PKO 18.01.2015

Dimanche 18 janvier 2015 – 2ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°04/2015

Regard sur l’actualité

Cher Jean, cher Georges, cher Stéphane, cher Bernard,

Bien que je sois prêtre et que cet état par le passé vous débectait, permettez-moi de vous appeler par vos prénoms et non par vos noms de guerre. Une façon comme une autre de me sentir votre frère. Certes, vous demeurez Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, dessinateurs de profession, crayonneurs d’idées, trublions de vie politique, insulteurs de justes et de coupables, souvent drôles et méchants sous le crayon vulgaire et obsessionnellement blasphémateur du sacré, mais à mon esprit éduqué par le Christ à dépasser les apparences, vous apparaissez plus grands que votre œuvre, plus grands que vos dessins offerts aux combats rétrécis de la terre. Seule la bonté personnelle qualifie un être et l’ennoblit jusqu’à la moelle, je le crois, et pour cela, je mourrais. Tout le reste n’appartient qu’à la petite histoire qui finit sous le dégueuloir conventionnel des hommages et des récompenses accordés entre hommes, au gré des intérêts particuliers et des partis. Bah ! que tout cela est bas !

Aujourd’hui, préoccupé par plus haut, maintenant que la vie n’est plus un mystère pour vous puisque vous connaissez la vérité tout entière (et Dieu sait si cette connaissance doit désormais susciter en vous non plus votre humour mais votre joie), je viens vous demander un petit coup de main pour la France. Ne me le refusez pas.

Amis, auriez-vous la gentillesse de dire un mot au créateur du monde afin qu’il continue de juger avec indulgence ses enfants d’en bas qui le rejettent ou qui prétendent le défendre en tuant leurs semblables ? Faites cela pour nous, je vous en supplie ! Que le Ciel n’abandonne pas la terre, et que les hommes comprennent enfin que travailler à la mort de Dieu dans les consciences ou tuer au nom de Dieu revient à massacrer l’homme lui-même ! Pourriez-vous aussi de vos lumières actuelles éclairer nos intelligences de manière à ce que nous empruntions les chemins par lesquels on peut enrayer les fusils les plus huilés ?

Je vous avoue qu’une chose me surprend depuis votre entrée dans la vie éternelle : c’est la glorification unanime de la liberté d’expression que vous auriez honorée magnifiquement jusqu’à mourir pour elle ! Je dirais plus sobrement que vous avez exprimé librement ce que vous pensiez sans jamais vous préoccuper des effets collatéraux que l’expression de VOTRE vérité pouvait créer dans les esprits. C’est ainsi. Pourtant, dans les relations humaines, et en particulier dans la vie conjugale, familiale, et même amicale, nous ne lâchons pas ce que nous pensons sans exercer un certain discernement à la seule fin de ne pas blesser inutilement nos proches. Et cela devrait valoir aussi pour les lointains. 

La raison de cette retenue n’est pas à chercher bien loin, elle appartient à l’univers de l’amour qui tout simplement ne désire pas blesser. Cette retenue dans le langage, cette réserve bienveillante n’est pas une faiblesse, elle est une intelligence qui protège les liens et qui, en évitant de faire monter le sang à la tête de l’adversaire potentiel, empêche par rebond de le faire jaillir de la tête d’un autre. Cette réserve, tout homme peut la vivre, elle est vraiment à la portée de tous, sauf de l’extrémiste qui donne aux idées plein pouvoir y compris à l’irrespect qui, paraît-il, gagne la partie.

Le président de la République n’a pas cessé ces derniers jours d’appeler le peuple français à la vigilance. Encore une idée bien abstraite !

Que faut-il donc faire ? Rester chez soi ? Faire des provisions ? Lire le Coran ? Souscrire à un abonnement à Charlie Hebdo ? J’aurais préféré qu’il demandât humblement à tous les Français de calmer le jeu de la haine en les suppliant de ne plus blesser la conscience d’autrui au nom d’une liberté d’expression pas assez réfléchie, autrement dit, en nous invitant tous à prendre la résolution de respecter profondément les croyances qui sont chères à des millions de personnes. C’est à ce prix que la paix fera son lit.

Chers Jean, Georges, Stéphane et Bernard, votre mort ignominieuse me fait une peine immense et je voudrais qu’elle ne soit pas inutile. Vos caricatures ne méritaient pas de vous tuer, mais elles l’ont fait. D’une certaine façon, vous avez touché de votre humour grinçant les régions les plus viscéralement haineuses de la nature humaine assoiffée de justice et de vengeance, et par là, vous avez provoqué l’avènement de la barbarie. Parce que votre nature était saine, je veux le croire, parce que vous cherchiez sans doute à votre manière le bien commun, parce que vous considériez la liberté d’expression comme un droit devant s’exprimer sans état d’âme, parce que vous étiez au fond restés des enfants qui dessinaient comme tous les enfants tout en jouant à mettre le feu, vous avez oublié la permanence de la cruauté humaine quand elle se met au service d’une cause jugée absolue. Vous avez touché à de l’intouchable, et en réponse, vous qui étiez intouchables de par votre dignité d’homme, vous avez été plus que touchés, abattus en plein cœur.

Au-delà de toutes les décisions politiques qui seront prises, je l’espère, pour contrecarrer les actes terroristes, intercédez pour nous, chers Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, rendez-nous intelligents et respectueux des croyances d’autrui pour que la France se distingue encore par sa hauteur civilisatrice.

