PKO 02.08.2015

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°41/2015
Dimanche 2 août 2015 – 18ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs

L’option préférentielle pour les pauvres

« C’est cette approche du monde des pauvres que nous considérons à la fois comme une incarnation et comme une conversion. Les changements nécessaires au sein de l’Église, dans sa pastorale, l’éducation, la vie sacerdotale et religieuse, dans les mouvements laïcs, que nous n’avions pas pu réaliser tant que notre regard était fixé uniquement sur l’Église, nous les réalisons maintenant que nous nous tournons vers les pauvres ». (Mgr Oscar Romero)

Le Pape François ne cesse d’inviter à une profonde conversion à la fois de la société économique que nous formons mais surtout sur le  regard que nous portons  à  ceux qui en sont exclus. Difficile conversion !

Notre parade… « Ils doivent aussi se prendre en main ! »… « Nous ne pouvons pas faire à leur place ! » Si ce n’est pas tout simplement dire : « Ils en font rien pour s’en sortir ! » De tels propos sont antinomiques avec le fait de se déclarer chrétien. L’exigence chrétienne d’une option préférentielle pour les pauvres n’est pas liée à la bonne ou mauvaise volonté des personnes concernées mais à l’identification explicite de la part du Christ « au plus petit d’entre les miens ». L’attention effective et en acte aux pauvres est intrinsèque à l’identité chrétienne…

« Les premiers chrétiens disaient avec saint Irénée : “Gloria Dei, vivens homo”, la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Nous, nous pourrions concrétiser cela en disant : “Gloria Dei, vivens pauper”, la gloire de Dieu, c’est le pauvre vivant. Nous croyons qu’à partir de la transcendance de l’Évangile, nous pouvons apprécier ce qu’est la vérité de la vie des pauvres, et nous croyons aussi qu’en nous mettant du côté du pauvre et en tentant de lui donner la vie, nous saurons ce qu’est la vérité éternelle de l’Évangile ». (Mgr Oscar Romero)

Une exigence pour tous les chrétiens… mais aussi une exigence pour l’Église de s’affirmer clairement et explicitement pour les pauvres. Comment, nous Église en Polynésie nous prenons leur parti… Comment les défendons-nous ? Notre regard n’est-il pas « uniquement fixé sur l’Église » et son fonctionnement ?

Réveillons-nous… ou notre silence nous condamnera… « Que Dieu ne soit pas un alibi pour nous - "J'en parle, je le prie ... mais je suis ailleurs"Sans doute le christianisme s’est implanté en Polynésie mais la foi chrétienne peut-elle coexister avec l'indifférence des chrétiens à l'égard du nouveau champ missionnaire que nous venons de décrire ? » (Mgr Michel – Évangéliser la désespérance)

Chronique de la roue qui tourne

Ils ont ajourné mon droit de vivre !

« Les personnes handicapées vont encore devoir attendre des années avant de pouvoir accéder librement aux bâtiments des services publics. Face aux nombreux retard accumulés, le Sénat a validé, ce mardi 21 juillet, le projet de loi prévoyant le report de l'accessibilité des lieux publics aux personnes atteintes d'un handicap. Alors que la loi de 2005 avait entériné le 1er janvier 2015 comme échéance, les élus, face aux retards accumulés, ont donné leur feu vert pour l'octroi de trois à neuf années supplémentaires pour que les établissements français se mettent en conformité avec la loi. » (Un article sur aleteia.org)

Il y a cette anecdote que je raconte souvent : j'étais à l'étranger, je me promenais avec ma mère et des amis et c'était l'heure de manger. L'un de mes amis vint me demander : "Où veux-tu manger ?". Machinalement, je répondis : "Là où c'est accessible !". "Mais ici tout est accessible !" me rétorqua-t-il. J'avoue avoir été déconcertée. Pour la première fois de ma vie, et j'avais 31 ans, je pouvais choisir en fonction de mes goûts ! J'ai bafoué un j'sais pas, comme si je n'avais pas d'avis. Oui, les gens peuvent croire que je suis indécise, sans opinion fixe. Mais ils se trompent. Étant dépendante, ma vie m'a appris que mes choix m'appartiennent, certes, mais que les conséquences sont supportées par les autres, et notamment ceux que j'aime. Imaginez un instant que je veuille dîner au "Lion d'or" (ce n'est qu'un exemple!) avec son escalier tout étroit. Imaginez mes proches en train de me porter, seulement parce que JE VEUX manger au "Lion d'or". Vous allez dire "Quel égoïste !". Pourtant, ce n'est que l'affirmation de ce que je veux, donc ce que je suis. A travers cet exemple, on comprend bien le rôle de la capacité d'agir dans notre construction. Dépendante, je l'affirme et je suis moi autrement. Choisir en fonction du possible, choisir en fonction du plus pratique, voilà ma vie, et par extension celle de mes proches. Plus jeunes, combien de fois mes frères et sœurs ont souffert de cette situation. Là où je ne pouvais pas aller, ils n'y allaient pas non plus. J'ai appris, pour éviter des frustrations quotidiennes, à ne pas vouloir l'inaccessible.

Puis, la loi de 2005 est arrivée, parlant de droit, d'égalité, d'injustice à corriger. Nous avions droit à l'accès et c'était le devoir des autres de le rendre possible. Ça y est, nous allions pouvoir être des personnes à part entière. Le handicap redevient qu'une déficience que la société s'engageait à palier. L'humain pouvait revenir au premier plan avec ses rêves, ses envies, ses besoins.

« Les élus, face aux retards accumulés, ont donné leur feu vert pour l'octroi de trois à neuf années supplémentaires pour que les établissements français se mettent en conformité avec la loi. » C'est dire tout l'intérêt qu'ils avaient pour ce dossier !!!

Vous allez me demander pourquoi je m'excite autant, l'article concerne la France, ce grand Pays figurant parmi le G8. Je vous répondrai que si, avec un français sur quatre souffrant d'une incapacité, d'une limitation d'activité ou d'une handicap (26,4% des français soit 11 840 208 individus), la France se permet de repousser cette échéance si lourde de conséquences. Imaginez-nous, petits 11 000 polynésiens. Pourquoi serions-nous une priorité, ou même, une préoccupation ? Sans cynisme, je le promets, je rajouterai que j'espère que les portes du paradis sont, elles, aux normes.

