PKO 07.06.2015

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°33/2015
Dimanche 7 juin 2015 – Solennité du Saint Sacrement – Année B

Humeurs

L’Église est mère et elle ne doit pas l’oublier !

« L’Église est mère et elle ne doit pas oublier ce drame de ses enfants. Elle aussi doit être pauvre pour devenir féconde et répondre à toute cette misère. Une Église pauvre est une Église qui pratique une simplicité volontaire dans sa propre vie – dans ses institutions, dans le style de vie de ses membres – pour faire tomber tous les murs de séparation, en particulier ceux qui séparent des pauvres. Il faut la prière et l’action. Prions intensément le Seigneur qui nous secoue… »

Le Pape François, depuis le début de son pontificat, ne cesse de marteler l’appel à la conversion… non pas tant des non chrétiens ou encore des non catholiques… mais des catholiques, et particulièrement de l’institution Église et de son clergé… autrement dit : « nous » !

Voilà donc le temps venu de faire une relecture de notre témoignage de chrétien au cœur de la société polynésienne… une relecture personnelle…, et du  « style de vie du clergé »…, et de l’institution « Église »…

Tout d’abord, une relecture personnelle tout d’abord. La tentation est forte de se dire : « Je fais déjà beaucoup », voire même « Je fais le maximum »… Toutefois à force d’entendre les propos du pape François, je me suis obligé à aller un peu plus en profondeur et me suis rendu compte que j’ai une vie très « bourgeoise », un véritable « SDF » (Sans Difficultés Financières !).  Certes disponible aux appels de détresse… mais si souvent déconnecté de la détresse que peuvent vivre ces personnes qui viennent nous demander du secours… oubliant l’humiliation qu’ils vivent à devoir demander un peu d’aide, un peu de nourriture… « Il faut la prière et l’action. Prions intensément le Seigneur qui nous secoue… ».

Ensuite une relecture plus largement au niveau du corps que nous formons comme clergé de l’archidiocèse… Un clergé en souffrance qui depuis près de dix ans attend la nomination de son nouveau pasteur… pas facile de trouver une motivation pour se dépasser… tentation de nous prendre pour des chefs avec tout ce que cela sous-entend de privilèges, d’autoritarisme, d’oubli du sens de notre vocation : « pauvre pour devenir fécond[e] et répondre à toute cette misère … » Un clergé quelque peu en errance…

Et enfin une relecture du fonctionnement de notre institution « Église ». Une Église en mal de décisions courageuses… qui semble petit à petit se déconnecter de la réalité sociale… plus préoccupée à collecter des fonds pour assurer son bon fonctionnement que d’aller à la rencontre de ceux qui sont à la périphérie… Une Église qui parfois oublie l’humain, la personne au profit du fonctionnement… au point parfois d’user de méthodes du monde et d’en oublier la primauté de la personne sur les moyens… et « n’oublions pas que le jugement des plus démunis, des petits et des pauvres anticipe le jugement de Dieu (Mt 25,31-46). »

« Je voudrais relire le texte de la Bible que nous avons entendu au début ; et que chacun de nous pense aux familles éprouvées par la misère et par la pauvreté. La Bible dit ceci : “Mon fils, ne retire pas au pauvre ce qu’il lui faut pour vivre, ne fais pas attendre le regard d’un indigent. Ne fais pas souffrir un affamé, n’exaspère pas un homme qui est dans la misère. N’ajoute pas au trouble d’un cœur irrité, ne fais pas attendre ton aumône à celui qui en a besoin. Ne repousse pas celui qui supplie dans la détresse, ne détourne pas du pauvre ton visage. Ne détourne pas du miséreux ton regard, ne donne pas à un homme l’occasion de te maudire” (Sir 4,1-5). Parce que c’est ce que fera le Seigneur – c’est l’Évangile qui le dit – si nous ne faisons pas ces choses ».

Alors dans l’expectative de ce nouvel archevêque qui se fait attendre depuis dix ans… retroussons nos manches et mettons nous en marche pour que se lève cette Église renouvelée si ardemment désirée par notre Pape François !

Courage !

Chronique de la roue qui tourne

L’espérance fait vivre… l’espoir sauve…

« L'espérance est un emprunt fait au bonheur. »  Joseph Joubert

En commençant cette chronique, je cernais mal la différence entre l'espérance et l'espoir sans avoir recours au latin que j'aime tant. Il m'a fallu une petite discussion avec quelqu'un de bon conseil.

Bon, nous sommes tous d'accord pour dire que l'amour est le socle de la vie. Bien. L'espérance, elle, en est le moteur. Qu'est-ce qui nous fait lever chaque matin si ce n'est l'espérance ? Elle donne un but à nos efforts, une destination à nos errements. Elle est une vérité qui attend patiemment d'être vérifiée.

L'espoir, quant à lui, survient lorsque le découragement et la lassitude rodent près de nous, lorsque nous avons l'impression que nos actions sont vaines. Il est notre cri dans la nuit, notre dernier recours avant de sombrer. À contrario de l'espérance, l'espoir a besoin de détresse pour exister. Et en pleine incertitude, nous perdons de vue l'essentiel de la vie.

