PKO 04.08.2013


Dimanche 4 août 2013 – XVIIIème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°43/2013

HUMEURS

Qui suis-je pour la juger ?

 « Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger ? Le Catéchisme dit de ne pas marginaliser ces personnes. Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, nous devons être frères, le problème est de faire des lobbies… »

Cette parole du Pape François fait couler beaucoup d’encre dans les médias nationaux et même dans la presse locale… faisant à croire qu’il y a révolution dans l’Église !

Or ces propos sont la continuité de l’enseignement de l’Église : ne jamais réduire une personne à ses actes, à ses tendances… Le Pape Benoît XVI l’affirmait déjà avec force dans son livre « Lumière du monde » en 2010 : « Le premier point, c’est qu’il s’agit de personnes humaines avec leurs problèmes et leurs joies, qu’en tant qu’être humains, ils méritent le respect, même s’ils portent cette tendance en eux, et qu’ils ne doivent pas être rejetés à cause de cela. Le respect de l’être humain est tout a fait fondamental et décisif… » (p.199).

L’opposition que les journalistes tentent de faire entre le Pape François et ses prédécesseurs n’a pas lieu d’être. En réalité le respect de tout homme, sans exception, est la valeur fondamentale de l’Évangile, révélé par le Christ… et,  n’en déplaise à quelques esprits chagrins et anticléricaux, il est à l’origine des Droits de l’Homme.

L’affirmation que « tout homme vaut plus que ces actes » s’exprime de façon lumineuse dans le sacrement du pardon… pardon offert à tout homme sans exception…

Mais encore faut-il croire en l’homme pour croire au pardon… Et sur ce point … ce n’est pas à l’Église de se remettre en question… mais bien à un certain courant de la société moderne !

En marge de l’actualité

L’après J.M.J. 2013

 Ils étaient plus de trois millions sur la plage de Copacabana à Rio, près de 1 000 au stade Pater à Tahiti… Qu'est-ce qui mobilise ainsi les jeunes de partout ? Probablement un désir de rencontre, une soif d'espérance… Le pape François serait-il la réponse ? À en croire les déclarations de nombreux jeunes il semble que ce soit la personne du Pape mais aussi ce qu'il incarne et ce qui l'anime que les jeunes sont allés chercher à Rio et dans les rassemblements diocésains.

Les jeunes – et ils l'ont montré en de nombreux pays – sont fatigués des discours politiques remplis de promesses non tenues, agacés par les double-vies de leurs gouvernants, écœurés par le mensonge, la corruption, les combines… L'égoïsme, l'individualisme, l'injustice… leur pourrissent la vie.

Alors le pape François est-il le « nouveau leader » qu'ils recherchent. « Leader » n'est pas le mot exact, chez nous on dirait « Metua », quelqu'un qui soit à la fois « un père » et « un mentor ». Ce pape venu d'Argentine, comme il le dit lui-même, n'est pas venu leur apporter or et argent, il est venu leur montrer un modèle, un guide et un chemin en la personne de Jésus. Ce que les jeunes apprécient en « François » : sa franchise, sa recherche de la vérité. Il dit et il fait.

Les JMJ sont un temps de rencontre festive, un temps de ressourcement, mais surtout un « passage ». Dans son homélie de clôture, François a été clair : « Cela a été beau de participer aux Journées mondiales de la Jeunesse, de vivre la foi avec des jeunes provenant des quatre coins du monde, mais maintenant tu dois aller et transmettre cette expérience aux autres ».

Il a donné trois indications simples pour être en conformité avec ce que Jésus demande à TOUS (jeunes, laïcs, prêtres, évêques, religieux…) : « Allez, ...sans peur,... pour servir ».

Il ne s'agit d'entrer en esclavage mais de partir « ensemble », « sans peur », pour « une mission d'amour », de miséricorde. C'est un appel à sortir des sacristies, des presbytères, des églises pour rejoindre « ceux qui sont loin », les perdus...

« Porter l’Évangile c’est porter la force de Dieu pour arracher et démolir le mal et la violence ; pour détruire et abattre les barrières de l’égoïsme, de l’intolérance et de la haine ; pour édifier un monde nouveau. »

L'après-Rio c'est un appel à retrousser nos manches, non pas pour faire du prosélytisme à tout prix mais pour témoigner de ce qui nous motive dans la vie : notre foi, notre espérance par le service de la charité envers tous.

Dominique SOUPÉ

Chancelier

Appel à la rébellion contre la culture du provisoire

Rencontre du Pape François avec les jeunes bénévoles des JMJ Rio 2013

Très chers volontaires, bonsoir !

Je ne pouvais pas repartir à Rome sans avoir auparavant remercié personnellement et affectueusement chacun de vous pour le travail et pour le dévouement avec lequel vous avez accompagné, aidé, servi les milliers de jeunes pèlerins ; pour les nombreux petits gestes qui ont fait de ces Journées mondiales de la Jeunesse une expérience inoubliable de foi. Par les sourires de chacun de vous, par la gentillesse, par la disponibilité au service, vous avez prouvé qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35).

