PKO 25.10.2015

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°54/2015
Dimanche 25 octobre 2015 – 30ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs

Fidelis dispensator et prudens – Fidèle et prudent serviteur (Lc 12,42)

« La corruption est un cancer qui détruit la société » c’est ce qu’a publié, mardi dernier, le Pape François dans un tweet fort de sens et qui ne peut que nous interpeller. 

Sans cesse le Pape François revient sur le thème de l’argent et de notre rapport à l’argent. Un message qu’il envoie certes à la société civile mais d’abord à l’Église…

En Polynésie, comme probablement ailleurs, l’Église est toujours mal à l’aise lorsqu’il s’agit de parler d’argent, de ses biens, de ses comptes. La peur permanente d’être taxé d’être une Église riche… Or, plus il y a de l’opacité dans la communication, plus les doutes et les questionnements en tous genres s’expriment. Oh certes, à pas feutrés, en raison de la place que l’Église occupe dans la société polynésienne…

Le Pape François, dès le début de son pontificat a continué l’œuvre de la clarification entreprise par son prédécesseur le pape Benoit XVI… : mise en place du Conseil des 7, publication du rapport annuel de l’IOR…

Fidelis dispensator et prudens (Lc 12,42)

De même que l’administrateur fidèle et prudent a le devoir de prendre soin attentivement de tout ce qui lui a été confié, l’Église est consciente de sa responsabilité de préserver et de gérer avec attention ses biens, à la lumière de sa mission d’évangélisation et avec une prévenance particulière envers les personnes qui sont dans le besoin. De manière spéciale, la gestion des secteurs économique et financier du Saint Siège est intimement liée à sa mission spécifique, non seulement au service du ministère universel du Saint-Père, mais également en ce qui concerne le bien commun, dans la perspective du développement intégral de la personne humaine.

Notre Église de Polynésie doit embrayer elle aussi sur ce chemin… Si dans notre société polynésienne marquée par la corruption à tous les niveaux, l’Église veut avoir une parole crédible et qui soit entendue, elle se doit d’être transparente. Un chemin encore long… ainsi, le « Dixit » revue économique de référence dans le pays qui publie le classement des « entreprises » se heurte depuis des années au refus de communiquer les chiffres du C.A.MI.CA. (cf. Dixit n°22 – 2014 p.97…). L’heure est venue de parler vrai… La publication des chiffres réels du C.AMI.CA. qui ne l’oublions pas inclu la D.E.C., et ne peut s’élever à quelques dizaines de millions comme déclaré dans le Semeur n°12/2015.

Inspirons-nous du « Rapport 2014 » de l’I.O.R. (http://www.ior.va)… Et pourquoi, comme dans la plupart des diocèses de France… un audit général de l’état de l’archidiocèse… non parce que, comme dans la plupart des cas de la société civile, parce qu’il y a des doutes sur les comptes mais pour avoir un état de la situation de l’Église en Polynésie et pour pouvoir en toute transparence publier l’intégralité de cet audit… !

Chronique de la roue qui tourne

Il en faut peu pour que l’amour puisse s’exprimer

« La pire des violences relationnelles surgit quand on confond l’autre avec la perception que j’ai de lui, et donc quand je crois qu’il est comme je le vois. » Jacques Salomé.

Les préjugés, ils cherchent à cloisonner le collectif et à isoler l’indivisible. Ils s’attardent sur une différence quand il y a mille ressemblances. Ils sont attisés par la peur et le jugement rapide. Le sujet est intarissable. Pourtant il en faut peu pour que l’amour s’exprime.

La semaine dernière, Frère Jean-Pierre LE REST, professeur au lycée La Mennais, a décidé de faire travailler les jeunes sur l’interview de Liberta, une femme SDF. (cf. P.K.0 n°52 du dimanche 11 octobre 2015).

Après la lecture, un silence parcourut la salle, un silence lourd de sens pour une telle prise de conscience. Comme aucun mot ne voulait être prononcé, Frère Jean-Pierre demanda d’écrire une lettre à Liberta.

Pour cette rédaction, les élèves ont fait preuve de maturité, d’empathie et surtout d’humanité. À un cri du cœur, ils ont su répondre avec le cœur, oubliant leur insouciance, oubliant leur jeunesse. Ils ont su répondre sans aucune critique ni jugement. Ils ont su féliciter et encourager une étrangère à leur vie. Ils ont su tendre la main à quelqu’un que la société dédaigne. Ils ont su être une présence invisible mais bien réelle pour quelqu’un qui se sentait abandonné Ils ont su se reconnaître parfois dans les échecs et les mauvais choix.  Ils ont su parler d’un « nous » quand tout sème la division. Bref ils ont su faire parler l’amour dans un monde où plus personne ne se comprend.

La chaise masquée

La parole aux sans paroles – 7

Portrait de femme – 2 – Vaiana, l’enfant de la rue

Continuons notre immersion dans le quotidien des SDF avec un autre portrait d‘une femme. Vaiana est un bébé de la rue, elle n’a dormi sous un toit qu’à partir de 9 ans. Pourtant, malgré ce début difficile, Vaiana s’est battu pour réussir. Jusqu’au jour où la rue l’a rattrapée. Aujourd’hui, la rue est comme un piège qui se referme lentement sur elle…

D’où viens-tu ?

