PKO 15.06.2014
Dimanche 15 juin 2014 – Solennité de la très Sainte Trinité – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°34/2014
HUMEURS
Mondial au Brésil : « Un loisir ne doit pas se dérouler dans l’absurdité »
Depuis jeudi et pendant un mois le Brésil va vivre au rythme de l’évènement sportif de l’année, la coupe du monde de football. Mercredi la présidente Dilma Rousseff a affirmé que le Brésil était « prêt sur et en dehors des terrains ». Pourtant en début de semaine, des manifestations ont encore eu lieu à Sao Paulo, là où va se jouer jeudi le match inaugural. Les grèves se sont multipliées ces dernières semaines à travers tout le pays. Les manifestants ont dénoncé les milliards de dollars dépensés pour le Mondial au lieu de les investir dans les transports, la santé ou l’éducation. Ces dépenses faramineuses ont aussi été critiquées sévèrement par l’Église brésilienne. Elle déplore qu’aucune mesure de lutte contre la pauvreté n’ait été prise et elle craint que la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle, un fléau très répandu au Brésil, s’accentuent à l’occasion du Mondial.
Mgr Dominique-Marie You, est l’évêque de Conceiçao do Araguaia, dans le nord du pays. Il regrette l’absence de réaction face aux demandes de la population. Il est interrogé par Audrey Radondy.
Mgr Dominique-Marie You : Les manifestations ont commencées de façon assez spontanée et puis finalement, peu à peu, elles se sont organisées. Mais il faut être sincère, ces manifestations n’ont pas été entendues. On a fait semblant de les entendre. Et on n’a pas réellement répondu aux attentes de ce million de jeunes qui ont passé ces derniers mois dans la rue.
Et que craignez-vous qu’il se passe en marge de la Coupe du Monde ?
Mgr Dominique-Marie You :Notre jeunesse est très vulnérable au tourisme sexuel. On perdra beaucoup de nos enfants. Appeler tant de touristes à la fois, n’étant pas capable de les contrôler, de les dominer, pour être sincère, on sait que ça va laisser des traces graves dans le pays. Et ce n’est pas qu’autour des stades, c’est le Brésil entier qui porte cette plaie. De très lourds points d’interrogation sont posés dans une situation sociale et politique qui n’est pas très brillante. Ca fait déjà trois ans qu’on sent que le progrès qui a commencé au Brésil est un peu en train de patiner et que finalement, la Coupe du Monde arrive dans une période très défavorable. Craindre ou pas des manifestations violentes pendant la Coupe du Monde, je crois que pour le moment, personne ne peut répondre à cette question. J’ai deux chiffres dans un sondage qui est sorti il y a quelques jours seulement : 54% des brésiliens considèrent que la Coupe va apporter plus de préjudices que d’avantages et le deuxième aspect qui est bien complémentaire et typique du Brésil, c’est que 65% des brésiliens auraient honte si le mondial était perturbé par les manifestations.
Quel rôle a prévu de jouer l’Église pendant le mondial ?
Mgr Dominique-Marie You :Elle a édité un tract qui fait des vagues. Elle commence par désigner un certain nombre de cartons rouges, de préoccupations : l’exclusion de millions de citadins, l’éloignement de familles et de communautés pour la construction d’œuvres gigantesques, l’approfondissement des inégalités. Et puis, on explique aussi que la réelle victoire, ce serait que les populations des quartiers et les personnes en situation de rue puissent être protégés, que la législation du travail s’applique à l’égard de tous ceux qui vont travailler directement ou surtout, indirectement, autour de la Coupe du Monde, que des actions efficaces soient faites pour empêcher le travail-esclave, la traite d’êtres humains et que les mouvements sociaux ne soient pas criminalisés mais que soient respectés leurs droits par des manifestations de rue. Ce que je vois aussi et qui est positif, c’est qu’il y a des jeunes (et j’en ai dans mon diocèse) qui, venant pour la Coupe du Monde, passent un mois dans le diocèse pour aider les plus pauvres.
Et pour terminer, est- ce que vous avez un appel à lancer ?
Mgr Dominique-Marie You : Ce serait que cette Coupe du Monde au Brésil fasse réfléchir sur les prochaines Coupes du Monde. On ne peut pas laisser un loisir se dérouler dans l’absurdité. Les choses ont un sens et si on ne respecte pas le sens des choses, on détruit tout et on se détruit soi-même. Le loisir, comme le sport, est fait pour construire les personnes humaines. Il est fait pour construire la fraternité, non pas pour la détruire. Et il est très certain que la FIFA a besoin de se mettre à l’heure de l’éthique et peut-être que la Coupe du Brésil peut provoquer ce réveil de la conscience pour que l’éthique soit considéré comme première et que les intérêts financiers se mettent au service et non pas au préjudice de la dignité de la personne humaine, de la paix et de la fraternité que le sport vise et sait si bien promouvoir.
