PKO 17.05.2015
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°30/2015
Dimanche 17 mai 2015 – 7ème Dimanche du Temps de Pâques – Année B
Humeurs
Blocus… ou quand Tahiti affame les îles…
Toute la Polynésie s’est mobilisée, tout récemment, pour venir en aide aux sinistrés du cyclone Pam au Vanuatu… Particuliers, associations, pays, Églises… Tout le monde se gargarisait du mot « Solidarité »… Oui nous sommes venus en aide, à juste titre, aux frères du Pacifique…
Aujourd’hui, sans aucun scrupule, et sans que cela ne semble émouvoir grand monde… nous affamons nos frères des îles… un communiqué laconique annonce : « Nous avons le regret de vous informer que nous ne pouvons malheureusement plus réceptionner le coprah dans nos hangars compte tenu de la grève qui touche la société depuis près de 6 semaines ».
Combien de familles aux Tuamotu, aux Marquises… dans l’ensemble de nos îles vivent des revenus du coprah… et parce que nous sommes incapables de nous entendre, parce que nous ne savons pas concéder, parce que nous voulons conserver tous nos avantages… voire en obtenir d’autres… sans aucun scrupule on les affame… La réalité est douloureuse puisque le « moi d’abord » passe par le mépris de l’autre, vous avez dit solidarité ! Nous ne sommes que des hypocrites ! Serions-nous sur le point de permettre que l’indifférence s’installe dans la plus grande quiétude?
Mais concrètement que nos Paumotu, nos Marquisiens se retrouvent sans plus aucun revenu… cela nous importe peu… Et pourtant nous savons les utiliser pour notre image : « La Perle de Tahiti » des Tuamotu ; les travaux d’art et sculpture des Marquises…
Honte a nous, hommes et femmes, qui demeurons à Tahiti… qui osons élever nos voix contre le non respect des droits de l’homme partout dans le monde… et qui affamons nos frères et sœurs des îles !
Ne venez plus jamais me dire : « Mais pourquoi toutes ces personnes qui vivent dans la rue… qui vivent dans des quartiers sordides de la banlieue de Papeete ne rentrent-ils pas chez eux dans les îles ? » Après un tel témoignage d’égoïsme, d’indifférence de notre part… nous ne sommes plus autorisés au moindre jugement !
Se taire est indigne d’un pays qui se dit civilisé et mieux encore chrétien ! Se taire est un crime !
« Seigneur, donne-nous la grâce des larmes, pour pleurer nos péchés et recevoir ton pardon. » (Pape François)
Chronique de la roue qui tourne
L’humilité
« L'ennui avec l'humilité, c'est qu'on ne peut pas s'en vanter. » Gene Brown
L'humilité paraît complètement désuète pour notre société où il faut crier plus fort que l'autre pour être entendu, où il faut être « quelqu'un » pour exister, où il faut (presque) écraser pour ne pas être écrasé. Aujourd'hui il faut se vendre pour valoir quelque chose, sans ça tu n'es rien !
Alors, l'humilité ne serait-elle que dénigrement de notre vie, nous faisant croire inutiles ? Est-ce là une vertu ? Bien sûr que non ! Rien ne peut avilir une vie.
Le problème est que nous avons tendance à confondre humiliation et humilité.
L'humilité, c'est vivre et reconnaître sa vie comme unique. Cette prise de conscience sera le socle de notre dignité et de notre joie.
L'humilité, c'est accueillir la vie comme un cadeau, non un dû, et essayer tous les jours d'en être digne.
L'humilité, c'est assumer pleinement qui on est. Personne n'est parfait, la vie n'en a pas besoin. Mais, qu'avec nos qualités et défauts, nous construisions toujours « du beau ».
L'humilité, c'est faire sérieusement les choses sans se prendre au sérieux.
L'humilité, c'est se croire important dans l'histoire mais pas plus qu'un autre, vu que les cimetières sont remplis de gens « indispensables ».
L'humilité, c'est gommer rapidement le mot dédain de notre vocabulaire.
L'humilité, c'est toujours préférer le langage du cœur aux beaux discours.
L'humilité, ce n'est pas prendre plaisir à se dévaloriser devant l'autre. Mais, c'est savoir faire taire son orgueil pour donner à l'autre sa vraie place dans notre vie.
L'humilité, ce n'est pas fuir à tout prix la célébrité mais l'utiliser dès que possible pour « les oubliés des projecteurs ».
L'humilité, c'est rechercher avant tout la « victoire », et non l'honneur dans les batailles de la vie.
L'humilité, c'est être fière de vous présenter ce texte, tout en sachant que ce ne sont que des mots qui devaient tout simplement être dits.
La chaise masquée
S’il te plaît, merci, pardon : les paroles de l’amour
Audience générale du mercredi 13 mai 2015 – Pape François
Le Pape François a poursuivi sa série de catéchèses sur la famille. Après s'être concentré lors des semaines écoulées sur les rôles des enfants, du père, de la mère ou encore des grands-parents, il s'est cette fois-ci attaché à rappeler l'importance de l'éducation à la politesse, une clé indispensable pour vivre harmonieusement en famille et en société.
Chers frères et sœurs, bonjour !
