PKO 06.04.2014
Dimanche 6 avril 2014 – 5ème Dimanche du Temps de Carême – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°21/2014
HUMEURS
Une politique sociale cohérente
Les élections terminées peut-être va-t-on pouvoir se mettre au travail et réfléchir sérieusement à mettre en œuvre une politique sociale cohérente en faveur des plus démunis ?
La pauvreté… la situation de précarité… la misère sociale… autant de sujets qui sont régulièrement abordés lors des différentes campagnes électorales… au sortir des élections peu de résultats concrets et efficaces… cependant quelques mesures simples pourraient améliorer le quotidien de nombreuses personnes en situation de précarité…
Ainsi, la Polynésie est le dernier territoire de la République ou, pour obtenir une carte d’identité, il faut un timbre fiscal à 1 500 xfp… pas grand chose pour certains… beaucoup pour une famille qui n’a que 40 000 xfp de revenu par mois… Certes il est toujours possible d’obtenir un exemption de timbre… en justifiant d’une situation d’indigence (on croirait retourner 30 ans en arrière… ou il fallait obtenir un certificat d’indigence auprès de la mairie pour pouvoir se faire soigner !)
À cela s’ajoute le coût d’un acte de naissance… là encore… gratuit dans toute la République (y compris les frais postaux) sauf en Polynésie… 100 xfp plus les frais d’envoi pour certaines communes…
Si l’on y ajoute les photos d’identité à 900 xfp… total : 2 500 xfp !
À cette dimension financière s’ajoute une multitude de tracasseries administratives. Pour ouvrir ses droits au R.S.P.F., il faut un compte bancaire ou postal, une pièce d’identité, une pièce justifiant le lieu de résidence… Pour avoir un compte bancaire ou postal, il faut une pièce d’identité, une pièce justifiant le lieu de résidence, une adresse postale personnelle et 10 000 xfp… Pour avoir une adresse postale il faut une carte d’identité, une attestation de résidence et 2 000 xfp… Le plus cocasse est certainement : pour avoir un acte de naissance il faut une pièce d’identité… pour avoir une pièce d’identité, il faut un acte de naissance !
Voilà une occasion pour nos élus de se poser les bonnes question et de poser des actes concrets… l’un d’eux durant la campagne disait : « Nous faisons beaucoup… mais dans la discrétion, sans air de condescendance envers les pauvres » (oubliant certainement la campagne publicitaire placardée dans toute la ville il y a peu : « La municipalité offre un repas aux SDF tous les 1er jeudi du mois… »)
Pas besoin de foyer ou d’associations subventionnées à coût de million pas même capable de fournir un timbre fiscal ou des photos d’identité !
Juste un peu de bon sens !
EN MARGE DE L’ACTUALITÉ
Le chrétien face à la mort
L’Évangile de dimanche prochain 6 avril (Jean 11, 1-45) nous relate l’attitude de Jésus face à la mort de son ami Lazare et face à Marthe et Marie confrontées à la mort de leur frère. Relisons un texte de Jean-Paul II (qui sera canonisé le 27 avril prochain) où il médite sur le mystère de la souffrance et de la mort.
« La demande qui monte du cœur de l’homme dans sa suprême confrontation avec la souffrance et la mort, spécialement quand il est tenté de se refermer dans le désespoir et presque de s’y anéantir, est surtout une demande d’accompagnement, de solidarité et de soutien dans l’épreuve. C’est un appel à l’aide pour continuer d’espérer, lorsque tous les espoirs humains disparaissent. Ainsi que nous l’a rappelé Vatican II, “c’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet” pour l’homme, et pourtant “c’est par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort”.
Cette répulsion naturelle devant la mort est éclairée et ce germe d’espérance en l’immortalité est accompli par la foi chrétienne, qui promet et permet de participer à la victoire du Christ ressuscité, la victoire de celui qui, par sa mort rédemptrice, a libéré l’homme de la mort, rétribution du péché (cf. Rm 6, 23), et lui a donné l’Esprit, gage de résurrection et de vie (cf. Rm 8, 11). La certitude de l’immortalité future et l’espérance de la résurrection promise projettent une lumière nouvelle sur le mystère de la souffrance et de la mort ; elles mettent au cœur du croyant une force extraordinaire pour s’en remettre au dessein de Dieu. »
(Bienheureux Jean-Paul II :
Encyclique Evangelium vitae, n° 67)
Pour faire la paix après une dispute, pas besoin de l’O.N.U.