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Le Don de Crainte, une alarme devant le péché
Audience générale du mercredi 11 juin 2014
La crainte de Dieu rend les chrétiens « convaincus, enthousiastes », et non pas « timides et soumis » : ils deviennent des hommes « dociles à Dieu », non pas « par peur, mais parce qu’ils sont émus et conquis par son amour ! », explique le pape François. Ce don, a-t-il expliqué, rappelle à l'homme qu'il est « petit devant Dieu » et que « son bien se trouve dans l’abandon entre ses mains, avec humilité, respect et confiance. C’est cela la crainte de Dieu : l’abandon dans la bonté de notre Père qui nous aime tellement ». La crainte de Dieu « nous fait nous sentir comme des petits enfants dans les bras de notre papa » : si elle conduit à « la docilité », il ne s’agit pas cependant « d’un comportement résigné, passif, ou même plaintif, mais de l’étonnement et la joie d’un fils qui se reconnaît servi et aimé par son Père ».
Chers frères et sœurs, bonjour !
Le don de la crainte de Dieu, dont nous parlons aujourd’hui, conclut la série des sept dons de l’Esprit-Saint. Il ne signifie pas avoir peur de Dieu : nous savons bien que Dieu est Père, et qu’il nous aime et veut notre salut, et qu’il pardonne toujours, toujours ; c’est pourquoi il n’y a pas de raison d’avoir peur de lui ! La crainte de Dieu, en revanche, est un don de l’Esprit qui nous rappelle combien nous sommes petits devant Dieu et devant son amour, et que notre bien se trouve dans l’abandon entre ses mains, avec humilité, respect et confiance. C’est cela la crainte de Dieu : l’abandon dans la bonté de notre Père qui nous aime tellement.
1. Quand l’Esprit-Saint fait sa demeure dans notre cœur, il nous donne la consolation et la paix, et il nous aide à nous sentir tels que nous sommes, c’est-à-dire petits, dans cette attitude, si souvent recommandée par Jésus dans l’Évangile, de celui qui dépose toutes ses préoccupations et ses attentes en Dieu et qui se sent enveloppé et soutenu par sa chaleur et sa protection, exactement comme un petit enfant avec son papa ! C’est ce que fait l’Esprit-Saint dans nos cœurs : il nous fait nous sentir comme des petits enfants dans les bras de notre papa. En ce sens, nous comprenons bien alors combien la crainte de Dieu vient assumer en nous la forme de la docilité, de la reconnaissance et de la louange, comblant notre cœur d’espérance. Si souvent, en effet, nous ne réussissons pas à saisir le dessein de Dieu, et nous nous rendons compte que nous ne sommes pas capables de nous assurer par nous-mêmes le bonheur et la vie éternelle. Toutefois, c’est précisément dans cette expérience de nos limites et de notre pauvreté que l’Esprit nous réconforte et nous fait percevoir que la seule chose importante est de nous laisser conduire par Jésus dans les bras de son Père.
2. Voilà pourquoi nous avons tellement besoin de ce don de l’Esprit-Saint. La crainte de Dieu nous fait prendre conscience que tout vient de la grâce et que notre véritable force réside uniquement dans le fait de suivre le Seigneur Jésus et de laisser le Père reverser sur nous sa bonté et sa miséricorde. Ouvrir notre cœur, pour que la bonté et la miséricorde de Dieu viennent en nous. C’est ce que fait l’Esprit-Saint avec le don de la crainte de Dieu : il ouvre nos cœurs. Un cœur ouvert, afin que le pardon, la miséricorde, la bonté et les caresses du Père viennent jusqu’à nous, parce que nous sommes des enfants infiniment aimés.
3. Lorsque nous sommes envahis par la crainte de Dieu, nous sommes alors poussés à suivre le Seigneur avec humilité, docilité et obéissance. Mais il ne s’agit pas d’un comportement résigné, passif, ou même plaintif, mais de l’étonnement et la joie d’un fils qui se reconnaît servi et aimé par son Père. La crainte de Dieu ne fait donc pas de nous des chrétiens timides et soumis, mais elle génère en nous le courage et la force ! C’est un don qui fait de nous des chrétiens convaincus, enthousiastes, qui ne sont pas soumis au Seigneur par peur, mais parce qu’ils sont émus et conquis par son amour ! Être conquis par l’amour de Dieu ! Et c’est quelque chose de beau. Se laisser conquérir par cet amour d’un papa qui nous aime tant, qui nous aime de tout son cœur.
