Pko 23.12.2015

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°64/2015

Mercredi 23 décembre 2015 – Solennité de la Dédicace de la Cathédrale – Année C

140ème Anniversaire de la Cathédrale de Papeete

Les 1000 ans de la Cathédrale de Strasbourg

Certes, qu’est ce que 140 ans comparés au 1000 ans de la Cathédrale de Strasbourg… mais cependant, ni l’âge ni la taille ne change quoique ce soit au rôle fondamentale d’une Cathédrale dans son diocèse… Voici l’homélie du Cardinal Poupard à l’occasion de l’anniversaire de la Cathédrale alsacienne…

Cher Monseigneur l’Archeve?que,

chers fre?res e?ve?ques, pre?tres et diacres,

chers fre?res et sœurs en Je?sus-Christ,

C’est pour moi un immense honneur et une grande joie d’e?tre l’Envoye? spe?cial de notre pape Franc?ois pour pre?sider la fe?te de Marie en son Assomption, patronne de la cathe?drale, en cet anniversaire me?morable : le mille?naire des fondations de la cathe?drale. Comme vous l’avez justement e?crit, cher Monseigneur, en soulignant le sens d’un mille?naire : « Peu d’institutions peuvent s’appuyer sur 2 000 ans de vie comme le christianisme, peu de ba?timents peuvent afficher 1 000 ans de construction, comme la cathe?drale de Strasbourg, une e?glise au cœur de la cite? qui accueille la ce?le?bration du peuple chre?tien, et qui de?livre, par sa grandeur et sa beaute?, un message sur Dieu lui-me?me, par la grandeur de sa nef gothique et la hauteur vertigineuse de sa fle?che pointe?e vers le ciel. »

La cathe?drale ba?tie par l’e?ve?que Werner, au XIe?me sie?cle, dont subsistent les fondations re?utilise?es a? partir de 1277 par l’e?ve?que Conrad de Lichtenberg, n’a cesse? depuis lors, du haut Moyen-a?ge, jusqu’a? votre pre?de?cesseur – le cher Mgr Joseph Dore? –, de be?ne?ficier de l’apport des cre?ateurs d’art sacre?, a? la beaute? des ce?le?brations liturgiques, tout a? la fois louange a? Dieu et rassemblement des fide?les autour de l’e?ve?que, signe de l’unite? de l’E?glise particulie?re de Strasbourg confie?e a? sa charge pastorale d’enseigner, baptiser, ce?le?brer l’eucharistie, rassembler et conduire le peuple de Dieu. Cette anne?e jubilaire a permis a? beaucoup de fide?les alsaciens, au vaste monde de la culture, et au flot ininterrompu de quatre millions de visiteurs, de de?couvrir ou de rede?couvrir la gra?ce de cette cathe?drale.

J’ai toujours pre?sent, comme une lumie?re dans les yeux et un chaud au cœur, l’e?merveillement qui m’a saisi, voici soixante ans de?ja?, lorsque jeune e?tudiant en the?ologie, venu a? Strasbourg pre?parer ma the?se de doctorat en the?ologie, je de?couvrais cette cathe?drale unique au monde, une admiration sans cesse renaissante et sans cesse renouvele?e a? chacun de mes se?jours re?ite?re?s en Alsace.

Vous l’e?crivez fort justement, cher Monseigneur, a? l’adresse du « Pe?lerin pour ce mille?naire » : « Certes, la cathe?drale de Strasbourg est splendide, un joyau d’architecture reconnu et admire? par tous, mais elle est d’abord et avant tout le lieu central et indispensable de la vie dioce?saine ou? est place?e la cathe?dre, sie?ge de l’e?ve?que, qui veille a? l’unite? et a? la sanctification des croyants qui lui sont confie?s, e?glise-me?re du dioce?se qui ce?le?bre mille ans de foi et de prie?re, mille ans de peines et de joies, mille ans d’e?preuves et de rele?vements, de tensions et de re?conciliations ». Oui, fre?res et sœurs, venus ce matin ce?le?brer cette eucharistie jubilaire, nous sommes venus, d’un seul cœur et d’une seule a?me, faire me?moire de notre histoire tourmente?e, confesser notre foi pre?sente et attester notre grande espe?rance partage?e, chacune et chacun d’entre nous, pierre vivante, membre incomparable du corps du Christ qu’est l’E?glise en marche. Ce miroir de pierres mille?naires est pour nous comme un e?lan du temps pe?rissable, vers un oce?an d’e?ternite? abyssale.

