PKO 21.06.2015

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°35/2015
Dimanche 21 juin 2015 – 12ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs

L’adoption « à la polynésienne » !

 L’adoption en Polynésie, notamment par des personnes venant de métropole est un phénomène omniprésent..  Il ne se passe guère de semaines, sans que l’on vienne frapper à la porte du presbytère au prétexte que l’on cherche à adopter un enfant et parce que nous sommes proches de personnes en situation sociale défavorable. Un phénomène qui me met mal à l’aise… pourquoi ? Difficile à dire sans froisser quelques sensibilités.  Plusieurs éléments de réflexion…

Nous assistons  à un glissement qui s’opère depuis quelques décennies. En effet à l’origine l’adoption était de se substituer à la carence de parents (décès, abandon). Des adultes se proposaient de combler ce manque en adoptant l’enfant… aujourd’hui, notamment dans la recherche d’adoption d’enfant par des couples métropolitains, nous nous trouvons face à des adultes en carence d’enfant. Le bien recherché n’est plus d’abord celui de l’enfant mais celui des adultes adoptants. L’enfant devient quelque peu objet, moyen…

 L’article paru ce mois-ci dans la presse locale le laisse transparaitre de façon évidente : « Sachant que dans tous les pays “dits développés” les postulants sont confrontés aux mêmes difficultés d’un manque d’enfants adoptables, l’internationalisation et le partage des lieux d’adoption s’est imposée. Si les français sont des adoptants privilégiés en Polynésie de par la langue et un pan de leur histoire partagés avec les Polynésiens, d’autres nationalités d’adoptant pourraient à l’avenir, dans un contexte aussi tendu, essayer d’y tenter également leur chance… » Des expressions qui mettent mal à l’aise : « difficultés d’un manque d’enfants adoptables », « l’internationalisation et le partage des lieux d’adoption »… un véritable langage commercial ! L’enfant devient un « objet de consommation ».

De là découle la question du droit à l’enfant… A-t-on droit à un enfant ? Non. Si le désir d’enfant, le désir de maternité, de paternité est totalement légitime, cela n’entraine en rien un droit à l’enfant. Une personne n’est jamais un droit pour une autre personne. Il nous faut revenir à ce fondamental… redonner à l’adoption sa véritable mission : des adultes qui se mettent au service d’un enfant en carence de parents et non des enfants qui comblent des adultes en carence d’enfant.

J’ai conscience que mes propos peuvent être dur  à entendre, peut-être même pour un certain nombre révoltant voire inacceptable… mais la dignité fondamentale de toute personne, et particulièrement des enfants, ne tolère aucune compromission avec la pensée du moment…

L’enfant doit « rester la priorité absolue des adultes qui l’entourent ». Pour cela la société doit se mettre au service des familles pour que chaque enfant puisse grandir avec son père et sa mère… dans des conditions qui respectent la dignité humaine…

Pardon à ceux que ces propos vont blesser peut-être profondément… mais il en va de notre dignité à tous !

Chronique de la roue qui tourne

La fête des pères

« Un cœur de père est le chef d’œuvre de la nature. » L’Abbé Antoine Prévost

Beaucoup me demandent pourquoi je ne parle jamais de mon père. La réponse est simple : je ne le connais pas assez. Je n'avais que quelques mois quand mes parents se sont séparés. À l'âge de 7 ans, j'ai passé 3 semaines avec lui. Mais c'est difficile de vivre (harmonieusement) avec quelqu'un que tu ne connais pas. On avait surestimé les fameux liens du sang, ils ne font jamais des miracles.

J'ai toujours eu du mal à m'identifier à mon nom paternel. Je voulais porter le nom de mon grand-père maternel, il m'a tellement accompagnée dans l'épreuve de l'acceptation de mon handicap. Mais ma mère a refusé. Pour elle, cela reviendrait à gommer mon père de ma vie. Elle n'a pas vu que son absence l'avait déjà gommé, elle n'a pas compris la difficulté que c'était de s'identifier à un nom étranger. C'était souvent frustrant. Il avait longtemps exercé ici avant de repartir sur la métropole, et lorsque je rencontrais une de ses connaissances, elle me vantait un homme inconnu. Oui, il était sûrement quelqu'un de bien mais...

Aujourd'hui je comprends que mon quotidien ait été trop lourd à porter pour lui. Je n'ai rien à lui reprocher en tant que fille. On apprend doucement à se connaître. Nous construisons un avenir ensemble, apprenant ainsi de nos erreurs passées. De toute façon, comme je l'ai dit dans une précédente chronique, la haine et la rancœur demande beaucoup d'énergie. Or, j'ai déjà mon fauteuil à porter, mon avenir à construire. Question de priorité !

Cette paix intérieure, je la dois à ma mère, véritable magicienne qui me faisait oublier tout ce dont la vie me privait. Et puis, j'ai eu une famille, ma famille. Des frères et sœurs et un père. Cet homme a joué parfaitement son rôle de « père », de référent. Il m'a aimée, portée, nourrie et surtout il était le premier à rire à mes blagues, même pourries. Notre lien n'a pas eu besoin de la génétique pour s'enraciner.

Aujourd'hui, la vie m'apprend à partager le rôle de père entre deux hommes, je suis « fille » deux fois, et de manière différente.

Parfois la vie ne se passe pas comme prévu. Elle prend des détours extrêmes pour nous montrer que tout le monde a un rôle dans notre bonheur. Il est certain qu'elle ne laisse jamais un vide sans essayer de le combler. À nous d'être attentifs à ses efforts. Parce qu'une vie réussie, ce n'est pas une vie parfaite, d'ailleurs ça n'existe pas. Une vie réussie est une vie imparfaite mais qui suffit à notre bonheur.

Bonne fête à tous les papas !!!

