nouvelle terre. Cette « sortie » n’est pas à entendre comme un mépris de sa propre vie, de sa propre sensibilité, de sa propre humanité ; au contraire, celui qui se met en chemin à la suite du Christ trouve la vie en abondance, en se mettant lui-même tout entier à la disposition de Dieu et de son Royaume. Jésus dit : « Celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19, 29). Tout cela a sa racine profonde dans l’amour. En effet, la vocation chrétienne est surtout un appel d’amour qui attire et renvoie au-delà de soi-même, décentre la personne, amorçant « un exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu » (Benoît xvi, Lett. enc. Deus caritas est, n.6).

L’expérience de l’exode est un paradigme de la vie chrétienne, en particulier de celui qui embrasse une vocation de dévouement particulier au service de l’Évangile. Il consiste en une attitude toujours renouvelée de conversion et de transformation, dans le fait de rester toujours en chemin, de passer de la mort à la vie ainsi que nous le célébrons dans toute la liturgie : c’est le dynamisme pascal. Au fond, depuis l’appel d’Abraham à celui de Moïse, depuis le chemin pérégrinant d’Israël dans le désert à la conversion prêchée par les prophètes, jusqu’au voyage missionnaire de Jésus qui culmine dans sa mort et sa résurrection, la vocation est toujours cette action de Dieu qui nous fait sortir de notre situation initiale, nous libère de toute forme d’esclavage, nous arrache à nos habitudes et à l’indifférence et nous projette vers la joie de la communion avec Dieu et avec les frères. Répondre à l’appel de Dieu, donc, c’est le laisser nous faire sortir de notre fausse stabilité pour nous mettre en chemin vers Jésus Christ, terme premier et dernier de notre vie et de notre bonheur.

Cette dynamique de l’exode ne concerne pas seulement l’appel particulier, mais l’action missionnaire et évangélisatrice de toute l’Église. L’Église est vraiment fidèle à son Maître dans la mesure où elle est une Église « en sortie », sans être préoccupée d’elle-même, de ses structures et de ses conquêtes, mais plutôt capable d’aller, de se mouvoir, de rencontrer les enfants de Dieu dans leur situation réelle et de compatir à leurs blessures. Dieu sort de lui-même dans une dynamique trinitaire d’amour, écoute la misère de son peuple et intervient pour le libérer (Ex 3, 7). L’Église est aussi appelée à cette manière d’être et d’agir : l’Église qui évangélise sort à la rencontre de l’homme, annonce la parole libératrice de l’Évangile, prend soin avec la grâce de Dieu des blessures des âmes et des corps, relève les pauvres et ceux qui sont dans le besoin.

Chers frères et sœurs, cet exode libérateur vers le Christ et vers les frères représente aussi le chemin vers la pleine compréhension de l’homme et pour la croissance humaine et sociale dans l’histoire. Écouter et accueillir l’appel du Seigneur n’est pas une question privée et intimiste qui peut se confondre avec l’émotion du moment ; c’est un engagement concret, réel et total, qui embrasse notre existence et la met au service de la construction du Royaume de Dieu sur la terre. Par conséquent, la vocation chrétienne, enracinée dans la contemplation du cœur du Père, pousse en même temps à l’engagement solidaire en faveur de la libération des frères, surtout des plus pauvres. Le disciple de Jésus a le cœur ouvert à son horizon immense, et son intimité avec le Seigneur n’est jamais une fuite de la vie et du monde mais, au contraire, « se présente essentiellement comme communion missionnaire » (Exhort. Apost. Evangelii gaudium, n. 23).

