PKO 16.03.2014

Eglise cath papeete 1Dimanche 16 mars 2014 – 2ème Dimanche du Temps de Carême – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°17/2014

HUMEURS

L’attachement aux excellentes relations qui lient la France au Saint-Siège

Lettre de Mr François HOLLANDE au Pape François – 13 mars 2014

Dans une lettre adressée au pape à l’occasion du premier anniversaire de son pontificat, le président de la République française François Hollande appuie le « dialogue indispensable » entre la France et le Saint-Siège :

« Très Saint-Père,

À l’occasion du premier anniversaire de Votre élection au Pontificat, je Vous prie de recevoir mes chaleureuses félicitations ainsi que les vœux sincères que je forme pour Votre personne et pour la poursuite de Votre haute mission.

Permettez-moi de Vous redire l’attachement que je porte aux excellentes relations qui lient la France et le Saint-Siège. En décembre dernier, Vous avez honoré mon pays en décidant la canonisation du prêtre savoyard Pierre Favre qui contribua à fonder la Compagnie de Jésus, à laquelle Vous appartenez.

J’ai particulièrement apprécié l’accueil que Vous m’avez réservé le 24 janvier dernier au Vatican. Ma visite a permis de nouer un dialogue indispensable sur de nombreux sujets d’intérêts communs. Nous partageons un même idéal au service du respect de la dignité humaine, de la paix entre les peuples, de la construction d’un monde plus juste et plus solidaire.

Je Vous prie d’agréer, Très Saint-Père, l’hommage de mon profond respect et l’assurance de mes fidèles et déférents sentiments ». 

© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana

 

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

S’intéresser à la politique, pour un chrétien c’est prendre part à la recherche du bien commun

Du point de vue du droit français, l’intervention des religions dans le débat public est clairement légitime. Mais cette intervention, au nom d’une vision étroite de la laïcité, est souvent contestée en métropole ; ce n’est pas le cas au fenua, et c’est heureux.

La contribution spécifique de l’Eglise à la vie politique tient à sa dimension profondément religieuse ; à la demande du Christ elle doit être « l’instrument du Royaume de Dieu dans le monde ». Les interventions politiques et diplomatiques récentes du pape François en témoignent largement.

Dans le contexte des élections municipales (23 et 30 mars) les évêques de France ont rappelé, dans un communiqué du 11 décembre dernier, l’importance de l’engagement dans la vie municipale. « Être enraciné en un lieu est une dimension essentielle de la vie personnelle et sociale (…) la commune est souvent le premier garant du lien social…

Nous encourageons les candidatures aux élections municipales de 2014 des hommes et des femmes soucieux de tous, notamment dans les nouvelles générations. Forts de leur humanité, de leur disponibilité, forts aussi, s’ils en sont habités, de leur foi au Christ, ils pourront faire du nouveau, en renversant les mentalités dans le sens de l’amour et de l’Évangile.

Au service du bien commun, ils sauront allier aspirations individuelles, justice sociale, démocratie et paix. (…)

Que chaque citoyen, en allant voter, montre sa volonté de prendre  sa part dans la recherche du bien commun. » (Déclaration du Conseil permanent de la Conférence épiscopale de France, 11 décembre 2013)

Dominique Soupé

Chancelier

Face aux impasses de la vie : le Carême – « S’engager pour la paix »

1986 : Lettre de Carême de Mgr Michel COPPENRATH

Nous vous proposons ici la lecture d’une lettre pastorale de Carême de Mgr Michel COPPENRATH de 1986… qui reste d’une grande actualité !

Le Pape dans son message du 1er janvier dernier dit : « Au commencement de cette nouvelle année m’inspirant du Christ, le Prince de la paix, je renouvelle mon engagement et celui de toute l’Église catholique pour la cause de la paix ». Avec le Pape, en cette année de la Paix, que chaque catholique de Polynésie, l’Église tout entière renouvelle son engagement pour la Paix.

Cette lettre (pastorale) nous aidera à comprendre ce qu’est l’engagement chrétien pour la paix, spécialement sur nos îles. Face aux impasses de la vie, le Carême nous trace une voie vers la Paix.