Le service que vous avez accompli ces jours-ci m’a rappelé la mission de saint Jean-Baptiste, qui a préparé le chemin à Jésus. Chacun, à sa manière, a été un instrument afin que des milliers de jeunes aient « le chemin préparé » pour rencontrer Jésus. Et c’est le service le plus beau que nous puissions accomplir comme disciples missionnaires. Préparer le chemin afin que tous puissent connaître, rencontrer et aimer le Seigneur. À vous qui, en cette période, avez répondu avec promptitude et générosité à l’appel pour être volontaires durant les Journées mondiales de la Jeunesse, je voudrais dire : soyez toujours généreux envers Dieu et envers les autres : on n’y perd rien, au contraire la richesse de vie qu’on en reçoit est grande !

Dieu appelle à des choix définitifs ; il a un projet sur chacun : le découvrir, répondre à sa propre vocation est une marche vers la réalisation heureuse de soi-même. Dieu nous appelle tous à la sainteté, à vivre sa vie, mais il a un chemin pour chacun. Certains sont appelés à se sanctifier en constituant une famille par le Sacrement du mariage. Il y a ceux qui disent qu’aujourd’hui le mariage est « démodé » . Est-ce « démodé » ? [Non...] Dans la culture du provisoire, du relatif, beaucoup prônent que l’important c’est de « jouir » du moment, qu’il ne vaut pas la peine de s’engager pour toute la vie, de faire des choix définitifs, « pour toujours », car on ne sait pas ce que nous réserve demain. Moi, au contraire, je vous demande d’être révolutionnaires, je vous demande d’aller à contre-courant ; oui, en cela je vous demande de vous révolter contre cette culture du provisoire, qui, au fond, croit que vous n’êtes pas en mesure d’assumer vos responsabilités, elle croit que vous n’êtes pas capables d’aimer vraiment. Moi, j’ai confiance en vous, jeunes, et je prie pour vous. Ayez le courage d’« aller à contre-courant ». Et ayez aussi le courage d’être heureux.

Le Seigneur appelle certains au sacerdoce, à se donner à lui de manière plus totale, pour aimer tout le monde avec le cœur du Bon Pasteur. Il appelle d’autres à servir leurs frères et sœurs dans la vie religieuse : dans les monastères en se consacrant à la prière pour le bien du monde, dans divers secteurs de l’apostolat, en se dépensant pour tous, spécialement pour ceux qui sont plus dans le besoin. Moi, je n’oublierai jamais ce 21 septembre-là – j’avais 17 ans – quand, après m’être arrêté dans l’église de San José de Flores pour me confesser, j’ai senti pour la première fois que Dieu m’appelait. N’ayez pas peur de ce que Dieu vous demande ! Ça vaut la peine de dire « oui » à Dieu. En lui, il y a la joie !

Chers jeunes, quelqu’un, peut-être, ne sait pas encore clairement que faire de sa vie. Demandez-le au Seigneur, lui vous fera comprendre le chemin. Comme l’a fait le jeune Samuel qui entendit en lui la voix insistante du Seigneur qui l’appelait, mais ne comprenait pas, ne savait pas que dire et, avec l’aide du prêtre Élie, à la fin, il répondit à cette voix : Parle Seigneur, car je t’écoute (cf. 1 S 3, 1-10). Demandez vous aussi au Seigneur : que veux-tu que je fasse, quel chemin dois-je suivre ?;

Chers amis, je vous remercie une fois encore pour ce que vous avez fait ces jours-ci. Je remercie les groupes paroissiaux, les mouvements et les communautés nouvelles qui ont mis leurs membres au service de ces Journées. Merci ! N’oubliez pas tout ce que vous avez vécu ici ! Vous pouvez toujours compter sur mes prières et je sais pouvoir compter sur les vôtres. Une dernière chose : priez pour moi.

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Sur l’avion du retour, les confidences du Pape

Ce que le Pape a dit aux journalistes dans l’avion…

Rôle des femmes, accueil des homosexuels, relation avec Benoît XVI, réforme de la Curie : le pape s’est livré à un inédit jeu de questions-réponses avec la presse, dans l’avion qui le menait dans la nuit de dimanche 28 à lundi 29 juillet de Rio de Janeiro à Rome, à son retour des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Sur un ton libre, mais maîtrisé, il a accepté un tour d’horizon des questions d’actualité, y compris les plus brûlantes ou controversées.

Sur l’avion qui le ramenait de Rio de Janeiro à Rome, le Pape François s’est adressé aux journalistes et aux cameramen qui l’ont accompagné dans ce voyage au Brésil pour les JMJ. Tout d’abord pour remercier tout le monde, et se dire heureux de ce voyage à peine terminé, un beau voyage qui lui spirituellement lui a fait du bien. « Certes, a ajouté le Pape, je suis assez fatigué, mais j’ai le cœur joyeux et je me sens bien. » « Rencontrer les gens fait du bien, parce que le Seigneur œuvre en chacun d’entre nous, œuvre dans les cœurs, et la richesse du Seigneur est si grande que nous pouvons toujours recevoir énormément de belles choses des autres. Et cela personnellement me fait du bien ». Le Pape ajoutait que durant ce voyage il a été frappé par la grande bonté du peuple brésilien et sa joie de vivre malgré tant de souffrances, une allégresse des plus contagieuses. « Le peuple brésilien, concluait le Pape, a un cœur énorme ! »

