PKO 08.09.2013

Dimanche 8 septembre 2013 – XXIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°49/2013

HUMEURS

« Avons-nous encore un cœur ? »

 Une question à se poser en ces temps où les « va-t’en guerre » tiennent le haut du pavé. Avons-nous perdu toute humanité ? Proposer des « frappes chirurgicales » qui inévitablement feront des victimes innocentes, pour donner une leçon aux dirigeants syriens, n’est-ce pas aussi vil et méprisant pour la dignité de l’homme ? Peut-on concevoir qu’enlever la vie d’hommes et de femmes soit un moyen pour donner une leçon à d’autres hommes ?

Tuer quelques syriens anonymes pour « apprendre » aux autorités syriennes à ne plus utiliser d’armes chimiques… n’est-ce pas aussi vil et déshumanisant que les moyens que l’on veut dénoncer ?

« Avons-nous encore un cœur ? » est bien la question que nous devons poser au monde d’aujourd’hui qui semble avoir réduit l’homme à un instrument au service du « lobby économique » et de ses sbires !

Le philosophe Nietzsche avait annoncé la mort de Dieu et sa conséquence : la mort de l'homme… Il semble que nous y soyons ! Un monde sans Dieu, où la seule valeur est la toute-puissance économique réduit l’homme à un simple moyen au service de l’économie… Les beaux discours humanistes de nos Obama, Hollande et consorts ne sont que du vent, du vent destiné sinon à galvaniser les foules, du moins à les anesthésier…

Le temps est venu pour l’homme de se réveiller, de redécouvrir sa dignité fondamentale… l’homme est au cœur de la création, il en est le sommet et personne ne peut l’utiliser pour autre chose que lui-même ! Aucune vie ne peut être prise pour donner une leçon à d’autres…

« Plus jamais la guerre ! », « La guerre est le suicide de l’humanité »… Ces paroles ne sont pas l’expression d’une adhésion à un quelconque esprit munichois, quoiqu’en disent quelques tristes sires… ce sont  les cris des hommes qui croient en l’homme tout simplement…

Refusons d’abandonner l’homme à la toute-puissance de l’argent et du pouvoir… réaffirmons notre foi en l’homme que Dieu a assumé en Jésus Christ…

Dieu croit en l’homme… ne désespérons jamais de l’humanité !

Oui, nous avons encore du cœur… laissons-le parler… laissons-le agir !

 

En marge de l’actualité

Le Pape François dit non à la guerre ! Oui au dialogue pour un « chemin de paix »

 Alors que des chefs d'État et de gouvernement s'affairent pour mettre fin aux crimes contre l'humanité perpétrés en Syrie, le Pape François, de nombreux évêques et responsables religieux, des associations caritatives en place sur le terrain s'opposent fermement aux « frappes ciblées » (« chirurgicales » disent certains) qui ne feront qu'ajouter des morts aux morts, de la souffrance et de la haine sans aucune perspective d'espérance et de paix.

Devant tant de souffrances endurées par un grand nombre de populations, face aux guerres, aux actes terroristes, aux foyers de tensions … quelque soit le pays et la zone géographique les responsables des Églises chrétiennes multiplient leurs appels à la négociation et au dialogue pour trouver des solutions politiques.

Le Pape François ne ménage pas sa peine. Se lançant dans la bataille pour la Paix, il s'est adressé, dimanche 1er septembre lors de l'Angélus, à toutes les personnes de bonne volonté – chrétiens et non chrétiens - en lançant un appel vibrant pour la Paix : « J'adresse un appel fort et pressant à toute l'Église catholique, et je l'étends à tous les chrétiens d'autres confessions, aux hommes et femmes de toutes religions et aussi à ces frères et sœurs qui ne croient pas : la paix est un bien qui dépasse toute barrière, car elle est un bien de toute l'humanité ». Il propose aux catholiques du monde entier une journée de jeûne et de prière, samedi 7 septembre, veille de la fête de la nativité de la Vierge Marie, ainsi qu'une veillée de prière sur la place Saint Pierre. « J’invite aussi à s’unir à cette initiative, par la manière qu’ils retiendront la plus opportune, les frères chrétiens non catholiques, les adeptes des autres religions, ainsi que les hommes de bonne volonté. »

Au-delà de cette action d'une journée, le Saint Père souhaite « qu’une chaîne d’engagement pour la paix unisse tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté ».