Cette dynamique d’exode vers Dieu et vers l’homme remplit la vie de joie et de sens. Je voudrais le dire surtout aux plus jeunes qui, en raison de leur âge et de la vision de l’avenir qui s’ouvre devant leurs yeux, savent être disponibles et généreux. Parfois, les inconnues et les préoccupations pour l’avenir et l’incertitude qui entache le quotidien risquent de paralyser leurs élans, de freiner leurs rêves au point de penser qu’il ne vaut pas la peine de s’engager et que le Dieu de la foi chrétienne limite leur liberté. Au contraire, chers jeunes, n’ayez pas peur de sortir de vous-même et de vous mettre en chemin ! L’Évangile est la Parole qui libère, transforme et rend plus belle notre vie. Comme il est beau de se laisser surprendre par l’appel de Dieu, d’accueillir sa Parole, de mettre les pas de votre existence dans les pas de Jésus, dans l’adoration du mystère divin et du dévouement généreux aux autres ! Votre vie deviendra chaque jour plus riche et plus joyeuse !

La Vierge Marie, modèle de toute vocation, n’a pas craint de prononcer son « fiat » à l’appel du Seigneur. Qu’elle vous accompagne et qu’elle vous guide. Avec le courage généreux de la foi, Marie a chanté la joie de sortir d’elle-même et de confier à Dieu ses projets de vie. Nous nous adressons à elle pour être pleinement disponibles au dessein que Dieu a sur chacun de nous ; pour que grandisse en nous le désir de sortir et d’aller, avec sollicitude, vers les autres (cf. Lc 1, 39). Que la Vierge Mère nous protège et qu’elle intercède pour nous tous !

Du Vatican, le 29 mars 2015

Dimanche des Rameaux

Franciscus

© Aleteia - 2015

Misericordiæ Vultus – Le visage de la Miséricorde [2]

Bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la Miséricorde

Le pape François a présidé, ce samedi 11 avril, à Saint-Pierre, les premières vêpres du dimanche de la miséricorde. Les vêpres ont été précédées, dans le narthex de Saint-Pierre, près de la Porte Sainte, encore murée jusqu'au 8 décembre prochain, par la remise de la bulle d'indiction du jubilé extraordinaire, « Misericordiae Vultus » - « Le visage de la miséricorde » -, notamment aux archiprêtres des trois autres basiliques papales. Des passages du document ont alors été lus. Voici le texte intégral de ce document papal qui demande notamment l'ouverture de Portes Saintes dans chaque diocèse.

16. Dans l’Évangile de Luc, nous trouvons un autre aspect important pour vivre avec foi ce Jubilé. L’évangéliste raconte qu’un jour de sabbat, Jésus retourna à Nazareth, et comme il avait l’habitude de le faire, il entra dans la synagogue. On l’appela pour lire l’Écriture et la commenter. C’était le passage du prophète Isaïe où il est écrit : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (Is 61, 1-2). « Une année de bienfaits » : c’est ce que le Seigneur annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année Sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les paroles du Prophète : dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne, redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit de nouveau visible dans les réponses de foi que les chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage. Que les paroles de l’Apôtre nous accompagnent : « celui qui pratique la miséricorde, qu’il ait le sourire » (Rm 12, 8).

17. Puisse le Carême de cette Année Jubilaire être vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu. Combien de pages de l’Écriture peuvent être méditées pendant les semaines du Carême, pour redécouvrir le visage miséricordieux du Père ! Nous pouvons nous aussi répéter avec Michée : Toi, Seigneur, tu es un Dieu qui efface l’iniquité et pardonne le péché. De nouveau, tu nous montreras ta miséricorde, tu fouleras aux pieds nos crimes, tu jetteras au fond de la mer tous nos péchés ! (cf. 7, 18-19).

Ces pages du prophète Isaïe pourront être méditées plus concrètement en ce temps de prière, de jeûne et de charité : « Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : “Me voici.” Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais » (Is 58, 6-11).

L’initiative appelée « 24 heures pour le Seigneur » du vendredi et samedi qui précèdent le IVème dimanche de Carême doit monter en puissance dans les diocèses. Tant de personnes se sont de nouveau approchées du sacrement de Réconciliation, et parmi elles de nombreux jeunes, qui retrouvent ainsi le chemin pour revenir au Seigneur, pour vivre un moment de prière intense, et redécouvrir le sens de leur vie. Avec conviction, remettons au centre le sacrement de la Réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde. Pour chaque pénitent, ce sera une source d’une véritable paix intérieure.