Mais, soyons attentifs, parce que le don de Dieu, le don de la crainte de Dieu est aussi une « alarme » face à la ténacité du péché. Quand une personne vit dans le mal, quand elle blasphème contre Dieu, quand elle exploite les autres, quand elle les tyrannise, quand elle ne vit que pour l’argent, pour ce qui est vain ou pour le pouvoir, l’orgueil, avec toute sa vanité, elle ne sera pas heureuse. Personne ne peut emporter avec soi de l’autre côté ni l’argent, ni le pouvoir, ni la vanité, ni l’orgueil. Rien ! Nous pouvons seulement emporter l’amour que Dieu notre Père nous donne, les caresses de Dieu, acceptées et reçues par nous avec amour. Et nous pouvons emporter ce que nous avons fait pour les autres. Attention à ne pas mettre notre espérance dans l’argent, dans l’orgueil, dans le pouvoir, dans la vanité, parce que tout cela ne peut rien nous promettre de bon ! Je pense par exemple aux personnes qui ont des responsabilités sur les autres et qui se laissent corrompre ; pensez-vous qu’une personne corrompue sera heureuse de l’autre côté ? Non, tout le fruit de sa corruption a corrompu son cœur et il sera difficile d’aller au Seigneur. Pensons à ceux qui vivent de la traite des personnes et de l’esclavagisme ; pensez-vous que ces personnes qui vivent de la traite de personnes, par le travail forcé, ont dans leur cœur l’amour de Dieu ? Non, ils n’ont pas la crainte de Dieu et ne sont pas heureux. Ils ne le sont pas. Je pense à ceux qui fabriquent des armes pour fomenter les guerres ; mais pensez à ce qu’est ce métier ! Je suis certain que si je vous pose maintenant la question : qui parmi vous est fabricant d’armes ?... Personne, personne. Ces fabricants d’armes ne viennent pas écouter la Parole de Dieu ! Ils fabriquent la mort, ce sont des marchands de mort et ils font commerce de la mort. Que la crainte de Dieu leur fasse comprendre que tout finit un jour et qu’ils devront rendre compte à Dieu.
Chers amis, le psaume 34 nous fait prier ainsi : « Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. L'ange du Seigneur campe à l'entour pour libérer ceux qui le craignent. » (vv.7-8). Demandons au Seigneur la grâce d’unir notre voix à celle des pauvres, pour accueillir le don de la crainte de Dieu et pouvoir nous reconnaître, avec eux, revêtus de la miséricorde et de l’amour de Dieu qui est notre Père, notre papa. Ainsi soit-il.
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La Cour européenne réaffirme la liberté religieuse de l’Église catholique
Autonomie institutionnelle
La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé ce jour un arrêt de grande importance dans l’affaire Fernández-Martínez c. Espagne (requête no 56030/07). Adopté à une très faible majorité (9 voix contre 8), la Grande Chambre réaffirme le principe de l’autonomie institutionnelle des communautés religieuses à l’égard de l’État.
L’affaire concernait le non-renouvellement du contrat d'un prêtre comme professeur de religion et de morale catholique suite à la publication d'un article rendant public son mariage et son appartenance à un mouvement contestant le magistère de l’Église catholique. En Espagne, les professeurs de religion sont agréés par leurs autorités religieuses et employés par l’État. Suite à cette publication, l’Évêque n’a pas renouvelé l’agrément autorisant le requérant à enseigner, ce qui a entrainé le non-renouvellement de son contrat de travail par l’État.
Le requérant a contesté ce non-renouvellement, estimant que la décision de l’État avait violé ses droits fondamentaux, en particulier le respect de sa vie privée, de sa liberté de religion, et constituait une mesure discriminatoire.
L’ECLJ est intervenu dans cette affaire comme tierce partie, en son nom et comme représentant de la Conférence Épiscopale Espagnole.
Cette affaire est importante en ce qu’elle porte sur les rapports entre l’État et l’Église, et en particulier sur la liberté des communautés religieuses de fonctionner conformément à leur doctrine. Il s’agissait de déterminer les limites de cette liberté, et l’étendue corrélative du pouvoir des autorités civiles à leur égard, sachant que les valeurs de l’Eglise et des autorités civiles sont parfois conflictuelles. En substance, la question était de décider si l’Église doit être soumise aux droits de l’homme contemporains, ou si sa liberté peut y être intégrée et respectée. Sa liberté a été sauvée, à une voix près.
En résumé, la Cour a réaffirmé que le droit des fidèles à la liberté de religion suppose que leur communauté puisse fonctionner paisiblement sans ingérence arbitraire de l’État, dans le respect de leur autonomie. Elle a rappelé que les autorités civiles n’ont pas à s’ériger en arbitre des conflits internes aux organisations religieuses, le droit à la liberté de religion excluant toute appréciation de la part de l’État sur la légitimité des croyances religieuses ou sur leurs modalités d’expression.