La chaise masquée

Le Pape François, un Pape qui dérange

 

Le pape dérange. Lorsqu’il se contentait de critiquer les comportements de la Curie, les catholiques l’applaudissaient. Mais quand, dans l’encyclique Laudato si’, comme lors de son déplacement en Amérique latine, il dénonce une « économie qui tue » et un système qui « continue de nier à des milliers de millions de frères les droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires », il commence à faire, ici ou là, grincer des dents.

Il va trop loin, murmure-t-on dans certains milieux, notamment aux États-Unis, où on le surnomme d’un condescendant « pape de la Pampa ». Attaque trop facile, qui voudrait un peu vite attribuer tout ce que ce discours a de fort aux racines du pape. En bref, ce pape resterait trop marqué par son Amérique latine d’origine : ce qui est peut-être bon pour ce sous-continent ne saurait s’appliquer en Occident, disent-ils, où la réalité serait plus complexe, et les inégalités sociales moins criantes.

François, comme il l’a bien dit lui-même, ne sort pas de la doctrine sociale de l’Église la plus classique. Voilà longtemps que celle-ci dénonce un libéralisme qui s’autorégulerait, et affirme qu’il y a, au-dessus de la propriété privée, le droit à une juste attribution des biens universels, et à la dignité de chaque homme. Mais il est vrai que son expérience pastorale dans l’une des mégalopoles les plus injustes du monde donne à ce discours une force particulière. Surtout, ce pape venu du Sud martèle avec raison que le monde est devenu global : « L’interdépendance planétaire requiert des réponses globales aux problèmes locaux », a-t-il déclaré en Bolivie. L’Europe n’est pas plus à l’abri des drames du monde que les autres, comme la tragédie des migrants le rappelle chaque jour.

Dans cette critique, le pape François reconnaît que l’Église n’a pas le monopole de la vérité. Il répète aussi qu’il ne s’agit pas d’avoir un discours idéologique, mais de partir de la condition réelle des hommes et des femmes, dont l’Église du Christ ne saurait s’extraire. Au fond, dans un monde où l’économie peut asservir des hommes et défigurer la planète, demander une conversion radicale n’est pas une utopie. C’est juste faire preuve de réalisme.

Isabelle de Gaulmyn

© La Croix - 2015

Les Papes, ces grands nuisibles !

Le rôle du Pape dans la Cité…

Au lendemain de la visite du pape en Equateur, en Bolivie et au Paraguay, de nombreuses réactions se font entendre au sujet de son discours politique et économique. Ainsi du haut de sa superbe, un expert de la chaîne nord-américaine Fox News désignait un brave argentin de 79 ans se promenant en soutane blanche dans un jardin italien, comme « homme le plus dangereux du monde ».Gaultier Bès et Foucauld Giuliani se sont penchés sur le rôle du pape dans la cité.

« Ce pape commence à poser un vrai problème ». Alain Juppé le disait de Benoît XVI en 2009, après que ce dernier eut osé suggérer que la maîtrise de soi pouvait être une arme plus efficace que le tout-latex contre le SIDA. Certains le disent, de plus en plus ouvertement, du pape François. Oui, notre pape actuel aussi commence à poser un vrai problème, sous des modalités différentes, mais pour des raisons proches. C'est d'ailleurs sa vocation, si l'on réfléchit bien.

Tout se passe comme si l'amalgame entre l'Église et la bourgeoisie, le Vatican et la droite conservatrice, était à ce point inscrit dans les esprits que le pape François n'avait qu'à critiquer le mercantilisme actuel pour apparaître comme un pontife révolutionnaire. Lorsqu'il dénonce la dérégulation financière ou appelle à un meilleur partage des richesses, certains croient ainsi déceler dans ses propos un « marxisme pur ». François a même été couronné « homme le plus dangereux du monde » par un chroniqueur télévisuel américain proche des Républicains, qui l'assimilait à un militant d'Occupy Wall Street. D'ailleurs, tout le monde sait bien que « Jésus était un capitaliste prêchant la responsabilité personnelle, pas un socialiste », n'est-ce-pas ? Pour les libéraux les plus obtus, la messe est dite : le pape fait preuve d'une naïveté déconcertante ; il parle de ce qu'il ne connaît pas ; il ferait mieux de se recentrer sur son « cœur de métier », la morale individuelle et la spiritualité. Il ne comprend rien à la loi du marché. Il est de gauche, voire d'extrême gauche.

En réalité, ce n'est pas ce pape-ci ou ce pape-là qui serait « dans une situation d'autisme total » (Juppé dixit) par rapport à la complexité du réel (elle-même si bien comprise par les princes qui nous gouvernent). C'est le pape - le pape en tant que tel - qui pose problème, qui est un problème. Parce qu'il est hors du champ clos de nos dérisoires petits clivages, de nos polémiques bavardes, de notre manichéisme creux. Parce qu'il est dans le monde, mais pas du monde. Parce qu'il ne travaille ni à sa popularité ni à sa réélection. Parce que loin des alternances sans alternative de nos technocraties libérales, il propose une conversion intégrale de nos existences qui consiste à briser toutes nos idoles pour nous tourner vers le seul Dieu qui libère. Parce qu'il parle non pas seulement à sa chapelle, fût-elle forte d'un milliard de fidèles, non pas seulement Urbi, mais Orbi, aux chrétiens et à tous les êtres de bonne volonté : catholique signifie universel. En somme, parce qu'en disciple du Christ, le pape est « signe en butte à la contradiction » (Lc 2, 34). Successeur de Saint Pierre, il devient en effet « signe de contradiction pour le monde, dont la logique est souvent inspirée par le matérialisme et l'égoïsme » (Message de Benoît XVI pour les vocations, avril 2010). Ainsi est-il inévitable qu'il ait vocation à bousculer, voire à fâcher, tantôt à droite, tantôt à gauche, et parfois même de tous côtés. Benoît, François (et tutti quanti) : même combat !

