PKO 19.01.2014

Dimanche 19 janvier 2014 – 2ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°04/2014

HUMEURS

« Avons-nous honte des scandales de l’Église ? »

« Avons-nous honte des scandales de l’Église ? » telle est la question que nous a posée le Pape François dans son homélie de jeudi. Fidèle à la ligne de conduite qu’il s’est donné depuis le début de son pontificat, il n’a pas mâché ses mots : « Les scandales dans l’Église arrivent lorsqu’il n’existe pas de rapport vivant avec Dieu et sa Parole… Je pense aux scandales de l’Église. Mais avons-nous honte ? Il y a tellement de scandales dont je voudrais parler un par un, mais tous nous les connaissons… Nous savons où ils sont ! Des scandales dont certains ont coûté beaucoup d’argent. Et c’est juste ! Il fallait faire comme cela… mais quelle honte pour l’Église ! Mais avons-nous eu honte de ces scandales, de ces échecs de prêtres, d’évêques, de laïcs ? La Parole de Dieu dans ces scandales était rare ; chez ces hommes, ces femmes la Parole de Dieu était rare ! Ils n’avaient pas de lien avec Dieu ! Ils avaient une position dans l’Église, une position de pouvoir, des facilités. Mais la Parole de Dieu, non ! “Moi, je porte une médaille” ; “Je porte la Croix”… Sans aucun rapport vivant avec Dieu et avec la Parole de Dieu ! J’ai à l’esprit ces paroles de Jésus pour ceux par qui venait le scandale… Et ici le scandale est venu : toute la décadence du peuple de Dieu, jusqu’à la faiblesse, la corruption des prêtres. »

Et nous Église de Polynésie, laïcs et clercs… avons-nous honte des scandales de l’Église ? Oh ! Pas seulement des scandales de l’Église universelle… mais aussi de nos scandales ? De ceux de l’Église  en Polynésie ?

Certes, le Pape François fait allusion, parmi les scandales de l’Église, aux nombreux cas de pédophilie de la part de clercs et de laïcs consacrés… mais pas seulement… il renvoie aussi aux scandales liés aux finances et aux mauvaises gestions des biens confiés à l’Église.

Si l’Église en Polynésie est épargnée des scandales de pédophilie… l’est-elle pour autant des scandales liés e à sa gestion des biens et de l’argent qui lui est confié? Déficits se succédant d’année en année… rigueur dans ses dépenses, rigueur dans le contrôle des comptabilités paroissiales… rigueur dans la gestion et le dépôt par certaines communautés des collectes à but humanitaire… train de vie des clercs…

Il ne s’agit pas ici de montrer du doigt des personnes, groupes ou communautés… mais de nous laisser interpeller par les propos du pape François, d’abord personnellement puis ensemble… Il nous faut nous réformer en profondeur… avoir « honte » de nos attitudes qui sont « scandales de l’Église »… Se taire serait lâcheté… le témoignage et le courage du pape François ne nous l’autorise plus !

Avec le Pape François, ayons honte des scandales de l’Église… de notre Église en Polynésie… de nos scandales personnels et communautaires !

« Pauvres gens ! Pauvres gens ! Nous ne donnons pas à manger le pain de la vie, nous ne donnons pas à manger dans ces cas-là la vérité ! Et même tant de fois, nous donnons à manger de la nourriture empoisonnée. Alors prions le Seigneur… »…

 

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

« Respectons la Vie »

Ce week-end (18-19 janvier), en France, comme en Polynésie française, les chrétiens sont invités de nouveau à montrer publiquement leur attachement au respect de la vie : de la conception à la mort naturelle.

C’est aussi un appel à la solidarité et au refus de l’individualisme.

Solidarité envers les « sans voix » dont la vie est menacée par des lois permissives élargissant (ou tendant à élargir) le droit à l’avortement, le droit de manipuler des embryons, le droit à l’euthanasie.

Refus de l’individualisme en mettant de côté son ego, en rejetant tout  subjectivisme qui conduit à imaginer des lois pour garantir mon bien, mon confort, allant jusqu’à détruire le fondement même de l’existence : la vie quand elle surgit de façon inopportune à mon goût !