La Cour a également souligné que le droit à la liberté de religion ne garantit pas de « droit à la dissidence ». Ainsi, en cas de désaccord entre une communauté religieuse et l’un de ses membres, la liberté de religion de l’individu s’exerce par sa faculté de quitter librement la communauté. De plus, le principe d’autonomie religieuse interdit à l’État d’obliger une communauté religieuse à admettre ou exclure un individu ou à lui confier une responsabilité religieuse quelconque.
S’agissant de la relation entre la communauté et ses collaborateurs, comme en l’espèce, la Cour a confirmé que les communautés religieuses peuvent exiger un devoir de loyauté spécifique de la part des personnes qui travaillent pour elles ou qui les représentent, selon les fonctions exercées. Ce devoir est « accru » en ce qu’il porte sur le respect du magistère et dépasse donc ce qu’un employeur non-religieux peut exiger de ses collaborateurs. Ce devoir de loyauté autorise l’Église à exiger de ses collaborateurs le respect de son enseignement, et à sanctionner leurs manquements dans ce domaine.
Ce devoir de loyauté ne peut être invoqué par l’Église qu’à la condition que le collaborateur l’ait accepté en connaissance de cause et volontairement.
Certes, la Cour a souligné que les sanctions prises à l’encontre d’un collaborateur qui manquerait à ce devoir doivent pouvoir être contestées devant une juridiction nationale dans le cas où elles porteraient atteinte à un droit civil du collaborateur. Mais, selon les juges de Strasbourg, la juridiction nationale ne peut agir que dans les limites qu’impose le respect dû à l’autonomie de l’Église La Cour précise que la juridiction civile doit vérifier que le manquement à l’obligation de loyauté provoque un risque probable et sérieux d’atteinte aux droits de l’Église, que la sanction ne va pas au-delà du nécessaire pour répondre à cette atteinte, et enfin que la sanction ait bien été prise pour un motif entant dans le champ de l’autonomie de l’Église, c'est-à-dire pour un motif religieux.
En l’espèce, la Cour a estimé que les juridictions espagnoles ont pu légitimement limiter leur examen à la vérification du respect des droits fondamentaux en jeu dès lors que la motivation du non-renouvellement du contrat était religieuse.
Cet arrêt de Grande Chambre confirme un premier arrêt de Section du 15 mai 2012 adopté à six voix contre une. Il s’inscrit également dans le sillage de l’arrêt de Grande Chambre Sindicatul Pastorul cel bun, par lequel la Cour avait réaffirmé le principe d’autonomie des organisations religieuses. Ces deux arrêts de Grande Chambre, Sindicatul Pastorul cel bun et Fernandez-Martinez, adoptés au terme de longues procédures, et d’une série d’autres affaires similaires, déterminent l’étendue et le cadre juridique de la liberté dont jouissent dans leur fonctionnement interne les communautés religieuses à l’égard des autorités civiles.
S’il convient de se réjouir de l’arrêt prononcé ce jour par la Cour, il est néanmoins étonnant que celui-ci n’ait été adopté qu’à une voix de majorité car si des faits similaires s’étaient produits au sein d’une entreprise commerciale, il ne fait nul doute que personne n’aurait contesté le droit de l’employeur de licencier un employé publiquement déloyal.
La Représentation du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe avait publié en janvier 2013 une note sur la liberté et l’autonomie institutionnelle de l’Église catholique à l’occasion de l’examen de ces deux affaires. Il s’agissait, par cette note, d’informer les juges de la Cour pour les aider à parvenir à une juste compréhension du fonctionnement de l’Église, et notamment à sa compréhension de la « liberté ». La culture occidentale actuellement dominante a en effet développé une compréhension de la liberté opposée à celle, classique, à laquelle l’Église est attachée. Pour l’Église, la liberté s’exerce par l’engagement personnel (tel l’engagement religieux), alors que, selon la culture contemporaine, la liberté résulte davantage de l’absence de véritable engagement (par exemple la liberté de divorcer) et est indépendante de la vérité.
En fait, c’est le droit de l’Église de proposer à ses membres de véritables engagements religieux qui était en jeu. Or, dans la mesure où l’Église et la vie spirituelle reposent sur l’engagement volontaire personnel, retirer à l’Église la faculté de sanctionner cet engagement revient à lui dénier non seulement sa liberté, mais aussi une condition importante de son existence.
Le danger consiste à vouloir imposer la conception moderne de la liberté aux tenants de la conception classique, comme le firent déjà les révolutionnaires français à l’encontre des religieux en les « libérant » de force de leur engagement religieux. D’ailleurs, en arrière-fond de cette affaire, certains juges ont voulu, comme les y invitait d’ailleurs le requérant, instruire le procès du célibat des prêtres catholiques. Cela a été le cas en particulier du juge russe Dedov qui, oubliant la rigueur exigée par sa fonction, n’a pas hésité à soutenir que « la règle du célibat [des prêtres] est contraire à l’idée des droits de l’homme et des libertés fondamentales » et « emporte violation de la Convention ». En voulant soumettre la religion à son idéologie, une telle affirmation viole non seulement la liberté religieuse, mais elle dénature les droits de l’homme en en faisant une vulgaire et dangereuse idéologie, comme le fut le communisme.