Le Pape a évoqué ensuite l’organisation du voyage. « Je dirais des organisateurs, tant du côté brésilien que du Vatican, que j’avais l’impression d’avoir en face de moi un ordinateur, un ordinateur en chair et en os, vraiment. Tant tout était chronométré. Mais c’était tellement bien. » Le Pape évoquait ensuite les problèmes posés par les questions de sécurité, qui préoccupaient à juste titre les organisateurs. Relevant « qu’aucun incident n’était survenu dans tout Rio ces jours-ci, et que tout avait été spontané », le Pape ajoutait : « Avec un peu moins de sécurité, j’ai pu me trouver au milieu des gens, les embrasser, les saluer, sans voitures blindées. » « Certes, a reconnu le Pape, le risque existe toujours qu’il y ait un fou qui fasse quelque chose, mais il y a aussi le Seigneur, non ? Et puis établir un espace de blindage entre l’évêque et le peuple représente une vraie folie, et moi je préfère la folie d’être dehors, en prenant des risques. Oui cette folie d’être dehors. La proximité nous fait du bien à tous. »

Un Pape heureux de son voyage et de l'enthousiasme des jeunes

Le Pape s’est ensuite enthousiasmé pour tout le reste de l’organisation de ces JMJ, autant « au niveau artistique, au niveau religieux, catéchétique et liturgique. » « Superbe » a-t-il déclaré. Parlant du Sanctuaire d’Aparecida, seule étape en dehors de Rio, le Pape a reconnu que « cela avait représenté pour lui une expérience religieuse forte, que voulant s’y rendre seul, “en cachette”, il y avait trouvé la foule. Certes, il le savait avant d’arriver. Et avec toute cette foule il a prié ». Parlant directement aux journalistes de leur travail durant ces JMJ, et reconnaissant qu’il n’avait pas eu le temps de lire la presse ces derniers jours, ni de regarder la télévision, il leur a confié avoir su qu’ils avaient fait du très bon travail, et il les remerciait pour leur collaboration à cet évènement.

Le Pape s’est ensuite émerveillé du nombre de jeunes qui ont participé à ces JMJ de Rio. « On parle de 3 millions de jeunes. J’arrive difficilement à y croire. Mais de l’autel, - je ne sais pas si vous avez pu voir de l’autel - toute la plage était pleine, jusqu’à la grande courbe, tellement de jeunes. On me dit qu’ils venaient de 178 pays. Mgr Tempesta m’en a parlé, le vice-président également m’a donné ces chiffres. C’est important ! Fort. »

Le Pape François nous parle des réformes en cours au Vatican

Un journaliste de l’agence espagnole EFE, Juan de Lara, pour qui c’était le dernier voyage papal de sa carrière, remerciait alors le Pape pour ce voyage splendide et pour ses paroles de compassion pour les victimes de la tragédie ferroviaire à Saint Jacques de Compostelle. Il posait alors une question non pas sur le voyage, mais bien sur les réformes en cours au Vatican, concernant notamment l’IOR, l’Institut pour les Œuvres de Religion.

Le Pape, dans une longue réponse, a précisé d’abord que les actions qu’ils menait depuis 4 mois et demi viennent de deux côtés : le contenu de ce que nous devrions faire tous vient du côté de la Congrégation générale des cardinaux. « C’est une chose que nous cardinaux avions demandé à celui qui deviendrait Pape. Je me souviens que tous demandaient beaucoup de choses. Pensant à quelqu’un d’autre, nous demandions de faire ceci ou cela, par exemple la Commission de huit cardinaux : il est important d’avoir une Consulta outsider (un groupe de consultation indépendant), non pas comme cela se faisait jusqu’à présent, mais en dehors du schéma traditionnel. Cela va dans la ligne de l’évolution de la relation entre synodalité et primat. Si ces huit cardinaux favorisent la synodalité, ils aideront les divers épiscopats du monde qui s’exprimeront dans le même gouvernement de l’Église. Beaucoup de propositions ont été faites et qui doivent être mis en pratique, comme la Réforme du Secrétariat du Synode, dans sa méthodologie ; comme la Commission post-synodale qui devrait avoir un caractère permanent de consultation ; comme les consistoires cardinalices, avec des thématiques non pas tellement formelles, comme par exemple la canonisation… Voilà pour ce qui est du contenu. »

La question épineuse de l'Institut pour les Œuvres de Religion

« L’autre volet, vient de l’opportunité. Je vous confesse, cela ne m’a pas coûté, le premier mois de Pontificat, d’organiser la Commission des huit cardinaux. C’est une chose… La partie économique, je pensais l’affronter l’année prochaine, parce que ce n’était pas le dossier le plus important que j’aurais dû affronter. Mais l’agenda a changé, à cause de circonstances que tous vous connaissez, qui sont du domaine public, et qui ont mis en évidence un problème qui devait être affronté. En premier, celui de l’IOR : comment l’encadrer, le délimiter, le réformer, comment assainir ce qui doit être assaini. Ici nous avons la première Commission de référence, c’est son nom : le chirographe, ce que l’on demande… Nous avons eu la réunion des 15 cardinaux qui s’occupent des aspects économiques du Saint-Siège : ils proviennent de tous les coins du monde. En préparant cette réunion, il est apparu évident qu’il nous fallait une Commission de référence identique pour toute l’économie du Saint-Siège. Le dossier économique a été affronté en dehors de l’agenda, mais ce sont des choses qui arrivent dans l’exercice de la gouvernance… La vie est ainsi faite et c’est aussi ce qui est beau dans la vie. »