Je ne me lasserai jamais d’insister pour que les confesseurs soient un véritable signe de la miséricorde du Père. On ne s’improvise pas confesseur. On le devient en se faisant d’abord pénitent en quête de pardon. N’oublions jamais qu’être confesseur, c’est participer à la mission de Jésus d’être signe concret de la continuité d’un amour divin qui pardonne et qui sauve. Chacun de nous a reçu le don de l’Esprit Saint pour le pardon des péchés, nous en sommes responsables. Nul d’entre nous n’est maître du sacrement, mais un serviteur fidèle du pardon de Dieu. Chaque confesseur doit accueillir les fidèles comme le père de la parabole du fils prodigue : un père qui court à la rencontre du fils bien qu’il ait dissipé tous ses biens. Les confesseurs sont appelés à serrer sur eux ce fils repentant qui revient à la maison, et à exprimer la joie de l’avoir retrouvé. Ils ne se lasseront pas non plus d’aller vers l’autre fils resté dehors et incapable de se réjouir, pour lui faire comprendre que son jugement est sévère et injuste, et n’a pas de sens face à la miséricorde du Père qui n’a pas de limite. Ils ne poseront pas de questions impertinentes, mais comme le père de la parabole, ils interrompront le discours préparé par le fils prodigue, parce qu’ils sauront accueillir dans le cœur du pénitent l’appel à l’aide et la demande de pardon. En résumé, les confesseurs sont appelés, toujours, partout et en toutes situations, à être le signe du primat de la miséricorde.

18. Au cours du carême de cette Année Sainte, j’ai l’intention d’envoyer les Missionnaires de la Miséricorde. Ils seront le signe de la sollicitude maternelle de l’Église à l’égard du Peuple de Dieu, pour qu’il entre en profondeur dans la richesse de ce mystère aussi fondamental pour la foi. Ce seront des prêtres à qui j’aurai donné l’autorité pour pardonner aussi les péchés qui sont réservés au Siège Apostolique, afin de rendre explicite l’étendue de leur mandat. Ils seront surtout signe vivant de la façon dont le Père accueille ceux qui sont à la recherche de son pardon. Ils seront des missionnaires de la miséricorde car ils se feront auprès de tous l’instrument d’une rencontre riche en humanité, source de libération, lourde de responsabilité afin de dépasser les obstacles à la reprise de la vie nouvelle du Baptême. Dans leur mission, ils se laisseront guider par la parole de l’Apôtre : « Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde » (Rm 11, 32). De fait, tous, sans exclusion, sont invités à accueillir l’appel à la miséricorde. Que les missionnaires vivent cet appel en fixant le regard sur Jésus, « Grand-Prêtre miséricordieux et digne de foi » (He 2, 17).

Je demande à mes frères évêques d’inviter et d’accueillir ces Missionnaires, pour qu’ils soient avant tout des prédicateurs convaincants de la miséricorde. Que soient organisées dans les diocèses des « missions vers le peuple », de sorte que ces Missionnaires soient les hérauts de la joie du pardon. Qu’ils célèbrent le sacrement de la Réconciliation pour le peuple, pour que le temps de grâce de l’Année Jubilaire permette à de nombreux fils éloignés de retrouver le chemin de la maison paternelle. Que les pasteurs, spécialement pendant le temps fort du Carême, soient invités à appeler les fidèles à s’approcher « vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir la grâce de son secours » (He 4, 16).