Audience générale du mercredi 2 avril 2014
Le grand « cadeau de mariage » que Dieu fait : c’est l’objet de la catéchèse du pape François, sur le sacrement du mariage. Le pape y révèle le secret pour surmonter les tensions dans le couple et les « trois mots magiques ». Et d’expliquer : « Votre union porte le reflet de la Sainte Trinité, et avec la grâce du Christ vous êtes une icône vivante et crédible de Dieu et de son amour. » Le pape ajoute cette remarquer très forte : « C’est une consécration : l’homme et la femme sont consacrés dans leur amour. » Il fait cette recommandation pour vraiment vivre de la grâce reçue : « L’important est d’entretenir la flamme de ce lien avec Dieu qui est à la base de l’union conjugale. » Concrètement, le moyen d’entretenir cette « flamme », c’est de prier : « Quand l’époux prie pour l’épouse et l’épouse prie pour l’époux, ce lien devient fort; l’un prie pour l’autre. » Il explique ensuite la force de ce qu’il appelle les « trois mots magiques » : « est-ce que je peux ? », « merci », « excuse-moi ! ». Le pape terminé en résumant ainsi ses trois recommandations pour un mariage heureux: "La prière, les trois mots magiques, et toujours faire la paix !"
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui nous concluons le cycle de catéchèses sur les Sacrements par le sacrement du mariage. Ce sacrement nous conduit au cœur du dessein de Dieu, qui est un dessein d’alliance avec son peuple, avec nous tous, un dessein de communion. Au début du livre de la Genèse, le premier livre de la Bible, il est dit pour couronner le récit : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme… À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » (Gn 1,27 ; 2,24). L’image de Dieu est un couple marié : l’homme et la femme ; pas seulement l’homme, pas seulement la femme. Mais tous les deux. C’est l’image de Dieu : l’amour, l’alliance de Dieu avec nous est représentée dans cette alliance entre l’homme et la femme. Et ceci est très beau ! Nous sommes créés pour aimer, comme reflet de Dieu et de son amour. Et dans l’union conjugale l’homme et la femme réalisent cette vocation sous le signe de la réciprocité et d’une communion de vie pleine et définitive.
1. Quand un homme et une femme célèbrent le sacrement du mariage, Dieu, pour ainsi dire, se « reflète » en eux, imprime en eux ses propres traits et le caractère indélébile de son amour. Le mariage est l’icône de l’amour de Dieu pour nous. En effet, Dieu est lui aussi communion : les trois Personnes du Père, du Fils et du Saint Esprit vivent depuis toujours et pour toujours dans une parfaite unité. Voilà le mystère du mariage : Dieu fait des deux époux une seule existence. La Bible utilise une expression forte et dit « une seule chair », tant est intime l’union entre l’homme et la femme dans le mariage. C’est bien cela le mystère du mariage : l’amour de Dieu qui se reflète dans le couple qui décide de vivre ensemble. C’est la raison pour laquelle l’homme quitte sa maison, la maison de ses parents et part vivre avec son épouse, s’unit si fortement à elle que les deux – dit la Bible – une seule chair.
Mais vous, les époux, êtes-vous conscients du grand cadeau que le Seigneur vous a fait ? Le vrai « cadeau de mariage », c’est cela ! Votre union porte le reflet de la Sainte Trinité, et avec la grâce du Christ vous êtes une icône vivante et crédible de Dieu et de son amour.
2. Saint Paul dans sa Lettre aux Éphésiens, met en avant le fait que dans les Époux se reflète un grand mystère: le rapport instauré par le Christ avec l’Église, un rapport nuptial (cf. Ef 5,21-33). L’Église est l’épouse du Christ. Voilà ce rapport. Cela signifie que le mariage répond à une vocation spécifique et doit être vu comme une consécration (cf. Gaudium et spes, 48 ; Familiaris consortio, 56). C’est une consécration : l’homme et la femme sont consacrés dans leur amour. Les époux, en effet, par la force du sacrement, sont investis d’une vraie mission. Ils doivent rendre visible, à partir des choses simples, ordinaires, l’amour avec lequel le Christ aime son Eglise, continuant à donner leur vie pour Elle, dans la fidélité et le service.
3. Ce projet né au sein du sacrement du mariage est vraiment magnifique ! Et il se réalise dans la simplicité mais aussi dans la fragilité de la condition humaine ! Nous savons bien que la vie des époux connait tant de difficultés et d’épreuves… L’important est d’entretenir la flamme de ce lien avec Dieu qui est à la base de l’union conjugale. Et le vrai lien est toujours avec le Seigneur. Quand la famille prie, ce lien tient bon. Quand l’époux prie pour l’épouse et l’épouse prie pour l’époux, ce lien devient fort ; l’un prie pour l’autre. C’est vrai que dans la vie matrimoniale il y a beaucoup de difficultés, beaucoup; que le travail, que l’argent ne suffit pas, que les enfants ont des problèmes. Tant de difficultés. Et souvent le mari et la femme deviennent un peu nerveux et se disputent. Ils se disputent, c’est comme ça, on se dispute toujours dans le mariage, et il arrive parfois aussi que les assiettes se mettent à voler. Mais cela ne doit pas nous attrister car la condition humaine est faite comme ça. Et le secret c’est que l’amour est plus fort que le moment où l’on se dispute, c’est pourquoi je conseille toujours aux époux: lorsque vous vous disputez, ne finissez pas la journée sans faire la paix. Toujours ! Et pour faire la paix pas la peine d’appeler les Nations Unies pour qu’elles viennent chez nous faire la paix. Un petit geste suffit, une caresse, et ciao ! À demain ! Et demain on recommence. C’est cela la vie, avancer comme ça, avec courage et vouloir la vivre ensemble. Et cela est grand, c’est beau! La vie matrimoniale est une très belle chose et nous devons toujours veiller sur elle, veiller sur les enfants.
