PKO 25.12.2015

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°65/2015

Vendredi 25 décembre 2015 – Nativité du Seigneur – Année C

Humeurs

Noël de la Miséricorde

En cette nuit de Noël que nous souhaiter de plus que la Miséricorde : en faire l’expérience et en être témoin…

Faire l’expérience de la miséricorde : en nous plaçant devant la crèche, nous découvrir pêcheur, pêcheur aimé et réconcilié par ce Dieu qui s’est fait l’un de nous. Découvrir combien nous sommes précieux aux yeux de Dieu au point qu’il ait abandonné ce qu’il est pour être ce que nous sommes… et cela sans aucune condition préalable… juste par amour, juste parce qu’il croit en nous…

Être témoin de la miséricorde : en reconnaissant en l’autre, quel qu’il soit, et plus encore dans le plus pauvre « un frère, parce que, depuis qu’a eu lieu la naissance de Jésus, tout visage porte gravé en lui la ressemblance du Fils de Dieu. Surtout quand c’est le visage du pauvre, parce que Dieu est entré pauvre dans le monde et il s’est tout d’abord laissé approcher par les pauvres ». (Pape François – Angélus du 13 décembre 2015)

En cette année de la Miséricorde, je nous souhaite un Noël de pauvre avec Jésus pauvre parmi les pauvres… Je nous souhaite un Noël digne de la mangeoire de Bethléem !

Chronique

Vaincre la misère, un acte de justice

Mardi 22 décembre, l’Ordre de Malte organisait son repas bi-mensuel au presbytère de la Cathédrale pour nos amis de la rue. Comme chaque année, le dernier repas de l’année revêt un caractère festif ou les convives sont servis à table. Il y a deux mois, ce sont les étudiants de l’École de Commerce de Tahiti qui avaient pris en charge l’intégralité de ce repas. Suite à cela, les étudiants, ont chacun écrit ce qu’ils avaient vécus et dans quel état d’esprit ils l’avaient fait. Voici le compte-rendu de Teanivai Putua… un Noël véritable !

En Polynésie Française, la situation est alarmante, le nombre de SDF aurait été multiplié par dix en 20 ans. Parmi les sans domicile fixe, toutes les tranches d'âge sont représentées, des mineurs aux séniors. En 2015, on compte 400 personnes sans domicile fixe qui vivent dans la rue. Une situation qui va de mal en pis. Nelson Mandela disait « La pauvreté n’est pas un accident, comme l’esclavage et l’apartheid, elle a été faite par l’homme et peut être supprimée par des actions communes de l’humanité ». Le 28 octobre dernier, les étudiants de deuxième année de l’École de Commerce de Tahiti ont réalisé une action commune : nourrir les SDF de Papeete. À travers ce compte rendu, je vais expliquer pourquoi j’ai participé à cette action et ce qui m’a beaucoup touché lors de cette soirée.

Le 28 octobre dernier, j’ai eu la possibilité de participer à une action digne d’un citoyen : nourrir les SDF de la rue. Vaincre la pauvreté est, pour moi, non pas un acte de charité, mais un acte de justice. En tant que citoyen Français, je veux limiter la pauvreté, sans pour autant limiter la richesse. La France est le pays des droits de l‘homme, pourtant, en Polynésie française, la pauvreté touche beaucoup de personnes. Selon l’ISPF, 28,2% de la population vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins 42 950 xpf par mois. Selon le collectif Te Ta’i Vevo, 400 personnes vivent dans la rue. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. Depuis des années, les SDF ont beau dormir tous les soirs dans des papiers journaux, mais n’ont jamais fait l’actualité. Aujourd’hui, aider mon prochain est pour moi un devoir. Ce sont nos citoyens, nos frères, nos compatriotes, nos égaux, notre race humaine, nos semblables qui sont dans la rue et nous ne pouvons rester indifférent face à la situation dans laquelle ils vivent. D’ailleurs Einstein disait : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ». Vivre est la chose la plus rare au monde. La plupart des gens ne font qu’exister. Moi, je veux donner un sens à mon existence. J’ai la volonté d’accompagner et soutenir tous ceux qui sont dans l’exclusion totale, l’errance et la perte de dignité. Tout le monde a le droit à la dignité. Énormément de situations m’ont touché lors de cette action. Pendant cette soirée, je me suis rendu compte que la pauvreté touche tous les âges : les mineurs, les jeunes majeurs (18-25 ans) et les personnes âgées. Beaucoup de ces personnes ont perdu l’espoir, vivent dans l’alcool et la drogue. Mais ce qui m’a beaucoup touché, c’est le sourire sur le visage de certains SDF malgré la pauvreté dans laquelle ils vivent. Ils n’attendent pas d’être heureux pour sourire mais ils sourient plutôt afin d’être heureux.