Nous le savons très bien que la clef de la Paix est le dialogue. Dire « Oui au dialogue » c'est un exercice quotidien qu'il faut pratiquer pour définitivement dire « non à la guerre ».

Dominique SOUPÉ - Chancelier


Plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre !

Angélus du Pape François le 1er septembre 2013

Lors de l'angélus dominical place Saint-Pierre, le pape s'est fait l’interprète « du cri qui monte de toutes les parties de la terre, de tous les peuples, du cœur de chacun, de l’unique grande famille qu’est l’humanité, avec une angoisse croissante : c’est le cri de la paix ! Et le cri qui dit avec force : nous voulons un monde de paix, nous voulons être des hommes et des femmes de paix, nous voulons que dans notre société déchirée par les divisions et les conflits, explose la paix ; plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre ! » Le pape François a appelé l'Eglise catholique et tous les hommes et femmes de bonne volonté à former « une chaine d'engagement pour la paix » et à vivre une Journée de jeûne et de prière, le 7 septembre dernier.

Chers frères et sœurs, je voudrais me faire aujourd’hui l’interprète du cri qui monte de toutes les parties de la terre, de tous les peuples, du cœur de chacun, de l’unique grande famille qu’est l’humanité, avec une angoisse croissante : c’est le cri de la paix ! Et le cri qui dit avec force : nous voulons un monde de paix, nous voulons être des hommes et des femmes de paix, nous voulons que dans notre société déchirée par les divisions et les conflits, explose la paix ; plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre ! La paix est un don éminemment précieux, qui doit être promu et préservé.

Je vis avec une particulière souffrance et préoccupation les nombreuses situations de conflit qu’il y a sur notre terre, mais, ces jours-ci, mon cœur est profondément blessé par ce qui se passe en Syrie et angoissé par les développements dramatiques qui s’annoncent.

J’adresse un appel fort pour la paix, un appel qui naît du plus profond de moi-même ! Que de souffrance, que de destruction, que de douleur a provoqué et provoque l’usage des armes dans ce Pays affligé, particulièrement parmi les populations civiles et sans défense ! Pensons : Que d’enfants ne pourront pas voir la lumière de l’avenir ! Avec une fermeté particulière je condamne l’usage des armes chimiques ! Je vous dis que j’ai encore fixées dans mon esprit et dans mon cœur les terribles images de ces derniers jours ! Sur nos actions il y a un jugement de Dieu et aussi un jugement de l’histoire, auxquels on ne peut pas échapper ! Ce n’est jamais l’usage de la violence qui conduit à la paix. La guerre appelle la guerre, la violence appelle la violence !

De toutes mes forces, je demande aux parties en conflit d’écouter la voix de leur conscience, de ne pas s’enfermer dans leurs propres intérêts, mais de regarder l’autre comme un frère et d’entreprendre courageusement et résolument le chemin de la rencontre et de la négociation, en dépassant les oppositions aveugles. Avec la même fermeté, j’exhorte aussi la Communauté internationale à fournir tout effort pour promouvoir, sans délai ultérieur, des initiatives claires fondées sur le dialogue et la négociation pour la paix dans cette Nation, pour le bien de tout le peuple syrien.

Qu’aucun effort ne soit épargné pour garantir une assistance humanitaire à ceux qui sont touchés par ce terrible conflit, particulièrement aux réfugiés dans ce Pays et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins. Que soit garantie aux agents humanitaires engagés à alléger les souffrances de la population, la possibilité de prêter l’aide nécessaire.

Que pouvons-nous faire pour la paix dans le monde ? Comme le disait le Pape Jean XXIII : « À tous incombe la tâche de rétablir les rapports de la vie en société sur les bases de la justice et de l’amour » (cf. Pacem in terris - 11 avril 1963).

Qu’une chaîne d’engagement pour la paix unisse tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté ! C’est une forte et pressante invitation que j’adresse à toute l’Église catholique, mais que j’étends à tous les chrétiens d’autres Confessions, aux hommes et aux femmes de chaque Religion, ainsi qu’à ces frères et sœurs qui ne croient pas : la paix est un bien qui dépasse toute barrière, parce qu’elle est un bien de toute l’humanité.

