PKO 14.06.2015
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°34/2015
Dimanche 14 juin 2015 – 11ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
La gratuité…
« Le chemin du service est gratuit parce que nous avons reçu le salut gratuitement, en pure grâce. C’est triste quand nous trouvons des communautés chrétiennes, que ce soit des paroisses, des congrégations religieuses, des diocèses, qui oublient la gratuité, parce que derrière cela, il y a l’erreur de croire que le salut vient des richesses et du pouvoir humain ». (Pape François – Homélie du 11 juin 2015).
Voici un fondamental de la vie chrétienne qui nous est rappelé : la gratuité. Sommes-nous encore capables de gratuité ? Notre Église en Polynésie est-elle encore capable de gratuité ? Pas toujours évident !
Reconnaissons que la préoccupation de faire fonctionner l’institution devient de plus en plus prégnante… les collectes de fonds aussi bien diocésaines que paroissiales et autres… se suivent et se ressemblent… Plus aucun projet ne semble pouvoir se mettre en place sans qu’il y ait vente de ceci ou vente de cela… Un rassemblement paroissial, diocésain… tout de suite des t-shirts à vendre… pas une célébration, pas une messe sans quête…, la gratuité semble avoir disparu e de nos horizons pastoraux.
« Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement » (Mt 10,8)… un évangile que nous, clergé, aimons citer et commenter lorsque nous vous sollicitons… mais dans quelle mesure l’appliquons-nous à nous-même et à l’Église que nous servons ?
Si notre Archidiocèse semble quelque peu souffreteux, en panne… certes la longue attente d’un archevêque n’y est pas pour rien… mais n’avons nous pas aussi tout simplement oublié l’essentiel pour le matériel ? Ne sommes-nous pas trop arcbouté sur la nécessité du fonctionnement au détriment de l’annonce de l’Évangile ?
Nous devons laisser raisonner en nous ces propos du Pape François… après tout n’est-il pas « notre évêque » du moment, puisque nous avons un « Administrateur apostolique » et non un « Archevêque » ?
Le Pape conclu son homélie en mettant en garde contre le fait que « quand l’espoir réside dans son propre confort, ou quand l’espoir est dans l’égoïsme de chercher les choses pour soi et non pour servir les autres, ou quand l’espoir est dans les richesses ou dans les petites sécurités mondaines, tout cela s’écroule. Le Seigneur lui-même le fait écrouler ».
Ne serait-ce pas cette conversion que le Seigneur attend de nous, avant de nous donner un Archevêque ?
Chronique de la roue qui tourne
Préavis de grève aux éditions du « P.K.0 »
« Le rire, c'est comme les essuie-glaces, ça permet d'avancer, même si ça n'arrête pas la pluie. » - G. Jugnot
« Cher patron,
Au vu de l'actualité et par solidarité territoriale, veuillez considérer la présente comme un préavis de grève. Mes points de revendications portent essentiellement sur la revalorisation de mon salaire et la mise en place d'heures supplémentaires.
J'avais pensé, dans un premier temps, bloquer mon lieu de travail. J'ai même préparé des pancartes avec le même slogan "handicapée exploitée". Je dois dire que je suis assez fière d'avoir trouvé cette rime pauvre, pourvu qu'elle m'attire la sympathie de l'opinion publique. Mon seul souci est que mon lieu de travail étant ma chambre, le préjudice pour vous est faible voire même quasi nul. Me voilà bien embêtée. Je cherche donc un autre plan d'action.
Bien évidemment, je pourrai cesser tout travail dès demain. Cependant, je dois admettre que le succès du P.K.0, dans lequel j'écris depuis 3 mois, se date en années. Difficile, encore une fois, de faire pression.
Néanmoins, j'estime être dans mon bon droit car, à ce jour, je n'ai signé aucun contrat. Tout s'est fait oralement. Vous m'avez proposé une chronique hebdomadaire, chaque rubrique m'enlevant des heures au Purgatoire. Par désespoir, j'ai accepté. Cependant, cet accord ne tient pas compte de la pénibilité du travail et ne récompense aucunement mon sérieux. Notez que je travaille presque toujours le dimanche ou dans la nuit. Alors, ces heures de dur labeur devraient être comptées en heures supplémentaires, surtout que je prends mes repas sur mon temps libre.
Forte de ces arguments, j'ai rencontré un syndicat pour me représenter. Figurez-vous qu'il ne connaissait pas votre entreprise ! Selon lui, aucune marque "PK0" n'a été déposée auprès de l'INPI. Imaginez ma stupeur ! En outre, il m'a répondu qu'il ne "travaillait" pas avec des entreprises microscopiques comme la vôtre. Pour lui, mon cas relève du caritatif et il n'est pas expert dans le domaine. Un comble n'est-ce pas ! Il m'a tout de même suggéré une grève de la faim ! Personnellement, je trouve qu'une grève de la faim serait de mauvais goût : faire une grève de la faim contre celui qui offre des repas. Ça risque de ne pas passer médiatiquement !
Je vous prie de croire que je suis consciente de ma situation précaire. Si "l'humeur" vous prenait, et vos humeurs sont légendaires, je serais la première, et la seule, à tomber sous le coup d'un licenciement économique. J'aimerais beaucoup donner une autre fin à ma carrière.
Aussi, j'espère que vous comprendrez mes revendications et que nous trouverons vite un terrain d'entente.
Veuillez croire, Monsieur le Patron, à l'expression sincère de tout ce baratin.
La chaise masquée
PS : vous trouverez ci-joint ma chronique de la semaine prochaine. Mille mercis !
