PKO 27.10.2013
Dimanche 27 octobre 2013 – XXXème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°56/2013
HUMEURS
La mosquée toujours !
La presse nationale, grâce à un « lobbying » bien orchestré, s’est emparée elle aussi de la « Mosquée à Tahiti » : Le Point, La Croix, Le Figaro… ainsi qu’un site « Media presse-info » qui a écrit: « La réaction d’un prêtre de la cathédrale de Papeete est bien plus scandaleuse. Il a déclaré n’avoir “aucun souci” à participer à des éventuelles rencontres avec les musulmans “dans le cadre d’un partage théologique”, ajoutant “Nous croyons au même Dieu, même si nous n’avons pas une égale façon de le regarder ”» !
Paroles que nous assumons sans aucun souci, en Église et avec l’Église ! L’occasion pour nous de rappeler quelques enseignements fondamentaux de l’Église et du Concile Vatican II… dans Lumen Gentium au chapitre 16 : « Les non-chrétiens - Enfin, pour ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au Peuple de Dieu et, en premier lieu, ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair (cf. Rm 9, 4-5), peuple très aimé du point de vue de l’élection, à cause des Pères, car Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel (cf. Rm11, 28-29). Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. Et même des autres, qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu’ils ignorent, de ceux-là mêmes Dieu n’est pas loin, puisque c’est lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses (cf. Ac 17, 25-28), et puisqu’il veut, comme Sauveur, amener tous les hommes au salut (cf. 1 Tm 2, 4). »
Dialoguer, partager… rencontrer l’autre sont les seuls moyens pour dépasser nos peurs et découvrir ainsi les richesses de l’autre, de sa culture, de sa foi.
Être chrétien ce n’est pas conditionner l’amour de son prochain à l’amour que son prochain a pour lui… L’Amour de mon prochain est à la mesure de l’Amour que Dieu a pour moi ! Et Dieu ne conditionne pas son Amour pour moi… il est gratuit, totalement gratuit… autrement, Christ ne serait jamais mort sur la croix…
Ne fermez pas votre cœur à l’autre et n’ayez pas peur… « Si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n'en font-ils pas autant? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Mt 5,48.
En marge de l’actualité
La Toussaint, une fête de l’espérance
En cette fin d’octobre les cimetières se font une beauté, les tombes sont repeintes, les fleuristes se préparent pour le jour J … celui de la « fête des morts » souvent confondu avec celui de la Toussaint.
En réalité le 1er novembre nous célébrons la solennité de la Toussaint, la fête de tous les saints connus et inconnus, de la grande foule de ceux qui n'ont pas été « canonisés » officiellement par l'Église. C’est donc la fête des vivants, de celles et ceux qui, déjà, contemplent la gloire de Dieu.
Et c’est le 2 novembre que nous commérons les fidèles défunts, à ne pas confondre avec la Toussaint.
Il ne faut pas non plus confondre Toussaint et Halloween. Halloween est une fête païenne héritée du monde celtique d’Irlande et d’Écosse où l’on croyait que les fantômes de certains défunts se mêlaient aux vivants. Avec l’émigration en Amérique du Nord la fête a été remise en vigueur au XIXè siècle. Ce sont les grosses sociétés américaines qui ont fait de Halloween une fête commerciale qui, au plan mondial, rapporte près de 500 milliards de F CFP !
La solennité de la Toussaint est la célébration joyeuse de la victoire du Christ sur la mort, de tous ceux qui sont admis à partager le bonheur de Dieu, tous ceux qui ont entendu le message des béatitudes et y ont répondu.
L'évocation des saints du ciel nous apporte une lumière pour la vie actuelle. La Solennité de la Toussaint témoigne de l'espérance chrétienne devant la mort. La vie continue au-delà de la mort terrestre, nous sommes appelés à ressusciter avec le Christ.
Dominique SOUPÉ - Chancelier
Une Église qui n’apporte pas Jésus serait une Église morte
Audience générale du pape François du mercredi 23 octobre 2013
« L’Église apporte Jésus: ceci est le centre de l’Église, apporter Jésus ! S'il arrivait une fois que l’Église n’apporte pas Jésus, celle-ci serait alors une Église morte ! L’Église doit apporter la charité de Jésus, l’amour de Jésus, la charité de Jésus », souligne le pape François.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Continuant la catéchèse sur l’Église, aujourd’hui je voudrais regarder Marie comme image et modèle de l’Église. Je le fais en reprenant une expression du concile Vatican II. La constitution Lumen gentium dit : « Comme l’enseignait déjà saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ » (n. 63).