Un dernier point qui me tient à cœur : si vous croisiez au Ciel les trois petits enfants qui, lors de l’affaire Merah, ont été assassinés sauvagement, embrassez-les pour moi, et partagez avec eux la gloire qui est la vôtre aujourd’hui. Eux n’ont pas eu droit à une journée de deuil national ni à une manifestation d’envergure. Mais que pouvons-nous y faire ? Ces enfants ne disposaient que de leurs prénoms, ils n’avaient pas de noms de guerre, et ils ne défendaient pas la liberté d’expression ni la cause de certains politiques ! Qu’importe ! Seule la bonté personnelle qualifie un être et l’ennoblit jusqu’à la moelle, je le crois. Pour cela, je mourrais.

Allez, chers Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, soyez dans la joie de Dieu, continuez votre vie, et éclairez-nous maintenant de vos clartés.

Père Zanotti-Sorkine

Sur la paix et la coexistence, il faut être clair

Discours lors de la rencontre interreligieuse au Sri lanka le 13 janvier 2015 – Pape François

La première journée du Pape au Sri Lanka s’est achevée ce mardi soir par une rencontre interreligieuse au Centre de Congrès du BMICH dans le centre de Colombo. Une rencontre peu commune, placée sous le signe du dialogue pour la reconstruction du pays et l’établissement d’une paix solide au Sri Lanka. Une rencontre n’ayant suscité aucune critique de la part d’aucun groupe.

Chers amis, je suis reconnaissant de l’occasion qui m’est donnée de participer à cette rencontre, qui réunit ensemble – parmi d’autres – les quatre communautés religieuses les plus grandes qui font partie intégrante de la vie du Sri Lanka : Bouddhisme, Indouisme, Islam et Christianisme…

Je suis venu au Sri Lanka sur les traces de mes prédécesseurs, les Papes Paul VI et Jean-Paul II, pour montrer le grand amour et la sollicitude de l’Église pour le Sri Lanka. C’est pour moi une grâce particulière de visiter la communauté catholique de ce lieu, de la confirmer dans la foi au Christ, de prier avec elle et d’en partager la joie et les souffrances. Et c’est aussi une grâce d’être avec vous tous, hommes et femmes de ces grandes traditions religieuses, qui partagez avec nous un désir de sagesse, de vérité et de sainteté.

Lors du Concile Vatican II l’Église catholique a déclaré son respect profond et durable envers les autres religions. Elle a déclaré qu’« elle ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines » (Nostra aetate, n.2). Pour ma part, je souhaite réaffirmer le respect sincère de l’Église pour vous, pour vos traditions et vos croyances.

C’est dans cet esprit de respect que l’Église catholique souhaite coopérer avec vous, et avec toutes les personnes de bonne volonté, dans la recherche de la prospérité de tous les Sri-lankais. J’espère que ma visite aidera à encourager et à approfondir les diverses formes de coopération interreligieuse et œcuménique, qui ont été entreprises ces dernières années.

Ces initiatives louables ont offert des occasions de dialogue, essentiel si nous voulons nous comprendre et nous respecter mutuellement. Mais, comme l’enseigne l’expérience, pour qu’un tel dialogue et une telle rencontre soient efficaces, ils doivent se fonder sur une présentation complète et sincère de nos convictions respectives. Certainement, un tel dialogue fera ressortir combien nos croyances, traditions et pratiques sont différentes. Et cependant, si nous sommes honnêtes dans la présentation de nos convictions, nous serons capables de voir plus clairement tout ce que nous avons en commun. De nouvelles routes s’ouvriront pour une estime mutuelle, une coopération et, certainement, une amitié.

De tels développements positifs dans les relations interreligieuses et œcuméniques ont une signification particulière et urgente au Sri Lanka. Pendant trop longtemps les hommes et les femmes de ce pays ont été victimes de lutte civile et de violence. Ce qui est nécessaire aujourd’hui c’est la guérison et l’unité, et non de nouveaux conflits et de nouvelles divisions. La promotion de la guérison et de l’unité est, certainement, un engagement noble, qui incombe à tous ceux qui ont au cœur le bien de la nation et, en vérité, de toute la famille humaine. J’espère que la collaboration interreligieuse et œcuménique montrera que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs.

Combien nombreuses sont les façons d’accomplir ce service, pour les disciples des diverses religions ! Combien il y a de nécessités dont il faut prendre soin, avec le baume thérapeutique de la solidarité fraternelle ! Je pense en particulier aux nécessités matérielles et spirituelles des pauvres, des personnes dans le besoin, de tous ceux qui attendent avec anxiété une parole de consolation et d’espérance. Je pense ici aussi aux nombreuses familles qui continuent de pleurer la perte de leurs êtres chers.

Surtout, en ce moment de l’histoire de votre nation, combien de personnes de bonne volonté cherchent à reconstruire les fondements moraux de toute la société ! Puisse l’esprit croissant de coopération entre les responsables des différentes communautés religieuses trouver une expression dans l’engagement à mettre la réconciliation entre tous les Sri-Lankais au cœur de chaque effort pour renouveler la société et ses institutions. Pour le bien de la paix, on ne doit pas permettre que les croyances religieuses soient utilisées abusivement pour la cause de la violence et de la guerre. Nous devons être clairs et sans équivoques lorsque nous mettons nos communautés au défi de vivre pleinement les commandements de la paix et de la coexistence, qui se trouvent en chacune des religions, et lorsque nous dénonçons les actes de violence qui sont commis.

