PKO 30.06.2013


Dimanche 30 juin 2013 – Solennité de Saints Pierre et Paul, Apôtres – Année C

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°38/2013

HUMEURS

Messieurs, continuez et surtout ne bougez pas !

 À Messieurs

le Premier magistrat de la commune de Papeete,

et le Représentant de l’État,

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas…tandis que la situation s’aggrave !!!

Les fidèles de la Cathédrale se sentent de plus en plus en insécurité et totalement méprisé par les autorités…

Dernier fait, samedi 22 juin à 4h30 du matin… deux jeunes passablement éméchés, sortant d’une des boîtes de nuit, sont entrés dans la Cathédrale et ont commencé à s‘y battre violemment devant les paroissiens… Ces derniers sont intervenus pour les faire sortir, non sans crainte,  … la police étant occupée par une autre bagarre rue des Écoles…

Les personnes ont continué à se battre très violemment derrière la Cathédrale… À l’issue de ce pugilat, une sacristine est allée, fébrilement, à la rencontre de la jeune fille passablement défigurée et manifestant des troubles liés aux coups, afin de la diriger vers la Clinique Cardella qui l’a prise en charge…

Mais surtout, Messieurs les dépositaires de l’ordre public… ne faites rien… il n’y a pas encore de mort !

Continuez à publier des décrets comme celui sur le tapage nocturne tout en donnant l’autorisation aux boîtes de nuit d’exercer en plein air…

Continuez à encourager les jeunes à conduire en état d’ébriété en les invitant, passablement alcoolisé à la sortie des boîtes de nuit, à prendre le volant, comme nous pouvons,  nous les paroissiens, le constater chaque fin de semaine aux alentours de la Cathédrale…

Continuez et surtout ne bougez pas !

Lorsque nous aurons des blessés graves voire des morts nous serons là pour vous rappeler votre responsabilité !

Bien que catholique, membre de l’« Église catholique, Église de servitude, Église de domination… avec [laquelle] on ne pourra jamais construire un pays de liberté »1… nous sommes aussi des citoyens ! Des citoyens dont les droits sont bafoués !

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1     Vincent PEILLON, ministre de l’Éducation nationale. http://www.youtube.com/watch?v=V2J_6vRFsUI

 En marge de l’actualité

Le drame syrien

 Depuis deux ans, jour après jour on ne cesse de compter les victimes innocentes du drame syrien. Nous recevons un témoignage des Sœurs du Carmel d'Alep (au Nord-Ouest de la Syrie) qui annonce le décès du père François de l'Enfant-Jésus, mort le 23 juin 2013 sous les feux des belligérants à Ghassanié (village près d'Alep).

« Bien chers tous, - C'est avec une grande peine que nous vous annonçons le décès du Père François de l'Enfant-Jésus Mrad (49 ans), survenu dimanche dernier à Ghassanié. Selon certaines sources, il a été pris entre les feux de l'armée libre (qui avait envahi le village chrétien de Ghassanié depuis plusieurs mois) et l'armée gouvernementale. Selon d'autres, l'armée libre aurait envoyé des obus sur l'église et le P. François aurait été atteint. De toutes façons, le résultat est là. Nous avons beaucoup de peine car nous connaissions bien le P. François qui venait nous dire la messe depuis plusieurs années le dimanche. Il dut arrêter de venir en juillet dernier, les routes n'étant pas sûres.

Le P. François (…) avait fondé, sous l'obédience de l'évêque syriaque catholique de Hassaké, Mgr Behnam Hindo, un monastère à Saint Siméon le Stylite. Les constructions commençaient quand il dut quitter les lieux par prudence. Il recommença plus loin ; mais même résultat au bout de quelques mois. Finalement il avait construit un monastère près de Ghassanié, proche de la frontière turque. Ce monastère avait été inauguré en août 2010. Il y a quelques mois, ce monastère fut envahi et pillé par l'armée libre qui a tout pris -même les portes ! - ou démoli.

Le P. François s'est alors réfugié à la paroisse latine de Ghassanié, tenue par des Franciscains. C'est là que le Seigneur est venu le prendre, après l'avoir dépouillé de tout…

Le Père François aimait beaucoup – en plus de la Petite Thérèse - le P. Charles de Foucauld : il vivait une même situation de solitude et d'échec et il est mort comme lui, de mort violente. Puisse ce sang versé être source de vie nouvelle et de Paix pour le pays !