Des hommes et des femmes qui parfois ne font même pas profession de christianisme, lorsqu’ils défendent la cause de la paix, jeûnent ou font la grève de la faim. Ils ont retrouvé spontanément le lien qui existe entre jeûne et paix, et nous catholiques de Tahiti, serons-nous capables de trouver le lien entre Carême et Paix ? Pour cela faisons du Carême 1986 une expérience spirituelle pour retrouver le goût et l’espoir de la Paix.

La paix est notre engagement

UN DON

Notre Seigneur Jésus-Christ nous parle de la paix comme d’un don qu’il confie à ses disciples. Au moment de son départ, Jésus livre à ses apôtres son testament. Il leur dit : « Je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble pas, ne s’effraie pas ». Jésus va rejoindre son Père. Sa passion a commencé, et ses disciples sentent l‘épreuve approcher. Jésus se conforme en tout à la volonté de son Père. Il y trouve sa joie, sa paix tellement précieuse qu’il veut communier aux siens. Dans la bouche de Jésus, le mot paix se confond avec l’union à la volonté de Dieu. La vraie paix, la paix qui ne passe pas comme celle du monde est un « don divin » que la communion à Dieu procure. La paix du monde que Jésus lui oppose ne vient provisoirement que des satisfactions matérielles et terrestres.

UN DÉFI

Ce don ne nous dispense nullement de travailler à construire la paix sur terre, à l’établir entre les hommes. C’est le second aspect de l’enseignement de Jésus. Impossible de jouir d’une paix intérieure, du don de Jésus, si autour de nous, nous laissons les hommes se haïr, se battre, ou se préparer à se faire plus de mal encore ! Aussi sur la montagne, très solennellement, Jésus nous invite : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». L’évangile de Jean et de Matthieu se font écho. Il y a une continuité entre posséder la paix venue de Dieu et construire « un monde de paix ». La béatitude comporte ce lien entre recevoir ce qui vient de Dieu et bâtir ce que Dieu donne aux hommes à construire. Quand le Pape nous demande de renouveler notre engagement pour la paix, il nous demande pratiquement de ne pas enfouir ce talent reçu, mais de le faire fructifier ; de ne pas enfermer la paix dans le champs clos de notre petite vie, mais de la libérer, afin qu’elle parcourt les cœurs comme un message.

UN PARADOXE DÉROUTANT

La mission que Jésus nous confie est déroutante. Le Christ n’a-t-il pas dit : « N’allez pas croire que je suis venu apporter la paix sur la terre, mais bien le glaive… ». Jésus n’annonce pas la fin des guerres, des révolutions, des tueries ou de toutes les tragédies humaines. Il annonce le rôle de son Esprit ou de sa parole qui agissent comme un glaive, et dont les effets sont parfois les mêmes que celui d’un glaive car il oppose les personnes d’une même famille, les gens d’une même maison, et on peut ajouter les citoyens d’un même peuple. L’Évangile n’est pas neutre, Jésus est toujours « signe de contradiction ». La personne humaine est sacrée, la vie est sacrée, paix et justice se tiennent et ne vont jamais séparées, la violence est bannie et le racisme aussi, toute méthode ou l’acceptation d’une situation qui inclut l’oppression, la violence physique ou morale, sont proscrites, la guerre anti-cité est condamnée ou tout acte de guerre anéantissant de vastes régions et leurs populations. C’est un crime contre l’humanité… la route du chrétien à travers le monde est étroite, mais elle est balisée. Route balisée sans sécurité car en la suivant on se fait beaucoup d’ennemi ! Mais remercions le Seigneur de savoir au moins ce qu’il ne faut pas faire, pas accepter. Remercions-le aussi de connaître les 3 racines de la paix : le dialogue, le partage et la solidarité. Toute paix est vaine si elle ne s’accompagne pas d’un bout à l’autre de leur pratique ; l’apprentissage en est long, la pratique difficile, leur maîtrise fort rare.