Cet arrêt constitue une nouvelle étape importante pour la reconnaissance et le respect en Europe de la liberté de l’Église au sein de, et face à, la société civile. L’ECLJ est heureux d’y avoir contribué.
* * *
Le Centre européen pour le droit et la justice est une organisation non-gouvernementale internationale dédiée à la promotion et à la protection des droits de l'homme en Europe et dans le monde. L'ECLJ est titulaire du statut consultatif spécial auprès des Nations-Unies/ECOSOC depuis 2007. L'ECLJ agit dans les domaines juridiques, législatifs et culturels. L’ECLJ défend en particulier la protection des libertés religieuses, de la vie et de la dignité de la personne auprès de la Cour européenne des droits de l'homme et au moyen des autres mécanismes offertes par l'Organisation des Nations Unies, le Conseil de l'Europe, le Parlement européen, et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L'ECLJ fonde son action sur « les valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun des peuples [européens] et qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable » (Préambule de la Statut du Conseil de l'Europe).
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Entretien avec Mgr Dominique MAMBERTI
à l’occasion de deux affaires soumise sà la cour européenne des droits de l’homme
Radio Vatican : Monseigneur, ce 15 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu public ses jugements dans quatre cas relatifs à la liberté de conscience et de religion d’employés au Royaume-Uni. Ces affaires concernent, pour deux d’entre elles, la faculté pour des employés de porter une petite croix autour du cou sur leur lieu de travail, et pour les deux autres, la faculté d’objecter en conscience à la célébration d’union civile entre personnes de même sexe et au conseil conjugal de couples de même sexe. Dans un cas seulement la Cour a donné satisfaction au requérant.
Mgr Mamberti : Ces affaires montrent que les questions relatives à la liberté de conscience et de religion sont complexes, en particulier dans une société européenne marquée par la croissance de la diversité religieuse et par le durcissement corrélatif du laïcisme. Le risque est réel que le relativisme moral, qui s’impose comme nouvelle norme sociale, vienne saper les fondements de la liberté individuelle de conscience et de religion. L’Église souhaite défendre les libertés individuelles de conscience et de religion en toutes circonstances, y compris face à la « dictature du relativisme ». Pour cela, il faut expliquer la rationalité de la conscience humaine en général, et de l’agir moral des chrétiens en particulier. Sur des sujets moralement controversés, comme l’avortement ou l’homosexualité, la liberté des consciences doit être respectée. Plutôt que d’être une entrave à l’établissement d’une société tolérante dans son pluralisme, le respect de la liberté de conscience et de religion en est une condition. S’adressant au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège la semaine dernière, le Pape Benoît XVI a souligné que : « Pour sauvegarder effectivement l’exercice de la liberté religieuse, il est ensuite essentiel de respecter le droit à l’objection de conscience. Cette “frontière” de la liberté touche à des principes de grande importance, de caractère éthique et religieux, enracinés dans la dignité même de la personne humaine. Ils sont comme “les murs porteurs” de toute société qui se veut vraiment libre et démocratique. Par conséquent, interdire l’objection de conscience individuelle et institutionnelle, au nom de la liberté et du pluralisme, ouvrirait paradoxalement au contraire les portes à l’intolérance et au nivellement forcé ».
L’érosion de la liberté de conscience témoigne aussi d’une forme de pessimisme envers la capacité de la conscience humaine à reconnaître le bien et le vrai, au profit de la seule loi positive qui tend à monopoliser la détermination de la moralité. C’est aussi le rôle de l’Église de rappeler que tout homme, quelles que soient ses croyances, est doué par sa conscience de la faculté naturelle de distinguer le bien du mal et qu’il doit agir en conséquence. C’est là la source de sa vraie liberté.
Radio Vatican : Il y a quelque temps, la Mission du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe a publié une Note sur la liberté et l’autonomie institutionnelle de l’Église. Pourriez-vous en expliquer le contexte ?
Mgr Mamberti : La question de la liberté de l’Église dans ses rapports avec les autorités civiles est actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l’homme dans deux affaires impliquant l’Église orthodoxe de Roumanie et l’Église catholique. Il s’agit des causes Sindicatul ‘Pastorul cel Bun’ contre la Roumanie et Fernandez Martinez contre l’Espagne. À cette occasion, la Représentation Permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe a rédigé une note synthétique exposant le magistère sur la liberté et l’autonomie institutionnelle de l’Église catholique.
Radio Vatican : Quel est l’enjeu de ces causes ?