Qui n'a jamais eu l'espoir d'une bonne santé face à une maladie ? Pourtant l'espérance innée de pouvoir faire face à toutes les maladies vaut mieux.

Qui n'a jamais eu l'espoir d'une belle vie face aux difficultés ? Pourtant l'espérance innée d'une vie heureuse vaut mieux.

Qui n'a jamais eu l'espoir de faire fortune face à la pauvreté ? Pourtant l'espérance innée de pouvoir combler tous nos besoins vaut mieux.

Qui n'a jamais eu l'espoir du grand amour face à la solitude ? Pourtant l'espérance d'aimer tout simplement vaut mieux.

La vie n'est pas un long fleuve tranquille certes. Mais nous avons l'espoir comme une bouée de sauvetage. Et l'espérance comme force afin que nous restions majestueusement droits comme les montagnes et sereins comme l'horizon.

La chaise masquée

 

Famille et pauvreté

Audience générale du mercredi 3 juin 2015 – Pape François

Le pape François encourage les familles chrétiennes à être « les acteurs de cette révolution de la proximité familiale, qui nous est tellement nécessaire aujourd’hui » : les familles sont en effet « une véritable école d’humanité qui sauve les sociétés de la barbarie ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces derniers mercredis, nous avons réfléchi sur la famille et nous poursuivons sur ce thème : réfléchir sur la famille. Et à partir d’aujourd’hui, nos catéchèses s’ouvrent avec une réflexion sur la vulnérabilité de la famille, dans les situations de la vie qui la mettent à l’épreuve. La famille fait face à de nombreux problèmes qui la mettent à l’épreuve.

Une de ces épreuves est la pauvreté. Pensons à toutes les familles qui peuplent les périphéries des mégalopoles, mais aussi dans les zones rurales… Quelle misère, quelle dégradation ! Et puis, pour aggraver la situation, certains lieux sont aussi touchés par la guerre. La guerre est toujours quelque chose de terrible. En plus, elle atteint spécialement les populations civiles, les familles. Vraiment, la guerre est « la mère de toutes les pauvretés », la guerre appauvrit la famille, c’est une grande prédatrice de vies, d’âmes et des liens familiaux les plus sacrés et les plus chers.

Malgré tout cela, beaucoup de familles pauvres cherchent dignement à mener leur vie quotidienne, souvent en se confiant ouvertement à la bénédiction de Dieu. Mais cette leçon ne doit pas justifier notre indifférence, mais plutôt augmenter notre honte devant tant de pauvreté ! C’est presque un miracle que, même dans la pauvreté, la famille continue de se former et va jusqu’à conserver – comme elle le peut – cette humanité propre à ses liens. Ce fait irrite les planificateurs du bien-être qui considèrent les attaches familiales, la génération, les liens familiaux, comme une variable secondaire de la qualité de la vie. Ils ne comprennent rien ! Au contraire, nous devrions nous mettre à genoux devant ces familles qui sont une véritable école d’humanité qui sauve les sociétés de la barbarie.

Que nous reste-t-il, en effet, si nous cédons au chantage de César et de Mammon, de la violence et de l’argent, et si nous renonçons aussi à nos attaches familiales ? Une nouvelle éthique civile n’arrivera que lorsque les responsables de la vie publique réorganiseront le lien social en commençant par lutter contre l’engrenage infernal entre la famille et la pauvreté qui nous conduit dans le gouffre.

L’économie actuelle s’est souvent spécialisée dans la jouissance du bien-être individuel, mais elle pratique largement l’exploitation des liens familiaux. C’est une grave contradiction ! L’immense travail de la famille n’est pas coté dans les bilans, naturellement ! En effet, l’économie et la politique sont avares de reconnaissances à cet égard. Et pourtant, la formation intérieure de la personne et la circulation sociale des liens ont justement là leur pilier. Si on le supprime, tout s’effondre.

Ce n’est pas seulement une question de pain. Nous parlons du travail, nous parlons de l’instruction, nous parlons de la santé. C’est important de bien comprendre cela. Nous sommes toujours très émus quand nous voyons les images d’enfants sous-alimentés et malades qu’on nous montre dans beaucoup de parties du monde. En même temps, nous sommes aussi touchés par le regard rayonnant de tous ces enfants, privés de tout, dans des écoles faites à partir de rien, et qui montrent fièrement leur crayon et leur carnet. Et comme ils regardent avec amour leur maître et leur maîtresse ! Vraiment, les enfants savent que l’homme ne vit pas seulement de pain ! Et aussi les attaches familiales : quand ils sont dans la misère, les enfants souffrent parce qu’ils veulent l’amour, les liens familiaux.

Nous, chrétiens, nous devrions être toujours plus proches des familles que la pauvreté met à l’épreuve. Mais réfléchissez, vous connaissez tous quelqu’un : un papa sans travail, une maman sans travail… et la famille souffre, les liens s’affaiblissent. C’est terrible. En effet, la misère sociale atteint la famille et parfois la détruit. Le manque ou la perte d’un travail, ou son caractère très précaire, ont une lourde incidence sur la vie familiale, et mettent les relations à rude épreuve. Les conditions de vie dans les quartiers plus pauvres, avec les problèmes de logement et de transport, ainsi que l’insuffisance des services sociaux, sanitaires et scolaires, accentuent les difficultés. À ces facteurs matériels, se rajoute le tort causé aux familles par des pseudo-modèles diffusés par les médias et basés sur la consommation et le culte de l’apparence, qui influencent les couches sociales les plus pauvres et augmentent la détérioration des liens familiaux. Prendre soin des familles, prendre soin des liens familiaux, lorsque la misère met la famille à l’épreuve !