Ces maîtres mots qui mettent en action tout l’homme frappe de plein fouet notre égoïsme et notre orgueil. Et plus encore ces 3 mots s’en prennent à nos peurs majeures, peur de rencontrer l’autre, crainte de donner, lâcheté à prendre l’autre en charge.

Trois applications

Si c’est tout cela l’engagement pour la paix, et dans le monde entier, trouvera-t-il ici quelques applications ? Retenons-en 3 pour aujourd’hui.

LE DIALOGUE

Les périodes d’élections ne sont pas propices à la conciliation ; les luttes politiques ont leurs règles et qui s’étonnerait que les candidats ne se livrent à un jeu, passionné, du fait que des urnes et pour de nombreuses années, sortiront toutes les orientations à venir. Il semble cependant que l’absence de dialogue dans la classe politique ne rejoint pas du tout le désir naturel et fondé des habitants du Territoire de voir s’instaurer entre tous un dialogue. Il y a trop de questions graves, pour que, à leurs solutions, ne soient associées le plus grand nombre. Puisque c’est l’électeur qui choisit entre les candidats, qui s’étonnerait qu’à l’approche du scrutin d’une certaine crispation. Quelqu’un qui partage ces sentiments me disait que se trouvant sur une île où par hasard il y avait une réunion politique, il y est allé. Il y a pris la parole, non pour prendre parti, mais donner un solennel avertissement. « Dites et faites ce que vous voulez, vous faites votre travail, mais respectez les habitants de notre pays et ne les opposez pas. La paix vaut plus ». Le chrétien sent d’instinct ce qui tue brutalement ou à petites doses tout dialogue, rend impossible la paix. On peut tuer la colombe avec des mots.

LE PARTAGE

L’île de Tahiti est 11 fois plus petite que la Calédonie et a presque autant d’habitants qu’il n’y en a sur le « Caillou ». La densité de la population est plus forte sur l’île qu’en France. Encore faut-il se rappeler que la moitié des 1 040 km2 de Tahiti est inhabitable et pas cultivable. C’est l’augmentation de population jointe à l’exiguïté des terres et leur prix élevé les raisons majeures bien qu’inconscientes à beaucoup d’une nouvelle sensibilité du Polynésien à l’égard du sol. Il ne sert à rien de contester le passé, de s’adonner à  des manœuvres, de proposer l’ancien ou le nouveau droit qui n’est pas encore inventé. Aucune de ces pistes ne résoudra un problème majeur : loger une population qui double en 20 ans sur des terres de plus en plus exigües. Seule une reconsidération de l’occupation progressive sur de longues années des terres habitables pourra permettre aux familles pauvres de garder le contact avec le sol et la maison. Cela implique des prévisions justes, des investissements publics et par conséquent de nouvelles charges pour le reste de la population. Un apport trop rapide ou trop important d’émigrants d’au-delà des frontières de la Polynésie n’est pas souhaitable sur l’île principale. Le partage est là : prendre des mesures à longs termes qui impliquent des sacrifices immédiats. Sinon tôt ou tard un malaise se produira entre une population mal logée et une autre bien installée ; entre une génération qui aura eu de la chance et des jeunes qui n’en auront plus.