Nous le recommandons à votre prière, ainsi que sa pauvre maman qui est effondrée. (…)

Voici la traduction du dernier message qu'il nous avait envoyé le 1er juin dernier :

“Chères Sœurs, - Lorsque nous comprenons les étendues et le joyau que représente l'amour dans notre vie consacrée à l'Amour même, il nous est facile de comprendre la profondeur et le mystère de la souffrance nous conduisant à son tour à la compréhension du Christ Crucifié ; Celui-ci nous a appris que l'amour a un synonyme qui s'appelle la souffrance.

Père François de l'Enfant Jésus Mrad” »

(publié avec l'autorisation de la sœur prieure du Carmel)

Personne n’est inutile dans l’Église

Catéchèse du Pape François du mercredi 26 juin 2013

Dans l’Église, personne n’est « inutile », personne n’est « secondaire », personne n’est « anonyme » : c’est ce qu’a affirmé le pape François lors de l’audience générale de ce 26 juin 2013. Dans l’Église, « personne n’est inutile, et s’il arrive que l’on dise à quelqu’un : « Rentre chez toi, tu es inutile », ce n’est pas vrai, parce que personne n’est inutile dans l’Église, nous sommes tous nécessaires pour construire ce temple », a-t-il déclaré durant sa catéchèse.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais évoquer brièvement une autre image qui nous aide à illustrer le mystère de l’Église : celle du temple (cf. Const. dogm. Lumen gentium, 6). À quoi nous fait penser le mot de « temple » ? Cela nous fait penser à un édifice, à une construction. La pensée de beaucoup d’entre nous se tourne plus particulièrement vers l’histoire du peuple d’Israël, racontée dans l’Ancien testament. À Jérusalem, le grand temple de Salomon était le lieu de la rencontre avec Dieu dans la prière ; il y avait, à l’intérieur du temple, l’arche d’alliance, signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple ; et dans l’arche se trouvaient les tables de la loi, la manne et la verge d’Aaron : c’était le rappel du fait que Dieu avait toujours été présent dans l’histoire de son peuple, il en avait accompagné la marche, il en avait guidé les pas. Le temple rappelle cette histoire : nous aussi, lorsque nous allons au temple, nous devons nous souvenir de cette histoire, notre histoire à chacun d’entre nous, comment Jésus m’a rencontré, a marché avec moi, m’a aimé et comment il me bénit.

Voici que ce qui avait été préfiguré dans l’ancien temple était réalisé par la puissance de l’Esprit-Saint, dans l’Église : l’Église est la « maison de Dieu », le lieu de sa présence, où nous pouvons trouver et rencontrer le Seigneur ; l’Église est le temple où habite l’Esprit Saint qui l’anime, la guide et la soutient. Si nous nous demandons : où pouvons-nous rencontrer Dieu ? Où pouvons-nous entrer en communion avec lui à travers le Christ ? Où pouvons-nous trouver la lumière de l’Esprit-Saint qui illumine notre vie ? La réponse est : dans le peuple de Dieu, parmi nous qui sommes l’Église. Nous y rencontrerons Jésus, l’Esprit-Saint et le Père.

L’ancien temple était édifié par les mains des hommes : il fallait « donner une maison » à Dieu, pour avoir un signe visible de sa présence au milieu du peuple. Avec l’incarnation du Fils de Dieu, la prophétie de Nathan au roi David s’accomplit (cf. 2 Sam 7,1-29) : ce n’est pas le roi, ce n’est pas nous qui « donnons une maison à Dieu », mais c’est Dieu lui-même qui « construit sa maison » pour venir habiter au milieu de nous, comme l’écrit saint Jean dans le prologue de son Évangile (cf 1,14). Le Christ est le temple vivant du Père, et le Christ édifie lui-même sa « maison spirituelle », l’Église, faite non pas de pierres matérielles mais des « pierres vivantes » que nous sommes. L’apôtre Paul dit aux chrétiens d’Éphèse : « Car la construction que vous êtes a pour fondations les apôtres et prophètes, et pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même. En lui toute construction s'ajuste et grandit en un temple saint, dans le Seigneur ; en lui, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l'Esprit ». C’est très beau, cela ! Nous sommes les pierres vivantes de l’édifice de Dieu, profondément unies au Christ, qui est la pierre de soutènement, et aussi de soutien entre nous. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que nous sommes le temple, nous sommes l’Église vivante, le temple vivant et quand nous sommes ensemble, l’Esprit-Saint est aussi parmi nous, il nous aide à grandir en tant qu’Église. Nous ne sommes pas isolés, mais nous sommes le peuple de Dieu : c’est cela l’Église !