 

Le deuil au sein d’une famille, surmonté par l’amour

Audience générale du mercredi 17 juin 2015 – Pape François

« Le travail de l’amour de Dieu est plus fort que le travail de la mort » déclare le pape François avec cette conséquence : « Jésus nous rendra tous à notre famille. » Le pape a en effet consacré sa catéchèse à l’expérience de la mort dans les familles.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le parcours de catéchèse sur la famille, aujourd’hui, nous nous inspirons directement de l’épisode raconté par l’évangéliste Luc, que nous venons d’entendre (cf. Lc 7,11-15). C’est une scène très émouvante qui nous montre la compassion de Jésus pour les personnes qui souffrent – dans le cas présent, une veuve qui a perdu son fils unique – et nous montre aussi la puissance de Jésus sur la mort.

La mort est une expérience qui concerne toute les familles, sans aucune exception. Elle fait partie de la vie : et pourtant, quand elle touche les membres de notre famille, la mort ne réussit pas à nous paraître naturelle. Pour les parents, survivre à leurs enfants est quelque chose de particulièrement déchirant, et cela contredit la nature élémentaire des relations qui donnent sens à la famille elle-même. La perte d’un fils ou d’une fille est comme si le temps s’arrêtait : c’est un trou béant qui engloutit le passé et même l’avenir. La mort qui emporte un petit enfant ou un jeune est une gifle aux promesses, aux dons et aux sacrifices d’amour joyeusement consentis à la vie que nous avons fait naître. Bien souvent, à Sainte-Marthe, des parents viennent à la messe avec la photo d’un fils, d’une fille, un petit enfant, un garçon, une fille, et ils me disent : « Il est partie, elle est partie ». Et leur regard est tellement peiné ! La mort touche et quand il s’agit de son enfant, elle touche profondément. Toute la famille reste comme paralysée, muette. Et l’enfant qui reste seul, après la perte d’un de ses parents, ou des deux, souffre quelque chose de semblable. Cette question : « - Mais où est papa ? Où est maman ? – Mais il est au ciel. – Mais pourquoi je ne le vois pas ? », cette question cache une angoisse dans le cœur de l’enfant qui reste seul. Le vide de l’abandon qui s’ouvre en lui est d’autant plus angoissant qu’il n’a même pas l’expérience suffisante pour « donner un nom » à ce qui s’est passé. « Quand est-ce que papa revient ? Quand est-ce que maman revient ? » Que répondre quand l’enfant souffre ? C’est comme cela, la mort dans une famille.

Dans ces cas-là, la mort est comme un trou noir qui s’ouvre dans la vie des familles et auquel nous ne savons pas donner d’explication. Et parfois, on en vient même à rendre Dieu coupable. Mais combien de personnes – je les comprends – se mettent en colère contre Dieu et blasphèment : « Pourquoi m’as-tu pris mon fils, ma fille ? Mais il n’y a pas de Dieu, Dieu n’existe pas ! Pourquoi a-t-il fait cela ? » Nous avons souvent entendu cela. Mais cette colère est un peu ce qui vient d’un cœur qui a une grande douleur ; la perte d’un fils ou d’une fille, du papa ou de la maman, est une grande douleur. Cela se produit continuellement dans les familles. Dans ces cas-là, disais-je, la mort est presque comme un trou. Mais la mort physique a des « complices » qui sont encore pires qu’elle et qui s’appellent haine, envie, orgueil, avarice ; en somme, le péché du monde qui travaille pour la mort et la rend encore plus douloureuse et injuste. Les membres de la famille apparaissent comme les victimes prédestinées et sans défense de ces pouvoirs auxiliaires de la mort, qui accompagnent l’histoire de l’homme. Pensons à l’absurde « normalité » avec laquelle, à certains moments et en certains lieux, les événements qui ajoutent l’horreur à la mort sont provoqués par la haine et par l’indifférence d’autres êtres humains. Que le Seigneur nous libère de nous habituer à cela !

Dans le peuple de Dieu, avec la grâce de sa compassion donnée en Jésus, beaucoup de familles démontrent par les faits que la mort n’a pas le dernier mot : c’est un véritable acte de foi. Chaque fois que la famille en deuil – même si le deuil est terrible – trouve la force de garder la foi et l’amour qui nous unissent à ceux que nous aimons, elle empêche dès maintenant la mort de tout emporter. L’obscurité de la mort doit être affrontée avec un travail d’amour plus intense. « Mon Dieu, éclaire mes ténèbres ! », telle est l’invocation de la liturgie du soir. À la lumière de la résurrection du Seigneur, qui n’abandonne aucun de ceux que le Père lui a confiés, nous pouvons enlever à la mort son « aiguillon », comme disait l’apôtre Paul (1 Co 15,55), nous pouvons l’empêcher d’empoisonner notre vie, de rendre vains nos sentiments, de nous faire tomber dans le vide le plus obscur.

Dans cette foi, nous pouvons nous consoler l’un l’autre, sachant que le Seigneur a vaincu la mort une fois pour toutes. Nos proches n’ont pas disparu dans l’obscurité du néant : l’espérance nous assure qu’ils sont dans les mains bonnes et fortes de Dieu. L’amour est plus fort que la mort. C’est pourquoi, la route consiste à faire grandir l’amour, à le rendre plus solide, et l’amour nous gardera jusqu’au jour où toute larme sera essuyée, quand « la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21,4). Si nous nous laissons soutenir par cette foi, l’expérience du deuil peut générer une plus forte solidarité des liens familiaux, une nouvelle ouverture à la douleur des autres familles, une nouvelle fraternité avec les familles qui naissent et renaissent dans l’espérance. Naître et renaître dans l’espérance, cela nous donne la foi. Mais je voudrais souligner la dernière phrase de l’Évangile que nous avons entendu aujourd’hui (cf. Lc 7, 11-15). Après que Jésus a ramené ce jeune homme à la vie, le fils de cette maman qui était veuve, l’Évangile dit : « Jésus le rendit à sa mère ». Et c’est cela, notre espérance ! Tous nos proches qui sont partis, le Seigneur nous les rendra et nous nous retrouvons avec eux. Cette espérance ne déçoit pas ! Souvenons-nous bien de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », c’est ce que fera le Seigneur avec tous nos proches dans notre famille !