En aucun cas je cherche à me moquer, le droit de grève est un droit inaliénable que toute démocratie se doit de respecter. Mais souvent l'humour est le seul moyen d'expression devant une pénible situation.
Famille et maladie : héroïsme et école de vie
Audience générale du mercredi 10 juin 2015 – Pape François
Aider les malades, sans se perdre en « bavardages » : voilà la consigne du pape François, dans sa catéchèse sur la place des malades dans les familles.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous continuons avec les catéchèses sur la famille et, dans cette catéchèse, je voudrais aborder un aspect très courant dans la vie de nos familles, celui de la maladie.
C’est une expérience de notre fragilité que nous vivons la plupart du temps en famille, depuis que nous sommes tout petits, et ensuite surtout en vieillissant, quand arrivent les petits ennuis de santé.
Dans le cadre des liens familiaux, la maladie des personnes que nous aimons est subie comme un « plus » de souffrance et d’angoisse. C’est l’amour qui nous fait sentir ce « plus ». Bien souvent, pour un père et une mère, c’est plus difficile de supporter le mal d’un fils ou d’une fille que si c’était soi-même. La famille, pouvons-nous dire, a été depuis toujours l’« hôpital » le plus proche. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses parties du monde, l’hôpital est un privilège pour quelques-uns et, souvent, il est loin. C’est la maman, le papa, ce sont les frères, les sœurs, les grands-parents qui garantissent les soins et aident à guérir.
Dans les Évangiles, de nombreuses pages font le récit des rencontres de Jésus avec les malades et de ses efforts pour les guérir. Il se présente publiquement comme quelqu’un qui lutte contre la maladie et qui est venu pour guérir l’homme de tout mal : le mal de l’esprit et le mal du corps. La scène évangélique qui vient d’être évoquée dans l’Évangile de Marc est vraiment émouvante. Elle dit ceci « Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons » (1,32).
Si je pense aux grandes villes contemporaines, je me demande où sont les portes devant lesquelles apporter les malades en espérant qu’ils seront guéris ! Jésus ne s’est jamais soustrait à leur soin. Il n’est jamais passé outre, il n’a jamais détourné son visage. Et quand un père ou une mère, ou bien aussi simplement des personnes amies qui amenaient un malade pour qu’il le touche et le guérisse, il ne laissait pas passer un délai ; la guérison arrivait avant la loi, y compris la loi si sacrée du repos le samedi (cf. Mc 3,1-6). Les docteurs de la loi reprochaient à Jésus de guérir le samedi, de faire le bien le samedi. Mais l’amour de Jésus consistait à donner la santé, à faire le bien : et cela doit toujours être à la première place !
Jésus envoie ses disciples accomplir la même œuvre que lui et leur donne le pouvoir de guérir, c’est-à-dire de s’approcher des malades et d’en prendre soin jusqu’au bout (cf. Mt 10,1). Nous devons bien garder à l’esprit ce qu’il a dit à ses disciples dans l’épisode de l’aveugle-né (Jn 9,1-5). Les disciples – avec l’aveugle là devant eux – discutaient pour savoir qui avait péché, parce qu’il était né aveugle, lui ou ses parents, pour être la cause de sa cécité. Le Seigneur répondit clairement : ni lui, ni ses parents ; il est ainsi pour que se manifeste en lui les œuvres de Dieu. Et il l’a guéri. Voilà la gloire de Dieu ! Voilà la tâche de l’Église ! Aider les malades, ne pas se perdre en bavardages, aider toujours, consoler, soulager, être proche des malades : c’est cela, sa tâche.
L’Église invite à la prière continuelle pour nos proches atteints par le mal. La prière pour les malades ne doit jamais manquer. Au contraire, nous devons prier plus, personnellement comme en communauté. Pensons à l’épisode évangélique de la femme cananéenne (cf. Mt 15,21-28). C’est une femme païenne, elle ne fait pas partie du peuple d’Israël, mais c’est une païenne qui supplie Jésus de guérir sa fille. Jésus, pour mettre sa foi à l’épreuve, commence par répondre durement : « Je ne peux pas, je dois d’abord penser aux brebis d’Israël ». La femme ne recule pas – une maman, quand elle demande de l’aide pour sa créature, ne cède jamais ; nous savons tous que les mamans se battent pour leurs enfants – et elle répond : « Même les petits chiens, quand leurs maîtres se sont rassasiés, on leur donne quelque chose ! », comme pour dire : « Au moins, traite-moi comme une petite chienne ! ». Alors Jésus lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v.28).
Devant la maladie, dans les familles aussi les difficultés apparaissent, à cause de la faiblesse humaine. Mais en général, le temps de la maladie fait grandir la force des liens familiaux.
Et pensez combien il est important d’éduquer ses enfants dès le plus jeune âge à la solidarité dans la maladie. Une éducation qui tient à l’écart de la sensibilité à la maladie humaine endurcit le cœur. Et cela aboutit à ce que les jeunes soient « anesthésiés » devant la souffrance d’autrui, incapables de se confronter à la souffrance et de vivre l’expérience des limites. Combien de fois voyons-nous arriver au travail un homme, une femme, le visage fatigué, avec un comportement fatigué et quand on lui demande : « Que se passe-t-il ? », il répond : « Je n’ai dormi que deux heures parce que, chez moi, nous avons un tour de rôle pour être aux côtés de notre petit garçon, de notre petite fille, du malade, du grand-père, de la grand-mère ». Et la journée se poursuit avec le travail. Ce sont des choses héroïques, c’est l’héroïcité des familles ! Ces héroïcités cachées qui se font avec tendresse et avec courage quand il y a quelqu’un de malade chez soi.