19. Que puisse parvenir à tous la parole de pardon et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! Mon appel à la conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie. Je pense en particulier aux hommes et aux femmes qui font partie d’une organisation criminelle quelle qu’elle soit. Pour votre bien, je vous demande de changer de vie. Je vous le demande au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché, n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent ne donne pas le vrai bonheur. La violence pour amasser de l’argent qui fait couler le sang ne rend ni puissant, ni immortel. Tôt ou tard, le jugement de Dieu viendra, auquel nul ne pourra échapper.

Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence.

Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. Il est toujours prêt à écouter, et moi aussi je le suis, comme mes frères évêques et prêtres. Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Église offre la miséricorde.

20. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler le rapport entre justice et miséricorde. Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l’ordre juridique à travers lequel la loi s’applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. Il est fait référence de nombreuses fois dans la Bible à la justice divine et à Dieu comme juge. On entend par là l’observance intégrale de la Loi et le comportement de tout bon israélite conformément aux commandements de Dieu. Cette vision est cependant souvent tombée dans le légalisme, déformant ainsi le sens originel et obscurcissant le sens profond de la justice. Pour dépasser cette perspective légaliste, il faut se rappeler que dans l’Écriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu.

Pour sa part, Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur l’observance de la loi. C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre ses paroles, lorsqu’à table avec Matthieu et d’autres publicains et pécheurs, il dit aux pharisiens qui le critiquent : « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt 9, 13). En face d’une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. On comprend alors pourquoi Jésus fut rejeté par les pharisiens et les docteurs de la loi, à cause de sa vision libératrice et source de renouveau. Pour être fidèles à la loi, ils posaient des poids sur les épaules des gens, rendant vaine la miséricorde du Père. Le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine.

L’évocation que fait Jésus du prophète Osée – « Je veux la fidélité, non le sacrifice » (6, 6) – est très significative. Jésus affirme que la règle de vie de ses disciples devra désormais intégrer le primat de la miséricorde, comme Lui-même en a témoigné, partageant son repas avec les pécheurs. La miséricorde se révèle une nouvelle fois comme une dimension fondamentale de la mission de Jésus. Elle est un véritable défi face à ses interlocuteurs qui s’arrêtaient au respect formel de la loi. Jésus au contraire, va au-delà de la loi ; son partage avec ceux que la loi considérait comme pécheurs fait comprendre jusqu’où va sa miséricorde.

L’apôtre Paul a parcouru un chemin similaire. Avant de rencontrer le Christ sur le chemin de Damas, il consacrait sa vie à observer de manière irréprochable la justice de la loi (cf. Ph 3, 6). La conversion au Christ l’amena à changer complètement de regard, au point qu’il affirme dans la Lettre aux Galates : « Nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi » (2, 16). Sa compréhension de la justice change radicalement. Paul situe désormais en premier la foi, et non plus la loi. Ce n’est pas l’observance de la loi qui sauve, mais la foi en Jésus-Christ, qui par sa mort et sa résurrection, nous a donné la miséricorde qui justifie. La justice de Dieu devient désormais libération pour ceux qui sont esclaves du péché et de toutes ses conséquences. La justice de Dieu est son pardon (cf. Ps 50, 11-16).

21. La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. Ce qu’a vécu le prophète Osée nous aide à voir le dépassement de la justice par la miséricorde. L’époque de ce prophète est parmi les plus dramatiques de l’histoire du peuple hébreu. Le Royaume est près d’être détruit ; le peuple n’est pas demeuré fidèle à l’alliance, il s’est éloigné de Dieu et a perdu la foi des Pères. Suivant une logique humaine, il est juste que Dieu pense à rejeter le peuple infidèle : il n’a pas été fidèle au pacte, et il mérite donc la peine prévue, c’est-à-dire l’exil. Les paroles du prophète l’attestent : « Il ne retournera pas au pays d’Égypte ; Assour deviendra son roi, car ils ont refusé de revenir à moi » (Os 11, 5). Cependant, après cette réaction qui se réclame de la justice, le prophète change radicalement son langage et révèle le vrai visage de Dieu : « Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer » (11, 8-9). Commentant les paroles du prophète, saint Augustin écrit : « Il est plus facile pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde ». C’est exactement ainsi. La colère de Dieu ne dure qu’un instant, et sa miséricorde est éternelle.

Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu ; il serait comme tous les hommes qui invoquent le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà de la justice avec la miséricorde et le pardon. Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la rendre superflue, au contraire. Qui se trompe devra purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot, mais le début de la conversion, en faisant l’expérience de la tendresse du pardon. Dieu ne refuse pas la justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de l’amour, fondement d’une vraie justice. Il nous faut prêter grande attention à ce qu’écrit Paul pour ne pas faire la même erreur que l’Apôtre reproche à ses contemporains juifs : « En ne reconnaissant pas la justice qui vient de Dieu, et en cherchant à instaurer leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. Car l’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin que soit donnée la justice à toute personne qui croit » (Rm 10, 3-4). Cette justice de Dieu est la miséricorde accordée à tous comme une grâce venant de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la certitude de l’amour et de la vie nouvelle.

22. Le jubilé amène la réflexion sur l’indulgence. Elle revêt une importance particulière au cours de cette Année Sainte. Le pardon de Dieu pour nos péchés n’a pas de limite. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de l’Eglise. Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue. Nous faisons tous l’expérience du péché. Nous sommes conscients d’être appelés à la perfection (cf. Mt 5, 48), mais nous ressentons fortement le poids du péché. Quand nous percevons la puissance de la grâce qui nous transforme, nous faisons l’expérience de la force du péché qui nous conditionne. Malgré le pardon, notre vie est marquée par les contradictions qui sont la conséquence de nos péchés. Dans le sacrement de la Réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l’empreinte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché.

L’Église vit la communion des saints. Dans l’eucharistie, cette communion, qui est don de Dieu, est rendue présente comme une union spirituelle qui lie les croyants avec les Saints et les Bienheureux dont le nombre est incalculable (cf. Ap 7,4). Leur sainteté vient au secours de notre fragilité, et la Mère Église est ainsi capable, par sa prière et sa vie, d’aller à la rencontre de la faiblesse des uns avec la sainteté des autres. Vivre l’indulgence de l’Année Sainte, c’est s’approcher de la miséricorde du Père, avec la certitude que son pardon s’étend à toute la vie des croyants. L’indulgence, c’est l’expérience de la sainteté de l’Église qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ, en faisant en sorte que le pardon parvienne jusqu’aux extrêmes conséquences que rejoint l’amour de Dieu. Vivons intensément le Jubilé, en demandant au Père le pardon des péchés et l’étendue de son indulgence miséricordieuse.

23. La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Église. Elle est le lien avec le Judaïsme et l’Islam qui la considèrent comme un des attributs les plus significatifs de Dieu. Israël a d’abord reçu cette révélation qui demeure dans l’histoire comme le point de départ d’une richesse incommensurable à offrir à toute l’humanité. Nous l’avons vu, les pages de l’Ancien Testament sont imprégnées de miséricorde, puisqu’elles racontent les œuvres accomplies par le Seigneur en faveur de son peuple dans les moments les plus difficiles de son histoire. L’Islam de son côté, attribue au Créateur les qualificatifs de Miséricordieux et Clément. On retrouve souvent ces invocations sur les lèvres des musulmans qui se sentent accompagnés et soutenus par la miséricorde dans leur faiblesse quotidienne. Eux aussi croient que nul ne peut limiter la miséricorde divine car ses portes sont toujours ouvertes.

Que cette Année Jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions et les autres nobles traditions religieuses. Qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination.

24. Que notre pensée se tourne vers la Mère de la Miséricorde. Que la douceur de son regard nous accompagne en cette Année Sainte, afin que tous puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu. Personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère de Dieu fait homme. Sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. La Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans le sanctuaire de la miséricorde divine en participant intimement au mystère de son amour.