« Ma maman vient des Australes, mon papa de Tahiti et moi j’ai grandi ici, dans la rue. Mes parents habitaient dans la rue. Mes parents n’ont pas choisi de nous donner pour des popaa, même si on était à la rue. On est 6 enfants, aujourd’hui tous à la rue. Mais mes parents nous ont assumés. Et quand j’ai eu 9 ans, on est rentré chez mes grands-parents. À 9 ans seulement j’ai su ce que c’était de vivre dans une maison. Ici, on allait chez les parents de mon papa prendre une douche, manger un peu mais on dormait dans la rue. Ce n’était pas évident ! Aux Australes, j’ai fait un parcours scolaire comme une enfant normale. Je suis allée au collège de Tubuai et à 19, 20 ans je suis revenue à Tahiti pour aller au lycée hôtelier. Je voulais travailler dans l’hôtellerie, à la réception. Tu vois, je suis quand même arrivée jusqu’au lycée ! Et donc j’étais dans ma famille maternelle, chez ma tante. Tu sais, quand tu vis chez la famille, il faut que tu aies de l’argent. – Pourquoi ? – Quand tu entres dans une famille, tu dois prendre tes dispositions, côté argent, tu vois. Et il faut que tu travailles pour eux. Mais ça devient vite un abus. Je ne pouvais plus supporter. Alors j’ai fugué. C’est comme ça que j’ai atterri, pour la deuxième fois, dans la rue. J’avais 21 ans et j’étais en deuxième année de BEP hôtellerie. Dans ces circonstances, je ne pouvais pas continuer. C’est un mauvais choix que j’ai fait. Après autant d’années dans la rue, je m’en rends compte. Et c’est un regret amer. Ça me détruit. »

Et quel est le plus dur pour toi dans la rue ?

« C’est le regard des gens. Parce qu’on ne peut pas dire que c’est vraiment dur de vivre dans la rue. Disons qu’on peut s’en sortir. Il y a Père Christophe pour les soins, le médecin et les petits déjeuners. Il y a le centre pour laver mon linge ou faire mes papiers administratifs. Et il y a des personnes d’Église qui offrent des repas. Donc le plus dur, c’est bien le regard des gens. Pour eux, les SDF sont des voleurs, des malfaisants. On est mal vu. Ils nous jugent vite fait. Parce que tu es SDF, tu es sale, tu es un cochon, tu vois ce que je veux dire. Tout est négatif quand ils te regardent. Moi, je n’ai pas vécu une enfance normale avec une maison et tout, pourtant je suis arrivée à un niveau un peu élevé à l’école. Je n’ai pas fait un CJA. ».

Tu n’as pas de famille sur qui compter ? 

« Non. Je ne veux pas de leur aide aussi parce qu’après tu dois leur rendre des comptes. Tu sais, quand j’étais au collège, je voulais être professeur de français. Mais avec les circonstances de ma vie, ma famille, mon entourage, ça m’a complètement détruit. Ils m’ont détruite. Ce n’est pas pour rien que j’ai fugué. Tu sais, je voulais retourner à l’université pour passer un diplôme comme le BAC. Père Christophe avait accepté de payer mes cours. Mais, encore une fois, les circonstances de la rue font que je ne peux pas me déplacer. Je n’ai pas de voiture. Et comme ce sont des cours de nuit, de 18h à 20h. »

Et si tu avais une voiture…

« Je serais déjà allée, déjà. Je ne serais pas ici. Je vais tout faire pour avoir mon BAC. Tu sais, en ce moment, je ne suis pas bien. Je manque beaucoup de repos. Je ne dors plus. »

Pourquoi ?

« Parce que dans ma vie, rien ne va. Dans ma vie de couple, ça ne va pas. Quand je te dis que je suis détruite, ça va carrément jusqu’à ma vie de couple. Alors je me renferme sur moi-même, je me fais du mal. Me retrouver à la rue comme ça, sans réfléchir. Je pensais que venir dans la rue serait mieux pour moi mais non. Plus je prends de l’âge, plus je comprends mieux les choses. La rue ne fait que te détruire encore plus, psychologiquement et physiquement. Aujourd’hui ça fait 5 ans que je suis dans la rue. C’est du temps perdu. J’ai des regrets, j’ai des remords, j’ai de la peine pour moi-même. C’est épuisant quand tu te replonges dans le passé. J’ai plein de souvenirs mais que des mauvais souvenirs. »

Si tu pouvais changer une chose dans ton passé, ça serait quoi ?

« C’est toute ma vie. Cette vie que j’ai passée dans la rue. J’ai dû galérer dans mon enfance et aujourd’hui encore. J’ai mal construit ma vie. »

Il doit bien exister un moyen pour t’en sortir ?

« Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout comment m’en sortir. En ce moment, tout est brouillé dans ma tête. Il faut un moment pour tout bien ranger, tu vois ce que je veux dire. Aujourd’hui, je suis un peu perdue. Je ne sais plus qui je suis, ce que je veux être, ce que je veux faire plus tard. Je ne sais même pas si je vais sortir de la rue ! Mais il ne faut pas que je continue à m’enfoncer, il faut que je réagisse. Il y a un moment, j’ai essayé de trouver un emploi. J’ai cherché un travail avec les enfants, dans une garderie par exemple, comme j’ai un CAP petite enfance. Mais pareil, il faut le permis. »

Comment ça ?

« Je dois pouvoir conduire les enfants à l’école, aller les chercher. C’est la loi, ça devient de plus en plus strict. Aujourd’hui, même pour aller nettoyer des toilettes, il faut un permis ! Donc pour trouver un travail, il faut que j’aille passer mon permis. J’ai déjà essayé de sortir de la rue mais sans travail, c’est impossible. Donc il me faut faire les choses dans l’ordre. Mais je suis tellement fatiguée ! ».

Allez, dernière question : ton plus beau souvenir de la rue ?

« C’est quand Père Christophe nous a invités au restaurant. (Rires). Tu sais, quand j’étais jeune, j’avais tellement de rêves. Mais je n’ai pas réussi. C’est un échec et ça, ça fait mal. Quand je vois que je suis encore dans la rue, ça fait mal. Et si je ne m’en sors pas vite, je n’aurais plus d’avenir. Mais si j’arrive à quitter la rue, je te jure, je serais épanouie comme jamais ! Il faut que je rassemble toutes mes forces et tout remettre en question. ».

© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2015

Fidélité de l’amour

Audience générale du mercredi 21 octobre 2015 – Pape François

Alors que le synode sur la famille touche à sa fin, le Pape François a invité à prier pour que, par l’intersession de saint Jean-Paul II, pape de la famille, le synode renouvelle dans toute l’Église le sens de l’inégalable valeur du mariage indissoluble. Juste auparavant, dans sa catéchèse, il s’est attardé sur « l’identité de la famille fondée sur la promesse d’amour et de fidélité » des époux.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la dernière méditation, nous avons réfléchi sur les promesses importantes que font les parents à leurs enfants, dès le moment où ils ont été pensés dans l’amour et conçus dans le sein.

Nous pouvons ajouter qu’à bien y regarder, la réalité familiale tout entière est fondée sur la promesse – réfléchissez bien à cela : l’identité familiale est fondée sur la promesse – : on peut dire que la famille vit de la promesse d’amour et de fidélité que l’homme et la femme se font l’un à l’autre. Celle-ci comporte l’engagement à accueillir et à éduquer les enfants ; mais elle se réalise aussi lorsqu’on s’occupe de ses parents âgés, lorsqu’on protège les membres les plus faibles de la famille et qu’on prend soin d’eux, lorsqu’on s’aide mutuellement à réaliser ses propres qualités et à accepter ses propres limites. Et la promesse conjugale s’élargit en partageant les joies et les souffrances de tous les pères, les mères, les enfants, avec une généreuse ouverture à la coexistence humaine et au bien commun. Une famille qui se referme sur elle-même est comme une contradiction, une mortification de la promesse qui l’a faite naître et la fait vivre. N’oubliez jamais : l’identité de la famille est toujours une promesse qui s’élargit, et qui s’élargit à toute la famille, et aussi à toute l’humanité.

De nos jours, l’honneur de la fidélité à la promesse de la vie familiale apparaît très affaibli. D’une part, parce qu’un droit mal compris à rechercher sa propre satisfaction à tout prix et dans n’importe quelle relation, est exalté comme un principe non négociable de liberté. D’autre part, parce qu’on confie exclusivement à la contrainte de la loi les liens de la vie relationnelle et de l’engagement pour le bien commun. Mais, en réalité, personne ne veut être aimé seulement pour ses biens ou par obligation. L’amour, tout comme l’amitié, doivent précisément leur force et leur beauté au fait qu’ils génèrent un lien sans ôter la liberté. L’amour est libre, la promesse de la famille est libre, et c’est cela sa beauté. Sans liberté, il n’y a pas d’amitié ; sans liberté, il n’y a pas d’amour ; sans liberté, il n’y a pas de mariage.

Liberté et fidélité ne s’opposent donc pas l’une à l’autre ; au contraire, elles se soutiennent mutuellement dans les relations interpersonnelles comme dans les relations sociales. En effet, pensons aux dommages que produisent, dans la civilisation de la communication mondiale, l’inflation de promesses non tenues, dans divers domaines, et l’indulgence à l’égard de l’infidélité à la parole donnée et aux engagements pris !

Oui, chers frères et sœurs, la fidélité est une promesse d’engagement qui s’auto-accomplit en grandissant dans la libre obéissance à la parole donnée. La fidélité est une confiance qui « veut » être réellement partagée, et une espérance qui « veut » être cultivée ensemble. Et en parlant de fidélité, il me vient à l’esprit ce que racontent les personnes âgées, nos grands-parents : « À l’époque, quand on concluait un accord, une poignée de main suffisait, parce qu’il y avait une fidélité aux promesses ». Et cela aussi, qui est un fait social, tire son origine de la famille, de la poignée de main de l’homme et de la femme pour avancer ensemble, toute la vie.

La fidélité aux promesses est un véritable chef-d’œuvre d’humanité ! Si nous regardons sa beauté audacieuse, nous sommes impressionnés, mais si nous méprisons sa ténacité courageuse, nous sommes perdus. Aucune relation d’amour – aucune amitié, aucune forme de bienveillance, aucun bonheur du bien commun – ne parvient à la hauteur de notre désir et de notre espérance, si elle n’arrive pas à habiter ce miracle de l’âme. Et je dis « miracle » parce que la force et la persuasion du bonheur, en dépit de tout, ne finissent pas de nous fasciner et de nous étonner. L’honneur de la parole donnée, la fidélité à la promesse, ne peuvent ni s’acheter ni se vendre. On ne peut pas les contraindre par la force, ni non plus les garder sans sacrifice.

Aucune autre école ne peut enseigner la vérité de l’amour, si la famille ne le fait pas. Aucune loi ne peut imposer la beauté et l’héritage de ce trésor de la dignité humaine, si le lien personnel entre amour et génération ne l’écrit pas dans notre chair.

Frères et sœurs, il est nécessaire de rendre un honneur social à la fidélité de l’amour : rendre honneur social à la fidélité de l’amour ! Il est nécessaire de soustraire à la clandestinité le miracle quotidien de millions d’hommes et de femmes qui régénèrent son fondement familial duquel vit toute société, sans être en mesure de le garantir d’aucune autre manière. Ce n’est pas par hasard que ce principe de la fidélité à la promesse de l’amour et de la génération est inscrit dans la création de Dieu comme une bénédiction pérenne, à laquelle est confié le monde.

Si saint Paul peut affirmer que, dans le lien familial, est mystérieusement révélée une vérité décisive aussi pour le lien du Seigneur et de l’Église, cela signifie que l’Église elle-même y trouve une bénédiction à garder et de laquelle toujours apprendre, avant même de l’enseigner et de la règlementer. Notre fidélité à la promesse est cependant toujours confiée à la grâce et à la miséricorde de Dieu. Son amour pour la famille humaine, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, est un point d’honneur pour l’Église ! Que Dieu nous accorde d’être à la hauteur de cette promesse.

Et prions aussi pour les pères du synode : que le Seigneur bénisse leur travail, mené avec une fidélité créative, dans la confiance que Lui d’abord, le Seigneur – Lui d’abord ! – est fidèle à ses promesses. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

L’amour, c’est aussi une décision

par Luis et Maria Angelica HAYND ROJAS MARTINEZ, auditeurs laïcs au synode

« L’amour, c'est aussi une décision : "Je veux aimer" », expliquent Luis et Maria Angelica Haydn Rojas Martinez. Ce couple du Mouvement des Focolari, engagé dans la pastorale familiale en Colombie, sont auditeurs laïcs au synode, et ils témoignent au micro de Radio Vatican en italien. Ils évoquent notamment l’inclusion des personnes divorcées et remariées dans la vie de l’Église.