Cette foi nous protège de la vision nihiliste de la mort, tout comme des fausses consolations du monde, pour que la vérité chrétienne « ne risque pas de se mêler à des mythologies en tous genres » (Benoît XVI, Angélus du 2 novembre 2008), cédant aux rites de la superstition, ancienne ou moderne. Aujourd’hui, il est nécessaire que les pasteurs et tous les chrétiens expriment de manière plus concrète le sens de leur foi dans l’expérience familiale du deuil. On ne doit pas nier le droit de pleurer – nous devons pleurer dans le deuil – Jésus aussi « se mit à pleurer » et fut « bouleversé » devant le deuil profond d’une famille qu’il aimait (Jn 11,33-37). Nous pouvons plutôt puiser dans le témoignage simple et fort de nombreuses familles qui ont su saisir, dans le passage si difficile de la mort, le passage certain du Seigneur, crucifié et ressuscité, avec sa promesse irrévocable de la résurrection des morts. Le travail de l’amour de Dieu est plus fort que le travail de la mort. C’est de cet amour, c’est précisément de cet amour que nous devons nous rendre « complices » actifs, par notre foi ! Et souvenons-nous de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », ainsi fera-t-il avec tous nos proches et avec nous quand nous nous rencontrerons, quand la mort sera définitivement vaincue en nous. Elle est vaincue par la croix de Jésus. Jésus nous rendra tous à notre famille.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

Soyez des pasteurs avec la tendresse de Dieu !

Homélie du Pape François à la IIIème retraite sacerdotale mondiale à Rome

« Je vous demande d’être des pasteurs avec la tendresse de Dieu. De quitter le “fouet” pendu dans la sacristie et d’être des pasteurs avec tendresse », déclare le pape François aux participants de la IIIe retraite sacerdotale mondiale à Rome.

Dans la première lecture nous abordons la tendresse de Dieu : Dieu raconte à son peuple combien Il l’aime et veille sur lui. Ce que Dieu dit à son peuple dans cette lecture du prophète Osée, chapitre 11, Il le dit à chacun de nous. C’est un bon texte à lire dans les moments de solitude, car il nous met en présence de Dieu qui nous dit : « Quand tu étais enfant, je t’ai aimé; je t’ai aimé enfant; je t’ai sauvé; je t’ai fait sortir d’Égypte, je t’ai sauvé de l’esclavage », de l’esclavage du péché, de l’esclavage de l’autodestruction et de tout esclavage que chacun sait qu’il a, qu’il a eu et qu’il a au fond de lui. « Je t’ai sauvé et t’ai appris à marcher ». Écouter Dieu m’apprendre à marcher, que c’est beau ! Le Tout-Puissant s’abaisse et m’enseigne à marcher. Je me souviens de cette phrase du Deutéronome, quand Moïse dit à son peuple : « Écoutez – je vois que ce peuple a la tête dure ! – : Quelle est la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous ? ». Et la proximité de Dieu c’est cette tendresse : il m’a appris à marcher. Sans Lui je ne saurais pas marcher dans l’Esprit. « Et je te donnais la main. Mais tu n’as pas compris que je te guidais, tu croyais que je t’aurais laissé seul ». Cette histoire est celle de chacun de nous. « Je te tirais par des liens humains et non des lois punitives ». Avec des liens d’amour, des liens qui soudent. L’amour lie, mais lie dans la liberté ; il lie en te laissant de l’espace pour que tu répondes avec amour. « Je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger ». Cette histoire est notre histoire, mon histoire. Chacun de nous peut lire ici sa propre histoire. « Dis-moi, comment puis-je t’abandonner maintenant ? Comment puis-je te livrer à l’ennemi ? ». Dans les moments où nous avons peur, où nous manquons d’assurance, Il nous dit : « Si j’ai fait tout cela pour toi, comment peux-tu imaginer que je te laisse seul, que je t’abandonne ? ».

Sur les côtes de Libye, les 23 martyrs coptes étaient sûrs que Dieu ne les abandonnerait pas. Et ils se sont fait décapiter en prononçant le nom de Jésus ! Tandis qu’on leur coupait la tête, ils savaient que Dieu ne les avait pas abandonnés.

« Comment puis-je te traiter en ennemi ? Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent ». La tendresse de Dieu s’allume, cette chaude tendresse que Dieu seul est capable de donner. « Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère » pour les péchés qui existent, pour toutes ces incompréhensions, pour le fait d’adorer des idoles. « Car moi je suis Dieu, au milieu de vous je suis le Dieu saint ». Nous avons ici la déclaration d’amour d’un père à son fils. Et à chacun de nous.