Pour conclure, la situation des SDF en Polynésie Française s’est dégradée en l’espace de 20 ans. Cette action m’a beaucoup enrichi intérieurement. J’ai compris qu’après le verbe « aimer », le verbe « aider » est le plus beau verbe au monde. Un homme n’est jamais aussi grand que lorsqu’il se penche pour aider son prochain. Je voudrai terminer sur cette citation de Mère Teresa « À notre époque de progrès, tout le monde est pressé, personne n’a le temps, et les malheureux incapables de rivaliser s’effondrent. Ce sont eux que nous voulons aimer, servir, entourer. Savoir se contenter de ce que l’on a : Ça, c’est être riche ».

© Teanivai Putua - 2015

Une Porte Sainte de la Charité

Homélie du Pape françois

C’est un geste fort et symbolique que le Pape François a accompli vendredi 19 décembre 2015 dans le centre de Rome : il a ouvert une « Porte Sainte de la charité » dans un centre d'accueil de la Caritas, avant de célébrer la messe dans le réfectoire Saint Jean Paul II géré par la même organisation. Lors de cette messe célébrée, selon sa volonté, au milieu des plus démunis, accompagnés par seulement quelques volontaires de la Caritas, le Saint-Père a expliqué que c’est parmi eux, les pauvres, les malades et les détenus que Dieu se manifeste. Car depuis le début de l’histoire, depuis la nuit de Noël, Dieu agit presque en catimini. « Pour se manifester, Jésus n'a pas choisi une grande ville d'un grand empire, un princesse ou une comtesse pour mère ni un palais luxueux «  a t-il souligné, au contraire, « tout semble avoir été fait presque en cachette ».

Dieu vient nous sauver et il ne trouve de meilleur moyen pour le faire que d'avancer avec nous, vivre notre vie. Au moment de choisir la manière, pour vivre sa vie, Il n’a pas choisi une grande ville d'un grand empire, il n’a pas choisi une principauté, une comtesse comme mère, une personne importante, il n’a pas choisi une maison luxueuse. Il semble que tout cela se soit fait intentionnellement d’une façon pratiquement cachée. Marie était une jeune fille de 16/17 ans, pas plus, dans un village perdu aux limites de l'Empire romain ; certainement personne ne connaissait ce village. Joseph était un jeune homme qui l'aimait et qui voulait l'épouser, un charpentier qui gagnait son pain quotidien. Tout dans la simplicité, de manière cachée. Même la répudiation… Car ils étaient fiancés et, dans un si petit village, vous savez comment vont les commérages, ils circulent, et Joseph s'est aperçu qu'elle était enceinte, mais il était juste. Tout dans le secret, malgré la calomnie et les bavardages. Et l'Ange explique le mystère à Joseph : « Cet enfant, que ta fiancée porte en elle, est l’œuvre de Dieu, c’est l’œuvre de l'Esprit Saint. » « Quand Joseph se réveilla du songe il fit ce que lui avait ordonné l'Ange du Seigneur », il alla chez elle et la prit comme épouse (cf. Mt 1, 18-25). Mais tout en cachette, tout dans l’humilité. Les grandes villes du monde n'en savaient rien. Et Dieu est comme cela parmi nous. Si tu veux chercher Dieu, cherche-le avec humilité, cherche-le dans la pauvreté, cherche-le là où Il est caché : dans ceux qui sont dans le besoin, dans les plus démunis, parmi les malades, parmi les affamés, parmi les prisonniers.