Luis : Nous accompagnons beaucoup de familles, à travers des rencontres de formation et, quand il y a une difficulté, nous faisons un travail de médiation familiale, après avoir étudié et nous être spécialisés dans ce domaine.

Maria-Angelica : Nous avançons ensemble, en nous aidant mutuellement, pour comprendre que l’amour peut vraiment se renouveler tous les jours.

Zenit : C’est donc une formation pendant la vie de mariage mais aussi avant le mariage ?

Maria-Angelica : Oui, aussi avant le mariage, parce que nous nous rendons compte que quand nous grandissons en tant que communauté, nous pouvons vraiment avancer dans toutes les étapes de la vie.

Luis : Dans notre Mouvement des Focolari, nous commençons à former les jeunes très tôt, pour qu’ils comprennent et apprennent comment doit être une famille.

Zenit : Mais des concepts comme ceux de l’amour « pour toujours » que propose l’Église, et donc l’indissolubilité du mariage, sont vraiment des choses difficiles à transmettre aux couples, aux familles…

Maria-Angelica : C’est un concept qui doit faire son chemin parce que l’indissolubilité n’est pas un poids : c’est vraiment un amour qui se transforme jour après jour, qui est créatif, qui assume la responsabilité des difficultés, de la maladie, du fait de se retrouver sans travail, ou d’affronter une crise entre époux. Et ainsi, l’amour se renouvelle. L’amour n’est pas seulement un sentiment, l’amour est aussi une décision : « Je veux aimer ». Il est sûr que ce n’est pas toujours facile : je dois donner ma vie. Alors, aimer au quotidien peut vouloir dire : demander pardon, regarder ensemble la partie de foot, accompagner un enfant qui est malade.

Zenit : Pourquoi est-il si difficile aujourd’hui de penser dans la perspective de « pour toujours » ?

Luis : La culture d’aujourd’hui fait penser que les nouvelles générations ne veulent pas assumer la responsabilité à long terme ; devant les difficultés aussi, on ne parle plus de sacrifice pour l’autre parce que c’est trop difficile et on croit que le mariage n’est pas possible. En fait, c’est une mentalité, une culture, la nôtre, qui nous parle beaucoup du bien-être, de ne pas assumer de responsabilité. C’est pour cela que nous voulons dire par notre témoignage : la proposition de l’Évangile de Jésus, même aujourd’hui après deux mille ans, continue d’être vivante et possible !

Zenit : Est-il possible d’inclure dans la vie de l’Église des personnes divorcées et remariées, abstraction faite de l’accès aux sacrements ?

Maria-Angelica : Bien sûr, il faut qu’elles se sentent insérées dans l’Église parce que cette communion avec Jésus, non seulement on la reçoit sacramentellement, mais on peut aussi la recevoir à travers l’autre. Jésus a dit : « Ce que vous avez fait à l’autre, c’est à moi que vous l’avez fait. » Cela veut dire que dans l’autre, il y a Jésus, et que l’Église accueille tout le monde. Alors, elle accueille aussi les familles en difficulté, c’est sûr, parce que nous sommes tous fils et filles de l’Église. Et ces familles se sentent vraiment insérées dans l’Église et peuvent vivre l’Évangile, elles peuvent vivre la Parole, elles peuvent aimer, elles peuvent être généreuses en se consacrant aux services de charité. Si nous nous aimons, nous proclamons Jésus, et nous sommes alors insérés dans l’Église. Les divorcés remariés aussi peuvent avoir cette communion avec Jésus dans l’autre.

Zenit : Est-ce difficile de leur expliquer le fait de ne pas recevoir la communion ?

Maria-Angelica : Non. S’ils sentent l’amour et ne sentent pas cette différence par rapport à une famille, entre guillemets « normale », qui ne les juge pas : ils sont insérés, parce qu’eux aussi peuvent vivre l’amour.

Zenit : Indépendamment de l’accès au sacrement ?

Maria-Angelica : Bien sûr, chacun se sanctifie par sa propre croix. Certes, c’est une souffrance de ne pas accéder au sacrement, à Jésus Eucharistie. Mais cela ne signifie pas qu’ils sont hors de l’Église, ils sont aussi insérés dans cet amour.

Luis : Et aussi parce que ce n’est pas l’unique lieu de la présence de Jésus : Jésus est présent dans sa Parole, pas seulement dans l’Eucharistie.

Zenit : Que représente pour vous de participer à cette expérience de l’Église universelle ?

Maria-Angelica : C’est merveilleux, vraiment, nous remercions Dieu. Nous sentons que l’Église avance. Cette profonde écoute de tous les Pères synodaux, de chacune des familles, des témoignages, manifeste que l’Esprit Saint guide. Et ce cheminement que nous confie le pape, de la miséricorde dans la vérité, c’est vraiment merveilleux !

© Zenit.org - 2015

Géographie des persécutions à l’encontre des chrétiens

200 millions de chrétiens persécutés dans le monde

Loin du tumulte médiatique, ils sont 200 millions ; Hommes, Femmes, enfants et vieillards à vivre leur foi sous les persécutions et la barbarie. Enquête sur les 200 millions de Chrétiens persécutés en silence aux quatre coins du monde !

Si la persécution des chrétiens dans les premiers siècles après Jésus-Christ est historiquement admise et étudiée, il en est tout autre pour les sévices actuels. Islam radical, communisme exacerbé ou encore dictature, nombreux sont les acteurs de la souffrance des 200 millions de Chrétiens. Cette « christianophobie » désormais mondialisée touche plus de 50 pays.

