PKO 22.06.2014

Dimanche 22 juin 2014 – Solennité de Saint Pierre et Saint Paul, Apôtres – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°36/2014

HUMEURS

Messe 2

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

Messe pour nos gouvernants et hommes politiques

Lundi prochain, 30 juin, à 18h, à la Cathédrale Notre Dame de Papeete, à l’initiative de Mgr Pascal, sous le patronage de Saint Thomas More, les responsables du gouvernement de la Polynésie française ainsi que les hommes et femmes politiques sont invités à un temps de prière et de réflexion sur la vie sociale, économique et politique dans notre Pays.

En préambule au Décret (Motu Proprio du 31 octobre 2 000) proclamant saint Thomas More comme Patron des Responsables de gouvernement et des hommes politiques, Jean-Paul II écrivait ceci :

« De la vie et du martyre de saint Thomas More se dégage un message qui traverse les siècles et qui parle aux hommes de tous temps de la dignité inaliénable de la conscience, dans laquelle, comme le rappelle le Concile Vatican II, réside «le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu dont la voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime» (Gaudium et spes, n. 16). Quand l’homme et la femme écoutent le rappel de la vérité, la conscience oriente avec sûreté leurs actes vers le bien. C’est précisément pour son témoignage de la primauté de la vérité sur le pouvoir, rendu jusqu’à l’effusion du sang, que saint Thomas More est vénéré comme exemple permanent de cohérence morale. Même en dehors de l’Église, particulièrement parmi ceux qui sont appelés à guider les destinées des peuples, sa figure est reconnue comme source d’inspiration pour une politique qui se donne comme fin suprême le service de la personne humaine. »

Souhaitons que cette initiative aide nos responsables de toutes obédiences à faire des choix qui respectent les populations et les personnes dont ils ont la charge.

M. A. 

Pas de « chacun pour soi » chez les chrétiens

Audience générale du mercredi 25 juin 2014

« Nous ne sommes pas des chrétiens à titre individuel, chacun pour soi... Être chrétien signifie une appartenance à l’Église », comme « un nom de famille : si le prénom est "je suis chrétien", le nom est "j’appartiens à l’Église" », déclare le pape François lors de l'audience générale de ce 25 juin 2014, place Saint-Pierre : « on ne peut aimer Dieu en dehors de l’Église ». Le pape a mis en garde contre « la tentation dangereuse » d'« avoir un rapport personnel, direct, immédiat avec Jésus-Christ en dehors de la communion et de la médiation de l’Église », la tentation « de faire sans les autres, sans l’Église, de se sauver tout seuls ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la première catéchèse sur l’Église, mercredi dernier, nous sommes partis de l’initiative de Dieu qui veut former un peuple pour apporter sa bénédiction à tous les peuples de la terre. Il commence avec Abraham et ensuite, avec beaucoup de patience, - et Dieu en a, il en a beaucoup - il prépare ce peuple dans l’Ancienne alliance jusqu’à ce que, en Jésus-Christ, il le constitue comme signe et instrument de l’union des hommes avec Dieu et entre eux (cf. concile œcuménique Vatican II, Constitution Lumen Gentium, 1). Aujourd’hui, nous voulons nous arrêter sur l’importance, pour le chrétien, d’appartenir à ce peuple. Nous allons parler de l’appartenance à l’Église.

1. Nous ne sommes pas isolés et nous ne sommes pas des chrétiens à titre individuel, chacun pour soi : notre identité est une appartenance ! Nous sommes chrétiens parce que nous appartenons à l’Église. C’est comme un nom de famille : si le prénom est « je suis chrétien », le nom est « j’appartiens à l’Église ». C’est très beau de remarquer que cette appartenance est aussi exprimée dans le nom que Dieu s’attribue à lui-même. En répondant à Moïse, dans l’épisode étonnant du « buisson ardent » (cf. Ex 3,15), il se définit en effet comme le Dieu des Pères. Il ne dit pas : Je suis le Tout-puissant… non : Je suis le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il se manifeste ainsi comme le Dieu qui a noué une alliance avec les Pères et qui demeure toujours fidèle à son pacte, et il nous appelle à entrer dans cette relation qui nous précède. Cette relation de Dieu avec son peuple nous précède tous, elle remonte à ce temps-là.

