PKO 04.05.2014

eglise-cath-papeete-1.jpgDimanche 4 mai 2014 – 3ème Dimanche du Temps de Pâques – Année A
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°27/2014

HUMEURS

« Ne m'appelez plus jamais “Papeete, capitale de la Nouvelle Cythère” »

« Ne m'appelez plus jamais "France".
La France elle m'a laissé tomber.
Ne m'appelez plus jamais "France".
C'est ma dernière volonté. »

Nous avons envie de parodier cette chanson de Michel Sardou au sujet du paquebot France… en regardant la ville de Papeete ces derniers temps lors des passages de paquebots…

À l’heure où l’on ne cesse de nous seriner sur l’importance du tourisme pour la Polynésie… Papeete est la honte de la Polynésie… Que ce soit pour le long « week-end » de Pâques où le 1er mai… voir ces touristes errer dans les rues de Papeete devant des rideaux métalliques désespérément baissés… nous laisse sans voix !

Il y a bien quelques activités organisées par les services du tourisme près des quais des paquebots… mais dès que les touristes s’aventurent au cœur de la ville… c’est la ville fantôme ! Même les taxis semblent absents… ainsi vendredi saint, un couple de touristes est venu au secrétariat du presbytère pour demander s’il était possible de téléphoner à un taxi !

Papeete, capitale ! Capitale fantôme ! L’on ne cesse de nous bassiner sur la mauvaise image des SDF dans les rues de Papeete… on publie des arrêtés municipaux pour les empêcher d’être là à la demande de commerçants « agacés » de voir leur clientèle s’éloigner…

Ne pourrait-on pas  aussi envisager un arrêté municipal, qui à défaut de pouvoir obliger les commerçants à ouvrir leurs magasins, les contraindrait au moins à lever leurs rideaux métalliques ? Ne pourrait-on pas envisager de faire appliquer l’arrêté municipal qui interdit de laisser les bacs d’ordures sur le bord des trottoirs à longueur de journée ?

On pourra monter tous les Mahana Beach imaginable… tant qu’il n’y aura pas une prise de conscience communautaire de l’importance du tourisme pour la Polynésie… il n’y aura pas de fruits…

« Ne m'appelez plus jamais
“Papeete, capitale de la Nouvelle Cythère”
Mes habitants m’ont laissé tomber !
Ne m'appelez plus jamais
“Papeete, capitale de la Nouvelle Cythère”
C’est ma dernière volonté ! »

EN MARGE DE L’ACTUALITÉ

Mai : un mois dédie à la Vierge Marie

Le mois de Marie fait partie des dévotions populaires qui remontent au XIIè siècle, même si l’approbation officielle du Saint-Siège ne date que de 1815. Le mois du Rosaire fixé en octobre, est une tradition un peu plus récente qui a suivi la victoire de Lépante (7 Octobre 1571) contre les Turcs qui menaçaient d’envahir l’Occident.

La récitation du chapelet et la visite des familles ont parfois donné lieu à des excès, donnant l’impression qu’on accordait une place plus importante à la Vierge Marie qu’à son Fils, Jésus. Et on comprend que cela ait pu exaspérer nos frères et sœurs protestants.

Pie XII fut un grand promoteur du culte marial puisqu’en 1942 il a consacré le monde au cœur de Marie, en 1950 il a promulgué le dogme de l’Assomption, et fait de l’année 1954 une année mariale exceptionnelle. Ce renouveau de la dévotion mariale mit mal à l’aise un bon nombre de théologiens qui se préoccupaient de la question œcuménique et du rapprochement entre les Églises chrétiennes. Jean-Paul II, en publiant l’encyclique Redemptoris Mater (le Mère du Rédempteur), était animé d’une volonté œcuménique et rappelait que le rôle de Marie s’inscrit dans la démarche de foi de l’Église et de tous les chrétiens. Marie y est présentée comme modèle du cheminement dans la foi.

C’est pourquoi le Directoire sur la piété populaire et la liturgie souligne qu’il est bon et spirituellement fécond de vivre ce mois (de mai) au rythme de la liturgie, en mettant « en évidence la participation de la Vierge Marie au mystère pascal et à l’événement de la Pentecôte qui inaugure le chemin de l’Église, c’est-à-dire un itinéraire qu’elle-même (…) parcourt sous la conduite de l’Esprit-Saint » (n°191).