La catéchèse d’aujourd’hui est comme la porte d’entrée d’une suite de réflexion sur la vie de famille, sa vie réelle, avec ses temps et ses événements. Sur cette porte d’entrée, sont écrits trois mots, que j’ai déjà employés plusieurs fois sur cette place. Et ces mots sont : « s’il te plaît », « merci » et « pardon ». En effet, ces mots ouvrent la voie pour bien vivre en famille, pour vivre en paix. Ce sont des mots simples, mais pas si simples à mettre en pratique ! Ils contiennent une grande force : la force de garder la maison, même à travers milles difficultés et épreuves ; en revanche, quand ils manquent, cela ouvre des fissures qui peuvent aller jusqu’à la faire s’écrouler.
En général, nous considérons que ces mots font partie de la « bonne éducation ». C’est vrai, une personne bien élevée demande la permission, dit merci ou s’excuse si elle se trompe. C’est vrai mais la bonne éducation est très importante. Un grand évêque, saint François de Sales, avait l’habitude de dire que « la bonne éducation est déjà la moitié de la sainteté ». Mais attention, dans l’histoire, nous avons aussi connu un formalisme des bonnes manières qui peut devenir un masque qui cache l’aridité de l’esprit et le désintérêt à l’égard de l’autre. On dit souvent : « Derrière toutes ces bonnes manières, se cachent de mauvaises habitudes ».
La religion elle-même n’est pas à l’abri de ce risque qui fait glisser de l’observance formelle dans la mondanité spirituelle. Le diable qui tente Jésus fait étalage de bonnes manières – c’est vraiment un seigneur, un chevalier – et il cite les Saintes Écritures, on dirait un théologien. Son style est apparemment correct, mais son intention est de faire dévier de la vérité de l’amour de Dieu. Nous, en revanche, nous comprenons la bonne éducation dans son sens authentique, lorsque le style des bonnes relations est fermement enraciné dans l’amour du bien et dans le respect de l’autre. La famille vit de cette finesse de l’amour.
Voyons : le premier terme est « s’il te plaît ». Quand nous nous préoccupons de demander gentiment même ce à quoi nous pensons peut-être pouvoir prétendre, nous mettons une véritable protection pour l’esprit de vie commune matrimoniale et familiale. Entrer dans la vie de l’autre, même lorsqu’il fait partie de notre vie, demande la délicatesse d’une attitude non invasive, qui renouvelle la confiance et le respect. En somme, la confiance n’autorise pas à tout considérer comme acquis. Et plus l’amour est intime et profond, plus il exige le respect de la liberté et la capacité d’attendre que l’autre ouvre la porte de son cœur. À ce propos, souvenons-nous de cette parole de Jésus dans le livre de l’Apocalypse : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (3,20). Le Seigneur aussi demande la permission d’entrer ! Ne l’oublions pas. Avant de faire quelque chose en famille : « S’il te plaît, est-ce que je peux le faire ? Tu aimes que je fasse cela ? » Ce langage vraiment bien-élevé mais plein d’amour. Et cela fait beaucoup de bien aux familles.
Le second mot est « merci ». On en vient parfois à penser que nous sommes en train de devenir une civilisation des mauvaises manières et des mots désagréables, comme si c’était un signe d’émancipation. Nous les entendons bien souvent même en public. La gentillesse et la capacité de remercier sont vues comme une marque de faiblesse, cela suscite même de la méfiance. Il faut lutter contre cette tendance au sein même de la famille. Nous devons devenir intransigeants sur l’éducation à la gratitude, à la reconnaissance : la dignité de la personne et la justice sociale passent toute les deux par là. Si la vie familiale néglige ce style, la vie sociale aussi le perdra. La gratitude, pour un croyant, est aussi au cœur même de la foi : un chrétien qui ne sait pas remercier est quelqu’un qui a oublié la langue de Dieu. C’est vraiment triste ! Souvenons-nous de la question de Jésus, lorsqu’il a guéri dix lépreux et qu’un seul d’entre eux est revenu le remercier (cf. Lc 17,18). Une fois, j’ai entendu dire d’une personne âgée, très sage, très bonne, simple, mais avec cette sagesse de la piété, de la vie : « La gratitude est une plante qui ne pousse que dans la terre d’âmes nobles ». Cette noblesse de l’âme, cette grâce de Dieu dans l’âme nous pousse à dire merci, à la gratitude. C’est la fleur d’une âme noble. C’est beau, cela !
Le troisième mot est « pardon ». Une parole difficile, c’est vrai, et pourtant tellement nécessaire. Quand elle manque, les petites fissures s’élargissent – même sans le vouloir – jusqu’à devenir de profonds fossés. Ce n’est pas pour rien que, dans la prière enseignée par Jésus, le « Notre Père », qui résume toutes les questions essentielles pour notre vie, nous trouvons cette expression : « Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6,12). Reconnaître que l’on a commis une faute, et être désireux de restituer ce qui a été pris – respect, sincérité, amour – rend digne du pardon. Et c’est comme cela que l’infection s’arrête. Si nous ne sommes pas capables de nous excuser, cela veut dire que nous ne sommes pas non plus capables de pardonner.