Que de fois je pense que nous avons peur de la tendresse de Dieu et que c’est justement parce que nous en avons peur que nous ne la laissons pas agir en nous, qu’il nous arrive tant de fois d’être durs, sévères, des punisseurs… Nous sommes des pasteurs sans tendresse. Que nous dit Jésus dans le chapitre 15 de Luc ? Ce pasteur qui s’était rendu compte qu'il avait 99 brebis après en avoir perdu une. Il les laissa sous bonne garde, fermées à clef et partit chercher celle qui manquait. Celle-ci était prise dans les ronces… Il ne la frappa pas, ne la réprimanda pas : il la prit dans ses bras et la serra contre lui, la soigna, car elle était blessée. Faites-vous cela avec vos fidèles ? Lorsque vous voyez qu’il en manque un dans le troupeau ? Ou sommes-nous habitués à être une Église qui a une seule brebis dans son troupeau et laissons les 99 autres se perdre dans la montagne ? Toute cette tendresse vous émeut-elle ? Es-tu un pasteur de brebis ou es-tu devenu quelqu’un qui passe son temps à « coiffer » sa seule brebis? Parce que tu ne cherches que toi-même et que tu as oublié la tendresse que ton Père t’a donnée, et Il te le raconte ici, dans le chapitre 11 d’Osée. Et tu as oublié comment se donnait la tendresse. Le cœur du Christ est la tendresse de Dieu. « Comme puis-je te laisser diminuer ? Comment puis-je t’abandonner ? Quand tu es seul, désorienté, perdu, viens me voir, et je te sauverai, je te consolerai ».

Aujourd’hui, lors de cette retraite, je vous demande d’être des pasteurs avec la tendresse de Dieu. De quitter le « fouet » pendu dans la Sacristie et d’être des pasteurs avec tendresse, voire même avec ceux qui vous créent plus de problèmes. C’est une grâce. C’est une grâce de Dieu. Nous ne croyons pas en un Dieu éthéré, nous croyons en un Dieu qui s’est fait chair, qui a un cœur et ce cœur, aujourd’hui, nous parle : « Venez à moi. Si vous êtes fatigués, opprimés, et je vous restaurerai. Mais les plus petits traitez-les avec tendresse, avec cette même tendresse que j’utilise pour les traiter ». Voilà ce que nous dit le Cœur de Jésus Christ aujourd’hui, et c’est ce que demande, à cette messe, pour vous comme pour moi.

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

Parents, votre vocation, c’est l’amour !

Intervention du Pape François au Congrès du Diocèse de Rome

« Parents, votre vocation, c’est l’amour ! », dit le pape François aux familles de son diocèse, familles unies ou familles séparées. Une vocation qui est communion et mission. Le pape parle aux parents des enfants, de la beauté de leur amour, de la voie du pardon, des grands parents.

Bonsoir !

Hier soir, tard, les prévisions annonçaient pour aujourd’hui, pour cet après-midi et ce soir : pluie ! Oui, c’est vrai, pluie de familles sur la Place Saint-Pierre ! Merci !

C’est beau de vous rencontrer au début du Congrès pastoral de notre diocèse de Rome. Je vous remercie beaucoup, vous, parents, d’avoir accepté l’invitation à participer aussi nombreux à cette rencontre qui est importante pour le chemin de notre communauté ecclésiale.

Des anticorps à la colonisation idéologique

Comme vous le savez, depuis quelques années, nous réfléchissions et nous nous interrogeons sur la façon de transmettre la foi aux nouvelles générations de notre ville qui, suite à certaines histoires bien connues, a besoin d’une véritable renaissance morale et spirituelle. Et c’est une tâche très forte. Notre ville doit renaître moralement et spirituellement, parce qu’il semble que tout soit pareil, que tout soit relatif ; que l’Évangile soit, oui, une belle histoire de belles  choses, oui, que c’est beau de le lire, mais qu’on en reste là, à une idée. Cela ne touche pas le cœur ! Notre ville a besoin de cette renaissance. Et cette tâche est très importante quand nous parlons d’éducation des adolescents et des jeunes, dont les premiers responsables sont vous, les parents. Nos jeunes, et les plus jeunes, qui commencent à entendre ces idées étranges, ces colonisations idéologiques qui enveniment l’âme et la famille : il faut agir contre cela. Il y a deux semaines, quelqu’un me disait, un homme très catholique, bien, jeune, que ses jeunes enfants allaient en classe en première et seconde élémentaire et que le soir, avec sa femme, bien souvent ils devaient « re-catéchiser » leurs enfants, leurs jeunes, à cause de qu’ils rapportaient de certains professeurs à l’école ou de ce qu’ils trouvaient dans les livres qu’on leur donnait là-bas. Ces colonisations idéologiques, qui font beaucoup de mal et qui détruisent une société, un pays, une famille. Et c’est pour cela que nous avons besoin d’une véritable renaissance morale et spirituelle.

En octobre, nous célèbrerons un synode sur la famille, pour aider les familles à redécouvrir la beauté de leur vocation et y être fidèles. Dans la famille, se vivent les paroles de Jésus : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (cf. Jn 15,13). Avec votre relation conjugale, en exerçant la paternité et la maternité, vous donnez votre vie et vous êtes la preuve que vivre l’Évangile est possible : vivre l’Évangile est possible et rend heureux. Et c’est là, la preuve, mais cela se fait dans la famille. Ce soir, je voudrais m’arrêter avec vous sur quelques simples mots qui expriment le mystère de votre état de parents. Je ne sais pas si je réussirai à dire tout ce que je veux dire, mais au moins, je voudrais parler de vocation, communion et mission.

Le premier mot est vocation. Saint Paul a écrit que de Dieu vient toute paternité (cf. Ep 3,15) et nous pouvons ajouter aussi toute maternité. Nous sommes tous fils, mais devenir papa et maman est un appel de Dieu ! C’est un appel de Dieu, c’est une vocation. Dieu est l’amour éternel qui se donne sans cesse et nous appelle à l’existence. C’est un mystère, mais que la Providence a voulu confier en particulier à l’homme et à la femme, appelés à s’aimer totalement et sans réserves, en coopérant avec Dieu dans cet amour et dans la transmission de la vie aux enfants.

Votre vocation c’est l’amour

Le Seigneur vous a choisis pour vous aimer et transmettre la vie. Ces deux choses sont la vocation des parents. C’est un très bel appel parce qu’il nous fait être, d’une façon toute spéciale, à l’image et à la ressemblance de Dieu. Devenir papa et maman signifie vraiment se réaliser pleinement, parce que c’est devenir semblables à Dieu. On ne dit pas cela dans les journaux, cela ne paraît pas, mais c’est la vérité de l’amour. Devenir un papa et une maman nous fait beaucoup plus semblables à Dieu.