D’autres fois j’ai dit sur cette place une chose qui aide beaucoup la vie matrimoniale. Trois mots que l’on doit toujours dire, trois mots qu’il doit toujours y avoir à la maison : est-ce que je peux ?, merci, excuse-moi. Les trois mots magiques. Est-ce que je peux ? Pour ne pas être envahissant dans les vie des époux. Est-ce que je peux ? Que penses-tu de cela ? Puis-je, permets-moi.Merci: remercier son conjoint ; merci pour ce que tu as fait pour moi, merci pour ci ou pour ça. Rendre grâce, que c’est beau ! Et comme nous nous trompons tous, il y a un autre mot un peu difficile à dire mais qu’il faut dire: excuse-moi. Est-ce que je peux ?, merci et excuse-moi. Avec ces trois mots, avec la prière de l’époux pour l’épouse et vice-versa, en faisant toujours la paix avant la fin de la journée, le mariage continuera. La prière, les trois mots magiques et toujours faire la paix ! Que le Seigneur vous bénisse et priez pour moi.
© Copyright 2014 – Libreria Editrice Vaticana
La pauvreté de Jésus en mission
Réflexion du P. Bruno Régent, s.j.
Bruno Régent, jésuite, directeur des publications Christus et Études, a publié en novembre 2013 dans la revue en ligne Ignaziana, une contribution dont la visée « est d’approcher l’attitude spirituelle positive dite de pauvreté, à partir de la manière dont saint Ignace contemple le Christ ».
Se recevoir d’un Autre
Jésus est pauvre dans son être même puisqu’il est envoyé : Fils, il se reçoit de son Père. Son désir est la gloire du Père, l’accomplissement de sa volonté. Qui est ma mère, qui sont mes frères, qui sont mes compagnons ? Ce sont ceux qui font la volonté du Père (Mt 12,49-50). Cette pauvreté de l’être est englobante des trois vœux – pauvreté, chasteté, obéissance. Elle se traduit par une écoute active, une obéissance ; par un refus de sa propre gloire, de sa réussite, de son prestige, de toute séduction ; par une pauvreté de l’avoir qui reçoit tout de la main du Père. Sans cesse vivre de la relation, risquer la relation, attendre et recevoir d’un autre ; et donc être prêt à tout, richesse comme pauvreté, santé comme maladie, honneur ou déshonneur, pourvu qu’il y ait mission de service et gloire de Dieu, gloire du donateur de la vie, parce que le don de la vie est redonné et non saisi. À l’opposé d’être pauvre, posséder, c’est être satisfait par l’avoir. Nous sommes appelés, à la suite du Christ, à renoncer à tout avoir pour vivre de la vie, vivre du don reçu et redonné, vivre de la foi en celui qui donne. La pauvreté du Christ ne consiste pas à vivre sans objets, sans relations ! Elle est sans cesse vivre la relation aux objets et aux personnes comme exercice du don et non de la possession. Tout ceci est une pauvreté spirituelle, une pauvreté en (de l’) esprit – puisqu’elle touche au jugement propre. Elle prend visage concret dans la vie de Jésus : réception du pain de la main du Père, via un petit enfant ; fuite du prestige après la multiplication des pains ; mise à l’écart de l’aveugle pour le guérir ; accomplissement non de sa volonté mais de celle du Père, etc… On pourrait repérer comment les miracles de guérison ne sont pas ceux d’un guérisseur ou d’un thaumaturge mais sont signes de la puissance du Père, rendue possible par la foi : « Le Seigneur exauce le désir des pauvres » (Ps 10,17). Le pauvre, lui, désire sans désirer avoir ; il désire – parce qu’il est un vivant des relations – la vie de l’autre, c’est-à-dire que l’autre vive. Le Seigneur exauce le désir de Jésus, le Pauvre. L’être en mission est à sa source un être pauvre de lui, sans défense. L’attitude de Bernadette parlant à son curé de l’Immaculée Conception est éclairante ; elle tient ferme dans sa mission : « Il ne m’est pas demandé de vous convaincre (que la dame est bien l’Immaculée Conception), mais simplement de vous le dire ». La pauvreté spirituelle n’est donc pas fondamentalement un détachement, une ascèse, pour grandir en liberté, grandir dans son humanité, dans son épanouissement, sans souffrir d’attachements désordonnés ; elle n’est pas simple sagesse stoïcienne. Elle n’est pas une sobriété qui permette d’éviter les excès ni une assurance d’être bien dans sa peau. L’envoyé est comblé, simplement parce qu’il est envoyé, qu’il est avec (Lc 2 : Marie est dite « comblée de grâces car le Seigneur est avec toi »). C’est la présence qui comble, même quand elle est dans l’absence (cf. le tombeau vide).