L’Église, d’abord par quelques groupes de fidèles, maintenant en masse, soutenue par « sa hiérarchie » et par l’action démonstrative du pape François, soutenue par d’autres Églises, même non chrétiennes, veut contribuer à rétablir l’harmonie sociale entre les personnes. La doctrine sociale de l’Église nous encourage à retrouver le sens  de nos responsabilités en interpellant nos élus, en mettant en avant : respect de la vie et respect de la dignité de toute personne humaine, y compris le respect du droit à l’objection de conscience.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

 

Le peuple de Dieu est un peuple de disciples missionnaires

Audience générale du mercredi 15 janvier 2014

Le baptême est le sacrement d'un « peuple en marche dans l’histoire », explique le pape François qui cite comme « exemplaire » l'histoire étonnante de la communauté chrétienne du Japon.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Mercredi dernier, nous avons initié un cycle, court, de catéchèses sur les sacrements, en commençant par le baptême. Et je voudrais m’arrêter encore aujourd’hui sur le baptême, pour souligner un fruit très important de ce sacrement : il fait de nous des membres du Corps du Christ et du peuple de Dieu.

Saint Thomas d’Aquin affirme que celui qui reçoit le baptême est incorporé au Christ presque comme son propre membre, et agrégé à la communauté des fidèles (cf. Somme théologique, III, q.69, art.5 ; q.70, art.1), c’est-à-dire au peuple de Dieu. À l’école de Vatican II, nous disons aujourd’hui que le baptême nous fait entrer dans le peuple de Dieu, qu’il fait de nous des membres d’un peuple en chemin, un peuple en marche dans l’histoire.

En effet, de même que la vie se transmet de génération en génération, ainsi la grâce se transmet aussi de génération en génération, à travers la renaissance sur les fonts baptismaux, et le peuple chrétien chemine dans le temps avec cette grâce, comme un fleuve qui irrigue la terre et répand dans le monde la bénédiction de Dieu. À partir du moment où Jésus a dit ce que nous avons entendu dans l’Évangile, les disciples sont allés baptiser ; et depuis ce moment-là jusqu’à aujourd’hui, il y a une chaîne dans la transmission de la foi, à travers le baptême. Et chacun de nous est un maillon de cette chaîne ; un pas en avant, toujours ; comme un fleuve qui irrigue. C’est la grâce de Dieu et c’est notre foi, que nous devons transmettre à nos enfants, transmettre aux petits enfants, pour que, une fois devenus adultes, ils puissent eux-mêmes la transmettre à leurs enfants. C’est cela le baptême. Pourquoi ? Parce que le baptême nous fait entrer dans ce peuple de Dieu qui transmet la foi. C’est très important. Un peuple de Dieu en marche et qui transmet la foi.

En vertu du baptême, nous devenons des disciples missionnaires, appelés à apporter l’Évangile dans le monde (cf. Exhort. apost. Evangelii gaudium, 120). « Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation… La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. » (ibid.), tous, tout le peuple de Dieu, que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. Le peuple de Dieu est un peuple disciple – parce qu’il reçoit la foi - et missionnaire – parce qu’il transmet la foi. Et cela, c’est le baptême qui le fait en nous : il nous donne la grâce et transmet la foi. Dans l’Église, nous sommes tous des disciples, et nous le sommes toujours, pour toute la vie ; et nous sommes tous des missionnaires, chacun à la place que le Seigneur lui a assignée. Tous : le plus petit est aussi missionnaire ; et celui qui semble le plus grand est disciple. Mais parmi vous quelqu’un va dire : « les évêques ne sont pas des disciples, les évêques savent tout ; le pape sait tout, ce n’est pas un disciple ». Non, les évêques et le pape aussi doivent être des disciples, parce que s’ils ne sont pas disciples, ils ne font pas de bien, ils ne peuvent pas être missionnaires, ils ne peuvent pas transmettre la foi. Nous sommes tous disciples et missionnaires.