Et c’est l’Esprit-Saint, avec ses dons, qui dessine la variété. Ça, c’est important : que fait l’Esprit-Saint parmi nous ? Il dessine la variété qui est la richesse dans l’Église et il unit toutes les choses et toutes les personnes, afin de constituer un temple spirituel, dans lequel nous n’offrons pas des sacrifices matériels, mais nous-mêmes, notre vie (cf. 1 P 2, 4-5). L’Église n’est pas un enchevêtrement de choses et d’intérêts, mais elle est le temple de l’Esprit-Saint, le temple dans lequel Dieu agit, le temple dans lequel chacun de nous, par le don de l’Esprit-Saint, est une pierre vivante. Cela nous montre que personne n’est inutile dans l’Église, et s’il arrive que l’on dise à quelqu’un : « Rentre chez toi, tu es inutile », ce n’est pas vrai, parce que personne n’est inutile dans l’Église, nous sommes tous nécessaires pour construire ce temple ! Personne n’est secondaire. Personne n’est le plus important dans l’Église, nous sommes tous égaux aux yeux de Dieu. Vous pourriez dire : « Écoutez, sainteté, vous n’êtes pas notre égal ». Si, je suis comme chacun de vous, nous sommes tous égaux, nous sommes frères ! Personne n’est anonyme : nous formons et nous construisons tous l’Église. Mais cela nous invite aussi à réfléchir sur le fait que, s’il manque la pierre de notre vie chrétienne, il manque quelque chose à la beauté de l’Église. Certains diront : « Moi, je n’ai rien à voir avec l’Église », mais ainsi il manque la pierre d’une vie, dans ce beau temple. Personne ne peut s’en aller, nous devons tous apporter notre vie à l’Église, apporter notre cœur, notre amour, nos pensées, notre travail, tous ensemble.

 Je voudrais alors que nous nous demandions : comment vivons-nous le fait que nous sommes l’Église ? Sommes-nous des pierres vivantes ou sommes-nous, pour ainsi dire, des pierres fatiguées, qui s’ennuient, indifférentes ? Vous avez déjà vu comme c’est triste de voir un chrétien fatigué, qui s’ennuie, indifférent ? Un chrétien comme ça, ça ne va pas, le chrétien doit être vivant, joyeux d’être chrétien ; il doit vivre cette beauté de faire partie du peuple de Dieu qu’est l’Église.

Est-ce que nous nous ouvrons à l’action de l’Esprit-Saint pour être partie prenante dans nos communautés, ou est-ce que nous nous replions sur nous-mêmes en disant : « j’ai tellement à faire, ce n’est pas mon rôle » ?

Que le Seigneur nous donne sa grâce, sa force, afin que nous puissions être profondément unis au Christ, qui est la pierre angulaire, le pilier, la pierre de soutènement de notre vie et de toute la vie de l’Église. Prions pour que, animés par son Esprit, nous soyons toujours des pierres vivantes de son Église.

© Copyright 2013 - Libreria Editrice Vaticana

Le Pape… un homme libre

CONTRE LA MONDANITÉ ECCLÉSIASTIQUE

Contre la mondanité ecclésiastique, le pape choisit la politique de la chaise vide. Retour sur un acte de désobéissance papale, le 101e jour de son pontificat. Il veut bien assumer la fonction suprême dans la hiérarchie catholique, mais pas comme un prisonnier de la gangue protocolaire ou mondaine qu’impliquait jusque-là le job. L’exemple sans doute le plus fort de cette liberté papale est le geste qu’a posé François, samedi 22 juin, tablant sur l’intérêt médiatique autour des 100 jours de son pontificat, en n’allant pas assister à un concert donné en son honneur à l’occasion de l’Année de la foi. Alors qu’au Vatican, 6 000 personnes l’attendaient dans la grande aula Paul VI, il a fait savoir qu’il ne pouvait pas venir en raison d’une « tâche urgente et impossible à reporter », sans donner plus de précision, laissant en plan des centaines d’invités et surtout l’orchestre de la Rai. La 9e symphonie de Beethoven a été jouée en son absence.