Éprouver le manque
« La pauvreté est une grâce, parce qu’elle est spécialement un don de Dieu ; son Fils unique a voulu naître dans la pauvreté et grandir avec elle. Non seulement il l’aima dans sa vie, en supportant la faim, la soif,… mais aussi dans sa mort, en voulant être dépouillé de ses vêtements et manquer de tout, même d’eau quand il eut soif ».
La pauvreté comme grâce, ce n’est pas éprouver le manque, mais c’est éprouver le manque comme don de Dieu, comme lieu d’expression de la foi. Tenir dans la confiance en Dieu dans le manque, c’est être pauvre en esprit. Et nous savons que ce n’est pas simple : dans ma communauté, comme sans doute dans d’autres, quand la qualité du vin, des pommes ou de la glace, n’est pas au top, cela suscite des remarques – pas seulement parce que c’est moins bon, mais parce que ce moins bon est interprété comme une non-attention de la part du chargé d’office, une non-reconnaissance, ou encore une volonté déplacée d’imposer ses standards d’ascèse à d’autres. Le manque est tout de suite situé dans une relation de confiance et de reconnaissance, ou au contraire d’ignorance et de mépris. Et ce débat traverse la Bible : si la richesse, la paix, la vie en sécurité dans ses frontières sont interprétées comme dons de Dieu, comme manifestations de son attention, alors la pauvreté, le manque, les voisins qui viennent faire la guerre, cela est dû à l’infidélité. D’où la question de Job et du serviteur souffrant (Isaïe 53) : si Dieu se manifeste dans le don (et la richesse), peut-il être dans le manque ? Cette pauvreté comme grâce s’oppose à la richesse. Le riche n’éprouve pas le manque, il pense que Dieu l’aime, qu’il lui donne ce qu’il faut pour vivre et il en est satisfait... ainsi la richesse ne permet pas de connaître Dieu, ni la foi. Dire cela est insupportable au riche, car c’est lui faire entendre que quelque chose lui échappe, qu’une réalité est cachée aux sages et aux savants mais révélée aux tout-petits (Mt 11,25). À l’opposé de la richesse, il y a à aimer la pauvreté comme une mère, car elle ouvre à l’écoute de la parole du Père. La pauvreté dont il est question ici n’est pas du volontarisme. En Jésus, elle est la conséquence de la sortie de Dieu ; l’incarnation est décidée en pleine clarté pour le salut du genre humain. Être envoyé crée un ordre, une priorité : le manque est le signe de la mise en œuvre de cette priorité. « Autrement, qui aimerait la pauvreté mais ne voudrait ressentir aucune privation, ni aucune de ses suites, serait un pauvre trop délicat ». Désirer la présence et le service de Dieu, c’est aimer et vouloir un espace large en soi où il puisse y demeurer ; c’est donc vouloir et choisir beaucoup de vide, de silence, de « manque ». « Le Seigneur ne s’appartient pas parce que son être même appartient au Père et à nous, auxquels il a été envoyé dans une mission d’amour ». Jésus, qui se reçoit de son Père comme origine, se reçoit aussi de ceux auprès de qui il est envoyé, et en qui il entend la voix du Père qui l’appelle. Ainsi, l’obéissance n’est pas seulement envers le Père (ou le supérieur dans la vie religieuse, ou le conjoint dans une vie de couple), elle est tout autant envers ceux vers lesquels chacun est envoyé et qu’il n’a pas choisi. Être pauvre de ce que sont les autres, les recevoir de la main du Père, les aimer comme tels.