Je le répète à haute voix : ce n’est pas la culture de l’affrontement, la culture du conflit qui construit la vie collective dans un peuple et entre les peuples, mais celle-ci : la culture de la rencontre, la culture du dialogue : c’est l’unique voie pour la paix.

Que le cri de la paix s’élève pour arriver au cœur de tous et que tous déposent les armes et se laissent guider par le souffle de la paix.

Voilà pourquoi, frères et sœurs, j’ai décidé d’organiser pour toute l’Église, le 7 septembre prochain, veille de la célébration de la Nativité de Marie, Reine de la Paix, une journée de jeûne et de prière pour la paix en Syrie, au Moyen-Orient, et dans le monde entier, et j’invite aussi à s’unir à cette initiative, par la manière qu’ils retiendront la plus opportune, les frères chrétiens non catholiques, les adeptes des autres religions, ainsi que les hommes de bonne volonté.

Le 7 septembre, sur la Place Saint-Pierre – ici – de 19h à 24h, nous nous réunirons en prière et dans un esprit de pénitence pour invoquer de Dieu ce grand don pour la bien-aimée Nation syrienne et pour toutes les situations de conflit et de violence dans le monde. L’humanité a besoin de voir des gestes de paix et d’entendre des paroles d’espérance et de paix ! Je demande à toutes les Églises particulières qui, outre le fait de vivre cette journée de jeûne, d’organiser des actions liturgiques à cette intention.

À Marie, nous demandons de nous aider à répondre à la violence, au conflit et à la guerre, par la force du dialogue, de la réconciliation et de l’amour. Elle est mère : qu’elle nous aide à retrouver la paix ; nous sommes tous ses enfants ! Aide-nous, Marie, à dépasser ce moment difficile et à nous engager à construire chaque jour et dans tous les domaines une culture authentique de la rencontre et de la paix. Marie, Reine de la paix, prie pour nous !

© Copyright 2013 – Libreria Editrice Vaticana


Le Père Philippe MAILLARD  Une vie au milue des pauvres

Ce dominicain, longtemps aumônier de prison à Loos-lès-Lille, est décédé jeudi 29 août à 93 ans.

« Ce qui m’importe, c’est l’extraordinaire densité que la résurrection donne aujourd’hui à notre vie », écrivait le P. Philippe Maillard, dans une récente « Méditation pascale ». La vie de ce dominicain décédé jeudi 29 août à l’âge de 93 ans fut effectivement d’une grande densité, partagée, comme il en avait rêvé, « entre la prière silencieuse et la présence amoureuse au plus pauvre ».

Né le 1er janvier 1920 à Lausanne (Suisse) dans une famille aisée, et après avoir exercé quatre ans comme avocat, il avait tout abandonné pour entrer chez les dominicains en 1943. « J’avais entendu prêcher le P. Carré à Notre-Dame dans le Paris occupé, et la manière dont il parlait du Christ m’avait bouleversé », témoignait le P. Maillard dans un documentaire du « Jour du Seigneur » en 2007. Après son ordination, il est nommé aumônier de la faculté de droit de Paris, ce qui l’amène à lancer des camps d’été en haute montagne et à se lier, à partir de 1954 et de la guerre d’Algérie, aux milieux clandestins luttant contre la torture.

Il est ensuite élu prieur des couvents dominicains de Strasbourg (où il côtoie le théologien Yves Congar) puis de Toulouse, avant de devenir directeur du Centre international de la Sainte-Baume. En ces années d’après Mai 68, ce lieu de pèlerinage près de Toulon accueille de nombreux jeunes et artistes en recherche. Le P. Maillard fait venir des conférenciers, bâtit une chapelle avec le peintre et sculpteur Thomas Gleb, organise un festival de cinéma chrétien et des sessions de yoga…

À 58 ANS, IL RÉALISE SON PREMIER DÉSIR

Enfin, à 58 ans, après avoir rencontré le P. Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, il peut concrétiser son premier désir. Il rejoint le quartier alors très pauvre de Lille-Moulins, d’abord comme permanent d'ATD Quart Monde, puis dans une petite communauté qu’il fonde en 1978, au 28 rue de Wattignies. « À l’époque, les rats couraient partout ; c’était pire que du Zola », évoque Jean-Pierre Mérimée. Cet ancien prêtre-ouvrier ayant rejoint le « 28 » en 1983, et Michel Froidure, autre ancien « P.O. », ont vécu avec le P. Maillard jusqu’à sa mort, jeudi dernier. « Jusqu’au bout, il a tenu à faire son tour de quartier quotidien », poursuit le P. Mérimée.

