PKO 08.02.2015

Dimanche 8 février 2015 – 5ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°08/2015

Humeurs

Réflexion politiquement et ecclesialement incorrecte !

Le 12ème Fifo clôturera ses portes ce dimanche. Encore une fois, de splendides documentaires abordent des sujets divers et variés appelant aussi bien l’émotion que la réflexion…

Deux documentaires rejoignent l’actualité de notre Église en Polynésie : le fait nucléaire relancé par l’« Association 193 » au sujet de laquelle beaucoup de fidèles s’interrogent !

Le premier documentaire, en compétition, « Sovereigntydreaming – la révolte des rêves » rapporte l’opposition des Aborigènes au projet d’un centre d’enfouissement de s déchets nucléaires dans leurs terres ancestrales. Le second « Vive la France », hors compétition, présentant les questionnements actuels de la population, notamment de la petite île de Tureia… « 46 essais aériens et 147 essais souterrains dans le sud des Tuamotu en Polynésie française. Aujourd’hui sur l’atoll de Tureia, la population s’interroge sur les essais de Moruroa et ses conséquences. Quels risques encoure l’atoll si les failles du récif de Moruroa entrainent un effondrement suivi d’un tsunami ? Et pourquoi tant de morts par cancer parmi les habitants de cette petite île perdue du Pacifique ? »

Nous avons vu naitre, il y a quelques mois, dans le paysage ecclésial polynésien l’« Association 193 » qui se présente comme une association de type loi 1901 apolitique et fondée sur le respect des valeurs chrétiennes... conduite par des membres du clergé (prêtres, diacres…). Certains applaudissent à cette initiative… d’autres s’en offusquent… beaucoup s’interrogent.

Notre propos n’est pas de justifier ou  condamner une telle initiative… même si nous ne nous associons pas cette initiative, nous ne pouvons pas ne pas entendre la question qu’elle pose à l’Église en Polynésie : le fait nucléaire et les conséquences, sur le présent et l’avenir, des 193 essais effectués à Moruroa et Fangataufa !

S’il est vrai que l’Église, à de nombreuses reprises, par la voix de Mgr Michel, durant la période active des essais nucléaires a déjà pris la parole… aujourd’hui elle se doit de réfléchir et d’apporter le fruit de sa réflexion quant à la situation post-nucléaire et ses conséquences !

Certes l’« Association 193 », à notre sens (et cela n’engage que nous), ne répond pas de façon adéquate à l’exigence d’une réflexion ouverte au sein de l’Église… (la Commission Justice et Paix, bien que profondément endormie à l’heure actuelle est le lieu adéquat à cette réflexion) mais elle oblige, aujourd’hui l’Église en Polynésie à se poser la question d’une façon active sans se cacher derrière des interventions passées, certes solides et justes…, mais qui ne tenaient compte que des éléments dont elle disposait au moment de sa prise de parole…

L’Église ne doit pas avoir peur de réfléchir, de reconnaître ses manques, à l’image de Mgr Hubert, archevêque émérite, en 2012 : « On n’a pas pris conscience tout de suite de la gravité de ces expériences pour la santé de la population ». Elle se doit d’avoir une parole forte et vraie sur ce sujet… il est trop important pour être laissé entre les seules mains des politiques… c’est je crois ce que nous dit l’« Association 193 ».

Souhaitons que tous ensemble nous puissions réfléchir de façon sereine et vraie pour aider les hommes et les femmes de notre Fenua à trouver une réponse !

Regard sur l’actualité

Le programme du Pape François au moment de son élection !

Le 7 mars 2013, quelques heures avant son élection, Jorge Mario Bergoglio , décrit le portrait du futur pape… sans savoir qu’il le serait… Une intervention à méditer aujourd’hui… pour nous… Église de Polynésie… :

On a parlé d'évangélisation. C'est la raison de l'Église. « Gardons la douce et réconfortante joie d'évangéliser, même lorsqu'il faut [...] qu'il soit annoncé et que l'Église soit implantée au cœur du monde. » (Paul VI) C'est Jésus-Christ qui, de l'intérieur, nous y pousse.

1. Évangéliser suppose un « zèle » apostolique. Évangéliser suppose dans l'Église une parésie [témoignage] d'elle-même. L'Église est appelée à sortir d'elle-même et à aller dans les périphéries, les périphéries géographiques mais également existentielles : là où résident le mystère du péché, la douleur, l'injustice, l'ignorance, là où le religieux, la pensée sont méprisés, là où sont toutes les misères.

2. Quand l'Église ne sort pas pour évangéliser, elle devient autoréférentielle et tombe malade1. Les maux qui, au fil des temps, frappent les institutions ecclésiastiques sont l'auto-référentialité et une sorte de narcissisme théologique. Dans l'Apocalypse, Jésus dit qu'Il est à la porte, qu'Il frappe à la porte. Bien entendu, le texte se réfère au fait qu'Il frappe à la porte de l'extérieur pour entrer... Mais je pense aux moments où Jésus frappe de l'intérieur pour le laisser sortir. L'Église autoréférentielle prétend retenir le Christ à l'intérieur d'elle-même et ne le fait pas sortir.

3. Quand l'Église est une Église autoréférentielle, elle croit involontairement avoir la lumière, une lumière qui lui est propre. Ce n'est plus la certitude de viser le mysterium lunæ2, elle va au contraire vers un mal très grave dont on connaît le nom : « la spiritualité mondaine » (Selon Lubac, c'est le pire mal qui puisse arriver à l'Église). L'Église vit pour donner la gloire des uns aux autres. Bref ! Il y a deux images de l'Église : l'Église évangélisatrice qui sème « Dei Verbumreligioseaudiens et fidenterproclamans »3 et l'Église mondaine qui vit repliée sur elle-même et pour elle-même. Cette analyse devrait apporter un éclairage sur les changements et réformes possibles qui doivent être faites pour le salut des âmes.