2. En ce sens, notre pensée va en premier lieu, avec gratitude, à ceux qui nous ont précédés et qui nous ont accueillis dans l’Église. Personne ne devient chrétien tout seul ! Est-ce que c’est clair ? Personne ne devient chrétien tout seul. On ne fait pas des chrétiens dans un laboratoire. Le chrétien fait partie d’un peuple qui vient de loin. Le chrétien appartient à un peuple qui s’appelle l’Église et cette Église fait de lui un chrétien, le jour de son baptême, et ensuite tout au long de la catéchèse, etc. Mais personne, personne ne devient chrétien tout seul.

Si nous croyons, si nous savons prier, si nous connaissons le Seigneur et pouvons écouter sa Parole, si nous le sentons proche et que nous le reconnaissons dans nos frères, c’est parce que d’autres, avant nous, ont vécu leur foi et nous l’ont ensuite transmise. La foi, nous l’avons reçue de nos pères, de nos ancêtres et ils nous l’ont enseignée. Si nous y réfléchissons bien, combien de visages chers défilent sous nos yeux en ce moment ! Cela peut être le visage de nos parents qui ont demandé pour nous le baptême, celui de nos grands-parents ou d’un membre de notre famille qui nous a appris à faire le signe de croix et à réciter nos premières prières. Je me souviens toujours du visage de la sœur qui m’a enseigné le catéchisme ; il me revient toujours à l’esprit – elle est certainement au ciel, parce que c’est une sainte femme, mais je me souviens toujours d’elle et je rends grâce à Dieu pour cette sœur. Ou bien celui du curé, d’un autre prêtre ou d’une sœur, d’un catéchiste, qui nous a transmis le contenu de la foi et nous a aidé à grandir en chrétien… Voilà, c’est cela l’Église : une grande famille dans laquelle on est accueilli et on apprend à vivre en croyants et en disciples du Seigneur Jésus.

3. Nous pouvons vivre ce chemin non seulement grâce à d’autres personnes, mais avec d’autres personnes. Dans l’Église, il n’existe pas de « prêt-à-monter », il n’existe pas de « joueur libre ». Combien de fois le pape Benoît a-t-il décrit l’Église comme un « nous » ecclésial ! Il arrive parfois que l’on entende dire : « Je crois en Dieu, je crois en Jésus, mais l’Église ne m’intéresse pas… ». Combien de fois avons-nous entendu cela ? Et cela ne va pas. Il y a des personnes qui considèrent qu’elles peuvent avoir un rapport personnel, direct, immédiat avec Jésus-Christ en dehors de la communion et de la médiation de l’Église. Ce sont des tentations dangereuses et dommageables. Ce sont, comme disait le grand Paul VI, des dichotomies absurdes. Il est vrai que marcher ensemble est exigeant et, parfois, cela peut devenir pesant : il peut arriver que certains frères ou sœurs nous créent des problèmes, ou nous scandalisent… Mais le Seigneur a confié son message de salut à des personnes humaines, à nous tous, à des témoins ; et c’est dans nos frères et sœurs, avec leurs dons et leurs limites, qu’il vient à notre rencontre et se fait reconnaître. Et ce que signifie appartenir à l’Église. Souvenez-vous bien de cela : être chrétien signifie une appartenance à l’Église. Le nom de « chrétien » veut dire « appartenance à l’Église ».

