PKO 30.06.2014

Lundi 30 juin 2014 – Saint Thomas More – 25ème anniversaire du Synode – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°37/2014

San tommaso moro

Prière de Saint Thomas More en prison avant son éxécution

Ô Trinité Sainte, Père, Fils et Esprit-Saint, trois Personnes égales et co-éternelles, et un seul Dieu, tout-puissant, prenez pitié de moi, misérable pécheur, vil, abject et abominable...

Ces péchés, Seigneur bon et gracieux, voici que vous me donnez la grâce de les reconnaître ; faites-moi aussi la grâce de m'en repentir, non seulement en parole, mais de cœur avec une vraie contrition douloureuse, et d'y renoncer entièrement... Illuminez mon cœur, Seigneur, faites-moi la grâce de les connaître et de les reconnaître.

Ô Dieu de Gloire, écartez de moi toute peur coupable, toute tristesse ou chagrin coupable, tout espoir coupable, toute joie et gaieté coupable. En revanche, pour toute peur ou tristesse, pour tout chagrin comme aussi pour tout réconfort, toute consolation et joie susceptibles de profiter à mon âme, traitez-moi selon votre grande miséricorde !

Dieu tout-puissant, écartez de moi toute préoccupation de vanité, tout désir d'être loué, tout sentiment d'envie, de cupidité, de gourmandise, de paresse et de luxure, tout mouvement de colère, tout appétit de vengeance, tout penchant à souhaiter du mal à autrui ou à m'en réjouir, tout plaisir à provoquer la colère et l'emportement de personne, toute satisfaction que je pourrais éprouver à admonester ou à gourmander qui que ce soit dans son affliction et son malheur.

Et faites-moi, Seigneur bon, l'âme humble, effacée, calme, paisible, charitable, bienveillante, tendre et compatissante; qu'il y ait dans toutes mes actions, et dans toutes mes paroles, et dans toutes mes pensées, un goût de votre Esprit saint et béni.

Accordez-moi, Seigneur bon, une foi pleine, une ferme espérance et une charité fervente : un amour pour Vous, Seigneur bon, qui dépasse incomparablement mon amour pour moi-même, de n'aimer rien contre votre gré, mais toute chose en fonction de Vous.

Entretiens de prison de Saint Thomas More avec sa fille Margaret

Je sais, ma chère Margaret, toute l'indignité de ma vie passée : elle m'a bien mérité que Dieu me laisse trébucher. Cependant je ne puis que faire confiance à sa bonté miséricordieuse. En effet sa grâce m'a fortifié jusqu'ici c'est elle qui m'a donné le courage d'abandonner mes biens, mes propriétés et jusqu'à ma vie, plutôt que de jurer contre ma conscience. C'est elle aussi qui a suggéré au Roi de me traiter avec clémence, puisque jusqu'à ce jour il ne m'a pris que ma liberté. Par là, grâce à Dieu, sa Majesté m'a procuré un plus grand bien : le progrès spirituel que je suis sûr de trouver ici. Cela vaut mieux que tous les honneurs et les richesses dont il m'avait comblé auparavant. Je ne peux donc manquer de confiance en la grâce de Dieu : ou bien elle retiendra le cœur du roi pour qu'il ne me traite pas plus sévèrement ou bien elle me donnera toujours les forces nécessaires pour supporter n'importe quelles épreuves, patiemment, courageusement et même joyeusement.

Ma patience, unie aux mérites de la cruelle passion du Christ, (qui certes surpasse de mille lieues en mérites et en qualité tout ce que je puis avoir à souffrir). Ma patience atténuera les châtiments qui me sont dus au purgatoire et par la générosité de la bonté divine, elle me vaudra même un petit surplus de récompense au ciel.

Ma chère Meg, je ne veux pas manquer de confiance en Dieu pourtant je sens que la peur pourrait bien me submerger. Je me rappellerai que saint Pierre, à cause de son peu de foi, commençait à s'enfoncer sous un coup de vent, et je ferai comme lui : j'en appellerai au Christ et lui demanderai son secours. Ainsi j'espère qu'il me tendra la main, me saisira et ne me laissera pas m'enfoncer.