1. Partons du premier aspect, Marie comme modèle de foi. Dans quel sens Marie représente-t-elle un modèle pour la foi de l’Église ? Pensons à qui était la Vierge Marie : une juive, qui attendait de tout son cœur la rédemption de son peuple. Mais dans ce cœur de jeune fille d’Israël il y avait un secret qu’elle-même ne connaissait pas encore: dans le dessein d’amour de Dieu elle était destinée à devenir la Mère du Rédempteur. Dans l’Annonciation, le Messager de Dieu l’appelle « pleine de grâce » et lui révèle ce projet. Marie répond « oui » et à partir de ce moment-là la foi de Marie reçoit une lumière nouvelle : elle se concentre sur Jésus, le Fils de Dieu qui a pris chair en elle et dans lequel s’accomplissent les promesses de toute l’histoire du salut. La foi de Marie est l’accomplissement de la foi d’Israël, en elle se concentre toute la marche, toute la route de ce peuple qui attendait la rédemption. C’est en ce sens-là qu’elle est le modèle de la foi de l’Église, qui a pour centre le Christ, incarnation de l’amour infini de Dieu.
Comment Marie a-t-elle vécu cette foi ? Elle l’a vécue dans la simplicité des milles occupations et préoccupations quotidiennes de toute maman, comme pourvoir à la nourriture, aux vêtements, au soin de la maison... Et cette existence normale de la Vierge fut précisément le terrain où se développa cette relation particulière, ce dialogue profond entre elle et Dieu, entre elle et son Fils. Le « oui » de Marie, déjà parfait au début, a grandi jusqu’à l’heure de la Croix. Là, sa maternité s’est dilatée prenant dans ses bras chacun de nous, notre vie, pour nous guider vers son Fils. Marie a toujours vécu plongée dans le mystère de Dieu fait homme, comme sa première et parfaite disciple, méditant chaque chose dans son cœur à la lumière de l’Esprit saint, pour comprendre et faire toute la volonté de Dieu.
Nous pouvons nous poser cette question : est-ce que nous nous laissons éclairer par la foi de Marie, qui est notre Mère ? Ou bien l’imaginons-nous loin, trop différente de nous ? Dans les moments d’épreuve, d’obscurité, la regardons-nous comme un modèle de confiance en Dieu, qui veut toujours et seulement notre bien ? Pensons à cela, cela nous fera peut-être du bien de retrouver Marie comme modèle et figure de l’Église dans cette foi qu’elle avait !
2. Venons au deuxième aspect: Marie modèle de charité. De quelle façon Marie est pour l’Église un exemple vivant d’amour ? Pensons à sa disponibilité à l’égard de sa parente Élisabeth. En lui rendant visite, la Vierge Marie ne lui a pas apporté qu’un simple soutien matériel, ça aussi, mais elle a apporté Jésus, qui vivait déjà dans son ventre. Amener Jésus dans cette maison voulait dire apporter la joie, une joie comblée. Élisabeth et Zacharie étaient heureux de cette grossesse qui leur paraissait impossible à leur âge, mais c’est la jeune Marie qui leur apporte la joie totale, celle qui vient de Jésus et de l’Esprit Saint et s’exprime dans la charité gratuite, dans le partage, dans l’aide et la compréhension réciproques.
La Vierge Marie veut nous apporter à nous aussi, à nous tous, le grand don qu’est Jésus; et avec Lui elle nous apporte son amour, sa paix, sa joie. C’est ainsi qu’est l’Église, comme Marie : l’Église n’est pas une boutique, n’est pas une agence humanitaire, l’Église n’est pas une ONG, l’Église est envoyée pour apporter le Christ et son Évangile à tous ; elle n’apporte pas ce qu’elle est elle – petite, grande, forte ou faible, l’Église apporte Jésus et doit être comme Marie quand celle-ci est allée rendre visite à Élisabeth. Que lui apportait Marie ? Jésus. L’Église apporte Jésus: ceci est le centre de l’Église, apporter Jésus ! Si par hypothèse il arrivait une fois que l’Église n’apporte pas Jésus, celle-ci serait alors une Église morte! L’Église doit apporter la charité de Jésus, l’amour de Jésus, la charité de Jésus.
Nous avons parlé de Marie, de Jésus, et nous ? Nous qui sommes l’Église ? Quel amour apportons-nous aux autres ? Est-ce l’amour de Jésus, qui partage, qui pardonne, qui accompagne, ou bien est-ce un amour coupé avec de l’eau, comme on allonge du vin qui semble de l’eau ? Est-ce un amour fort, ou si faible qu’il suit les sympathies, qu’il attend un retour, un amour intéressé ? Autre question : Jésus aimait-il l’amour intéressé ? Non, il n’aimait pas ça, car l’amour doit être gratuit, comme le sien. Comment sont les rapports dans nos paroisses, dans nos communautés ? Nous traitons-nous en frères et sœurs ? Ou nous jugeons-nous, parlons-nous mal des uns des autres, soignons-nous notre propre « petit jardin », ou prenons-nous soin l’un de l’autre ? Ce sont des questions de charité !
