PKO 23.03.2014

Dimanche 23 mars 2014 – 3ème Dimanche du Temps de Carême – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°18/2014

HUMEURS

Bon voyage « Mafia »

Un de nos frères est entré, jeudi matin, dans la vie… il s’est éteint à l’hôpital de Taaone.

Désormais vous ne croiserez plus sur votre route Félix que tout le monde appelait « Mafia ». On le voyait un peu partout dans la ville, à Vaininiore, près du Centre de jour, autour du marché, à côté de la Cathédrale… assis sur le bord d’un mur, couché sur un carton, entouré de ces chiens… les pieds toujours bandés… Parfois sobre, souvent non !

Ce qui frappait chez Félix, c’était son attachement  à ses enfants… jeunes adultes, pour une part vivant dans les mêmes conditions que lui… ils les aimaient et ses enfants le lui rendaient bien même si les « coups de gueule » n’étaient pas rares…

Félix et tous nos frères de la rue, considérés comme les rebus de notre société, sont aimés de Dieu… ils veillent sur eux et ne les abandonnent jamais… même au moment du dernier voyage…

Un petit clin d’œil de Dieu pour le départ de Félix… Nous célébrons la messe au Bon Samaritain, une fois par mois… en principe c’était la semaine dernière… un empêchement nous a conduit à la reporter à ce jeudi… le soir même où Félix s’est endormi s… ainsi, entouré de ses enfants, nous avons pu célébrer une messe pour lui et ceux qu’il aimait tant… Mais Dieu ne s’est pas arrêté là… la lecture du jour : Lc 16, 19-31 : Lazare et le riche… Quelle leçon pour nous… Le Pape François commentait le matin même : « C’est ce qui arrive à l’homme riche de l’Évangile. Il avait tout : il portait des habits de pourpre, il mangeait tous les jours, à l’occasion de grands banquets. Il était tellement content, mais il ne se rendait pas compte qu’à la porte de sa maison, couvert de plaies, se trouvait un pauvre. Par contre l’Évangile dit le nom du pauvre : il s’appelait Lazare. Alors que le riche n’a pas de nom : C’est cela la malédiction la plus forte pour celui qui ne compte que sur lui-même ou ses forces, dans les seules possibilités des hommes et non pas en Dieu : il perd son nom. »

Félix a nom…ce n’est pas un anonyme dans le cœur de Dieu… et toi, as-tu un nom ? ou t’appelles-tu « Compte en banque n° xxx » ? « Résidence xxx » ? « Monsieur important » ?

Bon voyage Félix… prie pour nous !

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

Tavana et Metua

Les « Governor », ceux qui gouvernent, ont introduit dans notre pays une notion moderne toute nouvelle, ceux qui exercent le pouvoir politique … d’où le mot de tavana que l’on réduit souvent à la simple notion de chef.

Le père, le metua, c’est tour à tour celui qui engendre ou qui nourrit, en tout cas celui auquel on est soumis par des liens qui sont moins celui du pouvoir que ceux du sang, de l’affection, liens tout à fait naturels et donc traditionnels.

Les populations des atolls et des districts, exigent aussi que celui qui a l’autorité et la responsabilité, le tavana soit aussi un metua. Les chefs ou les maires les plus populaires sont ceux qui savent aussi être des metua. Savoir gouverner - c’est bien – mais un vrai metua sait aussi écouter, gagner la sympathie, la confiance, et finalement créer une certaine « familiarité » indispensable pour une population encore assez restreinte.

Depuis que des institutions démocratiques ont été mises en place après la guerre, les électeurs tour à tour ont privilégié tel ou tel aspect, moderne ou traditionnel de l’exercice du pouvoir et de l’autorité. Tantôt c’est un metua qui apparaît, et il a peine à se maintenir car il n’est pas asseztavana.

Certains programmes politiques obligent leurs leaders à être des metua ; d’autres à ce qu’ils soient d’abord des tavana.

L’avenir appartient à ceux ou celles qui sauront être les deux à la fois, tavana et metua. (…)

Mgr Michel Coppenrath (1924 - +2008)

[Editorial du Semeur Tahitien  du 22 février 1987]

 

Pères, soyez proches de vos enfants !

