Pko 20.12.2015
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°63/2015
Dimanche 20 décembre 2015 – 4ème Dimanche du Temps de l’Avent – Année C
Humeurs
Il était une fois… dans un pays lointain !
Il était une fois, dans un pays lointain… un paria (ce que l’on appellerait chez nous un « sdf »), qui, en colère, frappa violemment son pied contre un mur et le brisa. Seul dans son coin, souffrant et ne pouvant se déplacer, un autre paria le vit et s’inquiéta de son sort. Ne sachant que faire, elle appela un ami des parias que le prince du coin, nommé « Vàterfâne » appelait ironiquement un « pigeon ».
Celui-ci, piéton de son état, réfléchi et se dit : « Qui vais-je appeler ? Des amis ? Il est tard… » Il se dit alors : « Je vais appeler la police de Vàterfâne ». L’agent lui répondit fort aimablement et lui dit qu’il allait prévenir les Secours… ce qu’il fit. Ceux-ci l’informèrent que leur véhicule était déjà sur une intervention et qu’ils se rendraient sur place dès qu’il serait disponible. Vingt minutes plus tard les pompiers se rendirent sur les lieux, recherchèrent le paria blessé mais, étrangement, ne le trouvèrent pas. Ils quittèrent les lieux sans même appeler le « pigeon » pour vérifier l’info !
Le lendemain, le « pigeon » se rendit à l’Oasis (un point d’eau où viennent se nourrir les parias… on pourrait traduire chez nous « oasis » par « point d’eau », « te vai ete »…). Il s’enquit de savoir si le paria blessé avait été secouru… n’ayant pas d’information claire, il demanda au « sorcier » (ce qui correspond à un infirmier chez nous), un autre ami des parias, présent à l’Oasis d’aller, sur son cheval de fer, voir sur place… Là il trouva le paria blessé incapable de se déplacer !
À la fermeture de l’oasis, le « pigeon » demanda à une amie des parias ayant un véhicule de l’accompagner sur place. Là, à eux deux, ils soutinrent le paria blessé pour l’y faire monter et l’emmenèrent chez le « grand sorcier » (équivalent d’un médecin chez nous) qui constata que le pied était bien cassé ! De là, les soins terminés, le paria blessé fut hébergé dans un oasis permanent pour s’y rétablir…
Ce qui chez nous aurait été considéré comme « non assistance de personne en danger » ou « erreur professionnelle », n’était, là-bas, considéré que comme un incident minime, sans importance, ne s’agissant que d’un paria, parasite de la société… des parias qui « le matin viennent et le soir suivent le pigeon » !
Bref, ce n’est qu’une histoire dans un pays lointain qui ne nous concerne pas ! Mais sait-on jamais, « lointain » est peut-être à notre porte !
« Si nous regardons attentivement le monde qui nous entoure il semble qu’en de nombreux endroits l’égoïsme et l’indifférence se répandent. Combien de nos frères et sœurs sont victimes de la culture actuelle de l’“utilise et jette”, que génère le mépris … ! En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas simplement rester à regarder. Quelque chose doit changer ! »
Pape François
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Toutes ressemblances avec un fait ayant pu exister durant la semaine serait purement volontaire et dépendante de notre volonté.
Chronique
Noël, fête païenne ou chrétienne ?
Le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss, dans un article au titre quelque peu énigmatique (« Le Père Noël supplicié ») paru dans la revue « Les Temps modernes » en 1952 a rappelé opportunément que plusieurs autorités ecclésiastiques ont dénoncé très vivement « la paganisation de la fête de la Nativité » dans les mois qui ont précédé Noël 1951.
Claude Levi-Strauss ne méconnaît pas l'influence de l'attraction des États-Unis dans le succès du Père Noël au sortir de la Libération. Mais l'ethnologue considère que si le phénomène a pu prendre si rapidement une telle ampleur, c'est qu'il a rencontré un imaginaire profond déjà là. Il est hors de question ici de reprendre l'ensemble de son article très fourni. On devra donc se contenter de deux longues citations particulièrement significatives.
« Il est généralement admis par les historiens des religions et par les folkloristes que l’origine lointaine du Père Noël se trouve dans des personnages qui sont, pour une durée déterminée, rois de Noël et en qui on reconnaît les héritiers du roi des Saturnales de l’époque romaine. Or, les Saturnales étaient la fête des larvæ c’est-à-dire des morts par violence ou laissés sans sépulture, et derrière le vieillard Saturne dévoreur d’enfants se profilent, comme autant d’images symétriques, le bonhomme Noël, bienfaiteur des enfants ; et Saint Nicolas qui les ressuscite et les comble de présents…
Avec beaucoup de profondeur, Salomon Reinach a écrit que la grande différence entre religions antiques et religions modernes tient à ce que “les païens priaient les morts, tandis que les chrétiens prient pour les morts”. Sans doute y a-t-il loin de la prière aux morts à cette prière toute mêlée de conjurations, que chaque année et de plus en plus, nous adressons aux petits enfants – incarnations traditionnelles des morts – pour qu’ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie. Nous avons pourtant débrouillé les fils qui témoignent de la continuité entre ces deux expressions d’une identique réalité. Et l’Église n’a certainement pas tort quand elle dénonce, dans la croyance au Père Noël, le bastion le plus solide, et l’un des foyers les plus actifs du paganisme chez l’homme moderne… »
La parole aux sans paroles – 15
Portrait d’homme - Aito
Aito, un régulier de Te Vaiete... depuis son ouverture. La rue forge, Aito en est l’exemple même. Un homme au grand cœur devenu un vrai caïd de la rue. Oui, pour survivre, il a dû s’endurcir…
D’où viens-tu ?