En tant que parents, vous êtes appelés à rappeler à tous les baptisés que chacun est, d’une façon ou d’une autre, appelé à être papa ou maman. Un prêtre, une sœur, un catéchiste sont aussi appelés à la paternité et à la maternité spirituelles. En effet, un homme et une femme choisissent de construire une famille parce que Dieu les appelle après leur avoir fait expérimenter la beauté de l’amour. Non la beauté de la passion, non la beauté d’un enthousiasme peut-être passager ; la beauté de l’amour ! Et cela, il faut le découvrir tous les jours, tous les jours. Dieu appelle à devenir parents – des hommes et des femmes – qui croient dans l’amour, qui croient en sa beauté. Je voudrais vous demander, mais ne répondez pas, s’il vous plaît : Vous croyez à la beauté de l’amour ? Vous croyez à la grandeur de l’amour ? Vous avez foi en cela ? Vous y croyez ? C’est une foi quotidienne. L’amour, c’est beau même quand les parents se disputent ; c’est beau, parce qu’à la fin, ils font la paix. C’est si beau de faire la paix après une guerre ! C’est si beau ! C’est la beauté de l’amour conjugal que même les plus grandes difficultés de la vie ne peuvent assombrir.

Une fois, un enfant m’a dit : « Que c’est beau, mes parents se sont embrassés ! ». C’est beau, quand l’enfant voit que papa et maman s’embrassent. Beau témoignage.

Les enfants vous regardent toujours

Vos enfants, chers parents, ont besoin de découvrir, en regardant votre vie, que c’est beau de s’aimer. N’oubliez jamais que vos enfants vous regardent toujours. Vous souvenez-vous de ce film d’il y a une vingtaine d’années, qui s’appelait « Les enfants nous regardent » ? Les enfants regardent. Ils regardent beaucoup et quand ils voient que papa et maman s’aiment, les enfants grandissent dans ce climat d’amour, de bonheur  et aussi de sécurité parce qu’ils n’ont pas peur : ils savent qu’ils sont en sécurité dans l’amour du papa et de la maman. Je me permets de dire quelque chose de triste, mais pensons à ce que souffrent les enfants quand ils voient papa et maman, tous les jours, tous les jours, tous les jours se disputer, s’insulter, et jusqu’à se battre… Mais, papa et maman, quand vous tombez dans ces péchés, est-ce que vous pensez que les premières victimes sont justement vos enfants, votre chair même ? C’est triste de penser à cela, mais c’est la réalité… Les enfants nous regardent. Ils ne vous regardent pas seulement quand vous leur enseignez quelque chose. Ils vous regardent quand vous vous parlez l’un à l’autre, quand vous rentrez du travail, quand vous invitez vos amis, quand vous vous reposez. Ils cherchent à saisir dans votre regard, dans vos paroles, dans vos gestes, si vous êtes heureux d’être devenus des parents, si vous êtes heureux d’être mari et femme, si vous croyez que la bonté existe dans le monde. Ils vous scrutent – ils ne vous regardent pas seulement, ils vous scrutent – pour voir s’il est possible d’être bons et s’il est vrai qu’avec l’amour mutuel, on surmonte toutes les difficultés.

Pour un enfant, il n’y a pas d’enseignement et de témoignage plus grand que de voir ses propres parents qui s’aiment avec tendresse, se respectent, sont gentils entre eux, se pardonnent mutuellement ; cela remplit de joie et de bonheur vrai le cœur de vos enfants. Les enfants, avant d’habiter une maison de briques, habitent une autre maison, encore plus essentielle : ils habitent l’amour réciproque de leurs parents. Je vous demande, que chacun réponde dans son cœur : vos enfants habitent-ils dans votre amour réciproque ? Les parents ont la vocation de s’aimer. Dieu a semé dans leur cœur la vocation à l’amour, parce que Dieu est amour. Et c’est votre vocation de parents : l’amour. Mais pensez toujours aux enfants, pensez toujours aux enfants !

La communion dans la différence

Le second mot qui me vient, la seconde pensée sur laquelle réfléchir est communion. Nous savons que Dieu est communion dans la diversité des trois personnes de la Très Sainte Trinité. Être parents se fonde dans la diversité d’être, comme le rappelle la Bible, homme et femme. C’est la « première » différence et la plus fondamentale, constitutive de l’être humain. C’est une richesse. Les différences sont des richesses. Il y a beaucoup de personnes qui ont peur des différences, mais ce sont des richesses. Et cette différence est la « première » différence, fondamentale, constitutive de l’être humain. Quand les fiancés viennent pour se marier, j’aime dire à lui, après avoir parlé de l’Évangile : « Mais n’oublie pas que ta vocation est de rendre ton épouse plus femme ! » et à elle, je dis : « ta vocation est de rendre ton mari plus homme ! ». Et ainsi, ils s’aiment, mais ils s’aiment dans leurs différences, plus homme et plus femme.