4. Pensant au prochain pape, il faut un homme qui, de la contemplation et de l'adoration de Jésus-Christ, aide l'Église à sortir d'elle-même vers la périphérie existentielle de l'humanité, pour qu'elle devienne mère féconde de la « douce et réconfortante joie d'évangéliser ».

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1   Cf. La femme toute courbée repliée sur elle-même dont parle Luc dans l'Évangile (13, 10-17).

2   le mystère de la lune

3   Entendre la parole de Dieu avec révérence et en la proclamant

 

Il est nécessaire que le père soit présent à sa famille

Audience générale du mercredi 4 février 2015 – Pape François

 Le meilleur héritage d'un père pour ses enfants, c'est de leur apprendre « à agir avec sagesse » et à « parler avec droiture » : c'est en effet ce que souhaite à ses enfants « un père sage, un père mûr », souligne le pape François.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais aborder la seconde partie de notre réflexion sur la figure du père dans la famille. La dernière fois, j’ai parlé du danger des pères « absents » ; aujourd’hui, je veux regarder plutôt l’aspect positif. Saint Joseph lui-même a été tenté de laisser Marie quand il a découvert qu’elle était enceinte ; mais l’ange du Seigneur est intervenu pour lui révéler le dessein de Dieu et sa mission de père putatif. Et Joseph, homme juste, « prit chez lui son épouse » (Mt 1,24) et il est devenu le père de la famille de Nazareth.

Toutes les familles ont besoin du père. Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur la valeur de son rôle et je voudrais partir de quelques expressions qui se trouvent dans le Livre des Proverbes, des paroles qu’un père adresse à son fils, et il dit ceci : « Mon fils, si tu as le cœur sage, mon cœur à moi se réjouira, et j’exulterai de tout mon être quand tes lèvres parleront avec droiture. » (Pr 23, 15-16). On ne pourrait pas mieux exprimer la fierté et l’émotion d’un père qui reconnaît avoir transmis à son fils ce qui compte vraiment dans la vie, c’est-à-dire un cœur sage. Ce père ne dit pas : « Je suis fier de toi parce que tu es tout-à-fait égal à moi, parce que tu répètes ce que je dis et ce que je fais ». Non, il dit quelque chose de bien plus important que nous pourrions interpréter ainsi : « Je serai heureux chaque fois que je te verrai agir avec sagesse et je serai ému chaque fois que je t’entendrai parler avec droiture. C’est cela que j’ai voulu te laisser, pour que cela devienne quelque chose qui t’appartienne en propre : l’aptitude à sentir et à agir, à parler et à juger avec sagesse et droiture. Et pour que tu puisses être ainsi, je t’ai enseigné des choses que tu ne savais pas, j’ai corrigé des erreurs que tu ne voyais pas. Je t’ai fait ressentir mon affection profonde et à la fois discrète, que tu n’as peut-être pas reconnue pleinement quand tu étais jeune et incertain. Je t’ai donné un témoignage de rigueur et de fermeté que tu ne comprenais peut-être pas, quand tu aurais seulement voulu complicité et protection. J’ai dû moi-même, en premier, me mettre à l’épreuve de la sagesse du cœur et veiller sur les excès de sentiments et du ressentiment, pour porter le poids des inévitables incompréhensions et trouver les mots justes pour me faire comprendre. Maintenant, poursuit le père, quand je vois que tu cherches à être ainsi avec tes fils, et avec tous, je suis ému. Je suis heureux d’être ton père ». Voilà ce que dit un père sage, un père mûr.

Un père sait bien ce qu’il en coûte pour transmettre cet héritage : quelle proximité, quelle douceur et quelle fermeté. Mais, quelle consolation et quelle récompense il reçoit quand ses enfants font honneur à cet héritage ! C’est une joie qui compense toutes les fatigues, qui dépasse toutes les incompréhensions et guérit toutes les blessures.

La première nécessité est donc précisément celle-ci : que le père soit présent dans la famille. Qu’il soit proche de sa femme pour tout partager, les joies et les peines, les fatigues et les espoirs. Et qu’il soit proche de ses enfants pendant leur croissance : quand ils jouent et quand ils s’engagent, quand ils sont insouciants et quand ils sont angoissés, quand ils s’expriment et quand ils sont taciturnes, quand ils osent et quand ils ont peur, quand ils font un faux pas et quand ils retrouvent leur chemin ; un père présent, toujours. Dire présent ne veut pas dire contrôleur ! Parce que les pères qui contrôlent trop détruisent leurs enfants, ils ne les laissent pas grandir.

L’Évangile nous parle de l’exemplarité de notre Père qui est aux cieux, le seul, dit Jésus, qui puisse être vraiment appelé « Père bon » (cf. Mt 10,18). Tout le monde connaît cette parabole extraordinaire dite du « fils prodigue » ou, mieux, du « père miséricordieux », qui se trouve dans l’Évangile de Luc au chapitre 15 (cf. Lc 15, 11-32). Quelle dignité et quelle tendresse dans l’attente de ce père qui se tient à la porte de sa maison, attendant que son fils revienne ! Les pères doivent être patients. Si souvent, il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre ; prier et attendre avec patience, douceur, magnanimité, miséricorde.