Affirmer ceci n'est à l'évidence pas contradictoire avec le fait que chaque pape agit en fonction de ses qualités personnelles, de son tempérament, de ses sujets de prédilection, de sa formation intellectuelle et théologique, ainsi que des circonstances historiques dans lesquelles il est plongé. L'empreinte de François sera unique, comme celle de tous ses prédécesseurs. Cela dit, il est indéniable que notre pape a la parole opportune. Il sait réagir aux événements et frapper les esprits par des formules coup-de-poing : ses mots sont attendus et entendus. Mais plus profondément, si François est devenu une figure si incontournable dans le concert des nations, c'est qu'il sert un autre que lui-même. Il est le porte-parole de l'Église, qui elle-même, contre vents et marées, annonce l'Évangile de Jésus. L'aiguillon de son audace et de sa ténacité, c'est donc à la fois la réalité elle-même, en ce qu'elle a aujourd'hui d'intrinsèquement scandaleux, et la Bonne Nouvelle du Salut divin. Voilà pourquoi, sa parole transcende les groupes et les frontières, et fait autorité. Dans le fond, François ne proclame pas un discours politique et social si différent de celui des papes précédents. Simplement, il l'incarne avec une telle pugnacité que la confrontation morale avec le message chrétien et ses conséquences politiques ne peut plus être esquivée par personne.

Prenons l'exemple de son appel au changement de structures qui était, une fois de plus, au cœur de ses discours prononcés en Amérique Latine. Dès sa première encyclique, François pose clairement le problème : « Le système social et économique est injuste à sa racine. De même que le bien tend à se communiquer, de même le mal auquel on consent, c'est-à-dire l'injustice, tend à répandre sa force nuisible et à démolir silencieusement les bases de tout système politique et social, quelle que soit sa solidité » (La joie de l'Évangile, 2013). Nous nous rappelons alors l'appel sans ambages de Benoît XVI en 2006 : « Il faut éliminer les causes structurelles liées au système de gouvernement de l'économie mondiale, qui destine la majorité des ressources de la planète à une minorité de la population ». Aujourd'hui, les structures du monde sont sculptées par la liberté du capital qui, profitant de la dérégulation, de la concurrence généralisée et des nouveaux moyens technologiques, s'émancipe allègrement de toutes les bornes juridiques et géographiques qu'on voudrait légitimement lui fixer. Dès lors, comment ne pas adhérer à la pensée tranchante du pape François ? « Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l'avidité pour l'argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l'homme, le réduit en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres et, comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune » (Discours en Bolivie du 9 juillet 2015).

Alors, gauchiste, le pape ? Assurément, non. « Cette attention pour les pauvres est dans l'Évangile et dans la tradition de l'Église. Ce n'est pas une invention du communisme... Les communistes ont volé notre drapeau, le drapeau de la pauvreté est chrétien ! », répond-il face à ce genre d'accusations. Et pour cause : « Si je reprenais certains sermons des premiers pères de l'Église au deuxième ou au troisième siècle concernant la manière dont était traitée la pauvreté, certains m'accuseraient de proférer une homélie marxiste... » En réalité, si Jean-Paul II a pu sembler combattre prioritairement le collectivisme liberticide, ce n'est pas par amour du capitalisme, c'est parce qu'il représentait alors la plus grande menace pour les peuples. De même, si ses successeurs attaquent principalement le système néolibéral, ce n'est pas par populisme, mais parce que la logique du tout-marchand est ce qui ravage actuellement le plus la dignité humaine et la biodiversité.

Avec son charisme propre, François sait convoquer les attentions. Non pas seulement pour déplorer, mais pour susciter la révolte et l'action. Rien n'est irrémédiable. Des alternatives et des solutions concrètes, crédibles et efficaces, existent. Plutôt que de nous demander sans cesse pourquoi diable François fait montre d'une telle radicalité, peut-être pourrions-nous simplement interroger notre époque. Alors comprendrions-nous que le décalage est si grand avec le message évangélique qu'il est souhaitable que le pape porte un message de remise en question extrêmement fort. Oui ou non, demande le pape, « reconnaissons-nous que ce système a imposé la logique du gain à n'importe quel prix sans penser à l'exclusion sociale ou à la destruction de la nature ? ». La dynamique du système actuel est mortifère. Son effet est double : expulsion des plus vulnérables et destruction des conditions de la vie sur terre. L'avidité sans limite, voici l'élément central de la « culture du déchet » qui est la nôtre.

François n'est pas seulement là pour susciter notre révolte légitime. Son objectif n'est pas de nous tancer pour nous enfermer dans un infécond sentiment de culpabilité. Plus profondément, il souhaite nous mettre face à la radicalité du message chrétien, nous rappeler à quel point nos sociétés modernes, façonnées par des décennies de libéralisme débridé, ressemblent peu à ce que nous sommes en droit d'espérer. Il nous communique la grâce vivante et neuve de l'engagement. La question est donc : osera-t-on prendre le pape François au sérieux ? Lorsqu'on lui demande s'il pense être suivi, il a la grande intelligence de répondre la seule vérité qui compte : « C'est moi qui suit l'Église. Je prêche simplement la Doctrine Sociale. » Ne va-t-il pas plus loin - trop loin - cependant lorsqu'il affirme : « La destination universelle des biens n'est pas une figure de style de la doctrine sociale de l'Église. C'est une réalité antérieure à la propriété privée » ? Ouvrons le Compendium de la Doctrine Sociale et lisons : « Le droit à la propriété privée est subordonné à l'usage en commun. » (Jean-Paul II, Laborens exercens, 1981). Ou encore : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de création doivent équitablement affluer entre les mains de tous » (Centesimus annus, 1991). Alors que la notion de propriété d'usage devrait nous orienter vers une jouissance mesurée des fruits de la Création pour mieux les transmettre à nos descendants, nous préférons la voie de la prédation, de l'accumulation, et in fine, de l'épuisement de la terre, pourtant défavorable à tous.

Recevons le message de François là où nous sommes. « L'heure est venue d'accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d'autres parties », distingue ainsi le pape dans Laudato Si (193). En Amérique Latine, où le progrès social est encore en friche et où le profil sociologique des populations est différent qu'en Europe, le pape exige « terre, toit et travail pour tous », soulignant que ce sont là des « droits sacrés ». En France, le péril du productivisme, du jacobinisme et de l'ultralibéralisme nous obligent tout d'abord à retisser notre appartenance commune en bâtissant des communautés de vie et d'amitié à vocation politique. Grâce au charisme du pape François, la religion catholique apparaît dans toute la clarté de son être : elle n'est pas l'opium des peuples, mais le clairon qui tire les peuples de leur torpeur et leur transmet le désir de se battre pour la justice.