« Je suis né ici à Tahiti mais je suis parti après à Rurutu avec mon papa, comme il est resté avec une femme de là-bas. »
Tu avais quel âge ?
« À 11 ans. »
Et ta maman ?
« Elle est à Huahine, je n’ai pas grandi avec elle. J’ai préféré aller avec mon papa. Aujourd’hui, ça fait 18 ans que je ne l’ai pas vue. »
Et ton papa, il sait que tu vis dans la rue ?
« Heu… Oui… Il regarde la télé. Quand RFO ou TNTV viennent… tu tournes le dos à la caméra. (Rires). Oui, je n’ai pas envie qu’il me voit. Lui et mes deux filles. »
Ah ! Tu as deux filles ?
« Oui. Elles ont 18 et 15 ans. Je les ai données à mon papa. Et je ne les ai pas vues depuis 2009. »
Ton école ?
« Je n‘ai jamais fait d’école. Tout ce que je sais, c’est mon oncle qui m’a appris. Il a été comme un prof pour nous, on était six. Et il nous a tout appris. »
Tu vois encore cet oncle-là ?
« Non, il est décédé à Rairoa. Ça fait 3 ans maintenant. »
Et comment tu es devenu SDF à Papeete ?
« Je suis parti de Rurutu à 19 ans. J’ai laissé mon papa là-bas et je suis venu dans la rue. Je voulais essayer de me débrouiller tout seul. Je voulais essayer la rue. Mon papa disait que la rue, c’était pour les garçons, pas pour les filles. Tu sais, la vie dans la rue, c’est facile pour moi. Tu n’as rien à payer. Tu n’as pas de dettes. »
Tu as quel âge aujourd’hui ?
« 44 ans. »
Donc ça fait 25 ans que tu es dans la rue ?
« Non. Je suis resté dans la rue 18 ans. Après, j’ai habité 3 ans à Punaauia et je reviens dans la rue. Et 2 ans à Moorea et je reviens dans la rue. À Mahina, je reviens. J’ai fait ça. »
Donc tu étais là à l’ouverture de Te Vaiete ?
« Oui, j’avais 24 ans. Mais au début, je ne venais pas souvent, parce qu’on disait qu’ici c’était pour les vieux. Nous, on préférait se démerder. Ce n’est qu’en 1998 que j’ai bien connu Père Christophe. Aujourd’hui, Père me connait trop bien. Tu sais, à Te Vaiete, il dit qu’il y a qu’un chef et c’est lui. Mais il ne sait pas qu’après lui, c’est moi ! (Rires). »
Dans la rue, pour t’en sortir, tu vas aussi faire la charité ?
« Ah non ! Tu sais, ce n’est pas nous qui avons appris aux autres à faire ça. Nous, on va voler dans les voitures, ou les cadavres (les personnes complètement saoules). Moi, je dors le jour et je “travaille” la nuit pour ne pas être chopé. Tu sais, la police travaille en rond. Ils vont à gauche, à droite, en haut, en bas et toi, tu vas rester au milieu. Ils ne vont pas te choper. »
Quand tu es arrivé dans la rue à 19 ans, qu’est-ce qui a été le plus dur ?
« Éviter Nuutania ! À cette époque, j’avais plein de collègues qui m’ont aidé. Ils m’ont appris à voler pour me nourrir sans qu’on me chope. Mais j’ai déjà été arrêté, plein de fois, 4 fois paha. Mais ils me relâchent après. Je n’ai jamais été à Nuutania. Pas encore ! (Rires). Non, je ne veux pas aller là-bas. Maintenant, je vole moins. Parce que Thorel m’a dit que c’était ma dernière chance. Il faut que j’arrête de voler. Si je n’arrête pas, je vais inaugurer la nouvelle prison. Je ne veux pas aller là-bas. »
N’y-a-t-il pas un moyen pour te sortir de la rue ?
« Là, avec Tiare (sa copine), on est en train de voir pour aller à Napuka, chez sa famille. Si ses parents ont un petit terrain, je vais construire notre maison. [Surtout quand on sait que tu étais le "tamuta" (chef de chantier) de deux "fare" construits à la presqu’île]. Oui et sans diplôme ! (Rires). Je pourrai faire notre maison, il faut juste un terrain. Si ses parents acceptent, c’est bon alors. Je vais aller voir la vie des "Paumotu". On va manger seulement du poisson. (Rires). »
En ce moment, où tu dors ?