Ainsi bon nombre de nos frères et sœurs protestants comprennent mieux la place que, nous, catholiques, donnons à la Vierge Marie. D’ailleurs il est heureux de constater qu’un des plus beaux textes écrits sur la Vierge Marie soit actuellement réédité par les protestants : il s’agit du Magnificat, un magnifique commentaire du cantique évangélique publié par Luther le 1er mars 1521.

Dominique SOUPÉ

Le don de l’intelligence est intimement lié à la Foi

Audience générale du mercredi 30 avril 2014

Le don de l'intelligence « fait comprendre les choses comme Dieu les comprend, avec l’intelligence de Dieu » : c'est « le don par lequel l’Esprit-Saint introduit [l'homme] dans l’intimité de Dieu et [le] rend participant de son dessein d’amour », explique le pape François. Si « on peut comprendre une situation avec l’intelligence humaine, avec prudence », cependant « comprendre une situation en profondeur, comme Dieu la comprend », est l’effet du don de l'intelligence, a-t-il souligné. Par ce don en effet, l’Esprit-Saint « nous ouvre l’esprit, il nous ouvre pour que nous comprenions mieux, pour que nous comprenions mieux les choses de Dieu, les choses humaines, les situations, tout », a-t-il ajouté.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir examiné la sagesse, qui est le premier des sept dons du Saint-Esprit, aujourd’hui, je voudrais attirer notre attention sur le second don, à savoir l’intelligence. Il ne s’agit pas ici de l’intelligence humaine, de la capacité intellectuelle dont nous pouvons être plus ou moins dotés. C’est au contraire une grâce que seul l’Esprit Saint peut répandre et qui suscite chez le chrétien la capacité d’aller au-delà de l’aspect extérieur de la réalité et de scruter les profondeurs de la pensée de Dieu et de son dessein de salut.

Lorsqu’il s’adresse à la communauté de Corinthe, l’apôtre Paul décrit bien les effets de ce don – c’est-à-dire ce que fait en nous le don de l’intelligence – et Paul dit ceci : « nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit » (1Co 2,9-10). Cela ne signifie évidemment pas qu’un chrétien peut tout comprendre et avoir une connaissance entière des desseins de Dieu : tout cela demeure dans l’attente de se manifester dans toute sa limpidité quand nous nous trouverons en présence de Dieu et que nous serons vraiment un avec lui. Mais, comme le suggère le mot lui-même, l’intelligence permet de « intus legere », c’est-à-dire de « lire à l’intérieur » : ce don nous fait comprendre les choses comme Dieu les comprend, avec l’intelligence de Dieu. Parce qu’on peut comprendre une situation avec l’intelligence humaine, avec prudence, et c’est bien. Mais comprendre une situation en profondeur, comme Dieu la comprend, c'est l’effet de ce don. Et Jésus a voulu nous envoyer l’Esprit-Saint pour que nous ayons ce don, pour que nous puissions tous comprendre les choses telles que Dieu les comprend, avec l’intelligence de Dieu. C’est un beau cadeau que le Seigneur nous a fait à tous. C’est le don par lequel l’Esprit-Saint nous introduit dans l’intimité de Dieu et nous rend participants de son dessein d’amour pour nous.

Il est clair alors que le don de l’intelligence est étroitement lié à la foi. Quand l’Esprit-Saint habite notre cœur et illumine notre esprit, il nous fait grandir jour après jour dans la compréhension de ce que le Seigneur a dit et accompli. Jésus lui-même l’a dit à ses disciples : je vous enverrai l’Esprit-Saint et il vous fera comprendre tout ce que je vous ai enseigné. Comprendre les enseignements de Jésus, comprendre sa Parole, comprendre l’Évangile, comprendre la Parole de Dieu. On peut lire l’Évangile et comprendre quelque chose, mais si nous lisons l’Évangile avec ce don de l’Esprit-Saint, nous pouvons comprendre la profondeur des paroles de Dieu. Et c’est un grand don, un grand don que nous devons tous demander et demander ensemble : Fais-nous, Seigneur, le don de l’intelligence.