Dans la maison où l’on ne s’excuse pas, l’air commence à manquer, les eaux deviennent stagnantes. Beaucoup de blessures des sentiments, beaucoup de déchirements dans les familles commencent avec la perte de ce terme précieux : « pardon ». Dans la vie de mariage, on se dispute souvent… et même « les assiettes volent » mais je vous donne un conseil : ne finissez jamais la journée sans faire la paix. Vous entendez bien : vous vous êtes disputés entre mari et femme ? Entre enfants et parents ? Vous vous êtes beaucoup disputé ? Ca ne va pas, mais ce n’est pas cela le problème. Le problème c’est que ce sentiment soit encore là le jour d’après. C’est pourquoi, si vous vous êtes disputés, ne finissez jamais la journée sans faire la paix en famille. Et comment dois-je faire la paix ? Me mettre à genoux ? Non ! Seulement un petit geste, une petite chose et l’harmonie familiale reviendra. Une caresse suffit, sans paroles. Mais ne finissez jamais la journée en famille sans faire la paix. Compris cela ? Ce n’est pas facile, mais il faut le faire. Et avec cela, la vie sera plus belle.
Ces trois mots-clés de la famille sont des mots simples et dans un premier temps, peut-être nous font-ils sourire. Mais lorsque nous les oublions, il n’y a plus de raison de rire, n’est-ce pas ? Notre éducation, peut-être, les néglige trop. Que le Seigneur nous aide à les remettre à leur juste place, dans notre cœur, dans notre maison, et aussi dans notre coexistence civile. Ce sont les mots pour entrer vraiment dans l’amour de la famille.
©Libreria Editrice Vaticana - 2015
Engagez-vous en politique pour une société plus juste
Dialogue avec le pape François
Réflexions du pape François sur l’engagement des catholiques en politique à l’occasion de la rencontre avec les Communautés de vie chrétienne d’Italie et la Ligue missionnaire des étudiants italiens.
Mais on entend dire : « Nous devons fonder un parti catholique ! ». Ce n’est pas la voie. L’Église est la communauté des chrétiens qui adore le Père, qui va sur la route du Fils et reçoit le don de l’Esprit-Saint. Ce n’est pas un parti politique. « Non, nous ne disons pas un parti, mais… un parti uniquement pour les catholiques ». Cela n’est pas utile et n’aura pas la capacité d’impliquer, parce qu’il fera ce pour quoi il n’a pas été appelé. « Mais un catholique peut-il faire de la politique ? – Il doit ! – Mais un catholique peut-il s’immiscer dans la politique ? – Il doit ! ».
Le bienheureux Paul VI, si je ne me trompe pas, a dit que la politique était une des formes les plus élevées de la charité, parce qu’elle recherche le bien commun. « Mais Père, ce n’est pas facile de faire de la politique, parce que dans ce monde corrompu… à la fin tu ne peux pas avancer… ». Que veux-tu me dire, que faire de la politique est un peu une forme de martyre ? Oui. Oui, c’est une forme de martyre. Mais c’est un martyre quotidien : chercher le bien commun sans te laisser corrompre. Chercher le bien commun en réfléchissant aux voies les plus utiles pour cela, les moyens les plus utiles. Chercher le bien commun en travaillant dans les petites choses, toute petites, de peu… mais c’est possible. C’est important de faire de la politique : la petite politique et la grande politique.
Dans l’Église, il y a beaucoup de catholiques qui ont fait de la politique propre, bonne ; et même qui ont favorisé la paix entre les nations. Pensez aux catholiques, ici, en Italie, de l’après-guerre : pensez à De Gasperi. Pensez à la France, Schuman, dont la cause de béatification est en cours. On peut devenir saint en faisant de la politique. Et je ne veux pas en nommer plus : deux exemples suffisent, de ceux qui veulent avancer dans le bien commun. Faire de la politique est une forme de martyre : vraiment un travail de martyre, parce qu’il faut toute la journée avancer avec cet idéal, tous les jours avec cet idéal de construire le bien commun. Et aussi porter la croix de bien des échecs, et aussi porter la croix de nombreux péchés. Parce que c’est difficile, dans le monde, de faire le bien au milieu de la société sans se salir un peu les mains ou le cœur ; mais pour cela, tu vas demander pardon, tu demandes pardon et tu continues.
Mais que cela ne te décourage pas. « Non, Père, je ne fais pas de politique parce que je ne veux pas pécher. – Mais tu ne fais pas le bien ! Va de l’avant, demande au Seigneur de t’aider à ne pas pécher, mais si tu te salis les mains, demande pardon et avance ! ». Mais faire, faire… Et se battre pour une société plus juste et plus solidaire. Quelle est la solution que ce monde globalisé nous offre aujourd’hui, pour la politique ? Simple : au centre, l’argent. Non pas l’homme et la femme, non. L’argent. Le dieu argent. Au centre. Tout le monde au service du dieu argent. Mais pour cela, ce qui ne sert pas au dieu argent est jeté.