La faiblesse et la souffrance de nos proches les plus chers et les plus sacrés peuvent être, pour nos enfants et nos petits-enfants, une école de vie – c’est important d’éduquer nos enfants, nos petits-enfants à comprendre cette proximité dans la maladie en famille – et elles le deviennent quand les moments de maladie sont accompagnés de la prière et de la proximité affectueuse et attentive des membres de la famille.
La communauté chrétienne sait bien que la famille, dans l’épreuve de la maladie, ne doit pas être laissée seule. Et nous devons dire merci au Seigneur pour ces belles expériences de fraternité ecclésiale qui aident les familles à traverser le moment difficile de la douleur et de la souffrance. Cette proximité chrétienne, de famille à famille, est un vrai trésor pour la paroisse ; un trésor de sagesse, qui aide les familles dans les moments difficiles et fait comprendre le Royaume de Dieu mieux que bien des discours ! Ce sont des caresses de Dieu.
© Libreria Editrice Vaticana - 2015
Le Seigneur le donne au sien dans le sommeil !
Récemment une étude médicale a montré que les Français dorment en moyenne six heures par jour alors que l'on estime que huit heures par jour seraient nécessaires.
Des médecins ont montré que ce déficit en sommeil peut provoquer certaines maladies du cœur ou des cancers, sans parler des accidents provoqués par l'inattention. Celle-ci étant induite par le manque de sommeil.
D'autres études montrent qu'une petite sieste de 20 à 30 minutes après le repas de midi a des conséquences très bénéfiques sur la qualité du travail. C'est ce que faisait, par exemple, Albert Schweitzer.
Mais annoncer après le repas de midi qu'on va faire une petite relaxation vous fait passer pour un fainéant. Pourquoi de telles attitudes face au sommeil ?
Souvent nous avons entendu des personnes affirmer d'une manière péremptoire : « Dormir est une perte de temps ! » Ainsi le sommeil est mesuré à l'aune économique, à l'aune de la rentabilité humaine.
Depuis le psychanalyste Sigmund Freud on sait l'importance pour l'homme du sommeil quotidien. C'est un moment important de la vie humaine pendant lequel la personne liquide en rêves, ses angoisses, ses peurs, ses appréhensions et se restructure.
Des expériences médicales ont montré que si on prive des animaux du sommeil et du rêve, cela peut entrainer assez rapidement la mort.
La Bible, dans différents de ses passages, invite l'homme à profiter du sommeil réparateur, à ne pas le négliger et à tisser des liens de confiance avec le Créateur.
C'est pourquoi on entend souvent dans les milieux chrétiens cette très belle phrase : « Le Seigneur le donne aux siens dans le sommeil ».
Freddy Sarg. Pasteur
© L’ami hebdo - 2015
Conférence de presse du pape François Au cours du vol retour de Sarajevo
Silvije Tomašević : Bonsoir, Sainteté, de nombreux croates sont naturellement venus ici en pèlerinage, ils se demandent si Sa Sainteté ira en Croatie… Mais comme nous sommes en Bosnie-Herzégovine, il y a aussi un grand intérêt pour votre jugement sur le phénomène de Medjugorge…
Pape François : Sur le problème de Medjugorge le Pape Benoît XVI, en son temps, avait fait une commission présidée par le Cardinal Camillo Ruini ; il y avait aussi d’autres Cardinaux, théologiens, spécialistes. Ils ont réalisé une étude et le Cardinal Ruini est venu chez moi et il m’a remis l’étude, après de nombreuses années – je ne sais pas, 3-4 ans plus ou moins. Ils ont fait un beau travail, un beau travail. Le Cardinal Müller [Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi] m’a dit qu’il aurait fait une « feria quarta » [une réunion consacrée à la question] ces temps-ci ; je crois qu’elle a été faite le dernier mercredi du mois. Mais je ne suis pas sûr… [Note du P. Lombardi : en effet il n’y a pas encore eu une feria quarta consacrée à ce thème]. Nous sommes sur le point de prendre des décisions. Puis, on les communiquera. Pour le moment on donne seulement quelques orientations aux évêques, mais dans la lignes des décisions qu’on prendra. Merci !
Silvije Tomašević : Et la visite en Croatie ?
Pape François : La visite en Croatie ? Je ne sais pas quand elle se fera. Maintenant je me rappelle la question que vous m’avez posée quand je suis allé en Albanie : « Vous commencez la visite en Europe par un pays qui n’appartient pas à la Communauté européenne » ; et j’ai répondu : « C’est un signe. Je voudrais commencer à faire les visites en Europe, en partant des pays les plus petits, et les Balkans sont des pays tourmentés, ils ont tant souffert ! » Ils ont tant souffert… Et pour cela ma préférence est là. Merci.