« Ces lieux ou? vous venez admirer et re?ver, - disait Montalembert a? Victor Hugo -, nous y venons pour prier et pour adorer ». Le bienheureux pape Paul VI, il m’en souvient, en adressant le 8 de?cembre 1965, le message du Concile Vatican II dont il pre?sidait la clo?ture sur la place ensoleille?e de Saint-Pierre, aux hommes de la pense?e et de la recherche, leur disait : « Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de la beaute?. La beaute?, comme la ve?rite? met la joie au cœur des hommes, fruit pre?cieux qui re?siste a? l’usure du temps, qui unit les ge?ne?rations et les fait communier dans l’admiration ».

La cathe?drale monumentale de Strasbourg, comme un aimant, irre?sistiblement nous attire, parce qu’elle te?moigne de manie?re visible d’une re?alite? invisible. Elle est un symbole dresse? de la terre vers le ciel, pour accueillir un don qui vient du ciel. Elle est pour nous le re?ceptacle d’un double myste?re, le myste?re de Dieu incarne? en Je?sus-Christ qui se donne a? nous dans la ce?le?bration du sacrifice eucharistique, et le myste?re du peuple de Dieu qu’est l’E?glise, rassemble? autour de l’e?ve?que et des pre?tres ses collaborateurs, pour ce?le?brer ce myste?re pascal qui la fonde et la structure, la nourrit, la vivifie et dont il tire sa vie me?me.

La cathe?drale est le signe vivant de cette re?alite? invisible, le myste?re de l’E?glise qui, dans sa nature profonde, est tout inte?rieur, et est en me?me temps ve?cu dans la visibilite? signifiante du peuple de Dieu rassemble? pour ce?le?brer la foi qui l’anime. Sa monumentalite? sans timidite? exprime a? merveille la large dimension de l’hospitalite? qu’elle nous offre. Elle appelle, elle attire, elle oriente vers le myste?re central, tout d’inte?riorite?, ou? l’infini de Dieu se manifeste dans la petitesse de sa proximite? incarne?e, l’Emmanuel, Dieu fait homme dans le sein de la vierge Marie, avec nous et pour nous.

Maison de Dieu et maison du peuple de Dieu, la cathe?drale est la maison de Dieu au milieu des maisons des hommes et, en me?me temps, la demeure des hommes re?unis pour accueillir le don du Dieu d’amour incarne? dans le Christ et re?pandu dans l’Esprit, de?ja? sur cette terre un peu de paradis, de?ja? une participation de la vie, de l’amour, de la bonte?, de la paix de Dieu.

Et par de la? la communaute? croyante, la fle?che dresse?e au cœur de la cite? constitue pour tous les hommes de bonne volonte? un appel, symbole qu’elle est d’une pre?sence transcendante et myste?rieuse, source de paix et de se?re?nite?, de silence inte?rieur et de joie partage?e. La cathe?drale devient ainsi pour nous tous l’invitation a? re?aliser ensemble cette certaine ide?e de l’homme qu’exprimait Saint-Exupe?ry dans Citadelle : « Il est en l’homme comme en tout e?tre quelque chose que n’expliquent pas les mate?riaux qui le composent. Une cathe?drale est bien autre chose qu’une somme de pierres, ce ne sont pas les pierres qui la de?finissent, c’est elle qui enrichit les pierres, de sa propre  signification. Ces pierres sont ennoblies d’e?tre pierres d’une cathe?drale ». Une cathe?drale construite pour accueillir Dieu, c’est aussi des hommes capables d’accueillir l’homme, tout homme, mon semblable, mon fre?re, cre?e? a? l’image et a? la ressemblance de Dieu. C’est l’agrandissement de l’homme, la fondation d’une cite? de pierres vives dont le ciment est l’amour.

Fre?res et sœurs, en ce mille?naire, nous rendons gra?ce a? tous ceux qui avec amour ont e?difie? ce vaisseau de lumie?re, nous rendons gra?ce pour tous ceux qui sont venus y puiser lumie?re et amour, au milieu des vicissitudes des temps et des e?preuves de la vie. Et nous rendons gra?ce au Seigneur, source de vie, Verbe de vie, venu en ce monde nous partager la vie de Dieu, incarne? dans le sein de la Vierge Marie qui, dans le myste?re de son assomption que nous ce?le?brons ce matin avec joie, l’a rejoint en son e?ternite? d’amour.