La patience de l’amour

Et cela, c’est le travail artisanal du mariage, de la famille, tous les jours ; faire grandir l’autre, penser à l’autre : le mari à sa femme, la femme à son mari. C’est cela la communion. Je vous dis que bien souvent, viennent ici à la messe à Sainte-Marthe des couples qui font leur cinquantième, et jusqu’à leur soixantième anniversaire de mariage. Et ils sont heureux, ils sourient. Parfois j’ai vu – plus d’une fois – le mari faire une caresse à sa femme. Après cinquante ans ! Je leur pose la question : « Dites-moi, qui a supporté qui ? »  Et ils répondent toujours : « Mais, tous les deux ». L’amour nous conduit à cela : avoir de la patience. Et dans ces vieux ménages, qui sont comme le bon vin, qui devient meilleur quand il est plus vieux, on voit ce travail quotidien de l’homme pour faire que son épouse soit plus femme et de la femme pour faire que son mari soit plus homme. Ils n’ont pas peur des différences ! Ce défi d’assumer les différences, ce défi les enrichit, les fait mûrir, les fait grandir et ils ont les yeux brillants de joie, de tant d’années vécues ainsi dans l’amour. Quelle grande richesse est cette diversité, une diversité qui devient complémentarité, mais aussi réciprocité ! C’est un nœud, là, l’un à l’autre. Et cette réciprocité et complémentarité dans la différence est très importante pour les enfants. Les enfants murissent en voyant papa et maman comme cela ; ils murissent leur propre identité dans la confrontation à l’amour qu’ont papa et maman, dans la confrontation avec cette différence. Nous, les hommes, nous apprenons à reconnaître, à travers les figures féminines que nous rencontrons dans la vie, l’extraordinaire beauté dont la femme est porteuse. Et les femmes font un parcours similaire, en apprenant des figures masculines que l’homme est différent et qu’il a sa manière de sentir, de comprendre, de vivre. Et cette communion dans la diversité est très importante aussi pour l’éducation des enfants, parce que les mamans ont une plus grande sensibilité à certains aspects de leur vie, tandis que les papas en ont une pour autre chose. C’est beau, cette entente éducative qui met au service de la croissance des enfants les talents différents de leurs parents. C’est une qualité importante, à cultiver et à garder.

C’est très douloureux quand une famille vit une tension qu’on ne peut pas résoudre, une fracture qui ne réussit pas à guérir. C’est douloureux ! Quand il y a les premiers signes avant-coureurs de cela, un papa et une maman ont le devoir, pour eux et pour leurs enfants, de demander de l’aide, de se faire soutenir. Demandez de l’aide avant tout à Dieu. Souvenez-vous du récit de Jésus, vous le connaissez bien : c’est ce Père qui sait faire le premier pas envers ses deux fils, celui qui a quitté la maison et a tout dépensé, l’autre qui est resté à la maison… Le Seigneur vous donnera la force de comprendre comment surmonter ce mal, que l’unité est plus grande que le conflit, que l’on peut soigner les blessures que nous nous sommes faites l’un à l’autre, au nom d’un amour plus grand, de cet amour qu’il vous a appelés à vivre par le sacrement du mariage.

Conjoints séparés

Et même quand désormais la séparation – nous devons aussi parler de cela – semble inévitable, sachez que l’Église vous porte dans son cœur. Et que votre tâche éducative ne s’interrompt pas : vous êtes et vous serez toujours papa et maman, qui ne peuvent pas vivre ensemble à cause des blessures et des problèmes. Je vous en prie, cherchez toujours une entente, une collaboration, une harmonie pour le bien et le bonheur de vos enfants. Je vous en prie, n’utilisez pas vos enfants comme des otages ! N’utilisez pas vos enfants comme des otages ! Que de mal font les parents qui se sont séparés, ou au moins qui sont séparés dans leur cœur, quand le papa parle mal à son enfant de la maman et quand la maman parle mal du papa. C’est terrible, parce que cet enfant, ce garçon, cette fille grandit dans une tension qu’il ne sait pas résoudre et apprend le triste chemin de l’hypocrisie, de dire ce qui plait à chacun pour en profiter. C’est un mal terrible ! Ne jamais, jamais dire du mal de l’autre à ses enfants ! Jamais ! Parce qu’ils sont les premières victimes de ce conflit et, permettez-moi cette expression, de cette haine aussi si souvent entre les deux. Les enfants sont sacrés. Ne les blessez pas ! « Regarde, papa et maman ne se comprennent pas, il vaut mieux qu’ils se séparent. Mais tu sais, dit la maman, ton papa est un homme bon » ; « Tu sais, dis le papa, ta maman est une femme bien ». Ils gardent les problèmes pour eux, mais ils ne les font pas porter à leurs enfants.

La voie du pardon

Mais il y a aussi la voie du pardon. Vous pardonner et accueillir réciproquement vos limites vous aidera à comprendre et à accepter les fragilités et les faiblesses de vos enfants. Elles sont une occasion de les aimer encore plus et de les faire grandir. C’est seulement comme cela qu’eux aussi pourront ne pas s’effrayer de leurs propres limites, ne pas s’avilir, mais aller de l’avant. Un papa et une maman qui s’aiment savent comment parler à leur fil ou à leur fille qui est sur une voie difficile ; et même comment parler sans paroles. Un dirigeant me racontait que sa maman était restée veuve et qu’il était son fils unique ; à vingt ans, il s’adonnait à l’alcool et sa maman travaillait comme domestique ; ils étaient très pauvres ; et quand sa maman sortait pour aller au travail, elle le regardait dormir – mais lui ne dormait pas, il voyait – et sans dire un mot, elle partait. Ce regard de sa maman a sauvé son fils, parce qu’il a dit : « Ce n’est pas possible que ma maman aille travailler et que moi je vive pour me saouler ! ». Ainsi, cet homme a changé. Le regard, sans mots, peut aussi sauver les enfants. Les enfants s’en rendent compte.

Et le don du mariage, qui est si beau, a aussi une mission. Une mission qui est très importante.

Vous êtes collaborateurs de l’Esprit-Saint qui nous susurre les paroles de Jésus ! Soyez-le aussi pour vos enfants. Soyez missionnaires de vos enfants. Ils apprendront de votre bouche et de votre vie que suivre le Seigneur donne de l’enthousiasme, l’envie de se dépenser pour les autres, donne toujours de l’espérance, même devant les difficultés et la souffrance, parce qu’on n’est jamais seul, mais toujours avec le Seigneur et avec ses frères. Et c’est important, surtout à l’âge de la préadolescence, quand la recherche de Dieu se fait plus consciente et que les questions exigent des réponses bien fondées.