© Le Figaro - 2015

L’eugénisme médical aujourd’hui et demain [3]

par Jacques TESTART dans l’« Éternel retour de l’eugénisme »

Suite à l’autorisation du Conseil des ministres du 8 juillet d’inscrire le dépistage prénatal non invasif de la trisommie 21 à la nomenclature des actes de biologie médicale remboursable par la C.P.S., il nous est apparu important de conduire nos lecteurs à une réflexion de fond sur l’eugénisme moderne… dont cette décision est une illustration. Le texte ci-dessous est tiré de : Jacques Testart, dans l’éternel retour de l’eugénisme, J. Gayon et D. Jacobi Eds, PUF, 2006.

Contenir la pulsion eugénique

Ces quelques exemples montrent que, pour la première fois, l’eugénisme va avoir les moyens de ses promesses historiques. Puisqu’il n’est pas pensable que toute pratique eugénique soit refusée (il serait aussi contraire à l’éthique de ne pas éviter certaines existences trop douloureuses), l’enjeu est de décider des garde-fous pour contenir la pulsion eugénique. Pour cela, il faut que les motivations eugéniques soient confrontées aux dimensions humaines de la responsabilité des couples et du projet de la société. Plusieurs précautions peuvent être avancées dans ce but. Dans le cadre des propositions médicales, la décision eugénique doit appartenir aux personnes les plus concernées, c’est-à-dire les futurs parents. C’est ce qui arrive avec l’IMG, pourvu que l’information soit complète et objective. Mais cette condition n’est pas réalisée pour le don de sperme puisque les experts s’arrogent la responsabilité, c’est-à-dire le pouvoir, de décisions que nul n’a demandé (« appariement de couples reproducteurs »). Si l’anonymat est nécessaire pour l’IAD (ce qui devrait rester discutable), on comprend que les médecins se garantissent contre le reproche ultérieur d’action iatrogène; mais la prise en compte de critères sanitaires (maladies contagieuses) devrait suffire. Puisque le donneur doit être lui-même marié (et père de famille), c’est qu’il a été jugé « acceptable » par une femme, et ce fait trivial mais réel vaut bien une analyse prétendument savante du risque génétique qu’il véhiculerait. Il ne semble pas que les banques de sperme, dont le pouvoir de persuasion politique est connu, aient tenté de faire officiellement limiter leur responsabilité sur de telles bases. Si l’anonymat est source de responsabilité médicale, c’est aussi qu’il est source de pouvoir.

Dans le cas du DPI, on peut s’interroger sur l’aptitude à la décision des futurs parents si le risque encouru n’est plus celui d’une pathologie à la gravité évidente. Or le marché intellectuel, médical et commercial de la génétique passe justement par l’identification des innombrables configurations de l’ADN qui sont en relation plus ou moins directe avec des fragilités physiologiques ou des caractéristiques anatomiques ou comportementales. La complexité et la relativité statistique de tels éléments polygéniques impliqués dans la caractérisation d’un individu s’opposent à la qualité du consentement parental, et donc à la liberté de choix pour la décision. On peut même prédire que l’incertitude affectera d’autant plus les choix individuels que la médecine génétique revendiquera la vérité scientifique en démontrant des « facteurs de risque » au niveau des populations. Ainsi les diagnostics de nature seulement statistique ont-ils un potentiel d’aliénation supérieur à ceux qui établissent une relation automatique entre gène et caractéristique phénotypique. Et paradoxalement, c’est parce que la médecine vient nier l’eugénisme au nom de l’intérêt qu’elle porte à la singularité inédite de chaque personne que ses actions visent l’ensemble de la société. Ainsi l’eugénisme devient un exercice collectif.

Une autre proposition pour maintenir l’eugénisme dans un cadre « raisonnable » est de freiner l’ambition eugénique, laquelle ne doit pas prétendre résoudre les fantasmes sans limites (bébé « parfait »). Il existe des freins naturels pour les pratiques eugéniques archaïques (infanticide, stérilisation) et pour certaines pratiques récentes (« avortement thérapeutique » = IMG): la douleur physique et morale qui accompagne l’action eugénique. Remarquer que de tels freins n’existent plus dans le DPI ne consiste pas à les regretter en choisissant la souffrance comme argument éthique (rédemption...) mais porte à s’interroger sur la nature des freins artificiels qui pourraient se substituer aux anciens freins naturels afin d’empêcher la dérive eugénique. Tous les problèmes d’éthique posent la même question de la limite. Puisqu’il n’est pas possible de définir la limite entre une maladie grave et un handicap léger, ni d’établir une liste limitée des affections qui justifient le DPN ou le DPI, le DPI constitue bien une pratique au champ potentiellement illimitée. Ses indications ne peuvent en effet être bornées que par l’intransigeance médicale ou le coût financier, ces notions étant assez subjectives pour ne pas constituer des frontières précises et définitives. C’est pourquoi, quelques années avant l’invention du DPI, j’avais marqué mon opposition à la sélection des embryons in vitro, postulant qu’elle différerait fortement de la sélection des fœtus par DPN-IMG (Testart 1986).