Il existe un lien indissoluble entre la dimension mystique et la dimension missionnaire de la vocation chrétienne, l’une et l’autre étant enracinées dans le baptême. « En recevant la foi et le baptême, les chrétiens accueillent l’action de l’Esprit-Saint qui conduit à confesser que Jésus est le Fils de Dieu et à appeler Dieu “Abba”, Père ! Tous les baptisés et toutes les baptisées d’Amérique latine et des Caraïbes sont appelés à vivre et à transmettre la communion avec la Trinité, puisque l’évangélisation est un appel à participer à la communion trinitaire » (Document final d’Aparecida, n.157).

Personne ne se sauve tout seul. Nous sommes une communauté de croyants, nous sommes le peuple de Dieu et, dans cette  communauté, nous goûtons la beauté de partager cette expérience d’un amour qui nous précède tous mais qui, en même temps, nous demande d’être des « canaux » de la grâce les uns pour les autres, malgré nos limites et nos péchés. La dimension communautaire n’est pas seulement un « cadre », un « contour » ; elle fait partie intégrante de la vie chrétienne, du témoignage et de l’évangélisation. La foi chrétienne naît et vit dans l’Église et, dans le baptême, les familles et les paroisses célèbrent l’incorporation d’un nouveau membre au Christ et à son corps qu’est l’Église (cf. ibid. n.175b).

À propos de l’importance du baptême pour le peuple de Dieu, l’histoire de la communauté chrétienne du Japon est exemplaire. Elle a subi une violente persécution au début du XVIIèmesiècle. Il y a eu de nombreux martyrs, les membres du clergé ont été expulsés et des milliers de fidèles ont été tués. Il n’est resté aucun prêtre au Japon, ils ont tous été expulsés. La communauté est alors entrée dans la clandestinité, en conservant la foi et la prière tout en étant cachée. Et lorsqu’un enfant naissait, le papa ou la maman le baptisait parce que, dans des circonstances particulières, tous les fidèles peuvent baptiser. Lorsque, environ deux siècles et demi plus tard, 250 ans après, les missionnaires sont retournés au Japon, des milliers de chrétiens sont sortis et se sont fait connaître et l’Église a pu refleurir. Ils avaient survécu par la grâce de leur baptême ! Que c’est grand ! Le peuple de Dieu transmet la foi, il baptise ses enfants et il avance. Et ils avaient maintenu, même dans le secret, un esprit missionnaire fort, parce que le baptême avait fait d’eux un seul corps dans le Christ ; ils étaient isolés et cachés, mais ils étaient toujours membres du peuple de Dieu, de l’Église. Nous pouvons beaucoup apprendre de leur histoire ! Merci.

© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana

 

Migrants et réfugiés : vers un monde meilleur

Message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés

Le message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, qui a lieu ce 19 janvier 2014, a pour thème « Migrants et réfugiés : vers un monde meilleur ». « Chaque personne appartient à l’humanité et partage l’espérance d’un avenir meilleur avec toute la famille des peuples », écrit le pape. Il explique : « Que comporte la création d’un “monde meilleur” ? Cette expression ne fait pas allusion naïvement à des conceptions abstraites ou à des réalités hors d’atteinte, mais oriente plutôt à la recherche d’un développement authentique et intégral, à travailler pour qu’il y ait des conditions de vie dignes pour tous, pour que les exigences des personnes et des familles trouvent de justes réponses, pour que la création que Dieu nous a donnée soit respectée, gardée et cultivée. »

Chers frères et sœurs !

Nos sociétés font l’expérience, comme cela n’est jamais arrivé auparavant dans l’histoire, de processus d’interdépendance mutuelle et d’interaction au niveau mondial, qui, s’ils comprennent aussi des éléments problématiques ou négatifs, ont pour objectif d’améliorer les conditions de vie de la famille humaine, non seulement dans ses aspects économiques, mais aussi dans ses aspects politiques et culturels. Du reste, chaque personne appartient à l’humanité et partage l’espérance d’un avenir meilleur avec toute la famille des peuples. De cette constatation est né le thème que j’ai choisi pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de cette année : « Migrants et réfugiés : vers un monde meilleur ».