Le Pape s’excusait alors d’avoir parlé si longuement, et d’avoir donné toutes ces explications en langue espagnole. Et au journaliste qui lui avait posé la question de l’IOR, il répondait alors de manière précise, mais en italien. « En référence à votre question sur l’IOR, je ne sais pas comment cela finira avec l’IOR. Certains disent que c’est peut-être mieux que ce soit une banque, d’autres que ce soit un fonds d’aide. D’autres encore de le supprimer. Voilà ce que j’entends, mais pour l’instant je ne sais pas. Je fais confiance au travail des personnes de l’IOR, qui actuellement travaillent sur ces questions, et au travail de la Commission. Le président de l’IOR reste en place, le même qu’avant ; par contre, le directeur et le vice-directeur ont donné leur démission. Mais je ne sais comment cette histoire finira, et c’est bien ainsi. Une chose est certaine : il faut trouver la meilleure solution. Et que ce soit une banque, un fonds d’aide, ou n’importe quoi d’autre, l’IOR doit avoir pour caractéristiques, la transparence et l’honnêteté. Une nécessité. Merci. »

Le lobby gay, pas trouvé, et le cas de Mgr Ricca

« On écrit beaucoup sur ce lobby gay, je ne l’ai pas encore trouvé. Je n’ai encore rencontré personne au Vatican qui me montre sa carte d’identité avec écrit “gay”. On doit distinguer le fait d’être homosexuel, et le fait de faire partie d’un lobby, car les lobbies ne sont pas bons (…) Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger ? Le Catéchisme dit de ne pas marginaliser ces personnes. Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, nous devons être frères, le problème est de faire des lobbies, lobbies des affaires, lobbies politiques, lobbies des francs-maçons, c’est cela le problème le plus grave ».

Quant aux révélations de la presse sur Mgr Battista Ricca sur des pratiques homosexuelles et nommé prélat du IOR nommé par le pape François : « J’ai fait ce que prévoit le droit canon, c’est-à-dire l’investigatio previo, et nous n’avons rien trouvé. Mais je voudrais ajouter quelque chose là-dessus. Je constate que, souvent, dans l’Église, dans ce cas comme dans d’autres cas, on va chercher les péchés de jeunesse et on les publie - pas les délits, c’est autre chose, par exemple l’abus sur des mineurs est un délit - mais si un laïc, un prêtre, une religieuse a fait un péché et s’est converti, le Seigneur pardonne. Quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie. (…) Et nous, nous n’avons pas le droit de ne pas oublier. Nous courrons le risque que le Seigneur n’oublie pas nos péchés. »

La fameuse valisette noire

C’est alors Andrea Tornielli, du quotidien La Stampa, qui posait au Pape une question au nom du groupe italien sur le fait qu’il portait avec lui pour ce voyage une valisette noire. Pourquoi la porte-t-il personnellement et que contient-elle ?

Le Pape, très amusé, a assuré qu’elle « ne contenait pas les codes de la bombe nucléaire ! » « J’ai tout simplement toujours agi de la sorte : quand je voyage, je porte mes affaires. Et dans la valisette, j’ai mon rasoir, mon bréviaire, mon agenda, un livre à lire - cette fois un livre sur Sainte Thérèse, que je vénère - . Quand je voyage, je porte mon bagage, c’est normal. Mais ce que tu me dis, que cette photo a fait le tour du monde, cela me semble étrange. En tout cas il faut s’y habituer, c’est normal. La normalité de la vie. »

La parole était ensuite donnée à un journaliste de langue portugaise, Aura Miguel, de Radio Renascença. Il demandait au Pape François pourquoi il demandait toujours que l’on prie pour lui. Le Pape répondait qu’il a toujours exprimé cette requête, dès qu’il est devenu prêtre, « pour que le Seigneur l’aide dans son travail, à aller à la rencontre du peuple de Dieu, avec toutes ses limites, ses problèmes, et le fait qu’il est aussi un pécheur. » « Je dois donc demander que l’on prie pour moi. Cela me vient de l’intérieur. Et même à la Vierge Marie je demande qu’elle prie pour moi le Seigneur. C’est une habitude qui me vient de cette nécessité que j’ai pour mon travail. Je sais que je dois demander. C’est ainsi ».