Mission et style de vie
L’être en mission est aussi un être pour la mission, au service de la mission du Père. Or, le Père veut manifester sa préférence, son élection en faveur des petits et des pauvres, des malades et des pécheurs. Le style de vie de l’envoyé doit s’en inspirer et permettre d’exprimer cette élection. Il y a donc à opérer un choix en faveur des pauvres qui, pour être authentique, est un choix vécu dans une pauvreté spirituelle qui détache de toute réussite, de toute satisfaction. Être pauvre, même des choix faits : s’en remettre au Père quant au jugement, à la récompense. Ne pas décider par soi-même des manières d’être et de faire, du choix des personnes et des lieux, des résultats, des satisfactions à retirer : sur tout cela être indifférent, c’est-à-dire préférer les choix du Père. Sans cesse choisir tel moyen, telle relation, telle attitude, et sans cesse en être pauvre, « indifférent », libre, désirant seulement une gloire du Père plus grande. Les moyens ne sont en soi ni bons ni mauvais ; ils font partie des possibles. C’est un cœur de pauvre qui trouve à ajuster les moyens et la fin, à l’écoute de la volonté de Dieu, à la recherche de ce qui convient au service de la mission de son Fils. Il ne s’agit pas de faire sortir les pauvres d’eux-mêmes pour qu’ils deviennent riches, ni les pécheurs pour qu’ils deviennent parfaits – sans besoin de miséricorde. Il y a à indiquer un passage qui permet de vivre, pardonné, tout en restant convaincu de son être de pécheur ; il y a à indiquer une porte étroite qui débouche – dans la pauvreté – sur une présence comblante. Mais pour indiquer cette traversée vers la vie, le témoignage (du témoin) est celui de l’esprit vivant dans la chair. C’est l’être même du témoin qui est convoqué à cet endroit : témoignant que sa chair pécheresse est traversée par le pardon, que la pauvreté matérielle n’est pas que subie mais choisie, dans la joie d’avoir trouvé un trésor dans le champ qui rend libre par rapport à toutes les autres richesses : il peut s’ouvrir à l’autre et oser la relation, sans peur de ce qu’il est ou de ce qu’il pourrait perdre. Dans la Compagnie de Jésus, suivre le Christ pauvre et en mission, être serviteurs de la mission du Christ, ne donne aucune sécurité de « bien faire » ; cette suite du Christ renvoie sans cesse à un discernement priant : Père que veux-tu que je fasse ? Ce discernement priant ne permet pas un « repos » : le Fils de l’homme n’a pas de pierre où reposer la tête. Il n’existe pas de « bonne pratique » qui rassurerait ; il y a sans cesse à discerner, dans la prière. Ce discernement se déploie dans trois directions, la réception de la mission, la manière de la vivre, ses bénéficiaires.
Recevoir la mission
La mission est reçue, par définition – ce sont les faux prophètes qui s’autoproclament. Dans la vie religieuse jésuite, cela s’incarne annuellement par et dans la rencontre avec le supérieur majeur, et se vérifie (se fait vrai) au long des jours par la vie de communauté locale et dans la relation avec le supérieur local. Refuser de décider par soi-même comment être pauvre est un combat. Dans la méditation des deux étendards, le retraitant demande la pauvreté spirituelle et la pauvreté effective si la divine Majesté veut bien le choisir pour cette vie et cet état. La pauvreté spirituelle est la clé d’entrée. Elle est une grâce, sans cesse à recevoir, car elle touche au jugement, ce qu’Ignace appelle le jugement propre. La pauvreté spirituelle, c’est être pauvre de son esprit, c’est-à-dire oser dire ce que je pense, ce qui me traverse, car ce que je pense m’est donné ; je ne peux donc pas le garder, sinon ce que je pense ne peut porter du fruit ni être converti. Mais être pauvre de son esprit, c’est aussi accepter que la parole de l’autre soit préférée à ce que je pense, quant à ce qui gouverne ma vie. Pouvoir dire : ce que tu me dis, je ne le sens pas pour telle raison, (j’ai déjà pêché sans rien prendre pendant toute une nuit), mais sur ta parole je vais jeter le filet.
Donner gratuitement
Donner gratuitement ce qui a été reçu gratuitement. Cette gratuité des ministères vise sans doute l’indemnité, la gratification financière qui y est liée ; mais elle vise tout autant l’être même : c’est soi-même qui est à donner gratuitement, sans en chercher ni jouissance, ni gratification morale, ni compensation affective. La vraie joie de donner ignore le don en train de se faire et ne regarde que celui qui reçoit. Ainsi prononcer l’offrande de l’Ad Amorem, en apportant sa mémoire, son intelligence, son affectivité, peut se reprendre subtilement : on peut vibrer dans ses homélies, ses accompagnements spirituels, en avoir des compliments, et ne pas entrer dans l’appel du supérieur à faire une thèse... ; ou bien, on termine une thèse, demandée par les supérieurs, et voilà que le supérieur suivant envoie dans une mission qui n’est pas dans le prolongement normal de la thèse ; quel gâchis contraire à la pauvreté peut-on penser ! Sans entrer dans la question du bien fondé de la nouvelle mission confiée, en tout cas la question de l’effectivité de l’offrande de soi est bien posée. Donner gratuitement de son être, partager de ce que l’on est, demande aussi de traverser des peurs et des images de soi, pour suggérer le travail de Dieu dans nos faiblesses : le reniement et la conversion de Pierre sont dans les quatre évangiles et sont au cœur du témoignage de l’apôtre. L’épisode de l’obole de la veuve – qui est pauvre, précise l’évangile de Luc – se conclut ainsi par Jésus : « Ils ont donné de leur superflu, mais elle, de son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc 12,38-44). Tandis que les riches ont donné de ce qui déborde de leur savoir, de leur avoir, de leurs vertus, cette femme, apparemment sans relations, donne de son indigence, « penuria » en latin : elle a donné de sa pénurie, de son manque. On n’est pas ici dans les catégories superflu/nécessaire. Donner le superflu, c’est donner à la surface. Donner de son manque, donner son manque, c’est une ouverture pour la vie à l’endroit même où elle se reçoit. Donner gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement, c’est donner en pauvreté ce que vous avez reçu en pauvreté, dans l’ouverture de votre manque. Ce qui est gratuit est gracieux, il est reçu par grâce, et invite à rendre grâce, à louer. La louange, dans l’épreuve et le manque, ce n’est ni du masochisme, ni un discours pieux adressé à l’affligé pour fuir un geste effectif de solidarité ; elle est inattendue, fragile et joyeuse, enracinée dans la confiance, sans prix. Le Seigneur n’a pas méprisé la pauvreté du pauvre, ni caché de lui sa face (Ps 22,25) et juste après (v. 27) : Les pauvres mangeront et seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur ceux qui le cherchent. La pauvreté débouche sur la louange ; le rassasiement dont il est question n’est pas l’inverse du manque, il n’est que la pauvreté, mangée, digérée, qui est devenue trésor et nourriture et qui comble bien plus que toute richesse. La louange est une posture de pauvre dans laquelle il est possible de durer sans honte. C’est lui qui confesse en vérité « le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » (Ps 23,1).