Au « 28 », SDF, voisins et amis sont accueillis autour d’un repas ou pour l’Eucharistie du mercredi soir qui rassemble une soixantaine de personnes, sans parler des ateliers bibliques, des préparations à la confirmation… et des voyages organisés à Lourdes, à Assise ou dans le Sinaï. « J’imagine que c’est comme cela que le Christ vivait, au milieu des pauvres, car c’est eux qui venaient le plus l’écouter. Ici, on leur permet d’exister », expliquait-il encore en 2007.

« JE RENCONTRAIS EN PRISON UN CHRIST BAFOUÉ, NIÉ, INJURIÉ »

À partir de 1981, le P. Maillard devient aumônier de la maison d’arrêt et du centre de détention de Loos-lès-Lille (800 places au total), où il côtoie bien d’autres misères. « J’avais connu un Christ qui invitait à la tendresse universelle et à la prière ; je rencontrais en prison un Christ bafoué, nié, injurié », disait-il encore. Il entre ainsi en contact avec Jacky Van Thuyne, « détenu particulièrement surveillé » (dans le langage carcéral) ayant été arrêté après un affrontement sanglant à la frontière belge. Une profonde amitié grandit entre le prêtre et « Le Rebelle » – selon le titre du livre (Cerf, 1988) du P. Maillard dans lequel il racontait l’itinéraire cabossé de Jacky, sa conversion au christianisme et comment ils avaient fondé ensemble une maison d’accueil pour anciens détenus (aujourd’hui fermée).

Le P. Maillard a publié trois autres livres – « Le Bonheur d’aimer » (Cerf, 1995), « Le secret d’un visage » (Presses de la Renaissance, 2007) et « L’Évangile aux voyous » (Cerf, 2008) – dans lesquels il ne cessait de réaffirmer qu’« il n’y a pas d’Église sans la joie d’être ensemble » et que « l’Église doit retrouver cette dimension de rencontre gratuite avec les plus pauvres ». Ses funérailles auront lieu mardi 3 septembre à 10 heures, au couvent des dominicains de Lille, 7 avenue Salomon.

Claire LESEGRETAIN

© Copyright 2013 – La Croix


Des moines copistes seraient à l’origine @

Certains historiens affirment que l’arobase, utilisée dans les adresses électroniques, a été inventée par des moines copistes au Moyen Âge. Son tracé bref leur permettait, selon eux, d’économiser des coups de plume lors de leurs travaux.

C’est l’emblème de l’ère numérique. Un petit signe pratique et efficace qui ouvre les portes d’une communication sans frontière s’exerçant par mail ou via les réseaux sociaux. Et pourtant… C’est peut-être au XVIe siècle, sous la plume de moines copistes, qu’est né le symbole « @ » selon des historiens. Comme l’explique un article publié sur la version américaine du Huffington Post, il leur permettait d’économiser de précieux coups de plume.

UN GAIN DE TEMPS

Avant que Gutenberg et la naissance de l’imprimerie ne révolutionnent les modes de transmission de l’écrit en Europe occidentale, les moines étaient chargés de copier, de décorer, de relier et de conserver la plupart des documents, alors majoritairement religieux. Une tâche laborieuse dont ils s’acquittaient manuellement au sein d’un atelier, le scriptorum.

Utilisé comme un équivalent du « a » italien (qui correspond à la préposition « à » en français), l’arobase et son tracé bref, effectué d’un coup, leur aurait permis de gagner en vitesse et, donc, de travailler plus vite. La thèse n’est pas attestée mais elle est plausible, les moines copistes étant souvent considérés comme les inventeurs de caractères typographiques et de certains signes de ponctuation, comme le point d’interrogation, venu remplacer le terme latin « questio ».