Chers amis, je vous remercie encore pour l’accueil généreux et pour votre attention. Que cette rencontre fraternelle confirme tous nos efforts pour vivre en harmonie et pour répandre les bénédictions de la paix.

© Copyright 2015 – Libreria Editrice Vaticana

Quelle société voulons-nous construire ensemble ?

Déclaration des Évêques de France au lendemain des attentats et des prises d’otage

 Quelques jours après les événements tragiques qui ont secoué notre pays, au lendemain des manifestations citoyennes dans tout le pays, les évêques du conseil permanent de la Conférence des Évêques de France se sont retrouvés ce lundi 12 janvier 2015. A l’issue de leur rencontre, ils ont publié la déclaration suivante.

 La semaine dernière, le terrorisme a frappé et la mort a fait irruption au cœur de notre société. L’attentat contre Charlie hebdo, les prises d’otages et les assassinats qui l’ont suivi sont des drames qui marquent l’ensemble des Français et bien au-delà de notre pays, tous ceux qui sont attachés aux valeurs qui fondent la possibilité de vivre ensemble. Perpétrées sur notre territoire, au cœur de notre nation, ces horreurs ont également suscité un puissant élan de cohésion de nos concitoyens et l’expression d’un soutien de la part de tant de pays, si éclatants ce dimanche, autour des principes fondamentaux qui façonnent notre société. Nous avons pris part à cet élan ; nous le soutiendrons encore.

Nous invitons les catholiques de nos diocèses à prier pour les victimes et à confier à Dieu les âmes aveuglées des terroristes.

Nous saluons les policiers et les gendarmes qui ont payé un lourd tribut dans ces attaques et qui exercent cette mission essentielle de « garder la paix », cette paix quotidienne qui nous semble si naturelle.

Nous assurons de notre fraternel soutien la communauté juive encore une fois endeuillée.

Nous voulons redire que les amalgames sont trop faciles et que la tentation peut toujours exister de confondre une religion avec les extrémismes qui se réclament d’elle en la défigurant.

Nous exhortons les uns et les autres à ne pas entrer dans la spirale mortifère de la peur et du mépris de l’autre.

Toutes les libertés sont intrinsèquement liées les unes aux autres. La liberté de la presse, quelle que soit cette presse, reste un des signes d’une société solide, ouverte au débat démocratique, capable de ménager une place digne à chaque personne dans le respect de ses origines, de sa religion, de ses différences. C’est cette France respectueuse de tous, symbole au-delà même de ses frontières, qui a été meurtrie ; c’est vers cette France qu’ont afflué du monde entier les très nombreux témoignages de sympathie et de compassion ; c’est cette France-là qui dimanche a redit son adhésion profonde aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Le temps viendra où nous devrons avoir le courage de nous interroger pour savoir comment la France a pu voir croître en son sein de tels foyers de haine.

Enracinés dans l’Evangile, portés par l’Espérance, nous devons nous interroger sur notre projet de société. Quelle société voulons-nous bâtir ensemble ? Quelle place réservons nous aux plus faibles, aux exclus et aux différences culturelles ? Quelle culture voulons-nous transmettre aux générations qui nous suivent ? Quel idéal de notre communauté humaine proposons-nous à la jeunesse ?

Nous appelons les catholiques à poursuivre leur engagement dans la vie familiale, la vie associative et plus généralement dans la vie publique pour faire progresser notre société dans la justice et la paix.

Nous invitons à amplifier les efforts faits dans le domaine de l’éducation, conscients que cet enjeu est majeur pour aujourd’hui et pour demain.

C’est ensemble que nous construirons la société de demain. Non les uns contre les autres mais les uns avec les autres.

Mgr Georges PONTIER, Archevêque de Marseille, Président de la CEF

et le conseil permanent de la CEF :

Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque de Montpellier, vice-président

Mgr Pascal DELANNOY, Évêque de Saint Denis, vice-président

Mgr Jean-Claude BOULANGER, Évêque de Bayeux et Lisieux

Mgr André VINGT-TROIS, archevêque de Paris

Mgr François FONLUPT, Évêque de Rodez

Mgr Hubert HERBRETEAU, Évêque d’Agen

Mgr Jean-Paul JAMES, Évêque de Nantes

Mgr Stanislas LALANNE, Évêque de Pontoise

Mgr Benoit RIVIÈRE, Évêque d’Autun, Chalon et Mâcon

© Conférence des Évêques de France

 

S’occuper des pauvres, ce n’est pas du communisme, c’est l’Évangile

Entretien avec le Pape François dans la presse italienne

 L’Évangile « ne condamne pas les riches, mais l'idolâtrie de la richesse qui rend insensible au cri des pauvres », déclare le pape François dans un entretien avec les journalistes Andrea Tornielli, de Vatican Insider, et Giacomo Galeazzi, du quotidien La Stampa. Cet entretien conclut le livre « Pape François. Cette économie tue » (Papa Francesco. Questa economia uccide), qui est le 13 janvier en Italie. Le pape évoque donc lui-même sa pastorale, au terme d'un ouvrage qui lui est consacré.

La Stampa : Sainteté, le capitalisme, tel que nous le vivons depuis les dernières décennies, est-il à votre avis un système en quelque sorte irréversible ?