Solidarités
Il y a beaucoup à insister sur la solidarité évangélique avec les pauvres. Non pas solidarité pour que les pauvres deviennent riches, mais pour que les personnes qui sont affamées, malades, prisonniers, handicapées, etc., découvrent une porte étroite vers la vie, la vraie vie. Trop souvent le mot de pauvre mélange son sens positif – la valeur évangélique qui est l’objet du présent article – et son sens négatif, l’assimilant à la misère. La pauvreté évangélique est l’habit nécessaire de celui qui veut être solidaire de personnes dans la misère ; ou encore, l’amitié avec des personnes dans la misère n’est authentique que portée par un cœur de pauvre. Et réciproquement, un cœur de pauvre est nécessairement compatissant et inventif en faveur des personnes dans la misère. Pauvreté et misère s’appellent l’une l’autre, sans se confondre. Ignace de Loyola, dans les Constitutions de la Compagnie de Jésus, donne aux jésuites des critères de discernement pour le choix des ministères : « ...ils s’emploieront aussi aux œuvres de miséricorde corporelle dans la mesure où le permettront celles qui sont spirituelles, qui importent davantage, et dans la mesure où ils auront assez de forces : par exemple en portant aide aux malades, spécialement dans les hôpitaux, en les visitant et en mettant quelques personnes à leur service, et en apaisant les différends ; ou bien encore en s’employant personnellement à faire ce qu’ils pourront pour les pauvres et pour les détenus dans les prisons, et en faisant en sorte que d’autres le fassent aussi. On gardera la mesure qui convient en tout cela, selon le discernement du préposé, qui aura toujours devant les yeux le plus grand service divin et le bien universel ».
Il serait mensonger de penser que ce genre de texte viserait à détourner les jésuites des missions auprès des personnes dans la misère. Les engagements des premiers jésuites – auprès des réfugiés, des prostituées, des malades notamment – sont suffisamment établis et nombreux pour que l’on ne puisse en douter. Par contre il indique combien ce ministère doit être accompagné d’un cœur qui n’absolutise rien, qui cherche un bien toujours plus grand et qui veut travailler avec d’autres. Encore récemment, le Père Kolvenbach écrivait : « La misère ne devrait pas exister. C’est une honte qu’il y ait tant d’affamés dans ce monde qui pourrait les nourrir mais ne le veut pas vraiment. La pauvreté que le Christ inspire n’implique aucune complaisance pour l’état de pénurie et de privation dans lequel vivent tant de gens. Au lieu de se résigner et de tolérer la misère et la pauvreté comme autant de fatalités, le Christ, dans son être pauvre, a ouvert un nouveau chemin : de riche qu’il était, il s’est fait volontairement pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté. »
Discernement priant
Suivre le Christ pauvre, servir des personnes dans la misère, ne peut se vivre sans un discernement priant ; il n’est pas seulement le fruit d’une dynamique de groupe ou d’analyses sociales et politiques, etc. C’est important de discuter, d’analyser ; mais ce n’est pas le dernier mot. Le discernement priant ne consiste pas non plus à simplement prendre conscience de ses goûts et capacités, de ses envies, de ses limites. Il consiste en une contemplation des mystères de la vie du Christ, en une sortie de soi, pour apprendre et recevoir d’un autre. Le discernement priant inclut donc la parole de l’Autre et des autres, non pour la saisir, la récupérer, mais pour s’y fier. Il n’est pas fait non plus pour choisir le plus efficace, mais pour choisir ce qui augmente la relation, le désir de Dieu et de sa gloire. Discerner, c’est peser la différence entre la jouissance d’un objet ou d’une relation et la joie d’être avec, c’est mettre de l’ordre dans l’usage des objets comme des relations, cherchant à renoncer aux satisfactions pour vivre de la joie : c’est elle qui, dans les nécessaires relations aux êtres et aux choses, nous ordonne au désir et au service de Dieu. Ignace a laissé un feuillet « élections sur la pauvreté » ; il y note les arguments pour et contre concernant le choix d’avoir ou non des revenus fixes. Ce qu’il estime décisif en faveur de la pauvreté est ce qui nourrit la suite du Christ, la foi, l’espérance, l’édification. « Avant même d’être un service des pauvres, la pauvreté évangélique