3. Et brièvement un dernier aspect : Marie modèle d’union avec le Christ. La vie de la Sainte Vierge fut la vie d’une femme de son peuple : Marie priait, travaillait, allait à la synagogue… Mais chaque action était toujours accomplie en parfaite union avec Jésus. Cette union atteint son sommet sur le Calvaire : là Marie s’unit au Fils dans le martyre du cœur et dans l’offrande de sa vie au Père pour le salut de l’humanité. La Vierge a fait sienne la souffrance du Fils et elle a accepté avec Lui la volonté du Père, dans cette obéissance qui porte des fruits, qui donne la vraie victoire sur le mal et sur la mort.
C’est une réalité très belle que nous enseigne Marie: être toujours unis à Jésus. Nous pouvons nous demander: Nous rappelons-nous de Jésus seulement quand quelque chose ne va pas et que nous en avons besoin, ou notre relation est-elle une relation constante, une amitié profonde, même quand il s’agit de le suivre sur le chemin de la croix ?
Demandons au Seigneur qu’il nous donne sa grâce, sa force, afin que dans notre vie et dans la vie de chaque communauté ecclésiale se reflète le modèle de Marie, Mère de l’Église. Ainsi soit-il !
© Copyright 2013 – Libreria Editrice Vaticana
Indissolubilité du mariage et débat sur els divorcés remariés et les sacrements
La force de la grâce
Après l'annonce d'un synode extraordinaire qui se tiendra en octobre 2014 sur la pastorale de la famille, se sont succédé diverses interventions, en particulier à propos de la question des fidèles divorcés et remariés. Pour approfondir avec sérénité ce thème, qui est toujours plus urgent, de l'accompagnement pastoral de ces fidèles en cohérence avec la doctrine catholique, nous publions une ample contribution de l'archevêque préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
La discussion concernant la problématique des fidèles qui ont contracté un nouveau lien civil après un divorce n’est pas nouvelle et a toujours été suivie avec un grand sérieux par l’Église dans l’intention d’aider les personnes concernées. En effet, le mariage est un sacrement qui touche de manière particulièrement profonde la réalité personnelle, sociale et historique de l’homme. En raison du nombre croissant de personnes concernées dans les pays d’antique tradition chrétienne, il s’agit d’un problème pastoral de grande portée. Aujourd’hui, des personnes tout à fait croyantes se demandent sérieusement : l’Église ne peut-elle pas permettre aux fidèles divorcés remariés d’accéder, sous certaines conditions, aux sacrements ? L’Église a-t-elle les mains liées à jamais en cette matière ? Les théologiens ont-ils vraiment déjà dégagé toutes les implications et les conséquences relatives à cet égard ?
Ces questions doivent être discutées en accord avec la doctrine catholique sur le mariage. Une pastorale responsable présuppose une théologie qui s’en remet tout entière et librement à Dieu « dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait » (Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 5). Pour rendre compréhensible l’enseignement authentique de l’Église, nous devons procéder à partir de la Parole de Dieu qui est contenue dans l’Écriture Sainte, exposée dans la Tradition de l’Église et interprétée normativement par le Magistère.
Le témoignage de la Sainte Écriture
Le fait de placer immédiatement notre question dans le cadre de l’Ancien Testament n’est pas exempt de problèmes, parce que le mariage n’était alors pas encore considéré comme un sacrement. La Parole de Dieu dans l’Ancien Testament est toutefois significative pour nous, dans la mesure où Jésus s’inscrit dans cette tradition et argumente à partir d’elle. Dans le Décalogue l’on trouve le commandement « Tu ne commettras pas d’adultère » (Ex 20,14), mais ailleurs le divorce est considéré comme possible. Selon Dt 24, 1-4, Moïse établit qu’un homme peut rédiger pour sa femme un acte de répudiation et peut la renvoyer de sa maison, lorsqu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux. En conséquence de quoi l’homme et la femme peuvent contracter un nouveau mariage. Toutefois, à côté de la concession du divorce, l’on trouve dans l’Ancien Testament aussi un certain embarras à l’égard de cette pratique. Comme l’idéal de la monogamie, de même l’idéal de l’indissolubilité est compris dans la comparaison que les prophètes font entre l’alliance de Yahvé avec Israël et le lien matrimonial. Le prophète Malachie exprime clairement cela : «Qu’il n’y ait pas d’infidélité envers la femme de ta jeunesse […] la femme de ton alliance » (Ml 2, 14-15).