Anna Chiara Valle : Vous avez parlé de ceux qui fomentent délibérément le climat de guerre, et ensuite vous avez dit aux jeunes : il y a des puissants qui parlent ouvertement de paix et en sous-main font le commerce des armes. Pouvez-vous nous approfondir un peu ce concept…
Pape François : Oui il y a de l’hypocrisie, toujours ! C’est pourquoi j’ai dit qu’il n’est pas suffisant de parler de paix : on doit faire la paix ! Et celui qui parle seulement de paix et ne fait pas la paix se contredit ; et celui qui parle de paix et favorise la guerre – par exemple par la vente des armes – est un hypocrite. C’est aussi simple…
Katia Lopez : (question en espagnol) Saint-Père, dans votre dernière rencontre avec les jeunes vous avez parlé en détail de la nécessité de faire très attention à ce qu’ils lisent, à ce qu’ils voient : vous n’avez pas dit exactement le mot « pornographie », mais vous avez dit « mauvaise fantaisie ». Pouvez-vous approfondir un peu ce concept de la perte de temps…
Pape François : Il y a deux choses différentes : les modalités et les contenus. Sur les modalités, il y en a une qui fait mal à l’âme et c’est d’être trop attaché à l’ordinateur. Trop attaché à l’ordinateur ! Cela fait mal à l’âme et enlève la liberté : elle te fait esclave de l’ordinateur. C’est curieux, dans beaucoup de familles les papas et les mamans me disent : nous sommes à table avec les enfants et eux avec leur téléphone portable sont dans un autre monde. Il est vrai que le langage virtuel est une réalité que nous ne pouvons pas nier : nous devons la conduire sur le bon chemin, parce que c’est un progrès de l’humanité. Mais quand ceci nous éloigne de la vie commune, de la vie familiale, de la vie sociale, mais aussi du sport, de l’art et nous demeurons attachés à l’ordinateur, c’est une maladie psychologique. C’est sûr ! Deuxièmement : les contenus. Oui, il y a des choses sales, qui vont de la pornographie à la semi-pornographie, aux programmes vides, sans valeurs : par exemple des programmes relativistes, hédonistes, consuméristes, qui alimentent toutes ces choses. Nous savons que le consumérisme est un cancer de la société, le relativisme est un cancer de la société ; je parlerai de cela dans la prochaine Encyclique qui sortira au cours de ce mois. Je ne sais pas si j’ai répondu. J’ai dit le mot « saleté » pour dire une chose générale, mais tous nous savons cela. Il y a des parents très préoccupés qui ne permettent pas qu’il y ait des ordinateurs dans les chambres des enfants ; les ordinateurs doivent être dans un endroit commun de la maison. Ce sont de petites aides que les parents trouvent justement pour éviter cela.
© Libreria Editrice Vaticana - 2015
Le couvent de Rouru – Mangareva – 1836-1903 [6]
Fragments d’histoire
Dans le cadre de l’année de la Vie consacrée, nous reprenons ici la découverte de l’histoire de la vie religieuse en Polynésie. Cette fois-ci nous nous arrêterons sur les prémices de la vie religieuse féminine avec l’histoire méconnu du « Couvent du Sacré-Cœur » à Mangareva. Cet essai de l’histoire du couvent a été écrit par Jean-Paul DELBOS et publié dans la 3ème édition du livre : « La Mission du bout du monde » en 2011.
1865 Le Père Roussel, ss.cc. « trouvant que de transporter les petites filles de Taravai à Rouru (à l'école des sœurs) était un peu gênant pour les parents, et d'ailleurs quelques novices désirant retourner chez elles à Taravai, prit une initiative qui devint utile à la Mission... Il eut l'idée de créer des ouvroirs de filles... Je fis dans toutes les baies de Mangareva ce qu'il venait de faire à Taravai et Akamaru et tout d'un coup nous eûmes neuf maisons où des jeunes filles se réunissaient jour et nuit pour y travailler et y apprendre à travailler le jour et y dormir sans danger la nuit » ... (Mémoires du Père Laval) - (ce sont des élèves en moins pour le pensionnat de Rouru dirigé par les sœurs, et peut-être le début du déclin de Rouru...)
Quelques mois plus tard : « Le Commissaire impérial, M. de La Roncière, voulant se rendre compte des conditions de vie des sœurs... ayant trouvé les portes de Rouru fermées, fit passer dessus le mur un lieutenant pour en faire ouvrir la porte d'entrée. Le coup fait, tout le monde entra, examina le couvent où pas une âme n'était... Je fus indigné de cette violation de propriété de Mgr l'Evêque, qui m'était confiée et cette indignation me fit faire le lendemain les vers suivants :
“La ronce, hier, a grimpé par dessus notre mur;
Car, on sait, son allure est de grimper sans cesse! ...
J'aurais voulu, soudain, l'arracher à coup sûr;
Mais, si vous la touchez, cette plante vous blesse ... (etc.)” » (Mémoires du Père Laval)
Le 1er octobre, le Résident provisoire, M. Laurencin, commence une surveillance étroite de Rouru (en liaison avec l'affaire de l'indemnité Pignon que la reine régente de Mangareva est condamnée à payer). La garde de Rouru est renforcée par le Père Laval. Un dimanche, imitant son supérieur, M. de La Roncière, M. Laurencin escalade le mur et visite tous les coins et recoins de la Communauté vide (c'est l'heure des vêpres). D'autres tentatives ont lieu. « J'allai demander au Résident de quel droit... il allait exiger qu'on lui livrât les clefs du couvent... Il finit par balbutier : je voulais savoir si l'on n'aurait pas caché de la nacre là. Voulez-vous, lui dis-je que je vous y conduise ?... Vous cherchez partout où bon vous semblera car, Monsieur, ce n'est pas là qu'on aurait porté de la nacre... Non, me dit-il alors, je vous crois sur parole »... (Mémoires du Père Laval)
« C'est aussi au moment où leur vertu était exposée à de grands dangers (en la personne des militaires du détachement accompagnant le Résident à Mangareva) et où la persécution dirigeait contre elles mille efforts et mille tracasseries que Rouru, le 21 novembre 1865, renouvelait pour un an ses trois vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance et que sept nouvelles sœurs offraient à Dieu ce sacrifice »... (Mémoires du Père Laval)
« Ces Messieurs (Résident provisoire Laurencin et Résident en titre Caillet) en tracassant si souvent la communauté de Rouru, avaient deux buts bien marqués : ils auraient voulu détruire cette œuvre excellente, boulevard de l'innocence... ou du moins pouvoir en attraper quelqu'une, ce qui eût été pour eux le comble de la réussite » ... (Mémoires du Père Laval)
1866 « Le 24 mars, les soldats vont danser sur les murs de Rouru et inscrivent sur un papier le nom des religieuses et des novices que leurs canotiers (garçons de Mangareva) pervertis par eux leur faisaient connaître »... (Mémoires du Père Laval)
1868 « Sitôt les militaires partis, une pêche fut de suite organisée... La maison Hort de Tahiti envoya de nouveau deux ou trois fois en novembre et mars un navire pour prendre à Gambier de la nacre et des cochons... Nous touchions donc au moment de pouvoir encore un peu lever la tête... Depuis longtemps, une question s'était déjà levée entre le Père Nicolas Blanc et moi, à l'occasion du commerce que faisait déjà le collège (Réhé confié au P. Nicolas). J'étais pour qu'il ne le fit pas.
