PKO 14.09.2014

Dimanche 14 septembre 2014 – La Croix Glorieuse – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°49/2014

HUMEURS

La chasse est ouverte… !

 

Voici les commentaires courageusement signés de pseudo qui font suite à la parution sur le site Tahiti-info au sujet de l’arrêté municipal  « anti-SDF » !

Titu : « Aller voir devant la cathédrale aux ortes même de cette dernière vous voyez toous les jours ces SDF boire et fumée de la drogue sous couvert du père christophe qui cautionne leur agissement. les voir harceler les élèves qui sortent de l'école pour quelques piècesqu'ils dépensent en alcool et rebelotte. ils agressent et insultes quiconque ne leur donne rien lorsqu'ils mendit. lorsque certains parent viennent leur faire la morale parce qu'ils embêtent les enfants qui vont juste à l'écolle en face et que cela limite vire à la bagarre. on voie qui ? bein le père christophe qui arrive tel un chevalier blanc pour engueler qui ? bein le parent d'élève et non le SDF complètemen déchier. je vous jure étant témoin de ça tous les jours. l'église me fait gerber !!! cette arrêter est justifer !!! me... »

Marara : « Ce sont vos commentaires qui me font gerber !!! Mes compatriotes SDF ont une cocoteraie dans chacune de leur mains !!! J'aurais été Maire j'en aurais fait autant !!! Parmi eux il y a des retraités qui perçoivent leur pension, et préfèrent vivre dans la rue !!! D'autre parce qu'ils ne veulent pas suivre les règles de la maison !!! Ils ont fait le choix de vivre dans la rue et d'être assistés. La critique est facile, surtout derrière un clavier... quand au Père Christophe je l'em.... et vous avec !!! »

L’arrêté municipal aura au moins eu l’effet d’exacerber la haine et la discrimination…

En ce début de XXIe siècle, même la Polynésie tend à se couper de plus en plus de ses marginaux. Les pauvres dérangent, car ils illustrent notre échec à régler le problème de la pauvreté. Ils nous rappellent que notre confort n’a pas toujours une base « clean »… La crise actuelle stigmatise les exclus et donne l’occasion de les exclure au-delà du respect de la dignité humaine !

« Il ne faut pas faire la guerre aux pauvres, mais à la pauvreté. » disait l’Abbé Pierre… même à Tahiti, ce message ne passe pas !

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

La misère bannie du centre-ville de Papeete en journée

 

PAPEETE, le 10 septembre 2014. La mairie de Papeete vient de rééditer un arrêté municipal « réglementant les attroupements et comportements constitutifs ou à l'origine de troubles à l'ordre public » en centre-ville entre 5 heures et 22 heures. Un premier arrêté municipal de Papeete tentant de cantonner la misère sociale et humaine hors de l’hyper centre de la capitale polynésienne avait été signé fin octobre 2013 et sa durée couvrait une période de six mois (jusqu’en avril 2014, à la veille des élections municipales). Sans effet réel et probant sur les SDF de plus en plus nombreux qui errent en ville, mendient dans les rues ou dorment sur les trottoirs, parfois en pleine journée, cet arrêté municipal a néanmoins été réédité le 28 août dernier. Le texte ne fait jamais allusion directement à ces SDF, plus ou moins pacifiques, plus ou moins sobres que l’on croise en ville, mais il cite par le menu toutes les interdictions qui leur sont faites en journée, au point de rendre cette réglementation difficilement applicable.

Ainsi, « sont interdits tout comportement ou activité de personnes, en mouvement ou en position assise ou couchée, seules ou en groupe, avec ou sans animaux, même tenus en laisse, ainsi que tout dépôt d'effets personnels, de nature à entraver la liberté d'aller et venir, la commodité de passage des piétons, l'accès aux immeubles par les riverains ou, de manière générale, contraires aux textes en vigueur ou de nature à porter atteinte au bon ordre, à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques ». Les lieux où ces comportement sont bannis sont extrêmement précis : ils concernent le front de mer, les quelques rues de l’hyper centre et le quartier administratif du gouvernement ou du haussariat. L’interdiction est valable tous les jours, mais seulement de 5 heures à 22 heures.

La publication de cet arrêté municipal est justifié par «les nécessités» et fait suite à de «nombreuses doléances et plaintes de piétons, riverains et commerçants» en raison de personnes dont «les comportements ont pour effet de créer un sentiment d’insécurité particulièrement auprès des catégories de piétons les plus faibles (enfants ou élèves, femmes, etc.)».