Les grands parents, sagesse d’un peuple

Et je ne voudrais pas finir sans dire un mot aux grands-parents, à nos grands-parents. Vous savez qu’à Rome les personnes âgées représentent 21,5 pour cent de la population ? Un quart de la population romaine sont les grands-parents. Dans cette ville, il y a 617.635 grands-parents ! Que de personnes âgées ! Une seule question : les grands-parents, dans la famille, ont-ils une place digne ? Maintenant, je suis sûr que oui, parce qu’avec le manque de travail, on va chez les grands-parents prendre la retraite… Oui, oui, cela se fait… Mais les grands-parents, qui sont la sagesse d’un peuple, qui sont la mémoire d’un peuple, qui sont la sagesse de la famille, ont-ils une place digne ? Les grands-parents qui ont sauvé la foi dans tant de pays où il était interdit de pratiquer la religion et qui emmenaient les enfants en cachette pour les faire baptiser ; et les grands-parents qui enseignaient les prières. Aujourd’hui, les grands-parents sont dans la famille… Les grands-parents sont ennuyeux, ils parlent toujours de la même chose, mettons-les dans des maisons de retraite… Combien de fois pensons-nous comme cela ! Je suis sûr que j’ai déjà raconté cette histoire, une histoire que j’ai entendue enfant, chez moi. On raconte que dans une famille, le grand-père habitait là, avec son fils, sa belle-fille, ses petits-enfants. Mais le grand-père avait vieilli, il avait eu un petit AVC, il était âgé et quand il mangeait, il se salissait un peu. Le papa avait honte de son père et disait : « Nous ne pouvons inviter personne à la maison… ». Et il a décidé de faire une petite table, dans la cuisine, pour que le grand-père prenne son repas tout seul dans la cuisine. Et on a fait comme cela… Quelques jours plus tard, il arrive chez lui après le travail et trouve son fils – 6 ou 7 ans – qui jouait avec des bouts de bois, un marteau, des clous… « - Mais que fais-tu, mon fils ? – Je fais une petite table… - Et pourquoi ? – Parce que quand tu seras vieux, tu pourras manger tout seul comme grand-père ! ». N’ayez pas honte du grand-père. N’ayez pas honte des personnes âgées. Elles nous donnent la sagesse, la prudence ; elles nous aident beaucoup. Et quand elles sont malades, elles nous demandent beaucoup de sacrifices, c’est vrai. Parfois, il n’y a pas d’autre solution que de les amener dans une maison de retraite… Mais que ce soit la dernière, la dernière chose que l’on fait. Les grands-parents à la maison sont une richesse.

Merci beaucoup pour ceci. Souvenez-vous : amour, amour. Semez de l’amour. Souvenez-vous de ce qu’a dit cet enfant : « Aujourd’hui, j’ai vu papa et maman s’embrasser ! ». Comme c’est beau !

© Libreria Editrice Vaticana - 2015

Le couvent de Rouru – Mangareva – 1836-1903 [8 et fin]

Fragments d’histoire

Dans le cadre de l’année de la Vie consacrée, nous reprenons ici la découverte de l’histoire de la vie religieuse en Polynésie. Cette fois-ci nous nous arrêterons sur les prémices de la vie religieuse féminine avec l’histoire méconnu du « Couvent du Sacré-Cœur » à Mangareva. Cet essai de l’histoire du couvent a été écrit par Jean-Paul DELBOS et publié dans la 3ème édition du livre : « La Mission du bout du monde » en 2011.

1896 : Mgr Verdier rend visite à Mangareva (30 septembre 1896) : « Dans ces îles où le catholicisme est arrivé à son apogée, nos Pères ont besoin de veiller de près sur nos gens pour empêcher la décadence que l'impiété, l'immoralité et la cupidité effrénée de quelques étrangers cherchent à introduire... Il s'agit de protestants venus de 20 îles différentes pour plonger... Ils n'y ont pourtant aucun droit, mais l'esprit dévié des Mangaréviens fait qu'ils adoptent facilement ces étrangers sans foi ni mœurs, et se montrent difficiles pour accorder le droit de la plonge aux catholiques de la même circonscription qui sont venus s'établir là et dont les ancêtres étaient eux-mêmes mangaréviens »...

1897 : Sœur Mélanie (de St Joseph de Cluny) refuse de se charger de l'école des garçons de Rikitea.

« Le nombre des élèves des Sœurs de Cluny est toujours de 35 à 40. En dehors des heures de classe, nos chères enfants s'occupent de leur nourriture qu'elles vont chercher en grande partie sur la montagne, ainsi que le bois de chauffage. Ce sont elles qui blanchissent et raccommodent le linge, font le ménage, défrichent les plantations et font la récolte du café au mois de mai. Ces différents exercices sont toujours présidés par une Sœur ou deux ».

1898 : « Le 25 janvier 1898, notre vénéré Père Supérieur de la mission (le Père Roussel) a été appelé au repos des bons et fidèles serviteurs. C'est une grande perte pour Mangareva et pour nous en particulier... Le Père Vincent-Ferrier Janeau sera son digne successeur. Ce Père est d'une si grande bonté pour nous... » (Annales des Sœurs de St Joseph de Cluny)

1902 : Sœur Mélanie écrit le 10 août : « Sœur Odile de la Miséricorde est revenue de Rikitea à Tahiti. Sœur Rosule, la supérieure de la communauté de Mangareva, a agi avec finesse pour la faire revenir. Je le regrette car je ne pense pas qu'elle s'entende mieux avec Sœur Odile du Calvaire. »

1903 : Cyclone aux Tuamotu : 500 personnes ont succombé.