Choisie pour être la Mère du Fils de Dieu, Marie fut préparée depuis toujours par l’amour du Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Elle a gardé dans son cœur la divine miséricorde en parfaite syntonie avec son Fils Jésus. Son chant de louange, au seuil de la maison d’Elisabeth, fut consacré à la miséricorde qui s’étend « d’âge en âge » (Lc 1, 50). Nous étions nous aussi présents dans ces paroles prophétiques de la Vierge Marie, et ce sera pour nous un réconfort et un soutien lorsque nous franchirons la Porte Sainte pour goûter les fruits de la miséricorde divine.

Près de la croix, Marie avec Jean, le disciple de l’amour, est témoin des paroles de pardon qui jaillissent des lèvres de Jésus. Le pardon suprême offert à qui l’a crucifié nous montre jusqu’où peut aller la miséricorde de Dieu. Marie atteste que la miséricorde du Fils de Dieu n’a pas de limite et rejoint tout un chacun sans exclure personne. Adressons lui l’antique et toujours nouvelle prière du Salve Regina, puisqu’elle ne se lasse jamais de poser sur nous un regard miséricordieux, et nous rend dignes de contempler le visage de la miséricorde, son Fils Jésus.

Que notre prière s’étende aussi à tant de Saints et de Bienheureux qui ont fait de la miséricorde la mission de leur vie. Cette pensée s’adresse en particulier à la grande apôtre de la miséricorde, Sainte Faustine Kowalska. Elle qui fut appelée à entrer dans les profondeurs de la miséricorde divine, qu’elle intercède pour nous et nous obtienne de vivre et de cheminer toujours dans le pardon de Dieu et dans l’inébranlable confiance en son amour.

25. Une Année Sainte extraordinaire pour vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce Jubilé, laissons-nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous. L’Église ressent fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu. La vie de l’Église est authentique et crédible lorsque la miséricorde est l’objet d’une annonce convaincante. Elle sait que sa mission première, surtout à notre époque toute remplie de grandes espérances et de fortes contradictions, est de faire entrer tout un chacun dans le grand mystère de la miséricorde de Dieu, en contemplant le visage du Christ. L’Église est d’abord appelée à être témoin véridique de la miséricorde, en la professant et en la vivant comme le centre de la Révélation de Jésus-Christ. Du cœur de la Trinité, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais épuisée pour tous ceux qui s’en approcheront. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la miséricorde de Dieu est sans fin. Autant la profondeur du mystère renfermé est insondable, autant la richesse qui en découle est inépuisable.

Qu’en cette Année Jubilaire l’Église fasse écho à la Parole de Dieu qui résonne, forte et convaincante, comme une parole et un geste de pardon, de soutien, d’aide, d’amour. Qu’elle ne se lasse jamais d’offrir la miséricorde et soit toujours patiente pour encourager et pardonner. Que l’Église se fasse la voix de tout homme et de toute femme, et répète avec confiance et sans relâche : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 25, 6).

Donné à Rome, près Saint Pierre, le 11 avril

Veille du IIème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde, de l’An du Seigneur 2015, le troisième de mon pontificat.

Franciscus

©Libreria Editrice Vaticana - 2015

Méditation sur la Parole

Chaque année, lors du 4e dimanche de Pâques, la liturgie nous parle du bon pasteur, en utilisant chaque fois un autre texte des évangiles. Le symbole du berger qui conduit son troupeau est présent dans tout l’ancien orient, pour désigner les rois et les chefs de clans. Dans la Bible, cette image s’applique aussi à Dieu, le pasteur de son peuple : « Voici votre Dieu qui vient : comme un berger, il fait paître son troupeau ; il rassemble les brebis égarées, il porte les agnelets, il procure de la fraîcheur aux brebis qui le suivent » (Isaïe). « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » (Ps 22). Jésus lui-même se présente comme « le bon pasteur. »

La comparaison était facile à comprendre pour un peuple de nomades en marche vers la Terre Promise. Ses plus grands chefs avaient été des bergers : Abraham et ses troupeaux de petit bétail, Moïse, berger dans le désert qui reçoit la révélation du buisson ardent, David qui garde les moutons de son père, à Bethléem.