La réflexion menée en France sur, et plus particulièrement sur le DPI, a conduit aux lois dites « de bioéthique » (1994 puis 2004). Dans cette législation, le DPI se trouve limité par une clause impérative qui n’autorise la recherche que d’une seule anomalie. Dans ces conditions, le seul avantage du DPI sur le DPN serait la quasi certitude de découvrir un embryon normal puisque plusieurs sont analysés, et l’évitement de l’avortement thérapeutique puisque le tri est opéré avant la grossesse. Une telle règle est donc à même de réduire considérablement le pouvoir eugénique du DPI. Pourtant cette règle est une spécificité hexagonale. Dans d’autres pays, on discute plutôt de la généralisation du DPI à tous les cas de FIV chez des femmes « âgées » (après 35 ans) afin de détecter les embryons trisomiques, et on propose d’en profiter pour dépister simultanément d’autres anomalies, non liées au vieillissement. De plus, le nombre de caractéristiques recherchées n’est limité que par des considérations pratiques (nombre d’embryons et de sondes génétiques disponibles) et il n’est pas certain que ces dispositions de la loi soient respectées en France. Notre législation exemplaire sera-t-elle longtemps tenable alors que les règles médicales s’internationalisent en même temps que les marchés? Que se passera-t-il à très court terme quand des règles d’éthiques communes aux nations d’Europe seront proclamées? Va-t-on recréer la situation de tourisme médical qui pousserait les patients demandeurs vers la Belgique ou la Grande-Bretagne comme ce fut le cas pour l’IVG avant la loi Veil? Dans une tentative désespérée pour empêcher la dérive eugénique du DPI, le généticien Bernard Sèle et moi-même avons proposé aux praticiens potentiellement impliqués dans le tri embryonnaire de s’engager à limiter leur pratique, quelles que soient les nouvelles possibilités qu’apporteront les progrès techniques. Il s’agirait de niveler le pouvoir eugénique du DPI sur celui du diagnostic prénatal (DPN) en évitant la plupart des aberrations numériques et structurelles des chromosomes mais en refusant la caractérisation de l’ensemble des mutations pour lesquelles un diagnostic est disponible. La proposition, soumise aux praticiens du monde entier, prévoyait « pour que le DPI reste un DPN précoce, de limiter définitivement son intervention à l’établissement du caryotype et à la recherche d’un seul variant pathologique pour l’ensemble des embryons disponibles chez un même couple » (Testart 2002). Le faible nombre de réponses reçues (moins de 100), parmi lesquelles des accusations d’atteinte à la liberté qu’ont les géniteurs de choisir leurs enfants, nous ont définitivement convaincus que les jeux sont faits, quel que soit l’état provisoire des lieux et les assurances lénifiantes, ici ou ailleurs. Le bon sens oblige à considérer que le principe de précaution qu’exprime la loi française sera caduque à courte échéance.

Par ailleurs, si l’on veut construire des garde-fous contre la dérive eugénique, les valeurs humaines non génétiques doivent être proclamées afin que les individus ne soient pas définis par leurs seuls caractères biologiques. Prendre en compte la personne avec son affectivité, son étrangeté, ses goûts, sa différence, c’est reconnaître que le bien-être n’est pas seulement dans la santé physique. Les médecins le savent mais beaucoup l’oublient: comment soigner le corps par la médecine spécialisée comme s’il n’était qu’un objet maîtrisable et, en même temps, laisser assez de place à la personne qui habite ce corps?

La société est confrontée à des choix liés aux nouvelles et puissantes technologies du vivant. Ces choix ont une importance historique dans le cas des procédés permettant le nouvel eugénisme car ces procédés répondent à des fantasmes immémoriaux et peuvent être considérés comme irréversibles dès leur mise à disposition. Puisque les habitants des pays industrialisés ne souhaitent avoir qu’un nombre réduit d’enfants (environ 1,6 par famille) et se soucient de plus en plus de la « qualité » de ces enfants, la question se pose d’utiliser ou non tous les moyens pour procréer des bébés « normaux ». Mais la définition de la normalité est de plus en plus soumise aux résultats du programme Génome humain puisque cette entreprise d’anatomie moléculaire contribue à révéler le singulier de chaque personne (Testart 1997). De plus l’acceptation sociale des individus est de plus en plus soumise à l’idéologie triomphante de la compétitivité. Aussi existe-t-il une pression renouvelée sur les couples pour la réalisation du fantasme d’enfant « de bonne qualité ». La traduction largement médiatisée de ce fantasme laisse croire qu’on s’apprêterait à fabriquer des humains génétiquement modifiés, à l’instar des OGM animaux ou végétaux obtenus par addition de gènes prélevés dans une autre espèce, voire un autre ordre du vivant. Les OGM « domestiques » sont conçus pour répondre à des besoins de l’humanité, mais on ne sait pas définir les performances qui seraient à acquérir dans notre espèce. Aussi, outre les problèmes éthiques et techniques non résolus, la transgenèse humaine restera longtemps dans la fiction. En écho à ce fantasme de modification, le fantasme d’immortalité a trouvé un support expérimental récent avec le clonage. Notons immédiatement que si le clonage est conçu pour « faire revivre » une personne (aberration anthropologique), il est le contraire d’un projet eugénique. Le « clonage eugénique » ne s’entendrait que par la création de hordes de surhommes semblables, un projet qui n’appartient qu’à la création fantastique. Si la plupart des Etats industrialisés condamnent le clonage « reproductif », c’est en partie parce que cette technologie est incertaine et moralement éprouvante. Mais on remarquera aussi que le clonage reproductif n’est pas actuellement en mesure d’ouvrir de nouveaux marchés médico-industriels conséquents, contrairement au clonage dit « thérapeutique ». Il est alors compréhensible que ce soit parmi les artisans (du gourou Raël au gynécamelot Antinori) que provienne la contestation de l’interdit, lequel est vaillamment revendiqué par les puissantes sphères de la biotechnologie.