Il y a un épisode de l’Évangile de Luc qui exprime très bien la profondeur et la force de ce don. Après avoir assisté à la mort en croix et à la sépulture de Jésus, deux de ses disciples, déçus et accablés, quittent Jérusalem et retournent dans leur village qui s’appelle Emmaüs. Pendant qu’ils sont en chemin, Jésus ressuscité s’approche et commence à parler avec eux, mais leurs yeux, voilés par la tristesse et le désespoir, ne sont pas capables de le reconnaître. Jésus marche avec eux, mais ils sont si tristes et si désespérés qu’ils ne le reconnaissent pas. Mais quand le Seigneur leur explique les Écritures, afin qu’ils comprennent qu’il devait souffrir et mourir pour ensuite ressusciter, leur esprit s’ouvre et, dans leur cœur, l’espérance renaît (cf. Lc 24,13-27). Et c’est cela que l’Esprit-Saint fait avec nous : il nous ouvre l’esprit, il nous ouvre pour que nous comprenions mieux, pour que nous comprenions mieux les choses de Dieu, les choses humaines, les situations, tout. Le don de l’intelligence est important pour notre vie chrétienne. Demandons-le au Seigneur, qu’il nous donne, qu’il donne à chacun de nous ce don pour que nous comprenions, comme il le comprend, ce qui arrive et surtout pour que nous comprenions la parole de Dieu dans l’Évangile. Merci.

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Le chômage des jeunes , une crise qui menace notre avenir

Commission Justice et paix européennes – janvier 2014

La conférence des Commissions Justice et Paix d’Europe a publié début janvier 2014 un document d’alerte à l’approche des élections européennes en mai 2014. S’inquiétant de l’ampleur du chômage des jeunes en particulier, elle dénonce l’incapacité de prendre en considération la signification profonde du travail dans une politique économique et sociale. Elle craint la perte des valeurs de base de solidarité, de bien commun et de service aux autres dans une société de plus en plus matérialiste.

Dans l’ensemble de l’Europe, alors que recule l’inquiétude générale au sujet du chômage, les jeunes, eux, paient cher une crise économique dont ils ne sont pas responsables, en subissant un taux de chômage plus élevé que le reste de la population. Le chômage des jeunes existait déjà avant la crise économique et financière, mais le taux de chômage moyen en Europe est aujourd’hui deux fois plus élevé pour les jeunes que pour les autres groupes d’âge, et, dans plusieurs pays, ce taux dépasse 50 %.

En tant que Conférence des Commissions Justice et Paix d’Europe, nous souhaitons ajouter notre voix à celles qui ont récemment appelé à une urgente remise en question de la stratégie apte à corriger cette injustice.

Le marché mis au-dessus des besoins de la société

Bien qu’au niveau de l’Union Européenne il y ait eu une prise de conscience bienvenue, avec des milliards d’euros attribués à des programmes de protection pour les jeunes, cette crise ne sera pas résolue seulement par les politiques économiques. Il faut reconnaître que l’une des causes fondamentales de la crise a été l’incapacité de comprendre que la signification du travail dépasse de loin l’emploi payé, et comporte des implications personnelles, sociales et culturelles d’importance. Pour cette raison, l’enseignement social de l’Église catholique a constamment mis l’accent sur le fait qu’un travail convenable est un droit de l’homme essentiel. Dans de nombreux pays européens aujourd’hui, ce droit est refusé à beaucoup, voire à des millions de jeunes.

Les demandes du marché et du secteur financier ont été mises au-dessus des besoins de la société, et en particulier au-dessus des besoins des jeunes. Ceux-ci représentent l’avenir de notre société, mais leurs projets de vie ont été réduits et leur dignité humaine offensée. Ils courent le risque de devenir une génération perdue. L’accent a été mis sur l’équilibre des budgets nationaux, tandis que le besoin d’investissement humain a été ignoré. Ce choix compromet finalement les possibilités d’une croissance économique durable à long terme. Le poids démoralisant du chômage détourne beaucoup de jeunes de s’impliquer dans la formation et dans l’entreprise. De plus, beaucoup de jeunes paient des droits élevés pour une formation universitaire et professionnelle, s’endettant dès leur jeune âge, alors que des emplois ne sont pas immédiatement disponibles. D’autres choisissent d’émigrer, à la recherche de meilleures possibilités ailleurs. Bien qu’une plus grande liberté de mouvement à travers les frontières nationales doive aujourd’hui être encouragée, pour les pays qui perdent un grand nombre de jeunes à cause d’un manque de possibilités, les conséquences sont accablantes.

En réponse à cette crise, une priorité essentielle pour les gouvernements, ainsi que le reconnaissent des responsables de l’Union Européenne, doit être d’investir dans des possibilités d’emploi pour des jeunes. Pour que cet investissement soit efficace, il faut que des employeurs s’engagent de manière significative à donner du travail à des jeunes.

Les employeurs devraient être encouragés à rassembler un ensemble équilibré de travailleurs, afin d’employer à la fois des jeunes qui ont besoin d’expérience et d’autres travailleurs qui ont une expérience à partager. Il est également important que des règles solides existent pour éviter une exploitation des jeunes, s’assurer qu’ils reçoivent une juste rémunération de leur travail et que des possibilités de formation correctes leur soient offertes.