Quelle joie de ce?le?brer la Fe?te de l’Assomption en cette mille?naire cathe?drale ! Notre prie?re ce matin est toute mariale, dans la joie de ce?le?brer Marie, la Vierge Me?re de Je?sus et notre Me?re. Aujourd'hui, nous partageons en famille la joie de notre Maman du Ciel. Apre?s les e?preuves de la Passion et du Calvaire, elle a retrouve? son Fils, vivant, dans l'e?ternite? de joie et d'amour, du Pe?re, du Fils et du Saint-Esprit. La premie?re en chemin, comme nous aimons le chanter, Marie nous entrai?ne a? sa suite, a? travers les joies et les peines dont chacune de nos vies sait le poids et le prix, et le passage myste?rieux de la souffrance et de la mort, vers une e?ternite? de bonheur, de joie et d'amour, ou? elle nous a pre?ce?de?s pre?s de Son Fils.

Dans le Ciel, nous avons une Me?re. Le Ciel s'est ouvert, le Ciel a un cœur qui nous aime et nous invite a? l'aimer. En contemplant Marie et son visage aimant, nous entrevoyons quelque peu la beaute? de Dieu et sa bonte?, sa tendresse et sa mise?ricorde, qui nous invite a? partager sa vie, dans l'Eglise de la terre de?ja?, aujourd'hui, et un jour, en ple?nitude, dans le Ciel. Marie a e?te? e?leve?e au Ciel corps et a?me, et donc me?me pour le corps, il y a une place en Dieu. Le Ciel n'est plus pour nous un domaine e?loigne? et inconnu. Dans le Ciel, nous avons une Me?re, et c'est la Me?re de Dieu. C’est pourquoi, dans les litanies de Lorette, nous invoquons Marie comme la Porte du Ciel, Janua Cœli. Ainsi nous entrevoyons ce myste?re d'amour. La me?re de famille tient toujours grande ouverte la porte de la maison, pour tous ses enfants, petits et grands. Elle est toujours heureuse de les accueillir, quels que soient les avatars de la vie, et Dieu sait s'il y en a, en toutes nos familles. Il en va de me?me dans la famille de Dieu. Pe?cheurs que nous sommes tous, notre pape Franc?ois nous le rappelle souvent, la foi nous l'enseigne : le pardon nous est donne? dans le Sacrement de la Confession ou? nous confessons nos pe?che?s. Et la vie de la gra?ce nous est partage?e dans la Communion Eucharistique ou? c'est Je?sus lui-me?me qui se donne a? nous, Pain de vie, Corps ressuscite?, Source vive de l'e?ternite?, le Ciel qui est notre demeure de?finitive, apre?s nos de?me?nagements terrestres, et ou? Marie qui nous a pre?ce?de?s nous attend.

Prions avec Marie le Magnificat : « Mon a?me exalte le Seigneur. Le Puissant fit pour moi des merveilles . Saint est son nom ». Ce Chant merveilleux de Marie est tout entier tisse? de la Parole de Dieu. Le Verbe lui-me?me s’est fait chair par œuvre du Saint-Esprit en son sein. Imitons Marie dans notre prie?re. Elle e?tait toute pe?ne?tre?e de la Parole de Dieu, elle vivait de la Parole de Dieu, elle parlait a? Dieu avec les paroles de Dieu, et ses pense?es e?taient les pense?es de Dieu. À son exemple, me?ditons la Parole de Dieu que l'Eglise nous propose dans les lectures de chaque Messe. Comme Marie, soyons pe?ne?tre?s de la Parole de Dieu, des pense?es de Dieu, et nous y trouverons, comme elle, la lumie?re inte?rieure de la Sagesse pour guider notre vie de tous les jours et les de?cisions que nous avons a? prendre.

C'est aujourd’hui le message de saint Jean dans la premie?re lecture de notre belle liturgie : l'Apocalypse, cette vision grandiose de la Femme e?leve?e au ciel, avec le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds, et sur la te?te, une couronne de douze e?toiles. Cette Femme, c'est la Vierge Marie, figure de l'Église. « Parfaite image de l’Eglise a? venir, aurore de l’Église triomphante », nous dit la belle pre?face de cette eucharistie, « Marie guide et soutient l’espe?rance du Peuple de Dieu encore en chemin ». Telle est notre foi. Il est grand, le myste?re de la foi !