Audience générale du mercredi 19 mars 2014

Le pape François exhorte les pères à être « très proches de [leurs] enfants » : « ils ont besoin de vous, de votre présence, de votre proximité, de votre amour ». Il a consacré sa catéchèse au saint patron de l’Église universelle, « modèle de l’éducateur et du papa, du père », modèle aussi pour « les prêtres – qui sont pères – et ceux qui ont une tâche d’éducation dans l’Église et dans la société ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, 19 mars, nous célébrons la fête solennelle de saint Joseph, époux de Marie et patron de l’Église universelle. Consacrons-lui donc cette catéchèse, à lui qui mérite toute notre reconnaissance et notre dévotion, pour avoir su garder la Sainte Vierge et son fils Jésus. Être gardien est la caractéristique de saint Joseph, c’est sa grande mission, être gardien.

Aujourd’hui, je voudrais reprendre ce thème, « être gardien », dans une perspective particulière, la perspective éducative. Regardons Joseph comme le modèle de l’éducateur, qui a su garder et accompagner Jésus dans son chemin de croissance « en sagesse, en taille et en grâce », comme le dit l’Évangile de Luc. Il n’était pas le père de Jésus : le père de Jésus était Dieu, mais il a servi de papa à Jésus, il a servi de père à Jésus pour l’aider à grandir. Et comment l’a-t-il aidé à grandir ? En sagesse, en taille et en grâce.

Partons de la taille, qui est la dimension la plus naturelle, la croissance physique et psychologique. Joseph, avec Marie, a pris soin de Jésus avant tout sur ce plan-là, c’est-à-dire qu’il l’a « élevé », en se souciant qu’il ne manque pas de ce qui est nécessaire à un sain développement. N’oublions pas que cette garde prévenante de la vie de l’Enfant a comporté aussi la fuite en Égypte, la dure expérience de vivre comme des réfugiés – Joseph a été un réfugié, avec Marie et Jésus – pour échapper à la menace d’Hérode. Puis, une fois rentrés dans leur patrie et établis à Jérusalem, il y a eu toute la longue période de la vie en famille. Pendant ces années, Joseph a aussi appris à Jésus son travail, et Jésus a appris le métier de menuisier, comme son père Joseph. C’est de cette façon que Joseph a élevé Jésus.

Passons à la seconde dimension de l’éducation de Jésus, celle de la « sagesse ». Joseph a été pour Jésus un exemple et un maître de cette sagesse qui se nourrit de la Parole de Dieu. Nous pouvons imaginer comment Joseph a enseigné à l’enfant Jésus à écouter les Saintes Écritures, en particulier en l’accompagnant le samedi à la synagogue de Nazareth. Et Joseph l’accompagnait pour que Jésus écoute la Parole de Dieu dans la synagogue.

Et enfin, la dimension de la « grâce ». Saint Luc nous dit encore, en se référant à Jésus : « La grâce de Dieu était sur lui » (2,40). Ici, certainement, la part réservée à saint Joseph est plus limitée, par rapport à ce qui concerne la taille et la sagesse. Mais ce serait une grave erreur de penser qu’un père et une mère ne peuvent rien faire pour éduquer leurs enfants à grandir dans la grâce de Dieu. Grandir en taille, grandir en sagesse, grandir en grâce : c’est le travail qu’a fait Joseph avec Jésus, le faire grandir dans ces trois dimensions, l’aider à grandir.

Chers frères et sœurs, la mission de saint Joseph est certainement unique et inimitable, parce que Jésus est absolument unique. Et pourtant, en gardant Jésus, en lui apprenant à grandir en taille, en sagesse et en grâce, Joseph est le modèle de tous les éducateurs, en particulier de tous les pères. Saint Joseph est le modèle de l’éducateur et du papa, du père. Je confie donc à sa protection tous les parents, les prêtres – qui sont pères – et ceux qui ont une tâche d’éducation dans l’Église et dans la société. D’une manière particulière, je voudrais saluer aujourd’hui, en ce 'jour du papa', tous les parents, tous les papas : je vous salue de tout cœur ! Voyons… y a-t-il des papas sur la place ? Levez la main, les papas ! Tous ces papas ! Tous mes vœux, tous mes vœux en ce jour qui est le vôtre ! Je demande pour vous la grâce d’être toujours très proches de vos enfants, en les laissant grandir, mais proches, proches ! Ils ont besoin de vous, de votre présence, de votre proximité, de votre amour. Soyez pour eux comme saint Joseph : des gardiens de leur croissance en taille, en sagesse et en grâce. Des gardiens de leur chemin, des éducateurs. Marchez avec eux. Et par cette proximité, vous serez de véritables éducateurs. Merci pour tout ce que vous faites pour vos enfants, merci ! Tous mes vœux, et bonne fête des papas à tous les papas qui sont ici, à tous les papas ! Que saint Joseph vous bénisse et vous accompagne. Et certains d’entre nous ont perdu leur papa, il est parti, le Seigneur l’a rappelé ; il y en a beaucoup sur la place qui n’ont pas leur papa. Nous pouvons prier pour tous les papas du monde, pour les papas vivants et aussi pour ceux qui sont morts et pour nos proches, et nous pouvons le faire ensemble, chacun de nous se souvenant de son papa, qu’il soit vivant ou mort. Et prions le Père, notre grand papa à tous : un « Notre Père », pour nos papas. Notre Père…

Et tous mes vœux aux papas !

© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana

 

Le jeûne, une preuve de foi en Dieu et d’amour du prochain

Lettre de Carême de Sa Béatitude Gregorios III, patriarche d’Antioche

Sa Béatitude Gregorios III, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem, a publié le 25 février 2014 sa lettre de Carême, entièrement orientée sur la grâce du jeûne. Rappelant la sainteté du temps du Carême pour les chrétiens de son Église, il insiste sur les deux aspects inséparables du jeûne : le « jeûne corporel et le jeûne spirituel » à vivre aussi collectivement : « …non seulement l’individu jeûne, mais aussi la famille jeûne ensemble (le père, la mère et les enfants), et de même le quartier (là où il y a une agglomération de chrétiens) et la paroisse jeûnent » en communion avec ceux qui souffrent des conflits au Moyen-Orient.

La grâce du jeûne

« Plus que toutes de gloire est comblée la grâce qui du jeûne vénérable provient. »

Lorsque nous avons commencé à penser au thème du Carême pour cette année, nous avons ouvert, au hasard, le Triodion (livre des offices et des prières propres au temps du Carême), et sommes tombés sur un cathisme qui commence par souligner la gloire de la « grâce du jeûne ». Nous avons vu en cela un signe de l’Esprit Saint. Nous l’avons écouté et décidé que l’objet de notre méditation et de notre lettre sera autour des belles significations du saint Carême.

En effet, cette période de l’année et de notre vie chrétienne est une des plus saintes de l’année. Elle occupe une place privilégiée chez tous les fidèles de notre Église, malgré les nombreuses dispenses qui ont allégé le poids de l’aspect corporel de la loi du saint Carême.

Jeûne corporel et jeûne spirituel, inséparables

Le jeûne a deux aspects : l’aspect corporel (ou physique) et l’aspect spirituel. Il n’est pas permis de séparer le jeûne corporel du jeûne spirituel. De même, il n’est pas permis de préférer ou favoriser le jeûne corporel par rapport au jeûne spirituel, ou le spirituel par rapport au corporel. L’Écriture sainte, la tradition chrétienne, la coutume ecclésiastique, la logique et la sagesse naturelles démontrent l’importance des deux sortes de jeûne. Tous les deux sont une obligation de la dévotion et une preuve de notre foi en Dieu, ainsi qu’un acte d’amour à l’égard de Dieu et du prochain, surtout le prochain pauvre, qui est dans le besoin ou faible.

Malheureusement, certains disent : « Moi, je fais l’aumône au pauvre, et cela me dispense du jeûne. » Ou encore : « Je cesse de fumer pendant le Carême, et cela me dispense du jeûne. » Ou aussi : « Je cesse de manger du chocolat pendant le Carême, et cela me dispense du jeûne. »

Toutes ces choses sont de belles œuvres de vertu, mais elles ne dispensent pas du jeûne corporel traditionnel, qu’elles complètent et expriment, car elles sont une partie du jeûne.

Le jeûne a un aspect familial, social et pastoral. Car non seulement l’individu jeûne, mais aussi la famille jeûne ensemble (le père, la mère et les enfants), et de même le quartier (là où il y a une agglomération de chrétiens) et la paroisse jeûnent. De sorte que le jeûne, par sa spiritualité, son but et tous ses aspects, entre au cœur de la personne, dans son âme, son corps, sa pensée, son imagination, toutes ses sensations et tous ses sens. Ainsi, la bouche, la langue, l’œil, l’ouïe, la vue, les oreilles, les mains et les pieds jeûnent. L’homme jeûne avec toutes ses composantes corporelles et spirituelles, avec toute son âme et toutes ses forces.