Et s'il permet que je joue le rôle de Pierre dans sa conduite ultérieure, que je tombe tout à fait, en jurant et en abjurant (mais que notre Seigneur, par sa miséricordieuse Passion, m' en préserve, et qu'une telle chute me nuise plutôt que de me rapporter aucun bénéfice), s'il permet que je tombe, j'espère pourtant qu'il jettera sur moi, comme sur Pierre, un regard plein de miséricorde, et qu'il me relèvera pour que je confesse de nouveau la vérité et que je libère ma conscience j'espère aussi qu'il me fera supporter courageusement le châtiment et la honte d'un tel reniement.

Bref, ma chère Margot, je suis absolument certain que, sauf péché de ma part, Dieu ne m'abandonnera pas. En toute espérance et sécurité, je vais donc me confier totalement à lui. S'il me laisse périr à cause de mes fautes, je servirai au moins à glorifier sa justice. J'espère pourtant que sa tendre pitié gardera ma pauvre âme saine et sauve et fera que l'on verra en moi resplendir sa miséricorde plutôt que sa justice.

Donc, ma chère fille, garde un bon moral, ne te laisse troubler par rien de ce qui peut m'arriver en ce monde. Rien ne peut arriver sans que Dieu le veuille. Et tout ce qu'il veut, si mauvais que cela nous paraisse, est vraiment meilleur. 

LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA PROCLAMATION DE SAINT THOMAS MORE

Patron des responsables de Gouvernement et des Hommes politiques

Thomas More a été béatifié en 1886 et canonisé en 1935. Le calendrier liturgique a étendu à partir de 1970 sa fête à l'Église universelle. Le pape Jean-Paul II l'a fait patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques en l'an 2000. Il est la seule personnalité vénérée par les catholiques (saint Thomas More) et figurant en bonne place parmi les précurseurs du socialisme sur un obélisque dans le jardin Aleksandrovsky à Moscou.

1. De la vie et du martyre de saint Thomas More se dégage un message qui traverse les siècles et qui parle aux hommes de tous temps de la dignité inaliénable de la conscience, dans laquelle, comme le rappelle le Concile Vatican II, réside « le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu dont la voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime » (Gaudium et spes, n. 16). Quand l’homme et la femme écoutent le rappel de la vérité, la conscience oriente avec sûreté leurs actes vers le bien. C’est précisément pour son témoignage de la primauté de la vérité sur le pouvoir, rendu jusqu’à l’effusion du sang, que saint Thomas More est vénéré comme exemple permanent de cohérence morale. Même en dehors de l’Église, particulièrement parmi ceux qui sont appelés à guider les destinées des peuples, sa figure est reconnue comme source d’inspiration pour une politique qui se donne comme fin suprême le service de la personne humaine.

Certains Chefs d’État et de gouvernement, de nombreux responsables politiques, quelques Conférences épiscopales et des évêques individuellement m’ont récemment adressé des pétitions en faveur de la proclamation de saint Thomas More comme Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques. Parmi les signataires de la demande, on trouve des personnalités de diverses provenances politiques, culturelles et religieuses, ce qui témoigne d’un intérêt à la fois vif et très répandu pour la pensée et le comportement de cet insigne homme de gouvernement.

2. Thomas More a connu une carrière politique extraordinaire dans son pays. Né à Londres en 1478 dans une famille respectable, il fut placé dès sa jeunesse au service de l’Archevêque de Cantorbéry, John Morton, Chancelier du Royaume. Il étudia ensuite le droit à Oxford et à Londres, élargissant ses centres d’intérêts à de vastes secteurs de la culture, de la théologie et de la littérature classique. Il apprit à fond le grec et il établit des rapports d’échanges et d’amitié avec d’importants protagonistes de la culture de la Renaissance, notamment Didier Érasme de Rotterdam.

Sa sensibilité religieuse le conduisit à rechercher la vie vertueuse à travers une pratique ascétique assidue: il cultiva l’amitié avec les Frères mineurs de la stricte observance du couvent de Greenwich, et pendant un certain temps il logea à la Chartreuse de Londres, deux des principaux centres de ferveur religieuse dans le Royaume. Se sentant appelé au mariage, à la vie familiale et à l’engagement laïc, il épousa en 1505 Jane Colt, dont il eut quatre enfants. Jane mourut en 1511 et Thomas épousa en secondes noces Alice Middleton, qui était veuve et avait une fille. Durant toute sa vie, il fut un mari et un père affectueux et fidèle, veillant avec soin à l’éducation religieuse, morale et intellectuelle de ses enfants. Dans sa maison, il accueillait ses gendres, ses belles-filles et ses petits-enfants, et sa porte était ouverte à beaucoup de jeunes amis à la recherche de la vérité ou de leur vocation. D’autre part, la vie familiale faisait une large place à la prière commune et à la lectio divina, comme aussi à de saines formes de récréation. Thomas participait chaque jour à la messe dans l’église paroissiale, mais les pénitences austères auxquelles il se livrait n’étaient connues que de ses proches les plus intimes.