Pape François : Je ne saurais comment répondre à cette question. Je reconnais que la globalisation a aidé beaucoup de personnes à sortir de la pauvreté, mais elle en a condamné d’autres à mourir de faim. C’est vrai qu’en terme absolu, la richesse mondiale s’est accrue, mais la disparité a augmenté et de nouvelles pauvretés sont apparues. Ce que je remarque, c’est que ce système se maintient avec cette culture du rebut, dont j’ai parlé de nombreuses fois. Il y a une politique, une idéologie et aussi une attitude du rejet. Quand au centre du système, il n’y a plus l’homme, mais l’argent, quand l’argent devient une idole, les hommes et les femmes sont réduits à de simples instruments, dans un système économique et social caractérisé et même dominé par de profonds déséquilibres. Et ainsi, on « rejette » ceux qui ne servent pas cette logique : cette attitude qui rejette les enfants et les personnes âgées et touche aujourd’hui même les jeunes. J’ai été impressionné d’apprendre que dans les pays développés, il y a des millions de jeunes de moins de 25 ans qui n’ont pas de travail. Je les ai appelés les jeunes « ni-ni » parce qu’ils n’étudient pas et ne travaillent pas non plus. Ils n’étudient pas parce qu’ils n’en ont pas la possibilité et ne travaillent pas parce que le travail manque. Mais je voudrais encore rappeler cette culture du rejet qui conduit à rejeter les enfants également à travers l’avortement. Je suis marqué par les taux de natalité si bas en Italie : on perd ainsi le lien avec l’avenir. De même, la culture du rejet conduit à l’euthanasie cachée des personnes âgées, qui sont abandonnées. Au lieu d’être considérées comme notre mémoire. Le lien avec notre passé est une ressource de sagesse pour le présent. Parfois, je me demande : quel sera le prochain rejet ? Nous devons nous arrêter à temps. Arrêtons-nous, s’il vous plaît ! Et donc, pour essayer de répondre à votre question, je dirais : ne considérons pas cet état comme irréversible, ne nous résignons pas. Essayons de construire une société et une économie où l’homme et son bien soient au centre, et non l’argent.

La Stampa : Un changement, une attention plus grande à la justice sociale peut-elle advenir grâce à plus d’éthique dans l’économie, ou peut-on envisager aussi des changements structuraux dans le système ?

Pape François : Avant tout, il est bon de rappeler qu’il y a besoin d’éthique dans l’économie, et qu’il y en a également besoin en politique. Différents chefs d’état et hommes politiques, que j’ai pu rencontrer après mon élection comme évêque de Rome m’ont parlé plusieurs fois de ceci. Ils ont dit : « Vous, les leaders religieux, vous devez nous aider, nous donner des indications éthiques ». Oui, le pasteur peut faire des rappels, mais je suis convaincu, comme l’a rappelé Benoît XVI dans son encyclique Caritas in veritate, qu’il y a besoin d’hommes et de femmes aux bras levés vers Dieu pour le prier, conscients que l’amour et le partage dont dérive le développement authentique, ne sont pas un produit de nos mains, mais un don à demander. Et en même temps, je suis convaincu qu’il y a besoin que ces hommes et ces femmes s’impliquent à chaque niveau, dans la société, en politique, dans les institutions et l’économie, en mettant le bien commun au centre. Nous ne pouvons plus attendre de résoudre les causes structurelles de la pauvreté, pour guérir notre société d’une maladie qui peut seulement conduire à de nouvelles crises. Les marchés et la spéculation financière ne peuvent bénéficier d’une autonomie absolue. Sans une solution aux problèmes des pauvres, nous ne résoudrons pas les problèmes du monde. Il faut des programmes, des mécanismes et des projets au service d’une meilleure distribution des ressources, de la création d’emploi, de la promotion intégrale de celui qui est exclu.

La Stampa : Pourquoi les mots forts et prophétiques de Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno contre l’impérialisme international de l’argent, sonnent-ils aujourd’hui pour beaucoup – même des catholiques – comme exagérés et radicaux ?

Pape François : Pie XI semble exagéré à ceux qui se sentent concernés par ses paroles, touchés au vif par ses accusations prophétiques. Mais le Pape n’exagérait pas, il avait dit la vérité après la crise économico-financière de 1929 ; et en bon alpiniste, il voyait les choses comme elles étaient, il savait regarder loin. Je crains que ceux qui exagèrent soient plutôt ceux qui, aujourd’hui encore, se sentent remis en cause par les appels de Pie XI…

La Stampa : Les pages de Populorum progressio où il est dit que la propriété privée n’est pas un droit absolu, mais est subordonné au bien commun, ainsi que le catéchisme de Saint Pie X, qui énumère parmi les péchés (…) l’oppression des pauvres et la privation des ouvriers d’un salaire juste, sont-elles toujours valables ?

Pape François : Non seulement ces affirmations sont toujours valables, mais plus le temps passe, plus je les trouve confirmées par l’expérience.

La Stampa : Beaucoup ont été marqués par vos paroles sur les pauvres, « chair du Christ ». L’accusation de « paupérisme » vous dérange-t-elle ?