Quand Jésus nous prêche la vie, il nous dit comment nous serons jugés. Il ne dira pas : Toi, viens avec moi parce que tu as fait de nombreuses et belles offrandes à l’Église, tu es un bienfaiteur de l’Église, viens, viens au Ciel. Non ! L'entrée dans le Ciel ne se paie pas avec de l'argent. Il ne dira pas : tu es très important, tu as beaucoup étudié et tu as eu de nombreux honneurs, viens au Ciel. Non ! Les honneurs n'ouvrent pas la porte du Ciel. Que dira Jésus pour nous ouvrir la porte du Ciel ? « J'étais affamé et tu m'as donné à manger ; j'étais sans domicile et tu m'as donné une maison ; j'étais malade et tu es venu me voir ; j'étais en prison et tu es venu me voir » (cf. Mt 25, 35-36). Jésus est dans l'humilité.

L'amour de Jésus est grand. C'est pour cela qu'aujourd'hui, en ouvrant la Porte sainte, je voudrais que l'Esprit Saint ouvre le cœur de tous les Romains, qu'il leur fasse voir quelle est la route du salut ! Ce n'est pas le luxe, ce n'est pas la route des grandes richesses, ce n'est pas la route du pouvoir. C'est la route de l'humilité. Les plus pauvres, les malades, les prisonniers – Jésus va plus loin – les plus grands pécheurs, s'ils se repentent, nous précèderont au Ciel. Ils ont les clefs. Celui qui pratique la charité est celui qui se laisse embrasser par la miséricorde du Seigneur.

Aujourd'hui, nous ouvrons cette Porte et nous demandons deux choses. Premièrement, que le Seigneur ouvre la porte de notre cœur, à tous. Nous en avons tous besoin, nous sommes tous pêcheurs, nous avons tous besoin d'entendre la Parole du Seigneur et que la Parole du Seigneur vienne. Deuxièmement, que le Seigneur fasse comprendre que la route de la présomption, la route de la richesse, la route de la vanité, la route de l'orgueil ne sont pas des routes du salut. Que le Seigneur fasse comprendre que sa caresse de Père, sa miséricorde, son pardon, c'est quand nous nous approchons de ceux qui souffrent, de ceux qui sont mis à l'écart de la société : c’est là qu’est Jésus. Que cette porte, qui est la Porte de la charité, la Porte où viennent beaucoup sont assistés, beaucoup de rejetés, nous fasse comprendre qu'il serait bien que chacun de nous, chaque Romain, tous les Romains, se sente mis à l'écart, et ressente le besoin d’être aidé par Dieu. Aujourd'hui, nous prions pour Rome, pour tous les habitants de Rome, pour tous, en commençant par moi, afin que le Seigneur nous donne la grâce de nous sentir mis à l’écart ; parce que nous, nous n’avons aucun mérite : c'est seulement Lui qui nous donne la miséricorde et la grâce. Et pour nous approcher de cette grâce, nous devons nous approcher de ceux qui sont mis à l'écart, des pauvres, de ceux qui ont le plus besoin, parce que nous serons tous jugés sur cet acte de s'approcher. Qu'aujourd'hui, en ouvrant la porte, le Seigneur donne cette grâce à tout Rome, à tous les habitants de Rome, afin de pouvoir aller de l'avant dans cet embrassement de la miséricorde, où le père prend son fils blessé, mais celui qui est blessé, c'est le père : Dieu est blessé d'amour, c'est pour cela qu'il est capable de tous nous sauver. Que le Seigneur nous donne cette grâce.

Paroles après la messe

Noël est proche, le Seigneur est proche. Quand il est né, le Seigneur était là, dans cette mangeoire, personne ne s'apercevait qu'il était Dieu. Pour ce Noël je voudrais que le Seigneur naisse dans le cœur de chacun de nous, caché… de sorte que personne ne s'en aperçoive, mais que le Seigneur y soit. Je vous souhaite cela, ce bonheur de la proximité du Seigneur.

Priez pour moi et je prie pour vous. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

Un catalogue de vertus nécessaires

Vœux de Noël du Pape François à la Curie romaine

C’est un des moments les plus importants de l’année pour la Curie romaine : les vœux du Pape à ses membres. Il y a un an, le Pape François avait prononcé un discours fort qui avait eu un grand écho dans et hors du Vatican, faisant la liste de quinze maladies pouvant affecter les collaborateurs du Saint-Siège. Il a d’ailleurs rappelé que « certaines de ces maladies se sont manifestées au cours de cette année, causant beaucoup de douleur à tout le corps et blessant beaucoup d’âmes ». Et de prévenir : « la réforme ira de l’avant avec détermination, lucidité et résolution », parce que l’Église se réforme toujours.