Il faut reconnaître que beaucoup de jeunes ont été déçus par les responsables politiques et par les mesures prises : ils considèrent que leurs besoins et leurs préoccupations ont été dédaignés. La propagation d’une telle déception met la démocratie en danger et menace la stabilité future de nos sociétés. À travers l’Europe, ces sentiments se sont manifestés de différentes manières, y compris par des mouvements violents de protestation, ce qui a encouragé des extrémistes politiques. En parallèle à une politique pour lutter contre le chômage des jeunes, les responsables politiques doivent démocratiquement mettre en place des mécanismes de consultation qui intègrent les jeunes dans les processus destinés à résoudre la crise.

À long terme, l’éducation doit être primordiale pour une politique d’emploi durable. Et les institutions d’enseignement doivent engager un dialogue régulier avec les employeurs pour s’assurer que les cours dispensés sont adaptés à l’état actuel du marché du travail. Le modèle traditionnel d’un « travail pour la vie » ne peut plus être un but réaliste. Beaucoup de jeunes tireraient bénéfice d’une approche plus souple, qui les encourage à acquérir une large gamme de qualifications et à continuer à les développer tout au long de leur vie de travail.

La crise, occasion d’un changement culturel

Dans ce contexte, les valeurs que nous transmettons aux jeunes concernant le travail et l’emploi sont importantes également. Les valeurs de base de solidarité, de bien commun et de service aux autres peuvent être perdues dans notre société de plus en plus matérialiste.

Cela n’est pas seulement préjudiciable pour la santé mentale et le bien-être de l’individu ; cela peut conduire à une rupture de la cohésion sociale et des liens de solidarité dans la société.

Le chômage des jeunes est le symptôme le plus évident et le plus douloureux d’un problème beaucoup plus large : l’incapacité de prendre en considération la signification profonde du travail dans une politique économique et sociale. Certes, le chômage des jeunes devrait être une priorité pour les gouvernements, pourtant ce problème ne devrait pas être envisagé seul, mais comme partie d’un ensemble plus vaste qui envisage les obstacles à l’emploi touchant les gens dans tous les secteurs de la société. Il devrait aussi devenir un point permanent du programme du Conseil européen et figurer comme une priorité pour les organisations internationales concernées. Des interventions d’assistance à court terme sont vitales, mais plus importants encore sont la politique à long terme et les changements culturels nécessaires pour proposer à nos sociétés un modèle d’emploi plus juste et plus durable. La crise actuelle nous donne enfin une réelle possibilité de changement et de reconnaître et encourager l’aspiration légitime des jeunes à participer aux responsabilités.

Dans l’attente des prochaines élections européennes, nous demandons aux gouvernements européens et aux institutions de l’Union Européenne de :

  • Mettre la priorité sur l’emploi dans les plans de redressement économique, avec des projets spécifiques pour répondre au chômage des jeunes, projets développés en consultation avec des jeunes ;
  • Faire progresser rapidement la reconnaissance des diplômes à l’intérieur de l’Union Européenne ;
  • Examiner les mécanismes existants de consultation et d’intégration des jeunes, avec le projet de surmonter à la fois leur absence de la politique et la montée de l’extrémisme au sein de la jeunesse ;
  • Soutenir les employeurs qui proposent des possibilités appropriées aux jeunes, tout en vérifiant qu’il existe des règlements de protection contre l’exploitation de jeunes travailleurs ;
  • Donner une aide financière à l’enseignement et à la formation professionnelle ;
  • Mettre au point des mécanismes de consultation pour vérifier en quoi nos systèmes actuels d’éducation contribuent à un emploi durable, en y faisant participer tous les principales parties prenantes, notamment les entreprises, les syndicats, les organisations du travail et les jeunes.

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Un prêtre est d’abord apprécie parce qu’il aime

Homélie de Mgr Wintzer, archevêque de Poitiers - 14 avril 2014

À l’occasion la journée du presbyterium et de la messe chrismale à Ligugé, Mgr Pascal Wintzer a donné une homélie dans laquelle il a invité à ne pas se résigner à la pénurie de prêtres mais à oser faire écho à l’appel de Dieu. Il a exhorté ses prêtres à se libérer de la culture ambiante de compétitivité pour prendre le temps de la rencontre avec leurs paroissiens. L’essentiel, a insisté Mgr Wintzer, est de « vivre et de témoigner de l’Évangile ». Il a demandé aux prêtres, à qui vont être confiées de nouvelles paroisses suite au processus de réaménagement mis en place il y a deux ans, de rester à l’écoute notamment des plus petits et de « commander chrétiennement » en tenant compte des réalités locales.