« Partout ! On change seulement de squat. C’est fiu pai, à chaque fois, vers 22, 23h, la police municipale vient nous chasser. Ils viennent nous réveiller et nous emmerder parce qu’ils sont de la police. Et les gens qui chalala sur nous, qui nous jugent, ils ne savent pas c’est quoi la rue. »
Ton plus beau souvenir de la rue ?
« J’ai connu Tiare dans la rue. Elle travaillait au Marché avec sa grand-mère. Aujourd’hui, ça fait 11 ans nous deux. Tu sais, j’aime ma femme. »
© Nathalie SH - Accueil Te Vai-ete - 2015
Attention ! Il n’y a rien à payer !
Audience générale du mercredi 16 décembre 2015 – Pape François
« La miséricorde et le pardon ne doivent pas être uniquement des belles paroles », il faut les mettre en pratique dans notre vie quotidienne. Lors de l’audience générale ce mercredi 16 décembre 2015, le Pape a rappelé qu’il s’agissait de « signes visibles et concrets de la foi qui transforment nos cœurs ». Attention ! Le Pape met en garde ce mercredi matin contre « les fourbes » qui voudraient faire payer le passage d’une porte sainte. « Le salut, cela ne se paie pas. Cela ne s’achète pas ! », s’exclame François. « Le salut est gratuit ». Passer une porte sainte est également le signe d’une véritable conversion, qui nous pousse à « ouvrir tout grand les portes de notre cœur au Christ et qui nous pousse à le porter aux autres ».
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dimanche dernier, la Porte sainte de la cathédrale de Rome, la basilique Saint-Jean-du-Latran, a été ouverte, et une Porte de la miséricorde a été ouverte dans la cathédrale de tous les diocèses du monde, ainsi que dans les sanctuaires et dans les églises indiquées par les évêques. Le Jubilé est dans le monde entier, pas seulement à Rome. J’ai désiré que ce signe de la Porte sainte soit présent dans chaque Église particulière, pour que le Jubilé de la miséricorde puisse devenir une expérience partagée par tous. De cette façon, l’Année sainte a commencé dans toute l’Église et elle est célébrée dans tous les diocèses comme à Rome. Et puis la première Porte sainte a été ouverte au cœur même de l’Afrique. Et Rome est le signe visible de la communion universelle. Puisse cette communion ecclésiale devenir toujours plus intense, pour que l’Église soit dans le monde le signe vivant de l’amour et de la miséricorde du Père.
La date du 8 décembre voulait aussi souligner cette exigence en reliant, à cinquante années de distance, le commencement du Jubilé à la conclusion du concile œcuménique Vatican II. En effet, le Concile a contemplé et présenté l’Église à la lumière du mystère de la communion. Répandue dans le monde entier et organisée en de nombreuses Églises particulières, elle est pourtant toujours et seulement l’unique Église de Jésus-Christ, celle qu’il a voulue et pour laquelle il s’est offert. L’Église, « une », qui vit de la communion même de Dieu.
Ce mystère de communion, qui fait de l’Église le signe de l’amour du Père, grandit et mûrit dans notre cœur quand l’amour, que nous reconnaissons dans la Croix du Christ et dans lequel nous nous immergeons, nous fait aimer comme nous-mêmes sommes aimés par lui. Il s’agit d’un amour sans fin, qui a le visage du pardon et de la miséricorde.
Cependant, la miséricorde et le pardon ne doivent pas rester de belles paroles, mais se réaliser dans la vie quotidienne. Aimer et pardonner sont le signe concret et visible que la foi a transformé nos cœurs et nous permet d’exprimer en nous la vie même de Dieu. Aimer et pardonner comme Dieu aime et pardonne. C’est un programme de vie qui ne peut connaître ni interruptions ni exceptions, mais qui nous pousse à aller toujours plus loin sans jamais nous lasser, avec la certitude que nous sommes soutenus par la présence paternelle de Dieu.
Ce grand signe de la vie chrétienne se transforme ensuite en beaucoup d’autres signes qui sont caractéristiques du Jubilé. Je pense à tous ceux qui franchiront une des Portes saintes qui sont, en cette année, de véritables Portes de la miséricorde. La Porte indique Jésus lui-même qui a dit : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage » (Jn 10,9). Franchir la Porte sainte est le signe de notre confiance dans le Seigneur Jésus qui n’est pas venu pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 12,47). Faites attention qu’il ne se trouve personne d’assez habile et rusé pour vous dire qu’il faut payer : non ! Le salut ne se paie pas. Le salut ne s’achète pas. La Porte, c’est Jésus, et Jésus est gratuit ! Lui-même parle de ceux qui ne font pas entrer comme on doit le faire, et il dit simplement que ce sont des voleurs et des brigands. Encore une fois, soyez attentifs : le salut est gratuit. Passer la Porte sainte est le signe d’une véritable conversion de notre cœur. Quand nous franchissons cette Porte, il est bon de nous rappeler que nous devons aussi toujours garder grande ouverte la porte de notre cœur. Je suis devant la Porte sainte et je demande : « Seigneur, aide-moi à ouvrir grand la porte de mon cœur ! » L’Année sainte n’aurait pas beaucoup d’efficacité si la porte de notre cœur ne laissait pas passer le Christ qui nous pousse à aller vers les autres, pour l’apporter, lui et son amour. Par conséquent, de même que la Porte sainte reste ouverte, parce qu’elle est le signe de l’accueil que Dieu lui-même nous réserve, que notre porte, celle de notre cœur, soit toujours grande ouverte pour n’exclure personne. Pas même celui ou celle qui me dérange : personne.