LA SOLIDARITÉ

Dans le diocèse depuis plusieurs années l’abstinence d’alcool les Vendredis notamment fait partie, sans que ce soit une loi, des pratiques du Carême. Il existe cependant pour beaucoup d’entre nous une obligation de renoncer à boire ou de se modérer. Trop d’alcooliques, d’ivrognes, de débauche, chez les jeunes et adultes, trop d’accidents graves ou mortels, trop de foyers brisés, de travailleurs perdant leur travail ! Nous nous sommes trop habitués à baisser les bras. L’abstinence partielle ou totale d’alcool sera de nature à montrer que les chrétiens sont conscients du mal qui ronge ce Territoire : « Notre mort est dans la bouteille ». Ce genre d’abstinence n’est pas d’ordre hygiénique, médicale, mais spirituel. Qui contrôle sa nourriture et sa boisson peut faire un vrai jeûne. Que les paroisses, les écoles, les associations portent aussi témoignage en renonçant à organiser les vendredis de Carême des fêtes. Soyons solidaires dans la vérité d’abord : tout le monde admet que la consommation d’alcool occasionne sur la population des ravages en cascades : maladies – drames familiaux – désordre social et avilissement des personnes. Soyons solidaires aussi en essayant de comprendre les victimes : l’alcoolique vit toujours un drame intérieur, et il n’y aurait pas tant de malades, si la société, elle-même n’était pas malade. La solidarité doit venir aussi des autorités qui délivrent des licences et fixent les taxes, de ceux qui fabriquent ou vendent de l’alcool, de ceux qui les transportent. La « Croix bleue » ; les « Alcooliques anonymes », le « Renouveau », la Légion de Marie pour ne parler que des associations du diocèse affrontent chaque jour ce fléau ; accordons leur notre appui, notre prière et si possible participons à leur action ? Ne laissons pas certains parents seuls devant le problème de leurs enfants, ou les enfants seuls devant le problème de leurs parents. Comme on fait sa prière chaque jour, c’est chaque jour que de plus en plus nombreux nous devons essayer de contenir, par nos initiatives l’inclination à boire de beaucoup de personnes. Les reproches ne servent à rien, une attitude résolument spirituelle et compréhensive fera beaucoup plus, surtout en famille.

L’expérience spirituelle du Carême

Le Carême, un temps de pénitence, une montée vers Pâques… autant d’expressions qui resterons des clichés si nous ne savons associer notre Carême à notre vie. Le Carême comporte un certain nombre de prescription qui peuvent être considérées comme très formalistes – ou de simples exercices.

LA SOUFFRANCE EN NOUS OU PROCHE DE NOUS

Ces conceptions sont fausses, car le Carême est en lui-même une expérience spirituelle. Les lectures, les prières, l’abstinence, l’aumône, le jeûne du Carême ne sont rien si nous ne les observons en lien avec ce que nous vivons et d’une manière plus précise avec toutes les angoisses et désespoirs que nous pouvons éprouver ou que d’autres éprouvent. Revenons à la prière du Christ au dernier repas, il dit encore à ses Apôtres : « En ce monde, vous faites l’expérience de l’adversité ; mais soyez pleins d’assurance, j’ai vaincu le monde… ». L’invitation du Christ porte justement sur la lumière et la force, que le Christ peut nous donner au moment ou nous pensons que tout, tout va sombrer. C’est cela l’expérience du Carême, « les impasses de la vie ». Qui n’a souffert à la conclusion qu’à l’évidence « il n’y a plus rien à faire ». Pensons justement à ceux qui boivent et qui se sont installés dans la boisson ; à telle famille de 8 enfants dont la maman vient de mourir jeune. À ces handicapés assis sur leur petite voiture à 4 roues comme enfermés dans un cloître ambulant de souffrances. À tous les prisonniers dont chacun porte la marque du rejet de la société et qui n’ont pour se réintégrer qu’une toute petite porte de sortie ; aux personnes âgées qui se sentent abandonnées des leurs, oubliées ; à ceux qu’un mal incurable condamne à une mort prochaine. Que tous ceux-là, et d’autres aussi malheureux, qui ne sont pas nommés, comprennent que c’est de là que part l’expérience du Carême. C’est l’expérience même du Christ qui s’est senti rejeté, condamné, oublié et a vu approcher sa passion et sa mort. Le Carême aide à vivre cela.

Certains ne connaissent pas ces grandes épreuves. N’y a-t-il pas cependant dans leur vie un coin où un peu de peine ou de souffrance entre et surtout n’y a-t-il pas un lien en eux, qui peut les rattacher à telle ou telle personne qui souffre. S’ils ne sont pas encore Jésus condamné, marchant sur le chemin du calvaire, ils peuvent être Simon de Cyrène qui aide à porter et souffre-avec. Ouvrant leur cœur aux croix de leurs frères et sœurs, ils vivront eux aussi l’expérience de Carême.