Mais Rouru le fait bien et depuis longtemps, m'objecta le Père Nicolas Blanc.
Bref, la question fut portée par nous deux au Supérieur Général (de la congrégation SS.CC.) qui décida avec son Conseil que Rouru et le Collège pouvaient faire le commerce n'étant liés par aucun Canon de l'Église »... (Mémoires du Père Laval)
Lettre du Père Nicolas Blanc au Supérieur Général de la congrégation SS.CC., du 27 mars 1868 : « Conjointement avec le Père Laval, nous vous prions de nous faire savoir au plus tôt si les religieuses de Rouru et les enfants du petit séminaire (Réhé d' Aukena) peuvent acheter, avec leurs propres produits, de la nacre qu'ils revendent ensuite aux navires pour s'acheter ce dont ils ont besoin ; si vu le peu de ressources pour l'existence d'une communauté ici, on peut leur permettre de temps à autre de s'acheter de la nacre pour la revendre et augmenter ainsi leurs moyens d'existence avec les objets qui pourraient provenir de leurs produits... Le désir de procurer à nos chères institutions les moyens d'existence sans violer nos saintes règles a été l'unique but de cette demande que nous vous faisons... Nous vous demandons encore si les deux communautés dont il s'agit pourraient fabriquer des habits pour les vendre pour s'acheter de la nacre et autres produits qu'ils pourraient revendre ensuite »...
« Notre jeunesse et principalement quelques filles ont éprouvé un dérangement considérable dans le courant de l'année 1868. Plusieurs de Rouru ont cru devoir se retirer chez leurs parents avec dessein de se marier, les unes ; les autres de rentrer tout simplement dans la vie commune et moins astreinte à des exercices pénibles. C'est une nommée Anne Guilloux, novice, et qui voulait trouver là des épouses pour ses frères, qui nous a valu ce dérangement inattendu ... J'ai toujours été peiné de cette subite résolution de près de 15 personnes »... (Laval, Mémoires)
1869 Le 11 avril 1869, le Résident X. Caillet écrit au Commissaire Impérial : « Maria-Eutokia s'est retirée au couvent. Akakio... est chargé du pouvoir exécutif »...
« Le 27 août à 10 h du matin, la vieille Régente, la bonne Maria Eutokia, mourut novice au couvent, au temps même où elle était au pinacle des honneurs et du commandement » (Mémoires du P. Laval).
1870 Lettre du Père Nicolas Blanc du 2 février 1870 : « Notre petit pays est menacé d'une grande disette. La principale récolte manque complètement cette année et elle a été peu de chose depuis plusieurs années, ce qui réduit le pays à la famine »...
Lettre de Nicolas Blanc du 30 juillet : « Les habitants de cet archipel sont réduits aujourd'hui à 900 âmes... La génération nouvelle va toujours de mal en pis. Elle est prise d'un grand vertige de voyage, de licence et de paresse... tous nos efforts deviennent impuissants... Les étrangers ont fait jouer tous les ressorts pour diminuer l'influence des missionnaires et surtout celle du Père Laval ; c'est surtout contre lui que l'on crie »...
Monseigneur Jaussen, évêque de Tahiti, ajoute à la lettre du Père Nicolas Blanc une note brève à l'intention du Supérieur Général de la congrégation SS.SS. : « Il est temps, je crois, de mettre un terme aux accusations en enlevant la grande île (Mangareva) au Père Laval pour le mettre dans celle où il a commencé (Akamaru)... Je vous propose de concentrer les pouvoirs de supérieur religieux et ecclésiastique sur celui qui le remplacera (ce sera le Père Nicolas Blanc, il a 49 ans) »...
1871 « Le 4 avril 1871, l'évêque retire le Père Laval des Gambier (il a 63 ans), pour le mettre à Tahiti... contre le vœu des populations de Mangareva » (P. Hodée : « Tahiti 1834-1984 »)
1872 Lettre du Père Nicolas Blanc du 8 juin 1872 : « Outre cela, je fais quelques heures de classe par jour aux garçons ; les filles sont chez les religieuses de Rouru »...
Extrait des Annales SS.CC. : « Les Pères Nicolas et Armand, outre le ministère apostolique, tiennent des écoles. Ces écoles ainsi que le couvent des sœurs indigènes doivent tout à l'œuvre de la Propagation de la Foi ».
1873 Lettre du Père Nicolas Blanc du 4 octobre 1873 : « Les mauvaises leçons et surtout les exemples des pervers ont beaucoup gâté nos gens et ont tourné la tête de nos jeunes gens qui sont pris du vertige des voyages »...
1876 Lettre du Père Nicolas Blanc du 19 juillet 1876 : « L'esprit de fatuité et de luxe qui fait le caractère de notre siècle pénètre à gros bouillons jusque dans nos petites populations... La moindre oscillation de la France se fait plus ou moins sentir jusque chez nous. Nos compatriotes savent fort bien faire parvenir jusque chez nos pauvres gens le venin de leurs funestes doctrines et le dévergondage de leurs mœurs. Nos indigènes sans méfiance se jettent facilement dans le bourbier »...