Un bon père sait attendre et sait pardonner, du fond du cœur. Bien sûr, il sait aussi corriger avec fermeté : ce n’est pas un père faible, complaisant, sentimental. Le père qui sait corriger sans humilier est le même que celui qui sait protéger sans se ménager. Une fois, dans une réunion de mariage, j’ai entendu un papa dire : « Moi, parfois, je dois frapper un peu mes enfants… mais jamais sur le visage pour ne pas les humilier ». Comme c’est beau ! Il a le sens de la dignité. Il doit punir, il le fait de manière juste, et il va de l’avant.

Si donc il y a quelqu’un qui peut expliquer jusqu'au fond la prière du Notre Père, enseignée par Jésus, c’est justement celui qui vit en premier la paternité. Sans la grâce qui vient de notre Père qui est aux cieux, les pères perdent courage et abandonnent le terrain. Mais les enfants ont besoin de trouver un père qui les attend quand ils reviennent de leurs erreurs. Ils feront tout pour ne pas l’admettre, pour ne pas le faire voir, mais ils en ont besoin ; et le fait de ne pas le trouver creuse en eux des blessures difficiles à cicatriser.

L’Église, notre mère, s’engage à soutenir de toutes ses forces la présence bonne et généreuse des pères dans les familles parce qu’ils sont, pour les nouvelles générations, les gardiens et les médiateurs irremplaçables de la foi dans la bonté, de la foi dans la justice et dans la protection de Dieu, comme saint Joseph.

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Les cloches

 C'était minuit. À peine les douze coups avaient sonné au début de cette étape nouvelle dans le temps, que peu à peu, de village en village, de la cathédrale à la plus simple église, les cloches se mirent à briser l'espace et l'obscurité de leur tintement timide ou majestueux.

C'était d'abord la vibration de chaque cloche qui montait, droite et pure, encore isolée des autres dans le ciel obscur. Puis, l'une après l'autre, dans les clochers des églises, elles rentraient en branle. Et puis, à grande volée, là où le clocher les supportait dans leur différence, la grande cloche prenait son élan et son battant semblable à un grand pilon broyait les sons de manière si appuyée que la tour elle-même donnait l'impression de trembler.

Lorsque ainsi, grandes ou petites, les cloches se mettent à sonner, que ce soit à minuit pour annoncer l'espoir d'un temps nouveau, que ce soit le jour pour appeler à la prière, pour accompagner les joies des mariages ou pour se rendre solidaire avec le mystère de la mort, elles réveillent l'univers et les étoiles. Les cloches qui sonnent c'est tout l'espace qui s'ouvre et nous reçoit. Il nous traverse et nous relie à l'infini. Les cloches nettoient en nous nos petitesses et nous obligent à abandonner pour un moment la rumeur du monde. Aux mirages de ce que nous sommes, elles laissent affleurer en nous la source cachée qui ouvre à la mise à nu de la quête qui nous habite, expérience d'une autre langue à l'intérieur de nos langages.

C'est comme un mouvement aérien et vertical, profond, dans l'inconscient de l'être, qui résume le frémissement d'un monde toujours en genèse. C'est l'appel à une légèreté vive et plus clémente que les lois de la pesanteur. Le son des cloches dépasse et transcende les frontières des modes et du sensible. Elles relient les hommes entre eux, franchissent les murs et les cloisons. Unité entre les hommes et latotalité du cosmos, rassemblant éperdument les chemins multiples de la condition humaine vers la grande unité d'or de l'universel...

Les carillons parlent et une eau vive se met à chanter dans le plus profond du cœur humain, touchant ainsi à l'archéologie intérieure de chacun, tout en l'ouvrant à l'essentiel. Les cloches font ainsi reconnaître à l'homme que son histoire se fonde sur le grand appel créateur et que celui qui le conduit est aussi le berger des étoiles.

À toute volée, au moment de l'Angélus ou pour le glas, pour la joie ou le deuil, les cloches résonnent dans nos cœurs comme une présence réconfortante qui nous fait communier au Créateur et nous relie à l'infini, Par elles, la parole du mystère s'accueille au bout du chemin.

Dans leur carillon, elles disent la fin des commencements, le sentiment que la force et la tendresse de Dieu dort au fond des cœurs. Enfouies parfois sous des couches accumulées, Elles ouvrent le chemin qui noustire hors de la nuit des détresses et nous conduisent au seuil de la lumière. Alors, dans nos peurs jamais vaincues, reste présente, comme la flamme qui veille, la parole créatrice de Celui qui a fait toutes choses nouvelles.

René Xavier Naegert

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Dieu est incompréhensible

Entretien avec Jean-Luc Marion, philosophe

 Jean-Luc Marion, philosophe, membre de l'Académie française. Catholique convaincu, ce spécialiste mondial de Descartes fut conseiller de Mgr Lustiger. Pour lui, il est impossible, voire inepte, de vouloir l'expliquer.

Le Point : L'homme est-il un animal religieux, même s'il se réclame de l'athéisme le plus radical ?

Jean-Luc Marion : Dieu constitue ce qu'il y a de plus intérieur à l'homme, plus intérieur à lui que lui-même, disait saint Augustin. Certains Grecs soutenaient déjà la divinité de l'esprit en l'homme. Et aujourd'hui, les anthropologues s'accordent pour dire que l'humanisation de la vie biologique commence quand apparaît un culte des morts et donc la question du divin. Oui, l'homme a en propre l'animalité « religieuse ». Quant à ceux qui se disent athées, ils prennent encore et toujours position sur Dieu puisqu'ils lui apportent une dénégation. Loin d'être indemnes de Dieu, ils se définissent par la référence négative envers la possibilité qu'il existe. Car, si l'on veut récuser Dieu, il faut ouvrir la question de Dieu. Comme elle porte sur l'impossible et l'inconditionné, rien ne la disqualifie. À la limite, on pourrait même dire que notre impuissance à « prouver l'existence de Dieu » renforce la question de Dieu.