DES ORIGINES MULTIPLES

La première utilisation connue de l’arobase – aussi appelé « a commercial », ou arobe – a été identifiée dans une lettre datant du 4 mai 1536, rédigée par un marchand de Florence nommé Francesco Lapi.

Certains experts attribuent son origine à la langue anglaise et au mot « at » (la préposition « à » en français), dont il serait une abréviation. Le mot « arobase » en revanche, a été attesté dès 1088. Il provient de l’espagnol « arroba », une unité de mesure de masse et de volume, elle-même dérivée d’un terme arabe signifiant « le quart ».

JEANNE FERNEY

© La Croix - 2013


La Cathédrale (2)   Un lieu liturgique

La cathédrale n'est pas qu'un monument, historique souvent, dans la cité ou une œuvre architecturale marquante. Elle a d'abord une fonction liturgique et symbolique forte pour le diocèse et son évêque. La mise en œuvre de la réforme liturgique à la suite du concile Vatican II a permis au peuple chrétien de se réapproprier la cathédrale et d'en retrouver le chemin pour vivre les grandes célébrations liturgiques présidées par l'évêque. Depuis la fin du xxe siècle, une cathédrale a été construite en France, celle d'Évry, une autre a vu sa façade achevée (Lille) et actuellement au moins deux autres connaissent des rénovations et transformations importantes (Créteil et Nanterre). C'est dans le cadre de la cathédrale de Créteil que le frère Patrick Prétot, osb, ancien directeur de l'Institut supérieur de Liturgie de l'Institut catholique de Paris, a prononcé, fin novembre 2012, la conférence qui suit. Il nous invite à méditer sur le lieu liturgique de la cathédrale où l'évêque exerce le « ministère de la communauté », avec les prêtres et les diacres ainsi que l'assemblée des fidèles, manifestation du Corps du Christ. C'est à la lecture du Cérémonial des évêques (1984) et du Rituel de la dédicace des églises (1988), qu'il nous fait entrer dans cette signification liturgique de la cathédrale.

LA CATHÉDRALE : UN LIEU LITURGIQUE ?

Sans tomber dans le travers du liturgiste grincheux, qui se croit gardien du sanctuaire et qui rappellerait, avec plus ou moins de tact, des vérités que les non liturgistes seraient censées avoir oubliées, cette deuxième partie se situe, du point de vue méthodologique, dans la ligne de la Lettre aux catholiques de France de 1996. Celle-ci commence en effet à prendre la mesure des « conditions » de la proposition de la foi dans la société actuelle. On peut se gargariser de beaux propos sur la cathédrale, on peut en rêver comme d'une sorte de laboratoire ou de conservatoire liturgique, mais on ne peut oublier que, en un temps et un lieu donnés, ceci est étroitement dépendant des conditions concrètes de la vie du diocèse et des chrétiens. Bref, la question est de repérer les obstacles qui aujourd'hui, concrètement, empêchent de percevoir la cathédrale comme lieu liturgique. Nous suivrons ici la grande prière de dédicace des églises qui résume à sa manière ce que l'Église dit des églises de pierre.

La prière de dédicace commence par une sorte de porche de louange qui affirme qu'il convient de chanter la louange du nom de Dieu au moment de la consécration de cette « maison de prière », mais surtout qui en désigne les trois fonctions principales qui sont rapportées au « peuple des fidèles » : c'est là qu'il « viendra t'adorer, s'instruire de la parole et se nourrir des sacrements ». En d'autres termes, la cathédrale, comme les autres églises est lieu d'adoration, d'écoute de la Parole, et de célébration des sacrements.

Puis un premier paragraphe affirme d'emblée la relation essentielle entre le bâtiment et le mystère de l'Église, un mystère de l'Église qui est ensuite déployé, à l'instar de ce que l'on trouve dans la Constitution Lumen gentium par trois images bibliques qui composent une sorte d'hymne :

Église sainte, elle est la vigne que tu as choisie

dont les sarments s'étendent sur le monde [...]

Heureuse Église,

elle est la demeure de Dieu parmi les hommes,

le temple saint fait de pierres vivantes [...]

Église de gloire,

elle est la cité bâtie sur la montagne,

clarté attirant tous les regards [...].