Le Pape explique qu'il a besoin d'être entouré

C’est ensuite un journaliste qui posait une question pour le groupe anglophone, revenant sur le fait que le Pape avait déclaré qu’au Vatican travaillent de saintes personnes et de moins saintes, et sur les possibles difficultés que rencontre le Pape dans sa volonté de changer les choses au Vatican. Des résistances ? Une seconde question étant : « En vivant de manière austère et simple comme vous le faites, à Sainte Marthe, vous désirez que vos collaborateurs, ainsi que les Cardinaux vous imitent, et vivent peut-être en communauté, ou c’est juste un choix personnel ? »

« Les changements, les changements viennent également de deux côtés. Ce que nous cardinaux avons demandé, et ce qui provient de ma personnalité. Vous parliez du fait que je suis resté à Sainte Marthe, mais je ne pourrais vivre seul dans le Palais Apostolique, et il n’est pas luxueux ! L’appartement pontifical n’est pas tellement luxueux ! Il est large, il est grand, mais il n’est pas luxueux. En tout cas, moi je ne peux pas vivre seul, ou avec un petit groupe. J’ai besoin de gens, d’avoir des gens autour de moi, de parler avec les gens ! »

« Quand les élèves des écoles Jésuites m’ont demandé : “Pourquoi ? par austérité, par esprit de pauvreté… ?”. “Non, non, pour des motifs psychiatriques, tout simplement parce que psychologiquement je ne peux pas. Chacun doit mener sa vie, sa façon de vivre et d’être”. Les Cardinaux qui travaillent à la Curie, beaucoup d’entre eux ne vivent pas comme des riches. Ils vivent dans des appartements, austères eux, vraiment austères. Ceux que je connais, ces appartements que l’Apsa attribue aux cardinaux, non ? Et puis, je voudrais dire une autre chose. Chacun doit vivre comme le Seigneur lui demande de vivre. Mais l’austérité, une austérité générale, je crois qu’elle est nécessaire pour tous ceux qui travaillent au service de l’Eglise. Bien évidemment, il existe un tas de nuances…chacun doit chercher son chemin. »

Autre confidence très personnelle, celle de se sentir enfermé au Vatican. « Si vous saviez combien de fois j’ai eu envie d’aller dans les rues de Rome, et en ce sens je me sens un peu en cage. Mais les hommes de la Gendarmerie vaticane sont bons, je leur suis reconnaissant, maintenant ils me font faire un peu plus. (…) C’est en ce sens que j’ai dit que je me sentais en cage (devant les jeunes Argentins lors d'une rencontre dans la cathédrale de Rio), j’aimerais aller dans la rue, mais je comprends que ce n’est pas possible ! »

Le niveau de la Curie a baissé par rapport au passé

« Quant aux saints, ajoutait le Pape, il y en a : des cardinaux, des prêtres, des évêques, des religieuses, des laïcs. Des gens qui prient, qui travaillent beaucoup, et qui s’occupent des pauvres… sans le faire savoir. J’en connais qui se préoccupent de porter à manger aux pauvres, et dans les moments libres ils vont dans les églises de paroisses, ici et là. Ce sont des prêtres …Il y a des saints à la Curie ! Et puis il y a l’un ou l’autre personnage moins saint, et ce sont ceux-là qui font le plus de bruit. Comme vous le savez, un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui grandit. Et cela m’attriste. Certains sont donc scandaleux, certains. Nous avons ainsi ce monseigneur en prison, je crois qu’il est encore en prison : il n’a pas fini en prison parce qu’il ressemblait à la Bienheureuse Imelda, non ? Ce n’était certes pas un bienheureux. Ce sont des scandales, et ça fait du mal. »

« Une chose que je n’ai jamais dite, mais je m’en suis rendu compte : je crois que la Curie a un peu baissé de niveau, par rapport à avant. Nous avons besoin du profil de ces gens d’antan qui faisaient leur travail. Il y en a mais nous devrions en avoir plus. Si je rencontre des résistances ? Et bien, s’il y a des résistances, je ne les ai pas encore vues. Il est vrai aussi que je n’ai pas encore fait beaucoup de choses, mais pour l’heure j’ai trouvé de l’aide et des gens loyaux. Par exemple, j’aime quand quelqu’un me dit : “moi je ne suis pas d’accord”, et cette situation je l’ai déjà vécue. Mais lorsque je trouve ceux qui disent : “Super, super, super”, et ensuite en derrière disent le contraire. Encore je ne m’en suis pas rendu compte. Peut-être qu’il en existent, mais en tout cas je ne m’en suis pas rendu compte. Des résistances ? En 4 mois et demi, on ne peut pas en avoir trouvé beaucoup… »

Le Pape interrogé sur les divorcés remariés, le mariage gay et l'avortement

Le Pape François a par rapport à la question des divorcés remariés (de pouvoir communier), le Pape a précisé qu'il « fallait regarder cela dans la totalité de la pastorale du mariage. » « Entre parenthèses, les orthodoxes ont une pratique différente. Ils suivent ce qu’ils appellent la théologie de l’économie et offrent une deuxième possibilité. Je crois que ce problème doit être étudié dans le cadre de la pastorale du mariage. L’un des thèmes sur lesquels je consulterai le conseil des huit cardinaux, du 1er au 3 octobre, sera de voir comment avancer en termes de pastorale matrimoniale ». Après avoir indiqué que le prochain synode des évêques devrait traiter de la pastorale du mariage, le pape a précisé : « On se marie sans maturité, sans s’apercevoir que c’est pour toute la vie ou parce que, socialement, l’on doit se marier. Cela entre dans la pastorale du mariage, comme le problème judiciaire de la nullité des mariages ».