L’Église est mère et elle ne doit pas oublier ce drame de ses enfants. Elle aussi doit être pauvre pour devenir féconde et répondre à toute cette misère. Une Église pauvre est une Église qui pratique une simplicité volontaire dans sa propre vie – dans ses institutions, dans le style de vie de ses membres – pour faire tomber tous les murs de séparation, en particulier ceux qui séparent des pauvres. Il faut la prière et l’action. Prions intensément le Seigneur qui nous secoue, pour faire de nos familles chrétiennes les acteurs de cette révolution de la proximité familiale, qui nous est tellement nécessaire aujourd’hui ! C’est d’elle, de cette proximité familiale, depuis le commencement, qu’est faite l’Église. Et n’oublions pas que le jugement des plus démunis, des petits et des pauvres anticipe le jugement de Dieu (Mt 25,31-46). N’oublions pas ceci et faisons tout ce que nous pouvons pour aider les familles à avancer, dans l’épreuve de la pauvreté et de la misère qui touche les relations, les liens familiaux. Je voudrais relire le texte de la Bible que nous avons entendu au début ; et que chacun de nous pense aux familles éprouvées par la misère et par la pauvreté. La Bible dit ceci : « Mon fils, ne retire pas au pauvre ce qu’il lui faut pour vivre, ne fais pas attendre le regard d’un indigent. Ne fais pas souffrir un affamé, n’exaspère pas un homme qui est dans la misère. N’ajoute pas au trouble d’un cœur irrité, ne fais pas attendre ton aumône à celui qui en a besoin. Ne repousse pas celui qui supplie dans la détresse, ne détourne pas du pauvre ton visage. Ne détourne pas du miséreux ton regard, ne donne pas à un homme l’occasion de te maudire » (Sir 4,1-5). Parce que c’est ce que fera le Seigneur – c’est l’Évangile qui le dit – si nous ne faisons pas ces choses.

©Libreria Editrice Vaticana - 2015

Le Vatican attend un geste de Paris pour régler la nomination de son ambassadeur

Entretien du pape François au Journal La Voz Del Pueblo

Le « numéro deux » du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, arrive mardi 2 juin à Paris pour une conférence mercredi 3 à l’Unesco mais aussi des entretiens avec les autorités françaises, au plus haut niveau, afin de déminer l’affaire Stefanini.

Le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, doit arriver mardi 2 juin à Paris. Il est attendu mercredi 3 juin matin au siège de l’Unesco pour intervenir sur l’Église et l’éducation. Mais ce déplacement offre aussi au « numéro deux » du Vatican l’occasion de rencontrer en privé « les autorités françaises », selon son expression. Il s’entretiendra directement avec François Hollande sur « des sujets d’actualité internationale », indique l’Elysée. En vue de la grande conférence climat, la France attend beaucoup de l’encyclique du pape sur l’écologie, à paraître le 16 juin prochain. Elle mise plus largement sur une mobilisation des leaders religieux sur le climat, dont un « sommet des consciences » ouvert par le président français fera la démonstration le 21 juillet.

Mais les entretiens du cardinal italien à Paris devraient aussi porter sur la nomination toujours bloquée d’un nouvel ambassadeur de France près le Saint-Siège. Le gouvernement français a proposé le diplomate Laurent Stefanini pour ce poste le 5 janvier dernier. Devant l’absence d’agrément du Saint-Siège, qui vaut décision implicite de refus de cette nomination, Paris n’a eu cesse, depuis, de déclarer en public qu’il s’agissait du « choix de la France » et que, si le Vatican rejetait son candidat, à lui de « l’assumer ».

« Le dialogue est encore ouvert et nous espérons qu’il puisse se conclure de manière positive », a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie vaticane, le 26 mai, avant sa visite parisienne. Ce premier commentaire public de la part du Saint-Siège, à propos d’une affaire traitée au plus haut niveau entre les deux États, tranche avec un ton français jugé péremptoire au Vatican.

Sur le fond, ceux qui côtoient de près le pape François expliquent que celui-ci n’a aucun grief personnel envers le candidat de l’Élysée. Son homosexualité discrètement assumée n’est pas en cause. En le recevant en privé le mois dernier, le pape a signifié que le problème ne concernait pas la personne elle-même mais ce qui est considéré comme une instrumentalisation par l’Élysée de cette nomination, au départ bien accueillie par le Saint-Siège. « Il a senti que François Hollande voulait lui forcer la main et il ne cédera pas », répètent des proches. En somme, le pape ne veut pas que son agrément puisse servir de caution au mariage homosexuel. Vu de Rome, la balle revient donc dans le camp français. Le Saint-Siège attend qu’il règle le problème créé par la gestion politique, jugée malheureuse, de cette nomination.