© Tahiti-info.co

 

La miséricorde permet la réinsertion dans la société

Audience générale du mercredi 10 septembre 2014 du Pape François

« C’est la miséricorde qui change le cœur et la vie, qui peut régénérer une personne et lui permettre de s’insérer dans la société d’une manière nouvelle », explique le pape François dans sa catéchèse de ce mercredi 10 septembre sur l'Église mère, qui éduque ses enfants, concrètement, à la miséricorde. « Pour changer le monde en mieux, il faut faire du bien à ceux qui ne sont pas en mesure de nous le rendre, comme l’a fait notre Père envers nous, en nous donnant Jésus. Combien avons-nous payé pour notre rédemption ? Rien, tout gratuit ! Faire le bien sans rien attendre en retour. C’est ce qu’a fait notre Père avec nous et nous devons faire pareil. Fais le bien et avance ! », a insisté le Pape. Voici notre traduction intégrale de la catéchèse prononcée par le pape François en italien ce matin, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse sur l’Église, nous nous arrêtons pour considérer comment l’Église est mère. La fois dernière, nous avons souligné le fait que l’Église nous fait grandir et, qu'avec la lumière et la force de la Parole de Dieu, elle nous indique le chemin du salut et qu'elle nous défend contre le mal. Aujourd’hui, je voudrais aborder un aspect particulier de cette action éducative de notre mère l’Église : comment elle nous enseigne les œuvres de miséricorde.

Un bon éducateur va à l’essentiel. Il ne se perd pas dans les détails, mais il veut transmettre ce qui compte vraiment pour que son enfant ou son élève trouve le sens et la joie de vivre. C’est la vérité. Et l’essentiel, selon l’Évangile, c'est la miséricorde. L’essentiel de l’Évangile, c'est la miséricorde.

Dieu a envoyé son Fils, Dieu s’est fait homme pour nous sauver, c’est-à-dire pour nous donner sa miséricorde. Jésus le dit clairement, en résumant ainsi son enseignement pour ses disciples : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36). Peut-il exister un chrétien qui ne soit pas miséricordieux ? Non. Le chrétien doit nécessairement être miséricordieux, parce que c’est le cœur de l’Évangile. Et, fidèle à cet enseignement, l’Église ne peut que répéter la même chose à ses enfants : « Soyez miséricordieux », comme l’est le Père, et comme Jésus. Miséricorde.

L’Église se comporte donc comme Jésus. Elle ne donne pas de leçons théoriques sur l’amour, sur la miséricorde. Elle ne dispense pas dans le monde une philosophie, une voie de sagesse… Certes, le christianisme est aussi tout cela, mais c’est une conséquence, un reflet. Notre mère l’Église, comme Jésus, nous enseigne par l’exemple, et ses paroles servent à éclairer la signification de ses gestes.

Notre mère l’Église nous enseigne à donner à manger et à boire à ceux qui ont faim et soif, à vêtir ceux qui sont nus. Et comment le fait-elle ? Elle le fait par l’exemple de tant de saints et de saintes qui ont vécu cela de manière exemplaire ; mais elle le fait aussi par l’exemple de tous: les papas et mamans qui enseignent à leurs enfants que ce que nous avons en plus est pour ceux qui manquent du nécessaire. C’est important de savoir cela.

Dans les familles chrétiennes les plus simples, la règle de l’hospitalité a toujours été sacrée : jamais il ne manque une assiette ou un lit pour ceux qui en ont besoin. Une fois, une maman me racontait, dans mon autre diocèse, qu’elle voulait enseigner cela à ses enfants et qu’elle leur disait d’aider et de donner à manger à ceux qui avaient faim. Elle avait trois enfants. Et un jour, au déjeuner, le papa était dehors, à son travail, et elle était avec ses trois enfants, tout petits - 7, 5 et 4 ans plus ou moins -, et on frappe à la porte : c’était un monsieur qui demandait quelque chose à manger. Et la maman lui a dit : « Attends un instant ». Elle est rentrée et a dit à ses enfants : « - Il y a un monsieur, là, qui demande quelque chose à manger, que faisons-nous ? – On lui donne quelque chose, maman, on lui donne quelque chose ! » Chacun des enfants avait dans son assiette un steak-frites. « - Très bien, a dit la maman, prenons la moitié de ce que chacun a, donnons-lui la moitié du steak de chacun. – Ah, non, maman, ça, ça ne va pas ! – C’est comme ça, tu dois donner de ce qui est tien. » Et c’est ainsi que la maman a enseigné à ses enfants à donner du leur. C’est un bel exemple qui m’a beaucoup aidé. « - Mais, je n’ai pas de surplus… - Donne de ce que tu as ! » C’est ce que nous enseigne notre mère l’Église. Et vous, toutes les mamans qui êtes ici, vous savez ce que vous devez faire pour apprendre à vos enfants à partager leurs affaires avec ceux qui en ont besoin.

Notre mère l’Église nous enseigne à être proches de ceux qui sont malades. Combien de saints et de saintes ont servi Jésus de cette façon ! Et combien d’hommes et de femmes simples, tous les jours, mettent en pratique cette œuvre de miséricorde dans une salle d’hôpital, dans une maison de retraite ou chez eux, en assistant une personne malade !

Notre mère l’Église nous enseigne à être proches de ceux qui sont en prison. « Mais, Père, non, ça, c’est dangereux, ce sont des gens méchants ! » Mais nous sommes tous capables… Écoutez bien ceci : nous sommes tous capables de faire ce qu’a fait cet homme ou cette femme qui est en prison. Nous avons tous la capacité de pécher et de faire la même chose, de nous tromper dans la vie. Il n’est pas plus mauvais que toi ou moi ! La miséricorde franchit tous les murs, toutes les barrières, et te pousse à chercher toujours le visage de l’homme, de la personne. Et c’est la miséricorde qui change le cœur et la vie, qui peut régénérer une personne et lui permettre de s’insérer dans la société d’une manière nouvelle.