A un journaliste qui faisait remarquer qu'il n'avait durant son voyage au Brésil pas abordé directement les questions de l'avortement et du mariage gay, le Pape a répondu très brièvement : « L’Église s’est déjà parfaitement exprimée sur cela, il n’était pas nécessaire de revenir dessus. Il n’était pas nécessaire d’en parler à moins de dire des choses positives. Les jeunes savent parfaitement quelle est la position de l’Église ».

La femme dans l'Église et l'ordination des femmes

« Une Église sans femmes c’est comme le collège apostolique sans Marie. Le rôle de la femme dans l’Église n’est pas seulement la maternité, la mère de famille, il est plus fort, c’est celui de l’icône de la Vierge, celle qui aide à faire grandir l’Église. (…) Paul VI a écrit quelque chose de très beau sur les femmes, mais je crois que l’on doit aller plus loin dans l’explication du rôle et du charisme de la femme. On ne peut imaginer une Église sans femmes actives. (…) Nous n’avons pas encore fait une théologie profonde de la femme dans l’Église. On a seulement dit : elle peut faire ceci, elle peut faire cela : elle fait l’enfant de chœur, elle lit une lecture, elle fait la présidente de Caritas, mais il y a plus, il faut une profonde théologie de la femme ».

Quant à l'ordination des femmes, le Pape François a rappelé que « l’Église a parlé déjà et a dit non ». « Jean Paul II l’a dit avec une formulation définitive, cette porte est fermée ».

Le Pape François et l'agenda des prochains voyages

Le pape François a expliqué avoir en projet un voyage à Jérusalem, avec le patriarche de Constantinople Bartholomée Ier ; « on y travaille, mais on ne sait pas bien si cela se fera ou pas ». « En Amérique latine, je crois qu’il n’y a pas de possibilité d’y retourner : le pape latino-américain a fait son premier voyage en Amérique latine, adieu ! On doit attendre un peu. Je crois que l’on peut aller en Asie, j’ai été invité à me rendre au Sri Lanka, et aux Philippines. Le pape Benoît n’a pas eu le temps d’aller en Asie, et c’est important. (…) Je voulais aller à Constantinople le 30 novembre (fête de saint André, ndlr) pour rendre visite à Bartholomée Ier, mais ce n’est pas possible dans mon agenda, mais si nous pouvons nous le ferons à Jérusalem. Il y aussi une invitation à aller à Fatima ».

Interrogé sur la date probable de la double canonisation de Jean XXIII, « figure parfaite du prêtre de campagne » et de Jean-Paul II « grand missionnaire de l'Église », le Pape François a précisé que selon toute vraisemblance, elle aurait lieu le 27 avril 2014. « La date du 8 décembre 2013, a-t-il précisé, date avancée dans un premier temps, pose un grand problème. Les gens qui doivent venir de Pologne, et qui n'ont pas les moyens de s'offrir l'avion, doivent venir en bus. Et en décembre, les routes sont verglassées ! »

L'admiration et la tendresse pour Benoît XVI

 « Je l’ai toujours apprécié, c’est un homme de Dieu, un homme humble, un homme qui prie. J’ai été tellement heureux lorsqu’il a été élu pape. Et quand il a donné sa démission, il s’est agi pour moi d’un exemple, c’est un grand homme. (…) Il habite au Vatican et certains me disent : “mais comment on peut faire ça… deux papes au Vatican, il ne t’embarrasse pas ? Il ne fait pas la révolution contre toi ?“. Et j’ai trouvé cette réponse : C’est comme avoir un grand-père à la maison, le grand-père sage, vénéré, aimé et écouté. Il est prudent, il ne s’immisce pas. (…) Quand je suis allé lui parler du gros problème des “Vatileaks”, il m’a tout dit avec grande simplicité ».

Le Pape François se sent jésuite avant tout

Interpellé par Antoine-Marie Izoard, directeur de l’Agence Imedia, sur son insistance à se présenter comme « l’évêque de Rome », le Pape répondait : « On ne doit pas aller plus loin que ce qui est dit. Le pape est évêque, l’évêque de Rome, et pour cela il est le successeur de Pierre, le vicaire du Christ… Le premier titre est évêque de Rome et les autres en découlent. Penser que cela signifie être Primus inter pares, non. (…) Mais je pense que cela favorise un peu l’œcuménisme ». Le Pape confiait aussi se sentir jésuite dans sa spiritualité, dans la spiritualité des Exercices, dans la spiritualité qu’il a dans le cœur. Tellement que, « dans trois jours, j’irai fêter avec quelques jésuites la fête de saint Ignace, j’irai dire la messe avec eux. Je n’ai pas changé de spiritualité : François, franciscain, non, et je pense comme un jésuite ».