3. En 1504, sous le roi Henri VII, il accéda pour la première fois au parlement. Henri VIII renouvela son mandat en 1510 et il l’établit également représentant de la Couronne dans la capitale, lui ouvrant une carrière remarquable dans l’administration publique. Dans la décennie qui suivit, le roi l’envoya à diverses reprises, pour des missions diplomatiques et commerciales, dans les Flandres et dans le territoire de la France actuelle. Nommé membre du Conseil de la Couronne, juge président d’un tribunal important, vice-trésorier et chevalier, il devint en 1523 porte-parole, c’est-à-dire président, de la Chambre des Communes.

Universellement estimé pour son indéfectible intégrité morale, pour la finesse de son intelligence, pour son caractère ouvert et enjoué, pour son érudition extraordinaire, en 1529, à une époque de crise politique et économique dans le pays, il fut nommé par le roi Chancelier du Royaume. Premier laïc à occuper cette charge,Thomas fit face à une période extrêmement difficile, s’efforçant de servir le roi et le pays. Fidèle à ses principes, il s’employa à promouvoir la justice et à endiguer l’influence délétère de ceux qui poursuivaient leur propre intérêt au détriment des plus faibles. En 1532, ne voulant pas donner son appui au projet d’Henri VIII qui voulait prendre le contrôle de l’Église en Angleterre, il présenta sa démission. Il se retira de la vie publique, acceptant de supporter avec sa famille la pauvreté et l’abandon de beaucoup de personnes qui, dans l’épreuve, se révélèrent de faux amis.

Constatant la fermeté inébranlable avec laquelle il refusait tout compromis avec sa conscience, le roi le fit emprisonner en 1534 dans la Tour de Londres, où il fut soumis à diverses formes de pression psychologique. Thomas More ne se laissa pas impressionner et refusa de prêter le serment qu’on lui demandait parce qu’il comportait l’acceptation d’une plate-forme politique et ecclésiastique qui préparait le terrain à un despotisme sans contrôle. Au cours du procès intenté contre lui, il prononça une apologie passionnée de ses convictions sur l’indissolubilité du mariage, le respect du patrimoine juridique inspiré par les valeurs chrétiennes, la liberté de l’Église face à l’État. Condamné par le Tribunal, il fut décapité.

Au cours des siècles qui suivirent, la discrimination à l’égard de l’Église s’atténua. En 1850, la hiérarchie catholique fut rétablie en Angleterre. Il fut alors possible d’engager les causes de canonisation de nombreux martyrs. Thomas More fut béatifié par le Pape Léon XIII en 1886, en même temps que cinquante-trois autres martyrs, dont l’évêque John Fischer. Avec ce dernier, il fut canonisé par Pie XI en 1935, à l’occasion du quatrième centenaire de son martyre.

4. De nombreuses raisons militent en faveur de la proclamation de saint Thomas More comme Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques. Entre autres, le besoin ressenti par le monde politique et administratif d’avoir des modèles crédibles qui indiquent le chemin de la vérité en une période historique où se multiplient de lourds défis et de graves responsabilités. Aujourd’hui, en effet, des phénomènes économiques fortement innovateurs sont en train de modifier les structures sociales ; d’autre part, les conquêtes scientifiques dans le secteur des biotechnologies renforcent la nécessité de défendre la vie humaine sous toutes ses formes, tandis que les promesses d’une société nouvelle, proposées avec succès à une opinion publique déconcertée, requièrent d’urgence des choix politiques clairs en faveur de la famille, des jeunes, des personnes âgées et des marginaux.