Notre mère l’Église enseigne à être proches de ceux qui sont abandonnés et qui meurent seuls. C’est ce qu’a fait la bienheureuse Teresa dans les rues de Calcutta ; c’est ce qu’ont fait et que font tant de chrétiens qui n’ont pas peur de tenir la main de celui qui va quitter ce monde. Et là aussi, la miséricorde donne la paix à celui qui part et à celui qui reste, en nous faisant percevoir que Dieu est plus grand que la mort, et qu’en demeurant en lui, le dernier détachement est un « au revoir »… La bienheureuse Teresa avait bien compris cela ! On lui disait : « Mère, c’est du temps perdu ! ». Elle trouvait des gens moribonds dans la rue, des gens qui commençaient déjà à être mangés par les rats d’égout, et elle les emmenait chez elle pour qu’ils meurent propres, paisibles, avec une caresse, en paix. Elle leur disait à tout « au revoir » … Et tant d’hommes et de femmes ont fait la même chose qu’elle. Et eux, ils les attendent, là-haut [il indique le ciel], à la porte, pour leur ouvrir la porte du ciel. Aider les gens à bien mourir, en paix.

Chers frères et sœurs, c’est ainsi que l’Église est mère, en enseignant à ses enfants les œuvres de miséricorde. Elle a appris ce chemin de Jésus, elle a appris que c’est l’essentiel pour le salut. Il ne suffit pas d’aimer ceux qui nous aiment. Jésus dit que les païens le font. Il ne suffit pas de faire du bien à ceux qui nous font du bien. Pour changer le monde en mieux, il faut faire du bien à ceux qui ne sont pas en mesure de nous le rendre, comme l’a fait notre Père envers nous, en nous donnant Jésus. Combien avons-nous payé pour notre rédemption ? Rien, tout gratuit ! Faire le bien sans rien attendre en retour. C’est ce qu’a fait notre Père avec nous et nous devons faire pareil. Fais le bien et avance !

Comme c’est beau de vivre dans l’Église, dans notre mère l’Église qui nous enseigne tout ce que Jésus nous a enseigné ! Remercions le Seigneur, qui nous donne la grâce d’avoir l’Église pour mère, elle qui nous enseigne la voie de la miséricorde, qui est la voie de la vie. Remercions le Seigneur.

© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana

 

L’appel de Paris 

Musulmans et chrétiens de France pour la défense des Chrétiens d’Orient

Les musulmans de France expriment leur soutien aux Orientaux chrétiens en danger, dans un Appel commun publié à Paris, le 9 septembre, notamment sur le portail de la Grande mosquée de Paris et sur celui de la Coordination Chrétiens d'Orient en danger (Chredo), avec un appel à la prière « à la mémoire de nos frères chrétiens d’orient victimes de l’intolérance et de la barbarie » du fait d'une « flambée inégalée d’extrémisme et de violence au Moyen-Orient instrumentalisant l’Islam comme étendard ». À l'initiative de Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), et de Patrick Karam, président de la Coordination « Chrétiens d'Orient en Danger » (CHREDO), organisateurs, en collaboration avec Abderrahmane Dahmane, président des Démocrates Musulmans, avec les autres participants et signataires de l'Appel de Paris, Anouar Kbibech, Président du Rassemblement des Musulmans de France (RMF), vice-président du CFCM, et Ahmed Ogras, président de la Coordination des Musulmans Turcs de France (CCMTF), vice-président du CFCM,  voici une déclaration solennelle :

Musulmans et Chrétiens solidaires pour la défense des Chrétiens d'Orient.

Les signataires de l'Appel de Paris se sont retrouvés en ce moment particulier de l'histoire de l'humanité où le monde assiste à une flambée inégalée d'extrémisme et de violence au Moyen-Orient instrumentalisant l'Islam comme étendard.

Des barbares sont en train de perpétrer les pires crimes contre l'humanité et menacent actuellement les populations mais aussi la stabilité et la paix entre les peuples de toute la région.

Les signataires dénoncent sans ambiguïté les actes terroristes qui constituent des crimes contre l'humanité et déclarent solennellement que ces groupes, leurs soutiens et leurs recrues ne peuvent se prévaloir de l'islam. Ces agissements d'un autre âge, tout comme les appels inconsidérés au djihad et les campagnes d'endoctrinement des jeunes ne sont fidèles ni aux enseignements ni aux valeurs de l'Islam.

Les signataires prennent à témoin la communauté musulmane pour demander à tous les responsables politiques de redoubler de vigilance face aux menées subversives qui ciblent les jeunes musulmans d'Europe, particulièrement les plus fragiles d'entre eux.

Les signataires tiennent à réaffirmer leur soutien aux frères Chrétiens d'Orient, pour la plupart arabes, ainsi que pour toutes les autres minorités de la région, qui sont victimes actuellement d'une grave campagne destructrice menée par ces groupes terroristes menaçant leur existence même.