En attendant, tout continue presque normalement. Présidée par le cardinal Paul Poupard, une « messe pour la France » a été célébrée vendredi dernier, comme chaque année à la sainte Pétronille, dans la chapelle éponyme de la basilique Saint-Pierre. Plus tôt, le 17 mai, pour la canonisation de la religieuse française Émilie de Villeneuve, Paris a envoyé son ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve. Le pape l’a salué, comme il le fait pour chaque chef de délégation officielle.

Mais l’absence de successeur laisse un trou béant dans la relation entre les deux États. Elle éloigne pour l’heure l’organisation de la visite du pape François en France, envisagée pour 2016 après avoir été annoncée pour 2015. Toutes sources concordent pour reconnaître que ce voyage n’est « pas prioritaire » pour Jorge Bergoglio. Si le principe d’un déplacement dans l’Hexagone reste acquis, rien n’est programmé. « Mais une visite peut être montée rapidement si besoin », ajoute une source diplomatique vaticane.

Sébastien Maillard, à Rome

© La Croix - 2015

Michæl LONSDALE, un homme et un Dieu

Entretien avec un comédien charismatique

Michael Lonsdale est la simplicité même. Rien ne lui fait peur et il dit les choses comme il les voit, comme il les ressent, avec cette équanimité que donne le regard de la foi. Il considère l'histoire sans effroi et les hommes sans flatterie. À 82 ans, avec derrière lui quelque 150 films et une soixantaine de pièces de théâtre, c'est une montagne dans le paysage du spectacle - mais une montagne de douceur et d'humilité. Après avoir interprété l'admirable frère Luc dans Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, qui lui a valu le césar du meilleur second rôle masculin en 2011, on le retrouve cette semaine dans Le Village de carton, du cinéaste italien Ermanno Olmi. Le réalisateur de L'Arbre aux ­sabots et de La Légende du saint buveur lui a donné un rôle de prêtre très différent, confronté au déclin de la foi et à l'irruption d'immigrés clandestins dans son église.

Le Figaro : Vous connaissiez Ermanno Olmi ?

Michael LONSDALE : Je connaissais ses films, mais je ne l'avais jamais rencontré. L'amusant est que j'ai tourné en anglais. Je suis doublé en italien, très bien, car les Italiens ont une longue pratique du procédé.

Le Figaro : Comment voyez-vous votre personnage ?

Michael LONSDALE : Je le vois comme un prêtre dépassé. Ce n'est pas un charismatique… Il s'est attardé dans les choses anciennes, et les paroissiens ont cessé de venir. Son église désacralisée, il reste seul. Quand arrivent des clandestins, il demande au Christ : « Dis-moi ce qu'il faut faire » et la réponse est : « Tu vas t'occuper de ton prochain ». Et il s'y applique, tant bien que mal. Tout mouvement qui consiste à aider les gens, à leur donner logement et nourriture, est une préoccupation chrétienne.

Le Figaro : Le film montre l'immigration à la fois sous l'angle de la détresse et du danger, avec les personnages de terroristes.

Michael LONSDALE : Oui, il y a les deux aspects, parce que la misère et la violence ont souvent partie liée. Si on regarde loin dans les siècles, on a connu des déplacements de population incontrôlables. Il y avait des guerriers, mais pas seulement. Beaucoup de gens étaient poussés par le besoin de trouver de quoi se nourrir. Aujourd'hui, c'est un fait, les immigrants sont de plus en plus nombreux, et ils viennent de toutes parts. Africains, Arabes, Chinois n'ont pas les mêmes raisons et pas les mêmes spécificités. Au milieu de ce flot confus, les équilibres sont difficiles à trouver. Dans le sud de l'Italie, à Bari, les gens m'avaient expliqué que comme on donnait aux émigrés clandestins un petit pécule, ça profitait au petit commerce local, alors que les villages se vident. Mais que l'islam puisse poser des problèmes, on ne peut le nier. Sa force aujourd'hui vient moins des armes comme au temps de la conquête de l'Espagne que de l'argent. Les États riches, tel le Qatar, peuvent se payer tout ce qu'ils veulent.

Le Figaro : Cela n'a pas l'air de troubler votre paix ?

Michael LONSDALE : Non. Je ne suis pas fataliste, mais c'est ainsi : une espèce de loi de l'histoire. C'est déconcertant de vivre une époque pareille parce que c'est nouveau, inhabituel pour nous qui sommes civilisés depuis pas mal de temps. Or, nous voyons beaucoup de signes avant-coureurs d'une fin de civilisation. Ces déplacements de population en sont un. Un autre est le brouillage de la famille. Avoir ses parents, c'est capital pour un enfant. La mère, c'est la tendresse, le père celui qui montre, qui ouvre les portes de la vie. Double merveille. Cet équilibre humain a été voulu par Dieu. Et tout cela s'en va, se transforme sans qu'on sache en quoi…

Le Figaro : Est-ce que l'Europe chrétienne a encore quelque chose à proposer ?