Chers amis, demandons au Seigneur, par l’intercession de la Vierge Marie, Mère de l’Église, la grâce de ne jamais tomber dans les tentations de penser pouvoir faire sans les autres, pouvoir faire sans l’Église, de pouvoir nous sauver tout seuls, d’être des chrétiens de laboratoire. Au contraire, on ne peut pas aimer Dieu sans aimer ses frères ; on ne peut aimer Dieu en dehors de l’Église ; on ne peut pas être en communion avec Dieu sans l’être avec l’Église et nous ne pouvons pas être de bons chrétiens sinon avec tous ceux qui cherchent à suivre le Seigneur Jésus, comme un unique peuple, un unique corps. Et c’est cela l’Église.

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Confirmer dans la Foi, l’Amour et l’Unité

Homélie du pape François pour la Fête de Sts Pierre et Paul - 2013

Le pape François invite les évêques, avec lui, à conformer leurs frères dans la foi, dans l'amour et dans l'unité. Et il discerne dans cette triple tâche du successeur de Pierre - au premier chef -  également l'engagement de tout baptisé.

Chers frères et sœurs,

Nous célébrons la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, patrons principaux de l’Église de Rome : une fête rendue plus joyeuse encore par la présence des évêques du monde entier. Une grande richesse qui nous fait revivre, en un certain sens, l’évènement de la Pentecôte : aujourd’hui, comme alors, la foi de l’Église s’exprime dans toutes les langue et veut unir les peuples en une seule famille.

[…]

Trois pensées sur le ministère pétrinien, à partir du verbe « confirmer ». En quoi l’Évêque de Rome est-il appelé à confirmer ? 

1. Avant tout, confirmer dans la foi. L’Évangile parle de la confession de Pierre. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16), une confession qui ne vient pas de lui, mais du Père céleste. Et c’est en raison de cette confession que Jésus dit : « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Église » (v. 18). Le rôle, le service ecclésial de Pierre a son fondement dans la confession de foi en Jésus, le Fils du Dieu vivant, rendue possible par une grâce donnée d’en haut. Dans la seconde partie de l’Évangile d’aujourd’hui nous voyons le danger de penser à la manière du monde. Quand Jésus parle de sa mort et de sa résurrection, de la route de Dieu qui ne correspond pas à la route humaine du pouvoir, la chair et le sang reprennent le dessus chez Pierre : « il se mit à lui faire de vifs reproches : cela ne t’arrivera pas » (16,22). Et Jésus a une parole dure : « Passe derrière moi Satan ! tu es un obstacle sur ma route » (v. 23). Quand nous laissons prévaloir nos pensées, nos sentiments, la logique du pouvoir humain, et que nous ne nous laissons pas instruire et guider par la foi, par Dieu, nous devenons pierre d’achoppement. La foi dans le Christ est la lumière de notre vie de chrétiens et de ministres de l’Église !

2. Confirmer dans l’amour. Dans la seconde lecture nous avons écouté les émouvantes paroles de saint Paul : « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé la course, j’ai conservé la foi » (2Tm 4,7). De quel combat s’agit-il ? Non celui des armes humaines, qui malheureusement ensanglantent encore le monde ; mais il s’agit du combat du martyre. Saint Paul a une seule arme : le message du Christ, et le don de toute sa vie pour le Christ et pour les autres. Et c’est vraiment le fait de s’exposer en première ligne, de se laisser consumer par l’Évangile, de se faire tout à tous sans se ménager qui l’a rendu crédible et qui a édifié l’Église. L’Évêque de Rome est appelé à vivre et à confirmer dans cet amour pour le Christ et pour tous, sans distinctions, limites ni barrières. Et pas seulement l’évêque de Rome : vous tous, nouveaux archevêques et évêques, vous avez le même devoir : vous laisser consumer par l’Évangile, vous faire tout à tous. Le devoir de ne pas vous ménager, de sortir de vous-même au service du saint Peuple fidèle de Dieu.