Chers frères et sœurs,

Je vous demande de m’excuser de ne pas parler debout, mais depuis quelques jours je suis sous l’influence de la grippe et je ne me sens pas très fort. Avec votre permission, je vous parle assis.

Je suis heureux de vous adresser mes vœux les plus cordiaux de saint Noël et d’heureuse nouvelle année, que j’étends à tous les collaborateurs, aux Représentants pontificaux et particulièrement à ceux qui, au cours de l’année passée, ont terminé leur service pour avoir atteint la limite d’âge. Nous nous souvenons aussi des personnes qui ont été rappelées à Dieu. Ma pensée et ma gratitude vont à vous tous et à vos proches.

Dans ma première rencontre avec vous, en 2013, j’ai voulu souligner deux aspects importants et inséparables du travail curial : le professionnalisme et le service, indiquant la figure de saint Joseph comme modèle à imiter. Par contre, l’an passé, pour nous préparer au Sacrement de la Réconciliation, nous avons affronté quelques tentations et « maladies » – le « catalogue des maladies curiales » ; aujourd’hui au contraire je devrais parler des « antibiotiques curiaux » – qui pourraient frapper chaque chrétien, curie, communauté, congrégation, paroisse et mouvement ecclésial. Maladies qui demandent prévention, vigilance, soin et, malheureusement dans certains cas, interventions douloureuses et prolongées.

Certaines de ces maladies se sont manifestées au cours de cette année, causant beaucoup de douleur à tout le corps et blessant beaucoup d’âmes, avec aussi du scandale.

Il semble juste d’affirmer que cela a été – et le sera toujours – l’objet d’une sincère réflexion et de mesures déterminantes. La réforme ira de l’avant avec détermination, lucidité et résolution, parce que Ecclesia semper reformanda.

Toutefois, les maladies et même les scandales ne pourront pas cacher l’efficacité des services que la Curie romaine avec effort, avec responsabilité, avec engagement et dévouement, rend au Pape et à toute l’Église, et cela est une vraie consolation. Saint Ignace enseignait que « c'est le propre du mauvais esprit de tourmenter, de causer de la tristesse, d'élever des obstacles, de troubler par de fausses raisons, afin d’empêcher de progresser ; au contraire, c'est le propre du bon esprit de donner courage et forces, donner consolations et larmes, inspirations et sérénité, diminuant et écartant toute difficulté, afin d’avancer sur le chemin du bien ».

Ce serait une grande injustice de ne pas exprimer une vive gratitude et un juste encouragement à toutes les personnes saines et honnêtes qui travaillent avec dévouement, dévotion, fidélité et professionnalisme, offrant à l’Église et au Successeur de Pierre le réconfort de leur solidarité et de leur obéissance ainsi que de leurs prières généreuses.

De plus, les résistances, les fatigues et les chutes des personnes et des ministres sont aussi des leçons et des occasions de croissance, et jamais de découragement. Ce sont des opportunités pour revenir à l’essentiel qui consiste à faire le point avec la conscience que nous avons de nous-mêmes, de Dieu, du prochain, du sensus Ecclesiæ et du sensus fidei.

De ce revenir à l’essentiel je voudrais vous parler aujourd’hui alors que nous sommes au début du pèlerinage de l’Année Sainte de la Miséricorde, ouverte par l’Église il y a peu de temps, et qui représente pour elle et pour nous tous un fort appel à la gratitude, à la conversion, au renouveau, à la pénitence et à la réconciliation.

En réalité, Noël est la fête de la Miséricorde infinie de Dieu. Saint Augustin d’Hippone dit : « Quelle miséricorde saurait l'emporter pour des malheureux sur celle qui a fait descendre du ciel le Créateur du ciel, qui a revêtu d'un corps de terre le Fondateur de la terre, égalé à nous dans notre nature mortelle Celui qui demeure l’égal de son Père dans son éternelle nature, donné une nature d'esclave au Maître du monde, condamné le Pain même à avoir faim, la Plénitude à avoir soif, réduit la Puissance à la faiblesse, la Santé à la souffrance, la Vie à la mort ; et cela pour apaiser en nous la faim, étancher la soif, soulager nos souffrances, éteindre l'iniquité, enflammer la charité ? ».