Michael LONSDALE : Si elle se renouvelle, oui ! Ce qui est intéressant, c'est de voir les jeunes qui se rassemblent, aux JMJ, dans les pèlerinages. Les monastères sont remplis de jeunes. Et nous avons un Pape très courageux, qui veut vraiment changer les choses. L'Église a trop vécu dans le faste. Récemment, vous avez vu, il a révoqué un évêque allemand qui commençait à vivre comme un milliardaire.

Le Figaro : Ce luxe vous scandalise ?

Michael LONSDALE : La question de la richesse et de la pauvreté est absolument centrale, oui. Ces cachets de footballeurs, ces œuvres d'art qui se vendent à des millions de dollars, c'est d'une vanité et d'une imbécillité totales. Entendons-nous, je ne méprise pas l'argent, ce n'est pas un péché d'en gagner beaucoup, à condition d'en donner beaucoup.

Le Figaro : Et les cachets des acteurs ?

Michael LONSDALE : S'ils font venir du monde, ça ne m'embête pas que les acteurs gagnent beaucoup d'argent. Mais qu'en font-ils ? Lino Ventura avait créé la fondation Perce-Neige. rard Depardieu semble ne pas savoir que faire de son fric. Depardieu, j'ai joué des pièces avec lui avant qu'il ne soit connu. C'était vraiment un passionné, mais il n'aime pas le théâtre. Là, il a joué Love Letters mais juste quelques jours - on me l'a proposée, cette pièce, mais je l'ai refusée. Elle est mignonne, ça ne va pas plus loin… Gérard m'avait dit : « Tu sais, moi, je vais être le prochain Belmondo. » Il ne visait que le cinéma. Il a été le chouchou pendant des années, il a grimpé jusqu'au sommet, et puis, il arrive ce qui arrive quand on est trop riche… Maintenant il dit des bêtises : « Poutine, c'est comme Jean-Paul II… » Franchement !

Le Figaro : Vous avez un autre point commun avec Gérard Depardieu…

Michael LONSDALE : J'ai failli tourner avec lui dans un film de Godard. Godard m'a convoqué après m'avoir envoyé le scénario. Je lui avoue : « J'ai lu mais je ne comprends pas ». - « Ce n'est pas grave, répond-il, moi non plus. Voulez-vous lire le personnage ? » - Je lis, et il dit : « Mais vous avez lu ! » - « C'est ce que vous avez demandé, non ? » - « Bon, fait-il… Ça vous ennuierait de recommencer, et je vous filmerai pendant la lecture ? » On le fait, et à la fin il me dit : « Oh ! J'ai oublié de mettre en marche la caméra. » À ce point, j'ai conclu : « Bien. On ne recommencera pas. »

Le Figaro : En fait, en parlant d'un autre point commun, je pensais à Marguerite Duras…

Michael LONSDALE : Ah ! Bien sûr… Ça a été magique de jouer L'Amante anglaise, India Song, Détruire, dit-elle… Marguerite avait un don exceptionnel pour écrire, et tout ce qui était écriture était sacré, pour elle. Elle disait : « Dieu, j'en parle tout le temps mais je n'y crois pas. » Sa passion pour l'extrême folie me touche. Mais dès qu'elle parlait politique, je n'y comprenais rien et je m'éloignais. Elle prétendait que tout est politique. Je répondais, non, tout est poétique. J'ai écouté la conférence de presse de François Hollande, au bout d'une heure et demie j'en avais assez. Les politiciens emploient des termes que je ne comprends pas. La politique, c'est tout à fait… pas mon domaine. La politique, c'est le calcul. Il faut pour la mener une force de caractère et une honnêteté qui manquent à la plupart de ceux qui la font. Et la corruption, c'est terrible…

Le Figaro : Vous avez beaucoup publié, dernièrement : outre Jésus, j'y crois (Éditions Bayard), vous avez composé une anthologie de prières, Et ma bouche dira ta louange (Éditions Philippe Rey, avec un CD).

Michael LONSDALE : Je continue à partager mon trésor, simplement, comme je l'avais déjà fait avec les textes littéraires et les œuvres d'art qui comptent pour moi. Beaucoup de gens qui veulent prier ne savent pas trop comment s'y prendre. Alors, j'ai classé les prières par ordre des besoins : supplication, remerciement, louange…

Le Figaro : Pourquoi être chrétien ?

Michael LONSDALE : De toute ma vie, ce que j'ai lu de plus vrai, c'est l'Évangile. Nourri de cette parole, on peut aller très loin dans la vie, à condition d'appliquer ce qu'il dit, ce qui n'est pas facile Le jeune homme riche dit : je ne peux pas. On n'entre pas dans le Royaume de Dieu si on n'est pas comme des enfants. C'est merveilleux de dire cela. Moi, ça m'enchante. La spécificité du christianisme, c'est l'amour. Dostoïevski dit que la beauté sauvera le monde. J'aime la beauté, mais c'est un attribut de Dieu. Alors que l'amour, c'est Dieu Lui-même.

© Le Figaro - 2015

Le couvent de Rouru – Mangareva – 1836-1903 [5]

Fragments d’histoire

Dans le cadre de l’année de la Vie consacrée, nous reprenons ici la découverte de l’histoire de la vie religieuse en Polynésie. Cette fois-ci nous nous arrêterons sur les prémices de la vie religieuse féminine avec l’histoire méconnu du « Couvent du Sacré-Cœur » à Mangareva. Cet essai de l’histoire du couvent a été écrit par Jean-Paul DELBOS et publié dans la 3ème édition du livre : « La Mission du bout du monde » en 2011.