LA PASSION DU CHRIST

Croyons-nous vraiment que la souffrance nous sauve ? Saint Jean de la Croix a dit : « La plus pure des souffrances mène à la plus pure des connaissances ». La souffrance purifie et mène à la Lumière. Normalement les grandes souffrances des hommes devraient les conduire au désespoir. Finalement, il y a parmi les plus éprouvés, peu de désespérés, et parmi les plus malheureux parfois beaucoup de force et de joie ? D’où leur viennent ces grâces, sinon de cette vraie connaissance d’eux-mêmes, du monde et de la vie que leur donne la souffrance ?

Edith Stein, juive convertie, entrée au Carmel, morte à Auschwitz a laissé dans ces carnets cette pensée : « Ce n’est pas l’activité humaine qui peut nous sauver, mais seulement la passion du Christ : pouvoir y participer, voilà mon aspiration ». Elle ne dévalorise pas l’activité humaine, mais elle n’y voit pas la source du salut qui est la passion du Christ. À nous d’associer nos peines et la passion du Christ, à notre activité humaine afin qu’elle ne soit pas vaine. Sans cela c’est toute notre existence qui serait totalement inutile.

Cette expérience spirituelle s’accompagne aussi de la prière. On ne souffre pas tout le temps, mais la prière est une activité continue ou un état d’âme permanent. Le Carême nous apprend à laisser la prière envahir toute notre vie, et ne pas en faire seulement un temps court de notre journée, ou quelques formules dans la semaine. Que tous ceux et celles qui déjà accordent une grande place à la prière y apportent encore plus de soin aujourd’hui et que nombreux soient aussi ceux qui la découvrent.

CONCLUSION

Jésus a voulu associer ses disciples à sa Paix trouvée et donnée au moment de sa Passion. La liturgie du Carême nous rappelle que cette même découverte est toujours possible. Notre engagement pour la Paix passes par là mais ne finit pas là. À partir d’une paix que nous connaissons dans la Foi, et que nous éprouvons au fond de nous-même, nous pouvons avec tous les hommes construire la Paix. Comment construire la Paix sociale, politique, économique, internationale sans savoir déjà ce qu’est la Paix ? Comment construire quelque chose à partir de rien ? À partir d’une expérience personnelle, spirituelle, intérieure de la Paix, nous deviendrons des artisans de cette paix que tous les hommes voudraient bâtir.

Papeete le 14 février 1986

Mgr Michel COPPENRATH

 

Ulf EKMAN, fondateur d’une megachurch évangélique devient catholique

Ulf Ekman est un des pasteurs évangéliques les plus connus en Suède. Le 9 mars, il a annoncé qu'il allait se convertir, en même temps que son épouse, au catholicisme. Un événement majeur qui suscite des réactions contrastées.

Les évangéliques suédois sont sonnés. L'incroyable est arrivé. Ulf Ekman, fondateur de la plus grande megachurch évangélique suédoise, a fait savoir qu'au terme d'une longue réflexion, il allait se convertir au catholicisme. Il a lui-même fait l'annonce lors de sa dernière prédication, dimanche 9 mars, dans l'église qu'il a lui-même fondée il y a 30 ans à Upsal.
L'événement est considérable et, de prime abord, unique. Tous les grands quotidiens ont parlé à la une de cette conversion et le pasteur s'est fait inviter par les grandes chaînes populaires de la télé. Quant à la presse chrétienne, elle ne parle plus que de ça depuis dimanche.

Tous les Suédois ont en effet entendu parler d'Ekman, pasteur charismatique qui prêche depuis des décennies et sans aucun complexe un christianisme évangélique « orthodoxe », voire littéraliste. Après avoir claqué la porte de l'Eglise luthérienne de Suède, où il était pasteur, il a créé avec fracas en 1983 une petite communauté charismatique : Livets Ord (littéralement « La Parole de la Vie »). Le but étant de revenir aux fondamentaux de la foi, non sans triomphalisme et en prêchant notamment la guérison, selon le modèle des grandes Églises pentecôtistes américaines. Le tout en s'opposant explicitement à la théologie libérale des luthériens d'une part et, d'autre part, à la papauté, diabolique, des catholiques...