Le Point : Pourquoi ?

Jean-Luc Marion :Parce que avant de « démontrer l'existence de Dieu », nous l'aimons déjà sans le savoir par un « pourquoi ? ». Utilisons l'analogie du rapport amoureux : que sais-je vraiment de celui ou de celle qui, pour moi, importe en ce moment le plus ? Même en accumulant les informations sur son compte, je n'atteindrai jamais son essence. Et malgré, ou plutôt pour cela, parce que je ne puis, je lui suis d'autant plus attaché ; comme, chez Proust, le Narrateur aimait Albertine sans la connaître ou comme Swann cessera d'aimer Odette dès qu'il la connaîtra. Notre rapport avec Dieu relève de cette connaissance par incompréhension. Le paradoxe tient à ce que nous persistons à parler de lui avec le même équipement conceptuel que pour les choses du monde. Nous voulons vérifier, prouver, constituer, démontrer, etc. Donc faire de Dieu un objet d'étude comme un autre. Cette volonté de possession relève de la pornographie. Car qu'est-ce que la pornographie, sinon s'emparer du corps de l'autre, comme d'un objet disponible ?

Le Point : Essayer de « penser » Dieu n'est donc qu'une illusion ?

Jean-Luc Marion :Tout dépend de ce qu'on entend par « penser ». Penser Dieu équivaut-il à le constituer en un objet ? Ou à viser ce qui reste absolument autre que moi ? De Dieu les bons théologiens disent qu'il porte tous les noms, mais qu'il n'en a aucun, qu'il est « anonyme et polyonyme ». La littérature amoureuse en témoigne bel et bien : elle donne une infinité de noms à l'aimé, noms enfantins, obscènes, métaphoriques, etc. L'autre, si je l'aime, doit pouvoir répondre à une infinité de noms dont aucun n'est propre (un nom administratif n'aurait ici aucune pertinence). Il en va exactement ainsi pour « Dieu », qui n'est pas le nom propre de Dieu, puisqu'il en reçoit (en appelle ?) une infinité - Yahvé, Elohim, El, Shaddaï, Allah, etc., tous résumés dans le nom « le Nom », que l'on ne doit pas dire directement. Et si, très logiquement, dans beaucoup de religions, il ne faut pas prononcer le nom, cet interdit nous avertit que Dieu ne peut se dire que comme inconcevable, incompréhensible. Car Dieu est Dieu, nom de Dieu.

Le Point : Pourtant, la métaphysique a essayé de penser « Dieu »...

Jean-Luc Marion :Certes, et jusqu'à Kant elle a eu tendance à introduire Dieu dans le système de définition de tous les autres « étants » : toutes les choses du monde sont, donc Dieu est, et il est nécessairement comme l'étant le plus parfait. Même si, après Kant, elle a renoncé à démontrer l'existence de Dieu, Dieu est resté en philosophie comme la condition de la moralité, l'auteur moral du monde, terminant sa carrière en garant d'un système de valeurs. Mais ici tout se retourne en nihilisme ; car qu'est-ce qu'une valeur ? Il n'y a de valeur, à proprement parler, que financière, qui s'évalue et se dévalue. Bref, la valeur n'a pas de valeur. D'où le contresens, le blasphème même, de rabaisser Dieu au rang d'une valeur, ou, pire encore, d'une valeur à défendre. Comme si l'homme pouvait « défendre » Dieu !

Le Point : Alors, comment parler de Dieu ?

Jean-Luc Marion :En s'interrogeant d'abord sur la pertinence des concepts que l'on prétend utiliser. Car la question de Dieu ne met pas Dieu en crise, mais d'abord celui qui pose la question. Sait-il de quoi il parle ou ce qu'il cherche, pourrait-il le reconnaître si d'aventure il le rencontrait ? À entendre certains parler de Dieu, on a l'impression d'entendre des sourds commenter une partition de Beethoven, des buveurs de Coca-Cola discuter des vertus d'un pommard. Pour parler de Dieu, encore faut-il connaître un peu les règles du jeu, ne pas disputer une partie d'échecs sur un damier. Car, si l'on ne peut pas se dispenser de parler de Dieu, cela ne donne pas le droit de dire n'importe quoi. Il faut donc accepter les paradoxes inévitables qu'impose ce nouveau cas : connaître sans comprendre, aimer avant et pour connaître, etc.

Le Point : Des recherches scientifiques sur l'existence de Dieu sont-elles possibles ?

Jean-Luc Marion :À strictement parler, il n'y a et ne peut y avoir aucune « recherche scientifique sur l'existence de Dieu ». Justement parce que ces recherches portent sur des objets, et que ni l'existence ni Dieu n'appartiennent à l'objectivité. Encore une fois, il faut mesurer les mots qu'on utilise quand on s'approche de la région de Dieu.

Le Point : La croyance en Dieu n'ouvre- t-elle pas la porte par définition à l'irrationnel ?

Jean-Luc Marion :Il ne faut pas confondre croyance et foi. La croyance consiste à tenir pour vraie une opinion, même sans aucune confirmation expérimentale ou démonstration rationnelle. Il s'agit donc du niveau le plus bas de la certitude, indispensable pourtant dans la vie quotidienne. La foi définit l'expérience s'attestant elle-même dans la rencontre d'un interlocuteur, non compréhensible comme un objet, mais qui ne cesse de déployer sa cohérence. Il s'agit de la forme la plus globale de la vérité.