La vigne, le temple et la cité. La vigne comme réalité patrimoniale qui désigne la joie de la vie. Le temple qui renvoie à la présence de Dieu avec les hommes. La cité sur la montagne qui éclaire les hommes. Et chacune de ces trois images est comme polarisée par les réalités d'en-haut, cette dimension eschatologique sans laquelle l'église de pierre n'est rien qu'un bâtiment de plus et l'Église du Christ qu'une institution gérant des affaires religieuses. La vigne est mise en relation avec le bois de la croix, qui soutient les sarments, c'est-à-dire les fidèles, pour « qu'ils s'élèvent jusqu'au royaume des cieux » ; la demeure et ses pierres vivantes avec la pierre angulaire qui est le Christ ; la citée lumineuse avec l'agneau au centre entourée par le chant des bienheureux dans le ciel.

Si la cathédrale est un lieu liturgique, c'est parce qu'elle est ce lieu saint qui invite l'homme à découvrir que notre monde n'est pas clos sur la recherche éperdue de l'efficacité technique ou économique, sur la promotion des égoïsmes, mais qu'il a vocation à découvrir la vie qui dépasse tout ce que nous pouvons espérer. La cathédrale est ce lieu où se manifeste la promesse du royaume des cieux.

Mais il ne faut pas se bercer d'illusions. De telles affirmations constituent évidemment de grands défis. Dans la société contemporaine, l'Église a beaucoup de difficultés à se faire percevoir comme mystère, corps du Christ, épouse et mère qui engendre par la puissance de l'Esprit. Tout cela qui fait pourtant la nature propre de l'Église telle qu'elle est confessée dans le Credo (« Je crois en l'Église, une sainte, catholique et apostolique ») est recouvert par un discours de plus en plus appuyé qui ne voit dans l'Église qu'une institution vieillie, en perte de vitesse, et dont le visage médiatique est le plus souvent connoté négativement.

Si dans le passé la construction des cathédrales fut parfois l'expression des rivalités entre cités ou entre les hauts personnages qui étaient les commanditaires des chantiers, la construction de cathédrales pour aujourd'hui doit veiller à traduire ce mystère nuptial qui relie le bâtiment et l'Église, corps du Christ. Mais précisément, au temps de la mondialisation, dans une civilisation du virtuel qui conduit à être partout et nulle part, où par conséquent les sans domiciles fixes ne sont pas que sur les trottoirs de nos cités, comment faire pressentir de telles réalités à nos contemporains ? Loin de toute recherche arrogante de paraître, fut-ce au nom d'un légitime souci de visibilité et de signifiance, il s'agit donc de chercher des formes architecturales mais aussi des aménagements qui soient tels que l'édifice invite l'homme contemporain vers une réalité qui le dépasse.

Mais il faut encore aller plus loin. La deuxième partie du texte de la prière de dédicace s'ouvre par une supplication pour que Dieu répande sa bénédiction sur l'église pour qu'elle « soit à tout jamais un lieu saint » et sur l'autel pour qu'il « soit à tout jamais la table préparée pour le sacrifice du Christ ».

À nouveau dans ces quelques formules se trouve un autre défi majeur. Parce que la cathédrale est un lieu liturgique, qu'elle a fait l'objet d'une dédicace solennelle, elle est un lieu « consacré ». La formule « à tout jamais » qui exprime une alliance définitive, car les dons de Dieu et ses promesses sont irrévocables, sonne aujourd'hui comme une sorte de provocation. La caducité des réalisations humaines semblent connaître une telle accélération que l'idée même d'affecter définitivement un lieu, et de plus de l'affecter à ce qui ne semble revêtir, au moins apparemment, aucune « utilité », est devenu pour la plupart de nos contemporains, une affirmation indéchiffrable.

Il est possible par conséquent que dans les temps où nous sommes, travailler à l'édification d'une cathédrale constitue un des rares gestes prophétiques, qui par son aspect provoquant même, manifeste la foi des chrétiens dans le mystère de l'Alliance entre Dieu et les hommes. On peut d'ailleurs noter que les trois images évoquées ci-dessus, la vigne, le temple et la cité, entre dans le jeu des figures bibliques de l'Alliance, ces figures que les psaumes rappellent sans cesse à notre mémoire, le psaume 79 pour la vigne, ou le psaume 47 pour le temple et la cité.

