PKO 02.04.2015 jeudi saint

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°21/2015
Jeudi 2 avril 2015 – Jeudi Saint – Sainte Cène – Année B

L’icône bouleversante du lavement des pieds

Homélie du Jeudi Saint du pape Saint Jean Paul II le 12 avril 2001

L´icône bouleversante du lavement des pieds. En souvenir du geste du Christ envers ses apôtres, Jean-Paul II a refait le geste du lavement des pieds à douze prêtres âgés, après son homélie, lors de la célébration de la Cène du Seigneur, en la basilique Saint-Jean-du-Latran, cathédrale de l´évêque de Rome et « Mère de toutes les Églises ».

1. « In supremae nocte Cenae / recumbens cum fratribus... - La nuit de la dernière Cène, / assis à table avec les siens..., / de ses propres mains / il donne lui-même la nourriture aux Douze ».

C'est avec ces paroles que l'hymne suggestif du « Pange lingua » que se présente la Dernière Cène, au cours de laquelle Jésus nous a laissé l'admirable Sacrement de son Corps et de son Sang. Les lectures qui viennent d'être proclamées en illustrent le sens profond. Elles composent presque un tryptique : elles présentent l'institution de l'Eucharistie, sa préfiguration dans l'Agneau pascal, sa traduction existentielle dans l'amour et le service aux frères.

C'est l'Apôtre Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, qui nous rappelle ce que Jésus a fait « la nuit où il fut trahi ». Paul a ajouté un commentaire personnel au récit des faits historiques : « Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Co 11, 26). Le message de l'Apôtre est clair : la communauté qui célèbre la Cène du Seigneur rend la Pâque actuelle. L'Eucharistie n'est pas la simple mémoire d'un rite passé, mais la représentation vivante du geste suprême du Sauveur. Cette expérience ne peut que pousser la communauté chrétienne à devenir la prophétie d'un monde nouveau, inauguré dans la Pâque. Ce soir, en contemplant le mystère d'amour que la Dernière Cène nous repropose, nous restons nous aussi dans une adoration émue et silencieuse.

2. « Verbum caro, / panem verum verbo carnem efficit... Le Verbe incarné / à travers sa parole transforme / le pain véritable en sa chair... ».

C'est le prodige que nous, les prêtres, nous constatons chaque jour de nos mains lors de la Messe ! L'Église continue à répéter les paroles de Jésus, et elle sait qu'elle est engagée à le faire jusqu'à la fin du monde. En vertu de ces paroles, un changement merveilleux s'accomplit : les espèces eucharistiques demeurent, mais le pain et le vin deviennent, selon l'heureuse expression du Concile de Trente, « véritablement, réellement et substantiellement » le Corps et le Sang du Seigneur.

L'esprit se sent perdu face à un mystère aussi sublime. De nombreuses interrogations prennent forme dans le cœur du croyant, qui trouve cependant la paix dans la Parole du Christ. « Et si sensus deficit / ad firmandum cor sincerum sola fides sufficit - Si le sens se perd, / la foi suffit à elle seule à un coeur sincère ». Soutenus par cette foi, par cette lumière qui illumine nos pas, également dans la nuit du doute et des difficultés, nous pouvons proclamer : « Tantum ergo Sacramentum / veneremur cernui - Un aussi grand sacrement / nous vénérons donc, prosternés ».

3. L'institution de l'Eucharistie se rattache au rite pascal de la première Alliance, qui nous a été décrit dans la page de l'Exode qui vient d'être proclamée : on y parle de l'agneau « un mâle sans tare, âgé d'un an » (Ex 12, 6), dont le sacrifice devait sauver le peuple de la destruction : « Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez. En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur » (12, 13).