Le Point : Mais la foi n'exclut-elle pas la raison ?

Jean-Luc Marion :Non, et la vraie question ici ne porte pas sur la foi, mais sur la raison. Quel sens lui donnez-vous ? Comment la raison reste-t-elle rationnelle ? Concevons que la rationalité s'est élargie depuis un siècle et, chaque fois, cet élargissement a permis une meilleure approche de la Révélation. La philosophie du langage a montré que celui-ci ne consiste pas d'abord à dire quelque chose de quelque chose, mais à dire quelque chose (voire rien) à quelqu'un. Une avancée qui a permis de comprendre autrement le langage de la Bible. La phénoménologie a montré également que l'Autre n'est pas un objet, et que la chair n'est pas un corps parmi d'autres. Ce qui permet de penser que je peux recevoir autrui dans sa chair, et qu'il peut me donner sa chair en me donnant la mienne : c'est ce qui se passe dans l'eucharistie. La philosophie nous a aussi appris à concevoir que l'être, au sens de la métaphysique, n'offre pas le dernier horizon de l'expérience des choses. D'où l'on peut inférer que Dieu peut ne pas rester soumis à l'être ; dès lors, la Création et la Résurrection, qui adviennent à partir d'une situation hors d'être, retrouvent leur droit à la rationalité.

Le Point : Et la virginité de Marie, mère de Dieu, devient ainsi un phénomène rationnel ?

Jean-Luc Marion :La virginité de Marie signifie le nouveau commencement du monde dans le Christ. Si Dieu outrepasse l'être, parce qu'il le crée, alors la re-Création du monde devient aussi vraisemblable que la Création ou que la résurrection de la chair. La rationalité ne se confond pas avec le rationalisme...

Le Point : Vous comparez les fondamentalistes à des idolâtres. Pourquoi ?

Jean-Luc Marion :Parce que le fondamentaliste récupère ce qu'il nomme « Dieu »à son profit et le transforme en ce dont il a besoin. Or, qu'est-ce qu'une idole ? Un miroir invisible dans lequel celui qui parle projette l'optimum rêvé de son désir. Ainsi, comme je suis faible, je désire la toute-puissance, donc je l'imagine et l'attribue à Dieu. Que cette puissance reste sensible - un animal divinisé - ou bien intelligible - un Dieu mathématicien -, cela ne change rien à l'idolâtrie. Et les visions les plus abstraites ne sont pas les moins idolâtriques, d'autant qu'elles semblent plus inoffensives. Les fondamentalistes ne disent en fait rien de Dieu ; au mieux, ils prétendent que Dieu parle en leur faveur à eux.

Le Point : Alors, qu'est-ce qu'un vrai homme de foi ?

Jean-Luc Marion :C'est celui ou celle qui, quand Dieu dit :« Je suis » - et il est le seul à pouvoir le dire vraiment -, répond :« Me voici ! ».

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Xénophane de Colophon (570-475 av. J.-C.) :« Unique et tout puissant, souverain des plus forts, Dieu ne ressemble à nous ni d'esprit ni de corps ».(Cité par Clément d'Alexandrie dans Les stromates).

Aristote (384-322 av. J.-C.) :« Le premier moteur immobile est donc un être nécessaire, il est le bien, et, par conséquent, un principe... (...) Dieu est la pensée qui se pense elle même... ».(Métaphysique).

Philon d'Alexandrie (12 av. J.-C.- 54 apr. J.-C.) :« Le langage ne peut s'élever jusqu'à Dieu : Dieu est inaccessible, insaisissable ; il recule et fuit ».(Légation à Caïus ou Des vertus).

Anselme de Cantorbéry (1033-1109) :« L'Être qui est tel que rien de plus grand ne puisse être pensé, ne peut être dans la seule intelligence ». (Proslogion, 1077-1078).

Baruch Spinoza (1632-1677) :« Il ne peut exister et on ne peut concevoir aucune autre substance que Dieu (ou la nature) ».(Ethique, 1677).

Blaise Pascal (1623-1662) :« Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter ».(Pensées, 1670).

Voltaire(1694-1778) :« L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer / Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger ». (Les cabales, 1772).

Ludwig Feuerbach (1804-1872) :« Tous les attributs que la religion accorde à Dieu ou au divin ne font que définir l'essence véritable de l'homme et de la parole humaine ». (L'essence du christianisme, 1854).

Friedrich Nietzsche (1844-1900) :« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? » (Le gai savoir, 1882).

© Le Point - 2012

L’œuvre missionnaire des Oblats à Tahiti – 1977-2004 (5)

Au service des vocations et de la formation sacerdotale

 Nous continuons notre parcours de l’histoire des Congrégations religieuses en Polynésie dans le cadre de l’Année de la Vie consacrée avec cette historique de la communauté des Pères O.M.I. par le R.P. Patrice Morel.

C. Étape décisive : visite du P. Maurice Laliberté, provincial (6-18 juillet 1980).

1. Naissance d'un projet inattendu : un Grand Séminaire

Aux États-Unis, le P. Norman Parent a été remplacé à la fin de son mandat par le P. Maurice Laliberté. Celui-ci désire se rendre sans tarder à Tahiti pour apporter son soutien à cette jeune mission et se rendre compte sur place de ses réalisations et de ses besoins. Il y est accueilli le 6 juillet et restera jusqu'au 18. Lors d'une des premières réunions, il pose la question : « Que font les Oblats de Tahiti pour répondre à la mission qui leur a été confiée ? »

Réponse : le P. Daniel est en charge du Foyer Jean XXIII et du Service diocésain des vocations.