Ce furent surtout les controverses avec les pharisiens qui donnèrent à Jésus l’occasion de se confronter à ce thème. Il prit expressément ses distances d’avec la pratique vétérotestamentaire du divorce, que Moïse avait permise à cause de la « dureté de cœur » des hommes, et renvoya à la volonté originaire de Dieu : « Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux seront une seule chair ; […] Que l’homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni » (Mc 10, 5-9 ; cf. Mt 19, 4-9 ; Lc 16, 18). L’Église catholique, dans son enseignement et dans sa pratique, s’est constamment référée à ces paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage. Le pacte qui unit intérieurement les deux conjoints est institué par Dieu lui-même. Il désigne une réalité qui vient de Dieu et n’est donc plus à la disposition des hommes.
Aujourd’hui, certains exégètes estiment que ces paroles du Seigneur auraient été appliquées avec une certaine souplesse dès les temps apostoliques : et précisément dans le cas de la porneia/fornication (cf. Mt 5, 32 ; 19, 9) et dans celui de la séparation entre un partenaire chrétien et un non chrétien (cf. 1 Co 7, 12-15). Les clauses sur la fornication ont été l’objet de discussions controversées dès le début dans l’exégèse. Beaucoup sont convaincus qu’il ne s’agit pas d’exceptions à l’indissolubilité du mariage, mais d’unions matrimoniales invalides. En tous cas, l’Église ne peut fonder sa doctrine et sa pratique sur des hypothèses exégétiques controversées. Elle doit s’en tenir à l’enseignement clair du Christ.
Paul annonce l’interdiction du divorce comme une volonté expresse du Christ : « Quant à ceux qui sont mariés, je leur prescris non pas moi toutefois, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari – et si elle se sépare, qu’elle demeure sans se remarier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari – et que le mari ne quitte point sa femme » (1 Co 7, 10-11). Dans le même temps, se fondant sur sa propre autorité, Paul permet qu’un non chrétien peut se séparer de son partenaire devenu chrétien. Dans ce cas, le chrétien n’est « pas tenu » à demeurer non marié (1 Co 7, 12-16). À partir de ce passage, l’Église a reconnu que seul le mariage entre un homme baptisé et une femme baptisée est un sacrement au sens propre, et que l’indissolubilité sans condition ne vaut que pour eux. Bien que le mariage des non baptisés soit ordonné à l’indissolubilité, il peut être dissous dans certaines circonstances, en vue d’un bien supérieur (privilège paulin). Il ne s’agit donc pas ici d’une exception à la parole du Seigneur : l’indissolubilité du mariage sacramentel, du mariage dans le cadre du mystère du Christ, est sauvegardée.
La Lettre aux Éphésiens, dans laquelle on affirme : « Maris, aimez vos femmes, comme aussi Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle » (Ep 5, 25), possède une grande signification pour le fondement biblique de la compréhension sacramentelle du mariage. Un peu plus loin l’Apôtre écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et les deux ne seront qu’une seule chair. Ce mystère est grand ; je le dis par rapport au Christ et à l’Église » (Ep 5, 31-32). Le mariage chrétien est un signe efficace de l’alliance du Christ et de l’Église. Le mariage entre baptisés est un sacrement parce qu’il désigne et communique la grâce de cette alliance.
Le témoignage de la Tradition de l’Église
Les Pères de l’Église et les conciles constituent par la suite d’importants témoignages pour l’élaboration de la position ecclésiastique. Pour les Pères, les directives bibliques sont normatives. Ils récusent les lois civiles sur le divorce comme étant incompatibles avec l’exigence de Jésus. L’Église des Pères, en obéissance à l’Évangile, a rejeté le divorce et le remariage ; sur cette question, le témoignage des Pères est sans équivoque.
À l’époque patristique, les croyants divorcés qui s’étaient remariés civilement n’étaient pas admis aux sacrements, même après un temps de pénitence. Certains textes patristiques laissent entendre que les abus n’étaient pas toujours repoussés de façon rigoureuse et que, parfois, ont été recherchées des solutions pastorales pour de très rares cas-limites.
Plus tard, surtout en raison du maillage croissant entre Église et État, on en vint à de plus grands compromis dans certaines zones. En Orient, ce développement s’est poursuivi et a conduit, surtout après la séparation d’avec la Chaire de Pierre, à une pratique toujours plus libérale. Aujourd’hui, dans les Églises orthodoxes, il existe une multitude de motifs de divorce, qui sont généralement justifiés par le renvoi à l’oikonomia, la clémence pastorale pour des cas particuliers difficiles, et ouvrent la voie à un deuxième ou à un troisième mariage à caractère pénitentiel. Cette pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et cela représente un problème œcuménique qu’il ne faut pas sous-estimer.