Un autre signe important du Jubilé est la confession. S’approcher du sacrement par lequel nous sommes réconciliés avec Dieu équivaut à faire l’expérience directe de sa miséricorde. C’est trouver le Père qui pardonne : Dieu pardonne tout. Dieu nous comprend aussi dans nos limites, il nous comprend aussi dans nos contradictions. Ce n’est pas tout : avec son amour, il nous dit que c’est précisément quand nous reconnaissons nos péchés qu’il est encore plus proche et il nous incite à aller de l’avant. Il va même plus loin : il dit que, quand nous reconnaissons nos péchés et demandons pardon, c’est la fête au Ciel. Jésus fait la fête : voilà sa miséricorde ; ne nous décourageons pas ! Avançons, avançons avec cela !
Combien de fois ai-je entendu dire : « Père, je ne réussis pas à pardonner à mon voisin, mon collègue, ma voisine, ma belle-mère, ma belle-sœur. » Nous avons tous entendu cela : « Je ne réussis pas à pardonner. » Mais comment peut-on demander à Dieu de nous pardonner, si ensuite nous ne sommes pas capables de donner le pardon ? Et pardonner est quelque chose de grand, et pourtant ce n’est pas facile de pardonner, parce que notre cœur est pauvre et par ses seules forces, il ne peut pas y arriver. Mais si nous nous ouvrons pour accueillir la miséricorde de Dieu pour nous, à notre tour nous devenons capables du pardon. J’ai si souvent entendu dire : « Mais, cette personne, je ne pouvais pas la voir : je la détestais. Mais un jour, je me suis approché du Seigneur et je lui ai demandé pardon pour mes péchés et j’ai aussi pardonné à cette personne. » Ce sont des choses de tous les jours. Et nous avons cette possibilité près de nous.
Alors, courage ! Vivons le Jubilé en commençant par ces signes qui contiennent une grande force d’amour. Le Seigneur nous accompagnera pour nous permettre de faire l’expérience d’autres signes importants pour notre vie. Courage et en avant !
© Libreria Editrice Vaticana - 2015
La troisième guerre mondiale morcelée ? Diplomatie vaticane aujourdhui
Conférence à Saint Louis des Français à Rome par Mgr Paul Richard GALLAGHER
À la « troisième guerre mondiale morcelée » dénoncée de nombreuses fois par le Pape François, le Vatican oppose une « diplomatie de la charité ». Mgr Paul Richard Gallagher est l’homme qui l’incarne. 61 ans, Britannique, il est nommé Secrétaire pour les rapports avec les États par le Souverain Pontife début 2015 en remplacement du cardinal français Dominique Mamberti. Il a notamment été nonce apostolique au Burundi. Parlant couramment français, il a détaillé la politique étrangère du Vatican, dans la langue diplomatique du Saint-Siège, lors d’une conférence à Rome, lundi 14 décembre 2015 au centre Saint-Louis, organisée par le groupe “Foi et actualité” de la paroisse Saint-Louis-des-Français.
« Une troisième guerre mondiale par morceaux »… c’est avec ces mots que le Saint-Père a décrit, en des occasions diverses, le drame que vit l’humanité depuis quelques années. Et déjà, on retrouve cette expression et les implications profondes qui en découlent dans le langage des Autorités politiques internationales. Je pense, par exemple, à l’interview récente du Roi Abdullah II de Jordanie sur la plateforme d’Euronews, « The Global Conversation », qui a été reprise par la suite par différents organes de presse.
En ce début de troisième millénaire, la guerre semble revêtir des aspects qui peuvent en partie être considérés comme nouveaux par rapport aux conflits qui ont surgi au cours du siècle dernier. Depuis l’attentat tragique des Tours Jumelles du 11 septembre 2001 et jusqu’aux attentats de Paris du 13 novembre dernier, on peut constater, non seulement que les guerres sont malheureusement toujours présentes, mais qu’à la guerre entendue au sens traditionnel du terme, s’ajoute aussi un autre type de conflit. Quelles sont les caractéristiques de ce type de conflit ? Quelles sont les composantes de ce qui a été appelé « la troisième guerre mondiale par morceaux » ?