1858      Au mois de juin, le Maputeoa 1er, Capitaine Guézenec, arrive à Mangareva pour faire du commerce, avec à son bord le Dr Prat, médecin de la marine, sa femme et leurs deux enfants, ainsi que Gilbert Cuzent, pharmacien, qui a laissé le récit suivant : « … les missionnaires nous ont conduit à la succursale du couvent de Rouru dans laquelle les jeunes filles de cette communauté descendent passer la journée du dimanche pour ne s'en retourner qu'après les vêpres. Entouré de murs élevés, le terrain de cette succursale est planté d'arbres à pain. La maison principale, composée d'un rez-de-chaussée, est bâtie sur le point culminant de l'enclos, qui en pente douce va jusqu'à la mer »...

M. Cuzent poursuit : « Une dizaine de jeunes filles accoururent vers nous. La plus âgée pouvait avoir 18 ans... Dans une case voisine, nous trouvâmes deux religieuses atteintes de phtisie pulmonaire et crachant du pus à pleine bouche... À cette occasion, le Dr Prat proposa au Père Laval de lui rédiger un médecin de papier, c'est-à-dire une sorte de résumé des symptômes et du traitement des maladies propres au climat de l'archipel... Le Père Laval ajouta : il n'y a rien à faire contre la consomption et ces malheureuses meurent toutes comme cela !... Quelques jours plus tard, le Père Laval nous conduisit à Rouru. Nous franchissons la porte cochère et au fond à gauche d'une vaste cour, c'est la maison principale, c'est-à-dire le couvent, précédé d'un trottoir spacieux. Nous entrâmes au rez-de-chaussée, dans une grande salle aux murs recouverts d'une nappe de toile fine, une longue table était dressée, garnie d'assiettes en porcelaine remplies d'oranges, de bananes, de pastèques et de tranches d'ananas. Des cocos, dépouillés de leur écorce, ouverts et pleins d'une eau limpide, avaient été posés dans autant de verres à pied.

Immobiles, silencieuses et rangées autour de l'appartement, 40 religieuses s'inclinèrent à notre arrivée... La présentation terminée, les jeunes filles se précipitèrent vers la table et, folles de joie, elles s'emparèrent des assiettes dont elles vinrent nous offrir les fruits savoureux...

Une naïve familiarité ne tarda pas à s'emparer de nos hôtes qui... palpaient nos galons d'or, s'emparaient de nos casquettes... nous demandant nos noms et essayant de les répéter. Quelques-unes prièrent les dames de les coiffer, de leur faire des nattes pareilles aux leurs... Un escalier conduit de ce réfectoire au premier étage où se trouve un dortoir composé de 30 lits. Formé d'une claie en roseaux élevée du sol de 60 cm environ, chaque lit se composait d'un matelas, d'un drap de toile fine, d'une couverture de laine blanche, dont la fraîcheur des plis indiquait assez qu'on avait dû les sortir de l'armoire le matin même, en l'honneur de la circonstance. Des nattes protégeaient ces couvertures de la poussière.

À la tête des couchettes et piqué dans la toiture en feuilles de pandanus, était un petit crucifix en cuivre, ainsi que des quenouilles garnies de laine d'une blancheur irréprochable. Blanchie et filée par les religieuses, cette laine sert à confectionner leurs robes, dont l'étoffe est tramée par les tisserands de la mission.

Nous ramenant à l'entrée de la cour, le Père Laval nous fit visiter une chapelle dont l'autel, en blocs de corail taillés, était orné de colonnettes à chapiteaux corinthiens : c'est l'œuvre du frère Gilbert nous dit-il. Des rideaux en calicot blanc garnissaient les fenêtres et, sur une console placée entre deux croisées, était une pendule moderne.

Nous allâmes dans une maison contiguë, visiter un autre dortoir de dix lits (au-dessus de l'infirmerie), semblable à celui dont j'ai fait connaître les détails.

Le missionnaire fit observer que l'heure des vêpres était passée, qu'il fallait redescendre au plus tôt au village ».

1860      Le 22 janvier 1860, après vêpres, le Capitaine de vaisseau Henri Huchet de Cintré, commandant la Thisbée, va visiter Rouru avec le Père Laval. Le navire est venu chercher les pierres taillées à Mangareva par Gilbert Soulié et ses ouvriers mangaréviens et destinées aux portails de la cathédrale de Papeete.

Le Capitaine de Cintré rédige le compte rendu suivant : « En arrivant sur les terres du couvent, une allée charmante plantée en caféiers et orangers conduit à la porte. Il y a deux enceintes. Le pensionnat (école des filles) où nous trouvâmes les enfants s'attroupant devant nous, jouant (les enfants sont tous les mêmes). Dans cette enceinte est la chapelle : elle est simple mais l'autel est remarquable : le devant est d'une seule pierre de corail blanc très bien sculptée ; le dessus de l'autel est aussi composé de deux grandes tablettes de corail divisées par des sujets sculptés en relief. C'est M. de La Tour qui a dessiné les sujets et le Frère Gilbert qui a exécuté. Cette enceinte est plantée en maïoré. Les jeunes filles y trouvent donc de la place pour jouer à l'ombre et, outre cela, leur nourriture. Les maisons où elles logent sont en pierre mais je ne les trouve pas suffisamment aérées et élevées.