En Occident, la réforme grégorienne a fait obstacle aux tendances de libéralisation et a reproposé la conception originelle des Écritures et des Pères. L’Église catholique a défendu l’indissolubilité absolue du mariage, même au prix de grands sacrifices et souffrances. Le schisme de « l’Église d’Angleterre », qui s’est séparée du Successeur de Pierre, n’est pas advenu à cause de différences doctrinales, mais parce que le Pape, en obéissance à la parole de Jésus, ne pouvait pas accéder à la requête d’Henri VIII en vue de l’annulation de son mariage.
Le Concile de Trente a confirmé la doctrine de l’indissolubilité du mariage sacramentel et a déclaré qu’elle correspond à l’enseignement de l’Évangile (cf. DH 1807). Parfois l’on soutient que l’Église a, de fait, toléré la pratique orientale, mais cela ne correspond pas à la vérité. Les canonistes ont toujours à nouveau parlé d’une pratique abusive, et il existe des témoignages d’après lesquels des groupes de chrétiens orthodoxes devenus catholiques durent signer une confession de foi contenant une référence explicite à l’impossibilité de deuxièmes ou de troisièmes noces.
Le Concile Vatican II a proposé une doctrine théologiquement et spirituellement profonde du mariage dans la Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps. Il maintient clairement et distinctement l’indissolubilité du mariage. Celui-ci est entendu comme une communion corporelle et spirituelle complète de vie et d’amour entre un homme et une femme, qui se donnent et s’accueillent l’un l’autre en tant que personnes. À travers l’acte personnel et libre du « oui » réciproque, est fondée par droit divin une institution stable, qui est ordonnée au bien des époux et de leurs enfants, et qui ne dépend plus de l’arbitraire humain : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (n. 48). Au moyen du sacrement, Dieu offre aux époux une grâce spéciale : « De même en effet que Dieu prit autrefois l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s’aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l’Église et s’est livré pour elle » (ibid.). À travers le sacrement, l’indissolubilité du mariage renferme une signification nouvelle et plus profonde : elle devient l’image de l’amour constant de Dieu pour son peuple et de la fidélité irrévocable du Christ à son Église.
Il est possible de comprendre et de vivre le mariage comme sacrement uniquement dans le cadre du mystère du Christ. Si l’on sécularise le mariage ou si on le considère comme une réalité purement naturelle, l’accès à sa dimension sacramentelle demeure caché. Le mariage sacramentel appartient à l’ordre de la grâce et il est introduit dans la communion définitive d’amour du Christ avec son Église. Les chrétiens sont appelés à vivre leur mariage dans l’horizon eschatologique de la venue du Royaume de Dieu en Jésus Christ, le Verbe de Dieu incarné.
Le témoignage du Magistère à l’époque contemporaine
Le texte, aujourd’hui encore fondamental, de l’Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée par Jean-Paul II le 22 novembre 1981 à la suite du synode des évêques sur la famille chrétienne dans le monde contemporain, confirme avec insistance l’enseignement dogmatique de l’Église sur le mariage. Du point de vue pastoral, l’Exhortation post-synodale se soucie aussi des fidèles remariés civilement, mais qui sont encore liés par un mariage ecclésiastiquement valide. Le Pape fait preuve d’un haut degré de sollicitude et d’attention. Le n. 84 (« Les divorcés remariés ») contient les énoncés fondamentaux suivants :
Les pasteurs en charge d’âmes ont l’obligation, par amour de la vérité, « de bien discerner les diverses situations ». Il n’est pas possible d’évaluer tout et tous de la même manière. Les pasteurs d’âmes et les communautés sont tenus à aider « avec une grande charité » les fidèles concernés ; eux aussi appartiennent à l’Église, ils ont droit à la sollicitude pastorale et doivent participer à la vie de l’Église. L’admission à l’Eucharistie ne peut toutefois pas leur être accordée. Pour cela, un double motif est mentionné : a) « leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » ; b) « si l’on admettait ces personnes à l’Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l’indissolubilité du mariage ». Une réconciliation à travers le sacrement de la pénitence – qui ouvre la voie à la réception de l’Eucharistie – peut être accordée uniquement en cas de repentir sur ce qui a eu lieu, avec la disponibilité « à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage ». Cela signifie, concrètement, que lorsqu’il n’est pas possible de mettre un terme à la nouvelle union pour des raisons sérieuses – telle que l’éducation des enfants –, les deux partenaires doivent prendre « l’engagement de vivre en complète continence ». Pour des raisons internes sacramentelles et théologiques, et non à cause d’une obligation légaliste, il est expressément interdit au clergé, tant que subsiste le premier mariage sacramentellement valide, de procéder à des « cérémonies d’aucune sorte » en faveur de divorcés qui se remarient civilement.
La Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi concernant la réception de la Communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés du 14 septembre 1994 confirme que la pratique de l’Église en ce domaine « ne peut être changée sur la base des différentes situations » (n. 5). Il est en outre spécifié que les croyants concernés ne doivent pas s’approcher de la sainte Communion sur la base du jugement de leur conscience : « Si ce fidèle jugeait possible de le faire, les pasteurs et les confesseurs auraient […] le grave devoir de l’avertir qu’un tel jugement de conscience est en opposition patente avec la doctrine de l’Église » (n. 6). Lorsqu’il existe des doutes quant à la validité d’un mariage ayant échoué, ceux-ci doivent être vérifiés par les tribunaux compétents en matière matrimoniale (cf. n. 9). Il demeure d’une importance fondamentale de faire « tout ce qui peut fortifier dans l’amour du Christ et de l’Église les fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. C’est seulement ainsi qu’il leur sera possible d’accueillir pleinement le message du mariage chrétien et de supporter dans la foi la souffrance due à leur situation. Dans l’action pastorale, tout doit être mis en œuvre pour faire bien comprendre qu’il ne s’agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l’indissolubilité du mariage comme don du Créateur » (n. 10).
Dans l’Exhortation post-synodale Sacramentum caritatis du 22 février 2007, Benoît XVI résume et poursuit le travail du précédent synode des évêques sur le thème de l’Eucharistie. Il en vient à parler de la situation des fidèles divorcés remariés au n. 29, où il la qualifie de « problème pastoral épineux et complexe ». Benoît XVI réaffirme « la pratique de l’Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés », mais il conjure presque les pasteurs d’âmes à consacrer une « attention spéciale » aux personnes concernées, « désirant qu’elles développent, autant que possible, un style de vie chrétien, par la participation à la Messe, mais sans recevoir la Communion, par l’écoute de la Parole de Dieu, par l’adoration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté, par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l’engagement dans l’éducation de leurs enfants ». En cas de doute quant à la validité de la communauté de vie matrimoniale qui s’est brisée, celui-ci doit être examiné avec attention par les tribunaux compétents en matière matrimoniale.
La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. Là où il n’est pas possible de constater une nullité du mariage, l’absolution et la Communion eucharistique présupposent, selon la pratique éprouvée de l’Église, une vie commune « comme amis, comme frère et sœur ». Les bénédictions de liens irréguliers sont à éviter « dans tous les cas […] pour que ne surgissent pas chez les fidèles des confusions autour de la valeur du mariage ». La bénédiction (bene-dictio : approbation de la part de Dieu) d’une relation qui s’oppose à la volonté divine est une contradiction en soi.
Dans l’homélie prononcée à Milan le 3 juin 2012, à l’occasion de la VIIe Rencontre mondiale des familles, Benoît XVI est revenu sur ce douloureux problème : « Je voudrais aussi réserver un mot aux fidèles qui, tout en partageant les enseignements de l’Église sur la famille, sont marqués par des expériences douloureuses d’échec et de séparation. Sachez que le Pape et l’Église vous soutiennent dans votre peine. Je vous encourage à rester unis à vos communautés, tout en souhaitant que les diocèses prennent des initiatives d’accueil et de proximité adéquates ».
Le dernier synode des évêques sur le thème « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » (7-28 octobre 2012) s’est à nouveau occupé de la situation des fidèles qui, suite à l’échec d’une communauté de vie matrimoniale (non pas l’échec du mariage, qui subsiste en tant que sacrement), ont noué une nouvelle union et vivent ensemble en dehors du lien sacramentel du mariage. Dans le message final, les pères synodaux se sont adressés avec ces mots aux fidèles concernés : « À tous ceux-là nous voulons dire que l’amour du Seigneur n’abandonne personne, que l’Église les aime aussi et reste une maison accueillante pour tous, qu’ils demeurent membres de l’Église même s’ils ne peuvent recevoir l’absolution sacramentelle et l’Eucharistie. Que les communautés catholiques soient accueillantes envers tous ceux qui vivent ces situations, et qu’elles favorisent des chemins de réconciliation ».
Considérations anthropologiques et théologico-sacramentelles
La doctrine de l’indissolubilité du mariage se heurte souvent à l’incompréhension dans un milieu sécularisé. Là où se sont perdues les raisons fondamentales de la foi chrétienne, une simple appartenance conventionnelle à l’Église n’est plus en mesure de porter des choix de vie importants et d’offrir un support dans les crises de l’état matrimonial – comme aussi du sacerdoce et de la vie consacrée. Beaucoup se demandent : comment puis-je me lier pour toute la vie à une seule femme ou à un seul homme ? Qui peut me dire comment cela sera après dix, vingt, trente, quarante ans de mariage ? D’ailleurs, un lien définitif avec une seule personne est-il possible ? Les nombreuses communautés matrimoniales qui se brisent aujourd’hui renforcent le scepticisme des jeunes à l’égard des décisions de vie définitives.