Pape François : Avant l’arrivée de François d’Assise, il y avait des paupéristes. Au Moyen Âge, il y a eu de nombreux courants paupéristes. Le paupérisme est une caricature de l’Évangile et de la pauvreté elle-même. Saint François nous a aidés au contraire à découvrir le lien profond entre la pauvreté et le chemin évangélique. Jésus affirme qu’on ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et la richesse. Est-ce du paupérisme ? Jésus nous dit quel est le « protocole » sur la base duquel nous serons jugés, celui que nous lisons au chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu : « J’ai eu faim, j’ai eu soif, j’ai été en prison, j’étais malade, j’étais nu, et vous m’avez aidé, vêtu, visité, vous avez pris soin de moi ». Chaque fois que nous faisons cela à un frère, nous le faisons à Jésus. Prendre soin de notre prochain, de celui qui est pauvre, de celui qui souffre dans son corps et son esprit, de celui qui est dans le besoin. Cela c’est la pierre de comparaison. Est-ce du paupérisme ? Non, c’est l’Évangile. La pauvreté éloigne de l’idolâtrie, du sentiment d’autosuffisance. Zachée, après avoir croisé le regard miséricordieux de Jésus, a donné la moitié de ce qu’il avait aux pauvres. Le message de l’Évangile s’adresse à tous. L’Évangile ne condamne pas les riches mais l’idolâtrie de la richesse, cette idolâtrie qui rend insensible au cri du pauvre. Jésus a dit qu’avant de présenter notre offrande sur l’autel, nous devons nous réconcilier avec notre frère pour être en paix avec lui. Je crois que nous pouvons, par analogie, étendre la richesse à cet « être en paix » avec nos frères pauvres.

La Stampa : Vous avez souligné la continuité avec la tradition de l’Église dans cette attention aux pauvres. Pouvez-vous donner quelques exemples à ce sujet ?

Pape François : Un mois avant l’ouverture du concile œcuménique Vatican II, le pape Jean XXIII a dit : « L’Église se présente comme elle est et veut être : comme l’Église de tous, et particulièrement celle des pauvres ». Dans les années qui ont suivi, l’option préférentielle pour les pauvres est entrée dans les documents du magistère. On pourrait penser qu’il s’agit d’une nouveauté, tandis qu’au contraire, c’est une attention qui a son origine dans l’Évangile et apparaît déjà dans les premiers siècles du christianisme. Si je reprenais quelques passages des homélies des premiers Pères de l’Église du deuxième ou du troisième siècle, sur la façon dont on doit traiter les pauvres, certains m’accuseraient de faire une homélie marxiste ! « Quand tu donnes de ton avoir au pauvre, tu ne lui donnes pas. Tu ne fais que lui rendre ce qui lui appartient. Parce que ce que tu t’es annexé ce qui a été donné en commun pour l’usage de tous. La terre est à tous et pas seulement aux riches. » Ce sont les mots de saint Ambroise, qui ont servi à Paul VI, pour affirmer dans Populorum progressio que la propriété privée ne constitue pour personne un droit inconditionnel et absolu, et que personne n’est autorisé à réserver à son usage exclusif ce qui dépasse son besoin, quand d’autres manquent du nécessaire. Saint Jean Chrysostome affirmait : « Ne pas partager ses biens avec les pauvres signifie les voler et les priver de la vie. Les biens que nous possédons sont à eux, et non à nous ». (…) Comme on peut le voir, cette attention pour les pauvres est dans l’Évangile et elle est dans la tradition de l’Église. Ce n’est pas une invention du communisme et il ne faut pas l’idéologiser, comme c’est arrivé plusieurs fois au cours de l’histoire. Quand elle arrive à vaincre ce que j’ai appelé la « globalisation de l’indifférence », l’Église est loin d’un quelconque intérêt politique et d’une quelconque idéologie : seulement mue par les paroles de Jésus, elle veut offrir sa contribution à la construction d’un monde où on s’occupe les uns des autres et où on prenne soin de l’autre.

Traduction pour Aleteia par Élisabeth de Baudouïn

© La Stampa

 

L’œuvre missionnaire des Oblats à Tahiti – 1977-2004 (2)

Au service des vocations et de la formation sacerdotale

 Nous continuons notre parcours de l’histoire des Congrégations religieuses en Polynésie dans le cadre de l’Année de la Vie consacrée avec cette historique de la communauté des Pères O.M.I. par le R.P. Patrice Morel.

 2. Qu'ont-ils entrepris pour accomplir la mission confiée ?

A. 1ère année (1977-1978) : l'insertion

1. La première équipe.

Une fois la décision prise par la Province Saint-Jean-Baptiste d'établir une mission oblate à Tahiti, il fallait trouver le personnel nécessaire. C'est ainsi qu'un appel fut lancé dans la Province et dans l'ensemble de la Congrégation.

Dans la Province Saint-Jean-Baptiste, les Pères Jules Guy (54 ans) et Daniel Nassaney (29 ans) se sont portés volontaires. Personnellement, c'est à mon retour en France, après 21 ans au Laos, que j'ai eu connaissance de la demande de la Province franco-américaine qui m'accueillit en son sein lorsque je proposai ma collaboration. J'avais 50 ans. Je suis arrivé aux États-Unis début juillet 1977 pour faire la connaissance de mes nouveaux confrères.

Plusieurs fois nous nous sommes retrouvés partageant nos expériences et nos idées sur la manière dont nous comptions vivre et travailler à Tahiti. Il nous paraissait évident de vivre en communauté, d'avoir un temps de préparation - un an si possible - pour apprendre la langue, nous familiariser avec la culture, découvrir la pastorale du diocèse, avant d'envisager une quelconque prise en charge de ministère dans la ligne de ce qui nous était demandé.

La date du départ de Los Angeles pour Tahiti fut fixée au dimanche 28 août 1977.

2. Installation sur place - Prise de contact

Prévus pour débarquer à l'aéroport de Faaa le matin du 29 août à 5h30, nous y sommes arrivés avec plus de 19 heures de retard. À cause de ce retard, nombre de chrétiens et de membres des paroisses et des communautés religieuses de Papeete n'ont pu venir nous couronner - il faudrait plutôt dire nous couvrir de fleurs -. Cependant, Mgr Michel Coppenrath et plusieurs membres de la Mission catholique avaient tout de même tenu à être présents.