Dans l’Orient ancien, le berger n’était pas un personnage romantique comme nous nous le représentons souvent aujourd’hui. Le berger était un homme courageux, qui savait défendre ses brebis des animaux sauvages et des voleurs. Dans 1 Samuel 17, 34-36, David dit au roi Saül qui voulait l’empêcher de combattre le géant Goliath : « Quand je faisait paître les brebis de mon père et que venait un lion ou un ours qui enlevait une brebis du troupeau, je le poursuivais, je le frappais et j’arrachais celle-ci de sa gueule. Et s’il se dressait contre moi, je le saisissais et je le frappais à mort. »

Dans le christianisme la représentation du Christ, le Bon Pasteur se retrouve partout : dans les catacombes, les maisons des chrétiens, leurs salles de réunions. C’est l’une des premières images du Seigneur ressuscité et notre « pratique pastorale » a pris son nom de cette représentation du Seigneur, le pasteur de son peuple. Encore aujourd’hui, les évêques utilisent la crosse du berger comme symbole de leur ministère pastoral.

Le Bon Pasteur, c’est celui qui permet à ceux et celles qui lui sont confiés de « vivre pleinement ». D’ailleurs, le verset qui précède le texte d’aujourd’hui le dit clairement : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance ». (Jean 10, 10)

S. Jean, dans son évangile, met l’accent sur l’individualité de chacun et l’importance que nous avons pour Dieu. « Je suis le bon pasteur. Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent ». Lorsque quelqu’un est important pour nous, nous connaissons son nom, qu’il s’agisse des membres de notre famille, de nos amis, de nos collègues, des gens de notre entourage. La connaissance d’une personne nous permet de l’aimer et de la respecter.

La haine, par contre, détruit l’individualité, et regroupe les gens en leur donnant une étiquette négative. C’est alors beaucoup plus facile de lutter contre eux et de les éliminer. Les préjugés et la haine réduisent un groupe à une étiquette, une abstraction. On ne connaît plus le nom des personnes, ils n’ont plus de visage, nous ne savons plus qui ils sont. Un exemple extrême de ce comportement est apparu dans les camps d’extermination nazis durant le temps d’Hitler. La gestapo tatouait un numéro sur le bras des prisonniers juifs. Ils n’étaient plus des individus mais des ennemis de l’état, sans visage, sans personnalité propre. Ils devenaient des prisonniers avec un numéro d’identification. Ceci se passe encore aujourd’hui dans de nombreuses prisons. Les numéros et les catégories rendent la haine, la torture et le meurtre plus facile. Il est toujours dangereux de regrouper les gens dans des catégories toutes faites : « les Juifs », « les Musulmans », « les Catholiques », « les Protestants », « les Noirs », « les homosexuels », « les prostituées », etc.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Seigneur refuse cette négation de la personne. Il connaît ses brebis et il les appelle par leur nom. Le bon pasteur est le Dieu des Juifs, des Samaritains, des Musulmans, des Hindous, des Chrétiens : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie. » Le bon pasteur est celui qui se préoccupe, qui prend le temps de connaître, qui répond aux besoins d’une personne à la fois : Marie Madeleine, Zachée, la cananéenne, le bon larron, le paralytique, la samaritaine, le lépreux, Nicodème, l’aveugle de Jéricho, etc.

En ce dimanche du bon pasteur, nous sommes invités à marcher dans les traces du Seigneur, d’être de bons pasteurs pour les gens autour de nous. À la fin de notre vie, espérons que l’on pourra dire de nous ce qu’on a dit du Christ : « Il a passé sa vie à faire du bien et a aidé les autres à avoir la vie en abondance ».

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