Et ce que nous offre, aujourd’hui, le monde globalisé, c’est la culture du rebut : ce qui ne sert pas, on le jette. On rejette les enfants, parce qu’on ne fait pas d’enfants ou parce qu’on tue les enfants avant leur naissance. On rejette les personnes âgées, parce que… les personnes âgées ne servent pas… Mais maintenant qu’on n’a pas de travail, on va trouver les grands-parents pour que leur retraite nous aide ! Mais ils servent momentanément. On rejette, on abandonne les personnes âgées. Et maintenant, il faut diminuer le travail parce que le dieu argent ne peut pas tout faire, et on rejette les jeunes : ici, en Italie, les jeunes de moins de 25 ans – je ne veux pas me tromper, corrige-moi – 40 à 41 pour cent sont sans travail. On rejette… Mais c’est le chemin de la destruction. Et moi, catholique, je regarde du balcon ?
On ne peut pas regarder du balcon ! Immisce-toi là ! Donne le meilleur de toi ! Si le Seigneur t’appelle à cette vocation, vas-y, fais de la politique ! Cela te fera souffrir, cela te fera peut-être pécher, mais le Seigneur est avec toi. Demande pardon et va de l’avant ! Mais ne permettons pas que cette culture du rebut nous rejette tous ! Elle rejette aussi la création, parce que tous les jours la création est un peu plus détruite. N’oubliez pas cette parole du bienheureux Paul VI : la politique est une des formes les plus élevées de la charité. Je ne sais pas si j’ai répondu… J’avais écrit un discours… peut-être ennuyeux, comme tous les discours ; mais je le remettrai, parce que j’ai préféré ce dialogue…
Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi ! Merci.
© Zenit.org - 2015
Commission Tourisme et Casino… Pour quoi ? Pour qui ?
Rapport de la Commission Justice et Paix
La Commission diocésaine justice et paix a adopté lors de son assemblée du 16 avril 2015 le rapport présenté par la sous-commission Tourisme et casino concernant l'opportunité de mettre en place un ou des casinos en Polynésie dans le cadre du développement du tourisme. Ce rapport qui s'appuie sur de nombreux documents de références éclaire le débat du développement durable et humain de notre économie touristique. En voici une synthèse :
1. La Polynésie a-t-elle besoin du tourisme pour se développer ?
OUI, mais pas dans n'importe quelles conditions.
• Le tourisme représente la première ressource économique du Pays : en terme de recettes touristiques, de nombre d'emplois directs et indirects et de PIB. Recettes touristiques : 41 milliards de F CFP, soit 37 % du total des exportations de biens et de services - Balance des paiements des transactions courantes positive de 27 milliards de F CFP (dépenses des touristes étrangers en Polynésie - dépenses des résidents en voyage à l'étranger) ;
- 2 700 entreprises (hôtellerie-restauration 2/3 des entreprises, transports 25 %, autres activités touristiques, culturelles, récréatives et sportives 7 %) ;
- 9 800 personnes (16 % des effectifs salariés).
• Situation de notre tourisme
La fréquentation touristique a baissé régulièrement depuis 2008 jusqu'à 154 000 touristes en 2010, après un maximum de 230 000. L'année 2014 connaît un léger redressement.
- La Polynésie est nettement distancée par : Hawaii 8 millions de touristes, Guam un million de touristes, Fidji 661 000 visiteurs (chiffres 2013).
- Elle a de nouveaux concurrents dans le Pacifique : les îles Cook (122 000), les îles Samoa (126 000) qui accueillaient entre 4 et 3 fois moins de touristes que la Polynésie en 1990.
• Quels sont nos atouts ?
Les études de motivations et de satisfaction effectuées auprès des touristes (par l'ITSTAT) ont révélé qu'ils sont venus rechercher principalement la beauté de nos îles et l'authenticité de la culture polynésienne. Cette richesse est donc essentiellement d'ordre naturel, qui est fragile. Il faut donc la protéger et non la dénaturer avec des aménagements et des équipements disproportionnés.
NON, le casino n'est pas une bonne solution.
Ce n'est pas la présence d'un casino qui va inciter plus de touristes à venir en Polynésie. Ce n'est pas ce que les touristes recherchent.
Si le casino n'est pas destiné à accueillir des touristes étrangers, il est destiné à notre population qui souffre déjà du fléau des jeux et loteries officiels et clandestins (plus de 5 milliards de F par an). Car, sans le dire, il s'agit d'implanter des salles de bandits-manchots ou jackpot accessibles à tous (comme en Nlle-Calédonie 250 à 300 machines par salle). Un moyen de plus pour appauvrir nos familles en majorité modestes, et provoquer des drames sociaux qu'il faudra à notre tour soigner. Un casino est aussi un moyen de blanchir de l'argent sale (trafics en tout genre : drogue, prostitution, corruption...)
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2. Quelles conséquences avec les grands projets dits « structurants » ?
Selon l'IEOM, « l'ampleur des projets considérés soulève des enjeux financiers et environnementaux et pose des défis de développement et de formation professionnelle. Ce changement d'échelle nécessitera également de pouvoir s'insérer dans les caractéristiques et l'image actuelles du territoire. »
• Au niveau économique : le chiffre pharamineux de 350 milliards CFP est voisin du montant de la masse monétaire disponible en Polynésie (388 md CFP). C'est un nouveau CEP, mais avec l'arrivée d'entreprises étrangères, car les nôtres n'ayant pas la taille pour lutter (appel d'offres ouvert), l'arrivée de main-d'œuvre étrangère, notre main d'œuvre n'étant pas suffisamment nombreuse ou qualifiée. De plus, le Pays prend des mesures d'exonération de taxer douanières des produits importés par ces investisseurs, avec une contrepartie légère. Cela peut conduire à une forme de concurrence déloyale avec les hôtels et restaurants de la place et tous les importateurs locaux.