Un spectacle de prestige ? Le Vatican a toujours été coutumier de ce genre de happening où se presse le gratin d’une certaine société romaine aimant mêler divertissement et mondanités, avide de se retrouver et de côtoyer les monsignori de la Curie, eux aussi friands de contacts et d’échanges. Or, c’est la quintessence de ce que déteste Jorge Mario Bergoglio par dessus tout : la mondanité ecclésiastique. Il n’a cessé de la fustiger, d’abord comme archevêque de Buenos Aires, puis comme pape. Derrière cette mondanité se trouve le danger de la corruption de la hiérarchie par les honneurs, ou les « généreux donateurs ». Les Vatileaks ont révélé l’an dernier que de nombreux individus, avides d’avoir leur photo avec le pape, grenouillent autour du Saint Siège, et font pression en haut lieu moyennant le carnet de chèques.

Au lieu de savourer Beethoven, le pape a assisté à la rencontre de tous les nonces apostoliques, tous présents à Rome, ce qui ne s’était pas vu depuis des années, selon Frédéric Mounier, de la Croix.

Même si le vaticaniste John Allen nous invite à ne pas sur-interpréter cette « chaise vide » - ce geste semble très parlant. Le pape rejette la mondanité de la Cour, la vanité des courtisans. Pourtant, il accepte de gouverner au sommet : quoi de plus régalien que la rencontre avec l’ensemble de la diplomatie vaticane ?

Le choix de Bergoglio de ne pas aller au concert donne tout son poids à ses paroles antérieures de dénonciation de la mondanité. Il ne se contente pas de parler, mais d’agir, y compris avec une forme de « violence » calculée. Car le pape prend sciemment le risque de déplaire profondément à ceux qui ont organisé le concert, et de s’en faire des ennemis, même s’ils garderont le sourire devant lui. D’autant plus que le lendemain, le pape n’a pas ménagé son temps pour accueillir des enfants venus en train jusqu’au Vatican. Il cherche ainsi à mettre sous pression ceux qui, au Vatican, ont des intérêts dans le système mondain.

Cette prise de risque montre le prix que le pape est déterminé à payer pour faire preuve de sa liberté. Déjà, son choix de ne pas habiter les appartements pontificaux avait paru comme une forme de résistance au système de cour qui prévaut au Vatican, où l’on parlait auparavant du « palais apostolique » avec une nuance de révérence sacrée, parce que le pape y habitait. À la maison Sainte Marthe, où il a décidé de rester après son élection, le pape côtoie nombre de « simples mortels », ou des évêques et prêtres qui y sont de passage. Le lieu est resté neutre.

L’affaire du concert renforce donc le choix de Sainte-Marthe : refus de la mondanité, refus de la Cour, mais non pas refus de la « royauté » pontificale bien comprise, c’est à dire comme une instance de gouvernance au service des autres (via les nonces), et d’abord des pauvres, comme on l’a vu le lendemain lorsque le pape a pris son temps avec les enfants défavorisés.

Être libre, c’est aussi le mot d’ordre qui se trouvait dans l’exhortation qu’il avait adressée aux nonces, la veille du concert : « céder à l’esprit du monde pousse à agir pour sa propre réalisation et non pour la gloire de Dieu. C’est une sorte de confort bourgeois de l’esprit et de l’existence qui nous pousse à s’adapter afin de s’octroyer une vie commode et paisible… Or nous sommes des pasteurs, ce que nous ne devons jamais oublier. Les représentants pontificaux sont des pasteurs qui assument une présence sacerdotale… »

Et le pape ajoutait, concernant la sélection des futurs évêques, qui leur incombe : « Soyez attentifs à ce que les candidats soient proches des gens, soient humbles, patients et miséricordieux, sensibles à la pauvreté intime entendue comme liberté pour le Seigneur, et extérieure comme mode de vie simple et austère. Qu’ils n’aient pas une mentalité aristocratique, ne soient pas animés par la simple ambitions de devenir évêques. » En quelque sorte, des hommes libres, à la fois de leur besoin de reconnaissance, mais parce que non « achetables », et donc capables d’être à la hauteur de leur mission.