Donc, dans le contexte de cette Année de la Miséricorde et de la préparation à Noël, désormais à nos portes, je voudrais vous présenter une aide pratique pour pouvoir vivre fructueusement ce temps de grâce. Il s’agit d’un « catalogue des vertus nécessaires » non-exhaustif, pour qui prête service à la Curie et pour tous ceux qui veulent rendre féconde leur consécration ou leur service à l’Église.

J’invite les Chefs de Dicastères et les Supérieurs à l’approfondir, à l’enrichir et à le compléter. C’est une liste qui part d’une analyse acrostiche de la parole « misericordia » - le père Ricci, en Chine, faisait cela -, afin qu’elle soit notre guide et notre phare :

1. Le caractère Missionnaire et pastoral.

Le caractère missionnaire est ce qui rend, et montre la curie fructueuse et féconde ; elle est la preuve de la vigueur, de l’efficacité et de l’authenticité de notre action. La foi est un don, mais la mesure de notre foi se prouve aussi par la capacité que nous avons de la communiquer. Chaque baptisé est missionnaire de la Bonne Nouvelle avant tout par sa vie, par son travail et par son témoignage joyeux et convaincu. Le caractère pastoral sain est une vertu indispensable spécialement pour chaque prêtre. C’est l’engagement quotidien à suivre le Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis et donne sa vie pour sauver la vie des autres. C’est la mesure de notre activité curiale et sacerdotale. Sans ces deux ailes nous ne pourrons jamais voler et ni atteindre la béatitude du serviteur fidèle (cf. Mt 25, 14-30).

2. Aptitude [Idoneità] et sagacité.

L’aptitude demande l’effort personnel d’acquérir les qualités nécessaires et requises pour exercer au mieux ses propres tâches et activités, avec l’intelligence et l’intuition. Elle s’oppose aux recommandations et aux faveurs. La sagacité est la rapidité d’esprit à comprendre et à affronter les situations avec sagesse et créativité. Aptitude et sagacité représentent aussi la réponse humaine à la grâce divine, quand chacun de nous suit ce célèbre dicton : « Tout faire comme si Dieu n’existait pas et, ensuite, laisser tout à Dieu comme si je n’existais pas ». C’est le comportement du disciple qui s’adresse au Seigneur tous les jours avec ces paroles de la très belle Prière universelle attribuée au Pape Clément XI : « Guide-moi par ta sagesse, soutiens-moi par ta justice… encourage-moi par ta bonté, protège-moi par ta puissance. Je t’offre, ô Seigneur : mes pensées, pour qu’elles soient dirigées vers toi ; mes paroles, pour qu’elles soient de toi ; mes actions, pour qu’elles soient selon toi ; mes tribulations, pour qu’elles soient pour toi ».

3. Spiritualité et humanité.

La spiritualité est la colonne vertébrale de tout service dans l’Église et dans la vie chrétienne. Elle est ce qui nourrit toute notre conduite, la soutient et la protège de la fragilité humaine et des tentations quotidiennes. L’humanité est ce qui incarne la véridicité de notre foi. Celui qui renonce à son humanité renonce à tout. L’humanité est ce qui nous rend différents des machines et des robots qui n’entendent pas et ne s’émeuvent pas. Quand il nous est difficile de pleurer sincèrement ou de rire franchement – ce sont deux signes –, alors notre déclin a commencé ainsi que notre processus de transformation d’« hommes » en autre chose. L’humanité c’est savoir montrer tendresse et familiarité, courtoisie avec tous (cf. Ph 4, 5). Spiritualité et humanité, tout en étant des qualités innées, sont toutefois des potentialités à réaliser entièrement, à atteindre continuellement et à manifester quotidiennement.

4. Exemplarité et fidélité.

Le Bienheureux Paul VI a rappelé à la Curie – en 63 – « sa vocation à l’exemplarité ». Exemplarité pour éviter les scandales qui blessent les âmes et menacent la crédibilité de notre témoignage. Fidélité à notre consécration, à notre vocation, rappelant toujours les paroles du Christ : « Qui est fidèle en très peu de chose est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup » (Lc 16, 10). Et « Mais si quelqu'un doit scandaliser l'un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d'être englouti en pleine mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu'il arrive des scandales, mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive ! » (Mt 18, 6-7).