3. Confirmer dans l’unité. Ici je m’arrête sur le geste que nous avons accompli. Le Pallium est symbole de communion avec le successeur de Pierre, « principe et fondement perpétuels et visibles d’unité de foi et de communion » (Conc. Œcum. Vat. II, Lumen gentium, 18). Et votre présence aujourd’hui, chères confrères, est le signe que la communion dans l’Église ne signifie pas uniformité. Vatican II, se référant à la structure hiérarchique de l’Église, affirme que le Seigneur « en fit ses Apôtres, leur donnant forme d’un collège, c'est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (Ibid., 19). Confirmer dans l’unité : le Synode des évêques, en harmonie avec la primauté. Nous devons avancer sur cette voie de la synodalité, grandir en harmonie avec le service de la primauté. Et le Concile continue : « par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu » (Ibid., 22). Dans l’Église la variété, qui est une grande richesse, se fonde toujours sur l’harmonie de l’unité, comme une grande mosaïque dans laquelle les tesselles s’assemblent pour former l’unique grand dess(e)in de Dieu. Et cela doit nous pousser à dépasser toujours les conflits qui blessent le corps de l’Église. Unis dans la différence : il n’y a pas d’autre manière catholique de s’unir. C’est cela l’esprit catholique, l’esprit chrétien : s’unir dans la différence. Voilà la route de Jésus ! Le Pallium, s’il est le signe de la communion avec l’Évêque de Rome, avec l’Église universelle, avec le Synode des évêques, est aussi un engagement pour chacun de vous à être instrument de communion.

Confesser le Seigneur en se laissant instruire par Dieu ; se laisser consumer par amour du Christ et de son Évangile, être serviteur de l’unité. Ce sont là, chers confrères dans l’épiscopat, les consignes que les saint Apôtres Pierre et Paul confient à chacun de nous, pour qu’elles soient vécues par tout chrétien. Que nous guide et nous accompagne toujours de son intercession la sainte Mère de Dieu : Reine des Apôtres, priez pour nous ! Amen.

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L’excommunication selon le Droit canonique

« Ceux qui ont choisi un chemin de mal, comme les mafieux, ne sont pas en communion avec Dieu mais sont excommuniés » : c’est avec ces mots, sévères, que le Pape a fustigé la mafia, une « adoration du mal et un mépris du bien commun ». C’était samedi, lors de sa visite pastorale en Calabre, dans le sud de la péninsule italienne, une région gangrenée par les méfaits de la N’Drangheta, un réseau mafieux aux multiples ramifications.

Cette excommunication du Pape, lancée d’une voix tonnante lors de la messe à Sibari, n’est pas passée inaperçue, loin s’en faut. L’occasion pour nous d’apporter un éclairage sur ce sujet, au regard du droit canonique.

Voici quelques éclaircissement de Bernard Callebat, spécialiste du droit canon, enseignant à l’Institut catholique de Toulouse.

Qu’est-ce qu’une excommunication ?

Alors, une excommunication est une censure, c’est-à-dire une des peines les plus graves qui peut-être infligée à un fidèle. Et l’excommunication est considérée comme un délit gravissime. On a l’habitude de parler d’exclusion de la communauté ecclésiale. C’est d’ailleurs dans ce sens-là que le Pape François s’est exprimé pour signifier son intention de procéder à l’exclusion de la communauté ecclésiale de ceux qui se livrent à des activités qui sont contraire à la morale économique et sociale.

Qu’est-ce que cela implique une excommunication ? Vous dites une exclusion de la communauté ecclésiale mais quelles sont ces incidences concrètes pour un croyant ?

Il faut bien avoir à l’esprit que le droit pénal de l’Église, puisqu’il s’agit de droit pénal dans le cas de l’excommunication, vise essentiellement les biens spirituels et pas les biens matériels puisque l’Église n’a pas de moyens de coercition. S’agissant des biens spirituels, cela veut dire, par exemple, l’interdiction de recevoir la communion, l’obligation, également, pour le délinquant de se confesser de son propre forfait. Et même si cela peut paraître un peu lointain mais c’est aussi important, c’est l’incapacité de gagner des indulgences quand des indulgences sont posées par l’Église. Et puis, j’ai envie de dire, c’est peut-être dans la même prestation la plus ordinaire de la vie du chrétien que les effets de l’excommunication se font sentir, en particulier par le fait que les excommuniés ne peuvent pas, par exemple, bénéficier de funérailles religieuses. Et là, on tombe dans la vie concrète des fidèles, qui se voyant privés de funérailles, sont directement désignés à la face des fidèles comme de véritables délinquants. Je pense que c’est le but poursuivi par le Saint-Père.