• Au niveau environnemental : le seul projet du Mahana Beach entraîne un bouleversement total de l'écosystème du littoral, avec un remblai gigantesque sur le lagon avec des matériaux provenant de la destruction de notre environnement et entraînant des nuisances routières des moyens de transport. Il s'agit ensuite de subir la présence de tours de plus de 100m de haut défigurant le paysage de cette zone.
• Au niveau humain : sommes-nous vraiment prêts à accueillir un tourisme de masse ? La réalisation de ces projets passe par l'expulsion de petits propriétaires qui n'ont pas les moyens de suivre les procédures judiciaires pour s'y opposer (exemple de Hawaii). Et l'on peut craindre qu'à l'avenir, lorsqu'il y a des types de « ghetto » touristiques qui se forment, des privatisation d'espaces lagonaires peuvent susciter des sentiments anti touristes plus ou moins violents par frustration et dépossession des biens traditionnels (seuil de tolérance).
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3. Quelles formes de tourisme choisir pour la Polynésie ?
Aucune politique touristique n'a été définie et fixée clairement par les gouvernements successifs de la Polynésie. Il existe pourtant des pistes pour la fonder :
• Le tourisme durable,
Seul garant d'un véritable développement. Plusieurs études y ont été consacrés :
• Le thème « Tourisme et biodiversité » de la Journée Mondiale du Tourisme 2010 proposée par l'ONU, est né d'une profonde préoccupation « pour les répercussions sociales, économiques, environnementales et culturelles dérivant de la perte de la diversité biologique ... la demande touristique se tourne de plus en plus vers les destinations de la nature ...
• Le rapport sur le « Tourisme et développement durable en France » du Conseil économique, social et environnemental (CESE - du 12 novembre 2014) recommande de :
- promouvoir un tourisme "au plus près des terroirs" par opposition à la concentration spatiale et temporelle du tourisme actuel
- répondre à la diversité de la clientèle et développer un tourisme fondé sur les atouts des territoires.
• Le tourisme solidaire
Il met au centre du voyage l'homme et la rencontre, et s'inscrit dans une logique de développement des territoires. Une partie des bénéfices (ou une participation financière par voyageur) est reversée pour le développement de projets utiles à toute la communauté visitée.
Il s'agit, par ce biais, de créer un lien de solidarité entre les voyageurs et les populations visitées.
Cette vision du développement du tourisme correspond à la doctrine sociale de l'Église, dans la recherche du Bien commun.
L'Église part de la conviction qu'elle a elle-même « une responsabilité envers la création et doit la faire valoir dans la sphère publique aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l'eau et l'air comme dons de la création appartenant à tous, mais elle doit surtout protéger l'homme de sa propre destruction ».
Le Magistère insiste à plusieurs reprises sur « la protection de l'environnement constitue un défi pour l'humanité tout entière : il s'agit du devoir, commun et universel, de respecter un bien collectif ».
Pour cela, le tourisme doit être respectueux de l'environnement, cherchant à atteindre une harmonie parfaite avec la Création, pour que, tout en garantissant la durabilité des ressources dont il dépend, il ne donne pas lieu à des transformations écologiques irréversibles.
© Archidiocèse de Papeete - 2015
Le couvent de Rouru – Mangareva – 1836-1903 [2]
Fragments d’histoire
Dans le cadre de l’année de la Vie consacrée, nous reprenons ici la découverte de l’histoire de la vie religieuse en Polynésie. Cette fois-ci nous nous arrêterons sur les prémices de la vie religieuse féminine avec l’histoire méconnu du « Couvent du Sacré-Cœur » à Mangareva. Cet essai de l’histoire du couvent a été écrit par Jean-Paul DELBOS et publié dans la 3ème édition du livre : « La Mission du bout du monde » en 2011.
III. ROURU, HISTOIRE D'UNE COMMUNAUTÉ
Rouru (officiellement « couvent des Sacrés Cœurs ») : une soixantaine d'années d'existence (1836-1903), à peine plus d'un demi siècle, moins que la durée de vie de la dernière pensionnaire du couvent morte à 70 ans en 1903. C'est à la fois très peu et beaucoup.
Très peu si l'on compare aux couvents ou institutions les plus connus qui, bien souvent, sont plusieurs fois centenaires. Mais c'est beaucoup si l'on rapporte cette durée aux chiffres de la population de l'archipel qui n'a jamais dépassé 2 500 personnes pour tomber même à 400/500 à la fin du XIXè et au début du XXè siècle... Si l'on s'en tient aux seules considérations démographiques, Rouru avait donc un très lourd handicap, qui d'ailleurs n'a cessé de s'alourdir avec les épidémies, les défections et les effets des disettes. Et cependant Rouru, malgré son état actuel de ruine avancée, laisse deviner la force de conviction, la masse d'efforts et d'énergie vitale qui ont été déployés en un si court laps de temps. Le vaste enclos, les nombreuses constructions, les murs solides et bien bâtis sont les témoins et la preuve d'une vaillance et d'un dévouement dignes des plus grandes œuvres. Telles sont en résumé les constatations que permettent de faire la succession d'événements rapportés dans les pages qui suivent.