D’après Mgr Silvano Maria Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège au- près des Nations unies, « plus de 100 000 chrétiens sont tués chaque année pour des motifs qui ont un quelconque rapport avec leur foi ». Établi sur des études propres à l’Église ce décompte parait tristement fidèle à la réalité, c’est donc un peu plus de 270 Chrétiens tués chaque jour dans le monde en raison de leur croyance. Tour d’horizon des cinquante pires pays pour les chrétiens :

N°1 La Corée du Nord, trop souvent oubliée c’est bien la Corée communiste qui persécute le plus les chrétiens. L’interdiction du culte, perçu comme « une domination occidentale », est chaque année responsable de l’arrestation, la torture, l’emprisonnement et l’exécutions de 10 000 personnes.

N°2 La Somalie, rongée par les guerres tribales et le banditisme, la Somalie est un état en faillite, dans lequel la foi chrétienne est proscrite. Depuis 2010, plus aucune nouvelle de la minorité catholique. Historiquement, la Somalie a connu une évangélisation à la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion d’une mission française et d’une mission suédoise. Le nombre de chrétiens encore en vie à ce jour est inconnu, mais la grande majorité a été assassinée ou forcée à la conversion.

N°3 l’Irak, depuis la chute de Saddam Hussein et le départ des troupes occidentales le pays s’écroule dans la guerre civile. Les chrétiens subissent sur l’ensemble du territoire des attentats et des brimades. Dans les zones contrôlées par l’État Islamique, il ne reste plus de chrétiens, 150 000 ont fui, les autres se sont convertis à l’Islam ou ont été assassinés.

N°4 la Syrie, le pays qui comptait une communauté importante de chrétiens, qui vivaient protégés par le régime d’Al Assad, est désormais en partie aux mains de l’État Islamique. Par conséquent, c’est plus de 700 000 chrétiens qui fuient le pays, 200 000 qui ont été déplacés et 60 000 tués. Comme en Irak il est impossible d’être chrétien en dehors des zones contrôlées par le régime.

N°5 l’Afghanistan, les chrétiens afghans sont tous d’origine musulmane, néanmoins ils seraient plus de 5 000 à vivre leur foi dans la clandestinité la plus totale. En effet, le pays aux mains des talibans, ne tolère pas la pratique d’autres religions que l’Islam. Chaque année on dénombre une cinquantaine d’assassinats barbares de chrétiens.

On distingue trois grandes causes de persécutions :

La première, le communisme, la Chine et la Corée du Nord sont deux des grands tueurs et persécuteurs des chrétiens et cela depuis plus de soixante ans. En Chine, la conversion est punie encore à ce jour par de lourdes peines de prison. La perpétuité ou même la peine de mort ne sont pas rares pour les chrétiens Chinois et Nord-Coréens.

Le second, l’islamisme, à des degrés de radicalisations différents. L’islam ultra radical utilisé comme référence par des groupes terroristes comme l’État islamique ou Boko Haram ne permet aucune pratique religieuse différente de l’islam sunnite rigoriste. Par conséquent, les chrétiens et toutes les minorités (Druzes, Chiites etc..) sont persécutés dans les zones sous leur contrôle : Irak, Syrie, Libye, Nigeria, etc…

Dans les pays, ou l’Islam rigoriste est pratiqué, voir érigé au statut de religion d’État (Arabie Saoudite, Iran, Quatar..), la foi chrétienne se heurte aux pressions morales et réglementaires. Par exemple, si un chrétien immigré est accusé d’avoir parlé de sa croyance à un Qatari, il sera expulsé pour trouble à l’ordre public. Pour les musulmans convertis au christianisme, il y a de forte chances de subir des pressions familiales et tribales, ainsi que de la part du gouvernement, qui ne reconnaît pas leur conversion et continue à les considérer comme musulmans. Voici les propos d’un citoyen qatari au sujet de l’apostasie : « Si l’enfant a 10 ans, son père lui montrera des versets du Coran. S’il a 15 ans, son père l’emmènera à la mosquée pour qu’il y reçoive un enseignement qui le remettra dans le bon chemin. S’il a 20 ans, un cousin le tuera ou bien la famille paiera quelqu’un pour l’assassiner ».

Dans des pays ou l’Islam est considéré comme plus modéré (Turquie, Maroc, etc…), la pratique des religions chrétiennes est très mal acceptée par la société, notamment dans les zones reculées. Les églises sont clandestines, le racisme, la discrimination sont courants et récurrents.

Troisième cause, et sûrement la moins connue, l’intolérance des religions asiatiques (bouddhisme et hindouisme). Souvent considérés comme pacifiques, les territoires bouddhistes sont des enfers pour les chrétiens (les musulmans sont aussi persécutés au même titre). Même si la pratique d’une autre religion n’est pas légalement proscrite, les raids et autres expéditions punitives meurtrières sont monnaie courante. En Inde, les chrétiens, subissent une répression importante, notamment par le biais de lois « anti-prosélytisme ». En outre, ils sont considérés comme « traîtres à la nation ». Au Laos certains moines bouddhistes « extrémistes » ont incendié un village chrétien et battu à mort une dizaine d’hommes. Les justices des pays concernés ne sanctionnent que très rarement les exactions contre les populations chrétiennes.

En conclusion, on remarquera d’abord l’importance des persécutions communistes et asiatiques qui sont souvent masquées par celles du terrorisme islamique. Nous constatons aussi qu’aucune action majeure n’est entamée pour protéger les minorités chrétiennes du Moyen-Orient. Pire encore, certaines actions occidentales comme la guerre en Irak, en Libye ou contre le régime de Bachar Al Assad, ont dangereusement exposé les chrétiens à la menace islamiste, alors qu’ils étaient protégés par les anciens régimes. Enfin, force est de constater que parmi les partenaires commerciaux majeurs de la France, nombreux sont ceux qui persécutent les chrétiens (Chine, Inde, Qatar, Emirats…).