Ils affirment sans ambiguïté le droit inaliénable de leurs frères chrétiens d'Orient, une des plus anciennes composantes de cette région, à rester et à vivre sur leur terre dans la dignité et la sécurité et à pratiquer leur foi en toute liberté, comme cela a toujours été. Cette Terre Sainte, berceau de civilisation, où les trois religions monothéistes ont coexisté depuis des siècles. Il y va de l'avenir de la région.

Comment imaginer un Moyen-Orient amputé d'une partie de son identité qui a contribué à son épanouissement civilisationnel ? C'est pourquoi les signataires appellent à la prise de conscience du drame vécu actuellement par les Chrétiens en Orient.

Les engagements :

La Mosquée de Paris et la Coordination « Chrétiens d'Orient en Danger » (CHREDO) s'engagent à œuvrer conjointement pour alerter la communauté internationale sur ce drame. Des actions concertées seront mises en œuvre pour rappeler la solidarité et la convivialité millénaire entre Chrétiens et Musulmans.

Les participants s'engagent à adopter et à diffuser ce texte fondateur qu'est l'Appel de Paris et à lui donner un retentissement national et international, notamment en France, en Europe et en Orient, auprès des responsables religieux et des populations concernées.

Des prières seront dites le vendredi 12 septembre dans toutes les mosquées de France et d'Europe à la mémoire de nos frères chrétiens d'orient victimes de l'intolérance et de la barbarie. Une délégation de la CHREDO sera accueillie symboliquement après le prêche de la Prière du vendredi à la Mosquée de Paris pour témoigner de cette solidarité.

De même, une conférence internationale organisée par la Grande Mosquée de Paris et la CHREDO aura lieu avant la fin de l'année regroupant tous ceux, en Orient et en Europe, religieux et laïcs, gouvernements et organisations internationales, qui partagent ces valeurs de compassion et de convergence humaniste pour se conclure par un appel solennel en solidarité avec les Chrétiens d'Orient et les autres minorités qui dressera la voie à suivre pour atteindre les objectifs fixés.

La CHREDO est invité à prendre part à la prochaine Grande Fête (Aïd Al Ad'ha) avec les fidèles musulmans, prévue le 5 octobre 2014 à la Mosquée de Paris.

Un groupe de travail commun sera constitué entre les participants et les signataires qui veilleront à la coordination des actions prévues et décidera de la suite des actions.

Les Organisateurs.

Grande Mosquée de Paris et CHREDO

Dalil Boubakeur, Recteur - Patrick Karam, Président

Les participants et signataires,

Rassemblement des Musulmans de France

Anouar Kbibech, président

Coordination des Musulmans Turcs de France

Ahmed Ogras, président

Démocrates Musulmans

Abderrahmane Dahmane, président

© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana

 

La Paix est l’avenir

Intervention d’Andrea RICCARDI, fondateur de la Communauté Sant’Egidio

La 28e Rencontre internationale « Hommes et religions », organisée par la Communauté de Sant’Egidio, est en cours du 7 au 9 septembre 2014, en Belgique à Anvers, sur le thème « la paix est l’avenir : religions et cultures en dialogue cent ans après la Première Guerre mondiale ». Voici l’intervention du fondateur de la Communauté Sant’Egidio, Andréa RICCARDI.

En ces heures, le titre de notre congrès tient à peine du vœu. La réalité d’aujourd’hui n’est pas la paix et elle est loin de pointer à l’horizon. La guerre est revenue sur le territoire européen entre la Russie et l’Ukraine. L’architecture du Moyen-Orient a explosé en l’espace de deux années, tandis que les réfugiés persécutés fuient du nord de l’Irak. La Syrie est en proie à une guerre déchirante et inhumaine. Des histoires douloureuses qui naissent notamment de la réhabilitation de la guerre comme instrument, mais aussi de la collusion entre religion et violence. Des histoires douloureuses qui engendrent une résignation générale à la guerre.

On assiste de manière générale à une détérioration des modalités mêmes de la guerre telles qu’elles sont prévues par les conventions de Genève à l’égard des prisonniers et des blessés, et par le droit humanitaire. Des guerres plus inhumaines. En est la preuve l’étalage des cruautés qui étaient auparavant occultées par ceux qui les commettaient, brandies de nos jours comme une arme, à une époque globale : massacrer et faire étalage de l’horreur (femmes et hommes, humiliés, chassés de chez eux, dénudés, fusillés ou pire) c’est le véritable terrorisme. C’est le culte de la violence, qui terrorise et qui conquiert.

La paix ne semble pas pointer à l’horizon. Elle est loin aussi des grandes villes, surtout dans les banlieues, dominées par la violence diffuse des mafias ou des criminalités, qui éduquent les jeunes au culte de la violence. Une quasi guerre civile. Dans de nombreux pays du monde – je pense à certains pays africains – l’État ne protège pas ses citoyens, la population se trouve entre les mains violentes de groupes criminels ou pseudo-religieux. Je n’évoque pas ces situations pour accroître la peur. Le monde global   le professeur Bauman l’a expliqué avec autorité – est une terre traversée de peurs : il a entre autres remarqué que notre génération, tout en étant technologiquement à son apogée, est celle qui vit le plus dans l’insécurité et la peur.