L'hymne de saint Thomas commente : « et antiquum documentum / novo cedat ritui - que la vieille Loi cède à présent la place / au Sacrifice nouveau ». C'est pourquoi les textes bibliques de la Liturgie de ce soir orientent, à juste titre, notre regard vers le nouvel Agneau, qui en versant librement son sang sur la Croix a établi une Alliance nouvelle et définitive. Voilà l'Eucharistie, présence sacramentelle de la chair immolée et du sang versé du nouvel Agneau. À travers celle-ci le salut et l'amour sont offerts à toute l'humanité. Comment ne pas être fascinés par ce Mystère ? Nous faisons nôtres les paroles de saint Thomas d'Aquin : « Praestet fides supplementum sensuum defectui - Que la foi pallie au défaut des sens ». Oui, la foi nous conduit à l'émerveillement et à l'adoration !

4. C'est à ce point que notre regard se tourne vers le troisième élément du tryptique qui compose la liturgie d'aujourd'hui. Nous le devons au récit de l'évangéliste Jean, qui nous présente l'icône bouleversante du lavement des pieds. Par ce geste Jésus rappelle à ses disciples de tous les temps que l'Eucharistie demande à être témoignée à travers le service d'amour envers les frères. Nous avons écouté les paroles du divin Maître : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 14). C'est un nouveau style de vie qui découle du geste de Jésus : « Car c'est un exemple que vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous » (Jn 13, 15).

Le lavement des pieds se présente comme un acte exemplaire, qui dans la mort sur la croix et la résurrection du Christ trouve sa clef de lecture et sa formulation la plus élevée. Dans cet humble acte de service, la foi de l'Église voit l'issue naturelle de toute célébration eucharistique. L'authentique participation à la Messe ne peut qu'engendrer l'amour fraternel, que ce soit dans chaque croyant ou dans la communauté ecclésiale tout entière.

5. « Il les aima jusqu'à la fin » (Jn 13, 1). L'Eucharistie constitue le signe éternel de l'amour de Dieu, un amour qui soutient notre chemin vers la pleine communion avec le Père, à travers le Fils, dans l'Esprit. Il s'agit d'un amour qui dépasse le cœur de l'homme. En nous arrêtant ce soir pour adorer le Très Saint Sacrement, et en méditant le mystère de la Dernière Cène, nous nous sentons plongés dans l'océan d'amour qui jaillit du cœur de Dieu. L'âme emplie de gratitude, nous faisons nôtre l'hymne de grâce du peuple des rachetés: 

« Genitori Genitoque / laus et iubilatio.... - Au Père et au Fils / louange et joie, / salut, puissance, bénédiction : / à Celui qui procède des deux, / même gloire et honneur ! » Amen !

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Le Cénacle, lieu de la mémoire de l’Église

Homélie du pape François dans la salle du cénacle en Terra sainte – 26 mai 2014

Avant de quitter la Terre sainte, le pape François a célébré, le 26 mai 2014, la messe avec les ordinaires de Terre sainte dans la salle du Cénacle, là où la tradition chrétienne situe la Cène de Jésus avec ses disciples ainsi que les apparitions de Jésus ressuscité qui leur donne l’Esprit Saint. Le pape s’est attaché, dans son homélie, à rappeler ce que ce lieu représente : le service, le sacrifice, l’amitié, le départ du Maître, la trahison, l’amour, la naissance de la nouvelle famille, l’Église. Avec les ordinaires de Terre sainte et la suite papale, c’est la messe votive du Saint-Esprit qui a été célébrée.

C’est un grand don que le Seigneur nous fait, de nous réunir ici, au Cénacle, pour célébrer l’Eucharistie. Alors que je vous salue avec une joie fraternelle, je désire adresser une pensée affectueuse aux Patriarches Catholiques Orientaux qui ont pris part, ces jours-ci, à mon pèlerinage. Je désire les remercier pour leur présence significative, pour moi particulièrement précieuse, et je les assure qu’ils ont une place spéciale dans mon cœur et dans ma prière. Ici, en ce lieu où Jésus consomma la dernière Cène avec ses Apôtres ; où, ressuscité, il apparut au milieu d’eux ; où l’Esprit Saint descendit avec puissance sur Marie et sur les disciples. Ici est née l’Église, et elle est née en sortie. D’ici elle est partie, avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur.