Cela est démontré dans nos prières, qui s’adressent à l’âme et au corps. On le voit dans cette belle prière de la Liturgie des Présanctifiés (Proaghiasmena), dont voici le texte : « Dieu grand et digne de louanges, qui, par la mort vivifiante de ton Christ, nous as fait passer de la corruption à l’incorruptibilité, libère tous nos sens des passions qui tuent et donne-leur pour bon guide la raison intérieure : que l’œil s’abstienne de tout regard mauvais, que l’oreille soit inaccessible aux paroles oiseuses, que la langue se nettoie de tout discours inconvenant. Purifie nos lèvres qui te louent, Seigneur ; fais que nos mains s’abstiennent de toute œuvre perverse et n’accomplissent que celles qui te plaisent. Affermis tous nos membres et notre entendement par ta grâce. Car à Toi convient toute gloire, honneur et adoration, Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant et à jamais, dans les siècles des siècles. Amin. »

Nos prières liturgiques abondent dans ce sens. Ainsi, à la fin des heures, nous disons cette belle prière : « Toi qui en tout temps et à toute heure, au ciel et sur terre, es adoré et glorifié, Christ Dieu, (…). Sanctifie nos âmes, rends chastes nos corps. Redresse nos raisonnements, purifie nos pensées. Et délivre-nous de toute tribulation, de tout mal et de toute douleur… »

De même, nous donnons l’onction de l’huile aux malades en invoquant pour eux « la guérison de l’âme et du corps ».

Dans ses prières, l’Église nous invite à nous lever, à nous asseoir, à nous agenouiller, à incliner la tête et le corps, à plier les genoux, à pleurer, à nous exclamer, à nous frapper la poitrine,… De même, nous donnons l’onction du Saint Myron [Saint Chrême] pour tous les sens et les membres de notre corps : le front, les yeux, le nez, la bouche, les oreilles, la poitrine, les mains et les pieds. De la même manière, l’enfant est oint avec l’huile avant d’être plongé dans l’eau du baptême.

Ainsi en est-il du jeûne dans ses deux aspects, spirituel et corporel. La pratique de la vertu du jeûne et l’obligation du jeûne corporel consistent à s’abstenir de nourriture de minuit jusqu’à midi, ainsi que l’abstinence de certains aliments (viande et laitages), mais aussi en l’accomplissement de bonnes œuvres, l’aide aux pauvres et la solidarité avec les autres. Tous ces aspects sont liés, se complètent et constituent la pratique et le commandement du Carême et du jeûne.

La détresse morale et la présence de Dieu

dans notre vie

Je voudrais exprimer un des aspects de la grâce du Carême en citant des passages de la lettre du Saint-Père le pape François pour ce Carême : « Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie ! Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspectives pour l’avenir et ont perdu toute espérance ! Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de rapporter le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé ! Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. Cette forme de misère, qui est aussi cause de ruine économique, se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe, lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. Si nous estimons ne pas avoir besoin de Dieu, qui nous tend la main à travers le Christ, car nous pensons nous suffire à nous-mêmes, nous nous engageons sur la voie de l’échec. Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment. (…) »

La détresse matérielle

Chers frères et sœurs, que ce temps de Carême trouve toute l’Église disposée et prête à témoigner du message évangélique à tous ceux qui sont dans la misère matérielle, morale et spirituelle ; message qui se résume dans l’annonce de l’amour du Père miséricordieux, prêt à embrasser toute personne, dans le Christ. Nous ne pourrons le faire que dans la mesure où nous serons conformés au Christ, lui qui s’est fait pauvre et qui nous a enrichis par sa pauvreté. Le Carême est un temps propice pour se dépouiller ; et il serait bon de nous demander de quoi nous pouvons nous priver, afin d’aider et d’enrichir les autres avec notre pauvreté. N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand-chose. Je me méfie de l’aumône qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal.

Que l’Esprit Saint, grâce auquel nous « [sommes] pauvres, et nous faisons tant de riches ; démunis de tout, et nous possédons tout » (2 Co 6, 10), nous soutienne dans nos bonnes intentions et renforce en nous l’attention et la responsabilité vis-à-vis de la misère humaine, pour que nous devenions miséricordieux et artisans de miséricorde.

Les prières liturgiques : une école spirituelle

Les prières liturgiques sont une école spirituelle ; elles sont notre guide vers la grâce du jeûne spirituel et corporel. Le cathisme que je citais au début de cette lettre (Orthros du mardi de la cinquième semaine de Carême) part du jeûne corporel pour décrire ses aspects spirituels. En voici le texte : « Plus que toutes de gloire est comblée la grâce qui du jeûne vénérable provient : par elle le prophète Élie trouva son char flamboyant et Moïse reçut les tables de la Loi, par elle fit merveille Daniel, Élisée ressuscita un mort, les jeunes gens éteignirent la fournaise de feu, par elle chacun devient l’ami de Dieu ; dans la joie qu’elle nous procure, chantons : Béni sois-tu, ô Christ notre Dieu qui l’as voulu ainsi ! Gloire à Toi ! »

Ainsi, on voit clairement que le jeûne n’est pas seulement une pratique extérieure ; c’est plutôt une grâce, qui a des effets spirituels sur plusieurs plans.