[…] Pour l’exercice de notre ministère j’aime à décliner trois verbes, trois tâches principales : appeler, former, accompagner.

Ceci désigne toutes les dimensions du ministère.

Nous comprenons bien entendu ces verbes, et nous avons raison, comme s’appliquant à la mission paroissiale. Cependant, je voudrais les appliquer aussi, et même d’abord, à l’appel au ministère de prêtre.

L’appel à la racine de toute chose

Certes, au long de son histoire, l’Église a fait face à de grandes diversités quant au nombre des prêtres.

Même si notre mémoire immédiate, celle des fidèles avant tout, est marquée par une présence nombreuse des prêtres, une présence nombreuse et diverse : dans les paroisses, les mouvements, les établissements scolaires, etc., il n’en a pas toujours été ainsi. Nous nous y habituons depuis quelques dizaines d’années, et nous le ferons encore dans les années à venir.

Cependant, ce regard, historique, d’organisation, s’il est juste, ne peut être le seul. On ne peut se satisfaire de dire que nous saurons nous organiser, organiser la vie de l’Église, pour qu’elle s’ajuste à un nombre bien plus réduit de prêtres. L’histoire biblique place l’appel à la racine de toute chose. La réponse ne nous appartient pas, l’appel non plus puisqu’il est de Dieu, mais nous appartient, et c’est notre grave responsabilité, de donner écho à l’appel, de le dire possible, de dire que nous attendons, souhaitons ardemment, que certains y répondent.

Tout acte pastoral, et je me le dis à moi-même, devrait, ne serait-ce que mentionner, que Dieu appelle, que l’Église appelle et espère, et que nous le faisons et le vivons en elle. Cet appel, il retentit dans le contexte de notre pays. Je peux ici souligner que des jeunes qui envisagent un engagement dans l’Église, comme d’ailleurs tous ceux qui envisagent un engagement pour toute la vie, connaissent une double insécurité.

C’est d’abord une insécurité psychologique et affective, dans un environnement où beaucoup peinent à demeurer fidèles à leurs engagements ; et c’est aussi une insécurité institutionnelle dans une Église où l’exercice du ministère est fluctuant et évolue vers l’inconnu. Ces insécurités engendrent une recherche légitime de sécurités, au risque cependant que ces sécurités soient trompeuses et dès lors d’aucune utilité.

Je voudrais alors vous faire part d’une joie et d’une peine. Une joie, c’est la générosité et la disponibilité des prêtres pour la mission et pour leur engagement dans la société française d’aujourd’hui. Une peine, notre difficulté – qui n’est pas nouvelle – à nous oublier nous-mêmes, pour rechercher des signes d’existence et de reconnaissance, ces sécurités ambigües que j’évoquais il y a un instant. Ceci est bien une caractéristique d’un temps qui valorise l’image de soi.

Se libérer de la culture de la compétitivité

J’ajoute que la traversée de l’échec, toujours difficile, mais dont on ne peut faire l’économie, est plus que jamais éprouvante (et ceci touche aussi la vie de couple).

Il faut toujours redire que la spiritualité de la croix, du mystère pascal, est au cœur de l’existence chrétienne. Pourtant, nous échouons, nous souffrons, au regard de ce qui nous tient le plus à cœur : le Seigneur, son Évangile. Ce pour quoi nous vivons, ce pour quoi nous avons donné notre vie, n’est pas connu, n’est pas reçu.

Cependant, pouvons-nous devenir libres de la culture de nos pays riches : la culture du succès, de la compétitivité, de la réussite ? Elle contamine aussi la vie de l’Église. Cette culture est à proprement parler une « culture de mort », elle empoisonne la vie ; elle fait naître l’esprit de compétition, qui détruit les autres en les érigeant en concurrents, et elle nous détruit aussi, elle rend, même pas l’échec, mais simplement l’absence de succès – quel succès – intolérable et engendre la culpabilité.

L’Évangile veut nous libérer de nous-même, et il en dévoile le chemin : nous mettre à l’écoute des autres. Or, cette écoute, même distraite, ne peut être sourde à des cris comme ceux-ci : « Y a-t-il quelqu’un qui m’aime ? Y a-t-il quelqu’un qui veut être mon ami ? » Cette question, cette angoisse même, qui ne l’entend pas, et de la part de combien autour de nous, et pourquoi pas chez nous-mêmes ?