Être libre, c’est aussi le message qu’il a adressé aux jeunes, lors de l’Angelus du 23 juin, en évoquant le martyre de la quotidienneté au service de la vérité. « N’ayez pas peur d’aller à contre-courant, lorsque l’on vous propose des valeurs avariées, comme peuvent l’être des aliments, ayez cette fierté d’aller à contre-courant. En avant ! »

Être libre, c’est aussi la possibilité de dénoncer des vérités qui dérangent et de dénoncer des travers de l’Église, ce que fait sans cesse le pape François... Et on peut se demander si l’importance que le pape apporte à la question de la pauvreté de l’Église n’est pas aussi une volonté claire de plaider pour sa liberté. François d’Assise n’a-t-il pas dit que le problème de la possession des biens est la peur qu’on a de les perdre, le souci qu’on a de les protéger ? La pauvreté de l’Église, si elle lui permet de mieux rejoindre les périphéries existentielles et les pauvres eux-mêmes, lui donne aussi sa liberté fondamentale, foncière. Voilà sans doute le message essentiel des 100 premiers jours du pontificat.

© Copyright 2013 – La Vie

La vie politique doit être inspirée par la morale

Entretien avec Chantal DELSOL1

Revenant sur le mensonge de l’ancien ministre du Budget, la philosophe évoque une classe politique coupée du réel et une société où les valeurs se sont inversées.

Valeurs actuelles : Comment avez-vous réagi aux aveux de Jérôme Cahuzac ?

 

Chantal DELSOL : Je trouve cela indigne, naturellement, comme la plupart des Français, mais cela ne m’étonne pas du tout. Je pense que nombre de nos gouvernants dissimulent ce genre d’agissements, même si là nous sommes à l’extrême (un ministre du Budget, en période de crise, qui, dans un discours moralisateur à vous arracher des larmes, interdit aux citoyens de faire exactement ce qu’il est en train de faire en cachette). Le cas n’est certainement pas unique. Ce qui est unique, en revanche, c’est qu’on a eu les moyens de le démasquer et que cela a provoqué ses aveux.

Valeurs actuelles : À se proclamer vertueux, les socialistes ne se sont-ils pas fait prendre à leur propre piège ?

Chantal DELSOL : Le socialisme n’est pas une politique, c’est une morale. Ce sont eux-mêmes qui le disent. Ils ne sont pas un courant politique parce que leur programme est inapplicable : politiquement, il leur faut ou bien tomber dans le totalitarisme (ce dont ils ne veulent à aucun prix), ou bien tomber dans la social-démocratie (ce qui est leur destin). Le socialisme comme politique est un produit chimiquement instable, il n’existe pas. Ce qui reste, c’est un discours moral égalitaire. Et un sermon permanent servi à l’extérieur. Cette corruption que nous avons sous les yeux aurait pu arriver partout ; mais elle est plus grave ici, parce que les socialistes n’ont que cela : la morale — en fait, ils feraient mieux de créer une Église, cela fonctionnerait mieux.

Valeurs actuelles : Nos dirigeants sont-ils vraiment « tous pourris » ?

Chantal DELSOL : Heureusement non, pas tous. Mais c’est un acte de foi que de dire cela : nous ne pouvons absolument pas savoir lesquels sont vertueux, ou plutôt, normaux, puisque sans cesse des corrompus sont démasqués qui paraissaient il y a huit jours vêtus de probité candide. Nous avons l’impression que tout le monde ment parce que nous ne pouvons pas faire la distinction. C’est cela qui laisse se développer le « tous pourris ».

Valeurs actuelles : Les hommes d’État étaient-ils plus vertueux avant ?