Parmi les résultats des mutations modernes, le phénomène croissant de la mobilité humaine émerge comme un « signe des temps » ; ainsi l’a défini le Pape Benoît XVI. Si d’une part, en effet, les migrations trahissent souvent des carences et des lacunes des États et de la Communauté internationale, de l’autre elles révèlent aussi l’aspiration de l’humanité à vivre l’unité dans le respect des différences, l’accueil et l’hospitalité qui permettent le partage équitable des biens de la terre, la sauvegarde et la promotion de la dignité et de la centralité de tout être humain.

Du point de vue chrétien, aussi bien dans les phénomènes migratoires, que dans d’autres réalités humaines, se vérifie la tension entre la beauté de la création, marquée par la Grâce et la Rédemption, et le mystère du péché. À la solidarité et à l’accueil, aux gestes fraternels et de compréhension, s’opposent le refus, la discrimination, les trafics de l’exploitation, de la souffrance et de la mort. Ce sont surtout les situations où la migration n’est pas seulement forcée, mais même réalisée à travers diverses modalités de traite des personnes et de réduction en esclavage qui causent préoccupation. Le « travail d’esclave » est aujourd’hui monnaie courante ! Toutefois, malgré les problèmes, les risques et les difficultés à affronter, ce qui anime de nombreux migrants et réfugiés c’est le binôme confiance et espérance ; ils portent dans leur cœur le désir d’un avenir meilleur non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs familles et pour les personnes qui leur sont chères.

Que comporte la création d’un « monde meilleur » ? Cette expression ne fait pas allusion naïvement à des conceptions abstraites ou à des réalités hors d’atteinte, mais oriente plutôt à la recherche d’un développement authentique et intégral, à travailler pour qu’il y ait des conditions de vie dignes pour tous, pour que les exigences des personnes et des familles trouvent de justes réponses, pour que la création que Dieu nous a donnée soit respectée, gardée et cultivée. Le Vénérable Paul VI décrivait avec ces mots les aspirations des hommes d’aujourd’hui : « être affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi stable ; participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à l’abri des situations qui offensent leur dignité d’hommes ; être plus instruits ; en un mot, faire, connaître, et avoir plus, pour être plus » (Lett. enc. Populorum progressio, 26 mars 1967, n. 6).

Notre cœur désire un « plus » qui n’est pas seulement un connaître plus ou un avoir plus, mais qui est surtout un être plus. Le développement ne peut être réduit à la simple croissance économique, obtenue, souvent sans regarder aux personnes plus faibles et sans défense. Le monde peut progresser seulement si l’attention première est dirigée vers la personne ; si la promotion de la personne est intégrale, dans toutes ses dimensions, incluse la dimension spirituelle ; si personne n’est délaissé, y compris les pauvres, les malades, les prisonniers, les nécessiteux, les étrangers (cf. Mt 25, 31-46) ; si on est capable de passer d’une culture du rejet à une culture de la rencontre et de l’accueil.

Migrants et réfugiés ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité. Il s’agit d’enfants, de femmes et d’hommes qui abandonnent ou sont contraints d’abandonner leurs maisons pour diverses raisons, et qui partagent le même désir légitime de connaître, d’avoir mais surtout d’être plus. Le nombre de personnes qui émigrent d’un continent à l’autre, de même que celui de ceux qui se déplacent à l’intérieur de leurs propres pays et de leurs propres aires géographiques, est impressionnant. Les flux migratoires contemporains constituent le plus vaste mouvement de personnes, sinon de peuples, de tous les temps. En marche avec les migrants et les réfugiés, l’Église s’engage à comprendre les causes qui sont aux origines des migrations, mais aussi à travailler pour dépasser les effets négatifs et à valoriser les retombées positives sur les communautés d’origine, de transit et de destination des mouvements migratoires.

Malheureusement, alors que nous encourageons le développement vers un monde meilleur, nous ne pouvons pas taire le scandale de la pauvreté dans ses diverses dimensions. Violence, exploitation, discrimination, marginalisation, approches restrictives aux libertés fondamentales, aussi bien des individus que des collectivités, sont quelques-uns des principaux éléments de la pauvreté à vaincre. Bien des fois justement ces aspects caractérisent les déplacements migratoires, liant migrations et pauvreté. Fuyant des situations de misère ou de persécution vers des perspectives meilleures, ou pour avoir la vie sauve, des millions de personnes entreprennent le voyage migratoire et, alors qu’elles espèrent trouver la réalisation de leurs attentes, elles rencontrent souvent méfiance, fermeture et exclusion et sont frappées par d’autres malheurs, souvent encore plus graves et qui blessent leur dignité humaine.