Nous avons logé dans un bâtiment annexe de l'évêché de Papeete. Cette proximité avec Mgr Michel nous a permis de faire réciproquement connaissance et de rencontrer déjà d'autres membres du personnel de la Mission. La première semaine s'est passée en visites de la ville de Papeete et de ses environs.

Le dimanche 4 septembre, au cours d'une réception officielle à l'église Maria no te Hau (Notre-Dame de Paix), nous avons expérimenté l'accueil polynésien : chants, colliers de fleurs ou de coquillages, démonstrations de respect et d'affection de la part des fidèles pour les prêtres et les missionnaires que nous étions. En cette circonstance, nous avons été impressionnés par l'entente fraternelle régnant entre les Pères, les Frères, les Sœurs et les chrétiens.

À cette époque, quelles étaient les forces vives de la Mission ? Il y avait Mgr Michel Coppenrath, originaire de Tahiti, son frère prêtre Hubert, et 3 prêtres diocésains ; 2 prêtres Fidei donum ; 24 pères et 1 frère Picpuciens (SSCC). Les Congrégations religieuses présentes étaient : les Frères de l'Instruction Chrétienne, de Ploërmel (FIC) ; les Filles de Jésus Sauveur (FJS), une congrégation fondée par Mgr Paul Maze (SSCC), prédécesseur de Mgr Michel ; les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny (SJC) ; les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges, venues du Canada (MNDA) ; les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus (FCSCJ), aussi du Canada ; les Sœurs du Bon-Pasteur, irlandaises. Il était évident que la quasi totalité des forces vives du diocèse était d'origine étrangère et non polynésienne.

Durant cette première semaine, Mgr Michel a clairement exprimé son vif désir de nous voir apprendre le tahitien, principale langue de la Polynésie Française, ce qui rejoignait notre propre volonté. Pour ce faire, il a stipulé que pour un an nous resterions logés à l'annexe de l'évêché. Tous les jours, le P. Hubert Coppenrath, membre de l'Académie tahitienne, nous donnerait une heure de cours ; il fut décidé ensuite que nous n'aurions aucun engagement pastoral sur l'île de Tahiti durant cette année d'initiation. Nous avions ainsi la possibilité de connaître les différentes paroisses, communautés religieuses, les œuvres du diocèse : écoles, collèges, foyers d'accueil, services de catéchèse et d'information tel que radio, presse, librairie.

Mgr Michel exprima également le souhait de voir le P. Patrice Morel l'accompagner dans sa tournée pastorale dans les îles éloignées de l'Est des Tuamotu (un des archipels de la Polynésie), et cela dès le 7 septembre. « Cette tournée pastorale devait durer environ trois semaines. Par suite du naufrage de la goélette Aranui sur le récif de Marutea-Sud (le plus au sud des atolls des Tuamotu), les naufragés, par les soins de la marine et de l'aviation militaires, se sont retrouvés à Tahiti le 19 septembre. »

3. Apprentissage... de la langue

Le tahitien est une langue qui n'a aucun point commun avec les langues européennes ou asiatiques. Elle ne possédait aucune écriture jusqu'à l'arrivée en 1797 des missionnaires protestants de Londres qui s'attelèrent à la traduction de la Bible en tahitien. Grâce à ces pionniers, il a été possible par la suite de composer des livres, de codifier la langue, de créer un patrimoine de légendes et de récits historiques.

Deux caractéristiques de cette langue n'en facilitent pas l'apprentissage. La première : l'alphabet tahitien ne comporte que 5 voyelles et 9 consonnes. La deuxième : l'absence des verbes « être » et « avoir », ce qui oblige à des tournures particulières pour exprimer l'attribution et la possession. Nous nous sommes donc mis à l'école avec le P. Hubert Coppenrath pour la théorie. Quant à la pratique, ce sont nos rencontres quotidiennes avec la population qui nous servaient de laboratoire. Mais il n'y a rien de tel qu'une immersion à temps plein dans la masse pour progresser. Aussi avons-nous été envoyés dans des communautés chrétiennes éloignées, sans prêtre, pour continuer notre apprentissage linguistique et assurer une présence sacerdotale pour le temps de Noël, du 9 décembre 1977 au 27 janvier 1978.

Ce séjour de sept semaines nous a été très profitable du point de vue linguistique. Nous étions bien obligés d'utiliser le tahitien pour le ministère: sacrements, réunions avec les paroissiens, visites des familles. Après ce temps hors de Tahiti, nous commencions à être plus à l'aise dans nos rencontres avec les Tahitiens. Mais nous avions encore d'énormes progrès à accomplir. Une année pour maîtriser une nouvelle langue totalement différente de sa langue maternelle n'est pas de trop.

... de la culture polynésienne.

Une constatation unanime : ces gens et particulièrement ces chrétiens sont très attachés à leur religion, et la présence d'un prêtre au milieu d'eux est une bénédiction, à tel point qu'ils disent : « Lorsque le Père s'en va, Dieu s'en va ».