Mgr Mamberti : Dans ces causes, la Cour européenne doit décider si le pouvoir civil a respecté la Convention européenne des droits de l’homme en refusant de reconnaître un syndicat professionnel de prêtres (pour l’affaire roumaine), et en refusant de nommer un enseignant de religion professant publiquement des positions contraires à la doctrine de l’Église (pour l’affaire espagnole). Dans les deux cas, les droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression sont invoqués pour contraindre des communautés religieuses à agir à l’encontre de leur statut canonique et du magistère. Ainsi, ces affaires mettent en cause la liberté de l’Église de fonctionner selon ses propres règles, de ne pas être soumise à d’autres règles civiles que celles nécessaires au respect du bien commun et de l’ordre public juste. L’Église a toujours dû se défendre pour préserver son autonomie face au pouvoir civil et aux idéologies. Aujourd’hui, une question importante dans les pays occidentaux est de savoir comment la culture dominante, marquée fortement par l’individualisme matérialiste et le relativisme, peut comprendre et respecter la nature propre de l’Église, qui est une communauté fondée sur la foi et la raison.
Radio Vatican : Comment l’Église conçoit cette situation ?
Mgr Mamberti : L’Église est consciente de la difficulté à déterminer, dans une société pluraliste, les relations entre les autorités civiles et les diverses communautés religieuses au regard des exigences de la cohésion sociale et du bien commun. Dans ce contexte, le Saint-Siège attire l’attention sur la nécessité de préserver la liberté religieuse dans sa dimension collective et sociale. Cette dimension répond à la nature essentiellement sociale tant de la personne que du phénomène religieux en général. L’Église ne demande pas que les communautés religieuses soient des zones de non-droit, mais qu’elles soient reconnues comme des espaces de liberté, en vertu du droit à la liberté religieuse, dans le respect de l’ordre public juste. Cette doctrine n’est pas réservée à l’Église catholique, les critères qui en découlent sont fondés en justice et sont donc d’application générale.
D’ailleurs, le principe juridique d’autonomie institutionnelle des communautés religieuses est largement reconnu par les États respectant la liberté religieuse ainsi que par le droit international. La Cour européenne des droits de l’homme elle-même l’a régulièrement énoncé dans plusieurs arrêts importants. D’autres institutions ont également affirmé ce principe. C’est le cas notamment de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), ou encore du Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans, respectivement, le Document final de la Conférence de Vienne du 19 janvier 1989, et l’Observation générale n°22 sur le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion du 30 juillet 1993. Il est néanmoins utile de rappeler et de défendre ce principe d’autonomie de l’Église et du pouvoir civil.
Radio Vatican : Comment se présente cette note ?
Mgr Mamberti : La liberté de l’Église sera d’autant mieux respectée qu’elle sera d’abord bien comprise par les autorités civiles, sans préjugés. Il est donc nécessaire d’expliquer comment la liberté de l’Église est conçue. La Représentation Permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe a donc rédigé une note synthétique (qui figure ci-dessous) exposant la position de l’Église autour de quatre principes : 1) la distinction entre l’Église et la communauté politique, 2) la liberté à l’égard de l’État, 3) la liberté au sein de l’Église, 4) le respect de l’ordre public juste. Après l’exposé de ces principes, la note présente en outre les extraits les plus pertinents de la Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae et de la Constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II.
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Note sur la liberté et l’autonmie institutionnelle de l’Église catholique
Note de la Secrétairerie d’État
Voici la note sur la liberté et l’autonomie institutionnelle de l’Église catholique à l’occasion de l’examen des affaires Sindicatul ‘Pastorul cel Bun’ contre la Roumanie (n° 2330/09) et Fernandez-Martinez contre l’Espagne (n° 56030/07) par la Cour européenne des droits de l’homme.
La doctrine de l’Église catholique relative aux aspects de la liberté religieuse affectés par les deux affaires susmentionnées peut être présentée, en synthèse, comme fondée sur les quatre principes suivants : 1) la distinction entre l’Église et la communauté politique, 2) la liberté à l’égard de l’État, 3) la liberté au sein de l’Église, 4) le respect de l’ordre public juste.
1. La distinction entre l’Église et la communauté politique
L’Église reconnait la distinction entre l’Église et la communauté politique qui ont, l’une et l’autre, des finalités distinctes ; l’Église ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique. La communauté politique doit veiller au bien commun et faire en sorte que, sur cette terre, les citoyens puissent mener une « vie calme et paisible ». L’Église reconnaît que c’est dans lacommunauté politique que l’on trouve la réalisation la plus complète du bien commun (cf.Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1910), entendu comme « l’ensemble des conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (ibid., n. 1906). Il revient à l’État de le défendre et d’assurer la cohésion, l’unité et l’organisation de la société de sorte que le bien commun soit réalisé avec la contribution de tous les citoyens, et rende accessibles à chacun les biens nécessaires - matériels, culturels, moraux et spirituels – à une existence vraiment humaine. Quant à l’Église, elle a été fondée pour conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
Cette distinction repose sur les paroles du Christ : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. S’agissant des domaines dont la finalité est à la fois spirituelle et temporelle, comme le mariage ou l’éducation des enfants, l’Église considère que le pouvoir civil doit exercer son autorité en veillant à ne pas nuire au bien spirituel des fidèles. L’Église et la communauté politique ne peuvent pas cependant s’ignorer l’une l’autre ; à des titres divers, elles sont au service des mêmes hommes. Elles exercent d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, selon l’expression du Concile Vatican II (cf. Gaudium et Spes, n. 76).