Quelles sont les causes et les circonstances qui entrainent de facto une excommunication ?

Alors là, je crois qu’il faut être un peu plus prudent puisque l’excommunication, comme vous l’avez dit, de facto, concerne un certain nombre d’actes délictueux et ce ne sont certainement pas les actes commis par les membres de la mafia qui sont visés directement. L’excommunication de facto, c’est ce que nous appelons en termes techniques, l’excommunication latæ sententiæ, c’est-à-dire du seul fait de commettre un délit et bien, l’excommunication tombe. Il faut savoir que le fait d’appartenir à la mafia n’est pas dans la liste des excommunications. C’est donc une excommunication qui devra être prononcée. Ou alors, il faut penser que le Saint-Père envisage de modifier une partie du droit pénal pour inclure le fait d’appartenir à la mafia comme étant de facto une cause d’excommunication. Mais à l’heure où vous m’interrogez, cette excommunication ne peut pas être considérée comme étant de facto applicable. Il faut nécessairement qu’un tribunal ou une autorité religieuse se prononce pour infliger intuitu personæ, c’est-à-dire à une personne bien déterminée, cette sanction.

Et donc, quels sont les délits qui induisent l’excommunication de facto ?

Il y a une série de délits qui sont portés par l’Église et qui emportent immédiatement l’excommunication. Ce sont des délits qui sont classiques dans l’histoire de l’Église : c’est l’apostasie de la foi, l’hérésie, le schisme, la profanation des saintes espèces, les voies de fait sur la personne du Pape, l’absolution du complice dans un péché contre le sixième commandement, la consécration épiscopale sans mandat pontifical, la violation directe du secret sacramentel et l’avortement. Pour les autres cas, il peut y avoir excommunication et on peut imaginer que dans le cas visé par le Saint-Père, l’intention du Saint-Siège est effectivement d’imposer l’excommunication. Alors, cela peut se traduire dans l’immédiat par la privation de la communion, c’est-à-dire la privation du sacrement de l’eucharistie. En aucun cas, l’excommunication entendue au sens pénal du terme ne peut introduire de facto le cas visé par le Saint-Père le week-end dernier.

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Réhabiliter la politique (II)

Déclaration de la Commission Sociale de l’Épiscopat - 1999

Chapitre II - Vivre ensemble en démocratie

16 - Au long des âges et dans la diversité des civilisations, les sociétés humaines ont expérimenté maints types d’organisation politique. Le « vivre ensemble », nous tentons aujourd’hui de le réaliser dans le cadre de la démocratie. Celle-ci ne comble pas pleinement l’attente des hommes mais, en son type occidental, fondée sur l’équilibre des pouvoirs et la souveraineté d'un peuple de citoyens égaux en droit, elle apparaît comme le modèle le plus humanisant, même s’il faut constamment le régénérer.

Une démocratie menacée d’anémie

17 - Depuis un demi siècle, le souffle démocratique gagne toujours plus d’États et de domaines au détriment des régimes totalitaires. La démocratie triomphe dans les esprits et n’est plus guère contestée, sinon par des idéologies passéistes ou réactionnaires qui n’acceptent pas vraiment l’égalité des hommes entre eux ni leur vocation à la liberté et à la fraternité sociale.

Cependant, la démocratie engendre trop souvent le désenchantement et la morosité de ceux qui en héritent. Elle semble frappée de vieillissement et d’anémie ; elle révèle certaines de ses limites et de ses fragilités. Trop de citoyens deviennent des consommateurs réclamant toujours plus de droits garantis, acceptant toujours moins de devoirs partagés.