Depuis sa création en 1983, Livets Ord a connu un grand succès populaire. Son école biblique est devenue une référence parmi les évangéliques et serait la plus importante de Scandinavie. En quelques années, elle s'est surtout imposée comme la plus grande megachurch en Suède, attirant des personnes de toutes les générations et de toutes les couches sociales. Aujourd'hui, elle a 3 300 membres baptisés et attire plusieurs milliers de personnes chaque dimanche. Un culte à Livets Ord, c'est comme un bon concert de louange avec, en prime, une leçon de théologie d'environ 30 minutes. Cet exploit populaire est d'autant plus remarquable qu'il a lieu à Upsal, ville universitaire dont la grande particularité est d'accueillir le siège de l'archevêque luthérienne, chef d'une Église qui souffre d'une désaffection historique.

À l'instar de son pasteur tonitruant, Livets Ord a été soupçonnée dans les années 80 et 90 par certains médias de sectarisme (faute de dialogue œcuménique), de misogynie (parce qu'elle refusait le principe des femmes pasteures) et, bien sûr, d'homophobie (comme toutes les Églises évangéliques, qui refusent la bénédiction de couples homosexuels). Une solide réputation de « méchants » donc, qui n'a jamais été fondée mais qui, en l'occurrence, lui a permis de drainer une foule nombreuse parmi tous ceux qui s'inquiétaient des « dérives libérales » de la grande Église luthérienne.

Or, l'évolution la plus spectaculaire et la plus méconnue de Livets Ord est celle que le pasteur fondateur a voulu incarner lui-même : son ouverture à d'autres traditions chrétiennes. Cette aspiration date du début des années 2000. Ulf Ekman se consacrait alors au développement international de son Église (qui a par exemple une grande Église sœur en Ukraine). Avec son épouse Birgitta, il a notamment vécu en Terre sainte pendant trois ans, où il a découvert des Églises orthodoxes et surtout la catholique. Il y a appris les fondements du dialogue œcuménique, qu'il refusait jusqu'alors. À force de la fréquenter, il a aussi réalisé que l'Église catholique, en particulier, ne correspondait pas à ses propres « préjugés », selon sa propre expression. Le couple Ekman a commencé à prier avec des catholiques charismatiques, dont il apprécie tant « la foi vivante ».

Et petit à petit, suivant son pasteur, Livets Ord a évolué. Ce qui fut une Église assez fondamentaliste est aujourd'hui une communauté qui dialogue avec tout le monde et où n'importe quel chrétien (non libéral) pourrait se sentir à l'aise. De fait, certains catholiques la fréquentent, comme par exemple Marcus Birro, un jeune blogueur et essayiste « born again », très connu en Suède.

En ce qui concerne Ulf Ekman, il se murmurait depuis des années, dans certains milieux protestants, que l'homme penchait « dangereusement » pour la théologie catholique. Le couple Ekman avait commencé à faire des retraites spirituelles, très à la mode en Suède dans les milieux œcuméniques. Depuis qu'il est parti à la retraite l'année dernière, en démissionnant de son poste de pasteur principal, il n'a cessé de multiplier les références catholiques. De même, leur fils Benjamin, brillant étudiant de théologie, ne fréquentait-il pas les catholiques ? Il s'est en effet converti en novembre l'année dernière. L'autre fils d'Ulf, Jonathan, est, lui, devenu directeur de Livets Ord, et (a priori) ne risque pas de se convertir. Néanmoins, ce Jonathan est lui aussi connu pour son esprit d'ouverture...

Depuis plusieurs années, personne dans les milieux chrétiens n'ignorait qu'Ulf exprimait le besoin de davantage d'unité chrétienne. Il disait aussi la nécessité pour les évangéliques d'étudier toute l'histoire de l'Église, notamment les Pères. Il avait même osé dire que la connaissance seule des Écritures ne suffisait pas forcément pour faire Église. Surtout, il a fini par adopter la conception – catholique – d'une Église qui serait nécessairement visible.