1.         Le jeûne aide à l’élévation spirituelle. Le symbole en est le char d’Élie, qui avait jeûné pendant quarante jours avant son élévation au ciel sur un char de feu.

2.         La grâce du jeûne fait que l’homme pénètre en profondeur dans le sens de la Loi divine, des dix commandements, qui sont l’expression pratique de l’éthique et des valeurs du saint Évangile. Le grand prophète Moïse les avait reçus au Mont Horeb du Sinaï après y avoir passé quarante jours dans la prière et le jeûne.

3.         La grâce du jeûne a fortifié le prophète Daniel et lui a inspiré ses visions.

4.         La grâce du jeûne opère des miracles, comme lorsque le prophète Élisée ressuscita un mort.

5.         La grâce du jeûne a fortifié les trois jeunes gens qui ont résisté aux flammes de la fournaise des Babyloniens et les ont éteintes.

6.         La grande grâce que la pratique du jeûne procure est qu’elle nous rend spécialistes de Dieu ! Comme si, à travers le Carême, nous obtenions le degré de licence, de maîtrise ou de doctorat en « Spécialisation de Dieu ». Car l’objet de notre spécialisation est Dieu lui-même !

À cela nous invitent nos prières liturgiques durant les semaines du grand Carême, avec des expressions répétées et diversifiées.

Ces prières sont l’expression d’une expérience spirituelle profonde, vécue par nos Pères durant la période du saint Carême et qu’ils ont formulée en prières. Je vous invite à l’expérience spirituelle qu’expriment ces prières.

Le jeûne communautaire

J’appelle au jeûne communautaire. J’encourage les familles, les jeunes gens et les jeunes filles à jeûner. J’espère que le jeûne, uni à la prière et à la lecture de l’Écriture sainte, pourra créer dans chaque maison une atmosphère de spiritualité familiale grâce à la participation de tous les membres de la famille, et ainsi renforcer et approfondir les liens spirituels familiaux et sociaux, et être un facteur d’unité. Cette unité est la base du bonheur de la famille et lui permet d’éviter les dangers qui la menacent aujourd’hui plus que jamais.

La famille chrétienne est appelée à une mission spéciale et importante, afin de porter la nouvelle évangélisation à l’intérieur et à l’extérieur de la famille. À cela nous convie le document préparatoire, intitulé « Les défis pastoraux de la famille dans le cadre de l’évangélisation », de l’assemblée spéciale du Synode des évêques qui aura lieu à Rome au mois d’octobre prochain.

Nous espérons que le temps du Carême sera une bonne occasion pour réunir la famille tous les jours autour de l’icône de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, pour la prière et la lecture de l’Écriture sainte, surtout du Saint Évangile. Puisse le Carême être un programme familial communautaire et un chemin vers la sainteté chrétienne !

Le Carême et la situation actuelle

Nous appelons à intensifier la pratique du jeûne, dans ses deux aspects spirituel et corporel, du fait de la situation actuelle, tragique et sanglante, dans nos pays arabes en général, et plus spécialement en Syrie, au Liban, en Irak, en Égypte, en Jordanie et en Terre sainte. La souffrance de nos concitoyens est très grande.

Nous avons besoin des armes du jeûne et de la prière plus que jamais. C’est ce que nous enseigne Notre Seigneur Jésus-Christ quand il dit (Mc 9, 29) : « Cette espèce-là ne peut s’en aller que par la prière. »

Nous vous invitons à recourir à l’arme de l’esprit, à l’arme de la foi, à l’arme de l’espérance, lorsque vous êtes devant l’écran de télévision ou prenez connaissance d’autres moyens de communication. Ne vous laissez pas entraîner par des sentiments de désespoir, de dépression, de désillusion, par la tentation de blasphémer, par la perte de confiance en Dieu, en sa Providence, en son amour et en sa miséricorde.