Ces « fragments d'histoire » ne sont pas destinés à déboucher sur une thèse qui fournirait une interprétation générale de l'expérience de Rouru. Ils ne sont rassemblés que pour montrer que Rouru a eu une identité affirmée, une existence cohérente obéissant à une logique bien définie en vue d'un objectif clair de haute valeur spirituelle.
À quelle date remonte la fondation du couvent de Rouru ?
Avant de répondre à cette question, il faut situer cette œuvre dans l'ensemble du programme que devaient réaliser les missionnaires. Ils avaient une quintuple mission : 1° baptiser la population et « renverser les faux dieux » ; 2° soigner les malades ; 3° aider les familles à mieux vivre, y compris matériellement ; 4° éduquer les jeunes ; 5° construire pour Dieu (églises) et pour ses serviteurs (presbytères). Toutes ces tâches étaient prioritaires et la correspondance des Pères nous révèle que toutes ont été entreprises dès les premières semaines et menées de front. Certes les ouvriers étaient nombreux (1 prêtre pour chacune des 4 îles habitées) mais l'ouvrage était considérable. La mise en place d'un couvent (non prévue dans les objectifs) ne pouvait donc être qu'une activité marginale, ce qui explique que les lettres n'en fassent guère mention. Néanmoins, il apparaît que l'initiative a été lancée dès le début de l'action missionnaire, et l'importance prise par le projet montre qu'il n'a pas été considéré comme secondaire.
En fait, très vite, le Père Cyprien Liausu (arrivé à Mangareva le 9 mai 1835) a observé que le comportement des jeunes filles de l'île et leur goût pour le travail méritaient d'être encouragés et orientés vers une forme de vie s'inspirant de l'esprit religieux. Trois témoignages le confirment :
Le premier n'est pas directement lié au projet Rouru mais il fournit un indice intéressant. On le trouve dans le journal du Père Désiré Maigret, ss.cc. arrivé à Mangareva en même temps que Cyprien Liausu (il sera nommé évêque des Sandwich (Hawaii) le 1er en 1847 et il le restera jusqu'en 1882). Dans son journal, Désiré Maigret note à la date du vendredi 7 septembre 1836 : « M. Cyprien accompagné d'une soixantaine d'enfants vient chercher du taro dans la baie où je me trouve (dans l'île de Taravai) ». Or, dans une longue lettre de 1838, le Père Cyprien reprend et développe cette même démarche dans laquelle on trouve en germe son projet Rouru : « Les garçons étaient d'un côté et les filles de l'autre. Ce terrain qui fut tout défriché, contre toute mon espérance tant l'ouvrage était grand, ce terrain fut planté en taro ».
Le deuxième témoignage est celui du Père Caret qui écrit, dans une lettre de 1841 : « Ce fut de leur propre mouvement que les jeunes filles de l'archipel prirent cette détermination (prier et travailler ensemble)... Il y a près de 5 ans qu'elles vivent ainsi de la manière la plus édifiante ». « Il y a près 5 ans… »… c'est-à-dire en 1836.
Le troisième témoignage est celui du Père Laval, ss.cc. qui, dans ses « Mémoires », au chapitre consacré aux événements de 1836, livre le commentaire suivant : « Ce fut au début de ces plantations que se forma le couvent de Rouru, ou “Communauté des Sacrés Cœurs”. Le Père Cyprien s'étant aperçu que c'était les filles qui travaillaient le plus laborieusement continua de les occuper à diverses plantations... Elles finirent par ne plus vouloir s'en retourner chez leurs parents... et alors on leur bâtit une case commune... »
Quelques paragraphes plus haut, le Père Laval signale (sans préciser la date) que les matelots du navire de M. Hébril viennent « rôder autour de nos réunions d'hommes et de femmes où domine la jeunesse des deux sexes, tous occupés à défricher et à planter ». Or Désiré Maigret date l'arrivée du 3 mâts de M. Hébril du 12 juillet 1836...
1836 est donc l'année où, selon toute vraisemblance, le couvent de Rouru a commencé à devenir une réalité. L'archipel était quasiment en état de surpeuplement avec près de 2 500 habitants.
1837 Mgr Rouchouze, ss.cc. (1er évêque de Polynésie, « Vicaire apostolique », résidant à Aukena , a fait partie avec le P. Laval et le Père Caret du premier groupe de pionniers de l'évangélisation des Gambier, arrivé à Mangareva le 8 août 1834) écrit dans sa lettre du 27 novembre 1837 : « Presque toutes les jeunes filles de nos îles se sont fait des espèces de couvents où elles veulent vivre en communauté. Dans le principe, M. Cyprien Liausu occupait une quinzaine de jeunes personnes laborieuses à défricher un coin de terre envahi par les roseaux. Elles proposèrent de se construire une cabane qui pût les mettre à l'abri de la pluie. On le leur permit en croyant ne satisfaire qu'un enfantillage. Une fois installées, elles n'ont plus voulu retourner chez leurs parents... Elles s'appellent du nom de sœurs et ne font rien sans demander la permission à celle qu'elles ont choisie comme supérieure. Leur nombre s'est accru jusqu'à 24 et il serait bien plus grand si nous voulions écouter toutes les vocations... Elles exécutent des travaux dont nous sommes tous étonnés. J'ai menacé “le Père Fondateur”, comme nous l'appelons en plaisantant, de l'interdire lui et son couvent, s'il ne modérait l'ardeur et l'activité de leur zèle... Il nous faudrait 3 ou 4 jeunes personnes qui sussent lire, écrire, coudre et filer, en un mot qui fussent en état de servir aux autres de maîtresses »...