Les choses ne vont pas comme il faut, dans le monde, dans l’Église… et ce n’est pas nouveau ! Ma crainte est que ceci conduise à l’abattement, à la résignation. Il est préférable que ceci nourrisse de la violence, cette juste violence qui s’exprime dans le « non », le « non » à ce qui doit rester intolérable. Pourtant, on ne peut rester dans la violence, elle doit devenir action, engagement, avec ceux qui partagent aussi cette violence, le refus, même si les chemins qu’ils prennent ne sont pas les nôtres.

Ici comme en toutes choses, nous avons tous, et nous aurons toujours à vivre une pâque, un passage ; c’est le passage de la violence à la tendresse. On ne redira jamais assez que c’est sur cela que nous serons reçus, appréciés.

Commander au rythme qu’imposent les nouvelles paroisses

Un prêtre n’est pas d’abord apprécié en raison des belles liturgies, ou encore grâce à des sermons enflammés, voire à des émotions suscitées, mais simplement pour ceci : « il aimait les gens ». Dans La joie de l’Évangile, le pape François nous dit : « L’amour pour les gens est une force spirituelle qui permet la rencontre totale avec Dieu » n.272.

Pourtant, il n’est pas si facile de rencontrer les gens. Combien sont blessés, n’ont pas de confiance en eux-mêmes, sont en colère contre eux – et nous sommes aussi de ceux-là. La rencontre est une école de patience, elle suppose le temps et la miséricorde, avec les autres, mais aussi avec soi-même. Il y a des actes du ministère qui ouvrent à cela : la rencontre des personnes malades, handicapées, de ceux qui deviennent aujourd’hui de plus en plus gênants pour notre société, « vous comprenez, dira-t-on, ils ne produisent rien et ils coûtent ! » Côtoyer les petits nous apprend à exercer droitement l’autorité. C’est le plus faible qui doit être au centre, aussi celui qui ne partage pas notre point de vue, qui y résiste. C’est la nécessité que j’ai à prendre en compte son rythme qui doit former ma manière de guider, d’orienter, de commander même.

« Commander », j’emploie volontairement ce mot, le tout est qu’il soit qualifié. Le substantif n’est rien, c’est l’adjectif qui compte. Pour nous, l’adjectif il est aussi un nom, celui de Jésus. Il s’agit de commander chrétiennement. Vous entendez et comprenez que ceci développe autrement la réalité du commandement, l’exercice de l’autorité. Avancer au rythme des plus lents (imaginez combien ceux qui ont de longues jambes ont plus de mal à le faire), les paroisses nouvelles nous y contraignent encore davantage, du fait de leur étendue, et surtout de la diversité des attentes des uns et des autres.

Sachez que ces attentes seront de plus en plus diverses et même éclatées, c’est bien en 2014 que nous témoignons de l’Évangile. Un évêque sait mieux que quiconque qu’il ne lui suffit pas de vouloir, de dire, ni même d’expliquer ; il doit apprendre la patience. C’est vous qui êtes mes premiers pédagogues. La patience n’est pas une contrainte à supporter malgré tout, elle est une vertu, surtout une vertu de gouvernement, le signe que le temps et l’écoute qualifient un comportement et des choix. À la mesure où nous apprendrons un peu plus à écouter, surtout ceux qui ne nous approuvent pas, nous pourrons penser que nous sommes, un peu, sur le chemin d’une meilleure écoute du Seigneur. Car c’est bien lui qui est notre seule contrainte, la plus douce mais aussi la plus exigeante des contraintes.

C’est lui qui nous appelle encore aujourd’hui, c’est lui qui nous envoie, c’est à lui que nous donnons, notre réponse ; notre réponse, c’est-à-dire notre vie.

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Marie COLLINS, la voix des victimes de la pédophilie au Vatican

Commission pontificale pour la protection des mineurs

Elle-même abusée par un prêtre, en 1960, alors qu’elle avait treize ans, Marie Collins est l’une des huit experts choisis par le pape François pour travailler au sein de la nouvelle Commission pontificale pour la protection des mineurs.

Lorsqu’elle a appris qu’une Commission pontificale pour la protection de mineurs serait créée au Vatican, Marie Collins, qui fut l’une des premières en Irlande à dénoncer les abus sexuels commis par des prêtres, attendait comme un « test » de connaître les noms de ses membres.« J’espérais avant toute chose qu’elle inclue la voix des survivants. » Elle était pourtant loin d’imaginer qu’elle serait « appelée à incarner cette voix »raconte-t-elle, reconnaissant avoir éprouvé un « choc » à l’annonce de sa nomination parmi les huit experts de la nouvelle instance constituée par le pape François, le 21 mars.