Les Tahitiens sont très affectueux et de tempérament très émotif. Dans leur vie, le « sentiment » nous semble plus important que la raison. Lorsque la relation entre deux personnes est bonne, qu'il n'y a pas de divergence d'idées, tout va bien. Si une difficulté se présente, s'il ya heurt entre deux caractères, très souvent c'est la dispute, voire les coups et la séparation. Cette première impression nous questionnait par rapport à l'engagement des Tahitiens pour la vocation sacerdotale. C'était sans doute aussi à cause de ce caractère que les Polynésiens hésitaient à se marier. Ils considéraient le mariage comme « sacré ». Donc, être infidèle, c'était enfreindre un « tapu » (interdit) et mériter un châtiment divin, encourir une malédiction.

Dans la culture polynésienne, le « tapu » était un interdit que le roi d'une île, ou d'un secteur, mettait sur tel terrain, tel arbre, pour s'en réserver l'usage. Aller contre cette réservation rendait passible de la peine de mort. Cette notion d'interdit social a été transposée au plan spirituel et donc le péché, considéré comme une infraction contre une loi divine, engendrait la malédiction céleste : maladie, mort personnelle ou d'un proche, ou tout autre malheur.

Il faut reconnaître, je crois, que d'une manière générale, à la fin du 18e s. et au début du 19e s., l'évangélisation protestante et catholique mettait surtout l'accent sur la morale, sur les commandements : ce qu'il fallait observer, ce qu'il était interdit de faire, de dire, de penser. Cette manière de présenter la foi chrétienne rejoignait et confortait la mentalité païenne craintive des Polynésiens. Il faudra des décennies pour essayer de faire évoluer les mentalités et les comportements.

Nos échanges, dès les États-Unis, avaient révélé et renforcé une vision commune de notre mission : aider les personnes vers qui nous serions envoyés à devenir adultes dans la foi, à être leurs propres évangélisateurs, à ne pas être passivement dociles. Une réflexion que tous les trois nous avons entendu et que nous entendrons encore bien des fois à Tahiti : « Père, dites-nous ce qu'il faut faire… » Tous les trois nous avons essayé de faire comprendre aux gens qu'ils avaient une intelligence, une capacité de jugement, qu'ils avaient reçu l'Esprit Saint, et donc qu'ils étaient à même d'émettre un avis, que le Père n'était pas là pour leur imposer ses vues, ses idées, mais pour les aider à connaître et aimer Jésus-Christ et à vivre chrétiennement selon leur propre culture.

Ainsi, une question pratique est apparue. Les Polynésiens aiment chanter lorsqu'ils se rassemblent et ils s'accompagnent de guitares ou de « oukoulélés ». Alors nous leur avons proposé d'utiliser ces instruments à l'église. Ce fut un cri unanime de réprobation : « Oh non ! Père, c'est péché. » - « Pourquoi ? » - avons-nous demandé. « Parce que les Pères l'interdisent. » La raison est qu'on associait l'usage de ces instruments avec des chansons plus ou moins lestes chantées lors des bringues, des repas populaires. Il a fallu expliquer que par eux-mêmes ces instruments sont neutres, ni bons, ni mauvais. Tout dépendait de l'usage que l'on en faisait. De même qu'un tipi (coupe-coupe, machette) est très utile pour l'usage domestique, la récolte du coprah, il peut devenir aussi un outil de meurtre. Peu à peu les mentalités ont changé et maintenant, guitares, oukoulélés ou autres instruments accompagnent les cérémonies religieuses.

... du problème des vocations.

Autre point qui nous préoccupait : l'urgence de la formation chrétienne des Polynésiens. Dépasser le catéchisme appris par cœur pour la préparation à la première communion et à la confirmation, et puis, plus rien ou presque. Déjà dans le diocèse, à notre arrivée, des moyens fonctionnaient pour cette éducation : radio, presse, réunions bibliques, école de formation des « katekita ». Par rapport au sacerdoce une réflexion revenait souvent : « La prêtrise, ce n'est pas pour nous Polynésiens. Le célibat n'est pas pour nous. » Et pourtant, depuis le début de la Mission, les Pères de Picpus, sous l'impulsion des évêques de la même Congrégation, avaient eu le souci d'assurer une relève recrutée sur place.

Entre 1851 et 1891, plusieurs tentatives d'ouverture d'un Petit Séminaire (ou École apostolique) avaient échoué. Ce n'est qu'en 1940 qu'un nouvel essai aboutira et fonctionnera jusqu'à ce jour. Il accueille des garçons de la sixième à la troisième (système scolaire français), soit des enfants de 11/12 ans à 15/16 ans. Ces jeunes suivent leur scolarité à l'École du Sacré-Cœur sise à Taravao (Tahiti). Prolongeant le Petit Séminaire pour un discernement vocationnel, le Foyer Jean XXIII a été ouvert suite à la présence d'un prêtre Fidei donum, l'abbé Paul Cochard qui, en 1972, mit sur place le centre diocésain de la catéchèse. Ce Foyer comptait cinq jeunes lorsque nous sommes arrivés à Tahiti. Ils poursuivaient leur scolarité dans différentes institutions de Papeete. Le P. Stanilas Mioduski, SSCC, en avait la responsabilité ainsi que celle de deux séminaristes envoyés au Grand Séminaire interdiocésain de Suva (Fidji).

Notre séjour dans les îles, la présence des cinq jeunes du Foyer Jean XXIII, nous ont rendu plus attentifs et plus décidés que jamais pour la formation d'une Église locale se suffisant à elle-même. Plus vite que prévu, nous allons être engagés dans l'action. Le lendemain du retour des PP. Jules et Patrice, le P. Stanislas, en charge du Foyer Jean XXIII quitte la Polynésie pour des raisons de santé et son retour est plus que problématique. Aussi, dès que le P. Daniel revient des Îles Australes, Mgr Michel lui demande de prendre soin du Foyer Jean XXIII. Cette prise en charge l'empêchera de retourner dans les Îles pour Pâques. Par contre, le P. Jules visitera Rangiroa et les atolls voisins, Tikehau et Manihi, pour dix semaines. Dans la même période de temps, le P. Patrice se rendra de nouveau à Takapoto, et aussi à Takaroa, Apataki et Arutua.