À partir de ce constat, j’évoquerai brièvement quatre points sur lesquels nous pourrons réfléchir ensemble :
1. Un nouvel ennemi : le terrorisme. Dans ce type de guerre, le visage de l’ennemi disparaît quasiment ; on ne peut plus le distinguer ; il est camouflé au beau milieu des situations de la vie ordinaire. L’ennemi est ainsi capable d’y poursuivre de l’intérieur son action destructrice et déstabilisante. Le terrorisme consiste en des actions isolées, conduites par un très petit nombre d’individus avec des objectifs limités, et dont les victimes – qui sont les moins préparées et les plus innocentes –, ne sont pas en mesure de se défendre d’une quelconque manière. Dans le cas des actions terroristes, la population civile ne constitue plus un objectif indirect et contingent de l’action belliqueuse, mais elle en est l’objectif premier et essentiel. C’est justement pour cela que le pape François a défini le terrorisme comme « une folie qui ne sait que tuer, qui ne sait pas construire et détruit… qui nourrit un profond mépris pour la vie humaine et fait des victimes innocentes de manière aveugle ».
2. Universalité du conflit. Ces actions terroristes affectent des groupes ethniques, des populations et des cultures antiques entiers. Nombreuses sont les aires géographiques qui souffrent des conséquences de la guerre, et multiples les cultures et pays qui pleurent leurs fils. Dans un monde de communications globales, ce nouveau phénomène a rallié des prosélytes en de nombreux endroits et est parvenu à attirer des jeunes du monde entier, souvent déçus par l’indifférence diffuse et le manque de valeurs rampant dans les sociétés d’abondance. Le champ de bataille est donc un monde globalisé, où même les conflits locaux et régionaux peuvent s’étendre avec plus de force et de rapidité, provocant des dommages énormes pour toute la communauté mondiale.
De plus, le terrorisme, est « transnational » ; c’est dire qu’il ne relève plus des compétences des forces de sécurité d’un seul État : il concerne les territoires de plusieurs États.
3. Prétention pseudo-religieuse. Si l’on regarde la situation dramatique en Irak et en Syrie, nous constatons l’existence d’une organisation terroriste qui menace tous les États, tablant de les éliminer et de les substituer par un gouvernement mondial pseudo-religieux. Comme l’a dit le Saint-Père lui-même, il y a aujourd’hui malheureusement des personnes qui prétendent exercer le pouvoir en forçant les consciences et en ôtant la vie, en persécutant et en assassinant au nom de Dieu (cf. l’Osservatore Romano, 3 mai 2014). Il convient alors de rappeler que cette violence naît en réalité du mépris de Dieu et qu’elle falsifie la « religion même, laquelle, à l’inverse, vise à réconcilier l’homme avec Dieu, à illuminer et purifier les consciences et à montrer clairement que l’homme est à l’image du Créateur » (Benoît XVI, Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 7 janvier 2013).
4. Violations des droits de l’homme, en particulier de la liberté de religion et de conscience. Sans entrer dans des distinctions entre les différentes communautés religieuses ou en fonction de l’un ou l’autre groupe ethnique, il est clair que l’unique famille humaine voit ses droits fondamentaux systématiquement violés. Sont ici en jeu les principes mêmes prônés la Communauté internationale comme fondamentaux et qui vont bien au-delà de la sécurité propre des États : la valeur de la vie, la dignité humaine, la liberté religieuse, la coexistence pacifique et harmonieuse entre les personnes et les peuples, et d’autres encore. Les violations continuelles des droits de l’homme et du droit humanitaire par le dit « État islamique », comme aussi celles perpétrées par d’autres parties impliquées dans le conflit, ont contraint en particulier les minorités ethniques et religieuses à fuir de leur propre terre ; et le phénomène se poursuit malheureusement encore aujourd’hui.
Que faire devant cet ennemi transnational ?
Comment donc faire face à cet ennemi transnational qui, en frappant aveuglément en divers recoins de la terre et en violant les droits de l’homme les plus fondamentaux, hisse des drapeaux pseudo-religieux ? Ce défi, dans tous ses aspects tragiques, devrait pousser la Communauté internationale à promouvoir une réponse unifiée, basée sur des critères juridiques solides et sur une volonté collective de coopérer pour le bien commun. À cet égard, je voudrais relever quelques pistes de réflexion :
1. La responsabilité de protéger. Les principes de la Charte des Nations unies et du Droit humanitaire suggèrent à la Communauté internationale en son entier, un esprit de solidarité afin de combattre les phénomènes tels que le génocide et la persécution pour motifs ethniques ou religieux. Cette responsabilité présuppose l’union de fond de tous les hommes entre eux et donc également des Nations auxquelles ils appartiennent. Cette prise de conscience doit responsabiliser chacun, non seulement par rapport à l’environnement présent, mais encore davantage par rapport à la situation des personnes qui dans le monde souffrent de persécutions odieuses et injustes.
2. Le dialogue et la négociation. Le Saint-Siège soutient et encourage le dialogue constructif dans la recherche de solutions et d’instruments meilleurs pour maintenir la paix et la sécurité. Il considère, d’une manière générale, que la voie pour résoudre les controverses et les difficultés doit toujours être celle du dialogue et de la négociation. La solution aux conflits qui sont abordés de manière globale et régionale, n’est pas en effet celle de la confrontation.
La voie du dialogue requiert, certes, des décisions courageuses pour le bien de tous, mais c’est la voie royale qui conduit à la paix. La diplomatie pontificale promeut ces valeurs, en exhortant tous, à différents niveaux, depuis les chefs d’États jusqu’aux simples fidèles et aux hommes de bonne volonté, à être des artisans de paix, en faisant le choix du dialogue et de la réconciliation, dans une persévérance patiente et en posant des gestes concrets qui construisent la paix.