Voici comment Ulf Ekman a expliqué un bout du chemin de sa propre conversion et celle de son épouse Birgitta dans une lettre envoyée à tous les membres de Livets Ord le 9 mars (c'est nous qui traduisons) : « Comme vous le savez, nous avons pendant ces dix dernières années ressenti le besoin de rechercher une unité plus profonde dans le corps du Christ. Pour moi, cela a commencé déjà à la fin des années 90 quand le Seigneur m'a lancé un défi : apprendre à connaître la vraie nature de l'Église. Qu'est-ce à dire ? Il s'agit de comprendre non seulement ce que l'assemblée de Dieu fait, réussit à faire et croit, mais aussi qui nous sommes vraiment en tant que peuple de Dieu, en tant que corps du Christ. Tout cela nous a conduit à poser des questions sur ce que serait une foi vivante et authentique et sur ce que serait une expression concrète et authentique de ce qu'est l'Église dans sa complétude aujourd'hui. Jésus a institué une Église physique concrète qui devait porter sa Parole et sa présence dans tous les temps. Jésus est sérieux quand il demande dans Jean 17, 21 que nous devons être un comme Lui et le Père sont un, pour que le monde croie. Il n'est pas possible de chercher cette unité sans prendre en compte et s'ouvrir aux grandes Eglises historiques. »

Dont acte. « La foi en l'unité a des conséquences pratiques », comme l'affirme le pasteur. Mais dans toutes ses interventions depuis dimanche dernier, Ulf Ekman n'a cessé d'insister sur l'importance d'« apprendre de nos frères et sœurs dans la foi et de chercher le rapprochement ». Il dit aussi comprendre ceux qui réagiraient mal à son annonce, même s'il demande par ailleurs pardon pour avoir participé lui-même en tant que pasteur de Livets Ord à la « division entre chrétiens ». À son assemblée, face à plusieurs milliers de ses frères et sœurs, il a expliqué : « La première chose à dire est qu'il ne s'agit pas d'abord d'une prise de distance de quelque chose mais d'une adhésion à quelque chose. Nous aimons cette assemblée que nous avons contribué à construire et que nous avons servie pendant plus de 30 ans. Nous ne pourrions pas imaginer autre chose que d'être pleins de gratitude pour cette longue période avec vous. Néanmoins, nous avons fait l'expérience d'un appel du Seigneur d'entrer avec foi dans une nouvelle phase de notre vie. Tout en le faisant, nous sommes convaincus que l'assemblée est entre de bonnes mains et continuera de fleurir et porter de bons fruits dans la vision qui est la sienne. »

Les réactions sont innombrables. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'évangéliques mettent en cause « l'irresponsabilité » d'Ulf Ekman et disent plus généralement leur incompréhension. Plusieurs éditorialistes sur le grand journal évangélique de référence Dagen disent comprendre ces réactions. Néanmoins, ce qui frappe est le nombre de chrétiens qui disent aussi leur reconnaissance pour Ulf Ekman et leur souhait que l'unité se fasse quand-même, mais pas dans l'Église catholique. C'est le cas de Joakim Lundqvist, le pasteur qui a succédé à Ulf Ekman, et qui n'a de cesse de dire sa conviction que le couple Ekman répond effectivement à un appel de « l'Esprit saint ». Il a néanmoins jugé bon de rappeler que son Eglise, tout en œuvrant pour l'unité, demeure « évangélique charismatique ».

Autre réaction, à la fois attendue et impressionnante : celle de Stefan Gustavsson, secrétaire général de l'Alliance évangélique de Suède, une organisation qui se veut représentative des évangéliques en général. « Ulf Ekman est sans aucun doute le leader chrétien le plus dynamique et le plus influent que nous ayons eu en Suède ces 50 dernières années, dit-il. Pour ceux qui connaissent Ulf Ekman, le passage à l'Église catholique n'est guère une surprise. Il a, pendant de nombreuses années, dit son enthousiasme, dans des livres et dans des articles, pour une théologie catholique claire et recherché précisément ce magistère que le pape revendique. Dans l'Alliance évangélique, nous avons la joie de collaborer avec l'Église catholique dans de nombreuses questions, comme le regard sur le mariage, la dignité humaine et la liberté religieuse et de conscience. (…) Sur d'autres questions, des différences nous séparent, incontestablement. » Et de rappeler explicitement les points critiques, comme par exemple « le rapport entre Écriture et tradition » et la vision de l'Église. Selon les évangéliques (et protestants en général), « le corps du Christ n'a pas une structure visible dirigée depuis Rome », comme le rappelle ainsi Stefan Gustavsson.