Dans ce contexte, il est bon de revenir à l’exemple de saint Thomas More, qui se distingua par sa constante fidélité à l’autorité et aux institutions légitimes, précisément parce qu’il entendait servir en elles non le pouvoir mais l’idéal suprême de la justice. Sa vie nous enseigne que le gouvernement est avant tout un exercice de vertus. Fort de cette rigoureuse assise morale, cet homme d’État anglais mit son activité publique au service de la personne, surtout quand elle est faible ou pauvre; il géra les controverses sociales avec un grand sens de l’équité ; il protégea la famille et la défendit avec une détermination inlassable ; il promut l’éducation intégrale de la jeunesse. Son profond détachement des honneurs et des richesses, son humilité sereine et joviale, sa connaissance équilibrée de la nature humaine et de la vanité du succès, sa sûreté de jugement enracinée dans la foi, lui donnèrent la force intérieure pleine de confiance qui le soutint dans l’adversité et face à la mort. Sa sainteté resplendit dans le martyre, mais elle fut préparée par une vie entière de travail dans le dévouement à Dieu et au prochain.

Mentionnant des exemples semblables de parfaite harmonie entre la foi et les œuvres, j’ai écrit dans l’exhortation apostolique post-synodale Christifideles laicique « l’unité de la vie des fidèles laïcs est d’une importance extrême : ils doivent en effet se sanctifier dans la vie ordinaire, professionnelle et sociale. Afin qu’ils puissent répondre à leur vocation, les fidèles laïcs doivent donc considérer les activités de la vie quotidienne comme une occasion d’union à Dieu et d’accomplissement de sa volonté, comme aussi de service envers les autres hommes » (n. 17).

Cette harmonie entre le naturel et le surnaturel est l’élément qui décrit peut-être plus que tout autre la personnalité du grand homme d’État anglais : il vécut son intense vie publique avec une humilité toute simple, marquée par son humour bien connu, même aux portes de la mort.

Tel est le but où le conduisit sa passion pour la vérité. On ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale ; telle est la lumière qui éclaira sa conscience. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, « l’homme est une créature de Dieu, et c’est pourquoi les droits de l’homme ont en Dieu leur origine, ils reposent dans le dessein de la création et ils entrent dans le plan de la rédemption. On pourrait presque dire, d’une façon audacieuse, que les droits de l’homme sont aussi les droits de Dieu » (Discours du 7 avril 1998 aux participants à la Rencontre universitaire internationale UNIV’98).

Et c’est précisément dans la défense des droits de la conscience que l’exemple de Thomas More brilla d’une lumière intense. On peut dire qu’il vécut d’une manière singulière la valeur d’une conscience morale qui est « témoignage de Dieu lui-même, dont la voix et le jugement pénètrent l'intime de l'homme jusqu'aux racines de son âme » (Encyclique Veritatis splendor, n. 58), même si, en ce qui concerne l’action contre les hérétiques, il fut tributaire des limites de la culture de son temps.

Le Concile œcuménique Vatican II, dans la constitution Gaudium et spes, remarque que, dans le monde contemporain, grandit « la conscience de l’éminente dignité qui revient à la personne humaine, du fait qu’elle l’emporte sur toute chose et que ses droits et devoirs sont universels et inviolables » (n.26). L’histoire de saint Thomas More illustre clairement une vérité fondamentale de l’éthique politique. En effet, la défense de la liberté de l’Église contre des ingérences indues de l’État est en même temps défense, au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique. C’est là le principe fondamental de tout ordre civil, conforme à la nature de l’homme.

5 Je suis donc certain que l’élévation de l’éminente figure de saint Thomas More au rang de Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques pourvoira au bien de la société. C’est là d’ailleurs une initiative qui est en pleine syntonie avec l’esprit du grand Jubilé, qui conduit au troisième millénaire chrétien.

En conséquence, après mûre considération, accueillant volontiers les demandes qui m’ont été adressées, j’établis et je déclare Patron céleste des Responsables de gouvernement et des hommes politiques saint Thomas More, et je décide que doivent lui être attribués tous les honneurs et les privilèges liturgiques qui reviennent, selon le droit, aux Patrons de catégories de personnes.

Béni et glorifié soit Jésus Christ, Rédempteur de l’homme, hier, aujourd’hui, à jamais.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 31 octobre 2000.