La réalité des migrations, avec les dimensions qu’elle présente en notre époque de la mondialisation, demande à être affrontée et gérée d’une manière nouvelle, équitable et efficace, qui exige avant tout une coopération internationale et un esprit de profonde solidarité et de compassion. La collaboration aux différents niveaux est importante, avec l’adoption, par tous, des instruments normatifs qui protègent et promeuvent la personne humaine. Le Pape Benoît XVI en a tracé les lignes en affirmant qu’« une telle politique doit être développée en partant d’une étroite collaboration entre les pays d’origine des migrants et les pays où ils se rendent ; elle doit s’accompagner de normes internationales adéquates, capables d’harmoniser les divers ordres législatifs, dans le but de sauvegarder les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émigrés » (Lett. enc.Caritas in veritate, 29 juin 2009, n. 62). Travailler ensemble pour un monde meilleur réclame une aide réciproque entre pays, avec disponibilité et confiance, sans élever de barrières insurmontables. Une bonne synergie peut encourager les gouvernants pour affronter les déséquilibres socioéconomiques et une mondialisation sans règles, qui font partie des causes des migrations dans lesquelles les personnes sont plus victimes que protagonistes. Aucun pays ne peut affronter seul les difficultés liées à ce phénomène, qui est si vaste qu’il concerne désormais tous les continents dans le double mouvement d’immigration et d’émigration.

Il est important, ensuite, de souligner comment cette collaboration commence déjà par l’effort que chaque pays devrait faire pour créer de meilleures conditions économiques et sociales chez lui, de sorte que l’émigration ne soit pas l’unique option pour celui qui cherche paix, justice, sécurité, et plein respect de la dignité humaine. Créer des possibilités d’embauche dans les économies locales, évitera en outre la séparation des familles, et garantira les conditions de stabilité et de sérénité, à chacun et aux collectivités.

Enfin, regardant la réalité des migrants et des réfugiés, il y a un troisième élément que je voudrais mettre en évidence sur le chemin de la construction d’un monde meilleur ; c’est celui du dépassement des préjugés et des incompréhensions dans la manière dont on considère les migrations. Souvent, en effet, l’arrivée de migrants, de personnes déplacées, de demandeurs d’asile et de réfugiés suscite chez les populations locales suspicion et hostilité. La peur nait qu’il se produise des bouleversements dans la sécurité de la société, que soit couru le risque de perdre l’identité et la culture, que s’alimente la concurrence sur le marché du travail, ou même, que soient introduits de nouveaux facteurs de criminalité. Les moyens de communication sociale, en ce domaine ont une grande responsabilité : il leur revient, en effet, de démasquer les stéréotypes et d’offrir des informations correctes où il arrivera de dénoncer l’erreur de certains, mais aussi de décrire l’honnêteté, la rectitude et la grandeur d’âme du plus grand nombre. En cela, un changement d’attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part de tous ; le passage d’une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de marginalisation – qui, en fin de compte, correspond à la « culture du rejet » – à une attitude qui ait comme base la « culture de la rencontre », seule capable de construire un monde plus juste et fraternel, un monde meilleur. Les moyens de communication, eux aussi, sont appelés à entrer dans cette « conversion des attitudes » et à favoriser ce changement de comportement envers les migrants et les réfugiés.

Je pense aussi à la manière dont la Sainte Famille de Nazareth a vécu l’expérience du refus au début de sa route : Marie « mit au monde son fils premier né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2,7). Plus encore, Jésus, Marie et Joseph ont fait l’expérience de ce que signifie laisser sa propre terre et être migrants : menacés par la soif de pouvoir d’Hérode, ils ont été contraints de fuir et de se réfugier en Égypte (cf. Mt 2, 13-14). Mais le cœur maternel de Marie et le cœur prévenant de Joseph, Gardien de la Sainte Famille, ont toujours gardé la confiance que Dieu ne les abandonnerait jamais. Par leur intercession, que cette même certitude soit toujours ferme, dans le cœur du migrant et du réfugié.