L’homme et la femme d’aujourd’hui se sentent isolés et à la merci de forces qui peuvent les agresser de loin. Ils vivent ce que le spécialiste des religions, Mircea Eliade, appelait « la peur de l’histoire ». La peur de l’histoire est produite bien souvent par l’ignorance des véritables acteurs de l’histoire, s’ils existent. Il faut dire que le citoyen, seul ou associé, se sent incapable de bâtir l’histoire et n’essaye même pas de le faire. Il n’a pas de pouvoir. La politique n’a pas plus de pouvoir. La peur n’est pas seulement un sentiment. Elle devient parfois mépris pour l’autre, d’une autre religion, ethnie... différent tout court. La culture du mépris est aussi ancienne que l’histoire des hommes, mais, en cette époque de mondialisation, elle connaît une résurgence impressionnante. Et la peur génère la violence que l’on fait passer pour violence préventive contre l’agressivité présumée de l’autre.

Nous nous interrogeons sur la paix et l’avenir : sur la guerre actuelle et sur une violence diffuse qui ressemble à une guerre diffuse. Nous le faisons en Belgique, au même moment où nous commémorons le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, lorsque ce petit pays neutre fut emporté par un conflit qui venait de loin, montrant ainsi que la guerre est contagieuse dans un environnement saturé de tensions au point de devenir un événement mondial. Je saisis cette occasion pour remercier nos amis belges de leur hospitalité et dire un sincère merci à tous ceux qui ont travaillé bénévolement pour la réalisation de cette rencontre. J’adresse une pensée spéciale à l’évêque d’Anvers, Mgr Bonny, et à la Communauté de Sant’Egidio de Belgique.

Le pape François, il y a quelques semaines, a parlé des conflits contemporains, comme d’une sorte de troisième guerre mondiale, morcelée et composée de plusieurs chapitres. Devant la scène internationale, nous nous posons la question : la paix représente-t-elle notre avenir ?

Le chemin que nous avons parcouru remonte à loin. Permettez moi d’en dire un mot. Il commence lors de la première grande rencontre entre les religions à Assise, ville de saint François, convoquée en 1986 par Jean-Paul II : il y avait encore la guerre froide. Nous l’appelons le chemin dans l’esprit d’Assise. Ce grand pape disait alors : « Peut-être jamais comme aujourd’hui, dans l’histoire de l’humanité, n’est devenu évident à tous le lien intrinsèque qui existe entre une attitude authentiquement religieuse et le grand bien de la paix ». Religion et paix s’interpénètrent. Il fallait extirper tout fondement religieux à la guerre et à la violence, nier tout fondement à la guerre de religion. Nous avons continué, depuis 1986, année après année, en rassemblant des femmes et des hommes de religion, des humanistes, pour travailler sur la frontière délicate - spirituelle, mais concrète - entre guerre, religion et paix. Nous l’avons fait dans la conviction que jamais la guerre n’est sainte, mais que seule la paix est sainte.

Nous avons été des sentinelles sur la frontière entre guerre et religion, car de dangereux amalgames se sont créés. Comme entre la fin du XXe et le début du XXIe siècle, lorsque s’instaura une lecture des conflits à la lumière de la guerre de religion et de civilisation. Il s’agissait d’une simplification terrible face à la complexité du monde global, mais commode pour ceux qui cherchaient un ennemi et qui ne voulaient pas prendre la peine de comprendre l’autre, et aussi – faut-il dire - pour ceux qui voulaient faire la guerre ou s’ériger en ennemis des autres ou du monde. Des guerres de religion ? Des hommes et des femmes effrayés se rassurent en trouvant un ennemi à combattre. Des hommes et des femmes avides de pouvoir cherchent la bénédiction et la légitimation de la religion.

Le long du chemin qui s’est frayé à partir d’Assise en 1986, d’année en année, nous avons pris conscience que la paix est une chose trop sérieuse pour n’être que l’affaire de quelques-uns. Jean-Paul II disait alors : « La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, savants et stratèges ». C’est de là que jaillit ce mouvement de paix et de dialogue, qui s’est frayé un chemin en dépit de bien des situations difficiles. C’est ce chemin que des humanistes et des communautés de croyants ont parcouru. À chaque fois nous nous sommes heurtés à l’objection suscitée par les conflits en cours : à quoi votre dialogue a-t-il servi ? Mais que serait le monde sans dialogue ? Le pape François, en visite il y a quelques mois à la Communauté de Sant’Egidio, a dit : « Sans dialogue, le monde étouffe ». J’ajouterais : à quoi sert la prière ? Que serait le monde sans la prière ?