Les PP. Jules et Patrice et le diacre Philippe travaillent à la paroisse Saint-Joseph de Faaa. Au plan diocésain, le P. Jules enseigne la morale aux Filles de Jésus Sauveur et aussi à des laïcs. Le P. Daniel assure la catéchèse dans des écoles ; le P. Patrice est responsable diocésain de la Légion de Marie, et s'implique dans le Renouveau charismatique où il donne des enseignements.

La grande difficulté par rapport aux vocations sacerdotales vient du fait qu'il n'existe qu'un seul Grand Séminaire dans le Pacifique. Il est situé à Suva aux Îles Fidji. Les cours, la vie liturgique, toutes les activités sont en anglais. C'est un gros handicap pour les candidats venant des diocèses francophones (Tahiti, Marquises, Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie). L'éloignement et la rupture d'avec leurs lieux d'origine sont un autre obstacle. À noter aussi qu'il faudra, au retour dans leurs diocèses, retranscrire dans leurs propres langues ce qu'ils auront appris à Suva. Lors de sa première visite à Suva, en tant que responsable du suivi des grands séminaristes tahitiens, le P. Daniel a parlé de ce problème avec les professeurs du Séminaire qui lui répondirent : « Pourquoi ne pas ouvrir un séminaire francophone à Tahiti ? » Dans son rapport, le P Daniel fit part de cette réflexion à Mgr Michel. Le P. Laliberté, à son tour, reprit à son compte la même idée : « Ouvrir un Grand Séminaire à Tahiti ».

Une objection nous vient tout de suite à l'esprit : la Province Saint-Jean-Baptiste est-elle capable de fournir le personnel en nombre et en compétence ? Le P. Jules, appuyé par les autres Oblats de Tahiti, insiste auprès du Provincial pour qu'il réfléchisse bien avant de présenter une telle proposition à l'évêque. Nous insistons sur l'enjeu que cela engage pour l'avenir et pour la Province.

Le lendemain de cette réunion, nouvelle rencontre ; le père Provincial nous redemande notre avis. « L'idée est-elle déraisonnable ? » Réponse : « Non, bien sûr, bien au contraire ; mais la Province peut-elle assumer la charge d'une telle institution ? » Le père Provincial, étant affirmatif sur ce point, en a parlé à MgrCoppenrath qui a été trop heureux d'une telle proposition.

Sur quoi se fondait l'espoir du P. Laliberté ? Il avait en vue :

1.   un père Oblat de Tahiti pour être le responsable ;

2.   un père de la Province Saint-Jean-Baptiste pour l'Écriture Sainte ;

3.   une religieuse américaine travaillant avec les Oblats à Lowell et parlant français.

Toutefois, au lieu de parler de Grand Séminaire, l'évêque envisageait une œuvre plus modeste, mais plus vaste en même temps: une École théologique. Dans la pensée de plusieurs, le terme de « Grand Séminaire » veut dire une institution réservée uniquement à la formation des futurs prêtres. Or, Monseigneur avait une autre conception, telle qu'exposée dans un article de l'Agence Fides :

Le Séminaire et l'École théologique sont conçus comme une œuvre diocésaine. Dans ces deux Centres, la formation sera assurée non seulement aux séminaristes, mais s'adressera aussi aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et aux laïcs qui veulent approfondir leur foi et leur connaissance de la Bible. Un séminaire, en conséquence, au service de tous, une école de dialogue avec toute la Polynésie. Tout le monde pourra y venir prier, mais ceux qui y habiteront devront être des hommes de prière. Tous les évêques de la CEPAC ont souhaité dans une récente enquête que le prêtre, « homme de prière », entraîne le peuple à la prière.

Mgr Michel désirait en outre que ce lieu soit organisé pour accueillir en fin de semaine des groupes d'hommes et de femmes pour des retraites et des sessions.

2. La mise en place.

Une fois admis le principe de la création d'un Grand Séminaire, on en est venu à chercher qui mettre comme responsable. Pour de multiples raisons, le p. Patrice a été pressenti :

1.   ancienne expérience missionnaire (21 ans au Laos) ;

2.   expérience dans la formation (Grand et Petit Séminaire au Laos) ;

3.   connaissance de la langue tahitienne ;

4.   bonne relation avec l'évêque, les Pères, Frères, Sœurs et laïcs.

De retour aux États-Unis, le Provincial en parle à son conseil qui donne le feu vert quant au projet et au choix du P. Patrice.

À la mi-novembre 1980, MgrCoppenrath vint à la Maison générale des Oblats à Rome et y rencontra l'Administration générale. C'est à cette époque aussi que Mgr Michel parla du projet de la CEPAC. Le 1er janvier 1981, il annonce par la télévision aux catholiques de Tahiti l'ouverture d'une École Théologique, sans doute pour 1982.

3. Programmation et orientations

Suite à sa visite à Tahiti, le P. Laliberté annonce au mois de mai 1981 l'envoi du P. Roger Roy pour aider au ministère paroissial à Faaa, et surtout pour l'École Théologique/Grand Séminaire. Le P. Roger arrivera le 12 septembre 1981. Dès le mois de décembre, il se rendra Makemo (Tuamotu) et y continuera son apprentissage de la langue tahitienne. C'est encore le P. Laliberté qui demanda au P. Richard G. Cote, professeur de théologie, de venir à Tahiti (en août 81) pour rencontrer l'évêque, et surtout le P. Patrice, pour offrir son expérience et ses conseils pour le lancement du projet de Grand Séminaire.