En répondant au mandat du Christ « Allez, et de toutes les nations faites des disciples », l’Église est appelée à être le Peuple de Dieu qui embrasse tous les peuples, et qui porte à tous les peuples l’annonce de l’Évangile, puisque, sur le visage de toute personne est imprimé le visage du Christ ! Là se trouve la racine la plus profonde de la dignité de l’être humain, qui est toujours à respecter et à protéger. Ce ne sont pas tant les critères d’efficacité, de productivité, de classe sociale, d’appartenance ethnique ou religieuse qui fondent la dignité de la personne, mais le fait d’être créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27), et plus encore le fait d’être enfants de Dieu ; tout être humain est enfant de Dieu ! L’image du Christ est imprimée en lui ! Il s’agit alors de voir, nous d’abord et d’aider ensuite les autres à voir dans le migrant et dans le réfugié, non pas seulement un problème à affronter, mais un frère et une sœur à accueillir, à respecter et à aimer, une occasion que la Providence nous offre pour contribuer à la construction d’une société plus juste, une démocratie plus accomplie, un pays plus solidaire, un monde plus fraternel et une communauté chrétienne plus ouverte, selon l’Évangile. Les migrations peuvent faire naître la possibilité d’une nouvelle évangélisation, ouvrir des espaces à la croissance d’une nouvelle humanité, annoncée par avance dans le mystère pascal : une humanité pour laquelle toute terre étrangère est une patrie et toute patrie est une terre étrangère.

Chers migrants et réfugiés ! Ne perdez pas l’espérance qu’à vous aussi est réservé un avenir plus assuré, que sur vos sentiers vous pourrez trouver une main tendue, qu’il vous sera donné de faire l’expérience de la solidarité fraternelle et la chaleur de l’amitié ! À vous tous et à ceux qui consacrent leur vie et leurs énergies à vos côtés, je vous assure de ma prière et je vous donne de tout cœur la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 5 août 2013.

© Copyright 2013 – Libreria Editrice Vaticana

 

Le Pape François adepte de l’argot

Soucieux d'utiliser une langue simple et directe, le pontife recourt souvent à la langue des rues de Buenos Aires, voire à des néologismes de son cru. Des expressions que l'Osservatore Romano, le journal du Vatican, tente d'expliquer.

« Comment aurais-je pu imaginer, il y a cinquante ans, que le plus rebelle de mes élèves écrirait dans L'Osservatore Romano [le journal du Vatican] ? Si je l'avais su, je ne t'aurais peut-être pas envoyé passer ton examen... », a lancé Jorge Bergoglio [le pape] à Jorge Milia, de Santa Fe. « Et moi, comment aurais-je pu imaginer, il y a cinquante ans, que j'allais être reçu par un pape “néologiste”, qui réinvente le latin, l'espagnol, l'italien ? » a rétorqué à François son ancien élève.

Ce dialogue a eu lieu pendant une rencontre entre les deux amis au Vatican, il y a un peu plus de deux mois. Là, le pape François a fait l'éloge des commentaires de Milia, publiés parL'Osservatore Romano, sur ses argentinismes et néologismes. Dès qu'il a embrassé le pontificat, François a surpris par ses gestes, mais aussi par son langage. Non seulement il invitait les évêques et les prêtres à « être des pasteurs qui sentent la brebis », mais encore il s'est mis à utiliser des termes presque argotiques, des mots du lunfardo [argot de Buenos Aires et langue du tango], ainsi que des néologismes qu'il créait pour mettre l'accent sur telle ou telle notion.

Quand François a parlé de primerear [voir les définitions ci-dessous], beaucoup se sont demandé ce qu'il voulait dire, surtout au Vatican. Milia a alors écrit le premier de ses articles pour le blog Terre d'America, dirigé par Alver Metalli. « Tout cela a eu une si grande répercussion qu'on m'a demandé de continuer à écrire sur ce qu'on a fini par appeler les bergoglismes, et ensuite L'Osservatore a commencé à publier ces articles », raconte Milia.