La distinction entre l’Église et la communauté politique est assurée par le respect de leur autonomie réciproque, laquelle conditionne leur liberté mutuelle. Les limites de cette liberté sont, pour l’État, de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de nuire au salut éternel des fidèles, et, pour l’Église, de respecter l’ordre public.
2. La liberté à l’égard de l’État
L’Église ne revendique pas de privilège, mais le plein respect et la protection de sa liberté d’accomplir sa mission au sein d’une société pluraliste. Cette mission et cette liberté, l’Église les a reçues ensemble de Jésus-Christ et non pas de l’État. Le pouvoir civil doit ainsi respecter et protéger la liberté et l’autonomie de l’Église et ne l’empêcher en aucune manière de s’acquitter intégralement de sa mission qui consiste à conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
La liberté de l’Église doit être reconnue par le pouvoir civil en tout ce qui concerne sa mission, tant s’agissant de l’organisation institutionnelle de l’Église (choix et formation des collaborateurs et des clercs, élection des évêques, communication interne entre le Saint-Siège, les évêques et les fidèles, fondation et gouvernement d’instituts de vie religieuse, publication et diffusion d’écrits, possession et administration de biens temporels…), que de l’accomplissement de sa mission auprès des fidèles (notamment par l’exercice de son magistère, la célébration du culte, l’administration des sacrements et le soin pastoral).
La religion catholique existe dans et par l’Église qui est le corps mystique du Christ. Dans la considération de la liberté de l’Église, une attention première doit donc être accordée à sa dimension collective : l’Église est autonome dans son fonctionnement institutionnel, son ordre juridique et son administration interne. Les impératifs de l’ordre public juste restant saufs, cette autonomie doit être respectée par les autorités civiles ; c’est une condition de la liberté religieuse et de la distinction entre l’Église et l’État. Les autorités civiles ne peuvent pas, sans commettre d’abus de pouvoir, interférer dans ce domaine religieux, par exemple en prétendant réformer une décision de l’Évêque relative à une nomination à une fonction.
3. La liberté au sein de l’Église
L’Église n’ignore pas que certaines religions et idéologies peuvent opprimer la liberté de leurs fidèles ; quant à elle cependant, l’Église reconnaît la valeur fondamentale de la liberté humaine. L’Église voit en toute personne une créature douée d’intelligence et de volonté libre. L’Église se conçoit comme un espace de liberté et elle prescrit des normes destinées à garantir le respect de cette liberté. Ainsi, tous les actes religieux, pour être valides, exigent la liberté de leur auteur. Pris dans leur ensemble et au-delà de leur signification propre, ces actes accomplis librement visent à faire accéder à la « liberté des enfants de Dieu ». Les relations mutuelles au sein de l’Église (par exemple le mariage et les vœux religieux prononcés devant Dieu) sont gouvernées par cette liberté.
Cette liberté est en dépendance à l’égard de la vérité (« la vérité vous rendra libre », Jn 8,32) : il en résulte qu’elle ne peut pas être invoquée pour justifier une atteinte à la vérité. Ainsi, un fidèle laïc ou religieux ne peut pas, à l’égard de l’Église, invoquer sa liberté pour contester la foi (par exemple en prenant des positions publiques contre le Magistère) ou pour porter atteinte à l’Église (par exemple en créant un syndicat civil de prêtres contre la volonté de l’Église). Il est vrai que toute personne dispose de la faculté de contester le Magistère ou les prescriptions et les normes de l’Église. En cas de désaccord, toute personne peut exercer les recours prévus par le droit canonique et même rompre ses relations avec l’Église. Les relations au sein de l’Église étant toutefois de nature essentiellement spirituelle, il n’appartient pas à l’État d’entrer dans cette sphère et de trancher de telles controverses.