5 juillet, visite du Père Laval (extrait des Annales SS.CC.) : « La visite du Révérend Père Collette, Provincial, accompagné du Père Laval... a mis tout le monde en mouvement. Quand ils furent arrivés, le son joyeux de la cloche les invita à se rendre à l'église. Là se trouvaient à leur place les sœurs et les pensionnaires du couvent de Rouru. Rose, la Supérieure, se tenait à la porte, attendant l'arrivée du Père pour lui baiser la main. “Vous voilà !” lui dit le missionnaire. Rose essaya d'articuler une réponse, mais les larmes suffoquaient sa voix. Dans l'après-midi, nos confrères se rendirent au couvent où leur visite causa un bonheur qu'il est aisé de concevoir ».
1881 Lettre du Père Nicolas Blanc du 5 septembre 1881 : « J'ai reçu 35 francs de Rouru pour la propagation de la foi année 1881 et rien d'ailleurs... » « L'envie de boire mènera infailliblement nos gens à la pauvreté et multipliera les vices. S'ils ne deviennent pas meilleurs qu'ils ne sont, je pense que la fin de la population mangarévienne n'est pas loin ».
La population est tombée à 650 habitants. Depuis 1870, Rouru a sans doute de plus en plus de mal à recruter, d'autant plus que la proportion des femmes par rapport aux hommes diminue et continuera de diminuer. C'est ce qui explique cette étonnante initiative de la Mission.
Lettre de Mgr Jaussen, évêque de Tahiti : « Déjà en 1860, je voyais la nécessité, pour sauver la population des Gambier où les hommes sont plus nombreux que les femmes, d'y importer des jeunes filles. J'aurais voulu, pour retremper le caractère avec le sang, les prendre en Belgique... J'en entretins aussi une dame argentine très influente à Valparaiso, et qui en 1864 me promit son concours.
La diminution considérable survenue depuis lors en la population me fait dire que le moment fatal est arrivé... Ce petit recrutement est maintenant rendu plus facile au Chili, où en 1864 le Père Rousselle disait déjà facile.
Le capitaine de la “Mangarévienne”, M. Berteaud... conduira sagement cette opération... Pour l'honneur de la mission et de la congrégation, je tiens beaucoup à l'heureuse issue d'une démarche qui peut seule sauver Gambier d'une extinction à bref délai »...
Cette initiative est commentée par le Père Nicolas Blanc dans sa lettre à Mgr Jaussen le 5 septembre 1881 : « L'idée d'aller chercher des femmes au Chili leur (le “comité Maputeoa”) sourit beaucoup. Mais la crainte d'essuyer un refus et la valeur de 3 000 piastres (soit 10 tonneaux de nacre que M. Berteaud leur a demandés pour le voyage...) leur fait peur. Ils pensent qu'il vaudrait mieux écrire d'abord au Chili pour s'assurer que les personnes voudraient bien venir et voir en même temps s'il n'y aurait pas moyen de faire ce voyage à moindres frais. Ils ont offert à Berteaud un baril de nacre pour chaque personne chilienne qu'il leur amènerait »... (Aucune suite ne semble avoir été donnée).
1882 Lettre du Père Nicolas Blanc du 27 avril 1883 : « La licence de nos moralistes de passage les a joliment gâtés. Heureusement la foi reste au fond de leur cœur, quoique très portés à se livrer à leurs inclinations déréglées »...
1884 Lettre de Mgr Verdier, évêque de Tahiti, datée du 7 novembre 1884 : « Le chiffre de la population sans cesse décroissant ne permet plus aux habitants de faire les mêmes sacrifices qu'autrefois (allusion aux travaux de construction et de réparation “sans rétribution”...) »
1885 Lettre du Père Nicolas Blanc du 19 septembre 1885 : « La mort a fait de grands vides parmi nos chrétiens sous l'influence des maladies vénériennes qu'ils ont contractées par leur contacts avec les étrangers et contre lesquelles ils n'ont pris aucune précaution par honte de se faire connaître...
La communauté des sœurs indigènes disparaît aussi peu à peu ; il ne nous en reste plus que quatre ».
La population est tombée à 446 personnes. « Cette année-là, on compte 156 femmes seulement ». (François Vallaux, « Mangareva et les Gambier »).
1886 Dans une lettre datée de Tahiti, 10 octobre 1886, le Père Nicolas demande à être remplacé à Mangareva par un Père plus jeune (il a 65 ans et il souffre d'un cancer) « pour garantir autant que possible nos chrétiens contre l'influence de l'invasion de gens de toute croyance religieuse avec des mœurs les plus désordonnées qui vont naturellement se ruer sur notre petit pays pour y remplacer la population qui disparaît »...
Lettre de Mgr Verdier du 4 novembre 1886 : « Je suis en train d'examiner si les Sœurs de St Joseph peuvent être substituées pour l'école des filles aux Sœurs indigènes qui touchent à leur extinction (il n'en reste que trois en santé et une malade) »...
1887 En début d'année, le 21 janvier, arrivée du Père Vincent-Ferrier Janeau, ss.cc. (28 ans), le Père Roussel ss.cc. étant supérieur de la mission.
1888 Lettre de Mgr Verdier, du 24 octobre 1888 : « Il s'agit d'importer des Tuamotu aux Gambier des familles toutes catholiques. Le gouverneur a ordonné de me donner à bord de la “Vire” la préséance sur M. le Directeur de l'Intérieur et écrit au Commandant de s'entendre avec moi pour les j ours à rester dans l'île »...