« Défendre les mioches » À la liste de termes qu'il commente – « balconer », « pêcher une idée », « tourner à vide », « miséricordier », « faire du bordel » - on pourrait en ajouter beaucoup d'autres, comme « faire une tête de vinaigre », « sortir de la grotte » ou « se méfier des margoulins ». Considérées comme autant de bergoglismes, les expressions du pape donnent du fil à retordre aux traducteurs et étonnent tout le monde, sauf ceux qui le connaissent.

Plus d'une fois, Jorge Bergoglio s'est excusé d'avoir employé un mot vulgaire ou populaire. Ainsi, dans l'homélie de la messe pour l'éducation qu'il a prononcée en avril 2009 et où il s'est indigné que la drogue soit vendue aux portes des lycées, il a dit : « Nous devons défendre les mioches, passez-moi l'expression, et parfois ce monde de ténèbres nous fait oublier cet instinct de défense des mioches. »

C'est pourquoi le père Javier Klajner, responsable de la pastorale de la jeunesse de l'archevêché de la ville de Buenos Aires, affirme : « Une bonne partie de ce que dit le pape, ses expressions, sa façon d'être, nous les vivions comme une réalité. » Et il rappelle que l'ancien archevêque de Buenos Aires décrivait la Vierge comme une femme des rues. « Vous devez être comme elle, une femme des rues, et être dans la rue », disait-il aux prêtres.

"Les bergoglismes sont l'expression d'une catéchèse cent pour cent argentine que le pape exporte, qu'il diffuse dans le monde, non pour affirmer une identité régionale, mais par ferveur missionnaire", analyse Virginia Bonard, auteure de Nuestra fe es revolucionaria [Notre foi est révolutionnaire], un recueil d'homélies et de messages de Jorge Bergoglio du temps où il était archevêque de Buenos Aires. Mme Bonard ajoute: "Le pape dit qu'il préfère une Eglise accidentée [parce qu'elle prend des risques] à une Eglise malade. Lui aussi, il est évident qu'il préfère utiliser les mots et faire des gestes en prenant des risques plutôt que de garder quelque chose pour lui."

Silvina Premat

 

Bergoglio dans le texte

« Le Seigneur nous première, il nous attend. Tu pèches et il t'attend pour te pardonner. »

D'après Bergoglio, le terme primerear provient du langage footballistique de Buenos Aires. Il exprime le fait de prendre l'initiative, d'arriver le premier.

« Ne balconez pas la vie, entrez en elle, comme l'a fait Jésus. »

Dans l'un de ses articles, Milia explique qu'en lunfardo "balconer" (balconear) veut dire regarder depuis un balcon en tant que spectateur et non protagoniste, sans participer à ce qui se passe.

« [...] pour que vous pêchiez ce que pensent les évêques ».

Utiliser le verbe pêcher (pescar) comme synonyme de comprendre est propre au lunfardo. Le pape a utilisé ce terme lors de son entretien avec la présidente Cristina Kirchner.

« Cette civilisation mondiale tourne à vide (pasarse de rosca) ! »

L'expression trouve sa définition dans l'univers de la mécanique, tourner comme une vis ou un écrou qui "foire", qui ne mord plus. « Peu importe que l'expression serve à parler de drogue ou d'alcool, des toxicomanies qui ne sont pas très différentes de l'abus de pouvoir ou de l'argent, dit Milia. Le résultat est le même: on ne voit plus la réalité, on ne mord plus dedans."

« Laisse-toi miséricordier » (dejate misericordiar).