Curieusement, alors que les stratégies potentielles de modification délibérée de l’espèce humaine (transgenèse) ou de reproduction du même (clonage) occupent l’actualité et les fantasmes, l’« amélioration de l’humanité » par la stratégie de sélection des embryons avance masquée. Si elle est rarement évaluée et commentée, c’est peut-être pour éviter les réminiscences de sordides discours et de tragiques expériences. Ou alors, c’est l’insuffisance fantasmatique de la sélection des embryons qui la fait cacher par les autres stratégies: ici on n’ose pas le mythe du surhomme mais seulement celui du normal, on n’ose pas le mythe de l’immortalité mais seulement celui de la santé. Le DPI ne prétend pas dépasser la nature, il cherche modestement à en valoriser les meilleures productions. Pourtant le façonnage de l’humain par la sélection embryonnaire est potentiellement une action de masse, autrement plus redoutable que la transgenèse ou le clonage. Le tri des embryons est la seule stratégie qui utilise les forces aveugles qui font l’évolution, et en particulier la diversité des vivants, pour les retourner en choix délibérés. Trier l’humanité dans l’œuf, c’est vouloir piloter des processus naturels d’une puissance innovante infinie. En même temps, cette stratégie eugénique est la seule à n’exclure aucun géniteur du projet amélioratif puisque pratiquement tous les êtres humains, même les plus « tarés », sont susceptibles de concevoir un embryon « normal » au sein d’une cohorte toujours variée. Ainsi ses défenseurs pourront faire valoir que le DPI est éminemment démocratique. Il est intéressant de remarquer que l’appréciation génétique ne reconnaît jusqu’ici que « du normal » et « du handicap », la qualification de profils génétiques supérieurs à la norme n’étant encore qu’esquissée. Il n’existe donc pas encore en génétique du « mieux que normal », champion, génie ou leader, comme cela arrive à l’issue des compétitions sportives, de l’évaluation du Q.I. ou de la reconnaissance sociale. Mais la génétique prédictive commence à reconnaître des hiérarchies dans les combinaisons polygéniques, elle mesure des « degrés du risque » génétique, et donc se prépare à identifier du sub- et du sur-normal. Dans ces conditions, la définition du handicap va devenir encore plus subjective, malgré sa scientifisation apparente. Ou plutôt parce que sa mise en science ne permet pas de mieux qualifier ce qu’est l’humanité et, fort heureusement, de faire le portrait-robot d’un improbable enfant parfait. Il est évident que la menace eugénique par DPI telle qu’elle est exposée ici n’a eu, à ce jour, qu’une traduction modeste dans la réalité, et qu’ainsi notre « cri d’alarme » pourrait être considéré comme inutilement dramatique. Pourtant on doit convenir que cette technologie constitue une importante incitation pour les désirs eugéniques des personnes comme pour l’ouverture de nouveaux marchés aux professionnels (médecins, généticiens, industriels). De plus, il n’existe aucune proposition concrète pour en contenir les excès, sauf la « confiance » dans les bonnes pratiques des professionnels et le bon sens des citoyens. Dans ces conditions, il faut faire preuve d’un bel optimisme pour ne pas admettre que le pire est vraisemblable. Rebaptiser l’eugénisme « orthogénie » ou « progénisme » comme le proposent des médecins « progressistes » risque de masquer les problèmes de fond, et donc de paralyser la vigilance. Surtout, nier que l’eugénisme puisse être compatible avec les systèmes politiques modernes et démocratiques, c’est méconnaître l’histoire et ouvrir la voie pour de nouvelles aventures où le racisme du gène pourrait remplacer scientifiquement le racisme de la peau ou de l’origine. « Si, sous l’influence de la génétique moléculaire, on laisse entendre que les races n’existent pas, c’est simplement parce que cette notion, taxinomique, n’a ni sens ni utilité dans cette discipline » (Pichot 1997). Cette remarque pertinente amène à poser la question de ce qui a du sens et de l’utilité pour la nouvelle génétique et pour la nouvelle médecine qu’elle a engendrée. Il faudra beaucoup d’audace et de persévérance pour résister à la volonté hégémonique de la médecine moléculaire et aux mirages eugéniques qui viennent consacrer ses bribes de savoir.

Deux questions méritent d’être évoquées pour terminer. L’une concerne la nature même de l’humain visé par le processus sélectif: si ce processus prétend aller vers la suppression de tous les handicaps, ne conduit-il pas à des corps dotés des meilleurs gènes en chaque point du génome? C’est-à-dire à l’élaboration d’un « corps sans faute » comme le serait celui d’un surhomme? Sans omettre la mystique génétique (Nelkin et Lindee 1998) qui inspire cette stratégie et les tragiques retours de maîtrise à prévoir, il reste que la voie aujourd’hui ouverte par la sélection des homoncules est celle de la construction de l’homme idéal. Et survient immédiatement la seconde question: si les demandes adressées par les géniteurs à la biomédecine se révèlent univoques, toutes ciblées vers l’utopie du « handicap zéro », la réalisation des mêmes demandes pour tous les individus ne correspond-elle pas à la fabrique de clones biomédicaux, sans passer par la technologie du clonage?

Comment ne pas craindre aussi que la réalisation de tels projets n’engendre des formes inédites de gestion de l’humain, où la rationalité ne s’affirmerait qu’au prix d’un certain autoritarisme? La médecine peut devenir le lieu sacrificiel où se décide le sort de l’homme, réduit à sa dimension biologique de vivant, que Giorgio Agamben appelle la « vie nue ». Et le philosophe remarque que « dans tout Etat moderne, il existe un point qui marque le moment où la décision sur la vie se transforme en une décision sur la mort, et où la biopolitique peut ainsi se renverser en thanatopolitique » d’où « l’étrange relation de contiguïté qui unit la démocratie au totalitarisme » (Agamben 1997). Tout se passe comme si le fantasme collectif de perfection par l’eugénisme nouveau, mou et consensuel, devait générer une nouvelle mouture de la démocratie: l’instrumentation consentie.

© Jacques Testard Free - 2006

Kepler, « une planète similaire à la Terre »

Explications du R.P. Funes, s.j. à Radio Vatican

Au micro de Radio Vatican, le directeur de l’Observatoire du Vatican commente la découverte de Kepler, « jumelle » de la Terre.

Kepler 425b : « La nouveauté de cette découverte est que nous nous trouvons devant une planète similaire à la Terre », explique le père José Gabriel Funes, sj, directeur de l'Observatoire astronomique du Vatican au micro de Radio Vatican. 

La NASA a identifié Kepler dans la constellation du Cygne, à 1400 années lumière de la terre : c’est une planète « jumelle » par ses dimensions, se mouvements et ses caractéristiques naturelles, même si elle est trop lointaine pour être observée avec précision.

Elle a un diamètre similaire – 60% de plus – et elle tourne autour d'une étoile analogue au soleil mais plus vieille, avec une période de révolution de 385 jours, un peu plus de notre année, mais surtout elle le fait à une distance identique.