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La voix de l’Église dans la société

Message de la Conférence des Évêques suisses pour la fête nationale du 1er août 2013

Dans un Message publié jeudi 1er août, jour de la Fête nationale suisse, intitulé « La voix de l’Église dans la société », la Conférence des évêques suisses analyse comment les catholiques peuvent faire entendre leur voix sur la place publique. « Parler de position publique de l’Église ne signifie pas seulement une déclaration des évêques. Il s’agit d’abord de tout acte de personnes inspirées par leur foi. En effet être chrétien doit avoir des conséquences, sinon cela ne signifie rien. Puisque le chrétien croit que Dieu aime les hommes, il se sait appelé à faire de même, et le manifeste aussi dans l’attention à ceux que personne ne prend en considération, et dans le pardon jusqu’à l’amour des ennemis », explique d’abord ce texte signé de Mgr Charles Morerod, évêque de Fribourg, Genève et Lausanne et vice-président de la Conférence des évêques de Suisse.

Dans une société pluraliste comme celle de la Suisse, l’Église devrait-elle encore prendre position publiquement, ou ne devrait-elle pas plutôt s’en abstenir ? Cette question se pose bien sûr à propos de toute Église ou religion, mais nous l’abordons dans notre propre cas, celui de l’Église catholique.

Parler de position publique de l’Église ne signifie pas seulement une déclaration des évêques. Il s’agit d’abord de tout acte de personnes inspirées par leur foi. En effet être chrétien doit avoir des conséquences, sinon cela ne signifie rien. Puisque le chrétien croit que Dieu aime les hommes, il se sait appelé à faire de même, et le manifeste aussi dans l’attention à ceux que personne ne prend en considération, et dans le pardon jusqu’à l’amour des ennemis. On trouve une inspiration évangélique assez directe dans la Constitution fédérale, dont le Préambule, qui commence par invoquer le « Dieu tout-puissant », affirme que « la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».

Une attitude évangélique n’a jamais été évidente : la vengeance est plus spontanée que le pardon, et toute société tend à se satisfaire de l’oubli de ses pauvres. Pourtant le pardon et l’intégration des faibles sont essentiels à la possibilité même d’une communauté humaine paisible. Si on étudie l’histoire en prêtant attention à cet aspect, on verra à quel point l’Evangile a façonné notre société. La vie quotidienne des chrétiens de notre pays continue à façonner notre monde. Chaque geste inspiré – consciemment ou non – par l’Evangile a un effet, et est donc une position chrétienne en quelque sorte publique.

Comme le relève une étude nationale récente, une grande partie des Suisses voit l’impact des Eglises (pas seulement de l’Eglise catholique) comme positif au moins pour les marginaux. Toutefois on ne remarque pas toujours que cet apport social dépend d’une foi vivante :

« Si le christianisme bénéficie d’une bonne image, (…) il n’est plus considéré par tous les Suisses comme la religion de base de la société actuelle. Par contre, une majorité considère que les Eglises nationales continuent d’être utiles pour les personnes socialement défavorisées. Un rôle social qui est pourtant menacé, si de plus en plus de personnes se distancient de la religion. »(La religiosité des chrétiens en Suisse et l’importance des Eglises dans la société actuelle, PNR 58, p.5)

Les positions des chrétiens ne sont pas purement individuelles, car l’être humain vit en société et la foi chrétienne intègre cette dimension communautaire. Certes, au plan individuel ou au plan ecclésial, l’impact des chrétiens n’est pas toujours à la hauteur de l’Evangile. Cela affecte la crédibilité de nos positions, et l’Eglise l’a reconnu à plusieurs reprises en demandant pardon (notamment durant le jubilé de l’an 2000). Le Concile Vatican II a été radical à cet égard :

« Dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent. » (Gaudium et Spes, § 19) 

Si la vie des croyants, y compris bien sûr celle du clergé, voile souvent l’Évangile, ce n’est pas une raison de ne pas annoncer cet Évangile. Au contraire, nous l’annonçons à nous-mêmes et aux autres comme source de renouvellement offerte par Dieu à l’accueil de notre liberté. Sans renouvellement constant, notre foi et ses conséquences pratiques s’affaiblissent et finissent par disparaître.

Prenons quelques exemples de ce qu’une vision chrétienne de la vie humaine peut apporter à la société :

L’homme n’est pas purement matériel et une vision purement matérialiste ne suffit pas à rendre heureux. C’est au nom de la dimension spirituelle de l’être humain que des chrétiens ont résisté aux matérialismes communiste et nazi au XXe siècle.

     Le bien commun du pays et du monde demande que chacun renonce à une partie de ce qu’il pourrait avoir : le christianisme invite à dépasser l’égoïsme, en nous rappelant que la vie présente n’est pas notre seule perspective.

     Beaucoup de nos concitoyens ont des racines chrétiennes, qui expliquent une partie de leurs positions sociales. La connaissance de ces racines aide à comprendre notre société. Comme le facteur religieux joue un rôle important dans le monde entier, le connaître de l’intérieur favorise aussi notre compréhension du reste du monde (ce qui est utile même au plan économique).

     La population suisse compte près de 20% d’étrangers, qui tiennent souvent beaucoup à la religion, et à ce niveau nous pouvons avoir un bon dialogue entre Suisses et immigrés. À titre d’exemple : la commune de Renens a donné en 2012 son « Mérite de l’intégration » aux Missions catholiques espagnole, italienne et portugaise.