D’autre part, l’idéal de la fidélité entre un homme et une femme, fondé sur l’ordre de la création, n’a rien perdu de son attrait, comme le révèlent des enquêtes récentes parmi les jeunes. La plupart d’entre eux aspirent à une relation stable et durable, en tant qu’elle correspond aussi à la nature spirituelle et morale de l’homme. En outre, il faut rappeler la valeur anthropologique du mariage indissoluble : celui-ci soustrait les conjoints à l’arbitraire et à la tyrannie des sentiments et des états d’âme ; il les aide à traverser les difficultés personnelles et à surmonter les expériences douloureuses ; il protège surtout les enfants, qui pâtissent le plus de la rupture des mariages.
L’amour est plus que le sentiment et l’instinct ; dans son essence il est dévouement. Dans l’amour conjugal, deux personnes se disent l’une à l’autre consciemment et volontairement : seulement toi – et toi pour toujours. À la parole du Seigneur : « Ce que Dieu a uni… » correspond la promesse du couple : « Je te prends pour époux… je te prends pour épouse… Je veux t’aimer, te respecter et t’honorer tant que je vis, jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Le prêtre bénit l’alliance que les conjoints ont conclue entre eux devant Dieu. Quiconque a des doutes sur le fait que le lien matrimonial possède une qualité ontologique, voudra se laisser instruire par la Parole de Dieu : « Le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, et a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mt 19, 4-6).
Pour les chrétiens vaut le fait que le mariage entre baptisés, qui sont incorporés dans le Corps du Christ, possède un caractère sacramentel et représente par là une réalité surnaturelle. Un problème pastoral sérieux consiste dans le fait que certains, aujourd’hui, jugent le mariage exclusivement selon des critères mondains et pragmatiques. Celui qui pense selon « l’esprit du monde » (1 Co 2, 12) ne peut pas comprendre le caractère sacramentel du mariage. Au manque de compréhension croissant à propos de la sainteté du mariage, l’Église ne peut pas répondre par une adaptation pragmatique à ce qui apparaît inévitable, mais seulement en ayant confiance dans « l’Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits » (1 Co 2, 12). Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête « comme une épouse parée pour son époux » (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus Christ. La fidélité aux promesses du mariage est un signe prophétique du salut que Dieu donne au monde : « qui peut comprendre, qu’il comprenne » (Mt 19, 12). L’amour conjugal est purifié, renforcé et élevé par la grâce sacramentelle : « Cet amour, ratifié par un engagement mutuel, et par dessus tout consacré par le sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout divorce » (Gaudium et spes, n. 49). En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité.
Assurément, il existe des situations – tout pasteur d’âme le sait – dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs, comme par exemple en cas de violences physiques ou psychiques. Dans ces situations douloureuses, l’Église a toujours permis que les conjoints se séparent et ne vivent plus ensemble. Il faut toutefois considérer que lien conjugal d’un mariage valide perdure devant Dieu et que chacune des parties n’est pas libre de contracter un nouveau mariage tant que l’autre conjoint est en vie. Les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes doivent s’engager pour promouvoir des chemins de réconciliation également dans ces cas ou, quand cela n’est pas possible, aider les personnes concernées à affronter dans la foi leur situation difficile.
Observations théologico-morales
On propose toujours à nouveau que la décision de s’approcher ou non de la Communion eucharistique devrait être laissée à la conscience personnelle des divorcés remariés. Cet argument, qui se fonde sur un concept problématique de « conscience », a déjà été repoussé dans la Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1994. Assurément, dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).
Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).
La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.
Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.
Le souci pastoral
Bien que l’admission des divorcés remariés aux sacrements ne soit pas possible en raison de la nature profonde de ces derniers, les efforts pastoraux s’imposent d’autant plus envers ces fidèles, même si ceux-ci doivent se conformer aux normes dérivant de la Révélation et du Magistère de l’Église. Le parcours indiqué par l’Église pour les personnes concernées n’est pas simple, mais elles doivent savoir et sentir que l’Église accompagne leur chemin en tant que communauté de salut. À travers leur effort pour comprendre la pratique de l’Église et ne pas s’approcher de la Communion, les partenaires rendent témoignage, à leur manière, à l’indissolubilité du mariage.
Le souci pour les divorcés remariés ne devrait certes pas se réduire à la question de la réception de l’Eucharistie. Il s’agit d’une pastorale plus globale qui cherche à tenir compte le plus possible des différentes situations. Il est important de savoir, à ce propos, qu’outre la Communion sacramentelle, il existe encore d’autres manières d’entrer en communion avec Dieu. La relation avec Dieu est réalisée lorsqu’on s’adresse à lui dans la foi, dans l’espérance et dans la charité, dans le repentir et dans la prière. Dieu peut accorder sa proximité et son salut aux hommes à travers diverses voies, même s’ils vivent des situations contradictoires. Comme le soulignent constamment les récents documents du Magistère, les pasteurs d’âmes et les communautés chrétiennes sont appelés à accueillir avec ouverture et cordialité les personnes vivant dans des situations irrégulières, pour être à leurs côtés avec empathie, les aidant et pour leur faire sentir l’amour du Bon Pasteur. Une pastorale fondée sur la vérité et sur l’amour trouvera toujours à nouveau dans ce domaine les voies et les formes justes.