Le dialogue entre les religions, les cultures et les personnes est la réponse appropriée pour vivre ensemble dans des régions et des villes de plus en plus complexes et composites d’un point de vue ethnique et religieux. C’est une pratique quotidienne, une culture, qui se fait proposition. Notamment parce que les guerres laissent toujours le monde pire qu’avant. Considérez seulement ces deux dernières décennies : les guerres du monde global ont laissé un héritage empoisonné d’instabilité, de destructions, de mines antipersonnel, de haines, de peuples déracinés. Je ne le dis pas par conviction pacifiste, mais mu par une claire conscience historique de ce qui s’est passé. Le refus de la guerre ne naît pas d’un pacifisme générique, mais de la volonté d’être pacificateur, autrement dit d’affirmer la voie du dialogue.

Pourtant, face aux conflits, les sièges institutionnels du dialogue semblent usés, alors que la culture et la pratique du dialogue apparaît sous-évaluée, assimilée au politiquement correct, proposée sans passion, parfois raillée par le machisme de ceux qui réhabilitent la guerre et la violence. Les religions ont une responsabilité décisive. Ce monde, effrayé par la crise économique, a besoin du souffle capable de faire renaître l’espérance et la conscience d’un destin commun. Les religions montrent que les hommes accomplissent le même grand voyage et qu’ils ont un destin commun. C’est une conscience fondamentale, simple comme le pain et nécessaire comme l’eau, celle d’un destin commun qu’il faut vivre tout en sauvegardant nos différences : « Tous parents, tous différents » - disait l’anthropologue Germaine Tillion, qui avait connu les camps nazis. Parfois cette conscience se perd dans l’enchevêtrement des haines et des intérêts, dans les perversions de la culture, les fanatismes. Il faut remettre en œuvre les chantiers de l’unité, surtout une tension vers l’unité, simple et fondamentale. Les religions et les cultures peuvent faire renaître cette conscience simple et fondamentale : « Soyez simples avec intelligence ! » – enseignait le grand Jean Chrysostome.

Je pense à deux hommes de dialogue et de religion, de chers amis, deux évêques chrétiens syriens, Mar Gregorios Ibrahim et Paul Yazigi, et Paolo Dall’Oglio, enlevés depuis plus d’un an en Syrie, et dont nous sommes sans nouvelles. Je saisis l’occasion pour saluer le patriarche Ephrem, ici parmi nous, de l’Église syriaque, l’Église de Mar Gregorios, un peuple croyant, pauvre et sans défense qui, des générations durant, a préservé la paix sans recourir aux armes.

Les religions sont attirées parfois par le culte de la violence, qui relève du fanatisme inhumain et simplificateur. Les religions doivent non seulement résister mais puiser à leur profonde force de paix. Cela se réalise dans la rencontre et en cultivant avec générosité la dimension spirituelle de l’amitié. La force de ce chemin dans l’esprit d’Assise est d’affirmer qu’il n’y a pas de guerre et de violence au nom de Dieu : nous le disons au nom de toutes nos traditions religieuses, proclamant que la violence au nom de Dieu est un blasphème. Toutes les traditions religieuses parlent d’un Dieu patient, miséricordieux, lent à la colère, compatissant. Aussi bien la tradition juive que la tradition chrétienne et musulmane. Il faut qu’en ces temps difficiles les croyants, hommes et femmes, trouvent l’audace d’affirmer que la paix est le nom de Dieu. Nous retrouver ensemble, en cette commémoration de la Première Guerre mondiale, devant la situation conflictuelle de la scène internationale, nous donne la force d’affirmer que la paix est l’avenir.

Cela veut dire chercher la paix pour l’avenir de nos pays, pour apaiser les situations conflictuelles, les tensions. Tout croyant, tout leader religieux est appelé à être un homme qui aspire a la paix même au-delà des frontières de sa communauté. Cela fera grandir la passion de la paix, comme une force capable de faire jaillir des idées nouvelles, de multiplier les lieux de rencontre, de s’opposer a la guerre comme un destin inéluctable.

Jean-Paul II nous écrivait il y a quelques années : « La prière faite les uns à côté des autres, sans effacer les différences, manifeste le lien profond qui fait de nous tous d’humbles chercheurs de cette paix que Dieu seul peut donner ». C’est ce que nous faisons ces jours-ci et que nous ferons en particulier le jour de la cérémonie finale. Les religions, – ajoutait le pape - « en plus large mesure aujourd’hui que par le passé, doivent comprendre leur responsabilité historique de travailler pour l’unité de la famille humaine ».

Chers amis, trente années se sont écoulées depuis 1986, lorsque nous avons commencé à parcourir ce chemin. Beaucoup d’entre nous ont vieilli depuis, mais notre conviction est plus que jamais inébranlable : la guerre est une grande bévue et le dialogue est le remède aux conflits. Encore plus qu’hier, nous sommes convaincus que la paix est un grand idéal qui peut inspirer des politiques et des vies personnelles. La paix est un idéal piétiné dans trop de régions du monde : il doit renaître ! La paix est le grand idéal pour des sociétés dépourvues de sentiments et d’idéaux.

© Santegidio.org

 

Que la paix soit le titre de nos espoirs

Intervention de Vian Dakheel Saed

La 28e Rencontre internationale « Hommes et religions », organisée par la Communauté de Sant’Egidio, est en cours du 7 au 9 septembre 2014, en Belgique à Anvers, sur le thème « la paix est l’avenir : religions et cultures en dialogue cent ans après la Première Guerre mondiale ». Voici un témoignage venu d’Irak…

Mesdames et Messieurs

Je vous présente les salutations des fils des minorités en Irak, mélangées avec la tristesse et les douleurs indescriptibles.