À cela nous a appelés le Saint-Père François dans son message Urbi et orbide Noël 2013 : « Le conflit en Syrie en a trop brisé ces derniers temps, fomentant haine et vengeance. Continuons à prier le Seigneur, pour qu’il épargne au bien-aimé peuple syrien de nouvelles souffrances et que les parties en conflit mettent fin à toute violence et garantissent l’accès aux aides humanitaires. Nous avons vu combien la prière est puissante ! Et je suis heureux qu’aujourd’hui des croyants de diverses confessions religieuses s’unissent aussi à notre supplication pour la paix en Syrie. Ne perdons jamais le courage de la prière ! Le courage de dire : Seigneur, donne ta paix à la Syrie et au monde entier. Et j’invite aussi les non-croyants à désirer la paix, avec leur désir, ce désir qui élargit le cœur : tous unis, ou avec la prière ou avec le désir. Mais tous, pour la paix. (…)

Chers frères et sœurs, en ce monde, en cette humanité aujourd’hui est né le Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Arrêtons-nous devant l’Enfant de Bethléem. Laissons notre cœur s’émouvoir : n’ayons pas peur de cela. N’ayons pas peur que notre cœur s’émeuve ! Nous avons besoin que notre cœur s’émeuve. Laissons-le se réchauffer à la tendresse de Dieu ; nous avons besoin de ses caresses. Les caresses de Dieu ne font pas de blessures : les caresses de Dieu nous donnent paix et force. Nous avons besoin de ses caresses. »

À notre tour, nous voudrions vous dire franchement : Je suis assiégé par les mêmes sentiments que vous. Vos pasteurs et moi, nous aussi nous sommes exposés au découragement, au désespoir et à la révolte intérieure. Vous et nous, nous sommes de la même et unique pâte : notre souffrance est la même que la vôtre, nos malheurs sont les mêmes, nos espoirs nous sont communs. Nous devons nous encourager les uns les autres par les sentiments et les appels. Ne nous laissons pas vaincre par des sentiments qui détruisent l’âme et le corps. Cela est aussi une partie de la pratique du Carême : il doit susciter en nous espoir et confiance.

Avec l’Église nous prions : « Du Carême la grâce pleine de clarté a resplendi sur nous en ce jour plus brillante que le soleil ; répandant sur nos âmes son éclat, comme nuages elle chasse nos péchés ; aussi courons-nous d’un cœur léger, joyeux de parcourir le stade divin, et dans l’allégresse crions au Seigneur : Sanctifie ceux qui l’accomplissent fidèlement. » (Lucernaire du lundi de la cinquième semaine du Carême)

© Copyright 2014 – Urbi et Orbi

 

Éradiquer le chômage avec solidarité et créativité

Rencontre du pape François avec les dirigeants et les ouvriers des aciéries de Terni

« Ne cessez jamais d’espérer dans un avenir meilleur. Luttez pour cela, luttez ! », exhorte le pape François qui estime que « si chacun joue son rôle, il sera possible de sortir du marécage d’une saison économique et professionnelle éprouvante et difficile », notamment par « la créativité et la solidarité ». Le pape François a reçu les dirigeants et les ouvriers des aciéries de Terni, à l’occasion du 130ème anniversaire de la fondation des aciéries, avec les fidèles du diocèse de Terni-Narni-Amelia, ce matin, jeudi 20 mars 2014. Évoquant le « très grave problème du chômage », conséquence « d’un système économique qui n’est plus capable de créer du travail, parce qu’il a mis au centre une idole qui s’appelle l’argent », le pape François a appelé à l’affronter « avec les instruments de la créativité et de la solidarité » : « La créativité d’entrepreneurs et d’artisans courageux qui regardent vers l’avenir avec confiance et espérance. Et la solidarité entre toutes les composantes de la société, qui renoncent à quelque chose, adoptent un style de vie plus sobre, pour aider ceux qui se trouvent dans le besoin », a-t-il expliqué. Le pape a réaffirmé que le travail « est une réalité essentielle pour la société, pour les familles et pour les individus », qu’il participe directement au « bonheur » de la personne car « la première valeur du travail est le bien de la personne humaine ». Jean-Paul II lui-même avait visité les aciéries de Terni – l’une des plus grandes fabriques d’acier du pays – le 19 mars 1991.

Je souhaite une cordiale bienvenue à chacun de vous. L’occasion qui vous a poussés à venir ici est le 130ème anniversaire de la fondation des Aciéries de Terni, symbole des capacités entrepreneuriales et ouvrières qui ont rendu ce nom célèbre bien au-delà des frontières italiennes. Je salue votre pasteur, MgrErnesto Vecchi, je le remercie pour les paroles qu’il m’a adressées et surtout pour le service qu’il rend à l’Église de Terni-Narni-Amelia. C’est un service qu’il rend à un moment de sa vie où il avait le droit de se reposer, et au lieu de se reposer, il continue de travailler : merci, Monseigneur, merci beaucoup ! Je salue les autorités civiles, ainsi que les prêtres, les personnes consacrées, les fidèles laïcs, les différentes réalités sociales et les diverses composantes de votre communauté diocésaine.