Nous entrâmes dans la seconde enceinte, celle du couvent. On attend des religieuses d'Europe pour diriger. En attendant, la Supérieure, Sœur Rose, est une naturelle âgée de 28 ans ; toutes sont jeunes, mais leurs vœux sont temporaires et ne peuvent dépasser une année. Il en sort très souvent pour se marier et elles sont habituées à cette idée. Elles sont, je pense, un peu plus de 20. Elles nous attendaient et nous reçurent dans la grande salle et, formant le cercle, d'abord intimidées, mais bientôt la gaieté revint ; elles nous offrirent des cocos, du maïoré cuit admirablement bien. Ensuite, comme de grands enfants, elles voulurent savoir nos noms, nous dirent les leurs, voulurent nous montrer leur science : j'avais mon livre de messe, il fallut les faire lire. Enfin, c'était une naïveté sans prétention ni coquetterie, qui annonçait une grande innocence... Les nattes de leur fabrication qu'elles ont eu la bonté de nous donner seront conservées avec un soin religieux ».

Journal de Gilbert Soulié : « Le 8 avril 1860, la fille de la reine qui se nomme Catherine quitte le couvent pour se rendre chez sa mère et les religieuses l'y ont conduite ».

1861      Journal de Gilbert Soulié : « Le 3 juin 1861, nous allons commencer à tailler la pierre de la porte d'entrée monumentale de Rouru avec les ouvriers de Mangareva... Le 22 juin, j'ai placé les fondements de la porte sur deux mètres d'épaisseur... L'aspect sera celui d'un petit arc de triomphe qui finira le mur d'enclos de l'institution devenue un vrai couvent l'année dernière, depuis que les pensionnaires sont autorisées à prononcer des vœux annuels renouvelables (sous le Père Cyprien, les vœux n'étaient que de trois mois. Laval, Mémoires)... Dans le mois de septembre 1861, les Sœurs ont été à Tekau pour faire de la chaux et elles en ont fait deux fournées et lundi, elles vont à Aukena pour en faire une autre... Sur la fin du mois de décembre 1861, deux religieuses anciennes font de la peine au Père Laval et à toutes leurs compagnes. C'est Virginie et Catherine qui veulent se retirer, ou les autres veulent les renvoyer pour cause de mauvaise tête »...

1862      Journal de Gilbert Soulié : « Aujourd'hui, 8 février 1862, je viens de finir de recrépir la porte d'entrée de Rouru, ou du couvent si vous voulez bien le dire... Le 22 mars 1862, je viens de finir la grande porte d'entrée du couvent, de placer la serrure, de la peindre et la clef a été remise à la Sœur portière ».

1863      Journal de Gilbert Soulié : « Ce 2 février 1863, j'ai fait 14 battoirs pour les religieuses pour qu'elles nous lavent le linge. Le 5 février, le Père Laval et moi nous allons au couvent porter de l'étoffe rouge pour faire un manteau pour l'adoration. Le 8 février, vers 6h du matin, on a commencé à faire l'adoration (à Rouru) avec le manteau rouge, pour la première fois, avec le plus grand enthousiasme. Elles sont venues me trouver pour me dire de venir voir comme c'était beau... C'est la Sœur Rose, la Supérieure, et la Sœur Madeleine, qui ont commencé les premières à faire l'adoration en manteau rouge... Le 16 février 1863, je vais placer une pendule chez les religieuses pour faire l'adoration... Le 8 mars 1863, les sœurs ont commencé à faire l'adoration à genoux sur les deux chaises que je leur ai faites pour l'adoration ».

1864      Mémoires du P. Laval : « Le 7 mars 1864, un navire se présente à la passe. Il transporte Mgr Jaussen, évêque de Tahiti, venu accompagner lui-même les restes du P. Cyprien à Mangareva... Le lendemain 8 mars, fut consacré à la réception des ossements du R. Père Cyprien... Toute la population se trouvait sous l'arc de triomphe et de réception (ouvrage du Frère Fabien Costes) qui donne sur la mer, en face du débarcadère.

Rouru étaient là les premières. Aussitôt que la caisse recouverte d'un drap mortuaire eut pris terre, les voilà, ces bonnes filles, qu'elles vont s'en emparer... pleurant comme des Magdeleine... Après la messe à l'église, les ossements furent transportés à la chapelle du couvent... On déposa la caisse recouverte toujours de son drap lugubre, près de l'autel à gauche, en attendant que le tombeau rut creusé dans la chapelle ; les sœurs avaient désiré ce privilège.

Quelques jours après, elles vinrent me demander la permission de porter la caisse au milieu de leur chambre commune ; je n'y vis aucun inconvénient. La nuit survenue, Rose, la Supérieure, permit à toute la communauté de la passer couchées toutes autour de cette caisse...