« La nouveauté de cette découverte est que nous nous trouvons devant une planète similaire à la Terre, mais un peu plus grande, comme celles qui s'appellent 'super terre’, explique le P. Funes. Elle tourne autour d'une étoile très similaire à notre soleil et elle se trouve dans ce qu'on appelle la « zone habitable » qui pourrait être hospitalière à la vie. »

Il précise dans quelle direction va maintenant travailler la recherche : « Nous devons d'abord établir s'il s'agit d'une planète terrestre, donc de la même composition et densité que notre Terre. Ensuite – peut-être dans dix ans – nous serons capables d'observer l’atmosphère de ces planètes et voir si il y a des éléments qui nous disent qu'il y a réellement une possibilité de vie, comme l'oxygène, le carbone. Mais la chose importante est de continuer ces efforts de recherche, parce qu'ils nous aident et nous mettent devant une perspective de l'être humain plus large par rapport à celle de tous les jours. En ce sens je pense que c'est une chose importante. »

Pour ce qui est du rapport entre science et foi, le jésuite ajoute : « Les résultats scientifiques sont ceux que la communauté scientifique accepte comme valables. Non il y a une « science catholique » et une « science non catholique », il y a la science, qui a certainement un moyen de se rapprocher de la vérité, différente de ce qu'offre la religion ou la foi, mais ce sont deux choses complémentaires. C'est certain ! Et elles peuvent s'aider à tour de rôle. Je pense que nous sommes sur cette voie … Je dirais sans aucun doute que la technologie pourra dire quelque chose sur cet argument seulement une fois que nous trouverons quelques résultats scientifiques … Il faut attendre et être patient. En attendant nous étudions et continuons nos recherches. »

Il ajoute : « Il y a beaucoup de chemin à parcourir, nous faisons des progrès et ces progrès sont réalisés grâce au travail de tant de personnes. Ceci démontre l'importance, je dirais de la science même et c'est une chose très belle, qui peut inspirer les jeunes. »

© Zenit - 2015

Quand justice et miséricorde se rencontrent

En guise d epréparation à l’Année de la Miséricorde…

Le 8 décembre prochain débutera pour l’Église l’année de la Miséricorde. Sans attendre cette date, il m’a paru important de souligner l’importance de celle-ci pour la vie des croyants. De plus, ayant besoin d’un angle d’approche très précis pour ce court article, j’ai choisi d’aborder le sujet de la miséricorde dans son rapport avec la justice.

Thème éternel que ce face à face entre justice et miséricorde ! Très logiquement la justice a été associée à la vérité, et la miséricorde à l’amour. La justice de Dieu nous met face à la réalité de notre péché, de nos contradictions. Quant à la miséricorde, elle déplace le curseur en direction de la bonté : avec elle, Dieu passe outre nos égarements. La justice de Dieu porte la lumière sur nos errements ; la miséricorde, quant à elle, met l’onguent de la tendresse sur nos plaies en y apposant le sceau du pardon. Dieu, à défaut d’être complaisant envers elles, prend pitié de nos faiblesses, parfois même les « comprend ».

De plus, la justice n’est pas seulement l’affaire de Dieu. Nous devons la consolider à notre tour avec nos actes. En religion, cela s’appelle expiation, réparation. Mais point n’est besoin de croire pour cela. En toute justice, nous devons réparer les dégâts que nous avons causés. Par miséricorde, Dieu continue de payer le plus gros de l’addition à notre place – ce qu’il a réalisé principalement en envoyant son Fils dans le monde (dans quelles conditions !).

Cependant, cette distribution des rôles entre justice et miséricorde, vérité et amour, n’est-elle pas trop évidente pour être tout à fait probante ? Les choses ne sont-elles pas un peu plus complexes ? Et si la justice était aussi une question d’amour, et la miséricorde, une question de vérité ?

La justice est aussi une affaire d’amour…

En voulant que nous fassions la vérité sur nous-mêmes, que nous remboursions par exemple ce que nous avons volé, Dieu n’agit pas comme un maître dur et implacable. Au contraire, Il nous estime, nous traite en adultes responsables, capables de rattraper par nous-mêmes les erreurs ou les fautes que nous avons commises. S’Il passait systématiquement l’éponge sur elles, ne nous considérerait-Il pas comme des mineurs perpétuels, incapables de s’orienter dans la vie, et de répondre de leurs actes ?

Un Dieu « papa-gâteau » ne sera jamais un éducateur crédible à la liberté, ni un Père capable d’éprouver de la fierté pour ses enfants. Voilà pourquoi la justice divine est synonyme d’amour, de tendresse. L’amour de Dieu se reconnaît à l’autonomie qu’il laisse à ses créatures, à la liberté qu’il leur accorde, à la vérité qu’il exige de leur part, et enfin à l’exigence de répondre de leurs actes, d’en assumer les conséquences, de stopper les effets néfastes de celles-ci (en nous demandant de recoller les pots cassés par exemple).

… comme la miséricorde, une affaire de vérité

Quant à la miséricorde, elle peut être associée à la vérité en ce sens qu’en pardonnant, Dieu agit en fonction de la vérité de son Être qui est Amour. Car la miséricorde de Dieu n’est pas un attribut divin parmi d’autres, mais le principal. Le monde a été créé par miséricorde : le Tout-Puissant a désiré honorer les tout-petits que nous sommes en les appelant à l’être. Et la Rédemption, acquise dans la mort du Fils bien-aimé, porte davantage encore la marque de cet attribut divin essentiel.

Autrement dit, on ne peut comprendre la vérité du monde sans faire appel à elle. Dieu s’est toujours penché sur la misère de ses créatures. Que l’on songe par exemple à sa sollicitude envers Adam et Eve après leur chute. Dieu leur fournit des vêtements, alors qu’ils viennent de Le trahir ! N’est-ce pas là un signe prodigieux de miséricorde de Sa part ?

Si la miséricorde est la vérité de Dieu, il n’y pas de raison qu’elle ne représente pas également la vérité de l’homme. Celui-ci fait sa vérité, parvient à devenir lui-même lorsqu’il la pratique envers son prochain. Pourquoi ? C’est qu’en pardonnant à mon frère, non seulement je ne me considère pas comme supérieur à lui – ce qui relève de cette vérité que tous les hommes ont tous même et inaliénable dignité –, mais de surcroît j’imite la bonté de Dieu qui désire que personne ne reste enfermé dans son passé, ne soit prisonnier de ses méfaits.

Pardonner les offenses, c’est aussi attester cette vérité : nous sommes tous des ouvriers de la onzième heure, des ouvriers qui ne méritent pas le salaire que Dieu nous paye. Ce qu’Il nous donne n’est pas un dû. Dieu n’est pas notre débiteur. Au contraire, c’est nous qui avons une ligne de crédit chez Lui. Si nous avons moins péché que notre voisin, cela tient souvent à ce qu’Il nous a davantage fait grâce qu’à lui. Pour cette raison, nous aurions mauvaise grâce à ne pas pardonner à ce voisin qui a eu droit à un prêt moins important que nous !