Victor Ségalen (l'auteur des « Immémoriaux ») écrit dans une lettre à son ami Mignard : « La race se meurt... Nous venons de passer cinq jours aux Gambier (en fin d'année 1903)... Un sentier qui serait une avenue mène à des couvents abandonnés ; ruines, ruines et 200 habitants (c'est une exagération : un Rapport sur la colonie de 1912 donne le chiffre de 529 dans François Vallaux, Mangareva et les Gambier) J'ai dû, prévenu par le Résident, procéder à l'enlèvement sur la Durance, sous couvert médical, d'une religieuse brimée, affamée, éreintée par sa Supérieure (il s'agit sans doute de Sœur Rosule, la Supérieure de la communauté) »...

Le 16 juin 1903, Sœur Godeberte (Gotépéréta), dernière survivante de la communauté des Sacrés Cœurs de Rouru, meurt à l'âge de 70 ans elle avait donc connu le « Père Fondateur », Cyprien Liausu Elle est enterrée au cimetière St Michel, devant la chapelle du même nom, à côté des autres sœurs de Rouru.

Cette disparition marque la FIN DE ROURU. Même le cimetière disparaîtra, emporté par des pluies diluviennes qui ont débuté le 4 mai 1925 et duré une semaine.

1904 : Sœur Louise, la nouvelle supérieure de Tahiti (Sœur Mélanie est décédée en 1903), écrit à sa Supérieure générale à Paris : « L'école des Sœurs de Cluny de Mangareva est fermée depuis le 30 juin 1904 ». La subvention dont elle bénéficiait est allouée à l'école laïque que le Gouverneur vient d'établir.

Les sœurs de Cluny mettent en place un ouvroir à Mangareva et restent pour s'en occuper.

Lettre de Mgr Verdier, du 24 août 1904 : « Aux Gambier, les écoles congréganistes sont fermées. Le Père Janeau (qui faisait la classe aux garçons) a été révoqué comme instituteur insoumis (refus de se séculariser) ».

1909 : Fermeture de l'ouvroir ; départ de la dernière des Sœurs de St Joseph de Cluny.

Jean-Paul DELBOS

© La Mission du bout du monde - 2011

Méditation sur la Parole

 

Trois expériences de tempête sont évoquées dans les textes de ce dimanche : elles sont vécues par le saint homme Job, par le prophète Jonas et par les disciples de Jésus. Leur portée spirituelle est plus intéressante que leur aspect météorologique.

Dans l’évangile de Marc dont nous reprenons la lecture au chapitre 4, 35-41, les disciples de Jésus sont en pleine tempête eux aussi. Bien des rapprochements sont possibles entre le récit de Marc et l’histoire de Jonas.

La tempête cette fois se passe au moment de la traversée du lac de Galilée, cette petite mer aux humeurs capricieuses et aux tempêtes furieuses. « Passons sur l’autre rive ». Marc fera souvent mention de cette autre rive, la rive Est où habitent les non-israélites, les non-croyants. Une rive pareille à la lointaine Ninive, qui n’attire guère les disciples, en bons juifs qu’ils sont. L’étranger fait toujours peur. Pourtant Jésus venait de parler du Règne de Dieu semblable à l’arbre aux longues branches, destiné à rassembler tous les oiseaux du ciel. Les peuples païens aussi bien que le peuple juif.

Sans doute, les disciples sont-ils pris de peur, quand ils entendent tous ces propos de Jésus et son invitation à passer sur des rives dangereuses. Cela soulève en eux des tempêtes intérieures. Et puis, ils le suivent depuis si peu de temps. Qui donc est-il, cet homme dont le langage et le comportement leur apparaissent étranges, non-conformistes ? Etrange en effet : il les désinstalle en les envoyant en terre inconnue, et de surcroît en pleine nuit. Plus étrange et choquant encore, voici que Jésus, en pleine tempête qui survient pendant la traversée, non seulement n’a pas le mal de mer, mais dort sur un coussin à l’arrière. Son sommeil n’est pas une bouderie comme celui de Jonas au fond du vaisseau. Il évoque plutôt le silence de Dieu devant les plaintes de Job.

Cette tempête sur le lac et dans le cœur des disciples est une étape importante dans leur cheminement. Centrés sur eux-mêmes, ils passent de la peur qui les paralyse en pleine tempête, à la crainte respectueuse devant la personne de Jésus. Ses pensées à lui, sont plus larges que les leurs ; elles sont celles de Dieu qui n’exclut personne, aucune nation de sa bienveillance et de son amour. Au sommeil de Jésus succède son réveil, comme à sa mort a succédé sa résurrection, sa victoire sur le mal et la mort. Et comme Dieu qui parle à Job, le voici qui commande à la mer du sein de la tempête, qui l’exorcise de ses démons, car il maîtrise lui aussi le chaos. Alors qu’un geste aurait pu suffire, il parle au vent et la mer, comme il parle au long de l’évangile, aux esprits mauvais pour les chasser : « Il interpelle le vent avec vivacité et dit à la mer : 'Silence, tais-toi ». Il ne dit pas : « Arrête de souffler, arrête de remuer ». Il dit : « Arrête de trop parler, et de parler trop fort, de faire trop de bruit ».

Devant nos questions sans réponses, devant les épreuves et les menaces qui nous assaillent et nous paralysent, gardons confiance et ne laissons pas la peur en faire de trop, sachons aussi parfois lui fixer des limites et la ramener au silence, sachons accepter de ne pas tout comprendre. Prenons conscience de l’étroitesse de nos regards, de la rigidité de nos principes. Evitons de nous laisser submerger par nos peurs et avec le Christ ne réduisons pas les immenses projets de Dieu à nos vues humaines rétrécies, comme nous y invite saint Paul.

© Diocèse de Quimper