À son retour de Rangiroa, le P. Jules écrivait dans Le Semeur Tahitien (journal de l'archidiocèse) :

« Mon retour dans les îles au temps de Pâques ne fut pas un sacrifice, mais plutôt une joie. L'accueil des fidèles ne fut pas celui d'un étranger qui arrive ou d'un Père qui vient parmi eux pour la première fois, mais celui d'un père qui retourne à la maison, qui est revenu à sa famille. Aussi la première question fut : “Allez-vous demeurer avec nous maintenant ?” C'est avec chagrin que je leur dis que je serai parmi eux pour 10 semaines seulement. “Père, nous sommes au moins 400 fidèles sur l'île (Rangiroa), il nous faut un prêtre” Il fallait leur répondre que les prêtres n'étaient pas assez nombreux ; qu'il faut prier beaucoup pour des vocations polynésiennes ; qu'il faut que les parents transmettent aux jeunes cette vérité que Dieu et l'Église ont besoin d'eux pour la formation de l'Église en Polynésie. C'est tout à fait inconcevable que Dieu n'appelle pas certains jeunes d'ici pour le servir comme prêtres, religieux et religieuses. Dans les nombreux foyers chrétiens, il y a des jeunes qui entendent cet appel ou bien qui l'entendraient si les parents parlaient de la grande grâce qu'est cet appel de Dieu, et si les parents parlaient de la grande nécessité de l'Église polynésienne d'avoir ses prêtres, ses religieux, ses religieuses. C'est Mgr Michel Coppenrath qui disait qu'aussi longtemps que l'Église de Polynésie n'aura pas ses propres prêtres et ses propres religieux, l'Église ne sera pas véritablement implantée. Mais, si au sein de la famille, il n'y a jamais mention de la beauté et de la grandeur, et de la nécessité de ces vies consacrées à Dieu, comment peuvent-ils entendre cet appel à l'intérieur d'eux-mêmes ? »

Nous sommes déjà fin mai lorsque les trois Oblats se retrouvent à Tahiti. Il est temps de penser à l'avenir et à notre insertion dans la pastorale de l'archidiocèse.

(à suivre)

© Vie Oblate Life n°64 - 2005

Méditation sur la Parole

 En ce dimanche, nous méditons sur le prologue de l’Évangile selon saint Jean. Ce texte résume à lui seul tout le mystère de notre foi. Au cœur de ce mystère, la venue du Fils de Dieu parmi les hommes afin d’offrir à chacun la vie éternelle. 

Le prologue débute ainsi : « Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu… » (Jn 1,1). Ce premier verset de l’Evangile renvoie au premier verset de la Genèse :« Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre » (Gn 1,1). Avec la venue de Jésus, c’est donc un nouveau commencement qui a lieu, une recréation après la première qui fut marquée par la chute d’Adam et Eve. Dans les deux cas, tout s’opère par la Parole de Dieu. Dans la Genèse, Dieu dit, et cela est. Dans l’Evangile, la Parole prend chair par l’Incarnation de Jésus. Cette pédagogie de la Révélation de Dieu dans l’histoire de l’homme pose deux affirmations essentielles. 

Tout d’abord, la Miséricorde de Dieu ne s’avoue jamais vaincu. Un nouveau commencement est toujours possible. Le Seigneur est constamment là, pour nous relever, quelque soit nos chutes, nos égarements. Lorsque Pierre demande au Seigneur combien de fois devra-t-il pardonner, la réponse de Jésus est claire : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix sept fois » (Mt 18,21), c’est à dire sans cesse. Jésus nous invite à être miséricordieux comme il est lui-même à notre égard. Dans le Notre Père, nous prions ainsi : « Pardonne-nous nos offenses comme nous-mêmes nous pardonnes à ceux qui nous ont offensés ». 

Cette recréation, tout comme la création à la Genèse, se fait par la Parole car le Verbe est Dieu. Bien sûr, Dieu se révèle aux hommes de par la beauté de la Création. Mais pas uniquement. Souvent les hommes ne parviennent pas à passer de la création au Créateur. Leur esprit s’est obscurci. Saint Paul dit dans l’Epître aux Romains : « Ce que Dieu a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu’ils sont inexcusables puisqu’ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces » (Rm 1,20-21). C’est pourquoi, le Verbe s’est fait chair afin que les hommes puissent entendre la Parole de Dieu. Cette parole est parole de vie. Elle s’adresse à nous personnellement. Le Seigneur nous parle à travers la Bible mais aussi directement en mettant une certitude joyeuse et paisible dans nos cœurs. Ce sont des paroles qui nous relèvent. Il est important de nous mettre à l’écoute pour entendre ces paroles. Les Évangiles proposent beaucoup de récits où la parole de Jésus fait œuvre de Résurrection. Par exemple, à la femme adultère, il dit « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,11). 

En ce jour où nous méditons ce mystère du Verbe de Dieu fait chair, prions pour que nos cœurs soient attentifs à la Parole que le Seigneur nous dit aujourd’hui. Accueillons-la et réjouissons-nous de la vie que le Seigneur nous a donnée.

© Radio Vatican