IOANNES PAULUS PP. II

© Copyright 2000 – Libreria Editrice Vaticana

 

Dans la crise de l’engagement communautaire

Quelques défis du monde actuel – Exhortation « Evangelii gaudium » - pape françois

Parmi toutes les indications offertes sur plus de 250 pages, l’exhortation apostolique du pape François « Evangelii gaudium » aide à analyser plus profondément les problèmes politiques (au sens grec de la « polis » dans sa dimension à la fois sociale, politique et relative aux valeurs) que nous traversons actuellement. Voici un extrait de ce texte d’une très grande richesse…

Non à une économie de l’exclusion

53. De même que le commandement de « ne pas tuer » pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire « non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale ». Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. Voilà l’exclusion. On ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim. C’est la disparité sociale. Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence de cette situation, de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées : sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie. On considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du « déchet » qui est même promue. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : avec l’exclusion reste touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit, du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la périphérie, ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des ‘exploités’, mais des déchets, « des restes ».

54. Dans ce contexte, certains défendent encore les théories de la « rechute favorable », qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n’a jamais été confirmée par les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. En même temps, les exclus continuent à attendre. Pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est pas de notre ressort. La culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté, tandis que toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon.

Non à la nouvelle idolâtrie de l’argent

55. Une des causes de cette situation se trouve dans la relation que nous avons établie avec l’argent, puisque nous acceptons paisiblement sa prédominance sur nous et sur nos sociétés. La crise financière que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine une crise anthropologique profonde : la négation du primat de l’être humain ! Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation.

56. Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue.

© Copyright 2013 – Libreria Editrice Vaticana

 

Commission « Société et développement »

Un questionnaire pour nous aider à une relecture du Synode de 1989

Les Actes du Synode de 1989 publié par Mgr Michel COPPENRATH vous a été distribué… nous vous proposons ci-dessous quelques questions pour une relecture des propositions de la Commission « Société et développement »…

1. Votre avis personnel compte beaucoup. Comment voyez-vous la société polynésienne en ce début du 21ème siècle ? Esquissez votre tableau en termes généraux (positifs, négatifs, neutres,…)

2. Le bien commun et l'intérêt général sont une priorité. Que faites-vous au quotidien pour mettre nos ressources naturelles (lesquelles ?) au service du bien commun et de l'intérêt général ? Que faites-vous pour promouvoir nos valeurs humaines fondamentales (lesquelles ?) ?


3. Le partage et la solidarité marquent la vie chrétienne. Comment vous engagez-vous concrètement (un peu, beaucoup, pas du tout…) en faveur de la justice sociale dans votre pays ? Quelle place donnez-vous tous les jours au partage et à la solidarité... sur le plan familial, professionnel, associatif, ecclésial... ?


4. La société exclut facilement les plus faibles. Quelle contribution personnelle (familiale, professionnelle, associative, ecclésiale…) avez-vous apporté pour que cette société soit plus ouverte, plus proche et plus attentive aux plus petits, aux pauvres, aux malades, aux laissés-pour-compte (raerae, drogués, prisonniers, personnes âgées, séropositifs, handicapés, mamans isolées…) ?

5. Riches toujours plus scandaleusement riches, pauvres toujours plus désespérément misérables. Que ressentez-vous sincèrement par rapport aux dérives de cette société ? Dans quelles structures vous êtes-vous engagé pour lutter contre cette évolution ? Comment savez-vous si votre engagement est ou a été suffisant ? Quel fruit a-t-il porté ?

6. Trop de gens considèrent l'homme comme une marchandise. Que faites-vous pour que la personne humaine soit mise au centre de notre société, de son système éducatif, de son développement économique ? Que faites-vous pour bâtir une collectivité plus humaine (exemples…), plus pacifique (exemples…), plus attachée aux valeurs culturelles traditionnelles (les nommer...) ?

7. Votre témoignage ne peut pas se réduire à la paroisse. En quoi votre foi, votre pratique religieuse (prière, sacrements,…), votre vie spirituelle sont-elles des guides et des soutiens de votre engagement concret au service de votre prochain ?


8. À l'ère des nouvelles technologies, la calomnie et la désinformation font encore plus de mal. Elles nous rappellent la grande époque du nucléaire polynésien. Comment faites-vous aujourd'hui pour ne pas tomber dans le panneau ? Quels sont les sujets dont vous n’avez pas envie de discuter (avortement, contraception, euthanasie, etc.) ? Comment faites-vous aujourd'hui pour former votre jugement ?

© Archidiocèse de Papeete – 2014