© Globalediplomatie.com - 2015

Le refus de la misère

Homélie de Mgr Enrico Dal Colvo, à l’occasion de journée en mémoire des victimes de la misère

« Saint Jean-Paul II nous l'avait rappelé avec ces paroles gravées sur la dalle en l'honneur des victimes de la misère posée sur le Parvis de cette Basilique de Saint-Jean du Latran en octobre 2000, pendant le Grand Jubilé : "Jamais plus la discrimination, l’exclusion, l'oppression, le mépris des pauvres et des derniers" », rappelle Mgr Dal Covolo. Voici l’homélie prononcée par Mgr Enrico Dal Covolo, Recteur de l'Université du Latran, en la basilique du Latran, à Rome, à l'occasion de la célébration eucharistique en mémoire des victimes de la misère, le 17 octobre 2015.

Frères et sœurs,

Nous célébrons aujourd'hui le 29ème dimanche du temps ordinaire et comme toujours les textes proposés par l’Église s'adaptent parfaitement à la célébration, ce 17 octobre, de la Journée mondiale du refus de la misère.

Cette journée, créée par le Serviteur de Dieu, Père Joseph Wresinski en octobre 1987, a pour objectif de mettre au centre de notre attention de notre préoccupation, les victimes de la faim, de l'ignorance, de la violence : les victimes de la misère.

Né lui-même dans une famille aux prises avec la pauvreté et la précarité, le père Joseph Wresinski a voulu devenir prêtre de Jésus Christ pour se faire serviteur des pauvres, des derniers, de son peuple, le peuple de la misère.

Les textes du jour nous le disent clairement : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude », nous dit l’Évangile selon Marc.

Le Psaume proclamait que « le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes ».

Dans la Lettre aux Hébreux, Paul écrit que « nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché ».

Chers frères et sœurs, tel est le mystère de notre foi : Dieu le Tout-Puissant s'est abaissé jusqu'à rejoindre notre condition humaine, Il a été « éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché ». Il a épousé la condition humaine, il s'est fait le Serviteur Souffrant.

Comme le disait le Pape François dans son message pour le Carême 2014, « Il s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » : cette définition de Jésus que l'on trouve dans la seconde lettre de Saint Paul aux Corinthiens était le titre de ce Message du Pape.

Ce message du Pape François réfléchit sur le mystère de la pauvreté du Christ qui s'est fait homme « pour nous devenir semblable en tout, excepté le péché ». Son amour, sa compassion, sa tendresse sont des traits que chaque chrétien devrait choisir et adopter comme style de vie. En particulier face aux misères humaines, – il en présente trois  types, dont le premier est « la misère matérielle appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. Face à cette misère, l’Église offre son service, sa diakonia, pour répondre aux besoins et soigner ces plaies qui enlaidissent le visage de l’humanité. Nous voyons dans les pauvres et les laissés-pour-compte le visage du Christ ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ ».

Parlant du Jeudi Saint et de la dernière Cène, le père Joseph Wresinski méditait ainsi le lavement des pieds : « Voilà que le Christ se met à genoux et se fait le plus petit d'entre les siens. Il se fait le serviteur de ces hommes qu'ils a choisis, de ces hommes qui portent en eux des aspirations de changement, de transformation de société, de structures...Il leur lave les pieds en leur faisant comprendre que le monde ne s'écroulera, que le monde ne changera... que dans la mesure où ils seront les humbles serviteurs, les serviteurs des pauvres ».

C'est ce que nous disent les textes du jour, ce qu'ils nous annoncent en préfigurant le récit du Jeudi Saint et le lavement des pieds.

Se faire le serf, le serviteur de Dieu et des hommes, et en particulier des préférés du Seigneur, des plus petits, des désespérés, des abandonnés. Telle est notre vocation, là où nous sommes, dans nos quartiers, nos écoles, notre université, nos familles.

Saint Jean-Paul II nous l'avait rappelé avec ces paroles gravées sur la dalle à l'honneur des victimes de la misère posée sur le Parvis de cette Basilique de Saint-Jean du Latran en octobre 2000, pendant le Grand Jubilé : « Jamais plus la discrimination, l’exclusion, l'oppression, le mépris des pauvres et des derniers. »

Le Pape François nous conduit avec courage dans la même direction.

Mercredi dernier à la fin de l'audience générale, parlant du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère il a dit : « Cette journée se propose d’accroître les efforts en vue d’éliminer la pauvreté extrême et la discrimination, et d’assurer que chacun puisse pleinement exercer ses droits fondamentaux. Nous sommes tous invités à faire nôtre cette intention, afin que la charité du Christ touche et soulage nos frères et sœurs les plus pauvres et laissés-pour-compte. »

En octobre 2014, dans son discours à l'occasion de la rencontre des Mouvements Populaires à Rome, il avait souligné ainsi ce que devrait être notre attitude à l'égard des pauvres :

« Les pauvres non seulement subissent l’injustice, mais ils luttent également contre elle ! Ils ne se contentent pas de promesses illusoires, d’excuses ou d’alibis. Ils n’attendent pas non plus les bras croisés l’aide d’ONG, des programmes d’aide ou des solutions qui n’arrivent jamais ou qui, si elles arrivent, le font en ayant tendance soit à anesthésier, soit à apprivoiser, et cela est plutôt dangereux. Vous sentez que les pauvres n’attendent plus et veulent être acteurs ; ils s’organisent, étudient, travaillent, exigent et surtout pratiquent la solidarité si spéciale qui existe entre ceux qui souffrent, entre les pauvres, et que notre civilisation semble avoir oubliée, ou tout au moins a très envie d’oublier. »

Tel est le service que les pauvres attendent de nous : nous mettre à l'école de leur humanité. Apprendre d'eux ; les considérer conne des frères et des citoyens à part entière. Non pas les objets de notre lutte mais des sujets acteurs de leur et de notre commune libération.