5. Rationalité et amabilité.

La rationalité sert à éviter les excès émotifs et l’amabilité à éviter les excès de la bureaucratie et des programmations et planifications. Ce sont des talents nécessaires pour l’équilibre de la personnalité : « L'ennemi – et je cite saint Ignace une autre fois, excusez-moi – considère attentivement si une âme est grossière, ou si elle est délicate. Si elle est grossière, il tâche de la rendre délicate à l'extrême pour la jeter plus facilement dans le trouble et l'abattre ». Tout excès est l’indice de quelque déséquilibre, aussi bien l’excès de rationalité que d’amabilité.

6. Innocuité et détermination.

L’innocuité qui nous rend prudents dans le jugement, capables de nous abstenir d’actions impulsives et précipitées. C’est la capacité de faire émerger le meilleur de nous-mêmes, des autres et des situations en agissant avec attention et compréhension. C’est faire aux autres ce que tu voudrais qu’il te soit fait (cf. Mt 7, 12 et Lc 6, 31). La détermination c’est agir avec une volonté résolue, avec une vision claire et dans l’obéissance à Dieu, et seulement pour la loi suprême de la salus animarum (cf. CIC, can. 1725).

7. Charité et vérité.

Deux vertus indissolubles de l’existence chrétienne : « Faire la vérité dans la charité et vivre la charité dans la vérité » (cf. Ep 4, 15) ; au point que la charité sans vérité devient idéologie d’un « bonnisme » destructeur et la vérité sans charité devient justice aveugle.

8. Honnêteté [Onestà] et maturité.

L’honnêteté est la rectitude, la cohérence et le fait d’agir avec sincérité absolue avec soi-même et avec Dieu. Celui qui est honnête n’agit pas avec droiture seulement sous le regard du surveillant ou du supérieur ; celui qui est honnête ne craint pas d’être surpris, parce qu’il ne trompe jamais celui qui lui fait confiance. Celui qui est honnête ne se comporte jamais en maître sur les personnes ou sur les choses qui lui ont été confiées à administrer, comme le « mauvais serviteur » (Mt 24, 48). L’honnêteté est la base sur laquelle s’appuient toutes les autres qualités. La maturité vise à atteindre l’harmonie entre nos capacités physiques, psychiques et spirituelles. Elle est le but et l’aboutissement d’un processus de développement qui ne finit jamais et qui ne dépend pas de l’âge que nous avons.

9. Déférence [Rispettuosità] et humilité.

La déférence est le talent des âmes nobles et délicates ; des personnes qui cherchent toujours à montrer un respect authentique envers les autres, envers leur propre rôle, envers les supérieurs, les subordonnés, les dossiers, les papiers, le secret et la confidentialité ; les personnes qui savent écouter attentivement et parler poliment. L’humilité, de son côté, est la vertu des saints et des personnes remplies de Dieu qui, plus elles acquièrent de l’importance, plus grandit en elles la conscience de n’être rien et de ne rien pouvoir faire sans la grâce de Dieu (cf. Jn 15, 8).

10. Générosité [Doviziosità] - j’ai le vice des néologismes - et attention.

Plus nous avons confiance en Dieu et dans sa providence plus nous sommes généreux d’âme et plus nous sommes ouverts à donner, sachant que plus on donne plus on reçoit. En réalité il est inutile d’ouvrir toutes les Portes Saintes de toutes les basiliques du monde si la porte de notre cœur est fermée à l’amour, si nos mains sont fermées à donner, si nos maisons sont fermées à héberger, si nos églises sont fermées à accueillir. L’attention c’est soigner les détails et offrir le meilleur de nous-mêmes, et ne jamais baisser la garde sur nos vices et nos manques. Saint Vincent de Paul priait ainsi : « Seigneur aide-moi à m’apercevoir tout de suite : de ceux qui sont à côté de moi, de ceux qui sont inquiets et désorientés, de ceux qui souffrent sans le montrer, de ceux qui se sentent isolés sans le vouloir ».

11. Impavidité et promptitude.

Être impavide signifie ne pas se laisser effrayer face aux difficultés comme Daniel dans la fosse aux lions, comme David face à Goliath ; cela signifie agir avec audace et détermination et sans tiédeur « comme un bon soldat » (2 Tm 2, 3-4) ; cela signifie savoir faire le premier pas sans tergiverser, comme Abraham et comme Marie. De son côté, la promptitude c’est savoir agir avec liberté et agilité sans s’attacher aux choses matérielles provisoires. Le Psaume dit : « Aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre cœur » (61, 11). Être prompt veut dire être toujours en chemin, sans jamais s’alourdir en accumulant des choses inutiles et en se fermant sur ses propres projets et sans se laisser dominer par l’ambition.