Attention ! Ne ressemblons pas au débiteur impitoyable de la parabole ! En faisant la vérité sur notre vie, nous nous apercevrons vite que Dieu nous a fait plus souvent grâce que nous ne le pensons ! Aussi, en l’imitant, non seulement nous confesserons la vérité de la miséricorde divine à notre endroit, mais de plus nous serons logiques avec notre foi théologale relative à ce que Dieu est en Lui-même.

Pourquoi refuser de pardonner une peccadille à autrui, alors que Dieu a passé l’éponge sur mon égoïsme viscéral ? La miséricorde est bien une affaire de vérité. Je ne peux croire au pardon de Dieu et le refuser à mon pauvre voisin (à qui j’en veux souvent parce qu’il a percé à jour mes défauts ! une affaire de vérité toujours !). Ici aussi, il est nécessaire d’accorder ses actes à sa foi.

Lorsque le Christ nous demande d’être miséricordieux comme l’est notre Père céleste, c’est autant une recommandation morale (amour) qu’une révélation (vérité) qu’il nous dispense. La miséricorde nous ajuste à la vérité intime qui est celle de Dieu pour nous, à ses entrailles maternelles (rahamim). En effet, pour parler de miséricorde, l’Ancien Testament utilise le terme rahamin, dérivé du mot rehem qui désigne le sein maternel, ou les entrailles en lesquelles la culture biblique voyait le siège des sentiments.

Dieu se rend justice à Lui-même en étant miséricordieux

De plus la sainteté de Dieu est si haute que l’homme ne peut pas se comprendre sans la miséricorde de Dieu. Confesser celle-ci, c’est regarder cette vérité : nous sommes faibles, et Dieu est tout aimant. Ainsi Dieu fait justice à la vérité, la sienne comme la nôtre, en nous faisant miséricorde ! Sinon, il n’y aurait plus de monde : la justice implacable nous anéantirait tous.

Dans le livre du prophète Osée, Dieu déclare, après avoir considéré l’infidélité du peuple, et promis néanmoins qu’Il ne le punira pas en proportion de ses fautes : « Car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur » (Os 11,9)

Que retenir de cette déclaration ? Dieu ne veut-Il pas nous faire comprendre par là que sa sainteté, sa transcendance par rapport à nous autres, ne s’exprime pas dans la colère mais plutôt dans la miséricorde ? Comment mieux dire que celle-ci n’est pas antinomique avec sa vérité ? Cette dernière n’est pas l’apanage de la justice ! La miséricorde de Dieu le révèle à la fois comme le Tout-Autre et le Tout-Proche ! Paradoxe de cette distance alliée à cette proximité inouïe ! Paradoxe qui fait écho à celui de l’alliance de la justice et de l’amour.

Ainsi, la justice de Dieu n’est pas contradictoire avec son amour qui nous veut responsables et libres, comme sa miséricorde n’est pas antinomique avec sa vérité. En se penchant sur nos misères, qu’elles soient physiques, morales ou spirituelles, en nous aimant plus que de raison, Dieu au final se rend justice à Lui-même, rend justice à son Être qui est Amour !

Jean-Michel Castaing

© Cahiers libres - 2015

Méditation sur la Parole

Je suis le pain de vie

Nous continuons aujourd’hui l’étude du 6e chapitre de S. Jean. La semaine dernière, nous avons assisté à la rencontre de Jésus avec la foule dans le désert et le miracle de la multiplication des pains. Ce miracle occupe la place centrale parmi les sept miracles retenus par S. Jean.

Le jour après la multiplication des pains. Jésus et ses disciples traversent le lac de Génésareth et le Seigneur commence son long discours sur le pain de vie.

« Le Pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde ». Quelle belle expression ! Le Christ est le Pain dont nous avons besoin pour vivre. « Il est venu pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance. » (Jean 10, 10)

Il y a deux espèces de vie, comme il y a deux espèces de pain. Vous travaillez pour votre nourriture corporelle, dit Jésus, à ces paysans. Or c’est une nourriture périssable, pour une vie périssable. Il existe une autre nourriture, un « pain venu du ciel, pour une vie éternelle. »

Quelle est cette nourriture, lui demandent-ils ? « Je suis le pain de vie, venu du ciel ». « Ceux qui viennent à moi, n’auront plus jamais faim ». Le Seigneur met ici l’accent sur la plénitude et sur le rassasiement.

Tout en mentionnant la manne du désert, Jésus fait allusion au statut de l’homme pécheur dans la Genèse (ch. 3). « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». Nourriture obtenue par un travail éreintant, nourriture qui ne parvient pas à conjurer la décrépitude et la mort, nourriture-sursis, qui monte de la terre, moyennant le travail harassant et la sueur du front.

Dans le texte de Jean, tous ces termes sont inversés. Jésus annonce un pain nouveau qui ne monte pas de la terre mais qui descend du ciel. Un pain qui n’est pas le fruit du travail car le seul effort requis pour le recevoir est de l’accepter dans la foi. Ce que Dieu espère de nous c’est que nous croyions que le Christ est notre pain de vie.

L’eucharistie n’est pas simplement un repas, une liturgie où tout doit se dérouler selon les normes et les rubriques, où chacun joue le rôle qui lui est assigné. Il ne s’agit pas de somptueux vêtements liturgiques, de riches décorations, de musique inspirante, d’homélies bien préparées… Il s’agit d’une rencontre communautaire qui fait grandir notre foi en Jésus, le pain venu du ciel. Lorsque je travaillais au Mexique, je me souviens d’avoir célébré l’eucharistie dans des baraques de fortune. Mais, la communauté chrétienne était présente et participait activement, avec joie et conviction. Le Christ était présent, comme il l’est dans nos grandes églises et dans nos cathédrales.

Dans l’un de ses livres, le P. Joseph Pellegrino pose la question : « Qu’est-ce qui fait qu’une personne est chrétienne ? » Est-ce le baptême ? Des centaines de gens sont baptisés et ensuite, n’ont plus aucun contact avec le christianisme. Est-ce le fait d’appartenir à une paroisse ? De remplir des formulaires pour obtenir la confirmation des enfants, où pour se marier dans l’Église ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est chrétienne ? La réponse est simple : Jésus Christ. Tout ce qui est important dans le christianisme tourne autour du Christ. Ceux et celles qui lui rendent hommage et le laisse entrer dans leur vie de tous les jours, sont des chrétiens. « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé ».

© Cursillo - 2015