est une valeur en soi » reprend à son compte le Père Kolvenbach en citant Jean-Paul II ; phrase étonnante. Peut-il y avoir une valeur plus haute que le service des pauvres ? L’onction de Béthanie (Jn 12,1-8) peut donner une piste de réflexion : il est des affaires de cœur qui sont sans comparaison possible avec les questions financières. Le geste de Marie dans cette onction honore les pauvres : dans la gratuité du don, dans la liberté manifestée, alors qu’il y a manque pour ceux dans la misère aux alentours, est indiquée la porte étroite de la vie. Si Jésus peut ressusciter son frère Lazare, alors il n’est plus besoin de thésauriser, de garder des réserves pour le moment où viendra la mort ; le don du parfum renonce à son efficacité même – celle d’honorer un mort –, à toute satisfaction : il est hymne à la vie et au Vivant. Des statuts de la pauvreté décrivent pour les jésuites des pratiques conformes à leur vœu de pauvreté. Un tel opuscule peut sembler ambigu : si l’on est fidèle à ses prescriptions, on en serait quitte avec la pauvreté, on serait « en règle », on pourrait se déclarer pauvre... devenant ainsi riche de soi ! Peut-être ces statuts seraient-ils tout aussi bien nommés : « statuts des affaires économiques » ; il n’y a d’ailleurs pas de statuts de l’obéissance, ni de statuts de la chasteté. Mais les jésuites sont membres d’un Corps international. Ces statuts disent l’état actuel du discernement priant de leur Communauté internationale pour qu’ils les reçoivent et les reprennent à leur compte localement, dans un discernement priant. Ils indiquent l’incarnation de la pauvreté spirituelle dans notre temps, auprès de nos contemporains. Une pauvreté spirituelle sans inscription dans la chair n’est qu’illusion.
Conclusions
Les profès de la Compagnie de Jésus s’engagent à ne pas relâcher la pauvreté. Si l’esprit d’une telle promesse se comprend, son application est vite complexe quand il s’agit de réviser les règles de pratiques financières et administratives.
Qu’est-ce que relâcher la pauvreté ?
Sans doute faut-il d’abord insister sur l’engagement pris de ne pas affaiblir la conformité au Christ pauvre ; il n’y a rien à affaiblir sur la force et l’authenticité de ce désir, et les lieux de combats sont immenses. Tout peut venir le battre en brèche : qu’il est tentant de justifier des accommodements, quant à la propriété de petits biens, quant à la satisfaction narcissique ou mondaine de quelques honneurs, quant à la manière de tenir à son jugement propre par rapport à ce qui est demandé dans la mission. Ne pas relâcher le désir de suivre le Christ qui s’est anéanti lui-même, qui n’a rien revendiqué pour lui, etc., quelle exigence en terme de prière, d’obéissance, de manière de vivre : ainsi tout n’est pas bon en matière de spectacle, de rythme de vie, d’habitat, etc. ; il est si vite fait de se raconter que c’est au nom de l’inculturation qu’il faut aller voir tel spectacle, acheter tel objet... ! Dans la vie communautaire, ne pas relâcher par exemple sur la qualité de la parole échangée, sur l’attention aux autres. C’est cette folie de la suite du Christ pauvre, sans cesse recherchée, qui fait trouver des pratiques adaptées et renouvelées, qui permet de se décider dans les choix concrets : les moyens restent relatifs, seconds, mais quand ils sont choisis et habités par la fin visée, ils sont à mettre en œuvre avec détermination et sans retard.
Qui sont les pauvres ?
Seul celui qui est pauvre connaît et reconnaît d’autres pauvres. Le monde ignore qui ils sont. Le Pauvre, le Christ, voit ce que personne n’avait vu : la veuve donnant ses piécettes, celui qui avait faim nourri, celui qui était prisonnier visité, celle qui brise le flacon de parfum honorant la vie. Quand des pauvres – des publicains et des pécheurs – se rencontrent, il se vit une fête, une joie, un partage, que les riches – les pharisiens et les scribes – ignorent, jalousent et condamnent. Les pauvres excèdent toute connaissance. Et cependant c’est dans la contemplation du visage de frères et de sœurs, par le partage de leur humanité, que nous apprenons à connaître le Christ pauvre. Puisse la Passion du Christ nous libérer, nous ouvrir, pour que nous partagions la joie des pauvres. S’ils nous invitent à leur banquet, confusion de joie ! Venons nous prosterner et offrons nos coffrets – nous-mêmes.