Mais nous ne sommes pas encore arrivés au sommet... qui s'exprime dans un lyrisme qui n'est pas sans évoquer le chant de l'Exultet de la nuit de Pâques :

Ici, Père très saint,

que les flots de ta grâce recouvrent

les fautes des hommes,

afin que tes fils, morts au péché,

renaissent de la vie d'en haut.

Ici, que tes fidèles,

alentour de la table de l'autel,

celèbrent le mémorial de la Pâque

et se nourrissent au banquet

de la parole du Christ et de son corps.

Ici, que résonne en joyeuse offrande de louange

la voix des hommes unie aux chœurs des anges,

et que monte vers toi pour le salut du monde

une incessante prière.

Ici, que les pauvres rencontrent la miséricorde,

que les opprimés trouvent la vraie liberté,

que tous les hommes recouvrent la dignité de tes fils,

dans l'espérance de parvenir un jour,

pleins de joie, à la Jérusalem d'en haut.

Dire que la cathédrale est un lieu liturgique, c'est affirmer qu'elle est investie d'une véritable « vocation ». Elle est appelée à être le lieu de la vie sacramentelle - on voit que les deux premières mentions de ce passage évoquent le baptême et l'eucharistie -, mais aussi le lieu de la prière pour le salut du monde et enfin celui où se manifeste la charité de l'Église. Les contraintes de la société en matière d'actions auprès des plus démunis risquent bien souvent aujourd'hui d'aboutir à isoler les œuvres de charité en les confiant de manière spécifique à certaines personnes, certains groupes ou institutions. Par là, se perd l'idée que cette dimension essentielle de la vie de la communauté chrétienne est à sa manière, proprement liturgique. On sait que ce qui est devenu la quête était dans le passé (et encore aujourd'hui dans certains pays), le lieu de manifestation de la charité de la communauté envers les pauvres.

On voit d'ailleurs apparaître ici la cohérence ecclésiologique entre le ministère diaconal auprès de l'évêque et le service de la charité qui revient à l'évêque au nom de toute la communauté. Le ministère des diacres, qui comporte notamment le souci des pauvres, est en lien avec celui de l'évêque. La diaconie procède ainsi de la liturgie, comme expression de la vie communautaire: on ne peut donner que ce que l'on a reçu et c'est l'Église qui est le sujet des œuvres de charité. Là encore, il faut bien reconnaître que les défis ne sont pas minces. Aujourd'hui le risque est sans doute moins de quitter la noble simplicité qui sied aux édifices chrétiens, que de ne pas parvenir à signifier que la cathédrale est aussi le mémorial de la charité de la communauté.

Il faut encore souligner un autre défi qui trouve son origine surtout dans les dispositifs pastoraux. Le Cérémonial des évêques de 1984, souligne en effet que l'évêque :

règle la célébration du baptême, où est donnée la participation au sacerdoce royal du Christ ; il est le ministre originaire de la confirmation, et le responsable de toute l'initiation chrétienne qu'il accomplit par lui-même ou par ses prêtres, ses diacres et ses catéchistes.

Et il précise encore :

Sauf dans les cas de nécessité, l'évêque ne célèbrera pas les sacrements de l'initiation chrétienne dans les chapelles ou les maisons privées, mais normalement dans l'église cathédrale ou les églises paroissiales, de façon que la communauté puisse y prendre part.

Même si la célébration du baptême y a parfois lieu, il est peu probable que sur le plan d'une ecclésiologie vécue, la cathédrale soit associée de manière structurante au baptême et donc au ministère épiscopal. On le sait, le baptistère adossé à la cathédrale a été longtemps le lieu unique du baptême chrétien. Il ne s'agit pas de rêver à un retour au ve siècle, mais dans un monde nomade, le baptistère de la cathédrale a vocation à devenir le lieu mémorial du baptême des chrétiens. Il en va aussi de la compréhension du ministère épiscopal qui ne peut se résumer à un rôle d'organisation, de représentation et de communication. L'évêque est père spirituel et la cathédrale est le lieu où ceci se manifeste.