Au Cénacle, Jésus ressuscité, envoyé du Père, communiqua aux Apôtres son Esprit-même et, avec sa force, il les envoya renouveler la face de la terre (cf. Ps 104, 30).

Sortir, partir, ne veut pas dire oublier. L’Église en sortie garde la mémoire de ce qui est arrivé ici ; l’Esprit Paraclet lui rappelle chaque parole, chaque geste et en révèle le sens.

Le Cénacle nous rappelle le service, le lavement des pieds que Jésus a accompli, comme exemple pour ses disciples. Se laver les pieds les uns les autres signifie s’accueillir, s’accepter, s’aimer, se servir réciproquement. Cela veut dire servir le pauvre, le malade, l’exclus, celui qui ne m’est pas sympathique, celui qui me gêne.

Le Cénacle nous rappelle, avec l’Eucharistie, le sacrifice. Dans chaque célébration eucharistique, Jésus s’offre pour nous au Père, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui, en offrant à Dieu notre vie, notre travail, nos joies et nos peines…, tout offrir en sacrifice spirituel.

Le Cénacle nous rappelle aussi l’amitié. « Je ne vous appelle plus serviteurs – dit Jésus aux Douze – … je vous appelle mes amis » (Jn 15, 15). Le Seigneur fait de nous ses amis, il nous confie la volonté du Père et se donne Lui-même à nous. C’est cela l’expérience la plus belle du chrétien, et d’une façon particulière du prêtre : devenir l’ami du Seigneur Jésus, et découvrir dans son cœur qu’il est un ami.

Le Cénacle nous rappelle le départ du Maître et la promesse de se retrouver avec ses amis : « Quand je serai parti,… je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn14, 3). Jésus ne nous laisse pas, il ne nous abandonne jamais, il nous précède dans la maison du Père et là il veut nous emmener avec Lui.

Mais le Cénacle rappelle aussi la bassesse, la curiosité – qui est celui qui trahit ? –, la trahison. Et cela peut être chacun de nous, pas seulement et toujours les autres, qui revit ces attitudes, quand nous regardons avec suffisance le frère, quand nous le jugeons ; quand nous trahissons Jésus par nos péchés.

Le Cénacle nous rappelle le partage, la fraternité, l’harmonie, la paix entre nous. Que d’amour, que de bien a jailli du Cénacle ! Que de charité est sortie d’ici, comme un fleuve de sa source, qui au début est un ruisseau, puis s’élargit et devient grand… Tous les saints ont puisé ici ; le grand fleuve de la sainteté de l’Église prend toujours son origine ici, toujours de nouveau, du Cœur du Christ, de l’Eucharistie, de son Esprit Saint.

Le Cénacle enfin nous rappelle la naissance de la nouvelle famille, l’Église, notre sainte mère l’Eglise hiérarchique, constituée par Jésus ressuscité. Une famille qui a une Mère, la Vierge Marie. Les familles chrétiennes appartiennent à cette grande famille, et trouvent en elle lumière et force pour marcher et se renouveler, à travers les peines et les épreuves de la vie. Tous les enfants de Dieu de tout peuple et de toute langue, tous frères et enfants de l’unique Père qui est dans les cieux sont invités et appelés à faire partie de cette grande famille.

C’est l’horizon du Cénacle : l’horizon du Ressuscité et de l’Église.

D’ici part l’Église en sortie, animée par le souffle vital de l’Esprit. Recueillie en prière avec la Mère de Jésus, elle revit toujours l’attente d’une effusion nouvelle de l’Esprit Saint : que descende ton Esprit, Seigneur, et qu’il renouvelle la face de la terre (cf. Ps 104, 30) !

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