3. La défense des citoyens. L’une des caractéristiques du phénomène terroriste est qu’il ignore l’existence de l’État et donc, de l’ordre international dans son entier. Le terrorisme cherche à contrôler directement des régions à l’intérieur d’un ou de plusieurs pays, en y imposant ses propres lois, lesquelles sont distinctes et contraires à celles d’un État souverain. De plus, il mine et rejette tout système juridique existant, cherchant à imposer sa domination sur les consciences et à exercer un contrôle complet sur les personnes. Dans ces conditions, on peut se demander comment il est possible de dialoguer avec qui n’est pas ouvert au dialogue et refuse même de reconnaître l’humanité de l’autre ou encore comment il est possible de dialoguer en face de positions fondamentalistes.
À l’intérieur des frontières nationales, l’État a l’obligation de protéger ses citoyens des attaques et de la présence terroriste. L’intervention à l’étranger, en revanche, doit rechercher avant tout la légitimité, à travers le consensus de la Communauté internationale en force du droit international. Pour autant – on l’a vu clairement –, on ne peut envisager la résolution du problème dans une simple réponse militaire.
La Communauté internationale doit aujourd’hui s’unir et mobiliser tous les moyens sécuritaires pour arrêter le terrorisme. Sans une volonté commune de tous les acteurs politiques et religieux, cette lutte ne pourra aboutir. La coordination des forces des différentes nations est absolument nécessaire pour garantir la défense des citoyens désarmés. Il est licite et urgent d’arrêter l’agression par l’action multilatérale et un usage proportionné de la force.
4. La lutte contre le financement, l’équipement des groupes terroristes et le trafic d’armes. La Communauté internationale doit s’unir pour bloquer le marché noir qui finance les groupes terroristes. On ne peut pas continuer ce double jeu ; autrement, on ne vaincra jamais le terrorisme. Le Saint-Père a dénoncé avec des paroles très fortes cette situation particulièrement grave qui porte atteinte à l’éthique et au bien de l’humanité : « ceux qui font la guerre, qui font les guerres, sont des maudits, sont des délinquants ».
5.Favoriser le dialogue interreligieux, lequel constitue un antidote contre le fondamentalisme, fléau pour les communautés religieuses. Les responsables religieux juifs, chrétiens et musulmans peuvent et doivent jouer un rôle fondamental pour favoriser aussi bien le dialogue interreligieux et interculturel que l’éducation à la compréhension réciproque. De plus, ils doivent dénoncer clairement l’instrumentalisation de la religion pour justifier la violence. À cet égard, la société civile et les responsables politiques peuvent aussi faire beaucoup pour créer les espaces nécessaires pour que le dialogue interreligieux ait lieu.
Dans le cas concret du dit « État islamique », une responsabilité particulière repose sur les responsables musulmans, non seulement pour en désavouer la prétendue dénomination d’« État islamique » et la formation d’un califat, mais aussi sur le plan des principes, pour condamner l’idée de pouvoir assassiner l’autre pour des raisons religieuses et de pouvoir exercer tout type de discrimination.
6. Promouvoir une séparation adéquate entre la religion et l’État, il faudrait faire mûrir l’idée de la nécessité de distinguer les deux domaines (qui peuvent, en effet, coexister sans s’opposer), de promouvoir l’autonomie réciproque en même temps que la nécessaire collaboration entre les différentes sphères, et garantir un vrai dialogue entre les autorités religieuses et les autorités politiques, dans le respect des compétences respectives et des spécificités propres.
Dans ce contexte, il convient de préciser le concept d’une « saine laïcité » et d’envisager la question du rapport entre religion et politique ; car, de fait, on constate dans certains cas une négation totale de l’idée de séparation entre religion et État, entre le domaine religieux et le domaine civil, ce qui rend difficile la vie des minorités non musulmanes et en particulier des chrétiens.
Un État « laïc » doit garantir les mêmes droits et espaces de participation politique à tous les citoyens, sans faire de distinction en fonction de la foi, de l’ethnie ou de la culture. En ce sens, le concept de citoyenneté constitue un élément important de cette « saine laïcité ». De fait, les chrétiens ne veulent pas être simplement tolérés, mais considérés comme des citoyens à part entière sur ces terres où, entre autres, ils étaient déjà présents avant l’arrivée de l’Islam. Il est important que ce concept de citoyenneté prenne une place toujours plus grande, et qu’il constitue un point de référence pour la vie sociale, afin de garantir les droits de tous, y compris des minorités, à travers des instruments juridiques adaptés.
Pour conclure, les faits montrent que même les instruments les meilleurs sont inefficaces s’il n’y a pas de volonté politique suffisante pour les mettre en œuvre avec bonne foi et s’il manque un dialogue sincère. Pour nous croyants, l’espérance chrétienne nous indique que le futur de l’histoire et son accomplissement ne dépendent pas de l’homme, mais de Dieu juste et miséricordieux. Cette Espérance anime et soutient l’œuvre de l’Église et c’est bien sous cette lumière que doivent être relues les observations que je viens de développer et qui pourront être entérinées dans le but de forger au milieu des Nations, une voie efficace et crédible pour la paix.