En premier lieu, il fallait établir un programme de développement de l'École Théologique/Grand Séminaire. Même si le nom donné était « École Théologique », le but principal de l'institution était bien la formation au sacerdoce.

Recherchant de la documentation et des renseignements, sur les différentes fondations de séminaires en pays de mission, aussi bien en France qu'ailleurs, en suivant les directives romaines, je notai que dans plusieurs diocèses, en plus des deux années de philosophie et des quatre de théologie, il y avait une année supplémentaire appelée « Propédeutique ». En effet, dans les années 70/80, de nombreux candidats se présentaient pour entrer au Grand Séminaire sans être passés par un Petit Séminaire. Très souvent, leurs connaissances religieuses n'allaient pas plus loin que ce qu'ils avaient appris au catéchisme. Il s'avérait indispensable de raviver et de compléter cette formation religieuse. J'ai été particulièrement intéressé par ce qui se réalisait en France dans le diocèse d'Autun, à Paray-le-Monial.

En accord avec Mgr Michel et après discussion avec les confrères oblats, il fut donc décidé de commencer par une année de propédeutique. Elle aurait pour objectif de mettre les futurs séminaristes à niveau du point de vue des connaissances religieuses, de leur apprendre comment travailler personnellement en leur donnant le goût de la lecture et de la recherche intellectuelle. Elle serait également, une année de formation spirituelle et humaine.

Une de mes premières préoccupations fut aussi de savoir sous quel patronage placer cette œuvre. Après avoir réfléchi et prié, je proposais à Mgr Michel le titre de « Grand Séminaire de Notre-Dame de la Pentecôte ». De son côté, l'évêque y avait réfléchi et pensait à un nom tahitien : « Raanuu na te Varua », ce qui veut dire : « Provisions de vivres pour l'âme/l'esprit », le mot varua ayant cette double signification. Ce titre se trouve inscrit au fronton du Grand Séminaire. Par contre, dans le chœur de la chapelle, se trouve un grand tableau représentant la Pentecôte.

Pourquoi ce titre ? Un Grand Séminaire n'est-il pas comme un Cénacle où les futurs apôtres se préparent pour aller proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ aux quatre coins du monde (du Pacifique). Ils ne pourront le faire que sous l'influence de l'Esprit Saint. Et qui peut concourir le mieux à cela sinon la Vierge Marie, présente avec les Douze, priant avec eux, pour qu'ils accueillent l'Esprit Saint ? En plus, comme Oblat, je tenais à mettre cette œuvre sous la protection de Marie puisque le diocèse de Papeete lui-même est consacré à Notre-Dame de Paix.

Puisque deux des personnes-ressources auxquelles nous pensions ne pouvaient venir, il fallait se tourner ailleurs. Providentiellement cette circonstance m'obligea à chercher sur place les compétences nécessaires. Nous voulions, comme Oblats chargés de la formation de l'Église locale, que tout le diocèse y soit impliqué. Cela devait, nous semblait-il, inciter davantage les chrétiens de Tahiti à s'intéresser à la formation de leurs futurs prêtres et pasteurs, et à susciter des vocations. C'était aussi, comme l'écrivait un jour un séminariste de Futuna, « un signe que l'œuvre de 150 ans d'évangélisation accomplie par les Pères des Sacrés-Cœurs, avait conduit l'Église de Tahiti à devenir capable de se prendre en main et d'assurer la relève missionnaire. »

Certainement, il y avait sur place, dans le personnel missionnaire, les personnes capables d'apporter leurs connaissances et leur savoir-faire à cette institution, au moins dans ses débuts. En premier lieu, l'archevêque lui-même : il pourrait enseigner le droit canonique, étant gradué aussi bien en droit ecclésiastique que civil. Plusieurs Congrégations religieuses enseignantes sont présentes dans l'archidiocèse. Sœur Elisabeth Gaveau, SJC, vice-provinciale me donna l'assurance qu'une des Sœurs sous sa juridiction serait disponible fin 84 pour enseigner la théologie. Il s'agissait de Sr Myriam Chevalier, originaire de Nouvelle-Calédonie, qui préparait alors une licence en théologie à la Faculté catholique d'Angers (France).

La philosophie pourrait sans doute être enseignée par un Frère de l'Instruction Chrétienne, ce qui fut confirmé plus tard. Ce fut le Fr. François Pichard qui devint même le directeur des études au Grand Séminaire 16. Les Pères de Picpus acceptaient également de collaborer pour des cours secondaires: histoire de l'Église, liturgie, patrologie, ou autres, et il y aura toujours un Père de Picpus au Grand Séminaire. Bien que tahitiens, les séminaristes avaient besoin de se perfectionner dans leur langue. Le P. Hubert Coppenrath et une institutrice tahitienne, Mme Faustine Tokoragi, donneraient ces cours. En conclusion, malgré la présence d'inconnues pour l'avenir, il s'avérait possible d'aller de l'avant dans la mise en œuvre de l'École Théologique/Grand Séminaire.

Dans quel esprit les Oblats ont-ils entrepris cette formation ? Le P. Fernand Jetté, Supérieur général, l'exprima clairement lors de l'inauguration de l'École Théologique/Grand Séminaire :

Quatre traits caractérisent l'action des Oblats. Ils veulent former des prêtres qui soient d'abord des hommes de Jésus-Christ, des hommes qui ont opté personnellement pour le Christ et qui, peu à peu, ont fait de lui le centre de leur vie, s'efforcent de le connaître plus intimement chaque jour, de s'identifier à lui, de le laisser vivre en eux, et qui brûlent de le faire connaître aux autres.