Cette rencontre me donne la possibilité de redire la proximité de toute l’Église, non seulement à l’égard de la société « Acciaia Speciali Terni » (« Aciers spéciaux de Terni ») mais aussi de toutes les entreprises de votre territoire et, plus généralement, de tout le monde du travail. Face au développement actuel de l’économie et aux souffrances que traverse le monde professionnel, il faut réaffirmer que le travail est une réalité essentielle pour la société, pour les familles et pour les individus. Le travail, en effet, concerne directement la personne, sa vie, sa liberté et son bonheur. La première valeur du travail est le bien de la personne humaine, parce qu’il lui permet de se réaliser en tant que telle, avec ses attitudes et ses capacités intellectuelles, créatives et manuelles. Il s’ensuit que le travail n’a pas seulement une finalité économique et orientée vers le profit, mais surtout une finalité qui concerne l’homme et sa dignité. La dignité de l’homme est liée au travail. J’ai entendu quelques jeunes ouvriers qui sont sans travail et qui m’ont dit cela : « Père, chez nous, ma femme, mes enfants, nous mangeons tous les jours parce que, à la paroisse, au club, ou à la Croix Rouge, on nous donne à manger. Mais, Père, je ne sais pas ce que signifie rapporter de quoi manger à la maison, et j’ai besoin de manger, mais j’ai besoin d’avoir la dignité de celui qui rapporte de quoi manger à la maison ». C’est cela, le travail ! Et lorsque le travail manque, cette dignité est blessée. Celui qui est au chômage ou qui est sous-employé risque, en effet, d’être mis en marge de la société, de devenir victime d’exclusion sociale. Il arrive si souvent que les personnes sans travail – je pense surtout aux nombreux jeunes, aujourd’hui au chômage – tombent dans une sorte de découragement chronique ou, pire, d’apathie.

Que pouvons-nous dire devant le très grave problème du chômage qui touche un certain nombre de pays européens ? C’est la conséquence d’un système économique qui n’est plus capable de créer du travail, parce qu’il a mis au centre une idole qui s’appelle l’argent ! C’est pourquoi, les différents responsables politiques, sociaux et économiques sont appelés à promouvoir une approche différente, basée sur la justice et sur la solidarité. En ce moment, ce mot risque d’être exclu du dictionnaire. Solidarité : on dirait que c’est un gros mot ! Non ! La solidarité est importante, mais ce système ne l’aime pas beaucoup et préfère l’exclure. Cette solidarité humaine, qui assure à tous, la possibilité de mener une activité professionnelle digne. Le travail est un bien qui appartient à tous, qui doit être disponible pour tous. Cette phase de graves difficultés et de chômage nécessite d’être affrontée avec les instruments de la créativité et de la solidarité. La créativité d’entrepreneurs et d’artisans courageux qui regardent vers l’avenir avec confiance et espérance. Et la solidarité entre toutes les composantes de la société, qui renoncent à quelque chose, adoptent un style de vie plus sobre, pour aider ceux qui se trouvent dans le besoin.

Ce grand défi interpelle toute la communauté chrétienne. C’est pour cela qu’aujourd’hui, vous êtes venus ici ensemble : Aciéries, évêque, communauté diocésaine. Et c’est pour cette raison que l’histoire contemporaine de votre Église est inséparablement liée à la visite du bienheureux Jean-Paul II aux Aciéries ! L’Église tout entière est engagée dans une conversion pastorale et missionnaire, comme l’a souligné votre évêque. À ce propos, le premier engagement est toujours de raviver les racines de votre foi et de votre adhésion à Jésus-Christ. C’est là le principe qui inspire les choix d’un chrétien : c’est sa foi. La foi déplace les montagnes ! La foi chrétienne est en mesure d’enrichir la société grâce au poids de fraternité concrète qu’elle porte en elle. Une foi accueillie avec joie, vécue jusqu’au bout et avec générosité, peut conférer à la société une force humanisante. C’est pourquoi nous sommes tous appelés à chercher des moyens toujours nouveaux pour témoigner avec courage d’une foi vivante et qui vivifie.

Chers frères et sœurs, ne cessez jamais d’espérer dans un avenir meilleur. Luttez pour cela, luttez ! Ne vous laissez pas entraîner par le tourbillon du pessimisme ! Si chacun joue son rôle, si tous mettent toujours au centre la personne humaine, et non l’argent, avec sa dignité, si l’on consolide des comportements de solidarité et de partage fraternel inspirés de l’Évangile, il sera possible de sortir du marécage d’une saison économique et professionnelle éprouvante et difficile.