© Urbi et orbi - 2015
UN manuel sur l’Extrême pauvreté et les droits de l’homme
Intervention de Jean LONGLET
Un « Manuel sur les Principes directeurs « Extrême pauvreté et droits de l'homme » a été présenté en la Salle de Presse du Saint Siège, ce jeudi 17 décembre 2015, notamment par M. Jean Tonglet, Délégué du Mouvement International ATD Quart Monde en Italie et auprès du Saint Siège. Ce Manuel a pour objectif, explique-t-il, de « traduire dans un langage accessible à tous le langage parfois un peu compliqué d'un document émanant d'une organisation internationale comme l'ONU ». Jean Tonglet explique « le chemin parcouru pour obtenir l'adoption de ces principes directeurs en septembre 2012 par le Conseil des Droits de l'homme de l'ONU, un chemin long, difficile, qui a mobilisé beaucoup d'énergie ».
Intervention de Jean Tonglet
Avant que soient présentés les Principes directeurs sur extrême pauvreté et droits de l'homme et le Manuel qui fait l'objet de cette conférence de presse, je voudrais faire un saut en arrière pour expliquer le chemin parcouru pour obtenir l'adoption de ces principes directeurs en septembre 2012 par le Conseil des Droits de l'homme de l'ONU, un chemin long, difficile, qui a mobilisé beaucoup d'énergie.
Pour ne pas remonter trop en arrière, je commencerai en 1982. Le 15 mai 1982, le Mouvement ATD Quart Monde (www.atd-quartmonde.org) fête le 25ème anniversaire de sa création à Bruxelles. Son fondateur le père Joseph Wresinski (www.joseph-wresinski.org) place ce rassemblement sous le signe des droits de l'homme. « Pleins droits pour tous les hommes », est le slogan retenu. Une pétition est lancée pour demander aux organisations internationales et aux gouvernements de reconnaitre la grande pauvreté, la misère, comme une violation des droits de l'homme, au même titre que l'esclavage ou l’apartheid.
En 1984, le père Joseph Wresinski est reçu par le Secrétaire général de l'ONU de l'époque, Javier Pérez de Cuellar. Il lui remet les 250 000 signatures recueillies. Ils examinent ensemble la manière de donner suite à leur rencontre et conviennent qu'un des interlocuteurs avec qui le Mouvement doit entrer en lien est le Centre des Droits de l'Homme de l'ONU à Genève, l'actuel Haut Commissariat aux Droits de l'Homme ( www.ohchr.org).
Des premiers contacts sont pris dans les mois qui suivent.
Le 11 février 1987, le Conseil économique et social français (http://www.lecese.fr/) adopte le rapport Grande pauvreté et précarité économique et sociale présenté par le père Wresinski (http://www.joseph-wresinski.org/Grande-pauvrete-et-precarite.html). Ce rapport contient entre autre une définition de la grande pauvreté en termes de droits de l'homme : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer des responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible ».
Quelques jours plus tard, le 20 février, pour la première fois, le père Joseph Wresinski est invité à prendre la parole devant la Commission des droits de l'homme. Il souligne le fait que les plus pauvres révèlent le caractère indivisible et interdépendant des droits de l'homme et demande à la Commission d'étudier le lien entre extrême pauvreté et droits de l'homme.
Le 17 octobre de la même année, lors d'un grand rassemblement public à Paris, sur le Parvis des Libertés et des Droits de l'homme, place du Trocadéro à Paris, là même ou fut adoptée la Déclaration universelle de 1948, le père Joseph inaugure une dalle à l'honneur des victimes de la misère qui proclame que : « Là où les hommes sont condamnés à la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».
Le père Wresinski décède le 14 février 1988 alors qu'il devait prendre à nouveau la parole devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU quelques semaines plus tard.
Un diplomate argentin, Leandro Despouy, chef de la délégation de son pays à la Commission des Droits de l'homme, recueille l'héritage et accepte à la demande du Mouvement ATD Quart Monde de déposer un projet de résolution. Les clivages Est Ouest (droits économiques et sociaux versus droits civils et politiques) et Nord Sud (droits de l'homme versus droit au développement) sont tels que la résolution a toutes les chances d’être rejetée. Despouy la retire et se promet de revenir à la charge un an plus tard en cherchant des appuis et parrainages. Il les trouvera notamment auprès de la France, et singulièrement du chef de la délégation française en 1989, l'Ambassadeur Stéphane Hessel, dont il est opportun de rappeler que jeune diplomate il fut un des collaborateurs de René Cassin, auteur principal de la Déclaration universelle. Rappelons-nous ici du préambule de la Déclaration qui proclame que « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ».
