PKO 17.04.2014

Jeudi 17 avril 2014 – Jeudi Saint – Sainte Cène – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°23/2013

Jeunes, ne vous faites pas voler l’espérance

Homélie du Jeudi Saint 2013 du pape François

Le pape François a effet célébré la messe du Jeudi Saint « In Cena Domini », le jeudi 28 mars 2013 avec les jeunes détenus dans la chapelle dédiée au « père miséricordieux » de la maison de détention pour mineurs de Casal del Marmo, dans le Nord de Rome. « Voyez dans ce geste de vous laver les pieds une caresse de Jésus », a dit le pape, dans son homélie pour expliquer aux jeunes le rite du lavement des pieds typique du « service » et de l’amour signifiés par la célébration de Jeudi Saint. Il les a quittés en demandant avec insistance : « Ne vous faites pas voler l’espérance ». Puis le pape a souligné qu'il n'était venu que guidé par son cœur : « Les choses du cœur n'ont pas d'explication ».

C’est émouvant. Jésus qui lave les pieds de ses disciples. Pierre ne comprenait rien, il refusait. Mais Jésus lui a expliqué. Jésus – Dieu – a fait cela ! Et lui-même explique aux disciples : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 12-15). C’est l’exemple du Seigneur : Lui est le plus important et il lave les pieds, parce que parmi nous celui qui est le plus grand doit être au service des autres. Et cela est un symbole, c’est un signe, non ? Laver les pieds c’est : « je suis à ton service ». Et nous aussi, parmi nous, n’est-ce pas que nous devons laver les pieds tous les jours l’un à l’autre, mais qu’est ce que cela signifie ? Que nous devons nous aider, l’un l’autre. Parfois je me suis mis en colère avec l’un, avec une autre… mais… laisse tomber, laisse tomber, et s’il te demande un service, faites-le. Nous aider l’un l’autre : c’est ce que Jésus nous enseigne et c’est cela que je fais, et je le fais de tout cœur, parce que c’est mon devoir. Comme prêtre et comme évêque je dois être à votre service. Mais c’est un devoir qui me vient du cœur : je l’aime. J’aime cela et j’aime le faire parce que le Seigneur m’a enseigné ainsi. Mais vous aussi, aidez vous : aidez-vous toujours. L’un l’autre. Et ainsi en nous aidant nous nous ferons du bien. Maintenant nous allons faire cette cérémonie du lavement des pieds et nous pensons, que chacun de nous pense : « Est-ce que vraiment je suis disposée, disposé, à servir, à aider l’autre ? » Pensons à cela, seulement. Et pensons que ce signe est une caresse de Jésus, que fait Jésus, parce que Jésus est venu précisément pour cela : pour servir, pour nous aider.

L’Eucharistie, anticipation et gage de la gloire à venir

Homélie du Jeudi Saint 1978 du pape Paul VI

Vénérables Frères et très chers Fils,

Avec paternelle effusion de sentiments nous voulons avant tout vous adresser notre salut, à vous qui, sous l'impulsion de la foi et de l'amour, vous êtes rassemblés en cette Basilique pour célébrer avec nous la fête du Corps et du Sang du Christ, c'est-à-dire rendre un culte public et solennel à Jésus-Eucharistie. En Lui, nous reconnaissons le Bon Pasteur qui nous conduit sur les routes de l'existence, le Maître sage qui dispense la lumière à nos cœurs enténébrés, le Rédempteur qui avec tant de prodigalité d'amour et de grâces vient à notre rencontre et se fait ineffablement le Pain de vie pour notre démarche dans le temps, sur le chemin qui mène à l'éternelle possession de Dieu. Nous voudrions toucher chacun de vous avec un mot personnel et affectueux, comme il convient entre des personnes animées de la même joie, du fait qu'elles sont invitées à s'asseoir à la même table de fête. Nous ne le pouvons malheureusement pas et nous devons en conséquence nous fier à votre intuition attentive et cordiale qui saura cueillir dans le discours adressé à tous, notre intention sincère de saisir avec une tendresse respectueuse et participante, les situations particulières de chacun de vous, afin de vous inviter à être attentifs, conscients et exultants devant la réalité du mystère eucharistique.

Très chers Fils, la fête que nous célébrons aujourd'hui, l'Eglise l'a voulue, vous le savez bien, pour que ses fils puissent rendre au Sacrement de l'Eucharistie, habituellement caché dans le silence recueilli des tabernacles, ce témoignage public de joyeuse reconnaissance dont tout cœur conscient de la réalité de cette mystérieuse présence du Christ ne saurait s'empêcher de ressentir le pressant besoin. C'est pourquoi, en ce jour, la foi des chrétiens déborde, avec sobre gaieté, dans une exultation de prières chorales et de chants d'allégresse qui se déverse également au-dehors des temples, portant de toutes parts un air de joie et un message d'espérance.

Et comment pourrait-il en être autrement, quand nous savons que sous le voile candide de l'Hostie consacrée nous avons avec nous le Seigneur de la vie et de la mort, Celui « qui est, qui était et qui vient » (Ap. 1, 4) ? Nous célébrons une fête de la joie, parce que, malgré tout, il est avec nous chaque jour jusqu'au dernier (cf. Mt 28, 28), une fête du passé, qui est présente dans le souvenir de la Cène et de la mort du Seigneur, au-delà de toute distance temporelle; une fête du futur, parce que, déjà maintenant sous le voile du Sacrement, est présent Celui qui porte avec soi tout futur, le Dieu de l'éternel amour (cf. K. Rahner, La Fede che ama la terra, 1968, p. 114).