Le pape s'est permis d'inventer ce verbe après avoir constaté la difficulté qu'il y avait à traduire sa devise : « Miserando atque eligendo ». Cette devise se réfère au choix qu'a fait Jésus de Matthieu, un collecteur d'impôts. On peut la traduire par : « Il l'a regardé avec miséricorde et il l'a choisi » ou : « L'aimant, il l'a choisi ». Interrogé sur ce point par Milia, François explique : « Le gérondif latin miserando est intraduisible en italien et en espagnol. J'ai donc eu l'idée de le traduire par un autre gérondif qui n'existe pas: misericordiando. »

Mgr Victor Manuel Fernandez, commentant l'invitation de Bergoglio à se laisser « miséricordier », dit : « Il invite les gens qui portent de nombreuses fautes et scrupules à se laisser pardonner et envelopper par la tendresse de Dieu le Père. »

© Copyright 2014 – Courrier international

Fils de Dieu : un Fils est serviteur !

Commentaire de l’Évangile du 2ème Dimanche du temps ordinaire

Jésus reprend en lui tout le mouvement prophétique du Premier Testament pour le porter à un point d’incandescence inouï : il est « Fils de Dieu. » Un fils qui est Serviteur. On ne peut être Fils, image du Père, qu’en se faisant serviteur, ou plus précisément comme le dit l’évangile d’aujourd’hui, qu’en se faisant « agneau ».

Agneau-Serviteur : pour comprendre l’image, il faut ouvrir le livre d’Isaïe : le Serviteur de Dieu comparé à un agneau au verset 7 du chapitre 53 : « Maltraité, il  s'humilie, il n'ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche. » Mais que représente la figure de l’agneau ? Il est celui, nous dit le texte prophétique qui « a été transpercé par nos fautes, broyé par nos péchés... Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui… ».

Mais alors en quoi donc consiste le péché du monde ?

Le mot désigne la violence meurtrière, qui peut se pratiquer dans le domaine social, économique ou sexuel. Chaque fois qu’un être humain est réduit à l’état d’objet de profit ou de jouissance, on est dans le meurtre : l’homme parfaitement réduit à l’état d’objet, c’est bien le cadavre. Le péché du monde, c’est que les petits et les faibles continuent d’y être écrasés, qu’il y ait des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui souffrent de la faim, que des enfants soient enlevés pour en faire des soldats, que des centaines de milliers de familles soient chassées de leurs maisons et de leurs terres par la guerre, que les riches deviennent plus riches et que les pauvres deviennent plus pauvres, qu’on consacre des milliards pour fabriquer des engins de morts et qu’on ne trouve pas les moyens suffisants pour développer des médicaments génériques capables de soigner efficacement et de guérir. 
En face des prédateurs de tous poils, l’agneau est l’animal que l’on tond, que l’on égorge, que l’on dévore. Le Christ-agneau porte, supporte et emporte le péché du monde parce qu’il se met à la merci de tous les prédateurs. Inconsciemment, nous lui en voulons pour cela. Nous préférerions qu’il surmonte la violence par un surcroît de violence, entreprise insensée puisqu’elle ne peut que redoubler la spirale infernale de la violence. Pour ne plus être choqué par le scandale de la croix, il faut d’abord prendre conscience de notre propre violence pour la désavouer. C’est cela que l’on appelle « conversion ».

Cet agneau que nous avons dévoré, voici qu’il devient pour nous nourriture pour la vie éternelle. C’est bien cela que nous signifions par l’Eucharistie. En Apocalypse 5, 1-14, nous lisons que seul l’agneau qui a été égorgé (par nous) est digne de briser les sceaux du Livre et de le déchiffrer. Quel Livre ? La suite du texte nous en dit le contenu : il s’agit des catastrophes qui frappent l’humanité. Le Livre de l’histoire humaine, de nos joies et de nos larmes, de nos conflits et de nos réconciliations. À travers cela, qui paraît à première vue absurde, privé de sens et rempli de fureur, se vit l’histoire de Dieu avec les hommes.

Du coup, tout retrouve un sens, une direction ; tout s’achemine vers un terme. Ce terme, c’est le don aux hommes de l’Esprit de Dieu, cet Esprit qui nous rend conformes au Fils. Dans notre évangile nous le voyons venir sur le Christ et demeurer en lui. En nous unissant au Christ par la conversion, les sacrements et la prière, nous pouvons laisser l’Esprit demeurer en nous et nous faire apporter dans ce monde de violence un peu de justice, de paix et de lumière.

© Copyright 2014 - Kerit