Le père Joseph Wresinski disait encore : « Pour sauver tous les hommes, Jésus Christ a voulu les rejoindre dans leur humanité. Dans leur humanité la plus authentique qui ne soit pas encombrée de richesses, d’argent, d’honneur. Il devait prendre corps dans l’humanité la plus dépouillée de ce qui n’est pas elle, de tout pouvoir économique, politique et religieux. Cette humanité-là, ce sont les plus pauvres et non les riches qui la possèdent. En eux, l’essentiel n’est pas entamé. C’est pourquoi le Christ pouvait s’y incarner sans peine. »

Chers frères et sœurs, écoutons la parole de Notre Seigneur et alors la prophétie d’Isaïe deviendra une réalité : « Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. » Amen.

© Zenit.org - 2015

Ce que les biotechnologies font à l’éthique

L’Avenir de la nature humaine : vers une eugénisme libéral ?

Une réponse complexe de Jürgen Habermas aux enjeux soulevés par les biotechnologies.

Qu’il s’agisse de l’avortement, de la fécondation in vitro, de la recherche sur les cellules souches ou de l’intervention sur le génome humain, interviennent pléthore de politiciens, de religieux, de scientifiques, voire d’intervenants qui agrémentent la polémique de leurs seules opinions plus ou moins étayées. Et dans ce capharnaüm médiatique, d’aucuns ne soulignent assez la révolution que nous vivons : « Après les blessures narcissiques que nous ont infligé Copernic et Darwin en détruisant, l’un, notre image géocentrique du monde, l’autre, notre image anthropologique, peut-être accompagnerons-nous avec une plus grande quiétude cette troisième décentration de notre image du monde – la soumission du corps vivant et de la vie à la biotechnologie. »

C’est simplement avec un « peut-être » à la fois enthousiaste et circonspect, que Jürgen Habermas s’attèle à penser les questions éthiques que soulèvent les biotechnologies.

L’interrogation éthique des biotechnologies

Mais plutôt qu’opter pour une morale qui place la philosophie en concurrence avec la religion ou un autre système de pensées, Habermas recourt au concept de « pouvoir-être-soi-même » de Kierkegaard. Ce précurseur de l’existentialisme estimait que l’éthique repose dans cet effort individuel pour une autoréflexion par laquelle l’être humain « s’approprie par l’autocritique de son passé, sa biographique, telle qu’il peut se la remémorer concrètement et telle qu’elle a été dans les faits, et ce à la lumière des possibilités futures ».

Reprenant cette pensée post-métaphysique, Habermas cherche ainsi à respecter la pluralité des visions du monde. Mais davantage que des croyances, il constate que la biotechnologie attente aux relations sociales les plus communes. En effet, « à travers la décision irréversible que constitue l’intervention d’une personne dans l’équipement “naturel” d’une autre personne, naît une forme de relation interpersonnelle jusqu’ici inconnue ». Toute la problématique étant que les choix opérés sur l’être futur ne lui sont pas mémoriels, ce qui ne lui permet ni de se les approprier ni de les réviser comme il en ferait – par exemple – pour son éducation. La chosification atteint l’être humain avant même qu’il naisse. Dans ce contexte, il n’y a aucune place pour une autoréflexion éthique.

Plutôt qu’accuser la science de tous les maux, le philosophe dénonce une certaine perception de la modernité. Cette dernière se fonde sur ce que l’auteur dénomme un « eugénisme libéral ». Suspectant à demi-mots l’industrie de la santé de l’avoir encouragé, Habermas estime qu’il « ne reconnaît pas de frontière entre les interventions thérapeutiques et les interventions à des fins d’amélioration, mais laisse aux préférences individuelles des acteurs du marché le choix des finalités qui président aux interventions destinées à modifier les caractéristiques génétiques ». Finalement, les individus se retrouvent en position de consommateurs, censés faire un choix rationnel sur des critères difficilement déterminables comme ceux des facteurs héréditaires désirables ou indésirables. C’est là associer un darwinisme d’un autre temps avec un néolibéralisme qui est lui bien contemporain.

Pour « un droit à un héritage non manipulé »

Au-lieu de verser dans une hyper-moralisation qui polarise le débat, Habermas pense y trouver une issue en lui proposant un règlement. Il songe alors au « droit à un héritage non manipulé » qui rétablirait cette frontière entre le thérapeutique et l’esthétique, favoriserait ce pouvoir-être-soi-même. Or, admet-il, ce droit ne règlerait que partiellement la problématique. En effet, un pan entier de la biotechnologie épargne les individus à venir, mais il agit sur ces individus qui ne seront jamais.

Habermas s’attaque alors à deux sujets brûlants : l’avortement et la recherche embryonnaire. Le philosophe ne concède pas un jugement facile sur ces questions. Il estime même que les thèses pro-vie et pro-choix ont toutes deux des lacunes faute d’un naturalisme similaire, fondé sur des métaphysiques à peine dissemblable. Toutefois, il ne remet pas en cause une attitude morale qui voudrait respecter un tantinet la dignité humaine. Percevant celle-ci comme une construction morale corrélative aux relations humaines, elle se fonde sur la perception collective d’une humanité inachevée et interdépendante. La vie humaine s’impose donc comme une référence morale porteuse de droits, laquelle a autant de « dignité » que le législateur peut lui offrir de garanties.

La liberté éthique des enfants

Quant est-il pour la vie anté-personnelle (avant la naissance) ? Habermas la conçoit comme une socialisation par anticipation. Toutefois, une société pluraliste ne peut garantir une protection ex-ante à l’embryon sans quoi elle ne saurait concilier des conceptions du monde différentes. Parallèlement, il est impossible de disposer – au sens d’en avoir la propriété – d’une vie anté-personnelle sans quoi il ne s’agirait plus d’une socialisation fondée sur des choix, mais bien d’une marchandisation de la vie humaine basée sur des calculs.

L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre le choix individuel et l’horizon des possibles qu’offre la science. Sinon, l’eugénisme libéral conduira irrémédiablement à asservir les futurs êtres humains par la volonté de leurs ascendants. Comme le résume fort bien Habermas, l’eugénisme libéral établit une relation asymétrique entre les générations : « cette liberté eugénique des parents est soumise à une réserve : elle ne doit pas entré en conflit avec la liberté éthique des enfants ». Le philosophe plaide donc pour restreindre les manipulations génétiques irréversibles et unilatérales, au sens où elles altèrent insidieusement l’existence de ceux qui vont naître sans qu’ils n’aient la possibilité de se réapproprier leur biographie.