Du côté de l'Église catholique, aucune réaction officielle n'a été émise. On sait seulement que l'évêque catholique de Stockholm Anders Arborelius apprécie Ulf Ekman, qui l'a invité plusieurs fois à prendre la parole à Livets Ord. Ulf et Brigitta Ekman devraient être admis dans l'Eglise en mai, dans deux mois. Ils suivent depuis l'année dernière un enseignement catéchétique à cet effet. À priori, ils devraient intégrer la paroisse de Saint Lars à Upsal.

de Henrik LINDELL

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Transfiguré par l’Amour

Commentaire de l’Évangile du 2ème Dimanche du Temps de Carême

Le père d'Abraham venait d'Ur, en Chaldée (Genèse 11,31). Être né à Ur signifiait, à l'époque, avoir été élevé dans la culture la plus développée, l'endroit où était apparue la première forme de législation sociale et où l'agriculture y avait atteint les rendements de l'époque. Or, ce développement et les conflits qu'il engendra, provoquèrent un important mouvement de migration vers le nord au 17ème siècle avant le Christ. Le père d'Abraham et sa famille furent emportés par ce flux migratoire. Harân, où ils s'établirent – à environ 1 500 kilomètres au nord de Ur - était un carrefour de caravanes. On s'y trouvait dans une colonie d'Ur, aux confins de la civilisation sumérienne, Aller plus loin signifiait passer une frontière, changer de culture.

Abraham reçoit de Dieu l'appel à quitter la sécurité de sa civilisation, à s'aventurer au-delà des lisières, à entreprendre un voyage dans l'inconnu, sans autre assurance que la confiance à cette parole : « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai… »(Première lecture) Cette foi confiante le fit appeler le père de tous les croyants.

Près de mille huit cent ans plus tard, Jésus vit près de 30 ans à Nazareth, comme Abraham l'avait fait à Harân. Un jour, lors de son baptême dans le Jourdain, il entend l'appel qui l'envoie sur les routes de Judée et de Galilée.

Lorsqu'il se met à prêcher, les foules sont d'abord dans l'admiration, et le tiennent pour un grand prophète. Mais les pouvoirs en place le perçoivent vite comme une menace et les foules l'abandonnent peu à peu. Il pressent que les autorités du peuple réussiront à le faire mourir. C'est le tournant de sa vie publique. Il consacre alors la plus grande partie de son temps à former ses disciples plutôt qu'à enseigner les foules.

L'épisode dont nous avons entendu le récit dans l'Évangile d'aujourd'hui, se situe à ce moment crucial Jésus emmène trois de ses disciples sur la montagne, pour une nuit de prière. Là, à l'heure où tout espoir humain s'épuise, et qu'il ne reste plus que l'espérance nue – il révèle sa véritable identité. Il est transfiguré. Toute son humanité n'est plus que pur acquiescement à la volonté du Père. Sa chair laisse transparaître la lumière de sa divinité.

La transfiguration dévoile tout autant notre destinée à chacun. On réduit trop souvent le christianisme à des comportements moraux et le message évangélique à une règle de vie. Ce à quoi nous sommes appelés c'est à être transfigurés – à être ajustés de tout notre être à la volonté de Dieu sur nous, en traversant les déserts de notre vie.

Poursuivons notre célébration, au cours de laquelle Dieu nous donne de contempler la gloire de son Fils dès maintenant, par anticipation. Ce qu'écrit l'Apôtre Paul dans sa seconde lettre à Timothée (deuxième lecture), « cette grâce, maintenant, est devenue visible à nos yeux, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s'est manifesté en détruisant la mort », nous pouvons aussi le dire pour l'eucharistie qui est déjà la contemplation de la gloire du Ressuscité qui nous apparaît dans le pain et le vin. Accueillons dans la gratitude cette nourriture où nous communions, ici sur terre, à la gloire à laquelle nous sommes appelés pour la vie éternelle.

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