Chantal DELSOL : Je crois que oui. Les Trente Glorieuses ont déployé l’attrait pour l’argent, développé la société « frime et fric », et les gouvernants ont plus de possibilités que les autres pour en profiter. De plus, la seconde moitié du XXème siècle a laissé se développer cette idée selon laquelle le héros, celui qui se sacrifie au service du pays ou de la société, est un salaud : de Gaulle n’avait plus d’avenir. Quand le héros est discrédité, on se réfugie dans le compte en banque. De Gaulle pouvait vivre de façon austère parce qu’il avait d’autres satisfactions, dans l’ordre de la grandeur.

Valeurs actuelles : L’image des politiques est désastreuse. La suspicion du peuple envers ses élites est-elle une constante historique ?

Chantal DELSOL : La France, avec sa tradition de jacobinisme, ne peut pas développer une société de confiance, car elle ne sait pas ce qu’est une véritable démocratie. Sa mentalité est plutôt celle que l’on repère dans les despotismes éclairés, où les gouvernants sont à la fois adulés, craints, suppliés et détestés. Rien à voir avec les démocraties à l’anglo-saxonne, où le gouvernant, qui vit pratiquement comme tout le monde, est à la fois respecté, normalisé et contesté.

Valeurs actuelles : De nombreuses personnes appellent à « davantage de transparence ». Qu’en pensez-vous ?

Chantal DELSOL : Oui, il faudrait de la transparence. C’est d’ailleurs ce qui manque dans tous les pays trop centralisés : la première revendication des Soviétiques, à la fin des années 1980, a été la transparence, « glasnost ». Ici, en France, les choses intimes sont divulguées et les choses publiques dissimulées : nous connaissons par les médias la maîtresse du gouvernant, mais pas ses comptes de campagne. On marche sur la tête.

Valeurs actuelles : Le sociologue Max Weber disait que faire de la politique « consiste à déjeuner avec le diable ». La vie politique peut-elle être morale ou le mensonge est-il un mal nécessaire ?

Chantal DELSOL : La vie politique doit être inspirée par la morale, mais elle doit aussi tenir compte du principe de réalité, et il peut arriver que, dans ce cadre, un mensonge d’État soit nécessaire — dans le cas qui nous occupe ici il s’agit de bien autre chose : le mensonge mesquin, qui vise des intérêts personnels contre l’intérêt commun.

Valeurs actuelles : Peut-on dire que le pouvoir corrompt ? Ou induit-il seulement un éloignement progressif du réel ?

Chantal DELSOL : Le pouvoir corrompt de façon indirecte. Dans un pays comme la France, le gouvernant est littéralement divinisé. On n’imagine pas la fascination qu’exerce un ministre dans l’imaginaire même des élites — c’est grotesque. Aussi le gouvernant se sent-il cent coudées au-dessus, il a vite l’impression qu’il est au-delà de toute loi et que la réalité, c’est simplement ce qui sort de sa bouche : ce qu’il dit est par là même vrai. Ainsi est-il sincère quand il ment. Remarquez que ce déni de réalité engendré par le narcissisme n’est pas spécifique à ce groupe : c’est simplement le fait du pouvoir discrétionnaire dans tous les groupes humains. Le pouvoir de nos gouvernants n’est pas vraiment discrétionnaire, mais l’admiration des citoyens à leur égard crée cet espace où, pour eux, tout est possible. Le phénomène de cour, hérité de la monarchie, est profondément corrupteur.

Propos recueillis par Mickaël Fonton

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1  Chantal Delsol, de l'Institut, est notamment l'auteur de l'Âge du renoncement, Cerf, 2011.

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L’Église, grand mystère de communion…

Homélie du Pape Benoit XVI pour la solennité de Saints Pierre et Paul le 29 juin 2012

Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis autour de l’autel pour célébrer solennellement les saints Pierre et Paul, Patrons principaux de l’Église de Rome…