23 octobre 2013
© Copyright 2013 – Osservatore Romano
Mettons notre confiance dans le Seigneur
Commentaire de l’Évangile du XXXème Dimanche du Temps ordinaire
Comme beaucoup de paraboles de Jésus, la parabole du pharisien et du publicain est une caricature, au sens de l'art de celui qui d'un trait de crayon, sait dire la vérité d'un personnage ou d'une situation. Le petit chef d'œuvre de Jésus, aujourd'hui, met en scène deux personnages typiques de la société de son temps : le pharisien et le publicain.
Pour bien saisir la saveur du portrait que Jésus en fait, il faut savoir que les pharisiens étaient des gens d'une grande rectitude morale, et même très bien considérés à l'époque. Celui que décrit Jésus est même un super-pharisien par ses jeûnes et sa générosité. Rendez-vous compte : il donne 10% de ses revenus. Qui d'entre nous en est capable ?
Il faut également se rappeler que les publicains étaient réellement de vilains individus ; non seulement collaborateurs de l'occupant romain, mais également voleurs, sans pitié pour les pauvres gens qu'ils n'hésitaient pas à faire vendre comme esclaves quand ils ne pouvaient pas payer les impôts qu'on leur réclamait. Ils avaient acheté leur fonction, souvent très cher, et ensuite, parce qu'ils fixaient arbitrairement le montant de l'impôt, ils se débrouillaient pour faire rapidement fortune sur le dos des gens.
Voilà donc nos deux hommes qui montent au Temple pour prier. Que s'est-il donc passé pour qu'à la fin de leur prière, seul le publicain soit justifié et désigné comme exemple par Jésus ? Simplement un tout petit mot qu'il n'a pas dit et que, par contre, on trouve dans la bouche du pharisien : le mot « comme ». « Je te rends grâce, dit le pharisien, parce que je ne suis pas comme les autres hommes. » Disant ce mot, il se met à part, et pire, il se compare aux autres, à son avantage, naturellement. Voilà la racine de son péché.
Se comparer aux autres ne peut qu'engendrer en nous que deux attitudes opposées, aussi néfastes l'une que l'autre : soit l'autosatisfaction (Dieu merci, je ne suis pas comme les autres), soit la dépression (Je ne suis bon à rie, je n'y arriverai jamais). L'orgueil engendre le mépris des autres, et l'envie engendre la jalousie. Ne croyez-vous pas que là réside tout le malheur de l'homme. Et c'est vrai non seulement pour les individus, mais pour tous les groupes humains : nations, classes sociales, ethnies, confessions religieuses...
Nous voici une fois de plus invités à faire la vérité en nous. Ce qui permet au publicain d'être justifié, c'est qu'il se situe dans la vérité de son existence : il ne peut pas mentir à Dieu, il ne va donc pas se mentir à lui-même. Il est réellement un pécheur. Et il le reconnaît. Plus même, il demande pitié à Dieu. Et il est exaucé.
Le drame du pharisien, c'est d'avoir mis uniquement sa confiance en lui, en ses actes. Au fond, il n'a pas besoin de Dieu ni de personne. Il est seul. C'est tout juste s'il ne demande pas à Dieu de l'admirer.
Faire la vérité en nous pour être justifiés, cela exige de mettre sa confiance en Dieu plus qu'en nous-mêmes : voilà la leçon de foi que nous donne le publicain. Certes, chaque fois que nous entendons cette parabole, nous nous projetons dans le publicain, puisque c'est à lui que Jésus donne raison. Mais avons-nous tellement envie de nous frapper la poitrine ? N'est-ce pas du bout des lèvres que nous nous déclarons pécheurs ? Au fond, nous n'y croyons pas vraiment. Et en chacun de nous, il y a bien des attitudes qui ressemblent à celle du pharisien. D'abord parce que nous pensons que le salut, c'est une question de mérites et qu'il faut se présenter devant Dieu avec tout ce que nous avons fait de bien. Ensuite parce que nous avons besoin de nous sécuriser grâce à ce que nous faisons et à ce que nous sommes. Il nous faut, une fois de plus demander au Seigneur d'augmenter notre foi, pour pouvoir chaque jour grandir dans la confiance.
Si nous sommes vrais en face de Dieu, nous pourrons faire la vérité dans notre vie. Ce sera sans doute un grand nettoyage. Mais ça en vaut la peine.
© Copyright 2013 - Kerit