12. Et finalement fiabilité [affidabilità] et sobriété.

Celui qui est fiable est celui qui sait maintenir ses engagements avec sérieux et crédibilité quand il est observé mais surtout quand il se trouve seul ; c’est celui qui répand autour de lui un climat de tranquillité parce qu’il ne trahit jamais la confiance qui lui a été accordée. La sobriété – dernière vertu de cette liste, mais pas en importance – est la capacité de renoncer au superflu et de résister à la logique consumériste dominante. La sobriété est prudence, simplicité, concision, équilibre et tempérance. La sobriété c’est regarder le monde avec les yeux de Dieu et avec le regard des pauvres et de la part des pauvres. La sobriété est un style de vie, qui indique le primat de l’autre comme principe hiérarchique et exprime l’existence comme empressement et service envers les autres. Celui qui est sobre est une personne cohérente et essentielle en tout, parce qu’elle sait réduire, récupérer, recycler, réparer, et vivre avec le sens de la mesure.

Chers frères,

La miséricorde n’est pas un sentiment passager, mais elle est la synthèse de la Bonne Nouvelle, elle est le choix de celui qui veut avoir les sentiments du « Cœur de Jésus », de celui qui veut suivre sérieusement le Seigneur qui nous demande : « Soyez miséricordieux comme votre Père » (Lc 6, 36 ; cf. Mt 5, 48 ). Le père Ermes Ronchi affirme : « Miséricorde : scandale pour la justice, folie pour l’intelligence, consolation pour nous qui avons une dette. La dette d’exister, la dette d’être aimés se paie seulement par la miséricorde ».

Donc, que la miséricorde guide nos pas, inspire nos réformes, éclaire nos décisions. Qu’elle soit la colonne vertébrale de notre action. Qu’elle nous enseigne quand nous devons avancer et quand nous devons faire un pas en arrière. Qu’elle nous fasse lire la petitesse de nos actions dans le grand projet de salut de Dieu et dans la majesté et le mystère de son œuvre.

Pour nous aider à comprendre cela, laissons-nous fasciner par la splendide prière communément attribuée au bienheureux Oscar Arnulfo Romero, mais qui a été prononcée pour la première fois par le Cardinal John Dearden :

Il est bon parfois de prendre du recul et de regarder derrière soi.

Le Royaume n’est pas seulement au-delà de nos efforts,

     il est aussi au-delà de notre regard.

Durant notre vie, nous n’arrivons à accomplir

     qu’une petite partie de cette entreprise magnifique

     qui est l’œuvre de Dieu.

Rien de ce que nous faisons n’est complet.

C’est dire que le Royaume se trouve toujours

     au-delà de nous-mêmes.

Aucune affirmation ne dit tout ce que l’on peut dire.

Aucune prière n’exprime complètement la foi.

Aucun credo n’apporte la perfection.

Aucune visite pastorale n’apporte avec elle toutes les solutions.

Aucun programme n’accomplit pleinement la mission de l’Église.

Aucun but ni objectif n’atteint la plénitude.

Voilà de quoi il s’agit :

Nous plantons des graines qui un jour germeront.

Nous arrosons les graines déjà plantées

     sachant que d’autres en prendront soin.

Nous posons les bases de ce qui se développera.

Nous mettons le levain qui multipliera nos capacités.

Nous ne pouvons pas tout faire,

     mais commencer nous apporte un sentiment de libération.

Cela nous donne la force de faire quelque chose,

     et de la faire bien.

Cela peut rester incomplet, mais c’est un début,

     un pas sur un chemin.

Une opportunité pour que la grâce de Dieu entre et fasse le reste.

Nous pouvons ne jamais voir son achèvement,

     mais c’est la différence entre le contremaître et l’ouvrier.

Nous sommes des ouvriers, non pas des contremaîtres,

     des serviteurs, non pas le messie.

Nous sommes les prophètes d’un avenir

     qui ne nous appartient pas.

Et avec ces pensées, avec ces sentiments, je vous souhaite un bon et saint Noël et je vous demande de prier pour moi. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015