Quel ensemble de considérations suggestives et corroborantes s'offre au regard méditatif de l'âme en prière. C'est une méditation que nous aimerions mieux conduire dans le silence d'une contemplation adorante plutôt que la livrer aux paroles. Toutefois, nous voulons vous proposer quelques rapides sujets de réflexions, les suggérant plutôt que les développant.

Avant tout concernant la valeur de « souvenir » du rite que nous sommes en train de célébrer. Vous savez le pourquoi des deux espèces eucharistiques. Jésus veut rester sous les apparences du pain et du vin qui figurent respectivement son Corps et son Sang, afin d'actualiser dans le signe sacramentel la réalité de son sacrifice, de cette immolation sur la croix, donc, qui a apporté le salut au monde. Qui ne se souvient des paroles de l'Apôtre Paul : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Co 11, 26) ? Dans l'Eucharistie Jésus est donc présent comme « l'homme des douleurs » (cf. Is 53, 3), comme « l'agneau de Dieu » qui s'offre en victime pour les péchés du monde (cf. Jn 1, 29).

Comprendre cela, signifie voir s'ouvrir devant soi d'immenses perspectives : dans ce monde il n'y a pas de rédemption sans sacrifice (cf. Hb 9, 22), et il n'y a pas d'existence rachetée qui ne soit en même temps une existence de victime. Dans l'Eucharistie est offerte aux chrétiens de tous les temps la possibilité de donner au calvaire quotidien des souffrances, des incompréhensions, des maladies, de la mort, la dimension d'une oblation rédemptrice qui associe la douleur des individus à la Passion du Christ, acheminant l'existence de chacun vers cette immolation dans la foi qui, à son ultime accomplissement, s'ouvre sur le matin pascal de la résurrection.

Comme nous voudrions pouvoir répéter à chacun, personnellement, et surtout à ceux qu'oppriment la tristesse, la maladie, cette parole de foi et d'espérance! La douleur n'est pas inutile! Si elle est unie à celle du Christ, la douleur humaine acquiert quelque chose de la valeur rédemptrice de la Passion même du Fils de Dieu.

L'Eucharistie — et ceci est la deuxième réflexion que nous voudrions vous soumettre — est un événement de communion. Le Corps et le Sang du Christ sont offerts comme aliment qui nous rachète de tout esclavage et nous introduit dans la communion trinitaire, nous faisant participer à la vie même du Christ et à sa communion avec le Père. Ce n'est pas par hasard que la prière sacerdotale du Christ est en intime relation avec le mystère eucharistique, et son invocation passionnée « ut unum sint » (Jn 17) se situe proprement dans le climat et dans la réalité de ce mystère.

L'Eucharistie postule la communion. C'est ce qu'avait bien compris l'Apôtre à qui est dédiée cette Basilique, lui qui, écrivant aux chrétiens de Corinthe, leur demandait : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas communion au Corps du Christ ? ». Intuition fondamentale dont l'Apôtre tire, de manière strictement logique, la conclusion bien connue : « Puisqu'il n'y a qu'un pain, à nous tous nous ne formons qu'un corps car tous nous avons part à ce pain unique » (1 Co 10, 16-17).

L'Eucharistie est communion avec Lui, le Christ, et pour cela même, elle se transforme et se manifeste dans notre communion avec nos frères : elle est une invitation à réaliser entre nous la concorde et l'amour, à promouvoir tout ce qui nous rend frères, à construire l'Eglise qui est le Corps du Christ dont le Sacrement de l'Eucharistie est le signe, la cause et l'aliment. Dans l'Eglise primitive, la rencontre eucharistique devenait la source de cette communion de charité qui constituait un spectacle devant le monde païen. Et pour nous également, chrétiens du XXème siècle, c'est de notre participation à la table divine que doit jaillir l'amour vrai, celui qui se voit, se répand, qui fait l'histoire

Il y a un troisième aspect de ce mystère : l'Eucharistie est anticipation et gage de la gloire future. En célébrant ce mystère, l'Église se rapproche, de jour en jour, de la Patrie et, cheminant sur la voie de la Passion et de la mort, elle se rapproche de la résurrection et de la vie éternelle. Le pain eucharistique est le viatique qui la soutient sur la route pleine d'ombre de cette existence terrestre et qui, de quelque manière la fait pénétrer dès à présent, dans l'expérience de l'existence glorieuse du ciel. En répétant le geste divin de la Cène, nous édifions dans le temps qui fuit, la cité divine qui demeure, Il nous incombe donc à nous, chrétiens d'être, au milieu des autres hommes, les témoins de cette réalité, les messagers de cette espérance. Le Seigneur, présent dans la vérité du Sacrement, ne répète-t-Il pas à nos cœurs, à chaque messe : « Ne craignez point ! C'est moi, le Premier et le Dernier, le Vivant » (Ap 1, 17-18) ? Ce dont le monde actuel a probablement le plus besoin est qu'avec un humble courage, les chrétiens élèvent bien haut la voix prophétique de leur espérance. Ce sera précisément d'une vie eucharistique intense et consciente que leur témoignage fera jaillir la chaleureuse transparence et la capacité de conviction qui sont nécessaires pour faire brèche dans le cœur humain.

Très chers Frères et Fils, serrons-nous donc étroitement autour de l'Autel ! Ici est présent Celui qui, après avoir partagé notre condition humaine, règne à présent, glorieux, dans la joie sans ombre du ciel. Lui qui, jadis, a maîtrisé les ondes menaçantes du Lac de Tibériade, guide aujourd'hui la barque de l'Église sur laquelle nous nous trouvons tous, naviguant à travers les tempêtes du monde, jusqu'aux rives sereines de l'éternité. Nous nous confions à Lui, réconfortés par la certitude que notre espérance ne sera pas déçue.

© Libreria Editrice Vaticana – 1978