Mais la vision de l'apo?tre Jean voit apparai?tre un autre signe dans le Ciel, un e?norme dragon rouge feu, avec sept te?tes et dix cornes, et sur chaque te?te, un diade?me. Le dragon se tenait devant la Femme qui allait enfanter, afin de de?vorer l'Enfant de?s sa naissance. Mais l'Enfant fut enleve? aupre?s de Dieu et la Femme s'enfuit au de?sert ou? Dieu lui a pre?pare? une place. La descendance de la Femme, c'est notre humanite? fragile, toujours menace?e par les forces du mal qui sont le?gion, dans notre vie quotidienne, familiale, e?conomique, culturelle. Le dragon est toujours la?, ces structures de pe?che? stigmatise?es par le Pape Franc?ois, ces logiques diaboliques destructrices, de l'argent roi, de la volonte? de puissance, de la sensualite? exacerbe?e, qui nous traversent et nous instrumentalisent. Car les complicite?s sont a? la fois personnelles et collectives. Nul n'y e?chappe, si ce n'est par la force de Dieu, que nous appelons dans la prie?re, que nous trouvons dans la gra?ce des Sacrements.

Immerge?s que nous sommes dans les tracas de notre vie quotidienne, englue?s parfois dans les tentations qui nous assaillent, c’est pour nous une gra?ce de contempler dans la lumie?re de l’Assomption le terme du chemin. La vision de Marie est une vision d’espe?rance. Son Magnificat est un chant d’e?merveillement devant les merveilles de Dieu. L’e?preuve pourtant ne lui a pas manque?, du de?nuement de la Cre?che a? l’e?puisement du Calvaire. Mais, dans la foi, elle a fait confiance, espe?rant contre toute espe?rance, comme dira saint Paul. « Gardez bien votre confiance, nous dit la petite The?re?se de Lisieux. Il est impossible que le bon Dieu n’y re?ponde pas, car il mesure toujours ses dons a? notre confiance ». Submerge?e de douleur au pied de la croix, mais immerge?e en Dieu, Marie n’a cesse? de croire, d’espe?rer et d’aimer. Et nous la contemplons, radieuse, ce matin, pre?s de son Fils Je?sus ressuscite?.

Demandons a? la Vierge Marie de nous accompagner chaque jour, dans notre prie?re insistante au Seigneur : de?livres-nous du mal, du mal qui est en nous, du mal qui est hors de nous, du mal que nous faisons, du mal qui nous est fait.

Sainte Vierge Marie, Me?re de Dieu, aides-nous a? devenir, comme toi, patients et humbles, ge?ne?reux et courageux, donnes-nous le courage de dire « non » aux pie?ges du pouvoir, de l'argent, du plaisir, aux gains malhonne?tes, a? la corruption, a? l'e?goi?sme et a? la violence, « non » au Malin, prince trompeur de ce monde. Et « oui » au Christ qui de?truit la puissance du mal par la toute- puissance de l'amour. Me?re de Mise?ricorde, nous t'implorons comme des enfants confiants, en particulier pour ceux qui en ont le plus besoin : les sans-de?fense, les laisse?s pour compte et les exclus, les victimes d'une socie?te? qui trop souvent sacrifie l'homme au profit d'autres buts et inte?re?ts. En cette anne?e de la foi, nous te prions, Marie, pour notre monde angoisse?, notre Europe incertaine, notre France divise?e, pour que la communion l’emporte sur les germes de division, que l’espe?rance se ravive, en particulier chez les jeunes de?courage?s. Nous te prions pour notre pape Franc?ois, nos e?ve?ques et nos pre?tres, religieux et religieuses, parents et enfants, jeunes et adultes, hommes et femmes du troisie?me a?ge, nous te prions en particulier pour notre pays de France, et ses responsables politiques qui ont au premier chef la charge du bien commun.

Nous te prions, Marie, Me?re de Je?sus, Me?re de l’Eglise et notre Me?re , donnes-nous d’aimer comme toi, ton Fils bien - aime?, le Christ, Espe?rance du monde, et Joie des hommes venus l’adorer depuis un mille?naire en cette cathe?drale.

Amen.

©Cathedrale-Strasbourg - 2015