Devant la Basilique de saint Pierre, comme chacun le sait, sont dressées deux imposantes statues des Apôtres Pierre et Paul, facilement reconnaissables par leurs attributs : les clefs dans la main de Pierre et l’épée entre celles de Paul. Sur le portail majeur de la Basilique de saint Paul hors les murs sont aussi représentées ensemble des scènes de la vie et du martyre de ces deux colonnes de l’Église. Depuis toujours, la tradition chrétienne considère saint Pierre et saint Paul comme inséparables : en effet, ensemble, ils représentent tout l’Évangile du Christ. Ensuite, leur lien comme frères dans la foi a acquis un sens particulier à Rome. En effet, la communauté chrétienne de cette Ville les considère comme une espèce de contre-autel des mythiques Romulus et Remus, la fratrie à laquelle on faisait remonter la fondation de Rome. On pourrait penser aussi à un autre parallélisme « oppositif », toujours sur le thème de la fraternité : alors que la première fratrie biblique nous montre l’effet du péché, pour lequel Caïn tue Abel, Pierre et Paul, bien qu’humainement très différents l’un de l’autre, et malgré les conflits qui n’ont pas manqué dans leur rapport, ont réalisé une manière nouvelle d’être frères, vécue selon l’Évangile, une manière authentique rendue possible par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux. Seule la sequela du Christ conduit à la nouvelle fraternité : voici le premier message fondamental que la solennité d’aujourd’hui livre à chacun de nous, et dont l’importance se reflète aussi sur la recherche de cette pleine communion, à laquelle aspirent le Patriarcat œcuménique et l’Évêque de Rome, ainsi que tous les chrétiens.

Dans le passage de l’évangile de saint Matthieu que nous venons d’entendre, Pierre fait sa confession de foi à Jésus, le reconnaissant comme Messie et Fils de Dieu ; il la fait aussi au nom des autres Apôtres. En réponse, le Seigneur lui révèle la mission qu’il entend lui confier, celle d’être la « pierre », le « roc », la fondation visible sur laquelle est construit l’entier édifice spirituel de l’Église (cf. Mt 16, 16-19). Mais de quelle façon Pierre est-il le roc ? Comment doit-il mettre en œuvre cette prérogative, que naturellement il n’a pas reçue pour lui-même ? Le récit de l’évangéliste Matthieu nous dit surtout que la reconnaissance de l’identité de Jésus prononcée par Simon au nom des Douze ne provient pas « de la chair et du sang », c’est-à-dire de ses capacités humaines, mais d’une révélation particulière de Dieu le Père. Par contre, tout de suite après, quand Jésus annonce sa passion, mort et résurrection, Simon Pierre réagit vraiment à partir de « la chair et du sang » : il « se mit à lui faire de vifs reproches : … cela ne t’arrivera pas » (16, 22). Et Jésus réplique à son tour : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route » (v. 23). Le disciple qui, par don de Dieu, peut devenir un roc solide, se manifeste aussi pour ce qu’il est, dans sa faiblesse humaine : une pierre sur la route, une pierre contre laquelle on peut buter- en grec skandalon. Apparaît ici évidente la tension qui existe entre le don qui provient du Seigneur et les capacités humaines ; et dans cette scène entre Jésus et Simon Pierre, nous voyons en quelque sorte anticipé le drame de l’histoire de la papauté-même, caractérisée justement par la coexistence de ces deux éléments : d’une part, grâce à la lumière et à la force qui viennent d’en-haut, la papauté constitue le fondement de l’Église pèlerine dans le temps ; d’autre part, au long des siècles, émerge aussi la faiblesse des hommes, que seule l’ouverture à l’action de Dieu peut transformer.

De l’Évangile d’aujourd’hui, il ressort avec force la promesse claire de Jésus : « les portes des enfers », c’est-à-dire les forces du mal, ne pourront pas prévaloir, « non praevalebunt ». Vient à l’esprit le récit de la vocation du prophète Jérémie, à qui le Seigneur dit, en lui confiant sa mission : « Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses chefs, à ses prêtres et à tout le peuple. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi - non praevalebunt -, car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 1, 18-19). En réalité, la promesse que Jésus fait à Pierre est encore plus grande que celles faites aux prophètes antiques : ceux-ci, en effet, étaient menacés uniquement par des ennemis humains, alors que Pierre devra être défendu des « portes des enfers », du pouvoir destructif du mal. Jérémie reçoit une promesse qui le concerne comme personne et concerne son ministère prophétique. Pierre est rassuré au sujet de l’avenir de l’Église, de la nouvelle communauté fondée par Jésus Christ et qui s’étend à tous les temps, au-delà de l’existence personnelle de Pierre lui-même.