À l’exception de ces excroissances intellectuelles, on ne soulignera jamais assez la pertinence de la contribution de Habermas. Ce dernier remet au centre du débat une éthique qui ne dresse aucune potence envers une vision du monde concurrente, ni ne sombre dans un cynisme désabusé qui, par facilité, relativise tout et son contraire. Elle est un plaidoyer pour l’humanité, non au détriment des hommes ou de leurs aspérités

Étienne Schmitt

© Slate.fr - 2015

Méditation sur la Parole

Que veux-tu que je fasse pour toi ?

Nous arrivons à la fin de la section d’évangile où le Christ propose à ses apôtres les conditions nécessaires pour être son disciple. Il a parlé de mariage, d’argent, de travail, d’exercice d’autorité, d’ouverture aux autres, de pardon, de partage, de service. À la fin de toutes ces réflexions, à travers Bartimée, le pauvre aveugle assis sur le bord du chemin, Jésus nous propose une « nouvelle vision de la vie ».

Dans l’évangile de saint Marc, nous assistons à la guérison de deux aveugles : la première au chapitre 8, 22-26 et, un peu plus loin, à celle d’aujourd’hui. Entre ces deux miracles, à trois occasions, Jésus annonce sa passion, suivie chaque fois de l’incompréhension des apôtres qui sont aveugles et ne saisissent pas le sens de ses paroles. Pendant la montée vers Jérusalem, Jésus fait une dernière tentative pour leur ouvrir les yeux sur sa véritable identité et sur les exigences de l’appel à le suivre.

Marc fait de cette rencontre avec Bartimée une véritable catéchèse baptismale. C’est ainsi que l’on comprise les premiers chrétiens. Au temps de l’évangéliste, le baptême était appelé « l’illumination ». C’était le sacrement qui ouvrait les yeux des nouveaux chrétiens. « Rabbouni, fais que je voie! Ouvre mes yeux, Seigneur ! »

La guérison de la cécité fait parti de l’expérience chrétienne. Le messie est « la lumière des nations qui ouvre les yeux aux aveugles » (Is 42, 6-7). Jésus dans la synagogue de Nazareth, avait défini sa mission, en faisant appel au texte d’Isaïe. « L’esprit du Seigneur est sur moi; il m’a consacré, et il m’a envoyé annoncé aux pauvres la bonne nouvelle, afin de proclamer aux prisonniers la libération et redonner la vue aux aveugles. » (Luc 4, 18)

L’aveugle Bartimée est l’icône de la détresse et de la pauvreté. Cet homme, assis le long de la route, enveloppé dans son manteau, est totalement dépendant des autres. La route est une invitation à la marche, au déplacement, à la découverte, mais ce pauvre homme est littéralement cloué au sol.

La situation d’aveuglement s’applique à chacun de nous. Nous sommes souvent comme le pauvre homme qui demande l’aide du Seigneur :

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi » : Mon travail n’a pas de sens. Je suis comme un robot. Je suis un numéro dans l’usine, mon opinion de compte pas. Je suis trop vieux pour trouver un autre emploi et trop jeune pour prendre ma retraite. Tout ce qui compte c’est le chèque à la fin de la semaine... et il semble que ce n’est jamais assez. Je suis aussi aveugle que le pauvre homme de l’évangile.

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi » : Je passe la plus grande partie de mon temps toute seule dans ma résidence pour personnes âgées. Mes enfants ne viennent plus me voir. Ils ne téléphonent jamais. Je ne suis plus capable de travailler, de produire, donc je ne sers à rien. Je me sens complètement inutile. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi » : Notre mariage est en ruine. Mon mari refuse d’aller voir un conseiller matrimonial. Nous ne voulons pas divorcer car les enfants ont besoin de nous. Il semble que nous sommes condamnés à nous endurer, à nous chamailler, à mettre de plus en plus de distances entre nous, à mourir dans une solitude à deux. Je ne vois aucune solution possible. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi » : Je suis complètement dépendant de la drogue, je suis alcoolique, je me meurs de cancer, je vieillis très mal, ma maigre pension ne me permet jamais d’arriver à la fin du mois, je suis plein d’angoisse et de haine, je ne sais pas pardonner. Je suis comme ce pauvre aveugle le long du chemin.

Grâce au Christ, nous pouvons retrouver la vue, découvrir le sens de la vie, du travail, de la famille, des responsabilités civiques, de la maladie, de l’épreuve et de la mort.

Bartimée était pauvre, dépendant des autres, aveugle, comme nous le sommes souvent devant beaucoup de problèmes de notre vie. Le monde est plein d’aveugles qui ne savent d’où ils viennent, où ils vont, ce que la vie signifie, comment affronter la souffrance et la mort. Pour les chrétiens de tous les temps, l’aveugle de Jérico reste le modèle du croyant et du disciple qui reçoit le don de la vue et qui est prêt à suivre le Christ.

La foi nous donne des yeux nouveaux. Elle nous permet de voir le monde à travers les yeux de Dieu qui illumine et donne un sens à l’existence personnelle et communautaire de chaque jour.

Nous avons besoin de cette lumière pour nous-mêmes mais aussi pour la transmettre aux autres autour de nous : « Vous êtes la lumière du monde », nous dit le Christ... « Que votre lumière resplendisse devant les hommes et que voyant vos bonnes œuvres, il glorifie votre Père céleste » (Matthieu 5, 1-14). Si nous ne le faisons pas, nous sommes comme des lampes allumées que l’on place sous le lit et qui n’éclaire personne.

« Je suis la lumière du monde, dit Jésus, celui qui me suit aura la lumière de la vie. » - « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres » Le Christ veut éclairer notre vie et nous redonner la joie de vivre. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? Seigneur, que je vois ».

© Cursillo - 2015