Elle-même agressée sexuellement par un prêtre en 1960, devenue porte-parole des « survivants » de la pédophilie dans l’Église irlandaise, comme ils se dénomment eux-mêmes, cette Dublinoise de 67 ans affirmait avoir toujours gardé la foi, mais perdu « toute confiance » dans l’institution. Elle avait pourtant accepté, il y a deux ans, de participer au symposium international organisé au Vatican pour coordonner la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, malgré les critiques de certaines victimes l’accusant de trahison.

Son témoignage avait alors bouleversé l’auditoire de cardinaux, évêques et religieux du monde entier. Marie Collins venait d’avoir 13 ans lorsque, hospitalisée pour une infection au bras à l’hôpital Notre-Dame, à Dublin, elle fut agressée sexuellement par l’aumônier, un prêtre de 26 ans, qui l’a aussi photographiée nue. Un calvaire qui devait durer trois semaines. « Ces visites du soir dans ma chambre ont changé ma vie. Tout en me molestant, il répétait qu’il “était un prêtre” et ne “pouvait pas agir mal” »avait-elle confié.

« JE LUI AI PARDONNÉ »

Marie Collins a tu son secret, rongée par la honte et la culpabilité, plongeant dans une dépression sévère. Son mariage et la naissance de son fils n’ont pas soulagé sa peine. Ce n’est qu’à l’âge de 40 ans qu’elle a osé s’ouvrir, pour la première fois, de cette agression. « J’ai pris rendez-vous avec un curé, qui a refusé de relever le nom de l’agresseur et m’a dit que c’était probablement de ma faute. Cette réponse m’a brisée. » Dix ans plus tard, alors que les scandales commençaient à être révélés par la presse, comprenant qu’elle n’était peut-être pas la seule victime, elle en a de nouveau parlé à son archevêque, qui a évoqué la« prescription » pour ne pas attenter à la « réputation » de l’aumônier. « Mon témoignage au Vatican m’a enfin permis d’exprimer combien ces abus et l’attitude, ensuite, de l’Église qui les a couverts m’avaient affectée. C’est l’histoire de nombreux survivants », dit-elle aujourd’hui.

Pendant près de trente ans, elle a tellement souffert psychologiquement qu’elle n’a pu mener de carrière professionnelle, ni même s’occuper de son fils comme elle l’aurait dû, en raison des séjours en hôpital psychiatrique. Sa renaissance, Marie Collins la situe au moment où son agresseur a comparu devant la justice. « Je l’ai rencontré une seule fois, à ce moment-là. Il m’a demandé pardon, je lui ai pardonné. Au nom de ma foi et parce que le pardon libère la victime tout autant que l’agresseur… »

UNE RELATION « TRÈS FRAGILE » À L’ÉGLISE

Apaisée, n’éprouvant, de son propre aveu, plus aucune colère, elle se bat à la tête de sa fondation et au sein de plusieurs associations pour la protection des enfants. Ces dernières années, les efforts déployés par la hiérarchie, en particulier Mgr Diarmuid Martin, archevêque de Dublin, ont peu à peu restauré sa confiance. « Sa contribution pour protéger les enfants dans le diocèse a été cruciale, salue Mgr Martin. Ses conseils et ses commentaires critiques ont représenté une aide inestimable et m’ont inspiré personnellement. » Cependant, la relation de Marie Collins à l’institution ecclésiale est toujours « très fragile »« J’ai quitté l’Église et suis revenue plus d’une fois au long de ces années. Le plus difficile était de bien distinguer dans mon esprit l’institution qui fermait les yeux et ma foi en Jésus-Christ pour garder l’espérance. »

Marie Collins aborde cette nouvelle tâche « pleinement consciente de la responsabilité »qui l’attend : « C’est une occasion capitale pour faire connaître les préoccupations des survivants et nous assurer que l’Église catholique est une organisation sûre à laquelle les enfants peuvent participer sans peur d’être blessés »souligne-t-elle, se disant « déterminée » à « parler haut et fort »« Je ressens une certaine frustration, l’Église est si lente. Les survivants ont entendu assez de demandes de pardon, ils veulent voir les choses changer… J’aimerais qu’ils ne soient plus considérés comme des adversaires devant les cours de justice. Il faudrait également que certaines Églises, en Afrique ou en Asie par exemple, qui pensent qu’elles ne sont pas touchées par ce problème, ouvrent les yeux et mettent en place des procédures. Si la commission n’apporte pas de changement réel, concret dans la manière dont l’Église protège les enfants, elle aura failli à sa mission. »

Céline Hoyeau

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Et la lumière se fait !