La résolution est adoptée par consensus. Et chaque année, une nouvelle résolution sera présentée et adoptée. Cela permettra la nomination d'experts chargés de travaux préparatoires et d'études de faisabilité, puis d'un rapporteur spécial, Leandro Despouy, qui y travaillera pendant 6 ans et dont le rapport final sera adopté en 1996. D'autres experts et rapporteurs prendront le relais dont Mme Magadelena Sepulveda, du Chili qui s’attellera à la rédaction des fameux principes directeurs qui seront adoptés en septembre 2012 par le Conseil des Droits de l'Homme.
A l'occasion du rapport Despouy, la définition Wresinski de la grande pauvreté, celle du CES français, est reprise par la communauté internationale.
On ne sera donc pas surpris de l'entendre reprise presque mot pour mot en 2009 par le Cardinal Bergoglio, Archevêque de Buenos Aires.
(https://www.youtube.com/watch?v=4MiZkb0s3Tk )
Comme le rapport Despouy, les principes directeurs (http://www.ohchr.org/FR/Issues/Poverty/Pages/DGPIntroduction.aspx) ont été préparés et rédigés selon une méthode participative, associant les populations concernées par des séminaires, des interviews, des rencontres interpersonnelles, écrivant sous leur dictée, s'efforçant de recueillir non pas simplement des témoignages pour illustrer le rapport mais des analyses et des propositions enracinées dans leur expérience de vie.
Une fois les principes directeurs adoptés, avec Franciscans International, et selon la même méthodologie, nous nous sommes attelés à la préparation du Manuel qui va maintenant vous être présenté pour traduire dans un langage accessible à tous le langage parfois un peu compliqué d'un document émanant d'une organisation internationale comme l'ONU.
© Jean Tonglet – 2015
Commentaire des lectures du dimanche
En ce quatrième dimanche de l’Avent, nous méditons sur la Visitation d’Élisabeth par la Vierge Marie. Ce récit nous permet de découvrir un peu mieux Marie, ainsi que les trésors de grâces qui l’accompagnent.
Tout d’abord, il est dit que Marie se mit rapidement en route, nous montrant ainsi que le plan de Dieu nous pousse à agir parfois avec empressement. Marie est en fait envoyée en mission auprès de sa cousine, et elle le fait en partant en hâte. Lorsque le Seigneur nous appelle à œuvrer pour Lui, nous pouvons nous confier à Marie afin qu’elle nous apprenne à répondre promptement.
Ensuite, il est dit qu’elle entre dans la maison de Zacharie et salue Élisabeth. Cette salutation de Marie la remplit d’Esprit Saint et elle s’exclame : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ». (Lc 1,42). Ces paroles, nous les retrouvons dans les Ave Maria que nous récitons par le chapelet. À la lumière de l’Évangile d’aujourd’hui, nous pouvons remarquer que notre prière à Marie, notre « Je vous salue Marie », est en fait une réponse à une première salutation, celle de Marie, qui s’adresse à nous. En ce sens, nous pouvons dire que chaque chapelet est une réponse à Marie qui nous a salués en premier.
Un autre enseignement important de ce récit vient de l’effet de la salutation de Marie sur Élisabeth. Élisabeth, remplie de l’Esprit Saint, reconnaît que Marie porte en elle le Sauveur que le monde attend. Élisabeth vit à la fois une guérison de l’âme et une véritable conversion. En effet, il est dit qu’Élisabeth se tenait cachée jusqu’à la venue de Marie. Elle rendait grâce à Dieu pour l’enfant qu’elle portait, mais n’osait pas encore se montrer. Dans sa culture, l’opprobre, qui l’avait accompagnée tout au long de sa vie du fait de sa stérilité, continuait à peser sur elle. Il fallait la visite de Marie, portant en elle Jésus, pour qu’elle soit guérie. Chacun d’entre nous, nous pouvons porter des blessures liées à certains événements douloureux de notre vie. En ce jour, demandons à Marie de nous visiter afin que, comme Élisabeth, nous puissions recevoir la guérison.
Mais Élisabeth ne vit pas seulement une guérison de l’âme. Ses yeux et son cœur découvrent la présence de Jésus dans le sein de Marie. Elle s’exclame : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1,43). En d’autres termes, la présence de Marie révèle la présence de Jésus. Parfois, certains peuvent être mal à l’aise avec la prière à Marie, car ce serait comme "enlever" une prière à Jésus. Mais tel n’est pas le cas. Toutes les prières s’adressent finalement à Jésus car Lui seul est Dieu. Mais nous pouvons passer par Marie, Médiatrice de toutes grâces, afin de nous soutenir dans notre intercession. En aucun cas, Marie ne peut être un obstacle dans notre chemin vers Jésus, car Marie, finalement, s’efface devant Dieu.
En ce jour, nous pouvons nous tourner vers Marie, lui remettre avec une grande confiance, toutes nos intentions. Nous pouvons nous présenter devant elle avec nos blessures, nos angoisses, nos doutes, et prier le chapelet. Au cours de ce chapelet, la salutation de Marie aura le même effet qu’elle a eu pour Elisabeth. Nous recevrons alors les grâces de guérison et de conversion que le Seigneur a en attente pour nous.
© fr.radiovaticana.va – 2015