Enfin arriva le jour où Mgr Jaussen permit que l'on ouvrît la caisse pour mettre les ossements dans un meilleur état (rappel : Cyprien Liausu est mort huit ans plus tôt, le 29 mai 1856) Alors, chaque religieuse et novice s'apprêtait à recevoir les ossements chacune sur leur serviette blanche... Mais quel ne fut pas notre étonnement à tous quand, le chef débarrassé, on vit clairement que c'était celui d'une vieille femme ! Elle avait encore tout son toupet de cheveux, là où aurait été la tonsure... Deux dents à la mâchoire inférieure et sur le devant étaient renversées presque horizontalement et le Père Cyprien n'avait pas pareil défaut. Les cheveux du Père étaient noirs et gros, ceux-ci étaient fins comme de la soie et tiraient sur la couleur rouge. Définitivement ce n'était pas les ossements du Père et toute la communauté de se mettre à pleurer ! Monseigneur était ému... Il faut qu'il y ait eu supercherie de quelque carabin ! ... Monseigneur avait obtenu son exhumation à Cahors... la dépouille était restée à Picpus jusqu'au départ de Mgr Jaussen pour l'Océanie ; à Valparaiso, elle est restée chez Monseigneur lui-même et sur le navire elle a occupé sa cabine ... Dans l'incertitude, que, peut-être, il s'y serait mêlé quelques ossements du Père, elle a été enterrée au couvent, mais dans la partie qui sert au public, “la chapelle des étrangers”... »

[à suivre]

© La Mission du bout du monde - 2011

Méditation sur la Parole

 

Chers frères et sœurs, bonjour !

En Italie et dans beaucoup d’autres pays on célèbre en ce dimanche la fête du Corps et du Sang du Christ — on utilise souvent le nom latin : Corpus Domini ou Corpus Christi. La communauté ecclésiale se rassemble autour de l’Eucharistie pour adorer le plus précieux des trésors que Jésus lui a laissé.

L’Évangile de Jean présente le discours sur le « pain de vie », tenu par Jésus dans la synagogue de Capharnaüm, dans lequel il affirme : « Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et même, le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde » (Jn 6, 51). Jésus souligne qu’il n’est pas venu dans ce monde pour donner quelque chose, mais pour se donner lui-même, pour donner sa vie, en nourriture à ceux qui ont foi en Lui. Notre communion avec le Seigneur nous engage, nous ses disciples, à l’imiter, en faisant de notre existence, avec nos comportements, un pain rompu pour les autres, comme le Maître a rompu le pain qui est réellement sa chair. Pour nous, en revanche, ce sont les comportements généreux envers notre prochain qui révèlent l’attitude de rompre notre vie pour les autres.

A chaque fois que nous participons à la Messe et que nous nous nourrissons du Corps du Christ, la présence de Jésus et du Saint-Esprit agit en nous, façonne notre cœur, nous transmet des attitudes intérieures qui se traduisent en comportements conformes à l’Évangile. Tout d’abord la docilité à la Parole de Dieu, puis la fraternité entre nous, le courage du témoignage chrétien, l’imagination de la charité, la capacité de donner espérance aux découragés, d’accueillir les exclus. De cette manière, l’Eucharistie fait mûrir un style de vie chrétien. La charité du Christ, accueillie d’un cœur ouvert, nous change, nous transforme, nous rend capables d’aimer non pas selon la mesure humaine, toujours limitée, mais selon la mesure de Dieu. Et quelle est la mesure de Dieu? Sans mesure! La mesure de Dieu est sans mesure. Tout ! Tout ! Tout ! L’amour de Dieu ne peut se mesurer : il est sans mesure! Alors nous devenons capables d’aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas : et cela n’est pas facile. Aimer ceux qui ne nous aiment pas… cela n’est pas facile ! Car si nous savons qu’une personne ne nous aime pas, nous aussi nous avons tendance à ne pas l’aimer. Alors que non ! Nous devons aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas ! Nous opposer au mal par le bien, pardonner, partager, accueillir. Grâce à Jésus et à son Esprit, notre vie aussi devient « pain rompu » pour nos frères. Et en vivant ainsi, nous découvrons la joie véritable ! La joie de nous faire don, pour rendre ce grand don que nous avons reçu en premier, sans mérite de notre part. Et cela est beau: notre vie devient un don ! C’est cela imiter Jésus. Je voudrais rappeler ces deux choses. Premièrement : la mesure de l’amour de Dieu c’est aimer sans mesure. Est-ce clair ? Et notre vie, avec l’amour de Jésus, en recevant l’Eucharistie, se transforme en don. Comme l’a été la vie de Jésus. Ne pas oublier ces deux choses : la mesure de l’amour de Dieu c’est aimer sans mesure. Et en suivant Jésus, avec l’Eucharistie, nous faisons de notre vie un don.

Jésus, Pain de vie éternelle, est descendu du ciel et s’est fait chair grâce à la foi de la Très Sainte Vierge Marie. Après l’avoir porté en elle avec un amour ineffable, elle l’a suivi fidèlement jusqu’à la croix et la résurrection. Demandons à la Vierge Marie de nous aider à redécouvrir la beauté de l’Eucharistie, à en faire le centre de notre vie, en particulier à la Messe le dimanche et dans l’adoration.