C’est que la démocratie n’est pas une donnée de nature ni un acquis définitif, mais le résultat des combats des générations successives, que chaque génération est appelée à reprendre et à poursuivre à son compte.

18 - La cause principale de la fragilité de nos démocraties réside dans cette invasion de l’individualisme extrême, du « chacun pour soi », fruit d’un libéralisme qui rejette toute contrainte et de la permissivité généralisée qui laisse chacun faire ce qui lui plaît. Vivant dans un imaginaire social où dominent la peur de l’avenir et l’absence de projet global, des Français, prisonniers de l’instant et de l’émotion, se crispent sur leurs avantages, demandent à l’État-providence de les rassurer, de leur apporter des résultats immédiats.

Une autre cause est à rechercher dans l’exacerbation des différences, dans ces réflexes identitaires ou ethniques de groupes qui, se sentant menacés ou ignorés, recourent à la violence, veulent étouffer et exclure les autres. Pour éviter ces enfermements, une politique d’ouverture et d’animation transformera ces diversités en modes d’intégration sociale et de brassage culturel.

Les exigences de la démocratie

19 - La démocratie a besoin de vertu, pour les dirigeants comme pour les citoyens eux-mêmes. Elle a besoin d’une éthique qui repose sur un système de valeurs essentielles : la liberté, la justice, l’égale dignité des personnes - ce que nous appelons le respect des droits de l’homme.

Une vigilance s’impose devant certains types de fonctionnement démocratique qui semblent saper progressivement ces vertus mêmes dont la démocratie a besoin : c’est particulièrement le cas lorsque l’on estime qu’une décision est valable du seul fait qu’elle est le fruit d’un vote majoritaire.

Il est également urgent de comprendre que les droits de chacun constituent les devoirs de tous. La notion de citoyenneté, dont il est tant question aujourd’hui, ne se réduit pas au seul contrôle, à intervalles réguliers, des responsables politiques choisis au rythme d’élections successives. Chacun est porteur d’une fécondité sociale à valoriser. Passer du stade de citoyen-consommateur à celui de citoyen-acteur est un objectif majeur. La politique est l’œuvre de tous. Il est vain d’attendre de la classe politique, des chefs d’entreprises, des policiers, des magistrats et des détenteurs de pouvoir... un civisme qui ne serait pas celui de l’ensemble de la population.

Des comportements et des institutions démocratiques

20 - Pas de démocratie véritable sans comportements démocratiques : apprendre à connaître et à reconnaître l’autre ; privilégier le débat plutôt que le combat ; développer le dialogue et le sens du compromis ; faire prévaloir la raison sur la passion ; bannir l’usage de la violence et du mensonge.

La démocratie suppose, avant les choix, la réflexion et le débat, l’information et l’analyse, des règles du jeu contrôlées. C’est le rôle indispensable des partis politiques de nourrir le débat public. C’est aussi le rôle des syndicats, des associations diverses et d’une presse libre d’y contribuer. Il est souhaitable que les Églises elles-mêmes prennent la parole dans cette agora.

La démocratie de représentation a grand besoin d’être renouvelée, notamment par un plus grand accès des femmes aux fonctions publiques et par une clarification des niveaux de décision territoriale. Elle appelle à une démocratie de participation. Le champ est considérable de la participation des citoyens aux décisions qui leur sont les plus proches, en réponse à leurs besoins : l’école, le logement, la santé, les transports, l’urbanisme, l’aménagement du cadre de vie, la lutte contre la délinquance, l’insertion, la formation permanente, les initiatives créatrices d’emploi, d’animation sociale et culturelle.

L’apprentissage de la démocratie

21 - La démocratie s’apprend par la pratique tout au long de la vie. Une société d’assistance peut mener à l’irresponsabilité ainsi qu’à la dégradation, voire à la mort de la démocratie.