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Choisir la vie
Commentaire de l’Évangile du 5ème Dimanche du Temps de Carême
Après les évangiles de la Samaritaine et de l’aveugle-né, voici, avant que ne s’ouvre la semaine sainte, un troisième long récit de saint Jean. Comme les deux précédents, il s’agit d’une catéchèse sur le baptême, sur la « plongée » dans la mort et la Résurrection de Jésus. Tel est le message exigeant qui précède le récit de la Passion que nous lirons dimanche prochain : si l’on veut espérer avoir part à la Résurrection du Christ, il nous faut plonger avec lui dans la mort.
Deux notations surprenantes
La résurrection de Lazare est, dans le quatrième évangile, le dernier « signe » de Jésus et le plus important. Il se situe six jours avant la pâque, préfigurant en Lazare ce qui va arriver à Jésus. Car c’est bien plus de Jésus que de Lazare dont il est question ici. Deux détails surprenants du récit nous le montrent.
D’abord l’étonnante finale du récit. Si vraiment Lazare est revenu de la mort, on s’attendrait à ce qu’il raconte ce qu’il a vu dans son expérience de la mort... comme dans les témoignages de « vie après la vie. » Rien de tout cela. Lazare ne pipe mot et disparaît dans l’arrière-plan tandis que les projecteurs se fixent sur Jésus.
Et puis, avant même cette finale frustrante, il y a ce retard de Jésus qui ne semble pas pressé de partir, alors même qu’on lui dit que son ami est au plus mal. Jésus qui reste encore trois jours sur place avant de se mettre en route. Jésus ensuite qui ose répondre au reproche des deux sœurs : « je me réjouis pour vous de n’avoir pas été là-bas, afin que vous croyiez. »
Dieu n’a pas fait la mort
Cette réponse, il faut lui donner toute sa portée : à travers la mort de Lazare elle vise toutes nos morts. Jésus montre que Dieu n’est pas du côté de la mort, mais de la vie, et que, s’il laisse à la mort un temps son pouvoir, c’est parce que, à travers elle, il donne à l’homme, par la foi, l’espérance d’en sortir vivant et vainqueur.
Mais cette victoire, lui-même ne l’obtient qu’en subissant la mort. « Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous, » nous disait saint Paul dans la deuxième lecture. De la mort infâme que subira Jésus, va surgir la vie pour tous les enfants de Dieu.
Au cœur du récit évangélique, ce n'est pas le miracle qui importe, mais le dialogue de Jésus avec Marthe. « Je suis la résurrection et la vie », et aussi la réponse de Marthe : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui doit venir dans le monde. » Cette confession de foi de Marthe dans l'Évangile de Jean est bien plus plénière que celle de Pierre : « À qui irions-nous ? Tu as les paroles de vie éternelle » (6, 66-71). Marthe est ici, bien plus que Pierre, le modèle de la croyante. Et même Marie, accablée par le chagrin, sans professer sa foi, se tourne vers Jésus et non vers le sépulcre Dans son immense peine, elle choisit de regarder la vie.
Choisir la vie
Le texte d'Ézéchiel peut nous aider à appliquer ce récit à notre existence : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez de nouveau. » Nous faisons l'expérience de la mort de tant de façons au cours de notre existence. La manière dont Lazare sort du tombeau en est l’expression symbolique :« les mains et les pieds liés de bandelettes et le visage couvert d'un suaire ».
Notre « visage est couvert d'un suaire. » Ce suaire peut être le masque de mort que nous nous sommes fait pour nous protéger des autres, ou pour nous montrer autre que ce que nous sommes. Peut-être est-ce le masque de nos ambitions, de nos peurs ou de nos mensonges qui sont autant de formes de mort.
Lazare, le pécheur aimé de Jésus comme chacun de nous, du plus profond du royaume de la mort, entend son cri : « viens dehors ! » Il revient des enfers, comme le baptisé remonte de la piscine baptismale.
Avec Thomas, « allons-y, nous aussi pour mourir avec lui »et, dans l’Esprit, recevoir« la vie à nos corps mortels. » Avec Marthe, passons de la mort à la vie, en confessant la foi pascale de notre baptême : « tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Avec Marie, tournons les yeux vers le Seigneur.
Il ne nous reste que quinze jours d’ici Pâques. C’est l’occasion d’oser un jeûne qui nous offre une plus grande liberté à l’égard de ce qui nous emprisonne. Accueillons le sacrement de la réconciliation comme la grâce d’être déliés de nos péchés. Accueillons l’invitation à la prière comme une plus grande intimité avec Dieu. Enfin partageons avec les pauvres par la deuxième collecte de Carême.
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