1891 Au mois d'août 1891, le grand Conseil des îles Gambier fait appel à la congrégation des sœurs de St Joseph de Cluny pour leur confier l'école des filles de Mangareva. Il demande trois sœurs. Jusque là cette école était dirigée par les sœurs de Rouru. « Mais les Sœurs de Rouru n'étaient que trois survivantes très âgées. De toute nécessité il fallait les remplacer ». (Père Vincent-Ferrier Janeau)
1892 « Chez les filles, les sœurs d'origine locale (Rouru) qui ne recrutaient plus depuis un certain temps ont été, en 1892, relayées par trois dames de St Joseph de Cluny... La population totale n'est plus que de 500 âmes ». (François Vallaux, « Mangareva et les Gambier »)
Le 18 janvier, Sœur Mélanie Moison (Mère principale installée à Tahiti) de la congrégation de St Joseph de Cluny, écrit : « Je pars aujourd'hui de Tahiti pour Mangareva. Le Père Roussel, ss.cc. (curé de Rikitea) désire que j'aille choisir moi-même le terrain pour la maison d'école... J'emmène avec moi Marie Gaspard, sœur converse, qui n'a pas le mal de mer !... »
Avril 1892, Sœur Mélanie écrit : « Pendant les quatre semaines que nous avons passées à Rikitea nous avons été à même de bien choisir celui des trois terrains qui sont à notre disposition.
Les sœurs de Rouru ont une belle propriété à la campagne, le couvent. Ce monument remarquable pour nos îles est en ruines, néanmoins son aspect ne laisse pas que d'émouvoir l'âme. C'est là que les religieuses indigènes ont commencé et où elles ont prospéré. Mais c'est là aussi où elles sont toutes mortes, excepté les trois qui restent et où il est mort une centaine d'enfants. Malgré le beau coup d'œil que présente cette campagne, je ne lui ai pas donné la préférence pour plusieurs raisons : la première parce qu'elle est trop éloignée de l'église, la deuxième parce qu'il n'y a pas d'eau, la troisième à cause de la difficulté de se procurer les provisions. Non seulement il n'y a pas de voitures mais pas de route pour les faire passer. Les Sœurs (de Rouru) ont encore deux propriétés en ville, tout près de l'église d'un côté, et de la mer de l'autre ; elles se touchent. Monseigneur (Verdier) me conseillait de choisir celle qui est en ville mais non occupée par les Sœurs afin de ne pas leur causer de chagrin en les déplaçant, c'était aussi mon désir. Mais le Père Roussel ss.cc. (curé de Rikitea) et la population s'y sont opposés parce que ce terrain est un fond où passent toutes les eaux de la montagne et aussi parce que le cimetière est à côté (l'ancien cimetière qui se trouvait devant la chapelle St Michel).
Le Père Roussel avait tout prévu. Il a fait faire une jolie maison aux Sœurs mangaréviennes (les trois survivantes de Rouru) tout près de l'église et c'est là qu'elles ont logé. J'ai donc choisi la maison occupée par les sœurs de Rouru pour notre logement (l'ancien “couvent du dimanche” des sœurs de Rouru). L'enclos est entouré de murailles et flanqué de deux tours de garde. La maison est en pierre, elle mesure 15 m sur 11,30 m, y compris les deux galeries. Elle se compose de trois appartements, un grand au milieu et un petit de chaque côté. Le bâtiment neuf pour les enfants aura 32 m sur 8 ; le dortoir aura 20 m et les classes 12 ; tout sera prêt au mois de juin pour accueillir nos 45 élèves. Nous donnerons à l'école le nom de Notre-Dame de Paix »...
Le Père Vincent-Ferrier Janeau donne son avis : « On sait que l'ancien établissement, trop près du Mt Duff (Rouru) ne voyait le soleil qu'une partie du jour ce qui rendait le séjour mauvais pour les personnes du sexe. Ainsi, de toutes mes forces, j'ai réagi contre ceux qui auraient voulu l'établissement des sœurs de St Joseph de Cluny dans ce lieu. On fut jadis obligé de conduire les petites filles (de l'école des sœurs) à près d'un km et demi pour prendre leur récréation un peu au soleil. Ainsi 200 enfants peut-être sont mortes dans cet endroit malsain et combien de sœurs ? Ainsi après un tel laps de temps, plusieurs parents ont encore horreur de l'école ».
Le 10 octobre, Sœur Mélanie écrit : « Sœur Rosule Ludringer, Sœur Désirée de Jésus et Marie Gaspard partent pour Mangareva pour procurer aux jeunes filles mangaréviennes le bienfait inappréciable d'une instruction solide jointe à une éducation vraiment chrétienne »... Aussitôt elles se trouvent à la tête d'une quarantaine d'élèves toutes internes.
« Les trois dernières religieuses de Rouru, Rota (Rose), Ararina et Gotépéréta (Godeberte), se voyant avancées en âge, furent heureuses de voir venir à leur secours trois sœurs de St Joseph de Cluny » (Annales des Sacrés Cœurs)
1894 Sœur Désirée de Jésus, malade, est remplacée par Sœur Léonce Briens.
1895 40 à 45 enfants 30 sont internes fréquentent l'école des sœurs de Cluny.
La population est d'environ 550 personnes.
[à suivre]
© La Mission du bout du monde - 2011
Méditation sur la Parole
Nous retrouvons, ce dimanche, le rythme du temps ordinaire qui va nous conduire jusqu’au temps de l’Avent. L’été fait bientôt sa rentrée, et la nature a revêtu ses habits de fête, avec des fleurs et des verdures foisonnantes. Les arbres secs et dénudés ont reverdi. Les graines semées au printemps ont germé et donnent forme à des plantes de toutes sortes. Les paraboles du prophète Ezéchiel et de Jésus sont tout à fait de saison. Par la bouche d’Ezéchiel, Dieu annonce à son peuple que s’achèvent pour lui les hivers de l’exil.