Cette éducation permanente concerne la compréhension des grands mouvements de nos sociétés et des institutions qui s’emploient à les conduire, la formation à la conscience critique et surtout la prise de responsabilités.

1-  La vie familiale est le lieu premier de la socialisation de l’enfant, de l’apprentissage des règles de la vie en société, de l’éveil de la conscience morale, de l’éducation au sens du bien et du mal.

2-  De son côté, l’école joue un rôle primordial, en particulier par la reconnaissance et le respect de l’autre et des autres, l’ouverture sur un monde à construire, l’apprentissage du travail en équipe et la diffusion d’une culture de la responsabilité.

3-  Le temps de la jeunesse pourrait être privilégié pour la prise de conscience de l’importance de la tâche politique ouverte à l’échelle de l’humanité. Les jeunes sont très majoritairement favorables aux droits de l’homme, soucieux des progrès de la paix et de la solidarité, mais trop peu parmi eux comprennent l’importance de la politique qui est pourtant la forme principale d’incarnation de ces valeurs. « Je vous demande, jeunes de l’an 2000, disait le pape Jean-Paul II, le 8 mai 1995, d’être vigilants face à la culture de la haine et de la mort qui se manifeste. Rejetez les idéologies bornées et violentes, rejetez toute forme de nationalisme exacerbé et d’intolérance : c’est là que s’insinue insensiblement la tentation de la violence et de la guerre. La mission vous est confiée d’ouvrir des voies nouvelles pour la fraternité entre les peuples, pour bâtir une famille humaine unique ».

4-  Une attention particulière est à porter aux multiples réseaux de la vie associative, aux initiatives de développement local et solidaire, aux instances de concertation et de programmation où hommes et femmes expriment leurs aspirations, définissent leurs priorités. À ces échelons de proximité, des acteurs prennent des responsabilités précises. Les nouveaux moyens de communications (ex. Internet) et d’échanges (stages, voyages) créent des liens directs entre groupes : les expériences se partagent, qui concilient l’enracinement dans un engagement précis et l’ouverture progressive à l’universel.

5-  On sait l’immense influence exercée par les médias (spécialement l’audiovisuel), qui modèlent comportements et valeurs. Ils permettent d’informer rapidement et de découvrir ce qui se passe en tout point du globe. Mais simplifier les choses, jouer à la « politique spectacle », accorder le primat à l’émotion sur la raison et parfois jeter le soupçon sur les acteurs politiques sont des tentations auxquelles il leur est parfois difficile de résister.

Les médias ne pourraient-ils pas avoir un regard critique sur leurs propres pratiques, exercer une autorégulation et respecter un code de déontologie qui limiterait les risques de dérive ? Il est également souhaitable que chacun apprenne à mieux se servir de ces puissants moyens de communication.

L’enseignement de l’Église sur la démocratie

22 - La Bible ne pouvait traiter du régime démocratique. Il y a cependant une réelle convergence entre les valeurs de la démocratie et les sources d’inspiration de la foi chrétienne. Trois points essentiels, qui sont force de renouvellement d’une véritable démocratie, se dégagent de l’enseignement constant de l’Église.

1-  Elle souligne l’importance des corps intermédiaires (partis, syndicats, associations, collectivités, Églises ...) qui aident à la responsabilité de tous et sont un frein au risque d’abus du pouvoir d’en haut.

2-  Depuis longtemps, elle met l’accent sur le principe de subsidiarité. Celui-ci demande, d’une part, de laisser à l’échelon d’organisation le plus proche ce qui peut y être traité. Il invite, d’autre part, à faire remonter à l’échelon immédiatement supérieur - et ainsi de proche en proche -, dans une démarche ascendante, ce que des institutions trop légères ne peuvent assumer.

3-    Enfin, elle fonde la reconnaissance du pluralisme. Celui-ci n’est ni neutralité ni indifférentisme, mais il témoigne de la relativité des pensées et des programmes politiques, lesquels ne peuvent jamais prétendre incarner toute la vérité.