Commentaire de l’Évangile du 3ème Dimanche du Temps de Pâques

Découragés, les deux disciples retournent à leur village. « Nous espérions... » C’est toujours tragique quand on parle d'espérance au passé. L’imparfait traduit bien le désespoir : « Nous espérions, mais voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c'est arrivé. »

Ce manque d’espérance, nous le retrouvons partout. Les prêtres de ma génération, celle du Concile Vatican II, espérions que le christianisme puisse se développer. Mais nos églises se ferment, peu de jeunes étudient pour devenir prêtre… Nous espérions que nos enfants, avec l’éducation qu’ils ont reçue de nous, puissent transmettre le flambeau de la foi à leurs enfants, mais combien d'entre eux ne font plus baptiser leurs petits.

Dans nos propres vies, nous devons parfois faire face à des situations humainement sans issue : un deuil cruel, une maladie incurable, la fin d’une grande amitié, une perte d'emploi, une traîtrise provenant d’un ami, une assuétude à l’alcool, une infidélité désastreuse… Et comme les disciples d’Emmaüs, nous rentrons à la maison, la tête basse, le regard éteint, oubliant que lorsque nous chutons, nous ne pouvons tomber que dans les bras du crucifié-ressuscité.

Nous sommes tous, à un moment ou l’autre, sur la piste rocailleuse d'Emmaüs, à la tombée du jour, abattus et sans réponses à nos problèmes. Nous continuons à avancer parce qu’il faut bien aller de l’avant, mais le cœur n’y est plus. Notre chemin s’enfonce dans la nuit.

Mais c'est alors, osons le croire, que Dieu veut venir nous y rejoindre. Lorsque nous avons l’impression d’être dans une impasse. Et peut-être justement parce que c’est une impasse, le Seigneur se joint à nous, rendant peu à peu notre cœur tout brûlant. Il vient à travers un ami, un parfait étranger, une rencontre, un événement heureux ou malheureux. Au premier abord, nous ne le reconnaissons pas. Nous le pensions dans le tabernacle de nos églises désertées. Mais il est là, qui nous accompagne sur la route.

Le Christ écoute avec attention nos mésaventures. « Tu es bien la seule personne qui ne se rend pas compte de ce qui se passe. Dans la famille, ça va mal. Il y a la maladie, l’incompréhension, les frictions... Dans l’Église ça va mal. Le dimanche, nous ne sommes plus que des vieux à participer à l’eucharistie… Dans le monde, on ne parle que de guerres, de violence, de conflits de toutes sortes... Tu es sûrement la seule personne qui ne sait pas ce qui se passe dans le monde. »

Alors l’étranger fait relire les Écritures. Et voici que la Parole de Dieu, que nous pensions connaître, se met à éclairer nos réalités quotidiennes d'une lumière nouvelle. Avec calme, l'inconnu fait revoir ces événements sous un angle nouveau. Il éclaire tout cela  par la foi. 
Le Père n’a pas dit à son Fils : « Tu devras mourir sur la croix ». Mais il lui a dit : « Tu aimeras jusqu’à la fin, d’un amour sans limite ». La mort du Christ était le point culminant de cet amour sans frontière, et non pas le signe de sa défaite. Petit à petit, pour les disciples d’Emmaüs, la lumière se fait.

Le tournant du récit a lieu lorsque les deux compagnons de voyage offrent l’hospitalité à l’inconnu : « Reste avec nous... il se fait tard, le jour baisse... viens à table chez-nous. » Le Christ se fait reconnaître là où il y a fraternité et partage.

L'étranger qui leur fait relire le passé à la lumière de la Parole de Dieu, leur ouvre un avenir nouveau. À la fraction du pain, ils le reconnaissent et peuvent maintenant retourner à Jérusalem en pleine nuit pour retrouver leurs frères, qu'ils avaient abandonnés le matin même.

L’histoire des disciples d’Emmaüs nous invite aujourd’hui à relire notre passé à la lumière de la Parole de Dieu, à accueillir le frère et la sœur dans le besoin et à partager ensemble le pain eucharistique : trois chemins que Jésus ressuscité ne cesse d'emprunter pour venir à notre rencontre.

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