Jésus s’est inspiré beaucoup de l’image des arbres dans son enseignement. Quand il s’adresse à la foule et lui parle du Règne de Dieu qui germe et grandit, il emploie souvent des paraboles printanières et estivales.
Au premier degré, le langage des paraboles est simple : Jésus emploie des mots et des images concrètes et familières à la portée de tous. Tous sont invités à s’étonner devant les mystères de la vie, devant ce dynamisme incessant qui fait que les semences germent et grandissent que nous dormions ou que soyons levés, devant ce miracle que d’une semence toute petite puisse germer et grandir une plante sans commune mesure avec elle.
Sur ce plan, les paraboles de ce dimanche sont porteuses d’une théologie de la création. La nature est une école de vie et de sagesse, pour peu qu’on entretienne avec elle une relation constante, aimante et attentive. L’homme moderne, pragmatique et efficace, en arrive un peu à oublier que tout ce qui vit et respire vient de plus loin que lui. Il ne se perçoit plus guère comme faisant partie de la nature, du monde des vivants, soumis aux mêmes lois que les végétaux, les animaux. Il peut arriver à la percevoir et à la traiter comme un objet ou un décor extérieurs à lui, qu’il peut exploiter, transformer et utiliser à sa guise, dans une perspective productiviste de rentabilité. Au risque d’oublier qu’elle est un trésor à lui confié, dont il n’est que gérant éphémère et si elle périt, si elle meurt, il périra lui aussi. Les mirages de toute-puissance, de productivité sans limite peuvent lui appauvrir l’esprit, le conduire à désapprendre la plus élémentaire sagesse et à faire ainsi son propre malheur.
Mais les paraboles de Jésus sont à interpréter à un second degré, sur le plan de la foi. Les disciples de Jésus doivent les accueillir, comme s’il s’agissait en chacune d’un secret que seuls les intimes peuvent comprendre, d’un appel à la conversion du regard et du cœur. Jésus dévoile à ses disciples et leur explique en particulier des choses essentielles qui concernent la connaissance et l’amour de Dieu. Elles ne se transmettent pas forcément en public à force de démonstrations, d’explications mais sous le mode de la confidence. Chacun doit les interpréter et est appelé librement à en saisir le message. Parler de Dieu et de son royaume en paraboles, c’est justement consentir à ce que son règne germe et grandisse dans le secret des cœurs et des consciences, à l’insu des bruits et des fureurs du monde, comme la semence jetée en terre, comme la graine de moutarde.
C’est là une leçon toujours à retenir aussi pour l’Eglise du Christ, parfois trop empressée de proclamer en public tous ses secrets, d’utiliser les moyens modernes tapageurs de la communication pour convaincre, expliquer, prouver et transmettre. Son langage est souvent dogmatique, et elle est peu encline à cultiver l’art de la parabole, à trouver les mots simples et concrets qui peuvent toucher le cœur de chacun et le rejoindre dans sa vie. Les paraboles de ce dimanche trouvent une forte résonance dans notre actualité. Les chrétiens dans le monde se culpabilisent facilement et se désolent de n’être qu’un petit nombre, un petit reste, une modeste semence. Ils s’attachent parfois bien plus à pleurer leur mort qu’à croire que « la plus petite de toutes les semences du monde puisse un jour grandir et dépasser les plantes potagères, étendre ses longues branches si bien que les oiseaux du ciel fassent leur nid à son ombre ».
Quand Jésus parle de graine et de semence, il nous faut comprendre avant tout qu’il est lui-même le semeur des graines du Royaume de Dieu, et en même temps qu'il est aussi la graine semée par le Père dans le monde des hommes. Les longues branches de l’arbre de sa croix ouvrent les portes du Royaume à tous les peuples de la terre. La mission de l’Eglise est de faire signe de lui, d’être semence de paix, de justice et d’amour au milieu de tous les peuples de la terre. Sa mission n’est pas de faire signe d’elle-même, de se préoccuper uniquement de ses problèmes internes, mais d’accorder toute sa confiance à celui qui lui a donné naissance et dont l’Esprit est à l’œuvre de nuit comme de jour. Enfouie en terre, enracinée en plein cœur du monde et de la vie des hommes, l’Eglise fait signe du Royaume de Dieu qu’elle n’est pas. C’est un monde nouveau qui germe et grandit en elle et par elle. Un Royaume sans commune mesure avec ce qu’elle est. Un arbre aux longues branches verdoyantes, destiné un jour à rassembler et abriter tous les oiseaux du ciel, et donc aussi tous les peuples de la terre.
Saint Paul, lui aussi, parle d’un arbre. Le corps humain n’est-il pas semblable à un « arbre qui marche » entouré de ses frères plantés en terre, immobiles et fidèles ? N’est-il pas aussi, situé dans un arbre généalogique ? Mais son histoire est différente.
L’homme sait qu’il est mortel et s’interroge sur son avenir. Quelles saisons de vie nouvelle l’attendent après celles de la terre ? Après les saisons d’exil qu’il traverse, où va-t-il s’implanter ? Il n’en a pas une vision claire et doit se contenter d’en parler en paraboles, en empruntant des images humaines et terrestres. Son corps n’est-il pas semblable à la semence qui doit mourir en terre pour porter du fruit en abondance et vivre dans une vie sans fin « et peut-être toujours en été » ?
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