C’est avec cette espérance que j’invoque l’intercession maternelle de la Vierge Marie sur vous et sur tout le diocèse, en particulier sur le monde du travail, sur les familles en difficultés, pour qu’elles ne perdent pas la dignité que procure le travail, sur les enfants et les jeunes, et sur les personnes âgées.

Et maintenant, tous, en restant assis, prions la Vierge Marie, qui est notre Mère, pour qu’elle nous donne la grâce de travailler ensemble avec créativité, solidarité et foi. Je vous salue Marie…

Que Dieu tout-puissant vous bénisse, lui qui est Père, Fils et Saint-Esprit.

Et je vous demande, s’il vous plaît, priez pour moi ! Merci !

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L’Esprit de nos baptêmes

Commentaire de l’Évangile du 3ème Dimanche du Temps de Carême

La soif, c’est plus que le besoin de boire ; c’est une certaine lassitude, comme celle de Jésus qui, accablé par la chaleur du jour, s’assied au bord du puits. « Donne-moi à boire », demande-t-il à la Samaritaine. Et cet appel provoque entre eux une conversation si animée que la femme, bouleversée, abandonnant sa cruche, court dire à ses concitoyens : « Venez voir un homme… ne serait-il pas le Messie ».

Les Hébreux aussi avaient soif. Ce n’est pas étonnant. Dans un désert de roc et de sable, « terre aride, altérée, sans eau », ils marchent depuis si longtemps. Et la tentation guette, la confiance s’effiloche, les murmures s’élèvent. Dieu dit à Moïse de frapper un rocher. De l’environnement pierreux et hostile, sort une source rafraîchissante. Du ce désert porteur de la mort, jaillit de l’eau qui fait vivre.

Il y là un enseignement spirituel. S’il est une soif physique, il y a aussi une soif spirituelle, que la Bible appelle la soif de Dieu. Il y a aussi une lassitude spirituelle, la fatigue de se trouver dans un désert spirituel, dans un monde stérile menaçant où rien ne nous nourrit ni nous désaltère. Le petit récit de l’Exode nous dit que, même dans une telle sécheresse, un rafraîchissement est possible.

Des centaines d’années après, Saint Paul a lu dans cet épisode une image du Christ. Les hébreux, écrit-il, « ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ » (1Co 10,4). Même si les hébreux dans le désert ne le savaient pas, c’est le Christ qui était la source de leur vie spirituelle, c’est Jésus qui les a rafraîchis. Qui plus est, dit saint Paul, ce rocher qu’était le Christ les suivait. L’image est surprenante : un rocher mobile qui roule derrière une multitude au désert ! Mais elle signifie que Jésus est toujours présent, là où nous sommes, au cœur de nos aridités, qu’il ne faut pas se déplacer pour trouver l’eau spirituelle dont nous avons  besoin. L’unique condition pour accueillir sa grâce gratuite, c’est la confiance, la foi. Ne serait-ce pas là que réside notre plus grand dessèchement. Osons croire que la Christ « nous a donné par la foi l’accès au monde de la grâce »(Rm 5, 2).

Jésus dit à la Samaritaine que c’est lui la source d’eau vive, de l’eau qui fait vivre et qui rafraîchit. En disant cela, il prétend effectivement être divin, parce qu’il n’y a que Dieu qui peut étancher la soif spirituelle de l’être humain. « L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné », dit saint Paul dans la seconde lecture. Et pour trouver cet amour, pour dégager cette eau, il ne faut pas aller puiser à un lieu profond comme le puits de Jacob, c’est à dire à la tradition juive. Il ne faut pas non plus aller au temple de  Jérusalem ou à la montagne des Samaritains pour adorer le vrai Dieu ; adorer le vrai Dieu en esprit et vérité, c’est la même chose que de se laisser rafraîchir par Dieu, recevoir la vie que Dieu nous donne.

Cette source n’est pas extérieure à nous-mêmes. « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » Nous avons déjà en nous-mêmes la source de notre vie spirituelle.

Tout homme est un puits d'ombre obstrué par la désespérance. Jésus est le puisatier qui, par ses sacrements et sa parole, vient nous creuser pour nous redonner le goût de l'eau vive de son Esprit. Il est celui qui vient désensabler la fontaine qui murmure en nos cœurs pour en faire à jaillir une eau de miséricorde. Lui seul peut venir étancher notre désir d'être aimé et d'aimer en retour. Cessons de mourir de soif à côté de la source qui sourd au plus profond de notre être. Hébergeons en nous L’Esprit de nos baptêmes telle une eau vive qui murmure… « Viens vers le Père »(Saint Ignace d’Antioche, Epître aux Romains).

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