Vous êtes sans doute au courant de ce qui s’est passé avec les fils de la religion Yézidi à Sinjar en Irak depuis le début du mois d’août dernier. Mais je suis presque certaine que vous n’avez pas été informés des détails sur ce qui s’est passé comme crimes épouvantables contre une communauté pacifique. Cette communauté qui dans sa culture religieuse et sociale ne connaît pas la violence ni l’assassinat. La religion Yézidi était l’une des plus anciennes religions en Mésopotamie dont les racines remontent au troisième millénaire avant JC.

Ce qui est arrivé aux Yézidis à Sinjar, par les mains de l’organisation terroriste la plus dangereuse contemporaine, est incompatible avec notre conscience maintenant que nous vivons dans le troisième millénaire.

Chers frères et sœurs,

Il y a 400 000 migrants Yézidis dont 300 000 de Sinjar. Il y a eu environ 3 000 morts et des victimes ont été soit tuées par Daash (l’Organisation de l’État Islamique en Iraq et Levant), soit sont mortes de faim et de soif pendant les premiers jours de leur fuite à la montagne Sinjar.

Environ 5 000 personnes ont été enlevées : des hommes, des femmes, des enfants et des familles. La plupart d’entre eux ont été enlevés par Daash dans diverses régions de Sinjar. Des centaines de filles ont été violées et des centaines ont été vendues, elles ont été considérées comme esclaves et selon Daash, on a le droit absolu de les traiter ainsi. Des dizaines de filles ont été vendues dans les marchés de la ville de Mossoul pour 150 $ par fille. Environ 300 jeunes filles ont également été vendues en Syrie et les cas de violences se poursuivent.

Saviez-vous, Mesdames et Messieurs, que l’Organisation Daash s’était retirée de Ciba Shikhddr sans combattre il y a environ trois semaines, puis est revenue à cet endroit ? Est-ce que vous savez que la raison de ce retrait était l’odeur des corps des fils de la religion Yezidi ? Des femmes, des hommes et des enfants ont été tués par cette organisation !

Saviez-vous que dans le village de Kojo (25 km au sud-est de Sinjar) un massacre horrible a eu lieu ? Daash avait entouré ce village où habitaient environ 2 000 Yézidis. Certains ont réussi à s’échapper d’une façon ou d’une autre, les autres ont été obligés de choisir entre l’islam ou le massacre.

Malgré le fait que plusieurs personnes ont appelé à l’aide et ont demandé d’intervenir pour empêcher ce massacre, personne n’est intervenue. Par conséquent, Daash a pris le village d’assaut en exécutant 413 citoyens, des hommes, des jeunes et même des garçons d’à peine 13 ans. Ils ont tous été exécutés par balle. Pour le reste, des hommes et des enfants ont été enlevés. En ce qui concerne les personnes âgées, elles ont été obligées de rester chez elles, parce qu’elles avaient du mal à se déplacer pour échapper à la montagne de Sinjar. On les a mises à l’intérieur d’un des sanctuaires sacrés dans le village de Jdala (au sud-est de Sinjar), puis Daash a fait sauter le sanctuaire.

La montagne de Sinjar où plus de 25 000 familles avaient cherché refuge, a connu une autre tragédie à cause de l’invasion de Sinjar par Daash. Toutes ces familles ont souffert de la chaleur intense, de la faim et de la soif. Et entretemps, Daash continuait à les bombarder.

La tragédie sur cette montagne a duré 10 jours et selon les informations des militants Yézidi, environ 250 enfants sont morts. La plupart étaient bébés. Ils sont morts à cause de la sécheresse et de la soif. Puis, des dizaines de personnes sont mortes empoisonnées après avoir mangé des feuilles d’arbres et des plantes non-comestibles.

Dans cette montagne, des dizaines de personnes sont mortes de peur, de fatigue, de soif. Des dizaines de nos hommes, de nos jeunes, ont été tués.

Ce qui s’est passé à Sinjar était une honte sur le front de chaque personne qui a trahi son devoir de secourir les Yézidis au moment de la crise.

Plus de 120 000 personnes ont tout laissé derrière elles. Elles n’avaient que très peu d’armes, des armes très simples. Chaque pierre de la montagne Sinjar a été témoin de l’horreur de ce qui s’est passé. Chaque arbre sur cette montagne pleurait en voyant le sang des enfants de Sinjar, morts de la soif, et pleurait pour les jeunes filles qui ont été enlevées, violées et revendues à des criminels et des personnes qui sont recrutées dans d’autres pays et qui sont comme des ordures.

Nous, les Yézidis, nous avons déjà été confrontés à des massacres à travers l’histoire et actuellement nous sommes à nouveau confrontés à un massacre.

Des familles ont été enlevées et des centaines d’enfants ont perdu leur mère et leur père. Des dizaines d’entre eux ont perdu tous les membres de leur famille.