 (à suivre)

© Copyright 1999 – Conférence des Évêques de France

Unis dans le même amour du Christ

Commentaire de l’Évangile de la solennité de Saint Pierre et Saint Paul, Apôtres

Une icône orthodoxe montre les apôtres Pierre et Paul joue contre joue, puisqu’ils se rejoignent dans le même amour pour le Christ Jésus. Mais si nous regardons attentivement la peinture, nous remarquons leurs visages ravinés, car il s’agit de rappeler qu’ils se sont aussi « affrontés ouvertement » (Ga 2, 11).

Tout semblait en effet les opposer. Le premier est un simple pêcheur, sans grande instruction, un homme généreux et simple, mais aussi d’une prudence toute paysanne et parfois même hésitante. Le deuxième est un intellectuel, aussi versé dans le Lettres grecques que dans les Écritures rabbiniques, activiste et audacieux. L’un est rural ; l’autre citadin, citoyen romain par naissance. Pierre est un poltron qui se soigne ; Paul un orgueilleux qui se corrige. Mais il restera toujours chez l’un des traces du lâche qu’il a été, et chez l’autre de l’orgueilleux qui a eu besoin d'être retourné comme une crêpe par la rude expérience du chemin de Damas. Si Pierre était marié, Paul était célibataire ou sans doute, suivant l’opinion répandue chez les exégètes actuels, veuf ou séparé de sa femme. Leurs rencontres sont rares et plusieurs fois ils ont été en conflit. Leurs routes se croisent peu, Pierre se tenant à Jérusalem et à Rome, Paul parcourant en tout sens le nord-est du bassin méditerranéen.

Pourtant leurs vies ont bien des points communs. Un grand amour pour Jésus d’abord. Certes, il se déploie selon leur tempérament, « la grâce n’abolit pas la nature » se plaisait à dire le Moyen-Âge. Pierre grandira avec des allers et retours et même un reniement, avant de se rendre totalement : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » (Jn 21, 17). Paul se fera soudainement retourner comme une crêpe et ne reviendra jamais sur ce virage à 180°, après sa vie de persécuteur. « Ma vie… je la vis dans la foi au Christ qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Mais ce même amour de Jésus les conduira, pratiquement en même temps, à suivre leur Ami dans sa passion et dans sa mort.

Ensuite, leurs vies, si divergentes en apparence, manifestent la présence sans cesse actuelle du Ressuscité. C’est le Christ qui agit lorsque Pierre est libéré de sa prison ou quand il guérit l’impotent à la Porte du Temple. C’est lui qui est à l’œuvre dans les courses de Paul à travers l’Asie Mineure et la Grèce, où naissent dans ses pas tant de communautés de païens convertis.

Pierre, de par son origine et sa culture, s’est plutôt porté vers les juifs passés au christianisme et s’est attaché à organiser et unifier les premières communautés. Il était le roc sur lequel s’est bâti l’Église. Paul, au contraire, est devenu « par ordre du Seigneur » l'hardi évangélisateur des païens, rendant l’Église naissante autonome par rapport au Judaïsme. Il est rempli de la flamme et du souffle de l’Esprit. L’un comme l’autre ont été, dans leurs tensions, indispensables et complémentaires. L’organisation des communautés et le charisme missionnaire sont tous deux nécessaires à l’édification de l’Église.

Qu’en tirer pour conclusion pour nous aujourd’hui ?

  • Ne pas dramatiser les tensions dans nos communautés : les oppositions peuvent s’harmoniser dans la communion. C’est la pluralité qui forge la véritable unité.
  • Savoir nous accepter : c’est de nos natures diverses, et même de nos fragilités acceptées dans l’humilité confiante, que le Seigneur façonne le saint, la sainte qu’il veut faire de nous.
  • Enfin et surtout, recevons inlassablement la force d’aimer jusqu’au bout le Seigneur Jésus par la fidélité à la prière et à l’eucharistie.

© Copyright 2014 - Keri