1838 En décembre, le Père Caret, de retour de France, voulut se rendre compte par lui-même de la manière de vivre des jeunes filles de Rouru. « …leur établissement est situé sur un plateau qui domine la mer, au pied du grand pic. Là se trouve une cabane assez vaste où elles sont réunies au nombre de trente environ. Leur occupation habituelle est de filer, mais elle n'est pas la seule... Elles ont défriché un terrain assez vaste, où l'on voit croître le coton, les bananes, les haricots, les ignames, les patates douces, les carottes, les choux, etc. Elles vivent comme des religieuses... Elles avaient appris que j'avais conduit des religieuses à Valparaiso, cela leur a donné envie d'en avoir dans leur île. Pourquoi ne les as-tu pas amenées jusqu'ici, me dirent-elles ? »...
1840 Le 12 avril, le Pylade, navire de guerre commandé par Félix Bernard, arrive à Mangareva, avec à son bord le médecin Pierre-Adolphe Lesson qui a publié ses notes de voyage : « Les Pères ont établi dans un endroit retiré, mais gracieux, à peu de distance du village de Rikitea, une cabane qu'ils ont décorée du nom d'école normale et où logent 40 jeunes filles choisies, élevées comme dans un couvent, sous la direction de trois femmes d'un certain âge et instruites... Dans ce petit couvent, car c'en est un dans toute l'acception du mot, on apprend à lire à écrire à ces jeunes filles, vouées aux pratiques journalières de la religion. À leurs heures de loisir, elles doivent chacune se livrer à la culture d'une petite étendue de terrain qui leur est concédée, puis ce sont elles qui récoltent le coton, en épluchent la bourre avant qu'il soit livré à la fabrication des étoffes. L'écriture de ces jeunes filles est généralement bonne... Leur papier ordinaire consiste en feuilles de bananiers séchées pour les débuts, et elles n'ont du papier de chiffon que quand elles sont déjà avancées en calligraphie. M. de La Tour (Frère Urbain) a extrait du brou de noix de cocos le principe astringent avec lequel il compose l'encre à écrire »....
1841 Le 31 mai 1841, un terrible cyclone s'abat sur l'archipel. Le Père Laval écrit dans ses « Mémoires » : « Le Père Cyprien et tout Rouru sortirent de la grande église où ils tentaient de s'abriter et allèrent se réfugier dans la maison du roi en clayonnage et en chaux. La tempête passée, le Père Cyprien avait préféré se retirer à Rouru où leur grande case, également en feuilles, avec deux compartiments, était debout. C'est là que couchèrent quelque temps le Père (Cyprien) et nos trois Frères (Gilbert, Fabien, Henri) en attendant qu'un nouveau presbytère rut élevé à la hâte »...
Lettre du Père Caret à son supérieur général, du 16 juillet 1841 : « À l'époque de la conversion de l'archipel de Mangareva, un certain nombre de jeunes filles se réunirent pour prier et travailler ensemble ; elles sont maintenant (1841) au nombre de 53, entièrement séparées du reste des indigènes... Elles se choisissent une supérieure à laquelle toutes obéissent avec la plus grande ponctualité.... Le lieu qu'elles habitent s'appelle Rouru. Elles rendent déjà de grands services à la Mission : 5 écoles sont tenues par elles dans la grande île (Mangareva) ; dix pensionnaires (élèves de l'école) sont élevées dans leur retraite et dans ce nombre se trouvent toutes les jeunes filles de la famille royale. Le plus ardent désir de Rouru est d'avoir des religieuses (de la Congrégation SS.CC.) pour recevoir leurs instructions et vivre comme elles jusqu'à la mort ».
Lettre d'une pensionnaire de Rouru au Supérieur Général de la congrégation SS.CC. : « Envoie-nous des religieuses ; c'est à toi qu'il appartient de nous en envoyer. Nous les attendons tous les jours ». (s) Gotepereta.
« Cette personne, écrit Cyprien Liausu, est la Supérieure de Rouru. C'est elle qui a écrit ceci d'elle-même - le 16 juillet 1841 » et il ajoute : « L'école a plus de 80 personnes ».
Une autre lettre a été envoyée à la Supérieure générale, à la même date, par Keina. Cyprien Liausu l'a traduite, avec ce commentaire : « Le navire part à l'instant et il faut d'ailleurs que je me rende à Taravai. C'est donc traduit à la hâte mais la traduction est fidèle »...
1842 Le 16 juin 1842, le Père Cyprien fait mention de la « maison d'éducation pour les filles » (école dont s'occupent les sœurs de Rouru) ; d'après Mgr Jaussen (inventaire de 1849), elle mesure 15 pieds sur 20 mais toutes ses mesures sont sous-évaluées.