Passons à présent au symbole des clefs, dont parle l’Évangile que nous venons d’entendre. Il renvoie à l’oracle du prophète Isaïe sur le fonctionnaire Éliakim, dont il est dit : « Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira » (Is 22, 22). La clef représente l’autorité sur la maison de David. Et dans l’Évangile, il y a une autre parole de Jésus adressée aux scribes et aux pharisiens, auxquels le Seigneur reproche de fermer aux hommes le Royaume des Cieux (cf. Mt 23, 13). Ces propos également nous aident à comprendre la promesse faite à Pierre : c’est à lui, en tant que fidèle administrateur du message du Christ, qu’il revient d’ouvrir la porte du Royaume des Cieux, et de juger s’il faut accueillir ou rejeter (cf. Ap 3, 7). Les deux images – celle des clefs et celle de lier et de délier – expriment donc des significations semblables et se renforcent l’une l’autre. L’expression « lier et délier » fait partie du langage rabbinique et fait allusion, d’un côté, aux décisions doctrinales et, de l’autre, au pouvoir disciplinaire, c’est-à-dire à la faculté d’infliger et de lever l’excommunication. Le parallélisme « sur terre … dans les cieux » garantit que les décisions de Pierre dans l’exercice de sa fonction ecclésiale ont également une valeur devant Dieu.

Dans le chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu, consacré à la vie de la communauté ecclésiale, nous trouvons une autre affirmation de Jésus adressée à ses disciples : « En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez sur terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur terre sera délié dans le ciel » (Mt 18, 18). Et saint Jean, dans le récit de l’apparition du Christ ressuscité aux Apôtres le soir de Pâques, rapporte cette parole du Seigneur : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20, 22-23). À la lumière de ces parallélismes, il apparaît clairement que l’autorité de délier et de lier consiste dans le pouvoir de remettre les péchés. Et cette grâce, qui enlève l’énergie aux forces du chaos et du mal, est au cœur du mystère et du ministère de l’Église. L’Église n’est pas une communauté de personnes parfaites, mais de pécheurs qui doivent reconnaître qu’ils ont besoin de l’amour de Dieu et qu’ils ont besoin d’être purifiés par la Croix de Jésus Christ. Les paroles de Jésus au sujet de l’autorité de Pierre et des Apôtres laissent justement transparaître que le pouvoir de Dieu est l’amour, l’amour qui répand sa lumière à partir du Calvaire. Ainsi, nous pouvons aussi comprendre pourquoi, dans le récit évangélique, à la profession de foi de Pierre fait immédiatement suite la première annonce de la passion : en effet, Jésus par sa mort a vaincu les puissances de l’enfer, par son sang il a reversé sur le monde un immense fleuve de miséricorde, qui irrigue de ses eaux assainissantes l’humanité tout entière.

Chers frères, comme je le rappelais au début, la tradition iconographique représente saint Paul avec l’épée, et nous savons que cela figure l’instrument avec lequel il fut tué. Mais, en lisant les écrits de l’Apôtre des Gentils, nous découvrons que l’image de l’épée se réfère à toute sa mission d’évangélisateur. Par exemple, sentant la mort s’approcher, il écrit à Timothée : « j’ai combattu le bon combat » (2 Tm 4,7). Non certes le combat d’un grand capitaine, mais celui d’un annonciateur de la Parole de Dieu, fidèle au Christ et à son Église, à laquelle il s’est donné totalement. Et c’est justement pour cela que le Seigneur lui a donné la couronne de gloire et l’a placé, avec Pierre, comme colonne de l’édifice spirituel de l’Église.

Chers Métropolites : le Pallium que je vous ai conféré, vous rappellera toujours que vous avez été constitués dans et pour le grand mystère de communion qu’est l’Église, édifice spirituel construit sur le Christ, la pierre angulaire et, dans sa dimension terrestre et historique, sur le roc de Pierre. Animés par cette certitude, sentons-nous tous ensemble coopérateurs de la vérité, laquelle – nous le savons – est une et ‘symphonique’, et exige de chacun de nous et de nos communautés l’engagement constant à la conversion à l’unique Seigneur dans la grâce de l’unique Esprit. Que la Sainte Mère de Dieu nous guide et nous accompagne toujours sur le chemin de la foi et de la charité. Reine des Apôtres, priez pour nous !

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