4. Le respect de l’ordre public juste
L’Église ne demande pas que les communautés religieuses soient des zones de « non-droit » dans lesquelles les lois de l’État cesseraient de s’appliquer. L’Église reconnaît la compétence légitime des autorités et juridictions civiles pour assurer le maintien de l’ordre public ; cet ordre public devant respecter la justice. Ainsi, l’État doit assurer le respect par les communautés religieuses de la morale et de l’ordre public juste. Il veille en particulier à ce que les personnes ne soient pas soumises à des traitements inhumains ou dégradants, ainsi qu’au respect de leur intégrité physique et morale, y compris à leur capacité de quitter librement leur communauté religieuse. C’est là la limite de l’autonomie des diverses communautés religieuses, permettant de garantir la liberté religieuse tant individuelle que collective et institutionnelle, dans le respect du bien commun et de la cohésion des sociétés pluralistes. En dehors de ces cas, il appartient aux autorités civiles de respecter l’autonomie des communautés religieuses, en vertu de laquelle celles-ci doivent être libres de fonctionner et de s’organiser selon leurs propres règles.
À cet égard, il doit être rappelé que la foi catholique est totalement respectueuse de la raison. Les chrétiens reconnaissent la distinction entre la raison et la religion, entre les ordres naturel et surnaturel, et ils estiment que « la grâce ne détruit pas la nature », c’est-à-dire que la foi et les autres dons de Dieu ne rendent pas inutiles ni ignorent la nature humaine et l’usage de la raison humaine, mais au contraire encouragent cet usage. Le christianisme, à la différence d’autres religions, ne comporte pas de prescriptions religieuses formelles (alimentaires, vestimentaires, mutilations, etc.) susceptibles le cas échéant de heurter la morale naturelle et d’entrer en conflit avec le droit d’un État religieusement neutre. D’ailleurs, le Christ a enseigné à dépasser de telles prescriptions religieuses purement formelles et les a remplacées par la loi vivante de la charité, une loi qui, dans l’ordre naturel, reconnaît à la conscience le soin de distinguer le bien du mal. Ainsi, l’Église catholique ne saurait imposer aucune prescription contraire aux justes exigences de l’ordre public.
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Ni esclave, ni serviteur… mais frère et ami…
Commentaire de l’Évangile du Dimanche de la Très Sainte Trinité
Toutes les religions, y compris celle d’Israël durant l’Ancien Testament, font de Dieu le maître absolu de toutes choses – maître de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur, maître des personnes et des choses. Et cette conception du Dieu maître de tout est souvent utilisée pour justifier et fonder le pouvoir de tous les autres maîtres d’ici-bas.
La grande révolution qu’apporte Jésus de Nazareth, c’est qu’il appelle Dieu non plus « Seigneur » ou « maître », mais bien « Père ». Désormais aucune forme d’esclavage n’est justifiée, aucune forme d’attitude servile et craintive non plus, car pour Dieu les hommes et les femmes ne sont pas des esclaves, ni des serviteurs et des servantes, mais des fils et des filles. Rien que cela suffirait à nous mettre dans cette « joie » que Paul recommande, joie du « Dieu d’amour et de paix »qui est avec nous (2e lecture).
Mais il n’a pas suffi à Dieu d’être Père. « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique » (évangile) Il a voulu aussi être frère. En s’incarnant, en se faisant « Fils de l’Homme », il s’est fait notre frère. Il a partagé avec nous cette expérience de sa relation filiale avec Dieu. Il nous a dit que Dieu est son Père, que Lui et son Père sont unis par un mystère d'amour qu'il appelle l'Esprit et que, finalement, son Père et Lui sont Un. Et chose merveilleuse pour nous tous, c'est que nous sommes invités à entrer dans cette relation, dans cette danse trinitaire.
Pour nous rendre capables d’être fils et d’être frères, Dieu nous a donné son Esprit, qui est la vie que le Père nous communique, et qui est l’amour dont il nous aime et avec lequel il veut que nous l’aimions et que nous nous aimions les uns les autres. Comme l’écrit saint Paul aux Romains, nous n’avons pas reçu un esprit d’esclavage, mais un esprit qui rend fils et qui nous permet de crier « Abba, Père ». (Romains 8,15)
Le sommet de la Révélation du Nouveau Testament est que Dieu est amour ; non pas un amour abstrait, mais un amour incarné dans l’histoire, dans notre histoire. L’amour de Dieu, tel qu’il est révélé non seulement dans le Nouveau Testament, mais tout au long de la Bible est un amour personnel qui s’dresse à chacun de nous, un amour sans limite, un amour universel qui ne se refuse à personne, un Amour « … tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité. »
S'il est vrai que Dieu est amour, chaque fois que nous aimons en vérité, nous participons à sa vie. Qu'il s'agisse de l'amour entre parents et enfants, entre époux, entre frères et sœurs d'une même famille… chaque fois que nous aimons, nous participons à la vie de Dieu. Lorsque nous aimons les autres (et aussi lorsque nous nous aimons nous-mêmes, comme fait Dieu), nous vivons le mystère de la Trinité en laquelle Dieu est à la fois l'aimant, l'aimé et l'amour qui les unit.
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