     Une vision religieuse aide aussi à dialoguer avec d’autres religions : ce que beaucoup de musulmans craignent, par exemple, ce n’est pas une société chrétienne, c’est surtout une société qui ne laisse pas de place à la religion.

Si les évêques s’expriment parfois publiquement sur des sujets de société, ce n’est donc pas seulement pour éclairer les catholiques à propos de leur foi, mais aussi pour proposer à tous l’apport d’une vision chrétienne. Nous le faisons en écoutant les autres positions, et en espérant pouvoir être aussi écoutés avec la bienveillance présupposée par une société démocratique. Et quoi qu’il arrive nous nous souvenons du cri de l’Apôtre S. Paul : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! ». (1 Corinthiens 9,16)

Au nom des Evêques suisses :

Mgr Charles Morerod,

vice-président de la Conférence des Evêques

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Tu es fou…

Commentaire de l’Évangile du XVIIIème Dimanche du Temps ordinaire

Pour mieux comprendre l'évangile de ce jour, il convient d'avoir une idée de la législation de l'époque du Christ. Pour sauvegarder le patrimoine familial, le droit juif prévoyait que la totalité des propriétés immobilières (terres et maisons) revenait au fils aîné, ainsi qu'une double part des biens mobiliers. C'était le droit d'aînesse. La situation la plus probable qui est ici exposée, c'est donc qu'un « aîné » s'est emparé de tout l'héritage et refuse de remettre à son cadet la petite part qui lui revient. On demande l'arbitrage de Jésus.

Or la réaction de Jésus est surprenante : « Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? » C'est donc pour le moins, une dérobade ! Essayons de la comprendre. C'est un peu comme si Jésus se défendait d'entrer dans les affaires temporelles, dans les questions d'argent. C'est une tentation constante des hommes de demander à la religion de sacraliser leur parti, leurs options temporelles, leurs intérêts. Jésus refuse cette confusion. Il renvoie l'homme à ses responsabilités. C'est à nous de trouver des moyens pour assurer un partage équitable et une gestion équilibrée des ressources de la planète. Il faut chercher, imaginer, se concerter pour établir de bons choix politiques et économiques.

Jésus donc n'entre jamais dans les problèmes que l'homme doit résoudre lui-même. Mais il indique où se trouve l'essentiel et où il n'est pas : « Gardez-vous de toute cupidité, car au sein même de l'abondance, la vie d'un homme n'est pas assurée par ses biens. » L'essentiel n'est pas le service de l'argent ou du profit (qui sont de simples moyens), c'est le service de l'homme. C'est « la vie de l'homme » qui est première, et non la richesse ! Et Jésus explicite sa pensée en racontant la petite parabole sur les soucis d'un riche propriétaire. Le voici donc avec une retraite substantielle, des réserves en abondance, de nombreux intérêts à percevoir, de beaux voyages en perspective, des week-ends gastronomiques... Tu es fou ! dit Dieu. L'infarctus te guette et le cancer te menace. Et tout ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ? « Un homme s'est donné de la peine ; il était avisé, il s'y connaissait, il a réussi. Et voilà qu'il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine. Cela aussi est vanité... » entendions-nous dire par le vieux Qohélet, dans la première lecture. Jésus comme l'auteur de l'Ecclésiaste nous parlent de la déception des réalisations terrestres lorsque l'homme met sa confiance qu'en elles seules. Le monde laissé à lui seul est absurde. Mais alors, que faire ? Quelle attitude adopter ?

La lettre de saint Paul aux Colossiens vient répondre à cette question. « Vous êtes morts et votre vie est désormais cachée en Dieu avec le Christ. » Qu'est-ce à dire ? Il y a le monde des apparences, celui qui se voit, qui se compte, qui se mesure, celui que la raison peut classer et systématiser, celui dans lequel nous sommes le plus à l'aise, celui que nous appelons le réel, le concret. Mais rien de cela ne peut vraiment donner un sens définitif à notre vie. Et puis ce monde-là est traversé par une autre réalité en cours de gestation. À travers les heurs et malheurs de l'histoire, un nouveau monde est en train de sortir de la gangue des apparences. Ne vous enchaînez pas, semble suggérer Jésus, au service du faux dieu argent, idole impitoyable qui détruit, en les déshumanisant, ceux qui s'échinent à gagner toujours davantage. La « vie de l'homme » ne s'achève pas ici-bas. Le coffre fort ne suit pas le cercueil ! C'est Dieu qui est la seule valeur stable, éternelle. Tout le reste est éphémère, passager, « vapeur de vapeur » ou « vanité de vanité » comme disait Qohélet... Il est fou celui qui réduit son horizon à la terre ; il est sage celui dont la richesse est en Dieu.

Mais attention ! Ne faussons pas la pensée de Jésus. La richesse n'est pas mauvaise en soi. Tant mieux si votre compte en banque est bien fourni. La seule question est de savoir « pour qui » vous le dépensez. Est-ce que vous faites servir vos biens ? Est-ce que votre souci essentiel est l'amour ? L'argent peut être bon s'il n'est pas uniquement « pour soi-même »...

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