© Document épiscopat n°7 - 2013

« Si quelqu’un vient à moi »

Commentaire de l’Évangile du XXIIIème Dimanche du Temps ordinaire

Voici que sur le chemin qui conduit à Jérusalem, Jésus donne des conseils précis à ceux qui veulent le suivre. « Si quelqu'un vient à moi… » Et les paroles de Jésus, ce dimanche, sont assez dures à entendre ! Quels sont donc ces conseils à celui qui veut suivre Jésus ?

Le premier est un arrachement aux liens familiaux. Il s'agit de préférer le Christ à son père, sa mère, ses sœurs, ses frères et même sa femme et ses enfants. Le Christ revendique la première place dans notre cœur et dans notre vie quotidienne. Bien sûr, le Seigneur connaît le commandement d'honorer son père et sa mère et lui-même a enseigné que l'union de l'homme et de la femme est telle que l'homme ne peut séparer ce que Dieu a uni. Mais le Seigneur sait aussi que la famille - si bonne soit-elle - peut être étouffante et constituer un grand obstacle à la vie chrétienne. Le Seigneur le sait lui-même avec sa propre famille qui le prend pour un fou et veut l'arrêter dans sa mission. Que d'enfants en âge de scolarité ou de jeunes aujourd'hui sont empêchés d'être baptisés par leurs propres parents ! Que de jeunes sont arrêtés sur le chemin d'une vocation sacerdotale ou religieuse par leur famille, même chrétienne, même pratiquante et « engagée », comme on dit ! Le Seigneur sait ce qu'il dit : pour le suivre, il faut s'arracher aux liens familiaux pour les vivre librement : car la suite du Christ donne la liberté dans sa relation avec sa famille, liberté sans rupture mais avec hiérarchie des importances, liberté devant tous les enfermements familiaux de toutes sortes, et souvent subtils.

Le second arrachement est le détachement par rapport quand dira-t-on. En effet, porter sa croix, c'est supporter l’humiliation, la dérision, c'est « ne pas rougir de lui. » Nous ne nous rendons pas compte à quel point le regard et l'opinion d'autrui sont une prison pour nous. Que de choses nous désirons ou que nous faisons uniquement parce que d'autres - des amis, des proches - le font ! Que d'actions nous n'osons faire, que de paroles nous retenons à cause de l'opinion des autres ! Dans notre pays où la mode est au rejet du christianisme, que de personnes qui s'arrêtent sur le chemin de la foi à cause des idées du temps. Jésus nous prévient : le suivre, c'est suivre un maître crucifié.

Le troisième arrachement est le renoncement aux biens. Là encore le Seigneur sait à quel point la possession des biens est un obstacle sur le chemin de l'Évangile. Comment un homme qui met tout son intérêt dans ses biens, peut-il encore s'attacher au Christ ? Comment un homme qui met toute sa sécurité dans ses richesses, peut-il se confier au Christ comme doit le faire, de tout son cœur, un vrai disciple ? Il y a une logique : si le Christ est tout, alors on ne peut pas aller vers lui avec tout ce qu'on a, encombré de tout ce qu'on possède ! C'est cette logique que le maître explicite dans deux petites paraboles : quand on construit une tour, on calcule avant pour savoir si on peut aller jusqu'au bout de la construction… Si on fait la guerre, on calcule si on a ce qu'il faut pour remporter la victoire… Si on veut suivre le Christ il faut mieux savoir jusqu'où cela mène et les conditions qu'il faut remplir « pour aller jusqu'au bout »… Dans cet appel, le Seigneur nous demande de ne pas nous appuyer sur nos richesses, de ne pas accaparer de biens, de ne pas vivre pour nos biens, en référence à eux… Les dons concrets sont un bon moyen pour manifester régulièrement sa renonciation à l'appui sur les richesses.

Telle est la Sagesse, la vraie, qui nous est donnée par le Christ. C'est l'Esprit Saint seul qui peut nous la donner avec la force de l'accomplir. Comme le dit la première lecture : « Et qui aurait connu ta volonté si tu n'avais pas donné la Sagesse et envoyé d'en-haut ton Esprit Saint ? C'est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits, c'est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et par la Sagesse, ont été sauvés. » 
Que le Seigneur donne à chacun de nous la grâce d'entendre cette parole du maître ce dimanche et de l'accomplir avec joie et liberté.

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