Lettre de Cyprien Liausu du 16 juin 1842 : « On va faire dans 8 à 10 jours une autre maison de 90 pieds de long à Rouru ».
1843 Lettre de Cyprien Liausu à son Supérieur Général : « Gilbert (Soulié) et Fabien (Costes), deux frères convers ss.cc., ont construit une autre maison de 93 pieds de long sur 25 de large. Cette maison est habitée par les 80 personnes (les sœurs) dont je vous ai parlé et qui n'attendent que votre agrément et celui de Mme Françoise (Françoise de Viart, la Supérieure Générale de la branche féminine de la congrégation SS.CC.) pour être agrégées à la congrégation des Sacrés Cœurs, ss.cc. ».
Le « Marie-Joseph », brick-goélette ramenant Mgr Rouchouze fait naufrage à hauteur des Malouines ou du Cap Horn. Mgr Rouchouze était accompagné de 25 prêtres, frères et religieuses de la congrégation SS.CC. On peut penser qu'une ou plusieurs religieuses auraient été affectées à Rouru. L'évolution du couvent aurait, sans nul doute, pris un autre tour.
1844 Lettre 24 avril 1844 de Sœur Régis Flechel, de passage à Mangareva, en route pour Tahiti où sa congrégation (Sœurs de St Joseph de Cluny) commence à s'installer : « Il y a aux Gambier une espèce de couvent où elles sont, petites et grandes, près de 60 jeunes filles. Elles cultivent leur bien, elles filent et enfin vivent d'une manière plus régulière que les autres. Les pauvres enfants ne se rassasiaient pas de nous voir tant leur joie était grande. Nous leur avons montré à coudre et nous avons taillé et cousu une robe à la reine ».
« Jeudi 26 septembre, le Père Cyprien et moi avons fait le tour de Rouru. J'ai trouvé l'établissement très vaste et très solide ». (Journal de François de Paul Baudichon, ss.cc., futur évêque des Marquises de passage aux Gambier).
[à suivre]
© La Mission du bout du monde - 2011
Méditation sur la Parole
Tout autre chose maintenant : je me souviens d'une communauté de moines que je rencontrais avec stupéfaction à l'âge de 20 ans. Je pensais : « Ils sont complètement coupés du monde ! » J'ai découvert qu'ils étaient incroyablement branchés sur le monde, au courant de tous les événements importants sans être noyés par le superficiel, portant ce monde dans leur prière, accueillant ce monde car on venait chez eux prendre du recul avec leur aide et laisser décanter les événements.
Ces deux exemples montrent qu'il n'est pas si simple pour nous d'être bien dans ce monde, les pieds sur terre, sans fuir en avant et sans à l'inverse se perdre dans les tourbillons des modes. Alors que ce n'est pas si simple, voici que Jésus semble compliquer l'affaire dans l'évangile de ce dimanche en déclarant : « mes disciples ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. »
Comment comprendre cette provocation ? Eh bien je regarde comment Jésus se comporte tout au long de l'Évangile. Il ne cesse d'arpenter son monde et d'établir de nouveaux contacts. Il parle aux gens de leur vie ordinaire : l'argent, le travail, les relations quotidiennes. Il ne fuit absolument pas ce monde, mais d'un autre côté il est bien souvent un signe de contradiction. Les lépreux, les malades, les pécheurs, les étrangers, il les approche, il les touche, tandis que les gens « bien comme il faut » ne veulent pas même le voir. Il dénonce avec force l'hypocrisie de certains puissants de son époque. On voudrait faire de lui un roi, on voudrait faire de lui un magicien ? Il revendique d'être simplement l'envoyé du Dieu très bas. Ainsi, lorsqu'on voit comment Jésus agit tout au long de l'Évangile, on comprend mieux : Jésus, après sa mort sur la croix et sa résurrection, va quitter ses disciples. Ses dernières recommandations portent sur la manière d'être dans ce monde. « Mes disciples ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde », dit-il, mais d'un autre côté, dans sa prière, il dit au Père : « De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. »
Une première clef de compréhension est là : être non pas du monde, mais dans le monde. Non pas sous la dépendance du monde, de ses courants et de ses modes, mais dans le monde, dans la pâte de ce monde et au service de ce monde loin des rêves ou de l'enfermement dans une tour d'ivoire.
Et puis voici une deuxième clef de compréhension : si nous sommes envoyés dans le monde, c'est donc que nous sommes porte-parole de celui qui nous envoie. Nous sommes porteurs de la parole qui vient de Dieu. C'est comme cela que je comprends les paroles de Jésus que nous venons d'entendre : « Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom... Consacre-les par la vérité. Ta Parole est vérité. »
Ce que je comprends dans le texte d'aujourd'hui c'est que si je veux être fidèle à Dieu, je dois trouver une position d'équilibre pas toujours facile j'en conviens. Ne pas fuir ce monde, ne pas être ballotté par les « prêts à penser » qui viennent du monde prétendument branché, trouver le moyen d'être dans ce monde porte-parole de Dieu qui crée ce monde, aime ce monde et désire ce monde libre !
© Le Jour du Seigneur