Des prêtres, en second lieu, qui aiment profondément l'Église, car aimer l'Église, disait leur Fondateur, c'est aimer Jésus-Christ et réciproquement Et cet amour de l'Église les conduira, après le Séminaire, à accomplir leur ministère en communion profonde avec le pape et les évêques et en étroite collaboration avec les autres ouvriers de l'Évangile.

Des prêtres, en troisième lieu, qui soient pleins de respect et d'affection pour les gens avec lesquels ils travaillent, surtout les pauvres, qui soient proches d'eux et sans cesse attentifs aux aspirations et aux valeurs qu'ils portent en eux, et qui aient à cœur de les associer le plus possible aux ministères de l'Église et de les appuyer dans leur effort pour construire un monde meilleur, plus juste et plus conforme à la dignité humaine.

Des prêtres enfin, qui aient une réelle et authentique dévotion à la Vierge Marie, car l'Oblat, formateur de prêtres, demeure un fils de la Vierge Immaculée. Une phrase de notre Père Fondateur résume le rôle des Oblats dans un Grand Séminaire : « lls s'appliqueront sans cesse à former le Christ dans les clercs, avec l'aide de son Immaculée Mère, la Vierge Marie, à la protection de laquelle ils leur apprendront à recourir en tout avec confiance. »

En décembre 1982, le bâtiment était presque terminé. Nous pensions tous que la rentrée des premiers candidats séminaristes pourrait s'effectuer dans les premiers mois de 1983, mais la météo en décida autrement. De décembre 82 à fin mai 83, la Polynésie a essuyé le passage d'une dépression tropicale et de cinq cyclones. Un de ces cyclones, « Veena », le 12 avril, détruisit le couvent des Filles de Jésus Sauveur à Pamatai. Elles vinrent se réfugier à « Raanuu na te Varua » et y restèrent un an en attendant que leur maison soit reconstruite.

La réussite du projet de Séminaire tenait beaucoup au cœur du P. Laliberté. Il nous annonça l'envoi d'un autre Oblat, le Frère Richard P. Coté, qui pourrait aider au Séminaire pour l'économat, et en paroisse, pour la catéchèse.

(à suivre)

© Vie Oblate Life n°64 – 2005

Méditation sur la Parole

 En ce cinquième dimanche du temps ordinaire, nous méditons sur l’Évangile de la guérison de la belle-mère de Pierre. Ce récit met en lumière l’importance de l’intercession et la compassion de Jésus pour ceux qui souffrent. Voyons cela de plus près.

Jésus quitte la synagogue et se rend chez Simon et André. Celui qui sera à la tête de l’Église accueille Jésus dans sa maison. La belle-mère de Simon-Pierre est malade et il en parle à Jésus. Jésus sait tout et il sait que cette femme est malade. Mais il attend que l’on vienne le chercher et que l’on intercède pour elle. Jésus enseigne ainsi aux apôtres d’une part la compassion et d’autre part l’intercession. N’hésitons pas à prier avec foi pour les malades que nous connaissons. Jésus peut les guérir.

Ensuite, il est dit que « Jésus s’approcha d’elle et la fit lever en lui prenant la main » (Mc 1,31). Notons la tendresse de Jésus. Jésus ne lui demande pas ce qu’elle veut ou de poser un acte de foi mais il s’approche d’elle. Cette petite phrase témoigne à elle seule du mystère de la foi chrétienne. Dieu a envoyé son Fils sur terre afin qu’il devienne l’un de nous. Il a pris chair et a partagé notre condition humaine. Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Croire que Dieu se fait proche de nous n’est pas chose facile. Comment le Créateur de toutes choses pourrait-il me connaître, moi une créature parmi des milliards ? Mais le Seigneur ne fait pas que nous connaître. Il prend soin de nous. La belle-mère de Pierre a Jésus, le Fils de Dieu, à son chevet. Si ce récit nous est raconté, c’est parce qu’il nous concerne. La volonté du Seigneur, c’est de s’approcher de nous.

Une fois que Jésus est proche, il la fit se lever en lui prenant la main. Jésus ne prononce aucune parole. Simplement, il lui prend la main. Ce geste, chacun d’entre nous, nous avons pu le faire auprès d’un malade que nous sommes allés visiter. L’effet immédiat de cette attention c’est de voir la belle-mère se lever aussitôt car la fièvre l’a quittée. Jésus guérit en posant un geste de compassion. Cette attitude de Jésus, nous pouvons la méditer afin d’en devenir les imitateurs. Posons-nous des gestes de compassion, des gestes qui guérissent ceux qui nous entourent ? Bien sûr, celui qui guérit, c’est Jésus. Mais nous pouvons, nous aussi, être les instruments du Bon Dieu pour la guérison. Il nous suffit parfois d’intercéder et de poser un acte d’amour, gratuit.

Lorsque la belle-mère de Simon est guérie, elle se met à les servir. Voilà un détail surprenant. N’a-t-elle pas besoin d’un peu de convalescence ? Cette précision nous montre l’attitude juste à avoir lorsque nous recevons une grâce de Dieu : la reconnaissance et l’action de grâce. Nous pouvons avoir l’habitude d’allumer un cierge lorsque nous sommes face à une situation difficile. Mais allons-nous en allumer un autre pour rendre grâce lorsque le problème a été résolu ?

En ce jour, nous pouvons intercéder pour les malades sans oublier que la guérison peut aussi passer par les actes de compassion, d’amour et de charité que nous pouvons poser envers ceux qui souffrent, qui sont exclus.

© Libreria Editrice Vaticana