Durant toute leur histoire, les Yézidis n’ont jamais attaqué qui que ce soit. Mais nous avons toujours été des victimes qui ont payé au prix fort ; sans autre raison que le fait que nous soyons en désaccord avec la majorité religieuse. Pour cela, mes frères, nous lançons depuis cette tribune un appel à la communauté internationale :

     Nous appelons les autorités internationales compétentes, le Comité des Droits de l’Homme et le Conseil de sécurité de l’ONU à diligenter une enquête à propos de ce processus de massacre qui a ciblé les Yézidis ;

     Nous appelons les pays occidentaux à faciliter les procédures d’asile pour les émigrants Yézidis (contingents de réfugiés) ;

     Nous appelons la Communauté internationale à mettre en place une protection internationale sous la forme de troupes de maintien de la paix pour arrêter la violence contre les minorités dans les régions où elles se trouvent ;

     Fournir une aide humanitaire pour plus d’un demi-million de personnes réfugiées et sans-abri des zones de Sinjar et Ninive qui manquent de tout ;

     Nous appelons la Communauté internationale à mettre tout en œuvre pour libérer les plus de 5 000 femmes et enfants Yézidis qui ont été enlevés par Daash et les centaines de jeunes filles qui ont été violées !

En conclusion, Mesdames et Messieurs, que la paix soit le titre de nos espoirs dans le futur.
Main dans la main, en renonçant au sectarisme, nous pourrions rêver que la paix puisse se répandre dans un avenir proche.

Vian Dakhil Saeed

Parlementaire Yézidi au Conseil irakien des représentants,

Erbil, le 4 septembre 2014

© Santegidio.org

La croix, de l’horreur à la lumière…

Commentaire de l’Évangile la Croix Glorieuse

Il y a deux manières de regarder la croix du Christ. On peut la voir de l’extérieur ou on peut la contempler de l’intérieur.

L'horreur de la croix

La croix nous rappelle d'abord ce que l’homme est capable de faire à l’homme. Chaque jour, l’actualité déverse inlassablement, au rythme des flashs d’information, son lot de misère et de détresse. La haine, la guerre, les attentats odieux, la folie destructrice, l’oppression des pauvres et des petits abîment l’homme. En tous points de la terre, l’homme est méprisé, mutilé, bafoué comme image de Dieu, et c'est chaque fois une croix de trop. Et elles ne manquent ni à l’est, ni à l’ouest, ni au nord, ni au sud. Les siècles peuvent passer, la croix demeure toujours signe de souffrance, de torture, de peur, d’injustice, d’humiliation. Vue de l’extérieur, la croix est donc un instrument de haine, de cruauté et de mort.

La fête d’aujourd’hui nous invite de  passer de ce premier regard à un autre, plus intérieur celui-là. Sur la croix, il y a le corps de Jésus élevé à la vue de tous. Le regarder de l’extérieur c’est voir la faute, la honte du genre humain, c’est voir un corps humilié, quelqu’un dont on préfère se détourner à cause de l’horreur et de la peur que nous inspire la souffrance.

L'amour fou de Dieu

Mais la véritable croix, celle que nous dessinons chaque fois que nous ouvrons les bras, est aussi et d'abord la croix de l’amour. L’homme étend les mains pour embrasser, pour aimer. C’est exactement cela le sens de la fête de ce jour. Jésus crucifié est celui sur qui se concentrent les refus de l’humanité, ses violences et ses fureurs : « Dieu l’a fait pour nous péché » écrira saint Paul aux Corinthiens. Saint Jean dira en citant l’Écriture : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé ». Cette croix – qui est d’abord à nos yeux un instrument de supplice et de douleur - est contemplée par saint Jean comme le signe de l’amour bouleversant de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde ». Elle est la signature de son amour fou (manikos eros) disait le théologien byzantin Nicolas Cabasilas (14e siècle).

Une croix de lumière

Nous connaissons tous ce symbole de guérison qu’est un serpent enroulé autour d’une perche dont l'image est aux devantures de nos pharmacies. En prenant sur lui toutes nos douleurs et toutes nos barbaries, le Christ nous apporte la guérison, le salut, la santé. « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. »

Il y a donc deux façons de considérer la croix du Christ : manifestation de la haine et de la cruauté infernales de l’homme, elle est bien plus encore signe d’un amour qui va jusqu’au bout. Nous croyons qu’en mourant sur une croix le Christ a voulu rejoindre notre humanité dans ce qu’elle a de plus tragique. En aimant, en pardonnant sur la Croix, Jésus ouvre à tous les hommes une issue de lumière. Sur la croix, l’amour du Christ a été plus fort que la mort. Depuis le matin de Pâques, la Croix ne cesse d’indiquer le passage de la haine à l’amour, de la peur à la confiance, de la vengeance au pardon, de la tristesse à la joie, de la mort à la vie.

L’amour transforme l'infamie en victoire sur le mal. Si nos souffrances demeurent difficiles à porter, la fête d'aujourd'hui nous permet de nous unir à Jésus. En lui, recevons la grâce de mettre dans le monde un peu plus de bonté et de compassion.

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